diff --git "a/data_all_eng_slimpj/shuffled/split2/finalzzrnts" "b/data_all_eng_slimpj/shuffled/split2/finalzzrnts" new file mode 100644--- /dev/null +++ "b/data_all_eng_slimpj/shuffled/split2/finalzzrnts" @@ -0,0 +1,5 @@ +{"text":" \nMichel Leiris\n\nLA R\u00c8GLE DU JEU, III\n\nFibrilles\n\nGallimard\nMichel Leiris est n\u00e9 en 1901. Il a vingt-trois ans quand il adh\u00e8re au mouvement surr\u00e9aliste que lui a fait conna\u00eetre son ami Andr\u00e9 Masson. C'est en po\u00e8te et sous l'enseigne de Max Jacob, qu'il d\u00e9bute dans la litt\u00e9rature, en 1925, avec _Simulacres._ Deux ans plus tard, il publie _Le point cardinal_ , un r\u00e9cit qui est, comme chez Raymond Roussel, un t\u00e9lescopage d'images, de souvenirs, de r\u00eaves, de calembours n\u00e9s de l'automatisme de la pens\u00e9e, de jeux de mots. Dans le m\u00eame esprit, avec la m\u00eame libert\u00e9 laiss\u00e9e \u00e0 l'association d'id\u00e9es, il \u00e9crit entre 1927 et 1928 _Aurora_ (publ. 1946), o\u00f9 l'h\u00e9ro\u00efne au pr\u00e9nom nervalien est le jouet du prestidigitateur Siriel (anagramme de Leiris) et subit les m\u00e9tamorphoses impos\u00e9es par son nom, selon qu'il s'\u00e9crit horrora ou or aux rats, etc.\n\nL'ann\u00e9e 1929 est un moment d\u00e9cisif dans l'itin\u00e9raire personnel, intellectuel et esth\u00e9tique de Leiris, une pierre de touche dans l'\u00e9dification de son \u0153uvre. Il rompt avec le mouvement d'Andr\u00e9 Breton. \u00ab Ayant longtemps souhait\u00e9 de me dissoudre au sein d'une folie volontaire (telle que me semblait avoir \u00e9t\u00e9 celle de G\u00e9rard de Nerval) \u00bb, \u00e9crit-il \u00e0 ce propos dans _L'\u00e2ge d'homme,_ \u00ab je fus pris soudain d'une crainte aigu\u00eb de devenir effectivement fou. \u00bb Il se d\u00e9tourne du strict jeu avec la langue pour faire de celle-ci un outil de recherche introspective. Ses interrogations sur lui-m\u00eame, et notamment sur ses rapports avec le sacr\u00e9, l'interdit, la transgression de l'interdit, l'\u00e9rotisme et la mort rejoignent celles de Georges Bataille, son a\u00een\u00e9, dissident comme lui du mouvement surr\u00e9aliste. Leiris participe avec lui au Coll\u00e8ge de Sociologie, et fournit, pour _Documents,_ revue que vient de fonder Bataille, les textes qui seront r\u00e9unis dans _Bris\u00e9es_ en 1969. Toujours \u00e0 cette \u00e9poque, Leiris entreprend une psychanalyse et s'int\u00e9resse aux mythes et \u00e0 l'ethnologie. De 1931 \u00e0 1933, il participe \u00e0 la mission Dakar-Djibouti. _L'Afrique fant\u00f4me_ de 1934 n'est pas seulement une relation, d'ailleurs am\u00e8re, d'exp\u00e9dition ethnologique, il s'en d\u00e9gage en m\u00eame temps cette veine autobiographique qui constituera l'essentiel de la production leirisienne, \u00e0 certains \u00e9gards la plus belle. Quant au filon ethnologique, il est de nouveau exploit\u00e9 dans _Tauromachies_ (1937) et _Miroirs pour la tauromachie,_ deux textes magnifiques o\u00f9 Leiris \u00e9labore sa d\u00e9sormais c\u00e9l\u00e8bre vision de la \u00ab litt\u00e9rature consid\u00e9r\u00e9e comme une tauromachie \u00bb ; puis dans _Haut Mal_ (1943) o\u00f9 est rassembl\u00e9e toute la production po\u00e9tique de ces ann\u00e9es de rupture.\n\nAvec _L'\u00e2ge d'homme_ (1939), Michel Leiris revient \u00e0 son exp\u00e9rience psychanalytique : r\u00eaves, souvenirs d'enfance, chocs esth\u00e9tiques, anecdotes v\u00e9cues, fantasmes, tout est bon qu'entra\u00eene \u00e0 soi l'\u00e9criture, et, comme l'on a dit de la musique qu'elle est faite de ce qui d\u00e9fait le musicien, l'on peut dire de _L'\u00e2ge d'homme_ qu'il est fait de ce qui d\u00e9fait, d\u00e9mant\u00e8le le sujet, lequel n'est effectivement plus, comme le dira Blanchot, le \u00ab je structur\u00e9 du monde, mais d\u00e9j\u00e0 la statue monumentale, sans regard, sans figure et sans nom : le il de la mort souveraine \u00bb. Quelque risque qu'il soit d\u00e9j\u00e0 s\u00fbr d'encourir pour lui-m\u00eame, Leiris n'en d\u00e9cide pas moins ici son entreprise autobiographique.\n\nSauf _Glossaire, j'y serre mes gloses, Nuits sans nuit, Bagatelles v\u00e9g\u00e9tales_ et _Grande fuite de neige,_ l'essentiel de l'activit\u00e9 de Michel Leiris, depuis l'Occupation qu'il passe \u00e0 \u00e9crire _Biffures,_ est consacr\u00e9e \u00e0 la r\u00e9daction des volumes de _La r\u00e8gle du jeu._ S'il poursuit dans le premier volume les explorations commenc\u00e9es avec _L'\u00e2ge d'homme,_ avec _Fourbis_ (1955), Leiris change de \u00ab tactique \u00bb : il ne laisse plus venir \u00e0 lui les choses qui lui sont arriv\u00e9es (r\u00eaves, fantasmes, exp\u00e9riences), il ne rappelle \u00e0 lui que celles \u00ab qui rev\u00eatent une forme telle qu'elles puissent servir de base \u00e0 une mythologie \u00bb. Et ce qu'aura gagn\u00e9 Leiris \u00e0 cette reprise en main de son mat\u00e9riau litt\u00e9raire, c'est cette remarquable aisance stylistique, qui confine parfois \u00e0 la virtuosit\u00e9, et qui caract\u00e9risera d\u00e9sormais sa plume. A la fin de _Fibrilles_ (1966), troisi\u00e8me volet de son entreprise, Michel Leiris \u00e9crit qu'il est sans doute temps pour lui d'arr\u00eater le jeu. Il ne le cessera que trente-cinq ans apr\u00e8s l'avoir commenc\u00e9, avec _Fr\u00eale bruit_ qui cl\u00f4t _La r\u00e8gle du jeu._\n\nPrix des Critiques en 1952, Michel Leiris a refus\u00e9 le Grand prix national des Lettres en 1980.\n\nIl est mort le 30 septembre 1990 dans l'Essonne.\n\n# LA FI\u00c8RE, LA FI\u00c8RE...\n\n# I\n\nNovembre 1955.\n\nJe rentre d'un nouveau voyage qui, cette fois, eut pour th\u00e9\u00e2tre l'Extr\u00eame-Orient, derri\u00e8re ce que les journaux bourgeoisants de nos pays nomment encore \u00ab rideau de fer \u00bb. De tous les tours que j'ai faits, c'est celui-l\u00e0, sans doute, qui m'a donn\u00e9 le plus de contentement. Mais pourquoi, s'il m'a combl\u00e9 \u00e0 ce point, est-ce celui-l\u00e0 aussi qui, au retour, m'aura probablement laiss\u00e9 le plus d\u00e9sempar\u00e9 ?\n\nCinq semaines \u00e0 me promener dans cette Chine qui doit \u00e0 son antiquit\u00e9 comme \u00e0 son gigantisme d'\u00eatre pour nous une mani\u00e8re de s\u0153ur a\u00een\u00e9e. Cinq semaines de contact avec des gens qui m\u00e8nent tambour battant un travail de domptage des forces naturelles et de rationalisation de la soci\u00e9t\u00e9 que je dirais _prom\u00e9th\u00e9en_ si cette r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 l'un des th\u00e8mes centraux de notre mythologie n'appelait, encore plus que l'image h\u00e9ro\u00efque de l'acquisition du feu, celle d'une d\u00e9faite sanctionn\u00e9e par un interminable supplice. Cinq semaines de t\u00eate-\u00e0-t\u00eate avec le communisme en train de transformer l'Asie et d'euphorie telle que je pus penser que, plus jeune et seul ma\u00eetre de mes mouvements, j'aurais cherch\u00e9 vraisemblablement \u00e0 me fixer dans cette R\u00e9publique populaire de Chine qui m'avait invit\u00e9, parmi de nombreux d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s d'Orient et d'Occident, \u00e0 juger aussi bien de l'ampleur de son effort que de la r\u00e9alit\u00e9 des progr\u00e8s accomplis.\n\nOr, ces cinq semaines r\u00e9volues, et quelques autres \u00e9coul\u00e9es depuis que je suis revenu, je garde bien la conviction que d'ici peu d'ann\u00e9es la Chine sera la premi\u00e8re \u2013 au lieu d'\u00eatre seulement la plus ancienne \u2013 de toutes les grandes nations ; mais je constate qu'apr\u00e8s m'\u00eatre cru presque au seuil d'une existence nouvelle (et ne pas m'\u00eatre priv\u00e9, tant s'en faut, de le dire \u00e0 mes h\u00f4tes en des toasts dont j'aurais aim\u00e9 que chacun sans avoir l'air de rien f\u00fbt une \u0153uvre accomplie, \u00e0 la mani\u00e8re d'un po\u00e8me chinois) je me retrouve sensiblement au point o\u00f9 j'en \u00e9tais auparavant et que, mon voyage devenant plus douteux \u00e0 mesure que son recul dans le temps agrandissait la marge d\u00e9j\u00e0 consid\u00e9rable qu'il devait \u00e0 la simple distance, il a suffi d'une br\u00e8ve p\u00e9riode (durant laquelle je respirais l'air de Paris alors que mes poumons \u00e9taient encore tout impr\u00e9gn\u00e9s de celui de P\u00e9kin) pour que le charme en arrive \u00e0 se rompre. Comment ce qui m'avait paru dou\u00e9 d'une solidit\u00e9 de roc a-t-il pu si vite se d\u00e9sagr\u00e9ger ? Comment ces cinq semaines de pl\u00e9nitude, apr\u00e8s le court flottement dont j'ai parl\u00e9, se sont-elles vid\u00e9es de leur substance \u00e0 tel point que je me demanderais pour un peu si je ne les ai pas r\u00eav\u00e9es ? Toutes affaires cessantes, j'examinerai cette question, d\u00fbt le programme que je m'\u00e9tais trac\u00e9 pour organiser mes approches d'une \u00ab r\u00e8gle du jeu \u00bb en \u00eatre bouscul\u00e9 ou d\u00fbt-il m\u00eame \u2013 au regard d'autres questions soulev\u00e9es inopin\u00e9ment \u2013 m'appara\u00eetre n'embrasser qu'une masse inop\u00e9rante de v\u00e9tilles, en sorte qu'il me faudrait m'avouer contraint de le refondre sinon de l'annuler, quitte \u00e0 perdre la face. Car il n'est pas exclu qu'en m'attaquant \u00e0 ce probl\u00e8me je touche d'embl\u00e9e (ou presque) au n\u0153ud de ma recherche et que me soit ainsi prouv\u00e9e (ce qui couperait court \u00e0 toute litt\u00e9rature) l'inutilit\u00e9 de continuer un parcours que je n'avais, peut-\u00eatre, con\u00e7u aussi long et charg\u00e9 de tant de rameaux que par perversit\u00e9, coquetterie ou r\u00e9ticence vis-\u00e0-vis de moi-m\u00eame, si ce n'est par un souci artiste de composition en quelque sorte symphonique.\n\nSans m'attarder par trop \u00e0 faire pr\u00e9c\u00e9der la Chine de toute ma \u00ab pr\u00e9-Chine \u00bb et ne c\u00e9dant qu'\u00e0 moiti\u00e9 \u00e0 cette manie qui m'est rest\u00e9e d'aborder par un biais \u2013 le plus souvent apr\u00e8s maints d\u00e9tours \u2013 une question \u00e0 quoi j'attache de l'importance, je livrerai ici des chinoiseries tir\u00e9es de mon pass\u00e9 proche ou lointain et not\u00e9es presque toutes (comme si l'\u00e9nonciation de ce que j'ai \u00e0 dire exigeait ce prodrome) alors que le voyage en Chine \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 derri\u00e8re moi, et devant moi une \u00e9tape nouvelle du voyage non localis\u00e9 que j'effectue avec pour tapis volant ma table de travail.\n\nM'accrochant tout d'abord \u00e0 un objet compact et bien \u00e9quilibr\u00e9, j'\u00e9voquerai un bibelot qui n'a gu\u00e8re d'anciennet\u00e9 ni de valeur chiffrable, mais que j'aurais souhait\u00e9 recevoir de pr\u00e9f\u00e9rence \u00e0 telle autre des reliques de famille qui peuvent m'\u00e9choir en h\u00e9ritage : une c\u00e9ramique figurant un lutteur couch\u00e9, sur un lit-socle dont je n'ai pas oubli\u00e9 la couleur d'un vert amorti associ\u00e9e \u00e0 du brun, \u00e0 du blanc et du noir pour le personnage, ainsi qu'\u00e0 un ton violac\u00e9, un de ces tons chinois (vermillon, groseille, indigo, turquoise, olive) qui s\u00e9duisent \u00e0 cause du minime d\u00e9calage qu'ils pr\u00e9sentent par rapport aux tons apparemment plus francs auxquels nous sommes accoutum\u00e9s. Lors du tour du monde qu'il effectua en ne pr\u00eatant de s\u00e9rieuse attention qu'au panorama qui se d\u00e9roulait \u00e0 l'int\u00e9rieur de lui-m\u00eame, un repr\u00e9sentant tr\u00e8s marginal de notre mandarinat, Raymond Roussel, rapporta de P\u00e9kin ce souvenir pour l'offrir \u00e0 ma m\u00e8re et je l'ai vu longtemps chez elle, pos\u00e9 sur telle console ou autre accessoire mobilier, avant qu'il dispar\u00fbt quand les Allemands eurent occup\u00e9 la maison qu'elle habita un certain temps \u00e0 Meudon pendant la derni\u00e8re guerre. Tr\u00e8s l\u00e9g\u00e8rement concaves, les quatre c\u00f4t\u00e9s du lit-socle, o\u00f9 saillaient des moulures, s'apparentaient aux toits incurv\u00e9s \u00e0 leurs angles qui, semble-t-il, sont le trait des \u00e9difices chinois que l'\u0153il saisit le plus imm\u00e9diatement. Mais plus que sa forme typique ou que son lieu d'origine, ce qui m'attachait \u00e0 cet objet c'\u00e9tait la personnalit\u00e9 du donateur, que j'avais admir\u00e9 adulte apr\u00e8s l'avoir connu quand j'\u00e9tais tout enfant : l'auteur des abracadabrantes _Impressions d'Afrique,_ celui dont on parlait chez moi en l'appelant \u00ab Ramuntcho \u00bb (nom emprunt\u00e9 par lui-m\u00eame \u00e0 Loti, dont il appr\u00e9ciait fort les r\u00e9cits \u00e0 base d'exotisme), le m\u00e9connu qui finirait tragiquement dans un palace de Palerme une vie des mieux dot\u00e9es par les f\u00e9es mais aussi des plus malheureuses parce qu'il ne se r\u00e9signa pas \u00e0 n'\u00eatre glorieux que pour lui, l'homme richissime, \u00e9l\u00e9gant et princi\u00e8rement affable qui durant des ann\u00e9es vint presque chaque semaine faire de la musique \u00e0 la maison. S'accompagnant au piano et usant \u00e0 merveille d'un filet de voix, il chantait tant\u00f4t _Le Roi des Aulnes,_ tant\u00f4t des fragments d'op\u00e9ras (la mort d'Isolde, par exemple, ou tel air des _Contes d'Hoffmann_ ) auxquels il associait dans ses programmes _Tout autour de la tour Saint-Jacques_ ou autre romance sentimentale et des chansons folkloriques arrang\u00e9es par Jaques-Dalcroze comme _Sur la route de Nyon_ ou bien encore :\n\n_Les fillettes d'Estavayer_\n\n_Beau ch\u00e2teau feuill\u00e9, beau ch\u00e2teau feuill\u00e9..._\n\nl'une de celles que j'aimais le mieux, cit\u00e9e ici \u00e0 l'aveuglette, telle qu'elle g\u00eet en un point recul\u00e9 des temps que j'ai d\u00e9pass\u00e9s.\n\nBibelot ou plut\u00f4t jouet \u2013 de valeur presque nulle car son prix ne devait pas exc\u00e9der une fraction de dollar \u2013 \u00e9tait le serpent articul\u00e9 de bois que je rapportai de New York en revenant de mon premier voyage aux Antilles. C'est dans un petit magasin de Chinatown que je l'avais achet\u00e9, \u00e0 une aimable boutiqui\u00e8re que ses cheveux noirs bien lustr\u00e9s, son teint de paille, ses yeux mongolo\u00efdes et peut-\u00eatre l'exquisit\u00e9 de son sourire en apparence sans appr\u00eat d\u00e9non\u00e7aient pour l'Am\u00e9ricaine un peu particuli\u00e8re qu'elle \u00e9tait. Je venais de d\u00eener \u00e0 la chinoise avec un ami fran\u00e7ais et deux amis new-yorkais, un homme et une femme, lui, sorte de sylphe un peu pot \u00e0 tabac et buveur comme un vrai Kleinzach mais dont la face batracienne s'\u00e9clairait des yeux les plus doux et les plus riches en arri\u00e8re-plans qu'on puisse imaginer (comme s'il vivait d\u00e9j\u00e0 sa fin qui fut pr\u00e9matur\u00e9e) ; elle, beaucoup plus grande et dont l'image m'est rest\u00e9e comme celle d'une belle walkyrie sans armure et, il va de soi, sans corset qui marcherait \u00e0 vos c\u00f4t\u00e9s en tenant votre main pour vous garder de tout p\u00e9ril. Au cours de la _party_ qui avait suivi le d\u00eener (une _party_ donn\u00e9e pour moi par cet Europ\u00e9en new-yorkis\u00e9 qui n'est plus aujourd'hui qu'un peu de cendre dans un cimeti\u00e8re de l'Italie du Nord et qui laissa \u00e0 tous ses familiers le souvenir de l'ami le plus intelligemment z\u00e9l\u00e9 et de l'homme au go\u00fbt le plus d\u00e9licat sous ses dehors dissip\u00e9s) nous nous \u00e9tions livr\u00e9s \u2013 ainsi que le veut le jargon des r\u00e9dacteurs de chiens \u00e9cras\u00e9s \u2013 \u00e0 des libations abondantes, et c'est peut-\u00eatre pour cela que nous e\u00fbmes vite fait de casser la mince et souple ficelle sur laquelle \u00e9taient mont\u00e9es les pi\u00e8ces de bois peint figurant les anneaux du serpent, que je dus rapporter \u00e0 Paris sommairement remis en \u00e9tat mais priv\u00e9 \u00e0 jamais de la mobilit\u00e9 presque inqui\u00e9tante qu'il avait eue \u00e0 l'origine. J'ai regrett\u00e9 de n'avoir pu conserver intact ce fr\u00eale souvenir des quelque trente-six heures qu'en 1948 j'ai pass\u00e9es \u00e0 New York, s\u00e9jour que j'aurais voulu plus long mais qu'une d\u00e9cision m\u00e9fiante de l' _immigration office_ de San Juan \u00e0 Porto Rico (o\u00f9 j'\u00e9tais descendu d'avion avec un communiste martiniquais retrouv\u00e9 \u00e0 l'embarquement par pur hasard) r\u00e9duisit dans des proportions que m'a toujours fait d\u00e9plorer la beaut\u00e9 extraordinaire de la cit\u00e9 atlantique, moins \u00e9touff\u00e9e dans ses hauteurs de pierre qu'on ne pourrait le croire.\n\nBibelot ou jouet (mais cette fois au figur\u00e9 car il n'a pas de mat\u00e9rialit\u00e9 en dehors du feuillet o\u00f9 je le d\u00e9crivis le lendemain de son immixtion dans mon sommeil), voici un r\u00eave que j'ai fait au mois de mai de l'an dernier, quand j'ignorais encore que peu apr\u00e8s j'irais en Chine : je suis re\u00e7u par le philosophe Confucius, sorte de vieil Anglo-Saxon glabre, pr\u00e9cieux et p\u00e9d\u00e9raste, qui se serait travesti en mandarin \u00e0 lunettes et grande robe pour quelque bal masqu\u00e9 ; comme il sied avec Confucius, l'entretien \u2013 qui se d\u00e9roule dans un salon d\u00e9suet, au d\u00e9cor vaguement oriental \u2013 est tout de courtoisie. J'ai fait ce r\u00eave \u00e0 Cannes, o\u00f9 ma femme et moi \u00e9tions all\u00e9s passer quelques jours aupr\u00e8s de Picasso, dont nous ne connaissions pas la nouvelle maison (une grande villa exag\u00e9r\u00e9ment moulur\u00e9e, datant de vers 1900). Dans l'apr\u00e8s-midi j'avais eu avec lui, qui \u00e0 ma connaissance n'a pas trac\u00e9 d'autre figure chinoise que celle d'un des saltimbanques dans le ballet _Parade_ et qui dans ses _Massacres en Cor\u00e9e_ n'a peint que le massacre sans songer un instant \u00e0 la couleur locale, une conversation \u00e0 b\u00e2tons rompus, touchant \u00e0 des sujets fort divers mais dont aucun, je crois bien, n'avait de rapport direct avec l'Asie. Toutefois, nous parl\u00e2mes pendant un bon moment des drogues (opium, haschisch) dont il lui \u00e9tait arriv\u00e9 dans ses ann\u00e9es de jeunesse d'user au hasard de r\u00e9unions d'artistes et de po\u00e8tes. Nous avions d\u00e9jeun\u00e9 de fa\u00e7on tr\u00e8s m\u00e9ridionale dans un restaurant d'Antibes o\u00f9 notre petit groupe comprenait notamment Paulo \u2013 le fils du peintre \u2013 avec ses deux enfants ; au cours du d\u00e9jeuner, le petit gar\u00e7on de Paulo avait donn\u00e9 la c\u00e9r\u00e9monieuse appellation de \u00ab Monsieur Yan \u00bb au chien boxer de Picasso, qui porte ce nom de _Yan_ qu'on croirait ais\u00e9ment, choisi pour sa consonance asiatique alors que c'est en v\u00e9rit\u00e9 le nom breton, dict\u00e9 tout simplement \u00e0 ceux qui en d\u00e9cid\u00e8rent par le protocole de rigueur quant aux chiens \u00e0 pedigree. Canin trait\u00e9 comme un respectable monsieur chinois (ce qui au demeurant convenait \u00e0 son masque de vieux gentleman \u00e0 front rid\u00e9 et bajoues), propos sur les divagations dues \u00e0 l'opium et au haschisch, b\u00e2tisse \u00e0 surcharges et vitrages d'une complication cocasse ne sont \u00e9videmment pas \u00e9trangers au r\u00eave que je fis cette nuit-l\u00e0, anecdote fabriqu\u00e9e \u00e0 partir du pass\u00e9 imm\u00e9diat et non pr\u00e9monition confuse relative au voyage qu'allait bient\u00f4t me proposer l'Association des Amiti\u00e9s franco-chinoises.\n\nLi\u00e9e \u00e0 un \u00e9v\u00e9nement qui marquera dans l'histoire de notre th\u00e9\u00e2tre \u2013 le s\u00e9jour que vers le d\u00e9but de l'\u00e9t\u00e9 dernier la troupe no 1 de l'Op\u00e9ra de P\u00e9kin fit \u00e0 Paris o\u00f9 elle apprit \u00e0 un large public quelle joie immense on peut tirer d'un spectacle _total_ \u2013 est la sc\u00e8ne suivante \u00e0 laquelle j'assistai lors de la r\u00e9ception que les artistes de la troupe donn\u00e8rent, dans les salons attenants au th\u00e9\u00e2tre des Ambassadeurs, \u00e0 un Tout-Paris o\u00f9 se m\u00ealaient toutes les classes sociales et toutes les opinions. Outre une kyrielle de nourritures solides et liquides (parmi lesquelles du vin de riz, ce vin couleur feuille-morte et d'autant plus savoureux qu'il est un peu amer, breuvage qui s'apparente au manzanilla espagnol \u00e0 la s\u00e9cheresse toute _flamenca_ et que je retrouverais avec plaisir en Chine o\u00f9 d'ordinaire on le sert ti\u00e8de ou chaud dans des coupes de porcelaine au moyen de th\u00e9i\u00e8res), un concert fut offert aux invit\u00e9s et c'est une cantatrice chinoise qui l'inaugura en chantant, d'ailleurs tr\u00e8s joliment, le grand air de _Madame Butterfly._ Nous f\u00fbmes quelques-uns \u00e0 \u00e9prouver presque un vertige : une Chinoise chantant pour un public fran\u00e7ais un air extrait d'un op\u00e9ra italien qui a pour cadre le Japon et associe aux couleurs am\u00e9ricaines le drapeau blanc \u00e0 cercle rouge, \u00e0 se repr\u00e9senter clairement pareille cascade de doubles fonds il \u00e9tait difficile de ne pas se sentir au bord de l'\u00e9tourdissement ! Mais, pour nos h\u00f4tes, c'\u00e9tait \u00e9videmment l'une des formes les plus normales parmi celles que pouvait rev\u00eatir un hommage de l'Orient \u00e0 l'Occident.\n\nSur le plan des co\u00efncidences (qu'on aime \u00e0 rechercher parce que la rencontre de deux \u00e9v\u00e9nements sans lien autre que d'analogie ou de similitude sugg\u00e8re l'id\u00e9e po\u00e9tique d'un destin), j'indiquerai que peu avant mon d\u00e9part je fus atteint d'un mal b\u00e9nin mais aga\u00e7ant, dont je crains de n'avoir pas encore r\u00e9ussi \u00e0 d\u00e9finitivement me d\u00e9barrasser : la mycose dite commun\u00e9ment _athlete's foot,_ en fran\u00e7ais \u00ab pied d'athl\u00e8te \u00bb, parce qu'elle s'attrape souvent \u00e0 marcher pieds nus sur les planches mouill\u00e9es et infect\u00e9es des piscines, affection qui en de nombreux cas (je suis pay\u00e9 pour le savoir) s'av\u00e8re tr\u00e8s tenace et qui, largement r\u00e9pandue dans les r\u00e9gions chaudes et humides, est connue dans le Sud asiatique sous le nom de _Hong-kong foot,_ ainsi que me l'apprit le dermatologiste que j'allai consulter. Bien entendu, ce Hong-kong foot que j'ai p\u00each\u00e9 je ne sais o\u00f9 (mais \u00e0 coup s\u00fbr pas en Chine non plus qu'\u00e0 la piscine) m'a laiss\u00e9 tout \u00e0 fait tranquille alors que j'\u00e9tais dans le pays auquel il doit le plus pittoresque de ses noms de bapt\u00eame.\n\nRemonterai-je \u00e0 cet Ali-Baba ravisseur d'enfants, ce brigand auquel un fox-trot \u00e0 la mode vers la fin de la guerre de 1914, _Chu-Chin-Chow,_ nous invitait dans son refrain \u00e0 prendre garde, si je suis incapable d'aborder la Chine \u2013 et ce que je pense \u00e0 mon retour de Chine \u2013 sans recourir encore une fois \u00e0 l'une de ces prises anecdotiques et personnelles qui me permettent, non pas tant d'esquiver la lutte ouverte avec le vrai sujet, que de t\u00e2ter en quelque sorte le terrain et de n'entamer cette lutte qu'apr\u00e8s avoir reli\u00e9 au monde qui d\u00e8s longtemps m'est coutumier la chose jusqu'alors tant soit peu rebelle dont je voudrais parler ? Rechercher dans mes ann\u00e9es ant\u00e9rieures \u00e0 la Chine tout ce qui de pr\u00e8s ou de loin a pu se rapporter \u00e0 ce pays, c'est \u00e0 cela que je me suis d'abord attach\u00e9, comme si je trouvais l\u00e0 un moyen de me l'incorporer et comme si cette esp\u00e8ce de lancer gourmand de tentacules \u00e9tait un stade pr\u00e9liminaire que je ne pouvais \u00e9viter. Mais j'ai compris tr\u00e8s vite qu'en proc\u00e9dant ainsi je ne parviendrais gu\u00e8re qu'\u00e0 rassembler des \u00e9l\u00e9ments sans relation v\u00e9ridique avec moi non plus qu'avec mon sujet : chevilles ou ornements, d'effet plus ou moins heureux mais que laisseraient cousus de fil blanc mes efforts pour les justifier, quelle que soit mon application \u00e0 maquiller ces efforts. J'y renonce donc et n'extrais plus de ce dossier d\u00e9sormais clos que deux indications dont le rejet me semble inopportun non seulement parce que, d'avoir \u00e9t\u00e9 not\u00e9es une fois, elles ont acquis pour moi une valeur de _donn\u00e9_ (qu'apr\u00e8s cette promotion il me co\u00fbterait d'\u00e9carter comme si c'\u00e9tait me d\u00e9mettre) mais parce qu'avec elles c'est par deux voies \u00e9galement directes quoique d'orientation contraire que je p\u00e9n\u00e8tre en Chine, au lieu de m'introduire d'abord, en m'y glissant timidement par quelque porte d\u00e9rob\u00e9e, dans une arri\u00e8re-cour du palais dont je convoite l'acc\u00e8s.\n\nLe _Tao te king_ de Lao tseu, que j'ai lu dans une traduction fran\u00e7aise quand j'avais vingt et quelques ann\u00e9es, a r\u00e9pondu longtemps \u00e0 ce qui \u00e9tait ma premi\u00e8re exigence quant aux livres de philosophie : que le syst\u00e8me propos\u00e9 se formul\u00e2t en sentences sibyllines, simples apparemment et fond\u00e9es sur notre exp\u00e9rience de tous les jours, mais \u00e0 la fois boucl\u00e9es sur elles-m\u00eames et dou\u00e9es d'\u00e9tranges prolongements, comme si les lois ainsi \u00e9nonc\u00e9es arrivaient de tr\u00e8s loin, charg\u00e9es d'une v\u00e9rit\u00e9 trop ancienne et trop \u00e9l\u00e9mentaire pour n'\u00eatre pas incontestable, mais aussi d'un myst\u00e8re en l'occurrence \u00e9gal \u00e0 celui des id\u00e9ogrammes qui ont servi \u00e0 les fixer et, comme eux, impossible \u00e0 d\u00e9chiffrer pour qui n'est pas arm\u00e9 d'une bonne dose de patience et de sagacit\u00e9 ; sentences donc \u00e0 l'autorit\u00e9 de dictons et \u00e0 structure parfaitement claire et balanc\u00e9e, mais dissimulant autant qu'elles r\u00e9v\u00e8lent et riches d'un contenu si profond qu'il ne peut \u00eatre mis au jour sans un dur effort de d\u00e9cortication. C'est \u00e0 l'\u00e9poque des d\u00e9buts du surr\u00e9alisme que je lus le _Tao te king,_ alors qu'\u00e0 l'instar de mes compagnons je tournais mes yeux vers une Asie symbole de connaissance plongeant dans la nuit des temps, tout comme l'Afrique noire et l'Oc\u00e9anie me para\u00eetraient bient\u00f4t ceux d'une sauvagerie propre elle aussi \u00e0 ruiner la logique d'Occident qui n'a su engendrer que la contrainte et les machines. Le Tibet, avec ses couvents haut perch\u00e9s et ses Bouddhas vivants, \u00e9tait vraiment le \u00ab toit du monde \u00bb (si l'on entend par l\u00e0 le haut lieu par excellence) et je serais, un peu plus tard, \u00e9merveill\u00e9 par tels exercices de m\u00e9ditation auxquels j'apprendrais que s'entra\u00eenent ses asc\u00e8tes : d\u00e9faire parcelle apr\u00e8s parcelle et reconstruire de m\u00eame l'image d'un jardin qu'on a suffisamment regard\u00e9 pour le voir mentalement dans tous ses d\u00e9tails, r\u00e9p\u00e9ter l'op\u00e9ration en allant de plus en plus vite mais toujours d\u00e9tail apr\u00e8s d\u00e9tail, jusqu'\u00e0 ce que cette oscillation entre une luxuriance et l'absence m\u00eame de support terrestre ait amen\u00e9 \u00e0 la compr\u00e9hension physique du vide ; fixer un point lumineux qui brille dans la pi\u00e8ce obscure o\u00f9 l'on est enferm\u00e9, se transf\u00e9rer mentalement dans ce point qui maintenant est je et _je-qui-me-regarde,_ effectuer ainsi une suite nombreuse d'allers-et-retours acc\u00e9l\u00e9r\u00e9s, pour qu'au terme de cette gymnastique s'abolisse la coupure entre sujet et objet. Ce que le t\u00e9moignage d'une visiteuse europ\u00e9enne de Lhassa, Mme Alexandra David-Neel, m'avait enseign\u00e9 de certain ou de hasardeux sur la mystique tib\u00e9taine, j'y songeai tr\u00e8s pr\u00e9cis\u00e9ment quand je notai, en mai 1929, au sujet du casse-t\u00eate \u00e0 proprement parler chinois qu'est le probl\u00e8me de la technique po\u00e9tique : _S'habituer \u00e0 une certaine multiplication de la conscience, et s'opposer son c\u0153ur comme d'ordinaire on s'oppose un arbre ou une maison. J'ai l'impression, quant \u00e0 moi, d'une esp\u00e8ce de r\u00e9volution qui se produit en moi_ \u2013 _de mouvement tournant dans lequel ma pens\u00e9e semble d\u00e9crire un demi-cercle et ainsi se tenir face \u00e0 face avec elle-m\u00eame. C'est alors que les mots, au lieu de s'agencer m\u00e9caniquement (psittaciquement), prennent poids et couleur : ils m'\u00e9meuvent moi-m\u00eame, et ne comptent plus en tant que mots._\n\nDe la Chine bizarre et perverse de mon enfance \u2013 celle des pagodes en porcelaine, des condamn\u00e9s porteurs de cangue, des cr\u00e2nes \u00e0 longue natte et du _Jardin des supplices,_ ouvrage dont je connaissais par ou\u00ef-dire quelques-unes des cruaut\u00e9s qu'il contient \u2013 je passai, presque sans transition, \u00e0 la Chine m\u00e9taphysique o\u00f9 le _yin_ et le _yang_ s'affrontent et se conjuguent, puis \u00e0 la Chine de guerre et de r\u00e9volution telle qu'elle figure dans deux des plus c\u00e9l\u00e8bres romans de mon contemporain Malraux. Pour d\u00e9couvrir une Chine au visage plus souriant, il a fallu que j'aie franchi dans mon corps le cap peu r\u00e9jouissant des cinquante ans et que la Chine de son c\u00f4t\u00e9 \u2013 comme par un mouvement inverse \u2013 soit devenue, en s'attaquant \u00e0 la mise en valeur de son \u00e9norme jardin d\u00e9sormais partag\u00e9, l'habitat d'un peuple moins malheureux.\n\nEn 1952 \u2013 par des jours froids et gris \u2013 j'assistais au Congr\u00e8s de la Paix qui r\u00e9unit \u00e0 Vienne des gens de tous pays et toutes couleurs venus \u00e0 titre de d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s, d'invit\u00e9s ou d'observateurs ; or, quand, en marge des s\u00e9ances, le documentaire sur l'assembl\u00e9e du m\u00eame ordre qui s'\u00e9tait tenue \u00e0 P\u00e9kin pour l'Asie et le Pacifique fut projet\u00e9 gr\u00e2ce aux soins de la d\u00e9l\u00e9gation chinoise (o\u00f9 se trouvaient beaucoup d'hommes \u00e0 t\u00eate cr\u00e9nel\u00e9e de beaux bonnets de fourrure comme devaient en porter les Tartares au temps des invasions), c'est par l'exub\u00e9rance, la liesse sans m\u00e9chancet\u00e9 de toute la foule qu'on voyait dans ce film et les honneurs qu'il savait rendre au rire que, cette fois, je fus \u00e9merveill\u00e9.\n\nDanses provinciales ex\u00e9cut\u00e9es par une nu\u00e9e de jeunes Chinoises et Chinois. Nu\u00e9e de bouquets agit\u00e9s pour d'interminables ovations. Ciel bouscul\u00e9 par ce feu d'artifice non d\u00e9tonant : l'envol soudain d'une nu\u00e9e de colombes. Longs serrements de mains, avec profusion de remises d'une profusion de cadeaux : insignes, \u00e9charpes, colliers de fleurs et parfois m\u00eame v\u00eatements. Applaudissements \u00e0 r\u00e9ciprocit\u00e9 quasi simultan\u00e9e selon le rite en vigueur dans les pays de l'Est pour qui (si l'on se fie \u00e0 la lettre du protocole) la joie que marquerait en battant des paumes une seule des parties en pr\u00e9sence, sans que cela d\u00e9termine aussit\u00f4t un r\u00e9pons et soit donc le premier terme d'un \u00e9change d'\u00e9gal \u00e0 \u00e9gal, ne saurait \u00eatre tenue que pour une joie qui s'est arr\u00eat\u00e9e en chemin. Tout le long de ce film \u2013 tourn\u00e9, bien s\u00fbr, \u00e0 des fins \u00e9difiantes mais trop d\u00e9boutonn\u00e9 pour qu'on y per\u00e7\u00fbt le mot d'ordre \u2013 c'\u00e9tait une m\u00eame explosion d'all\u00e9gresse. Cordialit\u00e9, rire, sant\u00e9 des c\u0153urs et des corps, et jusqu'\u00e0 ces interm\u00e8des burlesques qu'il ne d\u00e9daignait pas de montrer en une importante s\u00e9quence : les \u00ab num\u00e9ros \u00bb qu'en dehors du Congr\u00e8s les membres des diverses d\u00e9l\u00e9gations, au cours de r\u00e9unions intimes, se donnaient les uns aux autres. Certes, un Japonais qui, coiff\u00e9 d'un sombrero mexicain, s'essaye \u00e0 danser le bol\u00e9ro ne fait pas preuve d'un tr\u00e8s haut degr\u00e9 d'invention en mati\u00e8re d'humour ; mais il faut bien se dire qu'un r\u00e9volutionnaire tel que le fut L\u00e9nine en \u00e9tait probablement d\u00e9pourvu quand \u2013 selon l'ouvrage que Trotsky lui consacre et qui, voil\u00e0 trente ans, me d\u00e9couvrit quelques traits de la pens\u00e9e marxiste au moment m\u00eame o\u00f9 un \u00e9crivain de ma g\u00e9n\u00e9ration me r\u00e9v\u00e9lait une Chine d\u00e9momifi\u00e9e \u2013 il \u00e9tait pris d'un acc\u00e8s de fou rire devant les camarades \u00e0 la fin d'une lourde s\u00e9ance de travail. L'essentiel n'est pas, ici, qu'il y ait piquant trait de dr\u00f4lerie mais plong\u00e9e dans la dr\u00f4lerie et qu'au sortir d'occupations graves on abandonne son pi\u00e9destal pour se d\u00e9tendre au besoin de la fa\u00e7on la plus banale, plut\u00f4t que d'affecter la mine du p\u00e9dant dont le maintien refl\u00e8te l'opinion trop avantageuse qu'il a de sa personne et semble tendre d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9ment \u00e0 faire \u00ab croire que c'est arriv\u00e9 \u00bb. Depuis longtemps je pense pour ma part qu'il n'est gu\u00e8re de grande chose, de quelque ordre qu'elle soit, qui puisse se faire sans une touche au moins de bouffonnerie. Il n'est pas indiff\u00e9rent que Mozart ait qualifi\u00e9 son _Don Juan_ de _dramma giocoso_ (en somme une trag\u00e9die gaie) et que les romantiques aient eu (m\u00eame sarcastique) leur \u00ab ironie \u00bb.\n\nCe style bonhomme que L\u00e9nine, ennemi jur\u00e9 de l'emphase, a pratiqu\u00e9 magistralement et dont le documentaire sur le Congr\u00e8s de Paix des peuples de l'Asie et du Pacifique m'avait fourni une illustration qui semblait d\u00e9montrer que la Chine de Mao Ts\u00e9-toung pourrait \u2013 sur ce point-l\u00e0 au moins \u2013 nous apporter un enseignement, je l'ai retrouv\u00e9 \u00e0 tout instant au cours du voyage que j'ai fait. De ceux et celles que nos multiples d\u00e9placements nous amen\u00e8rent \u00e0 rencontrer, personne pour nous accueillir mes compagnons et moi autrement que par un rire cordial : on vous regarde et le visage o\u00f9 brillent ces deux yeux qui vous prennent dans leur champ s'\u00e9panouit instantan\u00e9ment. Je veux bien qu'une jovialit\u00e9 aussi imm\u00e9diate et unanime (chez les vieux \u00e0 peine moindre que chez les jeunes) n'ait pas \u00e9t\u00e9 forc\u00e9ment expression spontan\u00e9e, mais peut-\u00eatre plut\u00f4t affaire de politesse ; toutefois, m\u00eame s'il n'y avait rien que de conventionnel dans ces t\u00e9moignages de la joie que procure (ou est cens\u00e9e procurer) la venue d'invit\u00e9s \u00e9trangers, il reste qu'on doit estimer civilis\u00e9 \u00e0 l'extr\u00eame un pays o\u00f9 c'est une attitude d\u00e9bonnaire \u2013 et non point compass\u00e9e \u2013 qui en pareille circonstance est requise par l'\u00e9tiquette. Et il me para\u00eet ind\u00e9niable qu'un certain fond de vraie cordialit\u00e9 est, au demeurant, n\u00e9cessaire \u00e0 qui veut jouer ce jeu : l'acteur qui, trop conscient de son m\u00e9tier, garde les distances avec son r\u00f4le ne parvient que rarement \u00e0 donner le change, si tant est que par chance il y r\u00e9ussisse.\n\nL'\u00e9norme _fiesta_ \u2013 de dimensions presque continentales ou plan\u00e9taires \u2013 dont le reflet m'avait enchant\u00e9 d\u00e8s les premi\u00e8res minutes au cours de cette soir\u00e9e o\u00f9 un \u00e9cran le proposait r\u00e9duit \u00e0 la pauvret\u00e9 relative d'une suite d'images noires et blanches, j'en vis un \u00e9quivalent \u00e0 quoi rien ne manquait, ni la couleur, ni l'\u00e9paisseur, ni aucune des qualit\u00e9s qui affirment la vie, lorsque \u00e0 P\u00e9kin, le 1er octobre de l'an dernier, je regardai pendant pr\u00e8s de quatre heures d'horloge le d\u00e9fil\u00e9 de la f\u00eate nationale chinoise.\n\nJour apr\u00e8s jour nous avions vu la ville accrocher ses luminaires, encadrer de rouge et d'or maintes embrasures de porte (ainsi habill\u00e9es de couleurs dont on ne savait trop si elles \u00e9taient celles de la Chine ou celles de la R\u00e9volution) ; des groupes d'\u00e9tudiants et d'\u00e9tudiantes, d'\u00e9coliers et d'\u00e9coli\u00e8res s'\u00e9taient exerc\u00e9s \u00e0 la danse dans toutes sortes d'endroits, y compris la toiture-terrasse de notre h\u00f4tel ; sur la place o\u00f9 le d\u00e9fil\u00e9 se d\u00e9roulerait et o\u00f9 l'on danserait vers le soir, de longs m\u00e9trages de toile de tente (du m\u00eame ton sang de b\u0153uf que les murs de l'ancien Palais Imp\u00e9rial et que ceux des constructions annexes contre lesquelles on les avait tendus) constituaient les parois improvis\u00e9es de vespasiennes capables d'abriter ensemble des centaines de personnes. Dans P\u00e9kin surpeupl\u00e9, l'animation quotidienne (ce pullulement sans h\u00e2te et sans brutalit\u00e9) s'\u00e9tait encore accrue, mais le 30 septembre \u00e0 minuit tout s'\u00e9tait apais\u00e9, une partie de la ville ayant d'ailleurs \u00e9t\u00e9 neutralis\u00e9e parce que certaines des troupes qui devaient d\u00e9filer s'y installaient avec leur mat\u00e9riel.\n\nAu matin, sur le coup de dix heures, la c\u00e9r\u00e9monie commen\u00e7a par des salves d'artillerie tonitruantes \u00e0 souhait (comme pour rappeler qu'en mati\u00e8re de poudre \u00e0 canon la Chine est la maison m\u00e8re) ; aussi, le ciel d\u00e9j\u00e0 tr\u00e8s m\u00eal\u00e9, mi-nuages, mi-soleil, fut-il longtemps alourdi et, en quelque sorte, surbaiss\u00e9 par de grandes nappes de fum\u00e9e qui tra\u00eenaient \u00e0 faible hauteur. Bon gros Chinois placidement install\u00e9 dans sa carrure imposante, Mao Ts\u00e9-toung entour\u00e9 d'autres personnalit\u00e9s du r\u00e9gime \u00e9tait debout au centre de sa tribune, sorte de vaste v\u00e9randa \u00e0 \u00e9normes lampions sph\u00e9riques vers le haut du vieil \u00e9difice restaur\u00e9 qui porte le nom fameux de Tien An Men ou Porte de la Paix c\u00e9leste.\n\nLe premier mouvement \u2013 _allegro_ \u2013 consista en un d\u00e9fil\u00e9 militaire tr\u00e8s strict mais plut\u00f4t discret, sans exhibition provocante de m\u00e9caniques guerri\u00e8res et r\u00e9duit (semblait-il) \u00e0 ce qui est indispensable pour faire savoir qu'on a des soldats bien entra\u00een\u00e9s et qu'on poss\u00e8de un armement moderne. Vint ensuite \u2013 _allegretto_ \u2013 le d\u00e9fil\u00e9 plus bref des pionniers et pionni\u00e8res, gar\u00e7onnets et fillettes \u00e0 foulard de soie rouge qui saluaient le chef de l'\u00c9tat en l\u00e2chant devant lui des ballons de toutes nuances ainsi que des colombes (qu'on aper\u00e7ut bient\u00f4t perch\u00e9es sur le toit de l'\u00e9difice o\u00f9 se tenaient les. officiels).\n\nCons\u00e9quence d'une mise en sc\u00e8ne \u00e9labor\u00e9e ou r\u00e9sultat bienheureux du hasard, tels que plus tard j'en surprendrais qui me feraient juger toute foule chinoise apte curieusement \u00e0 se muer en un massif de fleurs ou quelque autre \u0153uvre d'art \u2013 non loin d'une gare, par exemple, un groupe de travailleurs en bleus, accroupis au milieu de tas de piments rouges, et derri\u00e8re eux un b\u00e2timent de s\u00e9chage comme une maison \u00e0 la fa\u00e7ade absente et aux ar\u00eates masqu\u00e9es par des grappes de piments qui retombent en rideaux, le tout formant un gai bouquet, avec les touches noires de corbeaux ou de corneilles en vol dans le haut du tableau \u2013 c'est par un cort\u00e8ge populaire, dont le flot confus et sans rythme \u00e9tait celui d'une manifestation de masse, qu'apr\u00e8s la prestigieuse parade des militaires en armes et celle \u00e0 peine moins r\u00e9gl\u00e9e des enfants l'avenue se trouva remplie, pour ainsi dire, jusqu'\u00e0 ras bord.\n\nOuvriers, paysans, \u00e9tudiants passent \u00e0 la suite d'une premi\u00e8re vague o\u00f9 des repr\u00e9sentants et des repr\u00e9sentantes de toutes les minorit\u00e9s nationales de la R\u00e9publique, bras dessus bras dessous, se pr\u00e9sentent p\u00eale-m\u00eale de sorte que la diversit\u00e9 des costumes traditionnels dont ils sont rev\u00eatus se r\u00e9sout en une seule et chatoyante bigarrure. Comme l'avaient fait les pionniers, les membres de chaque d\u00e9l\u00e9gation saluent en agitant ou \u00e9levant tous ensemble des gerbes de fleurs artificielles et cela fait surgir \u2013 tant\u00f4t roses, tant\u00f4t rouges, tant\u00f4t jaunes \u2013 de soudains \u00e9claboussements d'\u00e9cume. Ouvriers et ouvri\u00e8res portent la classique tenue de cotonnade genre bourgeron, mais les jupes aux teintes et aux dessins vari\u00e9s des \u00e9tudiantes s'agglom\u00e8rent en une diaprure qui, au gr\u00e9 du battement des jambes, fait, d\u00e9fait, refait et red\u00e9fait constamment son trompe-l'\u0153il. Quantit\u00e9 de drapeaux inutiles \u2013 dont beaucoup tr\u00e8s courts et tr\u00e8s hauts \u2013 \u00e9mergent du cort\u00e8ge, \u00e9tendards bien moins que pi\u00e8ces de tissu (vert tendre, rose bonbon, bleu p\u00e2le, jaune paille) port\u00e9es sur des hampes pour le plaisir, comme on jouerait au cerf-volant. En l'air se meuvent les constellations multicolores form\u00e9es par les ballons qu'on l\u00e2che \u00e0 tout moment et dont certains, parvenus \u00e0 quelque altitude, l\u00e2chent eux-m\u00eames un petit avion qui plane ou bien un parachute auquel est suspendu une banderole verticale o\u00f9 se lit un slogan tel que : \u00ab Lib\u00e9rez Ta\u00efwan ! \u00bb A terre, je suis des yeux pendant quelques instants un homme entre autres, qui marche au flanc droit du cort\u00e8ge avec un enfant juch\u00e9 sur son \u00e9paule comme si \u2013 dans ce monde \u00e0 l'envers que l'Asie communiste figure doublement par rapport \u00e0 l'Europe capitaliste \u2013 il \u00e9tait naturel, pour un civil, de prendre part \u00e0 une revue avec le m\u00eame sans-fa\u00e7on que s'il s'agissait d'un retour suant de 14-Juillet. Des montgolfi\u00e8res s'envolent, et j'observe avec un surcro\u00eet de ravissement qu'il y a des ballons d'un noir luisant d'encre fra\u00eeche parmi les baudruches color\u00e9es qui ont compos\u00e9 peu \u00e0 peu un d\u00e9cor en perp\u00e9tuel mouvement et sans attaches avec le sol. Des portraits de grands hommes (Marx, Engels, L\u00e9nine et plusieurs autres, sovi\u00e9tiques et chinois), des sentences compos\u00e9es par des s\u00e9ries de pancartes dans chacune desquelles s'inscrit un id\u00e9ogramme, des colombes en bois d\u00e9coup\u00e9 port\u00e9es au bout de b\u00e2tons par des bonzes \u00e0 cr\u00e2ne tondu et \u00e0 robe safran, des statistiques sur panneaux, des simulacres d'objets fabriqu\u00e9s (machines-outils, locomotives, maisons), des hommes au travail repr\u00e9sent\u00e9s en groupes qu'on pourrait croire moul\u00e9s s'ils n'\u00e9taient un peu plus grands que nature, des fruits et des l\u00e9gumes d\u00e9mesur\u00e9ment amplifi\u00e9s, une oie g\u00e9ante, une vache en silhouette et d'autres embl\u00e8mes de la production ouvri\u00e8re ou paysanne font de cette partie du d\u00e9fil\u00e9 quelque chose qui \u00e9voque \u2013 en un style \u00e0 la fois plus large et plus gracieux \u2013 ce qu'\u00e9tait nagu\u00e8re chez nous une procession populaire comme celle du Premier Mai et, tout aussi bien, la caravane publicitaire \u00e0 quoi donne lieu l'esp\u00e8ce de rite circumambulatoire que constitue le Tour de France.\n\nA cette foule compacte qui transportait ou charriait des charges h\u00e9t\u00e9roclites succ\u00e9da sans hiatus un groupe de cr\u00e9atures \u00e9tranges : des lions factices (chacun figur\u00e9 par deux hommes enferm\u00e9s dans un m\u00eame semblant de peau) s'avanc\u00e8rent en se roulant grotesquement sur la chauss\u00e9e et affrontant individuellement un nombre \u00e9gal de belluaires fantaisie, qui les tenaient en respect avec des sortes d'accessoires de cotillon en forme de massues. Cette surprenante entr\u00e9e de cirque inaugurait la partie carnavalesque du d\u00e9fil\u00e9, celle dont les groupements folkloriques et les \u00e9quipes de th\u00e9\u00e2tre (professionnel ou amateur) \u00e9taient les interpr\u00e8tes et dont le clou fut \u00e0 mon sens (apr\u00e8s des tableaux vivants pr\u00e9sent\u00e9s sur des chars et, \u00e0 de multiples exemplaires, le jeu traditionnel du faux dragon en papier, cartonnage et charpente de bois blanc que des jeunes gens font onduler au-dessus de leurs t\u00eates en les maniant par l'interm\u00e9diaire d'une s\u00e9rie de baguettes) l'apparition, en l'occurrence presque f\u00e9erique, d'un rang d'\u00e9quilibristes, mont\u00e9s sur de hauts monocycles puis celle, plus r\u00e9jouissante encore, de la fameuse arm\u00e9e des singes, marchant en tr\u00e8s bon ordre tout en cr\u00e9ant de pr\u00e9cieuses rosaces avec leurs longues cannes tourbillonnantes et exhibant leurs faces peinturlur\u00e9es, exactement comme dans l'op\u00e9ra classique o\u00f9 l'on voit ces fr\u00e8res inf\u00e9rieurs et caricaturaux s'attaquer victorieusement aux troupes bien harnach\u00e9es des dieux c\u00e9lestes, image des luttes men\u00e9es par le menu peuple contre les f\u00e9odaux.\n\nComme s'il avait \u00e9t\u00e9 jug\u00e9 moralement ou esth\u00e9tiquement n\u00e9cessaire de montrer que la l\u00e9galit\u00e9 retrouvait ses droits apr\u00e8s les saturnales, c'est aux organisations sportives qu'il revint de clore le d\u00e9fil\u00e9, en une esp\u00e8ce de _da capo_ ou \u00e0 tout le moins de rappel de la belle ordonnance du d\u00e9but : derri\u00e8re un porteur de drapeau apparut un groupe de hautes filles vigoureuses en maillot et pantalon blancs, qui s'avan\u00e7aient au pas en lan\u00e7ant alternativement vers la gauche et vers la droite leurs bras aux poings ferm\u00e9s, en un balancement tr\u00e8s accus\u00e9, comme de leur bras disponible avaient fait les soldats ; d'autres groupes d'adultes et d'adolescents suivirent, man\u0153uvrant avec beaucoup d'\u00e9l\u00e9gance et de pr\u00e9cision, certains faisant tournoyer des \u00e9charpes, d'autres entrechoquant leurs halt\u00e8res en cadence. Tandis qu'\u00e9clatait un feu d'artifice (bruit et fum\u00e9e dans la clart\u00e9 du plein jour) et qu'une nouvelle floraison de parachutes et de banderoles se d\u00e9ployait projet\u00e9e par les fus\u00e9es, la f\u00eate se termina sur un rush de tous les participants civils qui, rassembl\u00e9s peu \u00e0 peu vers le fond de la place, march\u00e8rent jusqu'au pied des tribunes en agitant des gerbes et poussant des acclamations. Ainsi, \u00e0 la fin de certains spectacles, il arrive que la troupe enti\u00e8re des acteurs salue en se tenant sur une ligne qui, partie de l'arri\u00e8re de la sc\u00e8ne et form\u00e9e parall\u00e8lement \u00e0 la rampe, progresse vers les spectateurs. A Tien An Men, toutefois, il n'y avait ni salueurs ni salu\u00e9s (car tout le monde s'entre-applaudissait) et c'\u00e9taient plusieurs centaines de milliers d'acteurs qui d\u00e9ferlaient jusqu'\u00e0 la bordure extr\u00eame du th\u00e9\u00e2tre o\u00f9 ils venaient d'\u00e9voluer, dans la lumi\u00e8re extraordinairement aiguis\u00e9e en m\u00eame temps que soyeuse des automnes de P\u00e9kin.\n\nAvec ce d\u00e9fil\u00e9, auquel ne manquaient gu\u00e8re que les corbillards pour que la vie chinoise y f\u00fbt enti\u00e8rement r\u00e9sum\u00e9e, le peuple s'\u00e9tait quatre heures durant regard\u00e9 comme dans un miroir. L\u00e0 o\u00f9 ne joue pas un grand effort commun de construction, l'on ne sera jamais en face de pareille f\u00eate : une parade dans laquelle se d\u00e9ploie gaiement l'\u00e9ventail complet des classes et des activit\u00e9s n'est possible que si toutes ces activit\u00e9s ont une r\u00e9sonance pour chacun des segments de la soci\u00e9t\u00e9 qui se donne ce divertissement plus substantiel qu'une pi\u00e8ce \u00e0 grand spectacle et si elles trouvent un commun d\u00e9nominateur dans le grand effort dont elles ne sont que des aspects vari\u00e9s. Que pour tant de pays du monde contemporain la f\u00eate nationale s'exprime essentiellement par un d\u00e9fil\u00e9 militaire montre \u00e0 quel point de tels et si nombreux pays souffrent d'une incompatibilit\u00e9 d'humeur avec eux-m\u00eames : loin de pouvoir s'admirer dans sa tenue de tous les jours \u00e0 la pleine lumi\u00e8re d'une bonne conscience, le peuple n'y est invit\u00e9 \u00e0 se contempler que sous l'angle terriblement particulier de sa fonction militaire et rev\u00eatu d'un d\u00e9guisement auquel nulle contrepartie burlesque n'est apport\u00e9e par une arm\u00e9e des singes.\n\nPlus de gr\u00e2ce que partout ailleurs, plus de d\u00e9sinvolture ou de candeur pour marier des genres tout \u00e0 fait diff\u00e9rents, c'est peut-\u00eatre par cela que se traduisait la nature sp\u00e9cifiquement chinoise de cette f\u00eate nationale \u00e0 laquelle j'assistai. Jamais \u00e0 un degr\u00e9 aussi haut que lors de ma d\u00e9couverte de la Chine, je n'ai vu une contr\u00e9e o\u00f9 aspects naturels, faci\u00e8s des choses fabriqu\u00e9es et ext\u00e9rieur des gens semblent unis par une complicit\u00e9 allant au besoin jusqu'\u00e0 se mat\u00e9rialiser en une harmonie visible : depuis les paysages meubl\u00e9s d'arbres plus chantourn\u00e9s que les n\u00f4tres et au feuillage en houppe \u00e0 poudre de riz ou en plumeau jusqu'aux monuments qui ne sont pas (ainsi qu'il est presque de r\u00e8gle en nos parages) un unique \u00e9difice qu'on sert sur un plateau ou qu'on monte en \u00e9pingle mais un ensemble o\u00f9 espaces et approches comptent peut-\u00eatre encore plus que les constructions proprement dites elles aussi chantourn\u00e9es, et toutes moussues d'ornements polychromes, depuis les poissons aux nageoires vaporeuses baignant quelquefois dans des cuves de pierre dont la patine prodigieusement douce compense l'\u00e9paisseur et la rigidit\u00e9 jusqu'aux id\u00e9ogrammes si compliqu\u00e9s en tant que caract\u00e8res mais d'un dessin \u00e0 la fois si \u00e9l\u00e9gant et si solidement \u00e9quilibr\u00e9 dans son cadre imaginaire, depuis la mati\u00e8re inerte qui para\u00eet toujours savoir subtilement s'ordonner jusqu'aux \u00eatres humains qui, m\u00eame quand ils vont vite, avancent le plus souvent d'une allure assez \u00e9gale pour avoir l'air d'ob\u00e9ir \u00e0 un rythme que dicteraient les astres beaucoup plus qu'aux incertitudes et aux \u00e0-coups de ce qu'ils ont \u00e0 faire, tout porterait \u00e0 croire que d'une extr\u00e9mit\u00e9 \u00e0 l'autre de la longue cha\u00eene de cr\u00e9atures et d'objets dont se compose le monde chinois aucune solution de continuit\u00e9 ne se fait jour entre les \u00e9l\u00e9ments (cependant disparates) r\u00e9partis dans les trois r\u00e8gnes, l'un des soucis primordiaux de la civilisation gr\u00e2ce \u00e0 laquelle parler de la Chine comme d'un \u00ab monde \u00bb est devenu possible semblant avoir \u00e9t\u00e9 pr\u00e9cis\u00e9ment (et \u00eatre demeur\u00e9) de maintenir ou d'instaurer ce fabuleux accord.\n\nTertres fleuris que surmontent des disques m\u00e9talliques rouge pour l'un mauve pour l'autre, comme j'en ai vu non sur un champ de tir mais \u00e0 la gare de Nankin au terminus de deux voies de chemin de fer dont ces produits m\u00eal\u00e9s de l'industrie lourde et de l'horticulture constituaient les butoirs, pellet\u00e9e de jeunes diablesses en training soit grenat soit lie-de-vin (couleur presque de charbon ardent) qui pr\u00e8s de la Maison des Syndicats \u00e0 P\u00e9kin gambadaient dans la lumi\u00e8re de projecteurs \u00e9lectriques en s'envoyant et se renvoyant le ballon du basket-ball, \u00eelot de fleurs qui dans ce m\u00eame P\u00e9kin enjolivait le centre d'un vaste carrefour et d'o\u00f9 pointait \u00e0 la fa\u00e7on d'un s\u00e9maphore l'agent de la circulation debout sur sa plate-forme ainsi ench\u00e2ss\u00e9e dans un anneau de tiges et de corolles, filature aux machines-outils peintes de tons d\u00e9licats \u00e0 quoi signes et dessins du journal d'entreprise trac\u00e9s avec diverses craies sur de grands tableaux noirs r\u00e9pondaient \u00e7\u00e0 et l\u00e0 aussi suavement que-les yeux rieurs des ouvri\u00e8res au-dessus de leur masque antipoussi\u00e8re de taffetas blanc, gamins des deux sexes et jusqu'\u00e0 de longues adolescentes juch\u00e9s sur des sculptures tombales (cheval gardien, tortue porte-st\u00e8le ou tout autre animal qu'on peut escalader) ainsi qu'\u00e0 Rome les soirs d'\u00e9t\u00e9 \u00e0 la fontaine monumentale de la place Navona des grappes d'enfants jouant \u00e0 cache-cache se m\u00ealent aux barbes des dieux-fleuves, l\u00e9ger hoquet mi-rire mi-sanglot qui plusieurs fois palpite dans la gorge alors qu'un sourire \u00e9mu d\u00e9nude les dents de qui prend cong\u00e9 de vous en serrant vos deux mains pour un remerciement, \u2013 voil\u00e0 qui tend \u00e0 pr\u00e9cis\u00e9ment manifester la chance assez peu commune dont la Chine m'a paru b\u00e9n\u00e9ficier quant \u00e0 ces agencements sensibles (jeu de contrastes conjugu\u00e9s ou de correspondances soit patentes soit suppos\u00e9es soit m\u00eame suspendues dans l'attente probl\u00e9matique d'un second terme qui peut-\u00eatre n'existera qu'en fonction du d\u00e9sir de voir passer au rang de v\u00e9rit\u00e9 l'\u00e9cho trouv\u00e9 en nous seul par le terme cens\u00e9ment premier), contingences privil\u00e9gi\u00e9es dont le bonheur plus ou moins spontan\u00e9 donne \u00e0 penser qu'un pays poss\u00e8de proprement la gr\u00e2ce, s'il les produit en quantit\u00e9. Mais si, voulant analyser le charme de la Chine, j'arrive en dernier recours \u00e0 arguer de la gr\u00e2ce faute de pouvoir justifier autrement les faits que j'ai appel\u00e9s \u00e0 t\u00e9moigner, il est certain que je n'ai rien expliqu\u00e9.\n\n _Tout le chagrin du monde dans une seule coupe de vin qui ne sera pas bue, telle_ \u2013 _pr\u00e8s Hangtcheou_ \u2013 _la montagne en suspens dans la grosse larme d'un miroir convexe_ , _au fronton d'un temple qui n'est pas celui de la Source de Jade._ Si je fais l'ex\u00e9g\u00e8se de ces lignes (r\u00e9dig\u00e9es presque d\u00e8s mon retour et fond\u00e9es sur la conjugaison de deux souvenirs dont le premier n'avait pas \u00e0 \u00eatre situ\u00e9, faute d'avoir sa place marqu\u00e9e ailleurs que dans le faux espace d'une sc\u00e8ne de th\u00e9\u00e2tre), puis-je en tirer quelque chose qui m'aiderait \u00e0 d\u00e9finir de quoi est fait l'envo\u00fbtement que j'ai subi ?\n\nMise \u00e0 part la Source de Jade qui n'est ici qu'un ornement (puisque telle est l'appellation d'un temple proche mais diff\u00e9rent de celui au fronton duquel se refl\u00e9tait le paysage et dont, au cours de la promenade o\u00f9 je les visitai tous les deux, j'ai n\u00e9glig\u00e9 de recueillir le nom), mis \u00e0 part le temple m\u00eame dont je parle (pur \u00e9l\u00e9ment de localisation, de m\u00eame que la ville de Hangtcheou), une coupe de vin, une montagne, un miroir sont les supports concrets de cette phrase articul\u00e9e sur le parall\u00e9lisme de deux n\u00e9gations. De pr\u00e9f\u00e9rence \u00e0 ce qui _est,_ mettre en avant ce qui _n'est pas ;_ si j'ai choisi cette tournure ce n'est pas, certes, par simple go\u00fbt de la pr\u00e9ciosit\u00e9 mais parce que j'estimais ne pouvoir exprimer ce qu'est pour moi la Chine sans la poser \u00e0 distance gr\u00e2ce \u00e0 la marge ainsi m\u00e9nag\u00e9e et, peut-\u00eatre plus encore, parce que la v\u00e9rit\u00e9 inh\u00e9rente \u00e0 cet immense pays m'est apparue de qualit\u00e9 trop fine pour qu'on puisse la pi\u00e9ger dans l'outrecuidance grossi\u00e8re d'une affirmation au lieu de chercher, plut\u00f4t, \u00e0 l'aborder en s'inspirant du protocole (\u00e0 base de retenue et de mod\u00e9ration) qui impose aux Chinois de marquer syst\u00e9matiquement l'insuffisance et les lacunes, soit la face n\u00e9gative, de ce qu'ils font ou donnent. La coupe de vin, la montagne, le miroir : est-ce dans une perspective, elle aussi, de n\u00e9gativit\u00e9 oppos\u00e9e \u00e0 toute esp\u00e8ce d'inflation que j'ai fait jouer ces trois termes ?\n\nMiroir et coupe se font pendant, car l'un contient l'immensit\u00e9 de la montagne et l'autre une peine tout aussi d\u00e9mesur\u00e9e, celle qu'\u00e0 l'un des grands moments d'un op\u00e9ra chinois aujourd'hui des plus souvent repr\u00e9sent\u00e9s l'amoureux Liang Chan-po \u00e9prouve lorsque sa bien-aim\u00e9e Chou Ying-ta\u00ef lui laisse entendre qu'il n'est pas le pr\u00e9tendant qu'agr\u00e9e son p\u00e8re, le hobereau \u00e0 blanche barbe f\u00e9odale, et qu'avec toute sa gr\u00e2ce de jeune fille riche et raffin\u00e9e elle lui offre le vin de l'hospitalit\u00e9, offrande d\u00e9risoire \u00e0 lui qui attendait sa main. Une montagne dans un miroir, _tout le chagrin du monde dans une seule coupe de vin :_ comme pour un tour de physique amusante, l'immensit\u00e9 refl\u00e9t\u00e9e dans un objet de dimensions modestes et, comme si l'extr\u00eame de la puret\u00e9 tragique devait seul \u00eatre r\u00e9fl\u00e9chi par le miroir du th\u00e9\u00e2tre, un tourment que se refusent \u00e0 ext\u00e9rioriser, sinon de mani\u00e8re allusive et par tout ce qu'ils peuvent mettre d'eux-m\u00eames dans un \u00e9change de gestes et de propos courtois, l'un et l'autre de ceux qui en seront d\u00e9chir\u00e9s au point de ne pas y survivre (l'amoureuse \u00e0 noire chevelure postiche tombant derri\u00e8re comme un rideau \u00e0 pan unique et \u00e0 unique embrasse, l'amoureux dont la d\u00e9marche un peu canard souligne le caract\u00e8re masculin, suivant l'usage de l'op\u00e9ra style Chaohsing o\u00f9 tous les r\u00f4les sont tenus par des femmes, dont certaines en travesti). R\u00e9duite \u00e0 l'\u00e9tat de bijou au front d'un \u00e9difice d\u00e9licatement orn\u00e9 (et ins\u00e9r\u00e9 dans l'une des judicieuses combinaisons de plein et de vide que sont les temples ou palais chinois aux b\u00e2timents dispers\u00e9s dans un ensemble de cours ou de jardins et tels que les terrasses, les ponts, les escaliers semblent avoir la pr\u00e9s\u00e9ance sur eux, \u00e0 l'inverse de ce qui s'observe en Europe o\u00f9 l'esplanade, le parc ou l'avenue n'est d'ordinaire qu'un \u00e9crin pour le monument), la montagne ainsi ni\u00e9e dans son absence de mesure et ramen\u00e9e \u00e0 notre \u00e9chelle affirme plus intens\u00e9ment sa structure baroque de montagne. Quant \u00e0 la coupe laiss\u00e9e pleine, cette coupe qui n'\u00e9tait l\u00e0 que pour n'\u00eatre pas bue et dont le vin reste intact \u00e0 l'instar de l'esp\u00e9r\u00e9e qu'arrache \u00e0 son amant un vieil homme au menton masqu\u00e9 par un opaque rectangle de crins neigeux sous la face presque de fillette, le vide qui l'entoure et que son abandon rend soudain perceptible m\u00e8ne au plus criant de la signification par l'entremise du _moins_ qui puisse \u00eatre manifest\u00e9.\n\nApr\u00e8s la visite de ces temples vers le haut de certains desquels s'ench\u00e2ssait un paysage \u00e9trangement d\u00e9form\u00e9 par la forte courbure de la surface polie o\u00f9 il se refl\u00e9tait, nous f\u00eemes la pause en buvant du th\u00e9 vert, dans une guinguette ouverte \u00e0 tous les vents qui rappelait ces l\u00e9g\u00e8res constructions de plaisance o\u00f9 l'on voit \u2013 sur maintes peintures ou estampes chinoises \u2013 de petits personnages en robe deviser au c\u0153ur d'un site plus ou moins sauvage ; un bon moment nous rest\u00e2mes ainsi \u00e0 deviser nous-m\u00eames avec nos interpr\u00e8tes, tout en regardant le torrent o\u00f9 des adolescentes en veste et pantalon de cotonnade se trempaient gentiment les pieds (repos apr\u00e8s la longue promenade agr\u00e9ment\u00e9e d'un pique-nique qui devait \u00eatre l'occupation de celle-l\u00e0 de leurs journ\u00e9es d'\u00e9coli\u00e8res). C'est \u00e0 Hangtcheou le matin m\u00eame qu'on nous avait montr\u00e9 cette curieuse temp\u00eate dans un verre d'eau imagin\u00e9e sous la dynastie des Han pour le divertissement d'un empereur : un petit pavillon du mus\u00e9e abrite une \u00e9paisse bassine de cuivre au fond orn\u00e9 de quatre poissons cisel\u00e9s et aux bords pourvus de deux anses toutes luisantes d'avoir \u00e9t\u00e9 souvent manipul\u00e9es ; pri\u00e9e par le directeur du mus\u00e9e ou son repr\u00e9sentant de nous faire cette d\u00e9monstration, une jeune fille frotte les deux anses avec ses paumes, les appuyant (semble-t-il) assez fort et leur imprimant un mouvement r\u00e9gulier de va-et-vient ; comme un lointain et doux bourdonnement de cloche un bruissement na\u00eet ; puis l'eau qui emplit le r\u00e9cipient se met \u00e0 frissonner et la vibration propag\u00e9e dans la masse liquide, dont la surface s'est pliss\u00e9e en de multiples rides, ne tarde pas \u00e0 susciter de fines projections de gouttelettes qui s'\u00e9l\u00e8vent et retombent.\n\nLa sortie \u00e0 la fin de laquelle un certain nombre d'entre nous avaient pu admirer le jouet charmant et somptueux qu'\u00e9taient ces grandes eaux de poche accompagn\u00e9es d'un subtil fond sonore avait commenc\u00e9 sur un lac, dans des barques conduites par de menues mais vigoureuses bateli\u00e8res. Pour le saut terminal qu'\u00e0 quelques-uns nous avions fait jusqu'au mus\u00e9e (d'autres occupations \u00e9tant pr\u00e9vues pour le restant de notre groupe) je ne sais plus lesquels de nos interpr\u00e8tes nous escortaient. Y avait-il l\u00e0 les deux Wang, le gar\u00e7on et la fille, qui n'\u00e9taient pas fr\u00e8re et s\u0153ur ni m\u00eame apparent\u00e9s malgr\u00e9 ce que pourrait conclure de leur commun patronyme un \u00e9tranger ignorant du fait que \u00ab Wang \u00bb est l'un des noms de famille les plus fr\u00e9quents en Chine ? Wang Sien, \u00e2g\u00e9 d'une vingtaine d'ann\u00e9es et dont l'\u00e9ducation s'\u00e9tait faite en Indochine fran\u00e7aise o\u00f9 s'\u00e9taient \u00e9tablis ses parents originaires de Canton ; une collecte de ses camarades vietminhiens, alors sous la coupe de l'administration coloniale, lui avait fourni de quoi gagner en fraude son v\u00e9ritable pays ; mince et beau sous sa casquette bleu marine tir\u00e9e vers l'arri\u00e8re \u00e0 la mode des soutiers et des modernes r\u00e9volutionnaires, il \u00e9tait dou\u00e9 d'un merveilleux sourire qui, pour peu qu'on lui t\u00e9moign\u00e2t la moindre gentillesse, s'\u00e9panouissait sur son visage rosissant (car il semblait d'une timidit\u00e9 presque enfantine). Wang Yuen-chen, au pr\u00e9nom qui pourrait \u00e0 peu pr\u00e8s se traduire \u00ab nuage couleur de perle \u00bb (ce dont elle ne tirait nulle fiert\u00e9, de telles appellations po\u00e9tiques \u00e9tant chez elle monnaie courante) ; Wang Yuen-chen, qui venait quant \u00e0 elle d'une province du sud ou elle avait combattu avec les partisans, douce fille de vingt-sept ans au fin visage \u00e0 gracieux menton pointu, r\u00e9fl\u00e9chie, studieuse et le calepin en main chaque fois qu'elle pouvait attraper dans notre conversation quelque expression fran\u00e7aise qu'elle ne connaissait pas ou tirer, des plus savants d'entre nous, quelque enseignement sur son propre pays ; grave le plus souvent, celle qui, outre son r\u00f4le technique de guide, veillait \u00e0 l'agr\u00e9ment de notre s\u00e9jour en qualit\u00e9 d'h\u00f4tesse savait se montrer enjou\u00e9e, moqueuse \u00e0 l'occasion, et riait parfois d'un joli rire qui justifiait le nuage perl\u00e9 de son pr\u00e9nom ; ses pieds menus bien \u00e0 plat dans les souliers masculins d\u00e9couvrant des socquettes citron ou d'autre couleur acide, elle marchait (comme tant de Chinoises ou Chinois) les bras ballants en se dandinant l\u00e9g\u00e8rement, d'une allure lente mais si continue qu'on se demande quel obstacle pourrait obliger \u00e0 rebrousser chemin une personne de ce genre, pourtant si petite et gracile, plus proche de la pensionnaire que de la virago avec sa mine bien sage dans le cadre strict des raides cheveux coup\u00e9s courts. Aurais-je voulu vivre _La Fl\u00fbte enchant\u00e9e_ en une version r\u00e9nov\u00e9e o\u00f9 l'\u00c9gypte e\u00fbt fait place \u00e0 l'Extr\u00eame-Orient et la franc-ma\u00e7onnerie au marxisme-l\u00e9ninisme, nul doute que les deux Wang, gar\u00e7on et fille, auraient pu \u2013 \u00e0 une unit\u00e9 pr\u00e8s mais tout naturellement \u2013 se substituer aux trois disciples ou g\u00e9nies enfants dont la mission para\u00eet \u00eatre de secourir ceux que prot\u00e8ge Zarastro, le pr\u00eatre des lumi\u00e8res. Au cours de l'excursion \u00e0 laquelle fut consacr\u00e9e la plus grande part de notre apr\u00e8s-midi \u00e0 Hangtcheou ne devais-je pas, au demeurant, traverser un d\u00e9cor fantastique \u00e0 souhait pour une sc\u00e8ne d'introduction aux plus v\u00e9n\u00e9rables myst\u00e8res ? Car le torrent au bord duquel nous pr\u00eemes le th\u00e9 coule au pied de la colline du Ph\u00e9nix, aux mille bouddhas sculpt\u00e9s \u00e0 m\u00eame le roc en divers points d'un syst\u00e8me compliqu\u00e9 qui ne manque ni de parois abruptes, ni de passages encaiss\u00e9s ni m\u00eame de cavernes et que des mains humaines ont pourvu d'innombrables gardiens du seuil. Mais, tout le long de cette journ\u00e9e comme au cours de tout mon voyage, j'\u00e9tais assur\u00e9ment port\u00e9 moins \u00e0 r\u00eaver f\u00e9erie qu'\u00e0 griffonner des mots-rep\u00e8res gr\u00e2ce auxquels je pourrais, le soir venu, consigner mes observations dans un carnet. Aussi est-ce maintenant seulement que j'en appelle \u00e0 l'une de celles que j'aime le plus parmi les \u0153uvres d'un musicien dont le g\u00e9nie sans embarras n'a pas \u00e9t\u00e9 d\u00e9pass\u00e9. J'en use (pour tout dire) en d\u00e9sespoir de cause et comme si, m'appuyant sur une magie issue de la fl\u00fbte m\u00eame de Tamino et du chapeau chinois ou _glockenspiel_ de son compagnon Papageno, j'esp\u00e9rais \u00e0 tout le moins faire chanter un peu de m\u00e9lodie sur le _libretto_ de ces notes, d'une telle s\u00e9cheresse que je n'y retrouve presque plus rien de ce que m'a donn\u00e9 la Chine et si rapides, en m\u00eame temps que si dispers\u00e9es, qu'elles sont bien loin de constituer, malgr\u00e9 leur abondance, une documentation rationnellement exploitable.\n\nA relire ce que j'ai ainsi \u00e9crit sous forme de journal attentivement tenu \u2013 me couchant bien apr\u00e8s minuit et g\u00eanant par ma lampe de bureau tard allum\u00e9e le premier sommeil de mon compagnon de chambre, me levant au besoin d\u00e8s l'aube \u00e0 cause d'un d\u00e9tail n\u00e9glig\u00e9 qui me revenait au r\u00e9veil et que je devais noter sans plus attendre car les occupations nouvelles o\u00f9 je serais t\u00f4t engag\u00e9 ne manqueraient pas de le rejeter dans l'oubli \u2013 c'est \u00e0 peine si je d\u00e9couvre quelques miettes r\u00e9cup\u00e9rables, dans un p\u00eale-m\u00eale de renseignements qui ont trait aussi bien \u00e0 l'histoire du th\u00e9\u00e2tre qu'\u00e0 celle du mouvement ouvrier, \u00e0 l'instruction des illettr\u00e9s qu'\u00e0 la r\u00e9forme agraire ou \u00e0 la propagande en faveur de l'hygi\u00e8ne, \u00e0 ce que j'avais vu dans tel institut ou tel mus\u00e9e qu'\u00e0 la politique pratiqu\u00e9e envers les minorit\u00e9s pour transformer la Chine en \u00ab \u00c9tat multinational \u00bb. Derri\u00e8re un z\u00e8le d'autant plus rarement rel\u00e2ch\u00e9 qu'il n'aura peut-\u00eatre \u00e9t\u00e9 qu'une com\u00e9die que je me jouais, je me demande aujourd'hui s'il ne se cachait pas une profonde nonchalance : saisir au vol tout ce qui passe \u00e0 votre port\u00e9e exige un moindre effort que rassembler syst\u00e9matiquement des documents sur deux ou trois points donn\u00e9s ; cela permet aussi de choisir (en toute bonne conscience puisqu'en un certain sens observer quoi que ce soit repr\u00e9sente un certain travail) le plus attrayant parmi les divers programmes qui vous sont propos\u00e9s. Sous pr\u00e9texte que je disposais d'un temps trop bref pour mener de v\u00e9ritables enqu\u00eates (comme je l'ai fait, en Afrique et ailleurs, au cours de mes quelques voyages professionnels soit en groupe soit tout seul), all\u00e9guant de soi-disant scrupules scientifiques pour ne pas tenter d'\u00e9tudier ce qui m\u00eame dans des limites \u00e9troites de dur\u00e9e pouvait \u00e0 la rigueur \u00eatre \u00e9tudi\u00e9, mais n'osant pas rompre non plus avec toute esp\u00e8ce de s\u00e9rieux et me conduire comme un simple fl\u00e2neur, j'ai opt\u00e9 \u2013 conscient ou non de mon man\u00e8ge \u2013 pour la solution la plus facile, autrement dit la solution moyenne : m'appliquer \u00e0 aller dans le plus grand nombre possible d'endroits, \u00e0 la fa\u00e7on, en somme, d'un touriste qui tient \u00e0 ne pas perdre une bouch\u00e9e du tour qu'il craint de ne jamais recommencer ; courir par train ou par avion de P\u00e9kin \u00e0 la Mandchourie, de la Mandchourie \u00e0 Changha\u00ef, puis de P\u00e9kin jusqu'au Setchouan et presque jusqu'aux confins de la Birmanie, ce qui \u00e9tait aussi harassant que plaisant ; passer d'usine \u00e0 monument, de parc du peuple \u00e0 cin\u00e9ma, de colloque \u00e0 visite accompagn\u00e9e, de fin repas \u00e0 spectacle, en retrouvant un semblant de s\u00e9rieux \u00e0 l'heure o\u00f9 je r\u00e9digeais mes notes, ponctuellement et (comme pour me prouver \u00e0 bon compte que j'\u00e9tais un voyageur consciencieux) perdant du temps \u00e0 mettre au net ce que j'avais enregistr\u00e9 trop elliptiquement au cours de mes p\u00e9r\u00e9grinations. Ainsi qu'il en est le plus souvent des compromis, j'ai eu grand tort d'opter pour cette solution mitig\u00e9e et je tiens l\u00e0, peut-\u00eatre, une des raisons pour lesquelles mon voyage m'est si vite apparu comme ruin\u00e9 : \u00e0 ne pas m\u00e9thodiquement me restreindre, je n'ai recueilli rien qui vaille sinon, au mieux, les miettes dont j'ai parl\u00e9 ; \u00e0 vouloir fixer le plus possible de ce que je voyais ou entendais, je ne me suis pas laiss\u00e9 vivre et, faute de m'\u00eatre abandonn\u00e9 au rythme de la Chine sans chercher \u00e0 ruser, je n'ai su d'un vaste et exaltant pays que rapporter ces miettes infimes. C'est, assur\u00e9ment, une entreprise t\u00e9m\u00e9raire qu'essayer \u00e0 pr\u00e9sent d'interpr\u00e9ter ces riens : ce que, sur l'heure, j'ai si mal embrass\u00e9 qu'entre mes mains je n'ai tenu que poussi\u00e8re, n'est-il pas chim\u00e9rique de tenter r\u00e9trospectivement de lui faire prendre corps par l'examen de quelques grains minuscules pr\u00e9lev\u00e9s sur cette m\u00eame poussi\u00e8re ?\n\n _Leurs faces allusivement brid\u00e9es, et peintes juste assez pour n'\u00eatre plus quotidiennes, ces filles de cire (ou de Saint-Cyr) glissent d'ouest en est et coupent le m\u00e9ridien de la sc\u00e8ne. Sortie lat\u00e9rale sans d\u00e9nivellation, comme sur tapis roulant, \u00e0 d\u00e9faut du tapis volant par quoi fuient les d\u00e9esses._\n\nA la d\u00e9marche pleine de naturel des filles de la Chine nouvelle (qui semblent heureuses de fouler un sol sur lequel les pieds atrophi\u00e9s de leurs a\u00een\u00e9es ne se posaient qu'avec peine, en une avance pr\u00e9cautionneuse, comme on le voit encore \u00e7\u00e0 et l\u00e0 chez de vieilles femmes aux tr\u00e9buchements d'oiseaux infirmes), \u00e0 cette d\u00e9marche placide et l\u00e9g\u00e8rement balanc\u00e9e (le poids du corps portant franchement sur une jambe puis sur l'autre), \u00e0 cette fa\u00e7on de se mouvoir que des esprits chagrins diront pataude alors que je l'identifierais plut\u00f4t \u00e0 la marche m\u00eame d'un peuple en train de s'\u00e9manciper, s'oppose la d\u00e9marche sophistiqu\u00e9e des actrices, de celles \u00e0 tout le moins qui dans les pi\u00e8ces classiques incarnent les personnages f\u00e9minins de l'\u00e9poque f\u00e9odale. D\u00e9marche parfaitement horizontale, dont le spectacle donne un plaisir comparable \u00e0 celui que procure quelquefois la vue de la tra\u00een\u00e9e de lumi\u00e8re engendr\u00e9e par certains bolides qui, en apparence plus gros que des \u00e9toiles filantes, viennent \u00e0 traverser le ciel des r\u00e9gions chaudes avec une lenteur illusoire bien s\u00fbr mais, de prime abord, suffocante. _Un mobile anim\u00e9 d'un mouvement de translation..._ N'\u00e9tait que leur glissement rectiligne est tout aussi nuanc\u00e9 que, sur le plan de la d\u00e9clamation, les modulations fascinantes (entre parole et chant) de leurs voix haut perch\u00e9es, une telle formule \u2013 vestige, je crois, des \u00e9nonc\u00e9s de probl\u00e8mes que je trouvais dans mes livres de math\u00e9matiques quand j'\u00e9tais au lyc\u00e9e \u2013 rendrait \u00e0 peu pr\u00e8s compte de la fa\u00e7on dont se d\u00e9placent ces cr\u00e9atures souveraines en qui l'on est surpris, lorsqu'on les voit hors de sc\u00e8ne et priv\u00e9es de leurs beaux visages blafards aux pommettes carmin\u00e9es, de d\u00e9couvrir des filles pareilles par le maintien et par la mise \u00e0 celles que l'on croise dans la rue et dou\u00e9es, non pas d'une facult\u00e9 de se propulser en quelque sorte astrale et comme d\u00e9sincarn\u00e9e, mais de la m\u00eame bonne et sympathique d\u00e9marche balanc\u00e9e. De sorte que nous sommes s\u00e9duits maintenant \u2013 et le sommes doublement \u2013 par l'abandon sans coquetterie de celles qui tout \u00e0 l'heure nous subjuguaient avec leurs gestes et leur diction quintessenci\u00e9s. Comment, d'un d\u00e9guisement parfait parce qu'il semble que sa porteuse n'a de r\u00e9alit\u00e9 que d\u00e9guis\u00e9e, peut-on passer \u00e0 une aussi parfaite absence de d\u00e9guisement ? _Myst\u00e8re et boule de gomme :_ voil\u00e0 ce que, pr\u00e9sente, me soufflerait peut-\u00eatre Wang Yuen-chen, \u00e0 qui l'un de mes compagnons avait appris cette locution, dont elle usait un peu \u00e0 tort et \u00e0 travers sans cesser de s'en amuser.\n\n _Pour (strictement) une moiti\u00e9 travestis, les amants \u00e0 mi-chemin d\u00e9j\u00e0 du virement aux col\u00e9opt\u00e8res..._ C'est en habit masculin que Chou Ying-ta\u00ef passe un an chez un professeur de la capitale, car \u00e0 l'\u00e9poque o\u00f9 ses amours l\u00e9gendaires sont situ\u00e9es les \u00e9tudes qu'elle a r\u00e9solu de faire \u00e9taient ferm\u00e9es aux filles. C'est donc \u00e0 un faux gar\u00e7on que son condisciple Liang Chan-po s'attache, m\u00fb par un sentiment qu'il ne reconna\u00eetra pour ce qu'il est qu'au moment o\u00f9 il aura enfin saisi le secret de l'astucieuse m\u00e9tamorphose. Or c'est, toute mascarade bannie, par une m\u00e9tamorphose o\u00f9 l'histoire naturelle se conjugue avec la mythologie que s'ach\u00e8vera l'idylle : quand l'amoureux \u00e0 qui le p\u00e8re a pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 un pr\u00e9tendant plus riche sera mort de chagrin et quand \u2013 au milieu des \u00e9clats du tonnerre \u2013 l'amoureuse aura conclu sa danse fun\u00e8bre en se jetant dans le tombeau du disparu (cet h\u00e9misph\u00e8re de pierre aupr\u00e8s duquel elle a fait arr\u00eater le cort\u00e8ge de ses noces et dont la foudre vient de crevasser la coque), deux papillons voletteront dans le soleil de l'embellie ; deux papillons qui sont les deux amants, incarn\u00e9s par les deux actrices maintenant envelopp\u00e9es de voiles vaporeux et se mouvant devant un d\u00e9cor de fleurs et d'arc-en-ciel, ces deux actrices dont une seule aura \u00e9t\u00e9 jeune homme plus qu'\u00e0 demi (l'autre n'en ayant jou\u00e9 que le simulacre temporaire) et qui toutes deux auront abandonn\u00e9 leurs d\u00e9froques de tragi-com\u00e9die pour une danse en le muet tournoiement de laquelle se r\u00e9sume l'apoth\u00e9ose terrestre du couple transfigur\u00e9 (les vieilles croyances touchant \u00e0 la m\u00e9tempsycose se confondant ici avec l'id\u00e9e des transmutations biologiques) et qui exprime en m\u00eame temps le triomphe des deux actrices qu'on voit sourire \u00e0 l'ovation et parcourir \u00e0 menus pas pr\u00e9cipit\u00e9s l'enti\u00e8re \u00e9tendue de la sc\u00e8ne en d\u00e9crivant de vastes cercles d'insectes aux battements d'ailes enivr\u00e9s. _Happy end_ \u00e0 double sens, puisque le bonheur intemporel des amants r\u00e9unis sous la forme de papillons s'identifie \u00e0 la joie pr\u00e9sente des protagonistes et que les bravos du public saluent le talent de celles-ci autant que l'heureux d\u00e9nouement d'une histoire qui l'a fait pleurer.\n\nL'\u00e9tat d'ignorance o\u00f9 la plupart des femmes \u00e9taient tenues, la toute-puissance des parents d\u00e9cidant \u00e0 leur gr\u00e9 des unions conjugales, telles sont les tares de la soci\u00e9t\u00e9 f\u00e9odale qui se trouvent d\u00e9nonc\u00e9es dans le vieux conte des _Amours de Liang Chan-po et Chou Ying-ta\u00ef,_ d'o\u00f9 a \u00e9t\u00e9 tir\u00e9e d\u00e8s longtemps la pi\u00e8ce que j'ai vu repr\u00e9senter en la plus r\u00e9pandue de ses versions modernes. Tableau d'un mode de vie aujourd'hui d\u00e9pass\u00e9 puisque l'\u00e9mancipation f\u00e9minine et la r\u00e9forme du mariage dans un sens lib\u00e9ral comptent parmi les grands progr\u00e8s que le peuple chinois doit \u00e0 ses actuels dirigeants, cette com\u00e9die de m\u0153urs dont chaque fragment atteint \u00e0 la po\u00e9sie lapidaire d'une devise ou d'un proverbe rec\u00e8le une signification critique en accord avec la foi nouvelle. Il n'est jusqu'\u00e0 sa conclusion, o\u00f9 joue \u00e0 plein le merveilleux, dont les id\u00e9es marxistes-l\u00e9ninistes ne puissent (\u00e0 la rigueur) s'accommoder : si l'immortalit\u00e9 n'est qu'un r\u00eave et si pour un mat\u00e9rialiste il est exclu de croire \u00e0 l'\u00e9ventualit\u00e9 d'une renaissance, lui est-il interdit de chercher, du moins, une ombre de consolation dans la pens\u00e9e qu'un corps humain n'est pas vou\u00e9 \u00e0 une disparition totale et que les \u00e9l\u00e9ments dont il \u00e9tait compos\u00e9 seront brass\u00e9s \u00e0 nouveau en une s\u00e9rie de combinaisons dont l'infinie diversit\u00e9 constitue ce que nous appelons commun\u00e9ment la _nature,_ cette nature qui se divise en trois r\u00e8gnes dans l'un desquels se rangent, entre autres cr\u00e9atures vivantes, les d\u00e9licates bestioles ail\u00e9es que sont les papillons ? Plus proches de la v\u00e9rit\u00e9 vraie que Tamino et Pamina traversant le feu et l'eau victorieusement gr\u00e2ce au pouvoir de la fl\u00fbte enchant\u00e9e, Liang Chan-po et Chou Ying-ta\u00ef ont un destin qui ne s'\u00e9carte gu\u00e8re de la loi naturelle, en l'occurrence moins viol\u00e9e qu'infl\u00e9chie, ainsi qu'il va pour ces morts pa\u00efens promis \u00e0 retrouver un soup\u00e7on d'existence sous la forme des v\u00e9g\u00e9taux nourriciers qui pousseront dans le champ m\u00eame o\u00f9 on les a enterr\u00e9s.\n\nComme si j'avais pris pour mod\u00e8le une de ces peintures chinoises \u00e9tir\u00e9es sur des rouleaux trop longs pour que l'\u0153il puisse jamais faire autre chose que voyager \u00e0 travers la succession des montagnes, des vall\u00e9es et des surfaces aquatiques qui y sont figur\u00e9es, je d\u00e9vide une suite de notations introduites \u2013 \u00e0 la mani\u00e8re tant\u00f4t de commentaires explicatifs, tant\u00f4t de gloses \u00e9labor\u00e9es ou de libres _marginalia_ \u2013 par quelques-uns des bouts de texte avec lesquels j'ai tent\u00e9, rentr\u00e9 en France, de donner un peu de solidit\u00e9 \u00e0 certaines de mes trop fluides impressions. Depuis que je m'escrime ainsi, travaillant sur quelques d\u00e9tails sans parvenir \u00e0 me hausser jusqu'\u00e0 la moindre vue d'ensemble, sans rencontrer non plus l'une de ces cordes personnelles qu'il suffit de laisser vibrer une fois qu'elles ont \u00e9t\u00e9 touch\u00e9es (et tout, alors, \u00e0 d\u00e9faut de s'ordonner de soi-m\u00eame s'impose du moins comme une cha\u00eene de v\u00e9rit\u00e9s dont la premi\u00e8re qu'on a r\u00e9ussi \u00e0 saisir fait pressentir qu'il en est d'autres de m\u00eame famille qu'en y mettant le prix voulu d'application et de sagacit\u00e9 l'on pourra saisir elles aussi), ce qui \u00e0 chaque effort nouveau me surprend un peu plus c'est, pr\u00e9cis\u00e9ment, de ne pas arriver \u00e0 d\u00e9passer ces d\u00e9tails alors que mon voyage m'\u00e9tait apparu tout d'abord comme un \u00e9v\u00e9nement qui, dans un sens heureux, marquerait le reste de ma vie \u2013 cela (il est vrai) quand je me fus \u00ab d\u00e9croch\u00e9 \u00bb, car si je crois toujours en la n\u00e9cessit\u00e9 de voyager je ressens de plus en plus comme un arrachement tout d\u00e9part m\u00eame \u00e0 destination d'un proche pays et pour une absence de courte dur\u00e9e.\n\nMais n'est-ce pas, justement, parce qu'il y avait danger de grosse d\u00e9sillusion \u2013 comme pour qui joue sa derni\u00e8re carte \u2013 que j'ai eu tant de mal \u00e0 me d\u00e9crocher quand je suis parti pour la Chine ? Et n'est-ce pas, \u00e9galement, parce que je r\u00e9pugne \u00e0 cette d\u00e9sillusion que je m'accroche maintenant \u00e0 des d\u00e9tails comme qui se cramponne \u00e0 des d\u00e9bris pour \u00e9chapper \u00e0 un naufrage ? Le fait est, toutefois, que les d\u00e9tails en question repr\u00e9sentent ce qui, en Chine, a \u00e9t\u00e9 pour moi une certitude v\u00e9cue et m'a touch\u00e9 au c\u0153ur. De quoi parlerais-je donc, sinon de ces choses qui m'ont \u00e9mu et auxquelles, malgr\u00e9 leur exigu\u00eft\u00e9, je puis m'arrimer solidement ? Si je suis aujourd'hui naufrag\u00e9, le d\u00e9sastre tient probablement tout entier dans le verre d'eau limpide de cette double constatation : ma vie n'est pas chang\u00e9e du seul fait que j'ai vu une part des grands progr\u00e8s qu'un grand pays est en train d'accomplir et je crois qu'elle ne le serait pas davantage si des observations pouss\u00e9es m'avaient affranchi de toute inqui\u00e9tude quant \u00e0 la puret\u00e9 des moyens \u2013 rien que persuasifs, m'a-t-on dit constamment \u2013 par lesquels ce grand pays pousse sa modernisation ; pour que ma vie ait chance de se rectifier, il faudrait que dans les terres \u00e9lues les choses soient ainsi dispos\u00e9es que le travail, par exemple, auquel je me livre quand je cherche \u00e0 d\u00e9finir mon exp\u00e9rience chinoise \u00e0 partir de d\u00e9tails minimes, mais pr\u00e9cis et pour moi \u00e9mouvants, puisse \u00eatre jug\u00e9 par mes amis de l\u00e0-bas (s'ils en avaient connaissance) autrement que comme une esp\u00e8ce de malfa\u00e7on au regard du t\u00e9moignage militant qu'ils esp\u00e9raient \u00e9videmment de moi et qui cadrerait seul avec l'id\u00e9e d'une litt\u00e9rature dont l'unique \u00e9talon de valeur est l'aide qu'elle apporte au peuple. Posant ainsi le probl\u00e8me, je pose \u2013 comme d'ordinaire par un d\u00e9tour \u2013 cette interrogation fondamentale : suis-je \u00e0 jamais incapable d'avoir en quoi que ce soit une foi suffisante pour que s'estompe mon angoisse personnelle ou bien est-ce la construction socialiste que je dois incriminer, dans la mesure o\u00f9 elle s'effectue \u2013 m\u00eame en Chine \u2013 selon des voies trop g\u00e9om\u00e9triquement trac\u00e9es pour qu'une telle angoisse vitale, avec tous les produits techniquement inutiles qui peuvent en d\u00e9river, ne soit pas mise hors du jeu d\u00e8s le principe par les artisans h\u00e9ro\u00efques de cette construction ? Que le socialisme porte rem\u00e8de \u00e0 tout (sans excepter l'angoisse de se conna\u00eetre mortel), pareille exigence revient \u00e0 demander la lune et, s'il n'y r\u00e9pond pas, l'on ne peut trouver l\u00e0 pr\u00e9texte \u00e0 s'en d\u00e9tourner. Mais ne serait-il pas naturel de s'attendre \u00e0 ce que des travaux qui visent \u00e0 combler tant bien que mal le trou de cette angoisse originelle aient en tout cas droit de cit\u00e9 dans une soci\u00e9t\u00e9 marxiste, puisqu'une telle soci\u00e9t\u00e9 doit par d\u00e9finition tendre \u00e0 r\u00e9aliser la v\u00e9ritable soci\u00e9t\u00e9 humaine ? Rien, certes, ne m'a \u00e9t\u00e9 demand\u00e9 et c'est en toute libert\u00e9 que je puis t\u00e9moigner (aussi bien, d'ailleurs, que m'abstenir de t\u00e9moigner). N'emp\u00eache que tout ce que j'ai vu l\u00e0-bas de l'entreprise titanesque dans laquelle les Chinois sont engag\u00e9s m'incite \u00e0 croire qu'on n'y conc\u00e8de, au mieux, qu'une place \u00e9troite et pr\u00e9caire \u00e0 ce qui ne sert pas directement cette entreprise. Beaucoup d'importance (j'ai plaisir \u00e0 le souligner) est accord\u00e9e au th\u00e9\u00e2tre, \u00e0 l'arch\u00e9ologie, aux arts traditionnels, bref, aux divers aspects de la culture nationale, et une production cin\u00e9matographique souvent brillante prouve elle aussi qu'en dehors m\u00eame de l'immense effort pour l'instruction des masses il se d\u00e9ploie une intense activit\u00e9 culturelle dans ce pays que tant d'Occidentaux s'imaginaient fig\u00e9. Mais le pivot de tout cela reste l'\u00e9dification du socialisme en Chine et je vois mal comment une activit\u00e9 du genre de celle qui m'absorbe pourrait y \u00eatre class\u00e9e ailleurs que parmi ces reliquats bourgeois \u2013 si ce n'est f\u00e9odaux \u2013 qui appellent une r\u00e9\u00e9ducation. C'est l\u00e0, j'y consens, raisonner en \u00e9gocentriste et l'on aura beau jeu de me dire que l'homme de lettres montre, en l'occurrence, un peu plus que le bout de l'oreille. A l'\u00e9chelle des collectivit\u00e9s et au niveau de leurs besoins imm\u00e9diats, il n'est que trop certain que je suis dans mon tort, car l'urgent est \u2013 bien s\u00fbr \u2013 de donner une vie meilleure \u00e0 des centaines de millions de personnes. Mauvaise conscience mise \u00e0 part, le rigorisme des faiseurs de plans est cependant pour moi une cause de malaise et m'oblige \u00e0 me poser personnellement cette question : est-ce agir dans un sens correct (pour soi comme pour ceux qui viendront apr\u00e8s) que travailler \u00e0 quelque chose dont on sait que chacun doit s'y consacrer pleinement (la demi-mesure \u00e9tant exclue en mati\u00e8re de r\u00e9volution) mais dont on sait aussi qu'y adh\u00e9rer sans r\u00e9serve peut amener \u00e0 se nier en ce qu'on a de plus intime et tuer ainsi dans l'\u0153uf ce qui serait votre v\u00e9ritable apport \u00e0 l'\u0153uvre collective ? Liang Chan-po et Chou Ying-ta\u00ef, dans la l\u00e9gende qui les fait mourir puis se changer en papillons, b\u00e9n\u00e9ficient de cette merveille : se m\u00e9tamorphoser sans cesser pour autant d'\u00eatre soi-m\u00eame. Dois-je tirer un trait sur tout espoir de me r\u00e9concilier, ou bien dois-je affirmer qu'il n'est nullement du domaine de la fable de concevoir, sur le plan de l'action militante, un \u00e9quivalent de la m\u00e9tamorphose miraculeuse des deux amants ?\n\n_De vos jardins fleuris fermez les portes_\n\n_Les myrtes sont fl\u00e9tris, les roses mortes !_\n\nLa veille de notre d\u00e9part pour l'Europe, nos interpr\u00e8tes nous avaient offert un banquet o\u00f9 les toasts avaient \u00e9t\u00e9 nombreux et o\u00f9 l'on \u00e9tait all\u00e9 jusqu'aux chansons de dessert. En r\u00e9plique au num\u00e9ro de l'un de mes compagnons (qui, s'exhibant ainsi, n'avait eu d'autre pens\u00e9e que de lancer la balle) la petite Chouang Sien \u2013 cette jolie traductrice de langue anglaise dont les parents habitaient Changha\u00ef alors que sa coll\u00e8gue Wang Yuen-chen venait de Kounming, au Yunnan \u2013 nous avait chant\u00e9, de sa voix plus richement \u00e9toff\u00e9e que ne permettait de l'attendre son visage d'enfant, une chanson chinoise, puis \u00e0 mon tour je m'\u00e9tais lev\u00e9 pour cet air du si\u00e8cle dernier qui me semblait, aussi m\u00e9diocre et fragmentaire que f\u00fbt l'ex\u00e9cution que j'\u00e9tais \u00e0 m\u00eame d'en donner, exprimer mieux que mes d\u00e9clarations trop prosa\u00efques la m\u00e9lancolie o\u00f9 me plongeait la perspective de l'imminente s\u00e9paration. \u00ab Je vous demande de boire \u00e0 la sant\u00e9 de mon courage \u00bb, avais-je dit au cours du d\u00eener, en un toast dont le th\u00e8me \u00e9tait la peine que j'\u00e9prouvais et le courage qu'il me faudrait le lendemain pour quitter ce pays o\u00f9 je ne doutais pas que j'aurais aim\u00e9 prendre racine. Songeant maintenant \u00e0 tout le chemin parcouru depuis ce moment d'effusion dans un de ces restaurants de P\u00e9kin dont la cour est aussi bien basse-cour puisqu'on y voit \u00e0 l'occasion claudiquer tout vivants les canards destin\u00e9s \u00e0 \u00eatre mang\u00e9s laqu\u00e9s, je me demande si, de ma camaraderie apparemment si franche et si promise \u00e0 durer avec nos interpr\u00e8tes, il n'en aura pas \u00e9t\u00e9 tout simplement comme il en est \u2013 quand on est jeune \u2013 de tant de belles (mais t\u00f4t fan\u00e9es) amiti\u00e9s de vacances !\n\nRepas fini et tables abandonn\u00e9es, nous avions quelque temps bavard\u00e9 sans contrainte et j'avais pris \u00e0 c\u0153ur, m'exprimant comme quelqu'un qui cherche \u00e0 suivre toujours le fil d'or de son \u00e9motion, d'expliquer \u00e0 la camarade Wang ce que m'avait appris ce voyage \u00e0 la veille de se terminer : que la construction socialiste, au lieu de s'accomplir dans l'ennui et la rigidit\u00e9, p\u00fbt se faire avec bonne humeur et gaiet\u00e9 (ainsi qu'en t\u00e9moignait l'attitude m\u00eame de mon interlocutrice comme de tous ceux-l\u00e0 qui s'\u00e9taient mis en quatre pour satisfaire \u00e0 nos multiples _desiderata_ sans jamais se d\u00e9partir de leur empressement souriant), telle \u00e9tait la grande le\u00e7on que je tirais de nos quelques semaines en Chine nouvelle. Mais la bonne Wang, cat\u00e9chum\u00e8ne aux id\u00e9es aussi r\u00e9guli\u00e8res que la coupe de ses cheveux, me r\u00e9pondait que, s'agissant de construction socialiste, il n'en saurait \u00eatre autrement. L'admiration qu'ainsi je professais pour quelque chose qui \u00e0 ses yeux allait de soi devait lui appara\u00eetre un \u00e9tonnement de parfait philistin et je m'en rendais compte dans le temps m\u00eame que je lui parlais ; aussi insistais-je fortement sur ce point, d'une part afin de lui d\u00e9montrer qu'il n'y a l\u00e0 rien de si \u00e9vident qu'il soit superflu d'en faire mention, et dans l'espoir de l'amener d'autre part \u00e0 mesurer utilement ce qu'aurait de prodigieux la r\u00e9ussite de la Chine au cas o\u00f9 de bout en bout elle conduirait sa r\u00e9volution sans s'\u00e9carter d'un pareil style. La jeune s\u00e9ide du mage couleur de bl\u00e9 m\u00fbr ou de d\u00e9but d'un cr\u00e9puscule de septembre sur le Parc du Lac Nord dans la p\u00e9riph\u00e9rie de P\u00e9kin aurait \u00e9t\u00e9 plus pr\u00e8s de me gagner \u00e0 sa cause, si elle s'\u00e9tait montr\u00e9e plus consciente de la chance qui para\u00eet \u00eatre actuellement celle du communisme chinois et moins s\u00fbre des bienfaits, en quelque sorte automatiques, de la doctrine en laquelle je ne puis douter qu'\u00e0 s'y d\u00e9vouer corps et \u00e2me elle trouvait un grand confort moral.\n\n _La fillette de sucre candi, aux nattes de r\u00e9glisse, prend notre main pour nous conduire au club des papillons, Monelle marxiste-l\u00e9niniste._\n\nCe que pour les intellectuels fran\u00e7ais de l'\u00e9poque symboliste furent l'anarchie et le nihilisme (dont Marcel Schwob s'est fait un des proph\u00e8tes avec _Le Livre de Monelle_ ), le communisme en aura \u00e9t\u00e9 un peu l'\u00e9quivalent pour ceux de ma g\u00e9n\u00e9ration : de quelque mani\u00e8re que nous jugions la conjoncture pr\u00e9sente et quand bien m\u00eame nous tiendrions ce grand mouvement pour aujourd'hui fourvoy\u00e9, il nous est impossible, quant \u00e0 nous, de ne pas regarder la r\u00e9volution d'octobre 1917 comme l'\u00e9v\u00e9nement majeur de notre \u00e9poque, celui qui pour les plus lucides aura marqu\u00e9 le commencement d'un \u00e2ge nouveau ou, du moins, aura repr\u00e9sent\u00e9 l'ultime espoir de voir l'humanit\u00e9 s'atteler \u00e0 une t\u00e2che, certes, grosse de p\u00e9rils et de difficult\u00e9s mais d\u00e9fendable dans ses vis\u00e9es. J'avais seize ans quand ce bouleversement se produisit et il me faut bien dire qu'\u00e0 ce moment je ne lui attachai nulle importance privil\u00e9gi\u00e9e par comparaison avec les autres \u00e9v\u00e9nements que rapportaient les quotidiens et p\u00e9riodiques, uniquement soucieux de l'\u00e9volution heureuse ou malheureuse de la guerre men\u00e9e par les Alli\u00e9s. Apr\u00e8s l'assassinat du moine Raspoutine, il y avait eu la prise du pouvoir par Alexandre Kerensky (que je rencontrerais quelques ann\u00e9es plus tard dans les rues de Passy lorsque, d\u00e9chu de ses fonctions de chef d'\u00c9tat, il aurait \u00e9t\u00e9 r\u00e9duit \u00e0 la condition d'exil\u00e9, et prom\u00e8nerait sur les paisibles trottoirs du seizi\u00e8me arrondissement sa silhouette grise et rev\u00eache de Napol\u00e9on manqu\u00e9). L'opinion bourgeoise avait d'abord bien augur\u00e9 de la chute du tsar, comptant qu'il en r\u00e9sulterait pour la Russie un redressement dans la conduite de sa guerre ; mais elle avait vite d\u00e9chant\u00e9, ceux qu'on appelait \u00ab maximalistes \u00bb et \u00ab minimalistes \u00bb l'inqui\u00e9tant par leurs men\u00e9es, et bient\u00f4t elle avait pouss\u00e9 les hauts cris, lorsque le gouvernement kerenskyste avait \u00e9t\u00e9 jet\u00e9 bas par les premiers (eux qui, de ces deux fractions d'extr\u00eame gauche, \u00e9taient les minoritaires contrairement \u00e0 ce que me semblait indiquer leur appellation fran\u00e7aise, traduction approximative du terme _bolchevik_ oppos\u00e9 \u00e0 celui de _menchevik)._ L\u00e9nine qui avait travers\u00e9 l'Allemagne dans un wagon plomb\u00e9, Trotsky le juif, p\u00eale-m\u00eale avec les pacifistes de Zimmerwald et de Kienthal, ne tard\u00e8rent pas \u00e0 prendre rang aux c\u00f4t\u00e9s des espions et des d\u00e9faitistes, les rastaquou\u00e8res Almereyda et Bolo-Pacha, Mata-Hari la belle Indon\u00e9sienne et d'autres de moindre format parmi lesquels l'actrice Suzy Depsy ou ce \u00ab tra\u00eetre Guilbaut \u00bb dont le nom n'\u00e9tait jamais imprim\u00e9 que pr\u00e9c\u00e9d\u00e9 de cette \u00e9pith\u00e8te qui l'assimilait \u00e0 un moderne Ganelon. Quand les personnages de L\u00e9nine et de Trotsky acquirent pour moi un peu de consistance, il y avait beau temps que Saint-P\u00e9tersbourg \u00e9tait devenu Leningrad, apr\u00e8s la phase transitoire et maintenant presque oubli\u00e9e durant laquelle son nom fut \u00ab Petrograd \u00bb. J'avais appris \u00e0 ce moment-l\u00e0, au contact des quelques artistes et \u00e9crivains avec qui j'avais li\u00e9 partie pour des raisons d'abord tout esth\u00e9tiques, qu'on ne peut pas se borner \u00e0 \u00eatre non conformiste sur le seul plan de l'art et que l'ind\u00e9pendance doit se marquer aussi devant certaines r\u00e9alit\u00e9s d'ordre social ou politique ; avec les formes particuli\u00e8rement r\u00e9voltantes qu'il rev\u00eat lorsqu'il se fait disciplinaire (comme aux Bat' d'Af') ou colonial (comme dans la guerre du Maroc), le militarisme \u00e9tait la plus embl\u00e9matique de ces r\u00e9alit\u00e9s et c'est probablement autour de celle-l\u00e0 que, pour moi, tout a cristallis\u00e9 : avant d'\u00eatre le grand leader du prol\u00e9tariat, L\u00e9nine fut, \u00e0 mes yeux comme \u00e0 ceux des surr\u00e9alistes, l'homme qui avait os\u00e9 signer la paix de Brest-Litovsk. Quelle qu'ait \u00e9t\u00e9 depuis lors l'amplitude de mes oscillations (tant\u00f4t m'indignant de l'autoritarisme des m\u00e9thodes staliniennes tant\u00f4t les estimant justifi\u00e9es par la n\u00e9cessit\u00e9 de prot\u00e9ger et de renforcer la Russie en marche vers le socialisme), je n'ai jamais cess\u00e9 de consid\u00e9rer L\u00e9nine comme l'ap\u00f4tre ou le saint de ce XXe si\u00e8cle travaill\u00e9 de courants si divers mais dont, \u00e0 l'int\u00e9rieur m\u00eame du monde capitaliste, un Andalou et un Londonien, Picasso et Chaplin, sont les deux glorieux et bien vivants pourvoyeurs en imagerie.\n\nA Tientsin \u2013 autrement baptis\u00e9e depuis le nouveau r\u00e9gime, comme maintes autres villes chinoises \u2013 on nous mena visiter un centre de r\u00e9union destin\u00e9 aux enfants et nous y f\u00fbmes re\u00e7us, avec de grandes d\u00e9monstrations d'amiti\u00e9, par une foule de gamins et de gamines, ces derni\u00e8res d\u00e9licatement fard\u00e9es (l\u00e8vres rougies et joues touch\u00e9es de rose) bien que la plupart fussent \u00e0 peine des adolescentes. Les plus d\u00e9lur\u00e9s de la petite bande, saisissant nos mains qu'ensuite ils ne l\u00e2chaient plus, s'employ\u00e8rent \u00e0 nous guider et \u00e0 nous faire les honneurs de leur club. En signe de bienvenue l'on nous donna de ces petits oiseaux en peluche teinte de couleurs vives (tels qu'\u00e0 P\u00e9kin et ailleurs on en trouve dans les boutiques), gentils pr\u00e9sents auxquels s'adjoignirent des cadeaux d'un caract\u00e8re plus farce : de jolies pommes aux tons bien m\u00fbrs qui se fondaient en eau quand on les avait tenues un certain temps dans la main. Ceux d'entre nous qui voulurent bien s'y pr\u00eater furent entra\u00een\u00e9s dans des danses folkloriques, et de frais \u00e9clats de rire, trop francs pour \u00eatre en rien blessants, salu\u00e8rent les efforts bouffons que, plusieurs de mes compagnons et moi, nous f\u00eemes pour assumer notre r\u00f4le dans des figures difficiles \u00e0 ex\u00e9cuter sans y \u00eatre initi\u00e9s, malgr\u00e9 leur relative simplicit\u00e9. Pendant toute la dur\u00e9e de la visite, j'eus pour compagne une tr\u00e8s petite fille qui, d\u00e8s mon arriv\u00e9e, m'avait offert un oiseau de peluche et s'\u00e9tait empar\u00e9e de ma main gauche que, parfois, elle serrait fortement en levant les yeux vers moi et me souriant de tout son visage. D'elle \u00e0 moi, il n'y avait, bien entendu, aucune possibilit\u00e9 de conversation mais les pressions de doigts y suppl\u00e9aient. Nous nous promen\u00e2mes d'abord dans la cour et, momentan\u00e9ment, je quittai ma jeune cavali\u00e8re pour prendre part aux danses auxquelles d'autres enfants me conviaient. Sit\u00f4t ces \u00e9bats termin\u00e9s, sa main retrouva la mienne sans que j'aie eu le moindre besoin de la chercher et nous continu\u00e2mes ainsi notre promenade, parcourant maintenant l'int\u00e9rieur du b\u00e2timent en allant de salle en salle et traversant tant\u00f4t une pi\u00e8ce pour le jeu tant\u00f4t une pi\u00e8ce pour l'\u00e9tude, cela, autant qu'il m'en souvienne et si tant est que j'aie identifi\u00e9 avec exactitude ces diff\u00e9rents locaux dont, faute d'un langage commun, la destination ne pouvait pas m'\u00eatre indiqu\u00e9e par la fillette qui me guidait. Aux murs de l'une de ces pi\u00e8ces \u00e9taient appos\u00e9es quelques chromolithographies repr\u00e9sentant des sc\u00e8nes r\u00e9volutionnaires et l'on voyait sur l'une d'elles \u2013 reproduction d'un tableau sovi\u00e9tique \u2013 je ne sais quel \u00e9pisode de la vie publique de L\u00e9nine. Un temps d'arr\u00eat fut marqu\u00e9 devant celle-l\u00e0 et la petite, serrant un peu plus fort ma main, pronon\u00e7a distinctement le mot \u00ab L\u00e9nine \u00bb, comme si elle avait \u00e9t\u00e9 heureuse de trouver dans son vocabulaire un terme gr\u00e2ce auquel notre accord pourrait enfin se traduire en parole, puisque de toute \u00e9vidence je connaissais ce nom fameux et le reconna\u00eetrais d'autant plus efficacement qu'il d\u00e9signait quelqu'un qui devait \u00eatre, \u00e0 ses yeux, presque mon compatriote. De m\u00eame que le latin fut pour la chr\u00e9tient\u00e9 une sorte d'esp\u00e9ranto et que le symbole du poisson servit de signe de reconnaissance aux tenants de la foi nouvelle, un nom tel que celui de L\u00e9nine et des symboles comme la faucille et le marteau ou la colombe inspir\u00e9e de la gravure de Picasso peuvent aujourd'hui constituer un vivant trait d'union entre des \u00eatres que s\u00e9parent la race, la langue, voire l'\u00e2ge par surcro\u00eet. Ce qui, \u00e0 mon sens, est la vertu inappr\u00e9ciable du communisme c'est qu'il relie effectivement par quelque chose de _commun_ des individus qui, sans cela, resteraient tout \u00e0 fait \u00e9trangers les uns aux autres, dispers\u00e9s comme ils le sont aux quatre coins de la terre. Mais, toute fond\u00e9e qu'elle soit sur des r\u00e9alit\u00e9s sociales et non sur des nu\u00e9es religieuses, une telle communaut\u00e9 n'en est pas moins fluide, car ce monde-l\u00e0 lui aussi poss\u00e8de ses th\u00e9ologiens qui ont t\u00f4t fait d'excommunier ceux qu'ils regardent comme h\u00e9r\u00e9tiques.\n\n _Un crime tous les cinq jours et les prix les plus hauts de l'Italie._ C'est \u00e0 Palerme que je lis cela sur un panneau de propagande, dans les coquets Jardins Anglais o\u00f9 la section locale du Parti Communiste donne une f\u00eate au b\u00e9n\u00e9fice du journal _L'Unit\u00e0,_ sorte de foire avec man\u00e8ges, loteries et attractions diverses, dont l'\u00e9lection de \u00ab Miss Palermo Vie Nuove 1956 \u00bb (mais pas plus que je ne verrai l'heureuse gagnante, je ne saurai si ces _vie nuove_ sont les voies neuves ouvertes par le socialisme ou bien les rues nouvelles d'un quartier fra\u00eechement construit ou en projet dans cette ville qui abonde en taudis). J'ach\u00e8ve ici des vacances avec ma femme et nous nous sommes, pour cette derni\u00e8re semaine, install\u00e9s dans un endroit plus silencieux que celui o\u00f9 nous avions habit\u00e9 lors de notre premier voyage en Sicile et o\u00f9 nous \u00e9tions \u00e0 nouveau descendus lors de notre r\u00e9cente arriv\u00e9e : le \u00ab Grand H\u00f4tel et des Palmes \u00bb \u2013 _Grande Albergo e delle Palme_ \u2013 palace depuis un certain temps d\u00e9chu o\u00f9 l'on peut voir encore l'appartement occup\u00e9 par Wagner alors qu'il finissait de composer _Parsifal_ et o\u00f9 nous avions visit\u00e9, il y a neuf ans, la chambre entre les quatre murs nus de laquelle, en 1933, Roussel est mort dans des circonstances qui donnent \u00e0 penser que c'\u00e9tait bien la mort qu'il cherchait en absorbant (comme il le fit) une quantit\u00e9 trop forte de barbiturique. L'h\u00f4tel o\u00f9 nous sommes maintenant est un vaste ensemble de b\u00e2timents d'un luxe d\u00e9mod\u00e9, dans un parc qui domine la mer et qu'encerclent des faubourgs trop pauvres pour que la pr\u00e9sence d'un aussi noble caravans\u00e9rail au milieu de quartiers litt\u00e9ralement si ruin\u00e9s n'ait pas quelque chose de saugrenu en m\u00eame temps que profond\u00e9ment choquant ; dans une salle spacieuse \u00e0 l'ornementation modern style et dont les murs pr\u00e9sentent des sc\u00e8nes de la Sicile antique avec de jolies filles \u00e0 tuniques affriolantes peuplant un site abusivement fleuri que hantent aussi des cygnes et des paons (alors que la salle \u00e0 manger exhibe des ressouvenirs de d\u00e9cors pomp\u00e9iens m\u00eal\u00e9s \u00e0 des chinoiseries faussement XVIIIe si\u00e8cle. et \u00e0 des \u00e9l\u00e9gances plus difficiles \u00e0 classer), il se tient aujourd'hui un congr\u00e8s de juristes. Petit probl\u00e8me du genre de ceux (ni l\u00e9gaux ni moraux mais relevant plut\u00f4t de la civilit\u00e9) qui se posent souvent aux bourgeois de mon esp\u00e8ce, imbus d'id\u00e9es \u00ab de gauche \u00bb et trop g\u00ean\u00e9s par l'exc\u00e8s d'injustice pour n'\u00eatre pas des sympathisants communistes : si, me promenant \u00e0 travers les baraques de la f\u00eate du Parti, j'avais \u00e9t\u00e9 sollicit\u00e9 pour l'achat d'un insigne, j'aurais certainement acquiesc\u00e9 ; mais, moi qui ne voudrais d'ailleurs pas non plus porter \u00e0 ma boutonni\u00e8re une d\u00e9coration ou n'importe quelle autre marque d'affiliation, n'aurais-je pas jug\u00e9 supr\u00eamement inconvenant de le garder \u00e9pingl\u00e9 au revers de ma veste quand, au retour de notre promenade, le moment serait venu de p\u00e9n\u00e9trer dans le hall de l'h\u00f4tel et de demander la clef de notre chambre au petit homme \u00e0 cheveux gris et bouche chagrine qui porte avec tant de dignit\u00e9 sa livr\u00e9e noire de portier ? _Un crime tous les cinq jours et les prix les plus hauts de l'Italie..._ D\u00e9cid\u00e9 ou non \u00e0 l'afficher en permanence sur mon v\u00eatement \u2013 et aurais-je m\u00eame, en ne m'y r\u00e9solvant pas, t\u00e9moign\u00e9 tout le premier d'une f\u00e2cheuse fluidit\u00e9 \u2013 je ne puis que m'aligner avec ceux qui ont r\u00e9dig\u00e9 ce slogan, car la vue de la mis\u00e8re qui s'\u00e9tale dans certains coins de Palerme lui tient lieu de v\u00e9rification.\n\n\u00ab L\u00e9nine \u00bb, avait dit la fillette qui me conduisait \u00e0 travers les diverses parties de son club enfantin comme si le sort l'avait d\u00e9sign\u00e9e pour \u00eatre mon cic\u00e9rone dans le pays magique d'o\u00f9 venait cet oiseau qu'elle m'avait donn\u00e9 \u2013 un pays rouge au lieu du pays blanc dont Monelle parle \u00e0 son historiographe. \u00ab L\u00e9nine \u00bb, avait dit le chromo pr\u00e9cis mais sans beaut\u00e9 sur lequel, du premier coup d'\u0153il, le grand r\u00e9volutionnaire \u00e9tait identifiable par tout un chacun. Produit peu engageant d'un art conforme aux principes du r\u00e9alisme socialiste, c'est cela (et rien de plus) qu'aurait \u00e9t\u00e9 pour moi cette image banale, si la fillette ne l'avait dou\u00e9e d'une fonction tout autre qu'illustrative en pronon\u00e7ant le mot \u00ab L\u00e9nine \u00bb qui, dans l'imm\u00e9diat, n'\u00e9tait qu'un sous-titre inutile mais, plus lointainement, \u00e9levait le quelconque chromo \u00e9ducatif \u00e0 la dignit\u00e9 de symbole gr\u00e2ce auquel une entente positive devenait enfin possible.\n\nMoi qui, dans mes d\u00e9marches m\u00eame les plus ordinaires souffre d'un doute quasi maniaque sur ma capacit\u00e9 de m'expliquer comme il faudrait (au point, par exemple, de ne gu\u00e8re entrer dans une boutique afin d'y effectuer un achat sans avoir longuement ressass\u00e9 la formule cependant anodine et ne visant pas plus \u00e0 l'\u00e9l\u00e9gance qu'\u00e0 la simple rigueur au moyen de laquelle j'indiquerai ce que je veux, de sorte qu'il m'arrive souvent, faisant \u00e0 pied une course dans Paris, de perdre une bonne partie de l'agr\u00e9ment de ma promenade \u00e0 ruminer ainsi, au lieu de profiter du spectacle de la rue, une phrase au demeurant tr\u00e8s diff\u00e9rente de celle qui me viendra sit\u00f4t le seuil franchi), moi qui \u2013 sinon par chance ou confiance rare en mon interlocuteur \u2013 ne converse qu'avec embarras en raison de ma crainte m\u00eame de ne savoir que dire ou comment dire ce que je puis avoir \u00e0 dire, moi qui aime de surcro\u00eet que dans les endroits semi-publics o\u00f9 je vais (restaurant, coiffeur, chemisier, tailleur ou quelque fournisseur que ce soit) celui qui s'occupe de moi non seulement me traite en client trop connu pour qu'on n'accepte pas les yeux ferm\u00e9s de lui faire \u00e9ventuellement cr\u00e9dit mais, si possible, manifeste notre relation de personne \u00e0 personne en m'appelant par mon nom (comme si avoir un nom pour des gens devant lesquels une quantit\u00e9 de pratiques d\u00e9filent et \u00eatre, pour eux, d\u00e9fini par des syllabes qui n'ont pas l'impersonnalit\u00e9 d'une \u00e9tiquette d'\u00e9tat civil mais collent strictement \u00e0 votre peau signifiait qu'on vous reconna\u00eet quelque chose comme une \u00e2me et \u00e9tait donc rassurant), il va de soi que j'\u00e9tais port\u00e9 plus que quiconque \u00e0 \u00e9couter, avec autant d'\u00e9moi que s'il s'\u00e9tait agi de celle d'un ma\u00eetre mot, l'\u00e9locution de ce nom au sens assez riche et universel pour \u00eatre monnaie d'\u00e9change entre une gamine de race jaune et l'Occidental emp\u00eatr\u00e9 que j'\u00e9tais. Je crois bien qu'\u00e0 ce mot, dont la soudaine \u00e9closion simplifiait tout et qui vivait moins encore d'une id\u00e9e que du souvenir vivant de l'homme qu'il continue de d\u00e9signer, je ne r\u00e9pondis rien. Qu'aurais-je d'ailleurs r\u00e9pondu, sinon \u00ab L\u00e9nine \u00bb \u00e0 mon tour, et pouvais-je donc faire mieux que serrer un peu plus la main de la fillette, en un geste identique au sien ?\n\nVivacit\u00e9 des enfants, cordialit\u00e9 des hommes, charme sans vaine coquetterie des filles et des femmes comptent parmi les raisons les plus solides que j'ai d'aimer la Chine et, s'il faut voir l\u00e0 des vertus qui n'ont pas eu besoin d'une r\u00e9volution pour se manifester, l'on doit reconna\u00eetre du moins que cette r\u00e9volution est fort loin de les avoir annihil\u00e9es. Filles et femmes dont la condition s'est \u00e0 tel point transform\u00e9e peuvent d'ailleurs \u00eatre regard\u00e9es, dans une large mesure, comme des produits de cette Chine nouvelle ; n'aurait-il produit que cela, c'est une chose grande et belle qui devrait \u00eatre port\u00e9e \u00e0 l'actif du communisme chinois. Et les nouvelles que les journaux fran\u00e7ais ont publi\u00e9es en ce mois d'octobre 1956 (secou\u00e9 par tant de convulsions puisque la guerre larv\u00e9e persiste \u00e0 faire saigner l'Afrique du Nord et qu'on voit, tandis que l'agitation s'accro\u00eet dans le Proche-Orient, la Hongrie se soulever pour avoir \u00e9t\u00e9 men\u00e9e d'une main trop dure pendant de longues ann\u00e9es), les nouvelles encore vagues qui sont venues de Chine quant \u00e0 la d\u00e9mocratisation des statuts du Parti Communiste ne peuvent, d'autre part, que tendre \u00e0 ranimer la confiance de ceux qui, comme moi, en \u00e9taient venus \u00e0 se demander si cette r\u00e9volution-l\u00e0 n'allait pas, elle aussi, se trouver d\u00e9tourn\u00e9e de son humanisme par un souci trop imm\u00e9diat de d\u00e9velopper co\u00fbte que co\u00fbte la production nationale. La partie n'est pas gagn\u00e9e, tant s'en faut ! pour les tenants d'un communisme libre, qui ont comme adversaires aussi bien les partisans du socialisme \u00e0 poigne de fer que ceux de la classique r\u00e9action. Mais des nouvelles de cette esp\u00e8ce permettent de penser qu'il y a effectivement quelque chose de chang\u00e9 dans un sens heureux depuis ce qu'il est convenu, dans nos milieux, de nommer la \u00ab d\u00e9stalinisation \u00bb.\n\n _Un seul fil qui ne s'est jamais rompu, depuis le_ Sinanthropus Pekinensis _jusqu'au camarade Mao Ts\u00e9-toung._ C'est \u00e0 proximit\u00e9 de P\u00e9kin qu'ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9couverts, dans la premi\u00e8re moiti\u00e9 du si\u00e8cle, les ossements et les diverses traces d\u00e9finissant le Sinanthrope, qui para\u00eet repr\u00e9senter la plus ancienne attestation humaine connue et est maintenant pour les Chinois une sorte de gloire nationale. De petits manuels d'histoire destin\u00e9s aux enfants comportent comme illustration liminaire son profil \u2013 presque museau \u2013 reconstitu\u00e9 et s'ach\u00e8vent avec les portraits des principaux artisans de la r\u00e9volution. Encore qu'il y ait l\u00e0 ample mati\u00e8re \u00e0 discussion et qu'on doive compter avec le renouvellement de perspective que des trouvailles dans d'autres parties du monde entra\u00eeneraient \u00e9ventuellement, la Chine peut se flatter d'\u00eatre le lieu o\u00f9 a surgi cet Adam : le premier \u00eatre assez intelligent pour produire du feu et fabriquer un stock d'outils. A feuilleter ces livres d'histoire \u2013 tels que j'en ai vu \u00e0 Tchongking alors que je faisais route vers le Yunnan \u2013 il semblerait que les \u00e9ducateurs chinois aient \u00e0 c\u0153ur de montrer que leur pays n'a pas attendu l'\u00e9poque moderne pour \u00eatre \u00e0 l'avant-garde en fait de civilisation, puisque la seule existence des restes du Sinanthrope ou \u00ab Homme de Chine \u00bb prouve qu'elle le fut d\u00e9j\u00e0, somme toute, \u00e0 l'aube des temps.\n\nJe m'appr\u00eate \u00e0 soutenir qu'il y a une continuit\u00e9 de la Chine, que la r\u00e9volution communiste ne s'est pas abattue sur elle comme une maladie ; je me pr\u00e9pare \u00e0 d\u00e9clarer que cette antique sagesse et ce pr\u00e9cieux art de vivre qui, pour beaucoup d'entre nous, lui ont conf\u00e9r\u00e9 d\u00e8s longtemps un grand prestige trouvent dans ce qui se fait en Chine nouvelle leur v\u00e9ritable aboutissement comme si un fil unique reliait entre eux, \u00e0 travers les sommeils et les soubresauts de son histoire, les avatars divers par lesquels est pass\u00e9e cette partie du monde. Et voil\u00e0 que, pour moi, un fil qui me conduit depuis plusieurs dizaines d'ann\u00e9es et qui s'est emm\u00eal\u00e9 de la fa\u00e7on la plus \u00e9troite \u00e0 celui-l\u00e0 vient brusquement de se rompre : l'arm\u00e9e sovi\u00e9tique a \u00e9cras\u00e9 la r\u00e9bellion de Budapest et il appara\u00eet que cette arm\u00e9e d'un pays socialiste \u00e9tait, aux yeux du peuple hongrois, ce qu'est une arm\u00e9e d'occupation pour un peuple qui se veut ind\u00e9pendant. D'abord r\u00e9serv\u00e9e, la Chine a fini par s'aligner avec l'Union sovi\u00e9tique et elle applaudit aujourd'hui \u00e0 l'action des soldats russes, en les louant de n'avoir pas h\u00e9sit\u00e9 \u00e0 verser une fois de plus leur sang pour lutter contre le fascisme. Apr\u00e8s avoir d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9 de tant de choses, le temps serait-il d\u00e9cid\u00e9ment venu de d\u00e9sesp\u00e9rer aussi du communisme ?\n\n _S\u00fbret\u00e9 de soi, excluant la violence fanatique._ Au bas de l'une de mes fiches de travail (une de celles qui ont pour titre \u00ab Miette de Chine \u00bb et o\u00f9 sont consign\u00e9es les fr\u00eales observations que j'utilise ici), j'avais inscrit ces quelques mots, aide-m\u00e9moire pour la conclusion optimiste \u00e0 tirer de la note qui forme l'essentiel du contenu de la fiche : \u00ab A la Montagne de l'Ouest, pr\u00e8s Kounming, temple bouddhique en pleine activit\u00e9 (pr\u00e9sence des bonzes, offrandes de fruits sur les autels, baguettes d'encens br\u00fblant, etc.). Parmi les divers b\u00e2timents \u2013 qui comprennent les logements des bonzes, un restaurant pour les p\u00e8lerins, etc. \u2013 il y a une salle de lecture progressiste avec un portrait de Mao Ts\u00e9-toung. \u00bb Que les p\u00e8lerins, s'ils y tiennent, s'adonnent \u00e0 leurs momeries et que les bonzes tirent un profit suppl\u00e9mentaire de la gestion de leur table d'h\u00f4te ! L'on ne force personne et l'on esp\u00e8re seulement que la salle de lecture sera visit\u00e9e _elle aussi._ Cette v\u00e9rit\u00e9 qui t\u00f4t ou tard se fera jour, il suffit de la mettre \u00e0 port\u00e9e des gens (de plus en plus nombreux) que la m\u00e9thode d'enseignement acc\u00e9l\u00e9r\u00e9 imagin\u00e9e par un soldat rend \u00e0 m\u00eame de d\u00e9chiffrer la quantit\u00e9 indispensable d'id\u00e9ogrammes, \u00e0 d\u00e9faut de leur enti\u00e8re multiplicit\u00e9.\n\nMais \u2013 alors que j'en \u00e9tais \u00e0 ce point de ma recension chinoise et comme si, perplexe, j'avais obscur\u00e9ment appel\u00e9 une diversion \u2013 il y a, cette nuit m\u00eame, un r\u00eave qui s'est gliss\u00e9 et qui se propose \u00e0 la fa\u00e7on d'un id\u00e9ogramme que, d'urgence, il me faudrait d\u00e9crypter. Un r\u00eave (comme il en est souvent) cass\u00e9 d\u00e8s mon r\u00e9veil en morceaux disparates et pas toujours imm\u00e9diatement identifiables, mais dont je sais qu'\u00e0 l'origine ils constituaient un m\u00eame ensemble. Un r\u00eave, bien s\u00fbr, avec des r\u00e9f\u00e9rences \u00e0 des \u00e9v\u00e9nements de ma vie r\u00e9elle (parfois \u00e9videntes, parfois d\u00e9licates \u00e0 d\u00e9m\u00ealer) ; avec des r\u00e9f\u00e9rences aussi (plus imag\u00e9es mais de sens non moins probl\u00e9matique) \u00e0 un r\u00eave pass\u00e9 que semble raccorder \u00e0 un r\u00eave encore plus ancien la fragile passerelle jet\u00e9e de l'un \u00e0 l'autre par un aspect de cette Montagne de l'Ouest vue au Yunnan \u2013 extr\u00eame pointe de mon voyage chinois \u2013 six mois apr\u00e8s l'\u00e9closion du second de ces r\u00eaves qu'un intervalle de presque treize ans s\u00e9pare du premier, mais qui partage avec lui comme avec les autres maillons de cette cha\u00eene un curieux air de famille.\n\nUne paroi rocheuse \u00e0 peu pr\u00e8s verticale, qui est tant\u00f4t le balcon naturel auquel j'arrive apr\u00e8s un long parcours et d'o\u00f9 je vois, se d\u00e9roulant en bas, un spectacle fascinant, tant\u00f4t la haute fa\u00e7ade dont je contemple, \u00e0 la fin de ma course, les ornements grandioses avec un sentiment d'extase \u00e0 quoi se m\u00eale une angoisse qui n'est pas un simple vertige. Tel est l'\u00e9l\u00e9ment commun \u00e0 mes trois r\u00eaves irr\u00e9guli\u00e8rement espac\u00e9s, ainsi qu'\u00e0 la promenade faite dans les environs de Kounming, au cours de l'une des journ\u00e9es obstin\u00e9ment pluvieuses que nous pass\u00e2mes dans cette r\u00e9gion o\u00f9 (selon notre amie Wang Yuen-chen, qu'affecta presque aux larmes la m\u00e9diocrit\u00e9 de la vue que nous e\u00fbmes ainsi de son pays originel) nous devions rencontrer un \u00e9ternel printemps.\n\n_Il vole sur l'\u00e9tendue de la neige_\n\n_et le voil\u00e0 perle blanche..._\n\nDans le r\u00eave qui pr\u00e9c\u00e9da de six mois mon passage au Yunnan et cette visite de temples dont l'un comportait un b\u00e2timent consacr\u00e9 \u00e0 la propagande marxiste-l\u00e9niniste, j'apercevais \u2013 tr\u00e8s bas au-dessous du site montagneux o\u00f9 je me trouvais et presque \u00e0 la verticale \u2013 un cheval de couleur ind\u00e9termin\u00e9e, seul \u00eatre que mes yeux pussent clairement appr\u00e9hender dans l'uniformit\u00e9 de la plaine ou du plateau qu'ils d\u00e9couvraient. La crini\u00e8re, elle aussi sans couleur, paraissait r\u00e9sumer toute la vie de cet animal auquel j'attachais je ne sais quelle intime et lointaine signification, comme si un lien obscur mais pr\u00e9cis l'avait uni \u00e0 ce qui m'\u00e9chappe le plus de ma propre personne. Dans ce r\u00eave que, m'\u00e9veillant en pleine nuit, je constatai \u00ab beau et m\u00e9lancolique \u00bb en le racontant \u00e0 celle qui s'\u00e9tait \u00e9veill\u00e9e comme \u00e0 point nomm\u00e9 pour en \u00e9couter le r\u00e9cit, pas d'autre \u00e9v\u00e9nement que celui-ci : \u00e0 un certain moment, le cheval se d\u00e9pla\u00e7ait. Mouvement tout \u00e0 fait rectiligne et de vitesse constante qui, sans diminuer sensiblement notre \u00e9cart que mesurait surtout la diff\u00e9rence des niveaux, le rapprochait du point o\u00f9 mon regard aurait plong\u00e9 s'il s'\u00e9tait orient\u00e9 conform\u00e9ment \u00e0 ce qu'indique le fil \u00e0 plomb. Changement de lieu qui s'op\u00e9rait sans bruit et sans que rien du cheval bouge\u00e2t, hormis peut-\u00eatre la crini\u00e8re ondoyante. Je pronon\u00e7ais alors les paroles qui fixaient la couleur du cheval et celle de l'ensemble du panorama \u2013 ce blanc neigeux \u00e0 la douceur de perle, que mes yeux n'avaient pas observ\u00e9 \u2013 en m\u00eame temps que, repr\u00e9sentant l'aboutissement et comme la moralit\u00e9 du r\u00eave, elles semblaient m'en r\u00e9v\u00e9ler l'essence de fa\u00e7on telle que la r\u00e9flexion diurne que je lui appliquerais une fois de retour \u00e0 l'autre rive ne ferait que traduire en termes discursifs ce qui, d\u00e8s le r\u00eave, m'avait \u00e9t\u00e9 donn\u00e9 po\u00e9tiquement. Image du destin tant soit peu ma\u00eetris\u00e9 si l'on parvient \u00e0 consid\u00e9rer (comme de tr\u00e8s haut) son cours imperturbable, voil\u00e0 ce que dans l'imm\u00e9diat me proposait ce cheval que son galop immobile d\u00e9pla\u00e7ait sur une surface plane. Gage d'une p\u00e9rennit\u00e9 conquise par la projection de soi en un objet (l'\u0153uvre d'art) dont l'histoire se poursuit ind\u00e9pendamment de la v\u00f4tre et qui est autre chose en m\u00eame temps que vous-m\u00eame, voil\u00e0 ce qu'il devint quand, revenant d\u00e8s le lendemain sur ce r\u00eave et sur la phrase qui le concluait, je me fus efforc\u00e9 d'en d\u00e9gager toute la le\u00e7on.\n\nA l'or\u00e9e de mon r\u00eave de l'autre nuit (\u00ab autre nuit \u00bb et d\u00e9j\u00e0 plus \u00ab nuit derni\u00e8re \u00bb \u00e0 l'heure o\u00f9 j'en arrive \u00e0 ce deuxi\u00e8me r\u00e9cit), il y a aussi une falaise abrupte, \u00e0 laquelle je parviens au terme d'une excursion en montagne. Mais l'animal que je verrai courir \u00e0 travers l'esp\u00e8ce de d\u00e9sert pierreux qu'on aper\u00e7oit en bas n'a pas grand-chose de commun avec le cheval-f\u00e9e qui, peu de mois avant mon d\u00e9part pour la Chine, m'\u00e9tait apparu tandis que je dormais dans cette maison de campagne de Saint-Hilaire o\u00f9, moi et les miens, nous allions passer chacune de nos fins de semaines avant qu'une suite n\u00e9faste d'\u00e9v\u00e9nements n'e\u00fbt introduit une assez longue coupure dans l'accomplissement p\u00e9riodique de ce rite : la mort de ma m\u00e8re (survenue \u00e0 Saint-Pierre-l\u00e8s-Nemours, alors qu'elle \u00e9tait si \u00e2g\u00e9e qu'on l'aurait crue, pour un peu, victorieuse d'un cap funeste \u00e0 la plupart des \u00eatres mais dont certains seraient capables pour toujours de triompher), un accident dont ma femme a \u00e9t\u00e9 la victime au moment m\u00eame o\u00f9 l'\u00e9tat physique de ma m\u00e8re commen\u00e7ait \u00e0 lourdement nous inqui\u00e9ter (faux pas qu'elle fit sur une marche de l'escalier menant \u00e0 notre chambre dans la maison de Saint-Hilaire et chute dont on la releva avec entorse, genou d\u00e9mis et m\u00eame fracture d'un petit os nomm\u00e9 \u00ab \u00e9pine tibiale \u00bb), chagrin et d\u00e9sagr\u00e9ment priv\u00e9s qu'escort\u00e8rent, sur le plan des secousses publiques et comme si tout devait se d\u00e9mantibuler en m\u00eame temps, la sinistre affaire hongroise (qui n'est pas encore termin\u00e9e) et la piteuse affaire du canal de Suez, dont l'un des r\u00e9sultats d\u00e8s maintenant patents \u2013 sans pr\u00e9juger la gravit\u00e9 probable de ses cons\u00e9quences plus lointaines \u2013 est, quant \u00e0 la vie en France, une p\u00e9nurie de produits p\u00e9troliers dont se ressentent maintes industries et qui \u2013 r\u00e9percussion \u00e9videmment mineure mais n\u00e9anmoins aga\u00e7ante \u2013 complique beaucoup les choses pour ceux qui avaient l'habitude de week-ends campagnards.\n\nL'animal que je voyais courir \u00e0 la poursuite d'un oiseau dans mon r\u00e9cent r\u00eave parisien n'\u00e9tait ni du m\u00eame format ni de la m\u00eame couleur que le cheval de l'autre r\u00eave et n'avait de commun avec lui que sa nature de quadrup\u00e8de. B\u00eate prosa\u00efque, exactement rustique car son prototype de la vie \u00e9veill\u00e9e habite la maison de Saint-Hilaire (o\u00f9, pour mon plus grand ennui, de ternes paysans fran\u00e7ais ont succ\u00e9d\u00e9 aux Guadeloup\u00e9ens qui en furent les gardiens avant que leur refus de se plier \u00e0 un minimum de contraintes les e\u00fbt amen\u00e9s \u00e0 nous quitter, point tranquillement comme nous l'aurions aim\u00e9 mais dans une atmosph\u00e8re presque de drame passionnel, d'o\u00f9 ne fut pas exclu l'appel \u00e0 la vindicte surnaturelle puisque la gouvernante mul\u00e2tre porta une solennelle mal\u00e9diction contre ma femme, assimil\u00e9e \u00e0 une esclavagiste digne des temps f\u00e9odaux, et contre notre maison), cet animal d'une robustesse toute rurale, et de bonne race quoique sans pedigree enregistr\u00e9, n'est autre que ma chienne Dine, pas vue depuis un mois et dont je commen\u00e7ais \u00e0 regretter la soci\u00e9t\u00e9 lorsque vint cette nuit o\u00f9, vers le d\u00e9but d'un r\u00eave, elle m'\u00e9chappa (ainsi qu'il lui est coutumier dans nos courses r\u00e9elles) pour se pr\u00e9cipiter au bas de la falaise \u2013 comme seul un chat e\u00fbt pu le faire sans se rompre les os \u2013 et se jeter fougueusement \u00e0 la poursuite d'un oiseau. Quand cette brave b\u00eate, cordiale autant que le sont d'ordinaire ses cong\u00e9n\u00e8res les boxers, mais imp\u00e9tueuse et dont je ne suis jamais arriv\u00e9 \u00e0 me faire ob\u00e9ir, s'\u00e9chappe ainsi \u2013 en chasseresse \u00e9perdue \u2013 au cours d'une des promenades que nous faisons souvent \u00e0 travers champs, quand elle finit par se perdre dans l'\u00e9loignement apr\u00e8s avoir nag\u00e9 dans les hautes herbes de la Beauce \u2013 tel un dauphin terrestre, de petite taille et enrob\u00e9 d'un pelage fauve, qui tant\u00f4t plongerait et tant\u00f4t \u00e9mergerait gr\u00e2ce \u00e0 deux larges oreilles brun\u00e2tres dont le battement lui permettrait de longs envols \u2013 bien qu'il soit entendu qu'un chien se retrouve toujours, je me demande chaque fois si je la reverrai. Et c'est la m\u00eame perplexit\u00e9 que j'\u00e9prouvais dans mon r\u00eave, ignorant jusqu'o\u00f9 la fugitive se laisserait entra\u00eener et ne voyant d'ailleurs pas comment elle pourrait me rejoindre sur le haut de cette falaise au bord de laquelle je me trouvais. Toutefois, cette crainte durait peu (comme il en est pour les incartades du m\u00eame ordre auxquelles la bouillonnante Dine se livre dans la vie courante) car je la voyais, au bout de quelques minutes, appara\u00eetre sur un autre point de la falaise et revenir au galop vers moi.\n\nLa sc\u00e8ne changeait alors tout \u00e0 fait et prenait pour th\u00e9\u00e2tre un lieu bien diff\u00e9rent de cette falaise dominant une plaine d\u00e9sertique, cette falaise qui se dressait d\u00e9j\u00e0 dans le plus ancien des trois r\u00eaves mais sous une forme telle que le rapprochement n'e\u00fbt gu\u00e8re pu s'op\u00e9rer si, pr\u00e8s de Kounming, je ne m'\u00e9tais rendu aussi \u00e0 un escarpement rocheux et n'y avais contempl\u00e9 certaines choses : outre le temple tao\u00efste qui y juchait en nids d'aigle sa s\u00e9rie d'\u00e9difices (chapelles \u00e9chelonn\u00e9es les unes au-dessus des autres, chacune abondamment d\u00e9cor\u00e9e et garnie de statues, avec d'autres sculptures nich\u00e9es \u00e7\u00e0 et l\u00e0 dans le plein air du site extraordinairement abrupt), outre cet \u00e9tonnant chapelet de constructions vertigineusement accroch\u00e9es \u00e0 des hauteurs diverses, j'avais regard\u00e9 \u2013 d'un \u0153il alors apais\u00e9 \u2013 le lac qui s'\u00e9tendait en bas avec ses fonds de sable ou de vase affleurant et qui vers la rive oppos\u00e9e apparaissait, en cette journ\u00e9e de pluie gu\u00e8re interrompue, moir\u00e9 comme de salives d'escargots, reflets d'argent \u00e0 proximit\u00e9 des ors pos\u00e9s sur la terre ferme par les rayons solaires franchissant les interstices des nuages, lac peu profond mais cependant navigable puisque j'y vis passer un train de jonques r\u00e9duit par la distance aux proportions d'un jouet. N'\u00e9taient les sculptures de forme humaine et les autres sculptures (une tortue avec un serpent enroul\u00e9, un bufflon, un ph\u00e9nix) dont cet escarpement r\u00e9el \u00e9tait orn\u00e9 soit \u00e0 l'int\u00e9rieur des chapelles, soit \u00e0 l'ext\u00e9rieur sur l'une ou l'autre des plates-formes qui \u00e9tageaient leurs reposoirs le long de l'itin\u00e9raire zigzaguant que le visiteur devait suivre (peinant sur une succession de pentes tr\u00e8s raides, tant\u00f4t chemin tant\u00f4t escalier, et empruntant jusqu'\u00e0 un \u00e9troit passage en corniche sous arcades naturelles), n'\u00e9tait la pr\u00e9sence de ces sculptures sacr\u00e9es, aucune analogie pr\u00e9cise ne rattacherait la paroi surgie dans un r\u00eave vieux de plus de treize ans \u00e0 un pan de montagne suffocant par son agencement comme par la vue que d\u00e9couvrait son ascension ; et, si le pan de montagne ainsi dot\u00e9 doublement n'avait fait la liaison, je n'aurais sans doute pas remarqu\u00e9 combien la paroi ancienne est proche des deux falaises non moins irr\u00e9elles dont je viens de parler. Car cette paroi premi\u00e8re se distingue nettement des trois autres \u2013 celle de la Montagne de l'Ouest toute charg\u00e9e de figures et celles des deux r\u00eaves anim\u00e9s chacun par le galop d'un quadrup\u00e8de \u2013 en cela que je la voyais devant moi comme un mur au lieu d'y \u00eatre perch\u00e9. Certes, il s'agissait l\u00e0 aussi d'une promenade en montagne, motiv\u00e9e en l'occurrence par la visite d'une \u00e9glise ; mais ce qui constituait le seul spectacle c'\u00e9tait cette \u00e9glise elle-m\u00eame, adoss\u00e9e \u00e0 la montagne en un endroit \u00e0 forte d\u00e9clivit\u00e9. Sur la fa\u00e7ade haute et large, accol\u00e9e si strictement au bloc rocheux qu'elle se confondait plus ou moins avec lui, \u00e9taient sculpt\u00e9es d'\u00e9normes figures colori\u00e9es s'apparentant aux rois et autres personnages de cire qui sont une des curiosit\u00e9s de Westminster Abbey, aux anges g\u00e9ants \u00e0 longues trompettes surmontant le ma\u00eetre-autel de la cath\u00e9drale \u00e0 Saint-Jacques de Compostelle, ainsi qu'aux mannequins musiciens dont les orgues de chevaux de bois s'agr\u00e9mentaient lorsque j'\u00e9tais plus jeune. Figures si belles et si grandes (au double sens du mot) qu'\u00e0 les voir \u00e0 quelque distance j'\u00e9tais saisi de vertige, et pris d'angoisse, imaginant ce que serait ce vertige quand je verrais de plus pr\u00e8s \u2013 et, alors, d'une _grandeur_ vraiment d\u00e9mesur\u00e9e \u2013 ces sculptures taill\u00e9es \u00e0 m\u00eame les parois ext\u00e9rieures de l'\u00e9glise et, peut-\u00eatre, d\u00e9gag\u00e9es de la masse m\u00eame du rocher.\n\n _La Chine, o\u00f9 s'\u00e9largit la tache rouge de l'espoir,_ avait dit mon grand ami le po\u00e8te Aim\u00e9 C\u00e9saire dans un discours adress\u00e9 il y a quelques ann\u00e9es \u00e0 la population de Fort-de-France, lorsqu'il \u00e9tait un communiste de stricte observance et que l'horreur suscit\u00e9e en lui par la mise au grand jour \u2013 en Russie m\u00eame \u2013 des proc\u00e9d\u00e9s despotiques de Staline, l'inertie des dirigeants fran\u00e7ais apr\u00e8s cette d\u00e9nonciation officielle, \u00e0 cela joint sa volont\u00e9 d'orienter les travailleurs de son pays vers des buts proprement antillais et de soustraire leur action \u00e0 la pes\u00e9e du centralisme sovi\u00e9tique, ne l'avaient pas encore amen\u00e9 \u00e0 se s\u00e9parer du Parti Communiste Fran\u00e7ais. Or c'est autour d'Aim\u00e9 C\u00e9saire (dont l'un des enfants nous a \u00e9t\u00e9 confi\u00e9, \u00e0 ma femme et \u00e0 moi, tandis que le p\u00e8re porte l\u00e0-bas la bonne parole) que s'ordonne le second \u00e9pisode du r\u00eave que j'ai fait l'une de ces derni\u00e8res nuits.\n\nLe d\u00e9cor, maintenant d\u00e9nu\u00e9 de pittoresque, est simplement la campagne. La campagne, au sens tr\u00e8s impr\u00e9cis que cette expression rev\u00eat pour celui qui m'\u00e9coute si je dis aujourd'hui que dimanche prochain je serai \u00ab \u00e0 la campagne \u00bb comme d'autres parlent du s\u00e9jour qu'ils vont faire \u00ab \u00e0 la mer \u00bb ou bien \u00ab \u00e0 la montagne \u00bb. A l'exemple de ce d\u00e9cor sans relief (une maison qui est celle de Saint-Hilaire mais ne lui ressemble pas, un jardin tr\u00e8s touffu qui a peut-\u00eatre pour base, avec certaines r\u00e9miniscences de la villa \u00ab Les Gaules \u00bb que ma m\u00e8re habitait pr\u00e8s de Nemours et qu'il me semble avoir toujours connue, une photo re\u00e7ue le jour m\u00eame et qui m'avait fait voir la tombe de ma m\u00e8re enti\u00e8rement couverte de fleurs masquant ses ar\u00eates pierreuses et lui donnant l'aspect agreste d'un tumulus), le dernier \u00e9pisode du r\u00eave n'est qu'un amas confus dans lequel des souvenirs anciens se m\u00ealent \u00e0 mes pr\u00e9occupations du jour. Dans cette maison o\u00f9 j'h\u00e9berge Aim\u00e9 C\u00e9saire \u2013 d\u00e9tail probablement d\u00fb \u00e0 ce que pour le moment je loge un de ses fils \u2013 une foule de gens de couleur venus pour voir mon h\u00f4te se presse dans une sorte de long couloir-v\u00e9randa qui m\u00e8ne de la chambre qu'il occupe \u00e0 la petite pi\u00e8ce o\u00f9 je suis temporairement camp\u00e9, sorte de box sans porte et dont manque un c\u00f4t\u00e9. C\u00e9saire et moi nous devons sortir ensemble et, peut-\u00eatre, prendre un autocar avec quelques-uns de nos proches en vue d'une excursion (puisque \u00ab campagne \u00bb est pour les citadins \u00e9vocateur de \u00ab vacances \u00bb). Entrant dans mon box pour m'appr\u00eater, je constate qu'une partie de la foule martiniquaise a envahi cette pi\u00e8ce d'ailleurs ouverte \u00e0 tous les vents et a cru bon de d\u00e9placer toutes mes affaires (parmi lesquelles la paire de bottes lac\u00e9es que je portais pour monter \u00e0 mulet au cours du voyage \u00e0 la fois si recul\u00e9 et si pr\u00e9sent que j'ai fait en \u00c9thiopie il y a plus de vingt ans). A ces gens qui ont install\u00e9 sur ma table une buvette o\u00f9 se d\u00e9bitent limonades et sirops (\u00e0 peu pr\u00e8s comme dans les _ajoupa_ ou abris provisoires des f\u00eates patronales qui comptent avec les veill\u00e9es fun\u00e8bres parmi les grands moments de la vie des communaut\u00e9s martiniquaises) j'explique qu'ils doivent me laisser pour que je puisse m'habiller et qu'ils n'auraient pas d\u00fb ainsi tout bousculer. Gentiment, ils m'aident \u00e0 remettre les choses en ordre et, une jeune femme de couleur et moi, nous suspendons au fl\u00e9au d'une sorte de haute balance, \u00e0 l'aide de mauvais fils de fer recourb\u00e9s en crochets \u00e0 l'une de leurs extr\u00e9mit\u00e9s, le tiroir ou autre contenant dans lequel sont rang\u00e9es mes affaires. Traversant la foule en sortant de chez C\u00e9saire, j'ai parl\u00e9 un instant \u00e0 un ou deux Antillais, prudemment, car je me demandais s'ils \u00e9taient des partisans de celui que je soutiens ou des bourgeois curieux de savoir o\u00f9 en est le d\u00e9put\u00e9 dissident.\n\nNoblement commenc\u00e9 dans l'aridit\u00e9 d'un paysage de montagne, et poursuivi dans le remue-m\u00e9nage d'une maison surpeupl\u00e9e, le r\u00eave, bient\u00f4t kermesse \u00e9lectorale apr\u00e8s le bond vertigineux d'un animal so\u00fbl\u00e9 d'air et de libert\u00e9, s'ach\u00e8ve sur un rafistolage pour lequel est employ\u00e9 sans vergogne un objet d\u00e9licat, dont risque d'\u00eatre annihil\u00e9 ce qui faisait sa dignit\u00e9 : l'\u00e9quilibre, gr\u00e2ce \u00e0 quoi la balance est un symbole de rectitude et de justice. Ainsi r\u00e9sum\u00e9e, la succession intermittente de phantasmes acquiert la logique d'un apologue, auquel je serais tent\u00e9 d'assigner le sens suivant si j'oubliais dans quelle ambiance de malaise ces \u00e9v\u00e9nements se d\u00e9roulent : notre aspiration toute pure et comme animale \u00e0 une vie non claquemur\u00e9e est rel\u00e9gu\u00e9e \u00e0 l'arri\u00e8re-plan par l'action politique ; mais cette antinomie entre exigences naturelles et rigueur d'une id\u00e9e peut \u00eatre r\u00e9solue pratiquement \u2013 d'une fa\u00e7on qui, certes, frise l'acrobatie \u2013 avec un peu de bon vouloir et d'ing\u00e9niosit\u00e9.\n\nCe sch\u00e9ma serait-il diff\u00e9remment orient\u00e9 (retenant plut\u00f4t que l'apparent succ\u00e8s, ce qu'a de p\u00e9nible et de probl\u00e9matique le rafistolage de la fin) qu'il serait en tout cas bien pauvre, et par d\u00e9finition mensonger comme tout ce qui, en se faisant trop clair, s'est d\u00e9pouill\u00e9 de d\u00e9tails h\u00e2tivement jug\u00e9s superf\u00e9tatoires ou comme ce qu'un simple parti pris nous a induits \u00e0 d\u00e9gager, vaille que vaille, de son incoh\u00e9rence radicale. Nulle raison, assur\u00e9ment, de le tenir pour plus suspect \u00e0 priori que celui qui m'aurait sembl\u00e9 s'imposer si, prenant appui sur l'\u00e9pisode du fl\u00e9au de balance (cette tige \u00e9minemment mobile aux deux bouts de laquelle je suspends tant bien que mal un tiroir), je m'\u00e9tais engag\u00e9 dans la voie trouble dont cet objet bizarre peut passer pour le poteau indicateur et avais interpr\u00e9t\u00e9 le tout en termes de sexualit\u00e9 : la chienne et son plongeon de casse-cou comme image du prurit amoureux, l'ami glorieux comme substitut du p\u00e8re ou fr\u00e8re a\u00een\u00e9 dont je n'ai pas cess\u00e9 d'envier la virilit\u00e9, le travail de bricoleur que j'accomplis non sans peine avec l'aide d'une aimable assistante comme expression du tour de force que vient un jour \u00e0 repr\u00e9senter le bon usage de la balance \u00e0 double globe fibreux qu'est l'engin de la procr\u00e9ation. Mais nulle raison non plus de tenir ce sch\u00e9ma pour plus valable que celui que j'obtiendrais si je mettais en avant des donn\u00e9es d'ordre linguistique : la chienne qui court apr\u00e8s l'oiseau n'est-elle pas une chienne \u00ab en chasse \u00bb au sens propre du terme ? La campagne o\u00f9 est situ\u00e9e la sc\u00e8ne qui vient ensuite n'appelle-t-elle pas automatiquement une \u00ab campagne \u00bb \u00e9lectorale ? La table que je fais d\u00e9barrasser de ses bouteilles et le quadrilat\u00e8re dont le fl\u00e9au de balance et le tiroir constituent de mani\u00e8re pr\u00e9caire les deux limites horizontales ne sont-ils pas issus du mot \u00ab trap\u00e8ze \u00bb, qui physiquement \u00e9voque un appareil \u00e0 quoi les gymnastes s'accrochent en une certaine ins\u00e9curit\u00e9 et dont \u00e9tymologiquement je sais qu'il se rattache au grec ancien \u03c4\u03c1\u03ac\u03c0\u03b5\u03be\u03b1, anc\u00eatre du mot par lequel en grec moderne sont d\u00e9sign\u00e9es les banques \u2013 ainsi que je l'ai appris lors de mon premier voyage en Gr\u00e8ce, en m\u00eame temps que l'usage d'un \u00e9quivalent de \u00ab logarithme \u00bb pour demander l'addition au restaurant \u2013 et mot qui, s'il se fonde plut\u00f4t sur la table ou le comptoir puisque le mot originel signifie \u00ab quatre pieds \u00bb, pousse des antennes vers la _balance_ des comptes, l' _\u00e9quilibre_ du budget, etc.? Au cas m\u00eame o\u00f9 je saurais montrer que ces diverses analyses se compl\u00e8tent au lieu de s'exclure et, finalement, qu'elles s'\u00e9tayent en se recoupant sur bien des points, je les estimerais trop m\u00e9caniques pour avoir chance de toucher \u00e0 l'essentiel et je n'accorderais qu'un faible prix \u00e0 des aper\u00e7us dont presque \u00e0 volont\u00e9 je peux prolonger la s\u00e9rie, d\u00e9couvrant par exemple (ce qui serait \u00e0 peine forcer) un quatri\u00e8me fil d'Ariane dans la mythologie astrale : la course de la chienne telle la course des heures d\u00e9clench\u00e9e par l'oiseau solaire \u00e0 l'aube du r\u00eave ; le rayonnement de l'ami \u00e0 la fois po\u00e8te et tribun qui dans la vie n'est pas exactement un Osiris (malgr\u00e9 ce qu'il a d'africain) mais bel et bien l'incarnation de cet _Orph\u00e9e noir_ autour duquel un essai de Jean-Paul Sartre a fait graviter des lumi\u00e8res ; le teint feuille-morte de l'Isis ou Reine de la Nuit qui, au d\u00e9clin du r\u00eave, t\u00e2che \u00e0 remettre en ordre ce qui a \u00e9t\u00e9 dispers\u00e9 puis conjugue ses efforts avec les miens pour pendre quelque chose au ciel de cette balance dont les plateaux (si je pouvais les voir) seraient \u00e9videmment deux lunes de cuivre jumelles. Caricature, certes, que cette derni\u00e8re explication, mais miroir grossissant o\u00f9 se refl\u00e8tent l'insuffisance et la l\u00e9g\u00e8ret\u00e9 de celles que j'ai pr\u00e9c\u00e9demment esquiss\u00e9es. D\u00e9monstration par l'absurde, apr\u00e8s quoi il semblerait qu'il n'y ait plus qu'\u00e0 tirer l'\u00e9chelle...\n\nOr, comme ces rocailles artificielles \u00e9tonnamment ajour\u00e9es qu'on trouve dans maints jardins chinois et dont la forme est d\u00e9finie par les trous qui y sont for\u00e9s plus encore que par leurs reliefs, mon r\u00eave est cribl\u00e9 de vides dont je peux pr\u00e9sumer qu'ils ont leur importance. Si je les examine \u00e0 leur tour au lieu de ne consid\u00e9rer que les pleins, peut-\u00eatre ces vides deviendront-ils les _silences \u00e9loquents_ \u00e0 partir desquels le r\u00eave sera saisi dans toute sa v\u00e9rit\u00e9 ?\n\nLa plus frappante de ces lacunes, celle qui me porterait \u00e0 croire qu'il s'agit de deux r\u00eaves faits au cours d'une m\u00eame nuit, n'\u00e9tait qu'\u00e0 mon r\u00e9veil je ne doutai pas un instant qu'il s'agissait d'un r\u00eave unique, c'est le blanc qui s\u00e9pare l'\u00e9pisode montagnard de celui qui a pour th\u00e9\u00e2tre une maison de campagne. Quel lien entre le saut effectu\u00e9 par ma chienne dans un lieu \u00e0 peu pr\u00e8s d\u00e9sert et toute la s\u00e9quence politico-sociale dont C\u00e9saire, vers qui afflue une cohue de visiteurs, est le protagoniste ? Je n'en verrais aucun si, \u00e0 y regarder de plus pr\u00e8s, je n'observais que dans les parties pleines du r\u00eave le th\u00e8me du voyage pointe \u00e0 diverses reprises et sous diverses formes : c'est au cours d'une randonn\u00e9e en montagne que la chienne Dine m'\u00e9chappe pour effectuer sa randonn\u00e9e \u00e0 elle et c'est une excursion \u2013 cette fois par autocar \u2013 que C\u00e9saire et moi nous devons faire ; la foule qui se r\u00e9pand chez moi pour rencontrer mon h\u00f4te, c'est une foule de gens de couleur tels que j'en ai coudoy\u00e9 durant mes s\u00e9jours aux Antilles ; enfin, les seuls qui soient pr\u00e9cis\u00e9s parmi les objets vestimentaires ou autres qu'assez ridiculement je m'ing\u00e9nie \u00e0 ranger, ce sont les bottes lac\u00e9es de mon premier contact avec l'Afrique, accessoire trop martial pour que je puisse maintenant y songer sans ironie. A cette lumi\u00e8re, il appara\u00eet que le d\u00e9cousu du r\u00eave, s'il est d\u00fb pour une part \u00e0 des carences de m\u00e9moire, refl\u00e8te aussi le d\u00e9cousu \u2013 coupures brusques, changements \u00e0 vue, glissements vertigineux des choses et des sentiments \u00e0 leurs contraires \u2013 autrement dit les sautes de vent et sautes d'humeur inh\u00e9rentes \u00e0 tout voyage digne de ce nom : user d'un large \u00e9ventail de moyens de transport tant\u00f4t individuels et tant\u00f4t collectifs ; m\u00eame install\u00e9, savoir qu'on est en camp volant ; rassembler pour le proche d\u00e9part les effets et ustensiles \u00e0 peine tir\u00e9s des valises ou autres contenants ; passer d'un site sauvage \u00e0 un endroit surpeupl\u00e9 ; contempler la nature dans son isolement puis se dissoudre au sein des grands courants publics ; \u00eatre agac\u00e9 par ces \u00e9chantillons d'humanit\u00e9 qui primitivement vous charmaient ou, \u00e0 l'inverse, \u00eatre conquis par ceux dont les mani\u00e8res vous avaient d'abord irrit\u00e9 ; en mouvement m\u00eame si l'on est fix\u00e9, vivre avec eux et avec ce qui vous entoure quelque chose d'analogue aux vides et aux pleins de la passion comme quand, le c\u0153ur rassis, on s'\u00e9veille en se disant qu'on n'aime plus et qu'on se sent alors en proie \u00e0 tant de tristesse et de regret que l'on aime \u00e0 nouveau ; se demander en arrivant quelque part ce qu'on a pu venir faire l\u00e0 et tirer de cette constatation une joie masochiste comme si le voyage ne r\u00e9v\u00e9lait sa v\u00e9ritable essence qu'au moment o\u00f9 son bien-fond\u00e9 se trouve mis en question, c'est-\u00e0-dire lorsque la nostalgie montre le bout de l'oreille ; mais, pour finir, s'\u00e9prouver d\u00e9poss\u00e9d\u00e9 quand on est revenu entre les murs de sa maison.\n\nA bien des r\u00eaves qui se pr\u00e9sentent comme faits de pi\u00e8ces et de morceaux il serait, certes, ais\u00e9 de donner un semblant d'unit\u00e9 en admettant que leur folle suite d'aventures, sans lien visible et sans continuit\u00e9 de d\u00e9cor, avait pour cadre un voyage qu'imaginairement nous \u00e9tions en train d'accomplir. C\u00e9derais-je donc \u00e0 une facilit\u00e9 de cette esp\u00e8ce en regardant comme un r\u00eave de voyage le r\u00eave qu'inaugurait une course \u00e9perdue d'animal au pied d'une sorte de falaise et qui avait pour conclusion (purement virtuelle, puisque le r\u00eave s'arr\u00eatait en de\u00e7\u00e0) une promenade en autocar ? C'est une question que je devrais me poser, s'il n'y avait, pour ce r\u00eave lui aussi de pi\u00e8ces et de morceaux que l'id\u00e9e de voyage me permet de rabouter, une diff\u00e9rence pr\u00e9judicielle : d\u00e8s l'instant que cette id\u00e9e entre en jeu, ce n'est pas seulement une armature logique mais tout un arri\u00e8re-plan sentimental qui se r\u00e9v\u00e8le.\n\nJ'ai parl\u00e9 de malaise quand, d'un mot, j'ai voulu indiquer la note dominante de l'ensemble du r\u00eave. Mais, parant au plus press\u00e9, je n'ai cherch\u00e9 pas plus \u00e0 d\u00e9finir l'exacte nature de ce malaise qu'\u00e0 rep\u00e9rer avec pr\u00e9cision o\u00f9 et quand il se manifeste.\n\nVers le d\u00e9but, j'\u00e9prouve bien une certaine anxi\u00e9t\u00e9 au sujet de la chienne : survivra-t-elle \u00e0 son plongeon puis, quand je la vois rescap\u00e9e, comment s'y prendra-t-elle pour remonter jusqu'\u00e0 moi ? Toutefois, le prompt retour de la chienne ne donne pas \u00e0 cette anxi\u00e9t\u00e9 le temps de s'affirmer et d'\u00eatre plus qu'une petite faille dans l'euphorie que je ressens \u00e0 me trouver dans un _haut lieu,_ d'o\u00f9 je d\u00e9couvre un vaste panorama. Puisque mes craintes restent vaines, je puis m\u00eame dire qu'en un sens ce lever de rideau est moins d'angoisse que de victoire : \u00e0 la majest\u00e9 un peu morte du site montagnard le spectacle de la b\u00eate famili\u00e8re courant \u00e0 travers le d\u00e9sert pierreux ajoute, avec une bouff\u00e9e d'intimit\u00e9 quotidienne, quelque chose comme un coup de vent survenant pour animer l' _air pur des cimes_ plut\u00f4t que pour le troubler. Si le r\u00eave se d\u00e9t\u00e9riore, c'est dans la maison de campagne que cela se produit et c'est, assur\u00e9ment, avec la sc\u00e8ne de la chambre envahie par des inconnus que le malaise culmine.\n\nAim\u00e9 C\u00e9saire habite chez moi, dans une chambre situ\u00e9e au bout de cette v\u00e9randa que remplit la foule de ses visiteurs et \u00e0 l'autre extr\u00e9mit\u00e9 de laquelle s'ouvre le box o\u00f9 je me suis provisoirement install\u00e9. Tout en sachant qu'il est l\u00e0, c'est \u00e0 peine si je l'entrevois et durant cette s\u00e9quence dont il est le pivot presque toujours d\u00e9rob\u00e9 je sais, du m\u00eame savoir diffus, que la maison poss\u00e8de un grand jardin, si n\u00e9glig\u00e9 qu'il est presque revenu \u00e0 l'\u00e9tat sauvage. Quand le r\u00eave, achev\u00e9 d\u00e8s longtemps comme action qu'on croit vivre, ne sera plus qu'une aventure imaginaire qu'il faut en premier lieu reconstituer sans errement, je me demanderai si la vue de ce jardin ou le seul sentiment de son existence m'y furent positivement donn\u00e9s, ou bien si l'enclos \u00e0 demi submerg\u00e9 par la v\u00e9g\u00e9tation ne serait pas intervenu au simple titre de souvenir, image vague que le _je_ autour duquel le songe pr\u00e9sent s'ordonnait aurait tra\u00een\u00e9e apr\u00e8s lui comme une parcelle d'un pass\u00e9 qui n'\u00e9tait pas le mien mais le sien propre, ainsi qu'il en e\u00fbt \u00e9t\u00e9 si ce _je_ s'\u00e9tait rem\u00e9mor\u00e9 le contenu, r\u00e9el pour lui, de songes ant\u00e9rieurs dont ma m\u00e9moire \u00e0 moi aurait perdu toute trace. Il me sembla toutefois, alors que je travaillais \u00e0 fixer par \u00e9crit ce r\u00eave dont j'avais pu ramasser \u00e0 peine quelques bribes, que ce jardin bien diff\u00e9rent de celui de l'authentique maison de Saint-Hilaire tirait probablement le principal de son myst\u00e8re des effectives r\u00e9miniscences sur lesquelles il \u00e9tait b\u00e2ti : l'aspect abandonn\u00e9 du jardin de la villa \u00ab Les Gaules \u00bb \u00e0 Saint-Pierre-l\u00e8s-Nemours et, peut-\u00eatre, cette photo que ma s\u0153ur venait juste de m'envoyer et qui m'avait montr\u00e9 la tombe de ma m\u00e8re disparaissant sous une masse de gerbes et de bouquets. Ainsi, en face des tropiques lointains qu'\u00e9voquait la figure rayonnante de mon ami C\u00e9saire, il y avait dans mon r\u00eave une allusion probable \u00e0 ce qui, dans ma vie, repr\u00e9sente l'\u00e9l\u00e9ment le plus stable et le plus litt\u00e9ralement casanier : cette maison d'enfance qu'\u00e9claire maintenant, \u00e0 la mani\u00e8re d'un soleil noir, l'effigie de ma m\u00e8re d\u00e9funte.\n\nPour trouver le foyer du mal par lequel l'\u00e9pisode campagnard est peu \u00e0 peu infect\u00e9, de quel c\u00f4t\u00e9 dois-je me tourner : vers ce p\u00f4le moussu, et devin\u00e9 plus que donn\u00e9, qu'est l'intimit\u00e9 d'un jardin trop proche de tout ce dont je suis tiss\u00e9 pour clairement s'en d\u00e9tacher ? Ou vers le p\u00f4le torride que repr\u00e9sente Aim\u00e9 C\u00e9saire, presque sous-entendu lui aussi, puisqu'il se tient en coulisse et que son existence n'est gu\u00e8re attest\u00e9e que par les gens se pressant sous la v\u00e9randa et mes appr\u00eats pour notre promenade commune ? Si les lacunes de mon r\u00eave ont l'importance qu'il m'a sembl\u00e9, ce n'est pas par hasard que C\u00e9saire se montre tout au plus dans un entreb\u00e2illement de porte et que le jardin, quand j'ai voulu rendre compte de ce qui se passait sous le toit d'une maison dont il pouvait \u00eatre logiquement l'un des entours, s'est av\u00e9r\u00e9 brouill\u00e9 au point que je ne sais m\u00eame pas s'il n'\u00e9tait que souvenir ou chose vue de mes yeux, ferm\u00e9s par le sommeil mais ouverts sur le r\u00eave.\n\nPierre angulaire de tout cet \u00e9pisode, Aim\u00e9 C\u00e9saire me para\u00eet n\u00e9anmoins hors de cause : si de nos jours quelqu'un me donne courage c'est bien lui, car je crois pouvoir le regarder comme le seul de mes amis vivants en qui l'art et la politique \u2013 autrement dit le superluxe de l'imaginaire et la grosse quincaillerie des man\u0153uvres socialement utiles \u2013 parviennent \u00e0 se fondre au lieu de s'exclure l'un l'autre ou de tant bien que mal coexister. Il n'est ni un po\u00e8te qui a \u00e9mascul\u00e9 son art en le subordonnant aux directives d'un parti, ni quelqu'un dont la r\u00e9volte originelle s'est trouv\u00e9e d\u00e9vi\u00e9e ou arr\u00eat\u00e9e en cours de route par des soucis trop esth\u00e9tiques. Loin d'agir en intellectuel qui s'est doubl\u00e9 d'un militant pour \u00e9chapper \u00e0 ses propres mirages, il n'est qu'un Noir qui de tout son g\u00e9nie d'\u00e9crivain, de tout son savoir d'enseignant et de toute sa clairvoyance de leader travaille \u00e0 la lib\u00e9ration de tous en prenant pour devoir premier l'embellissement du sort de ses cong\u00e9n\u00e8res. Si par le jeu des g\u00e9n\u00e9alogies il appartient \u00e0 la race que fouaillait le bras m\u00e9canis\u00e9 des commandeurs, nul doute que moralement il soit de celle qui \u2013 selon Rimbaud \u2013 _chantait dans le supplice._\n\nC\u00e9saire ainsi lav\u00e9 de tout soup\u00e7on, que dois-je dire maintenant du jardin sous le fouillis duquel se cache la tombe de ma m\u00e8re et qui lui-m\u00eame cherche si bien \u00e0 se dissimuler que sa pr\u00e9sence dans le r\u00eave n'est qu'\u00e0 demi certaine ? M'appliquant \u00e0 en extraire un secret qui peut-\u00eatre lui manque, je ne puis me d\u00e9fendre d'\u00e9voquer l'image d'un autre jardin qu'\u00e0 une \u00e9poque bien ant\u00e9rieure j'ai r\u00e9ellement visit\u00e9 : pr\u00e8s du village d'Ermenonville, dont le ch\u00e2teau aurait \u00e9t\u00e9 (si l'on en croit Nerval) un lieu de rendez-vous pour les _illumin\u00e9s_ d'avant la R\u00e9volution, le merveilleux parc \u00e0 l'anglaise, aujourd'hui peu soign\u00e9 mais encore ordonn\u00e9, qui contient avec un temple de la Philosophie d\u00e9di\u00e9 \u00e0 Michel de Montaigne et les restes d'un tir \u00e0 l'arc le tombeau vide de Rousseau, au centre de l'\u00eele des Peupliers. Passant \u00e0 propos du jardin r\u00eav\u00e9 par une s\u00e9rie de certitudes et de doutes altern\u00e9s \u2013 je l'ai vu, ou plut\u00f4t non, je m'en suis souvenu ; souvenir, mais non, en \u00e9crivant mon r\u00eave je l'ai innocemment invent\u00e9 ; m\u00eame invent\u00e9, il \u00e9tait fait de vestiges vrais de mon pass\u00e9 ; ainsi p\u00e9tri de v\u00e9rit\u00e9, c'est comme si je l'avais vu ou m'en \u00e9tais souvenu \u2013 je pense aux embo\u00eetements successifs qui m'ont laiss\u00e9 tellement songeur apr\u00e8s ma promenade d'Ermenonville : dans le plein feuillu du parc, le vide d'une \u00e9tendue d'eau ; dans le vide de ce lac, le plein de la terre d'une \u00eele ; dans le plein \u00e0 peu pr\u00e8s rond de cette terre ferme, un cercle plus petit dessin\u00e9 par des peupliers ; au milieu du vide que cr\u00e9e l'anneau ainsi form\u00e9, le plein de la pierre du tombeau et, sous le plein de la pierre, le creux o\u00f9 \u2013 comme dit Nerval \u2013 _manquent les cendres de Rousseau._ Telle la triple enceinte de feu prot\u00e9geant le sommeil d'une vierge guerri\u00e8re, il semblerait que des barri\u00e8res aient \u00e9t\u00e9 symboliquement dress\u00e9es autour de cette tombe qui n'en est plus une puisque son h\u00f4te repose maintenant au Panth\u00e9on, o\u00f9 on l'a transf\u00e9r\u00e9 comme si un surcro\u00eet de prudence imposait de brouiller les pistes, en le soustrayant \u00e0 sa s\u00e9pulture originelle.\n\nSurgi au cours du r\u00eave ou tandis que j'\u00e9tais en train de me le raconter, et venu dans ce cas avec un certain retard mais trop spontan\u00e9ment pour que le d\u00e9tail ainsi surajout\u00e9 puisse \u00eatre le produit d'une r\u00e9flexion artificieuse, ce jardin aux contours doublement ind\u00e9cis (puisque sa broussaille naturelle se complique des enchev\u00eatrements de ma perplexit\u00e9 \u00e0 son sujet) m'appara\u00eet embrouill\u00e9 d\u00e8s l'abord dans les tiges d'un myst\u00e8re qui fait partie de sa texture, sous quelque pavillon qu'ait navigu\u00e9 son image et n'aurais-je plus \u00e0 cet \u00e9gard l'ombre m\u00eame d'une h\u00e9sitation.\n\nJardin, th\u00e9oriquement, de la maison de Saint-Hilaire mais jardin, en v\u00e9rit\u00e9, de chez ma s\u0153ur \u00e0 Saint-Pierre-l\u00e8s-Nemours. Jardin qui, en quelque lieu qu'il se situe, est celui de la maison de famille et, lopin o\u00f9 s'enracinent les plus irr\u00e9cusables rep\u00e8res de notre position dans l'espace et dans le temps, comporte n\u00e9cessairement une tombe \u00e0 l'arri\u00e8re-plan. Jardin qui, pour donner une sombre couleur au r\u00eave, a juste besoin d'\u00eatre l\u00e0 et n'intervient pas autrement que comme un muet rappel \u00e0 des r\u00e9alit\u00e9s qu'on ne pourrait \u00e9luder qu'en rev\u00eatant une autre peau. En face de tout ce que la silhouette de C\u00e9saire recouvre de chaleureux et de vivifiant pour le futur il y a, pesant de toute sa charge r\u00e9volue, ce rectangle terreux que le demi-effacement de son trac\u00e9 int\u00e9rieur meuble sans l'animer.\n\nTraduction presque litt\u00e9rale d'un enracinement qui semble pr\u00e9figurer la fixit\u00e9 derni\u00e8re vers quoi l'engrenage des saisons nous m\u00e8ne, ce jardin serait donc le berceau \u00e0 l'ombre trop noire dont je me suis \u00e9cart\u00e9 chaque fois que, rompant pour un temps avec ceux qui me touchent du plus pr\u00e8s, je suis parti en voyage.\n\nQue des jardins aient une place privil\u00e9gi\u00e9e dans les souvenirs enfantins du bourgeois de Paris ou autre importante agglom\u00e9ration, il n'y a l\u00e0 rien d'anormal. C'est au jardin municipal qu'on l'emmenait pour une partie au moins de ses promenades et c'est bien souvent l\u00e0 (entre autres endroits de plein air tranchant avec les rues aux architectures pesantes) qu'apr\u00e8s avoir couru comme un cheval \u00e9chapp\u00e9 il revenait en nage vers sa m\u00e8re ou sa s\u0153ur, qui le grondait pour s'\u00eatre \u00e9chauff\u00e9 au point d'\u00eatre maintenant tout tremp\u00e9. Th\u00e9\u00e2tre de grands exploits et surtout de folles agitations, le jardin public (tel celui qu'on appelait chez moi le \u00ab Jardin de la Ville \u00bb) est pour l'enfant qui s'y \u00e9bat un lieu o\u00f9, m\u00eame si un garde y impose l'observance d'une certaine discipline, l'espace ne lui est pas marchand\u00e9. Si vif soit son plaisir \u00e0 se sentir mat\u00e9riellement le champ libre, c'est pourtant le jardin priv\u00e9 \u2013 moins vaste mais soumis \u00e0 de moins stricts interdits \u2013 qui sera tant\u00f4t la plantation dans un coin de laquelle il s'essaye \u00e0 l'horticulture en semant pois de senteur et reines-marguerites, tant\u00f4t son Ile aux Singes ou sa R\u00e9publique des Ours, si ce n'est l'enclos biblique o\u00f9 dans la soci\u00e9t\u00e9 des animaux il apprend \u00e0 go\u00fbter le fruit de l'Arbre de la Science. N'est-ce pas dans un jardin qui a perdu pour moi toute surface mensurable, celui de la villa \u00ab Les Gaules \u00bb maintenant mare aux souvenirs plut\u00f4t que terre solide, qu'un beau jour mon ami le chien Black, dress\u00e9 sur ses pattes de derri\u00e8re et embrassant ma jambe de ses pattes de devant, se livra sur ma personne \u00e0 un man\u00e8ge que, sans en comprendre le but, je devinai obsc\u00e8ne ? Et n'est-ce pas dans un autre jardin familial que, peu d'ann\u00e9es apr\u00e8s, me trouvant seul avec la chienne de la maison \u2013 une sorte d'\u00e9pagneule b\u00e2tarde de couleur blanche et rousse \u2013 je laissai ma main qui la caressait se hasarder \u00e0 des attouchements scabreux que subit sans broncher la pacifique Flora ? Avec ou sans animal assujetti \u00e0 nos caprices ou nous pliant aux siens, c'est dans la tranquillit\u00e9 \u00e0 ciel ouvert du jardin qu'on a toute latitude de se croire un \u00ab sauvage \u00bb, comme en ces jours de nos vacances \u00e0 Viroflay lorsque mes fr\u00e8res et moi nous jouions aux Peaux-Rouges et que l'a\u00een\u00e9, incarnant le grand chef, prof\u00e9rait le cri de guerre qu'il avait invent\u00e9 : _Baoukta !_ terme qui me frappait par sa violence barbare et m'intriguait aussi par son allure de mot de passe ou d'abracadabra tir\u00e9 d'une langue de Martiens ou bien appartenant \u00e0 un vocabulaire secret et gros de signification dont mon fr\u00e8re a\u00een\u00e9, principal officiant, aurait eu seul la clef ?\n\nPour le jeune citadin habituellement confin\u00e9, le jardin de la maison qu'on occupe en \u00e9t\u00e9 ou de celle qu'habite en permanence tel membre du cercle de famille n'est pas seulement un lieu \u00e0 police moins \u00e9troite, mais \u2013 aussi familier qu'il soit \u2013 un territoire aux multiples replis toujours \u00e0 explorer et propice \u00e0 la manifestation de bien des choses singuli\u00e8res. Topographiquement, il est donc une enclave partiellement inconnue ins\u00e9r\u00e9e dans le monde connu et c'est plus tard seulement qu'il perdra toute coloration exotique pour signifier, au contraire, la plus ancienne et stable intimit\u00e9 quand on se rappellera, \u00e0 travers les photographies en groupe qui y furent prises, ces jardins d'o\u00f9 l'on tirait la mati\u00e8re d'artisanats aussi frustes que la taille de baguettes ou la fabrication de colliers de marrons. Il est remarquable en ce sens que le jardin de mon r\u00eave, alors que son contexte en faisait celui de Saint-Hilaire, ait inclin\u00e9 plut\u00f4t vers celui de Saint-Pierre au soubassement plus archa\u00efque et qui rejoint le temps o\u00f9 il y avait dans ce qui m'occupait une place de choix pour \u00ab le jardin \u00bb, f\u00fbt-il modeste comme celui que mes parents lou\u00e8rent une ann\u00e9e pr\u00e8s de chez nous pour nous faire prendre l'air \u00e0 mes fr\u00e8res et \u00e0 moi, maigre portion de terrain situ\u00e9e dans la rue Jasmin mais qui malgr\u00e9 ce patronage ne dut jamais produire une bien riche floraison. Qu'au sp\u00e9cimen plus r\u00e9cent un sp\u00e9cimen qui plonge dans cette \u00e9poque recul\u00e9e ait tendu \u00e0 se substituer dans mon r\u00eave donne la mesure de ce qu'une telle apparition a de lourdement \u00e9quivoque : funeste sceau de mon appartenance \u00e0 un groupe circonscrit et limit\u00e9 dans la dur\u00e9e, cet endroit cultiv\u00e9 mais \u00e0 demi retourn\u00e9 \u00e0 l'\u00e9tat sauvage est aussi le port d'attache que j'aimerais retrouver, non pour m'y mettre au radoub sur le mod\u00e8le des _f\u00e9roces infirmes retour des pays chauds,_ mais dou\u00e9 de l'extr\u00eame jeunesse qui permet \u2013 gr\u00e2ce aux projets s\u00e9duisants qu'on y fomente \u2013 de distendre les fronti\u00e8res d'un lieu, en fait, exigu et de faire entrer l'infini dans son peu d'\u00e9tendue.\n\nEn constatant sans l'expliquer cette profonde ambigu\u00eft\u00e9, j'ai vraisemblablement \u00e9puis\u00e9 ce que je pourrais dire quant \u00e0 l'enclos accol\u00e9 \u00e0 la maison o\u00f9 j'h\u00e9bergeais C\u00e9saire et je crois volontiers que mon incapacit\u00e9 d'aller plus loin tient au fait que je touche avec ce th\u00e8me \u00e0 quelque chose de si fondamental en moi que cela est proprement indicible. Approcherai-je un peu plus de la v\u00e9rit\u00e9 ou \u00e9tendrai-je simplement sur ce qui ne peut pas \u00eatre dit un voile trompeur de bavardage, si j'\u00e9voque ce que m'ont apport\u00e9 de tendre autant que de d\u00e9chirant d'autres jardins dont j'ai r\u00eav\u00e9 : les bosquets pauvrement \u00e9clair\u00e9s o\u00f9 (apr\u00e8s une s\u00e9quence macabre commenc\u00e9e dans un grenier) je rencontrais, son c\u0153ur \u00e0 nu comme \u00e0 l'\u00e9tal d'un boucher, l'amie qui m'avait r\u00e9v\u00e9l\u00e9 que le corps f\u00e9minin est un jardin d'Armide mais sans m'apprendre qu'en moins de quatre ans seraient \u00e9puis\u00e9es les joies de corps ou d'\u00e2me en lesquelles nous pouvions nous fondre ; l'all\u00e9e peut-\u00eatre flanqu\u00e9e d'un buisson et couverte de gravier, o\u00f9 me saisit il y a quelques ann\u00e9es un inexprimable apitoiement que sa nature et, plus encore, celle de la cr\u00e9ature qui en faisait imaginairement l'objet m'am\u00e8nent \u00e0 rapprocher de celui que, tr\u00e8s jeune et me trouvant probablement dans notre jardin bien r\u00e9el de Viroflay, j'\u00e9prouvai en voyant \u00e0 quelques pas de moi un oiselet tomb\u00e9 du nid. Dans ce banal bout d'all\u00e9e qu'aucune donn\u00e9e du r\u00eave ne m'autorise \u00e0 tant soit peu localiser (\u00e9tant seulement entendu que nous sommes \u00e0 proximit\u00e9 de Paris), quelqu'un de mon entourage a battu un oiseau. \u00ab Battu \u00bb, c'est-\u00e0-dire que (sans intention m\u00e9chante mais assez fortement pour le blesser \u00e0 mort) il l'a frapp\u00e9 \u00e0 plusieurs reprises avec un rameau feuillu, de mani\u00e8re \u00e0 ce qu'il tombe \u00e0 terre et qu'on puisse l'attraper. Me baissant pour le ramasser, je passe ma main droite sous le ventre de l'oiseau, qui est un rossignol bien qu'il ne pr\u00e9sente, \u00e0 vrai dire, aucun des traits caract\u00e9ristiques de cette esp\u00e8ce. Ce geste \u00e0 peine accompli, je sens que le majeur de ma main droite est devenu humide, car l'oiseau saigne. Quelqu'un qui se trouve pr\u00e8s de moi et qui, sans doute, n'est autre que ma femme me dit alors : \u00ab On l'a battu, battu. Cela lui a coup\u00e9 les yeux ! \u00bb Que la petite b\u00eate ait \u00e9t\u00e9 aussi injustement mutil\u00e9e, et l'ait \u00e9t\u00e9 en ces d\u00e9licats organes de la vue o\u00f9 semble r\u00e9sider l'\u00e9tincelle de conscience et de vie, me gonfle d'un \u00e9moi proche de ceux dont l'amour et la po\u00e9sie sont les terrains d'\u00e9lection. Nul rapport (je le vois maintenant que je reviens sur ce r\u00eave) entre un pareil \u00e9moi, profond en m\u00eame temps que nuanc\u00e9, et l'horreur, plus intense mais aussi plus ext\u00e9rieure, que susciteraient des tortur\u00e9s humains expos\u00e9s dans un Jardin des Supplices. Cette diff\u00e9rence \u2013 qui n'est pas une affaire de plus ou de moins mais porte sur la qualit\u00e9 m\u00eame du sentiment \u2013 est-elle due au seul fait qu'une \u00e9motion v\u00e9cue sous le couvert du songe rel\u00e8ve du domaine de l'art, puisqu'elle est li\u00e9e (soit comme d\u00e9clic premier soit comme choc en retour) \u00e0 un monde imaginaire que nous cr\u00e9ons ? Ou dois-je plut\u00f4t y reconna\u00eetre la preuve qu'une certaine piti\u00e9 passionn\u00e9e par laquelle on adh\u00e8re \u00e0 l'\u00eatre qui en est l'objet n'est pas de m\u00eame nature que la simple commis\u00e9ration, de sorte qu'on ne p\u00e8se pas assez ses mots quand on d\u00e9signe par un terme unique l'amour qu'on peut porter \u00e0 une personne ou \u00e0 une quantit\u00e9 limit\u00e9e de personnes en raison d'affinit\u00e9s rebelles \u00e0 toute arithm\u00e9tique et l'amour qu'on peut se piquer d'avoir pour de grandes masses indiscrimin\u00e9es : un peuple, par exemple, si ce n'est l'ensemble de l'humanit\u00e9 ?\n\n _Tout le chagrin du monde dans une seule coupe de vin,_ les grandes eaux dans un bassin de cuivre et, sous le plumage d'un oiseau, la fragilit\u00e9 de tous ceux dont l'existence me tient au c\u0153ur. Ayant ainsi \u00e9pilogu\u00e9, je me f\u00e9liciterais volontiers d'avoir coiff\u00e9 d'une moralit\u00e9 le petit drame que j'ai r\u00eav\u00e9. Or j'en suis emp\u00each\u00e9, sachant bien que \u2013 dans le temps m\u00eame o\u00f9 je m'appr\u00eatais \u00e0 conclure \u2013 je n\u00e9gligeais, pour ma commodit\u00e9, un \u00e9l\u00e9ment essentiel de la question. Impossible, en effet, de me laver les mains de la mort de l'oiseau, car j'avais moi aussi d\u00e9sir\u00e9 sa capture. Si j'\u00e9tais pareillement \u00e9mu, n'est-ce pas \u00e0 cause du remords qui colorait de sa pourpre mon apitoiement ? En une m\u00eame pouss\u00e9e lancinante je m'identifiais, aussi bien qu'\u00e0 l'oiseau, \u00e0 celui dont l'ardeur avait \u00e9t\u00e9 trop brutale, d'o\u00f9 cette tristesse sans nom, voisine de celle d'un enfant qui n'ignore pas que c'est par sa propre faute, \u00e0 cause de sa turbulence outr\u00e9e et non pas en toute innocence, qu'il a bris\u00e9 son jouet. Les mots autour desquels cristallisait mon \u00e9moi constituaient certainement un reproche implicite voire, si c'est ma femme qui les pronon\u00e7ait, une allusion am\u00e8re \u00e0 des saccages moraux dont \u2013 le masque onirique rejet\u00e9 \u2013 je crois qu'elle serait fond\u00e9e \u00e0 me faire effectivement grief.\n\nParti d'un jardin qui n'\u00e9tait pas celui de Saint-Hilaire mais plut\u00f4t celui de Saint-Pierre (dont j'ai une fois de plus r\u00eav\u00e9, y rencontrant ma m\u00e8re toute droite sur une des plates-bandes et revenue presque \u00e0 la vie mais plus petite encore qu'elle n'\u00e9tait et d\u00e9form\u00e9e \u00e7\u00e0 et l\u00e0 de boursouflures \u00e0 la fa\u00e7on d'une mandragore ou d'une rescap\u00e9e de quelque peste), je suis arriv\u00e9, en traversant d'autres jardins, au banal bout d'all\u00e9e o\u00f9, par le truchement de l'oiseau, me voil\u00e0 mis en face de cette r\u00e9alit\u00e9 : corr\u00e9latifs \u00e0 mon amour de la vie ainsi qu'\u00e0 mon horreur de la voir si pr\u00e9caire, mon attachement ind\u00e9fectible \u00e0 des \u00eatres dont je reconnais que le sort est li\u00e9 \u00e9troitement au mien et ma tendance inverse \u00e0 la m\u00e9chancet\u00e9 ou au d\u00e9tachement quand l'id\u00e9e de ce qui, les uns comme les autres, nous attend me devient insupportable. D'empi\u00e8tement en empi\u00e8tement et ajoutant retouche sur retouche, j'ai cherch\u00e9 \u00e0 combler par le plein d'exp\u00e9riences me tenant lieu d'arguments le vide toujours \u00e0 nouveau creus\u00e9 apr\u00e8s chaque essai de r\u00e9ponse \u00e0 une interrogation. Ainsi faisant, il est s\u00fbr que je n'ai rien d\u00e9couvert que je n'eusse d\u00e9j\u00e0 su ; mais il n'est pas moins s\u00fbr qu'il me fallait, pour mettre au clair certaines donn\u00e9es que j'estime importantes, l'appui de ce jardin d\u00e9sert dont le calme (autant que l'apparente inutilit\u00e9) contrastait avec l'affairement des Antillais. Or ces donn\u00e9es figurent parmi celles des probl\u00e8mes sur lesquels mes voyages m'ont forc\u00e9 \u00e0 m'interroger, que ces voyages fussent des tentatives de solution \u00e0 ce qui d\u00e9j\u00e0 m'inqui\u00e9tait obscur\u00e9ment ou les voies par lesquelles j'ai \u00e9t\u00e9 conduit \u00e0 me poser d'autres questions qui me sont apparues finalement ins\u00e9parables des premi\u00e8res.\n\nMises \u00e0 part mes deux missions aux Antilles (d'o\u00f9 est sortie la foule qui se pressait dans mon r\u00eave), si j'excepte une br\u00e8ve trou\u00e9e comme le s\u00e9jour que je fus invit\u00e9 \u00e0 faire non loin de Blidah dans la vall\u00e9e de la Chiffa (dont la grande attraction \u00e9tait la troupe de singes qui en un certain point de la route et sur le simple appel d'un marchand de cacahu\u00e8tes descendait de sa montagne pour se faire r\u00e9galer par les touristes), si je n\u00e9glige encore deux escales plus anciennes au Maroc espagnol (avec la rencontre, aux abords d'un village pourtant peu \u00e9cart\u00e9, d'un groupe d'enfants parmi lesquels il y avait une tr\u00e8s petite fille qui n'ayant jamais vu d'Europ\u00e9ens toucha craintivement de ses doigts bruns la main plus p\u00e2le de ma femme), c'est toujours en c\u00e9libataire que j'ai voyag\u00e9 hors d'Europe et comme si j'avais \u00e9t\u00e9 contraint de revenir pour un temps \u00e0 une vieille vocation de d\u00e9racin\u00e9.\n\nQuand je partis pour l'\u00c9gypte, tr\u00e8s jeune encore et mari\u00e9 depuis pas m\u00eame un an et demi, c'\u00e9tait une fuite \u2013 si l'on peut dire \u2013 _\u00e0 l'\u00e9tat pur,_ r\u00e9pondant \u00e0 un violent besoin de changer d'air, sans que je fusse vraiment curieux du pays que j'allais voir. Ma femme et moi nous occupions, \u00e0 Boulogne-Billancourt, une chambre install\u00e9e \u00e0 notre intention dans le pavillon que ma belle-famille habitait, environn\u00e9e de peintures et sculptures modernes voisinant avec une quantit\u00e9 (excessive \u00e0 mon gr\u00e9) de bibelots et d'antiquailles, parmi lesquels une _Piet\u00e0_ du Moyen Age allemand, quelques verres peints \u00e0 sujets religieux ou profanes et, \u00e0 c\u00f4t\u00e9 d'autres objets exotiques dont la plupart ressortissaient au paganisme africain, une figure en bois de l'\u00eele de P\u00e2ques. Comme beaucoup de mes compagnons surr\u00e9alistes, j'avais adh\u00e9r\u00e9 au Parti Communiste, de sorte que j'assistais un soir de chaque semaine \u00e0 la r\u00e9union de la cellule de rue \u00e0 laquelle j'\u00e9tais affect\u00e9. S'il paraissait justifi\u00e9 par l'id\u00e9e de muer une r\u00e9volte jusque-l\u00e0 tout id\u00e9ale en pratique r\u00e9volutionnaire, ce semblant d'activit\u00e9 militante n'\u00e9tait, en fait, qu'une servitude de plus dans une vie que je regardais \u2013 aussi pr\u00e9cieux que fussent maints \u00e9l\u00e9ments de son d\u00e9cor \u2013 comme une esp\u00e8ce d'enlisement dans la banalit\u00e9 familiale. Alors que je m'\u00e9tais voulu po\u00e8te, j'\u00e9tais maintenant repr\u00e9sentant en librairie, ce qui (bien s\u00fbr) me laissait assez de loisir pour \u00e9crire mais ne pouvait avoir d'autre sens que celui d'une abdication pour moi qui, tr\u00e8s surr\u00e9alistiquement, avais vilipend\u00e9 le travail au nom de la po\u00e9sie. M'\u00e9tant pos\u00e9 en affam\u00e9 d'absolu que rien ne saurait fixer, c'est avec g\u00eane que je me d\u00e9couvrais install\u00e9 dans le mariage et je vivais la honte d'avoir ainsi montr\u00e9 que j'en avais rabattu de ma furieuse intransigeance. Vu mon esprit partisan je reprochais, de surcro\u00eet, \u00e0 ceux qui m'entouraient leurs opinions sur l'art et sur la conduite de l'existence, opinions que je jugeais plus conformistes que les miennes, dans la mesure o\u00f9 ils se situaient en de\u00e7\u00e0 du mouvement qui avait l'id\u00e9e rimbaldienne de \u00ab changer la vie \u00bb pour principe directeur. Moins assidu aupr\u00e8s de mes compagnons parisiens puisque j'\u00e9tais \u00e9tabli en banlieue, je me jugeais coupable d'une double trahison dont j'avais \u2013 il va de soi \u2013 tendance \u00e0 rejeter la faute sur ma femme et sur les siens. A cela s'ajoutait l'impression de lamentable d\u00e9ficience dont j'ai souffert d\u00e8s avant cette \u00e9poque : un Hamlet au petit pied, un amoureux poule mouill\u00e9e, un r\u00e9fractaire \u00e0 la manque, telles \u00e9taient les images de moi que nul miroir n'avait besoin de me renvoyer pour que leur consid\u00e9ration quotidienne engendr\u00e2t un malaise qui bient\u00f4t toucherait \u00e0 l'\u00e9touffement.\n\nTant d'ann\u00e9es s'interposent aujourd'hui entre moi et la crise qui d\u00e9cida de ce premier d\u00e9part qu'il m'est impossible de dire quel en fut le motif imm\u00e9diat. Mon m\u00e9tier m'ennuyait, et m'humiliait dans la mesure o\u00f9 il \u00e9tait m\u00e9tier qui m'ennuyait et que pourtant j'acceptais (en y mettant, d'ailleurs, de moins en moins de z\u00e8le). Syndiqu\u00e9 comme il se doit, je pouvais bien me dire qu'en jouant ainsi mon jeu de salari\u00e9 conscient et organis\u00e9 j'\u00e9chappais \u00e0 ce qu'a d'avilissant l'exercice d'un m\u00e9tier, cela n'arrangeait rien : le responsable qui m'avait re\u00e7u quand j'\u00e9tais all\u00e9 me faire inscrire au syndicat des voyageurs et repr\u00e9sentants de commerce m'avait en effet demand\u00e9 (chose naturelle puisque je me flattais d'\u00eatre un \u00e9crivain) ma collaboration au bulletin qu'il dirigeait et j'avais acquiesc\u00e9, faute d'un argument valable \u00e0 lui opposer ; or, je ne pouvais envisager sans naus\u00e9e d'\u00e9crire quelque chose qui conv\u00eent \u00e0 cette feuille professionnelle, de sorte que mon appartenance \u00e0 la vaste organisation ouvri\u00e8re qu'est la C.G.T. ne m'apportait, tout compte fait, qu'une autre raison de mauvaise conscience. Dans les rangs du Parti Communiste, on discutait alors les th\u00e8ses de l'opposition trotskyste et je fus d\u00e9l\u00e9gu\u00e9, avec l'un de mes camarades de cellule, \u00e0 une assembl\u00e9e de rayon. Cela se passa un dimanche, dans les locaux d'une \u00e9cole du boulevard Jean-Jaur\u00e8s. Pendant des heures, j'\u00e9coutai les orateurs des deux fractions adverses disputer de la question des koulaks, de l'\u00e9quilibre des prix entre villes et campagnes, de l'opportunit\u00e9 qu'il y avait pour les communistes chinois de demeurer ou non au sein du Kuomintang. Quelques images paraissaient convaincantes : du c\u00f4t\u00e9 des minoritaires, rapprocher prix urbains et prix ruraux \u00e0 la fa\u00e7on des deux branches d'une paire de ciseaux qu'on referme et, du c\u00f4t\u00e9 des majoritaires, _la Chine colonne montante de la R\u00e9volution._ A priori, je sympathisais avec les oppositionnels, mais les arguments de gros bon sens de ceux qu'on appellerait bient\u00f4t les staliniens et l'appel qu'ils faisaient au grand th\u00e8me de la r\u00e9volution d'Octobre pour justifier les d\u00e9cisions des camarades russes, ces gens qui en savaient \u00e9videmment plus long que nous puisqu'ils avaient derri\u00e8re eux cette formidable exp\u00e9rience, me semblaient sans r\u00e9plique. Pour me ranger ouvertement du c\u00f4t\u00e9 de l'opposition, il e\u00fbt d'ailleurs \u00e9t\u00e9 n\u00e9cessaire que je fusse mieux document\u00e9, car si l'on prend parti pour une minorit\u00e9 il faut bien \u00eatre en \u00e9tat de tenir t\u00eate. Qu'il y ait l\u00e0 d\u00e9faut de dialectique, propension trop scrupuleuse \u00e0 une pes\u00e9e exacte du pour et du contre, doute fondamental laissant la porte ouverte \u00e0 toute contestation ou simple manque de caract\u00e8re, il est certain, au demeurant, que je n'ai jamais su ne pas me laisser entamer dans une discussion et ce n'est pas pour rien que ma compagne a souvent jug\u00e9 utile de me rappeler qu'il importe d'avoir le \u00ab courage de ses opinions \u00bb. Je me bornai donc \u00e0 \u00e9couter de mon mieux et restai coi du commencement \u00e0 la fin de la s\u00e9ance, ne sortant m\u00eame pas de mon atonie lorsqu'un d\u00e9l\u00e9gu\u00e9 d'une des cellules de chez Renault mit en cause les cellules de rue en disant qu'on n'y faisait pas grand-chose. Ce qui porta au comble ma d\u00e9pression, c'est le compte rendu qu'il me fallut ult\u00e9rieurement donner de cette assembl\u00e9e \u00e0 mes camarades de cellule : m'effor\u00e7ant de r\u00e9sumer le d\u00e9bat, je m'embrouillai lamentablement dans l'erreur (d\u00e9nonc\u00e9e par les uns) que serait la sous-estimation du danger koulak, la n\u00e9cessit\u00e9 (affirm\u00e9e par les m\u00eames ou par les autres) de mesures telles que les deux branches des ciseaux viendraient \u00e0 se refermer et cette colonne montante chinoise \u00e0 qui l'on devait faire confiance (comme l'assurait le dernier orateur, repr\u00e9sentant de l'orthodoxie sovi\u00e9tique). Personne ne comprit goutte \u00e0 mon expos\u00e9 et je me vis, pour finir, reprocher aigrement de ne pas avoir protest\u00e9 avec vigueur au moment o\u00f9 notre cellule avait \u00e9t\u00e9 critiqu\u00e9e. Sur ce point, je n'aurais pas eu besoin de tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de r\u00e9pliquer et le bl\u00e2me n'\u00e9tait que trop juste ; de sorte qu'il y avait une seule chose \u00e0 conclure de ma conduite durant tout ce dimanche, c'est que j'\u00e9tais f\u00e2cheusement d\u00e9pourvu de l'esprit d'\u00e0-propos et des autres vertus tant intellectuelles que morales sans lesquelles on sera peut-\u00eatre un partisan d\u00e9vou\u00e9 mais jamais un v\u00e9ritable militant.\n\nAider les prol\u00e9taires \u00e0 rejeter le joug bourgeois, cela se pr\u00e9sentait \u2013 logiquement \u2013 comme une solution \u00e0 nombre de mes probl\u00e8mes : n'\u00e9tait-ce pas quitter ma position funambulesque d'\u00e9ternel inadapt\u00e9 pour me joindre \u00e0 ceux dont les efforts s'orientent vers une plus saine adaptation des choses, passer d'une d\u00e9nonciation toute verbale \u00e0 une lutte positive et, sur le plan de ma vie priv\u00e9e, r\u00e9agir contre l'embourgeoisement que le mariage signifiait pour le romantique que j'\u00e9tais rest\u00e9 ? Mais encore aurait-il fallu que je fusse un peu plus que l'ombre d'un militant pour que ce bel \u00e9difice de raison ait des chances de tenir. Or, sur ce tableau-l\u00e0 aussi, je m'av\u00e9rais perdant. Vint donc le jour o\u00f9 \u00e9chapper d'une mani\u00e8re ou d'une autre \u00e0 cet imbroglio s'imposa comme une n\u00e9cessit\u00e9 vitale.\n\n\u00c9tais-je, une fois de plus, rentr\u00e9 \u00e0 notre maison de Boulogne-Billancourt un peu trop visiblement \u00e9branl\u00e9 par les boissons absorb\u00e9es avec l'un (ou quelques-uns) des po\u00e8tes et peintres qui, malgr\u00e9 mon \u00e9loignement relatif, continuaient d'\u00eatre mes amis ? Avais-je c\u00e9d\u00e9 \u00e0 l'un de ces acc\u00e8s o\u00f9 l'horizon semble \u00e0 tel point bouch\u00e9 qu'on se sent comme une b\u00eate prise au pi\u00e8ge et qu'on tient des propos assez uniform\u00e9ment pessimistes pour que la personne qui partage votre vie doive en d\u00e9duire qu'elle ne vous est d'aucun secours ? D\u00e9terminer quelle exacte goutte d'eau fit d\u00e9border le vase n'aurait, en v\u00e9rit\u00e9, qu'un int\u00e9r\u00eat anecdotique et c'est donc sans regret que je puis renoncer \u00e0 cette vaine recherche. Rien d'autre \u00e0 dire que ceci : aller rejoindre au Caire o\u00f9 il enseignait le fran\u00e7ais quelqu'un que j'ai toujours regard\u00e9 comme sorti \u00e0 peu pr\u00e8s sans retouches du moule o\u00f9 se font les Rimbaud, mon ami Georges Limbour, m'apparut de nature \u00e0 me remettre d'aplomb et c'est ma femme elle-m\u00eame qui me conseilla ce voyage.\n\nJ'effectuai donc mon _l\u00e2chez-tout_ ou, du moins, le geste qui me sembla tel quand l'id\u00e9e de \u00ab d\u00e9part \u00bb eut pris pour moi quelque apparence de r\u00e9alit\u00e9 apr\u00e8s n'avoir \u00e9t\u00e9 longtemps qu'un th\u00e8me romantique de r\u00eaverie. Ce que j'accomplissais restait, en fait, plus proche de l'\u00e9cole buissonni\u00e8re que de la table rase, car il \u00e9tait entendu que je reviendrais sit\u00f4t absorb\u00e9 mon bol d'air et barr\u00e9 le gribouillis d'\u00e9quations qui avait achev\u00e9 de g\u00e2cher une page toute neuve de ma vie. Mais la pens\u00e9e d'un pareil g\u00e2chage \u2013 sans rem\u00e8de autre que l'absence \u2013 ne laissait pas d'\u00eatre atterrante et c'est d'un c\u0153ur mal assur\u00e9 que j'envisageais de d\u00e9tendre \u2013 f\u00fbt-ce pour une dur\u00e9e gu\u00e8re plus longue que de grandes vacances \u2013 un lien sentimental qui venait \u00e0 peine de se nouer. Outre cela, un souci pour le moins sans noblesse : n'ayant cess\u00e9 d'habiter avec ma m\u00e8re que pour prendre place dans une autre famille, je n'avais jamais eu \u00e0 ne compter que sur moi ; et voil\u00e0 que, priv\u00e9 cette fois de tout encadrement, j'allais devoir me d\u00e9brouiller dans les eaux o\u00f9 m'aurait jet\u00e9 ce qu'un restant d'impotence infantile me montrait comme un plongeon vertigineux. Bref, lorsque je m'embarquai (non point comme \u00e9migrant mais comme passager de deuxi\u00e8me) sur le paquebot _Lamartine_ \u00e0 destination d'Alexandrie, l'exc\u00e8s m\u00eame de mon d\u00e9sarroi pr\u00eatait \u00e0 l'exaltation, la chose se passant \u00e0 mes yeux comme si un destin tragique entre tous \u2013 signe br\u00fblant de l'attention des dieux \u2013 m'avait amen\u00e9 \u00e0 entreprendre un fabuleux p\u00e9riple. C'est, en somme, dans la mesure o\u00f9 le petit bourgeois casanier que j'ai toujours \u00e9t\u00e9 avait du mal \u00e0 se s\u00e9parer qu'il se pensait grand voyageur et ornait de couleurs fantastiques un d\u00e9placement d\u00e9pourvu par lui-m\u00eame de tout \u00e9l\u00e9ment aventureux.\n\n _La fi\u00e8re... La fi\u00e8re..._ Voil\u00e0 l'un des d\u00e9bris d'\u00e9poque presque imm\u00e9moriale que je persiste \u00e0 tra\u00eener en moi et qui provient, celui-l\u00e0, d'une des livraisons de _Morgan le Pirate,_ r\u00e9cit d'aventures maritimes et terriennes que publiaient autrefois les \u00c9ditions Eischler. en des brochures de moyen format dont d'autres s\u00e9ries \u00e9taient consacr\u00e9es au d\u00e9tective _Nat Pinkerton_ et \u00e0 l'Indien _Sitting Bull._ Quelque part en Am\u00e9rique centrale, dans cette zone o\u00f9 la flibuste a illustr\u00e9 des noms comme ceux de la Vera Cruz et de l'\u00eele de la Tortue (que gouverna le fameux M. d'Ogeron dont la r\u00e9sidence fortifi\u00e9e de Basse-Terre a pris la forme d'un mis\u00e9rable hameau o\u00f9 l'on voyait encore, en 1948, de longs et gros canons \u00e0 demi enterr\u00e9s pr\u00e8s de pans de murs croulants), les compagnons du capitaine Morgan cherchaient p\u00e9niblement leur voie \u00e0 travers la r\u00e9gion inhumaine o\u00f9 ils s'\u00e9taient \u00e9gar\u00e9s, remuant comme des masses de plomb leurs pieds de somnambules \u00e0 moiti\u00e9 morts de faim, de soif et de fatigue, maux auxquels se joignait le harc\u00e8lement de la fi\u00e8vre dont, peut-\u00eatre, ils se plaignaient dans leur demi-d\u00e9lire en une sorte de litanie born\u00e9e \u00e0 la morne r\u00e9p\u00e9tition du terme d\u00e9signant ce feu qui les accablait. Moi je disais \u00ab la fi\u00e8re \u00bb, en raison soit d'une coquille imputable \u00e0 l'inattention des typographes, soit de mon propre errement de lecteur malhabile ou d'auditeur en qui maint terme se d\u00e9formait au gr\u00e9 tant\u00f4t de son ignorance tant\u00f4t de son imagination (car je ne sais si c'\u00e9tait vraiment moi qui d\u00e9chiffrais le fascicule m\u00e9diocrement imprim\u00e9 de la s\u00e9rie surtitr\u00e9e _Sous le pavillon noir_ ou bien mon fr\u00e8re qui m'en donnait lecture). Est-ce vers la m\u00eame \u00e9poque que notre s\u0153ur, invit\u00e9e chez une amie qui s\u00e9journait \u00e0 Noir\u00e9table dans les monts du Forez, visita les gorges du Fier ? Il serait, de ma part, malhonn\u00eate de l'avancer en guise de preuve, mais je crois pouvoir dire qu'entre ce \u00ab Fier \u00bb au masculin et cette \u00ab fi\u00e8re \u00bb au f\u00e9minin, l'un comme l'autre arides et escarp\u00e9s, un lien s'est \u00e9tabli tel qu'en cette unique syllabe se r\u00e9sume pour moi tout ce qu'on peut trouver d'amer et de magique quand on aborde des lieux retir\u00e9s et difficiles.\n\nCommenc\u00e9 dans un \u00e9tat de d\u00e9tresse qui, d\u00e8s que le fil fut coup\u00e9, devint lyrique enivrement apr\u00e8s m'avoir men\u00e9 si bas que, peu de jours avant mon d\u00e9part, j'avais \u00e9t\u00e9 tout pr\u00e8s de me jeter sur les rails \u00e0 l'instant o\u00f9 le m\u00e9tro entrait en gare d'une des stations de la ligne a\u00e9rienne qui passe par La Motte-Picquet, ce voyage dont le pr\u00e9texte avait \u00e9t\u00e9 de retrouver un ami, que j'admirais litt\u00e9rairement et dont la vie marginale qu'il avait choisie me paraissait exemplaire, s'acheva dans une solitude plus grande que je n'avais escompt\u00e9 : l'ann\u00e9e scolaire termin\u00e9e, Georges Limbour quitta l'\u00c9gypte pour prendre ses vacances en Europe et moi je me rendis en Gr\u00e8ce, pays dont je me m\u00e9fiais \u00e0 cause de mes id\u00e9es anticlassiques mais dont Limbour m'avait vant\u00e9 les beaut\u00e9s, disant aussi que l'\u00e9t\u00e9 y serait moins torride que celui du Caire et que l\u00e0-bas, en drachmes, je vivrais \u00e0 meilleur compte qu'ici en livres \u00e9gyptiennes. C'est \u00e0 la fin de ce tour solitaire \u00e0 travers l'Attique, l'Argolide et le P\u00e9loponn\u00e8se que je rencontrai, sans la reconna\u00eetre au premier abord mais comme si c'\u00e9tait avec elle que j'avais mon v\u00e9ritable rendez-vous, cette esp\u00e8ce de fi\u00e8vre des fi\u00e8vres qu'est la malaria.\n\nDurant mon s\u00e9jour en \u00c9gypte j'avais surtout profit\u00e9 de la pr\u00e9sence de l'ami retrouv\u00e9 : entretiens, lectures, promenades dans les rues du Vieux Caire, excursions aux environs (sur la motocyclette avec laquelle mon compagnon avait parcouru la Syrie un peu auparavant), mise en train d'un roman po\u00e9tique que j'avais baptis\u00e9 _Aurora_ et dans lequel j'essayais de donner forme \u00e0 mon tourment avaient suffi \u00e0 m'occuper. \u00c9tant parti, somme toute, pour une cure et avec des moyens financiers assez minces dans un pays o\u00f9 le co\u00fbt de la vie \u00e9tait \u00e9lev\u00e9, je menais une existence s\u00e9dentaire, encourag\u00e9, de surcro\u00eet, \u00e0 ne presque rien visiter par une hostilit\u00e9 de principe \u00e0 l'\u00e9gard du tourisme, activit\u00e9 dont la r\u00e9v\u00e9rence qu'elle implique envers les hauts produits de la culture me semblait incompatible avec le surr\u00e9alisme. Du peu que j'avais vu, ce qui m'avait le plus \u00e9mu c'est, sans doute, le site p\u00e9riph\u00e9rique du Caire d'o\u00f9 l'\u0153il d\u00e9couvre, avec le vol d'oiseaux rapaces, les monuments cendreux que sont les tombeaux des anciens khalifes et tout en bas, s'\u00e9tendant comme au pied d'une falaise, un incroyable fourmillement de modestes maisons que la calcination et la p\u00e9nurie ont l'air d'avoir rong\u00e9es jusqu'\u00e0 l'os. _En voyant, loin, la ville en hachis de lumi\u00e8re..._ a dit Apollinaire, parlant d'aigles \u00e9blouis et esquissant, en une ligne, un merveilleux tableau qui me semblait ici r\u00e9alis\u00e9.\n\nD\u00e8s que le bateau anglo-\u00e9gyptien qui m'amenait d'Alexandrie comme passager de pont fut en vue du Pir\u00e9e, la perspective changea : les Grecs du bord se bousculaient pour regarder l'Acropole et ce tumulte joyeux balaya d'un seul coup mes id\u00e9es pr\u00e9con\u00e7ues ; ce n'\u00e9tait pas dans un pays endimanch\u00e9 de colonnades que j'arrivais mais dans une contr\u00e9e bien vivante, o\u00f9 l'image m\u00eame du Parth\u00e9non \u2013 tr\u00e8s p\u00e2le dans le ciel lumineux \u2013 me recevait en robe d'\u00e9t\u00e9 plut\u00f4t qu'en redingote \u00e0 la Renan. \u00c9tant seul maintenant je n'avais rien d'autre pour me distraire que de visiter ce pays contre lequel mes pr\u00e9ventions \u00e9taient tomb\u00e9es et, plus \u00e0 l'aise mat\u00e9riellement que je ne l'\u00e9tais en \u00c9gypte, je pouvais me promener \u00e7\u00e0 et l\u00e0 en toute libert\u00e9. J'en usai largement et, tant\u00f4t par voie de terre tant\u00f4t par voie de mer (dans des rafiots dont la flottaison semblait affaire autant de chance que de calculs d'ing\u00e9nieurs), j'allai un peu partout, ne lisant plus que le _Guide bleu_ (seul livre que j'eusse emport\u00e9 \u00e0 mon d\u00e9part d'\u00c9gypte), inspectant ruines sur ruines, passant des antiquit\u00e9s aux constructions byzantines ou aux vestiges des Croisades et, dans certains coins peu fray\u00e9s, suscitant la curiosit\u00e9 des paysans qui me demandaient si je ne cherchais pas des tr\u00e9sors. Le plus souvent notre instrument d'\u00e9change \u00e9tait l'anglais approximatif introduit par les \u00e9migr\u00e9s revenus d'Am\u00e9rique, ceux qu'on appelait \u00ab Ameriki \u00bb et dont certains affichaient leur provenance d'outre-Atlantique soit en fumant de gros cigares et se coiffant de canotiers \u00e0 bords en dents de scie, soit en faisant planter la banni\u00e8re \u00e9toil\u00e9e sur le toit de la maison qu'on venait de leur b\u00e2tir. Alors que je n'avais eu aucun v\u00e9ritable contact avec les \u00c9gyptiens (n'\u00e9prouvant m\u00eame qu'antipathie pour les bourgeois pr\u00e9tentieux du Caire), je me sentis de plain-pied avec la population grecque d\u00e8s que je fus hors de la capitale, cit\u00e9 commer\u00e7ante aux beaux quartiers trop fiers du marbre blanc qui donne \u00e0 leurs immeubles un vilain air de parvenus. Parfois, me voyant tout poussi\u00e9reux et tout en sueur au cours d'une randonn\u00e9e que je faisais \u00e0 pied par plaisir autant que par souci d'\u00e9conomie, un paysan m'invitait \u00e0 me reposer devant sa porte et, trop d\u00e9muni pour m'offrir du vin, m'apportait un verre d'eau. Tant bien que mal, des conversations s'engageaient avec les gens que je rencontrais dans les trains et l'un deux \u2013 un homme visiblement tr\u00e8s pauvre \u2013 tint une fois \u00e0 me faire don d'un crayon qu'il avait sur lui, en souvenir des quelques heures pass\u00e9es dans un m\u00eame compartiment \u00e0 essayer de nous entendre. Il n'\u00e9tait gu\u00e8re d'endroits ni de circonstances o\u00f9 la note ne f\u00fbt \u00e0 l'hospitalit\u00e9. Un marchand de tabac d'Ath\u00e8nes, homme m\u00fbr qui aimait \u00e0 parler fran\u00e7ais et avait \u00e9t\u00e9 un certain temps mon commensal dans un petit restaurant de Nauplie, me fit h\u00e9berger quelques jours chez sa s\u0153ur, dans un village de montagne dont le mari de celle-ci \u00e9tait le maire et o\u00f9 lui-m\u00eame il \u00e9tait accueilli pour la fin de ses vacances. C'est l\u00e0 que j'entendis, chant\u00e9 par des bergers en fustanelle, un long r\u00e9cit \u00e9pique dont le th\u00e8me \u00e9tait le suivant : le grand Marcos Botzaris est mort et ses compagnons d\u00e9sempares viennent sur sa tombe lui demander conseil ; un. coryph\u00e9e pr\u00eate sa voix \u00e0 l'ombre du rebelle d\u00e9funt, que l'ensemble du ch\u0153ur interroge. Sur un m\u00e9diocre vapeur qui cabotait le long des c\u00f4tes du P\u00e9loponn\u00e8se et que, venant de Sparte, j'avais pris \u00e0 Gytheion (o\u00f9 un fortin datant des Turcs rappelle les ch\u00e2teaux forts cr\u00e9nel\u00e9s de carton-p\u00e2te avec lesquels jouent les enfants), un lien cordial s'\u00e9tablit entre moi et le commandant, qui vers la fin du voyage, comme il n'y avait presque plus personne \u00e0 bord, m'installa d'autorit\u00e9 dans une couchette de premi\u00e8re alors que je m'\u00e9tais embarqu\u00e9 comme passager sans cabine. Lorsque nous \u00e9changions des vues sur l'actualit\u00e9 politique fran\u00e7aise (motif de g\u00eane pour moi, car j'en \u00e9tais plus mal inform\u00e9 qu'il n'est permis), le marchand de tabac se demandait volontiers ce que l'astucieux Ulysse aurait fait dans la conjoncture dont nous parlions s'il s'\u00e9tait trouv\u00e9 \u00e0 la place du chef du gouvernement fran\u00e7ais Un jour de gros temps, alors que nous devisions sur la passerelle en observant l'assaut des vagues, le commandant du vapeur incrimina le vieux Neptune qui, ce soir-l\u00e0, n'\u00e9tait vraiment \u00ab pas bon pour nous \u00bb. Dans le monde quotidien comme dans celui des statues le mythe \u00e9tait toujours pr\u00e9sent et je vis, par une nuit o\u00f9 la pleine lune s'\u00e9pandait au-dessus de je ne sais plus quelle ville, un loueur ambulant de t\u00e9lescope dont la pancarte apprenait aux badauds qu'il montrait Art\u00e9mis pour quelques drachmes. Quant \u00e0 moi, c'est mon mythe de voyageur que je vivais, n'ayant plus qu'un bagage r\u00e9duit et promenant des v\u00eatements qui bient\u00f4t seraient us\u00e9s jusqu'\u00e0 la corde, me nourrissant frugalement et croyant, quand je buvais du vin \u00e0 la r\u00e9sine (ce nectar qui sent le cuir et l'\u00e9b\u00e9nisterie), absorber toute la v\u00e9rit\u00e9 de la Gr\u00e8ce, pays dont les acad\u00e9miques ont omis de marquer l'\u00e2pret\u00e9 de m\u00eame qu'ils ont n\u00e9glig\u00e9 ce qu'il a de baroque et de composite.\n\nLe mal que le vague pluriel \u00ab les fi\u00e8vres \u00bb tend \u00e0 situer dans un lointain myst\u00e9rieux et ind\u00e9termin\u00e9, j'ai toujours pens\u00e9 (\u00e0 tort ou \u00e0 raison) que ce n'est pas en \u00c9gypte mais en Gr\u00e8ce que je l'ai contract\u00e9. Vers la fin du s\u00e9jour d'un peu plus de deux mois que je fis dans la p\u00e9ninsule, une sotte histoire m'amena en effet \u00e0 passer deux nuits dans un endroit infest\u00e9 de moustiques dont mes d\u00e9testables conditions de logement m'emp\u00eachaient de me prot\u00e9ger. Une n\u00e9gligence de ma banque, \u00e0 qui j'avais demand\u00e9 de l'argent pour mon retour maintenant proche, fit que je demeurai en panne \u00e0 Olympie, faute de pouvoir r\u00e9gler ma note d'h\u00f4tel. Gentiment, le patron patienta quelques jours, mais comme j'\u00e9tais son seul client il finit par se r\u00e9soudre \u00e0 me dire qu'il ne pouvait tout de m\u00eame pas maintenir l'\u00e9tablissement ouvert pour un client unique et qui ne payait pas. Un t\u00e9l\u00e9gramme que j'avais envoy\u00e9 pour relancer mes bailleurs de fonds \u00e9tait rest\u00e9 sans r\u00e9ponse et mon h\u00f4te en concluait (ce qui \u00e9tait logique) que je n'avais plus \u00e0 esp\u00e9rer recevoir l'argent que j'attendais. Sinc\u00e8rement f\u00e2ch\u00e9 (son attitude contrite me le montrait indubitablement) d'\u00eatre oblig\u00e9 de me donner cong\u00e9, il m'annon\u00e7a qu'il avait lou\u00e9 \u00e0 mon intention dans la ville la plus proche, Pyrgos, une petite chambre o\u00f9 je serais log\u00e9 pendant encore trois jours sans rien avoir \u00e0 d\u00e9bourser ; je laisserais ma valise \u00e0 Olympie, n'emportant avec moi que le strict n\u00e9cessaire. Ainsi fut fait, et j'allai m'installer dans un local mis\u00e9rable, o\u00f9 les fen\u00eatres fermaient mal et o\u00f9 le lit \u00e9tait priv\u00e9 de moustiquaire. J'avais tr\u00e8s chaud entre les quatre murs de cette pi\u00e8ce qu'il n'\u00e9tait pas possible d'a\u00e9rer sous peine d'\u00eatre envahi par une nu\u00e9e d'insectes, et les piq\u00fbres des innombrables bestioles qui s'introduisaient malgr\u00e9 tout gr\u00e2ce aux mauvaises jointures m'interdisaient le sommeil. La fatigue due \u00e0 mes p\u00e9r\u00e9grinations souvent effectu\u00e9es sous un soleil de plomb aussi bien qu'\u00e0 mon incurie alimentaire, l'embarras o\u00f9 le silence de ma banque m'avais mis et l'impression de d\u00e9laissement qui en r\u00e9sultait ne pouvaient que me rendre plus lourde une atmosph\u00e8re d\u00e9j\u00e0 passablement pestilentielle. Projetant de tenir le plus longtemps possible avec la somme infime que j'avais en poche, je d\u00e9cidai de simplifier \u00e0 l'extr\u00eame mes repas : une part d'un gros pain que j'achetai et quelques grappes de raisin que j'allai marauder dans les vignes des environs suffirent \u00e0 ma sustentation pendant un ou deux jours. J'envisageais sans gaiet\u00e9 le moment o\u00f9 je n'aurais d'autre ressource que de me rendre \u00e0 pied, pour y solliciter mon rapatriement, dans une ville situ\u00e9e \u00e0 quelque soixante kilom\u00e8tres, la moins \u00e9loign\u00e9e d'entre celles o\u00f9 je pourrais trouver un consulat (ainsi que me l'avait appris le _Guide bleu_ dont je ne m'\u00e9tais pas s\u00e9par\u00e9). Le plus naturellement du monde, et sans que j'eusse \u00e0 m'imposer la fatigue et l'ennui suppl\u00e9mentaires d'une telle d\u00e9marche, cette d\u00e9sagr\u00e9able affaire se d\u00e9noua : avant d'entreprendre mon \u00e9quip\u00e9e p\u00e9destre, je r\u00e9solus de faire \u00e0 tout hasard le tour complet des banques de Pyrgos pour voir si aucun virement n'y avait \u00e9t\u00e9 op\u00e9r\u00e9 \u00e0 mon nom ; dans l'une d'elles, on me dit qu'un ordre \u00e9tait effectivement arriv\u00e9 mais qu'on ne m'avait pas pr\u00e9venu, pensant que ma banque parisienne s'en serait charg\u00e9e. Je retournai en triomphateur \u00e0 Olympie et d\u00e9jeunai \u00e0 l'h\u00f4tel avant de reprendre le train. Content pour lui comme pour moi, le patron sortit de sa cave une bonne bouteille de Demestika dont il arrosa gratis mon d\u00e9jeuner. Je bus \u00e0 moi seul la bouteille enti\u00e8re, ce qui e\u00fbt \u00e9t\u00e9 beaucoup trop, aurais-je \u00e9t\u00e9 plus dispos. Et je quittai donc Olympie dans un \u00e9tat tout \u00e0 la fois d'excitation et d'euphorie, apr\u00e8s avoir \u00e9chang\u00e9 avec mon h\u00f4te les d\u00e9monstrations les plus cordiales.\n\nC'est \u00e0 Patras que j'allai, afin d'y embarquer \u00e0 destination de Brindisi, d'o\u00f9 le train me ram\u00e8nerait \u00e0 Paris. J'avais d\u00e9cid\u00e9 d'accomplir, avant de regagner la France, un p\u00e8lerinage \u00e0 Missolonghi o\u00f9 Lord Byron est mort, dans des conditions qui ont achev\u00e9 de faire de lui un personnage l\u00e9gendaire : terrass\u00e9 par la fi\u00e8vre, alors qu'il venait de se mettre au service des Grecs pour les aider \u00e0 se lib\u00e9rer du joug turc. Je n'attachais \u00e0 mon geste qu'un sens politique des plus vagues car, si je pensais encore qu'un v\u00e9ritable po\u00e8te est forc\u00e9ment un ennemi de l'oppression, j'avais, lors de mon _l\u00e2chez-tout,_ donn\u00e9 le coup de gomme sur mes vell\u00e9it\u00e9s militantes. Simplement, je regardais Lord Byron comme l'une des figures litt\u00e9raires les plus hautes parmi celles du si\u00e8cle dernier et c'est au romantique que j'allai rendre hommage, voulant respirer l'air auquel devait rester m\u00eal\u00e9 un peu du dernier soupir de l'aristocrate boiteux qui \u2013 apr\u00e8s tant de passions, de d\u00e9bauches et de scandales \u2013 s'en \u00e9tait all\u00e9 finir au loin en h\u00e9ros de la libert\u00e9.\n\nMissolonghi \u00e9tait en v\u00e9rit\u00e9 une bourgade sinistre, nantie (s'il m'en souvient bien) d'une satue du lord au milieu d'une petite place sur laquelle il y avait \u00e9galement un Caf\u00e9 Byron (ou plut\u00f4t \u00ab Mpiron \u00bb selon l'orthographe hell\u00e9nique). La mer n'\u00e9tait m\u00eame pas la mer, au moins dans sa partie c\u00f4ti\u00e8re, qui avait l'apparence d'un mar\u00e9cage couvert d'une cro\u00fbte d'immondices. Une mauvaise odeur r\u00e9gnait et il semblait qu'effectivement nul \u00e9tranger, po\u00e8te ou non, n'aurait \u00e9t\u00e9 de taille \u00e0 supporter longtemps pareils miasmes sans en \u00eatre entam\u00e9 comme par un poison. C'est, je crois bien, quand je fus revenu de Missolonghi \u00e0 Patras que je me sentis en proie \u00e0 un malaise si persistant et si profond que je ne pouvais pas l'attribuer simplement \u00e0 l'effet de la fatigue et de la chaleur.\n\nL'alerte me fut donn\u00e9e alors que je buvais un verre d'eau glac\u00e9e en me reposant \u00e0 la terrasse d'un caf\u00e9 : d\u00e8s la premi\u00e8re gorg\u00e9e, il me sembla que j'absorbais un breuvage d'une effroyable amertume et je pensai qu'il s'agissait d'une eau malsaine. Un peu plus tard, prenant une autre boisson, je la trouvai aussi am\u00e8re et compris que ce go\u00fbt d\u00e9testable n'\u00e9tait pas inh\u00e9rent \u00e0 ce que je buvais : le liquide le plus savoureux du monde m'aurait pareillement r\u00e9pugn\u00e9 puisque c'\u00e9tait de moi, et non pas du dehors, que cette amertume \u00e9manait.\n\nApr\u00e8s l'incident qui m'avait retenu \u00e0 Olympie puis \u00e0 Pyrgos en me r\u00e9v\u00e9lant tout \u00e0 coup la r\u00e9alit\u00e9 de mon \u00e9loignement, j'avoue que cette d\u00e9couverte me fit peur : je me voyais malade et m'effor\u00e7ant d'\u00eatre admis dans un h\u00f4pital de Patras, ville laide et d\u00e9primante, si d\u00e9labr\u00e9e que dans l'h\u00f4tel o\u00f9 j'habitais \u2013 le meilleur ou l'un des meilleurs \u2013 il pleuvait \u00e0 travers le plafond de ma chambre. Sans plus attendre, je retins donc ma place sur le premier paquebot susceptible de me conduire en Italie.\n\nOr, j'avais \u00e0 lutter contre une abominable fatigue et c'est tr\u00e8s tard dans la nuit que mon bateau devait lever l'ancre. Le plus sage e\u00fbt \u00e9t\u00e9 de veiller jusqu'\u00e0 l'heure pr\u00e9vue pour le d\u00e9part, mais je n'en eus pas le courage. Je me couchai, donnant au bureau de l'h\u00f4tel des instructions pour \u00eatre r\u00e9veill\u00e9 en temps voulu. Vers cinq heures du matin un groom vint frapper \u00e0 ma porte et, tout confus, m'annon\u00e7a que le navire avait quitt\u00e9 le port. J'en fus si atterr\u00e9 que je ne sais m\u00eame pas si j'eus la force de me mettre en col\u00e8re. Le prix de mon passage perdu, il me faudrait t\u00e9l\u00e9graphier encore une fois pour qu'on m'envoie l'argent n\u00e9cessaire au paiement d'un autre passage, cela avec les m\u00eames al\u00e9as que lors de ma pr\u00e9c\u00e9dente demande et, de surcro\u00eet, le risque d'\u00eatre gagn\u00e9 de vitesse par la maladie. Mais \u00e0 Patras comme \u00e0 Pyrgos les choses, finalement, s'arrang\u00e8rent : dans le cours de la matin\u00e9e le _deus ex machina_ se pr\u00e9senta sous la forme d'un drogman tout galonn\u00e9, qui avait appris par son agence ce qui s'\u00e9tait pass\u00e9 et s'offrait \u00e0 me tirer d'affaire. Moyennant une forte gratification, il me procura, sans que cela entra\u00een\u00e2t un nouveau d\u00e9bours, une cabine dans un bateau qui partait pour Brindisi le soir m\u00eame.\n\nCette fois je fus au port avec une s\u00e9rieuse avance et j'embarquai pour me coucher presque aussit\u00f4t, exc\u00e9d\u00e9 par une journ\u00e9e durant laquelle je n'\u00e9tais pas parvenu \u00e0 trouver le long moment de paix que je souhaitais. L'un des domestiques de l'h\u00f4tel m'avait en effet pers\u00e9cut\u00e9 en frappant \u00e0 ma porte \u00e0 peu pr\u00e8s d'heure en heure pour r\u00e9clamer son pourboire (que j'\u00e9tais bien d\u00e9cid\u00e9 \u00e0 lui donner mais quand je m'en irais et non point en c\u00e9dant \u00e0 une qu\u00eate insolente par la m\u00e9fiance qu'elle d\u00e9notait), conflit o\u00f9 chacun de notre c\u00f4t\u00e9 nous nous but\u00e2mes et o\u00f9 nous f\u00fbmes l'un et l'autre perdants : si j'y laissai mon repos il y laissa, lui, les drachmes qu'il escomptait car je finis, exasp\u00e9r\u00e9, par le jeter dehors en lui claquant la porte au nez avec le ferme d\u00e9sir de l'assommer.\n\nA Bari \u2013 jusqu'o\u00f9 le bateau me conduisit sans suppl\u00e9ment, \u00e9tant arriv\u00e9 \u00e0 Brindisi avec un gros retard, de sorte qu'on n'avait pu obliger personne \u00e0 d\u00e9barquer en pleine nuit \u2013 je dus subir un autre genre de brimade : vers la fin d'une promenade en ville et dans le port, je fus interpell\u00e9 soudain par des douaniers, qui me firent entrer dans leur poste de garde, me fouill\u00e8rent et malgr\u00e9 mes protestations me d\u00e9lest\u00e8rent de mon couteau de poche en se moquant. Mais l'irritation que me causa cet incident fut compens\u00e9e par le peu que je vis de Bari (dont je n'ai pas oubli\u00e9 les maisons couleur de bonbon de l'un de ses quartiers pauvres) puis par le long parcours ferroviaire que j'effectuai jusqu'\u00e0 Milan et qui me d\u00e9couvrit une Italie moins d\u00e9sh\u00e9rit\u00e9e que la Gr\u00e8ce sans virer pour autant au charme de carte postale et offrant \u00e7\u00e0 et l\u00e0 ses \u00e9talages de grappes suspendues \u00e0 des arbres ou \u00e0 des entrecroisements de hautes perches.\n\nLe mal me prit _rinforzando_ quand je fus \u00e0 Milan. Assis dans un caf\u00e9, j'entendis autour de moi un bourdonnement de conversations qui me paraissaient \u00eatre tenues en fran\u00e7ais et non en italien comme elles l'\u00e9taient d'\u00e9vidence : histoires de famille absolument oiseuses dont semblaient s'entretenir les autres consommateurs et que je devais suivre dans leurs d\u00e9tails les plus insignifiants, sans que rien me f\u00fbt \u00e9pargn\u00e9, ce qui avait le m\u00eame caract\u00e8re absurde et obs\u00e9dant que ces r\u00eaves qu'il m'est arriv\u00e9 de faire et dont le contenu se r\u00e9duit \u00e0 un long texte (dictionnaire ou trait\u00e9) que je d\u00e9chiffre sans en sauter une ligne, croyant qu'il m'est donn\u00e9 par le r\u00eave alors qu'en v\u00e9rit\u00e9 je l'invente \u00e0 mesure, travail horriblement fatigant et fastidieux qui me para\u00eet durer la nuit enti\u00e8re et n'est peut-\u00eatre qu'une image caricaturale de la fa\u00e7on que j'ai de me ressasser chaque phrase avant de passer outre quand je lis un livre, voire une pr\u00e9figure de l'activit\u00e9 qui est depuis une quinzaine d'ann\u00e9es l'occupation no 1 de ma vie : la formulation \u00e9crite de cet immense monologue qui en un certain sens m'est donn\u00e9, puisque toute la mati\u00e8re en est puis\u00e9e dans ce que j'ai v\u00e9cu, mais qui en un autre sens m'oblige \u00e0 un constant effort d'invention, puisqu'il me faut introduire un ordre dans cette mati\u00e8re ind\u00e9finiment renouvel\u00e9e, brasser ses \u00e9l\u00e9ments, les ajuster, les affiner jusqu'\u00e0 ce que je parvienne \u00e0 saisir tant soit peu leur signification.\n\nAu buffet de la gare, o\u00f9 j'allai d\u00e9jeuner, je commandai \u2013 pour me doper autant que par gourmandise \u2013 une bouteille de vin rouge mousseux qui, probablement, \u00e9tait du lambrusco (ce vin p\u00e9tillant, d'un rouge \u00e9teint et de go\u00fbt un peu \u00e2pre, dont ma femme et moi nous nous sommes r\u00e9gal\u00e9s en 1954 \u00e0 Mantoue au _Ristorante Albergo Ai Garibaldini,_ endroit gastronomique mais \u00e0 la bonne franquette dont les fondateurs auraient \u00e9t\u00e9 trois garibaldiens, \u00ab deux p\u00e8res et un fils \u00bb, nous dit sans pr\u00e9ciser davantage le gar\u00e7on qui nous servait). Parfaitement lucide \u00e0 la fin du repas, je r\u00e9glai l'addition et voulus me lever : \u00e0 ma grande surprise je constatai que mes jambes me refusaient leurs services et, bien que n'\u00e9tant pas ivre \u00e0 proprement parler puisque j'avais toute ma t\u00eate, je ne parvins \u00e0 quitter la table qu'au prix d'un effort consid\u00e9rable. A peine dans la rue, o\u00f9 le soleil frappait fort, je fus pris d'un \u00e9tourdisment et dus m'adosser un certain temps au mur pour ne pas m'effondrer, ne voyant plus devant moi \u2013 comme si j'\u00e9tais entr\u00e9 dans un bizarre \u00e9tat d'extase \u2013 qu'un informe brouillard intens\u00e9ment lumineux. Cette dissolution momentan\u00e9e du monde visible accompagn\u00e9e d'une sensation de d\u00e9faillance \u2013 le tout per\u00e7u de plein sang-froid \u2013 acheva de me plonger dans l'inqui\u00e9tude et je ne commen\u00e7ai de me rass\u00e9r\u00e9ner que quand je fus sur le quai de la gare, valise \u00e0 ma port\u00e9e et pr\u00eat \u00e0 monter dans le tram apr\u00e8s avoir subi (sans pouvoir en tirer cette fois la moindre volupt\u00e9 m\u00e9taphysique) les atteintes d'un trouble intestinal dont j'avais d\u00fb, pr\u00e9cipitamment, aller me soulager.\n\nEn wagon, me sachant enfin embarqu\u00e9 pour la derni\u00e8re \u00e9tape, ce fut la grande vague d'euphorie. Moi qui d'ordinaire me d\u00e9robe autant que je le puis \u00e0 toute conversation telle qu'il s'en \u00e9tablit si souvent entre gens qui voyagent ensemble, je bavardai abondamment avec mes compagnons de route. Il y avait dans mon compartiment une troupe de musiciens rev\u00eatus de blazers comme en portent fr\u00e9quemment ceux qui jouent dans les music-halls ou dans les casinos et il y avait encore une couturi\u00e8re qui elle aussi, la saison termin\u00e9e, s'en revenait du Lido de Venise. Qu'ils eussent ainsi des m\u00e9tiers tant soit peu ambulants les douait pour moi du charme qu'on attache id\u00e9alement \u00e0 ceux dont on peut se dire qu'ils sont des \u00ab banquistes \u00bb ou des \u00ab enfants de la balle \u00bb. Je leur tins, ainsi qu'\u00e0 d'autres inconnus rencontr\u00e9s dans le couloir, des propos exalt\u00e9s sur ce qu'a d'enivrant le fait de voyager. Sorte de profession de foi, que j'avais beau jeu de faire maintenant que je rentrais en toute tranquillit\u00e9 au bercail, laissant derri\u00e8re moi le voyage et ses al\u00e9as. Je crois qu'\u00e0 certains de mes interlocuteurs je fis l'effet, sinon d'un fou dont il valait mieux se m\u00e9fier, \u00e0 tout le moins d'un de ces terribles raseurs dont j'ai coutume de soigneusement repousser les ouvertures, qu'ils me les fassent sur le pont d'un navire ou dans un compartiment de chemin de fer.\n\nA Paris, descendant sur le quai de la gare, o\u00f9 personne ne m'attendait (ce qui \u00e9tait naturel puisque je n'avais pas annonc\u00e9 l'heure de mon arriv\u00e9e mais ne laissa pas de m'\u00eatre d\u00e9sagr\u00e9able), je me sentis vraiment d\u00e9racin\u00e9 : le sol glissant sous mes semelles de cr\u00eape (ces semelles dont je me plaisais \u00e0 dire qu'elles \u00e9taient en \u00ab mou de veau \u00bb, comme les rails sur lesquels repose la statue en baleines de corset d\u00e9crite dans _Impressions d'Afrique_ ), mes v\u00eatements continuant \u00e0 s'effilocher autour d'une maigreur conforme \u00e0 l'id\u00e9e que je me suis toujours faite de la sorte d'asc\u00e8se qu'est un s\u00e9jour en \u00ab pays chaud \u00bb, la fatigue que je ressentais et l'absence de tout proche venu pour m'accueillir me donnaient \u00e0 penser que mon \u00e9bauche de d\u00e9part m'avait mis peut-\u00eatre plus en marge que je n'avais voulu.\n\nD\u00e8s le lendemain de mon retour, je fus r\u00e9duit \u00e0 m'aliter. J'avais plus de 40o de fi\u00e8vre et le m\u00e9decin qu'on appela pour m'examiner conclut \u00e0 un acc\u00e8s de paludisme. Il me soigna \u00e9nergiquement et quelques jours suffirent pour que ma temp\u00e9rature tomb\u00e2t. Moi qui, d'ordinaire, ne lit que tr\u00e8s lentement et au prix de grands efforts d'attention, j'occupai ma p\u00e9riode de r\u00e9clusion en lisant, \u00e0 raison d'un volume environ par jour, une partie du romancero parisien o\u00f9 sont narr\u00e9es les aventures de _Fant\u00f4mas,_ le bandit aux multiples avatars. Je n'ai pas oubli\u00e9 l'orgueilleuse impression d'extr\u00eame acuit\u00e9 d'esprit que j'\u00e9prouvai durant toute cette p\u00e9riode. Il y avait, certes, des moments de rel\u00e2chement o\u00f9 je projetais sur l'un ou l'autre des murs de ma chambre une succession d'images issues de mes plong\u00e9es dans un demi-d\u00e9lire, mais un effort conscient me permettait toujours de retrouver ma lucidit\u00e9 d\u00e8s que quelqu'un entrait dans la pi\u00e8ce et m'adressait la parole. Quand la fi\u00e8vre m'abandonna, je transpirai \u00e0 tel point que mes draps furent tout mouill\u00e9s et qu'on put croire que le mal qui m'avait quitt\u00e9, pomp\u00e9 par un autre buvard apr\u00e8s celui de ma literie bonne \u00e0 tordre, se r\u00e9solvait en une immense tache d'humidit\u00e9 s'\u00e9talant sur le papier du mur contre lequel le divan o\u00f9 je couchais \u00e9tait plac\u00e9.\n\nA m\u00eame maintenant de regarder cela d'un \u0153il plus froid, et me connaissant mieux (car j'ai pris, le temps passant, une vue de plus en plus nette de mon r\u00e9pertoire \u00e9troit de gestes r\u00e9p\u00e9t\u00e9s avec peu de variantes), je puis me dire qu'en dehors de toute tricherie d\u00e9lib\u00e9r\u00e9e, mais comme si j'avais astucieusement tir\u00e9 mon \u00e9pingle du jeu, je sortais plut\u00f4t gagnant que perdant d'une \u00e9quip\u00e9e o\u00f9 l'aventure avait \u00e9t\u00e9 v\u00e9cue sans gravement m'\u00e9prouver : en effet, gr\u00e2ce \u00e0 cette crise palud\u00e9enne, mal certainement b\u00e9nin mais qui avait fondu sur moi comme une sanction c\u00e9leste, je finissais en beaut\u00e9 mes quelques mois d'errance oisive et j'\u00e9tais sacr\u00e9 \u00e0 mes propres yeux _grand-pourchass\u00e9-par-un-sort-qui-jamais-ne-lui-conc\u00e9dera-le-repos._\n\nM'approprier le monde par le moyen symbolique qui consiste \u00e0 s'y promener, vivre dans des d\u00e9cors nouveaux pour \u00e9largir mes perspectives mentales et rompre la fili\u00e8re du calendrier, \u00e9tancher certaine soif tant c\u00e9r\u00e9brale qu'affective par la prise d'autres contacts humains comptent \u2013 \u00e0 un niveau plus profond que l'imm\u00e9diat besoin de changement \u2013 parmi les raisons essentielles que j'ai eues de voyager. Mais je d\u00e9couvre, \u00e0 la lumi\u00e8re de ce premier d\u00e9part qui tout d'abord visait la seule \u00c9gypte, une autre raison plus secr\u00e8te mais non moins d\u00e9terminante que j'ai eue d'effectuer, alors m\u00eame que rien ne m'y obligeait, des d\u00e9placements lointains qui m'\u00e9cartaient mat\u00e9riellement de mes proches.\n\nA la pr\u00e9sence o\u00f9 je me d\u00e9brouillais si mal substituer une absence, non point totale puisque je continuais d'exister pour ceux que j'avais quitt\u00e9s, mais telle que j'existais d\u00e9sormais _\u00e0 distance_ , cette cons\u00e9quence naturelle de mon premier d\u00e9part \u00e9tait aussi l'un de ses aspects les plus exaltants : me mouvant dans un monde diff\u00e9rent de celui o\u00f9 demeuraient les miens, je leur \u00e9chappais sans que toutefois les ponts fussent enti\u00e8rement coup\u00e9s, bien au contraire, puisque entre nous il y avait maintenant le lien cr\u00e9\u00e9 par la flatteuse id\u00e9e que mes lettres et mes cartes postales, avec ce qu'elles disaient de ma vie d\u00e9cousue et de mes itin\u00e9raires, les am\u00e8neraient \u00e0 se forger du voyageur que j'\u00e9tais devenu, \u2013 par l'id\u00e9e (de mon c\u00f4t\u00e9) quasi mythologique et non plus simplement sociale qu'\u00e0 travers la privation je me faisais de la compagne dont j'\u00e9tais s\u00e9par\u00e9. Comme si \u2013 d\u00e8s longtemps p\u00e9n\u00e9tr\u00e9 d'un exemple fameux \u2013 j'avais voulu revivre \u00e0 ma fa\u00e7on cette l\u00e9gende biblique dont, vers la fin du si\u00e8cle dernier, une transcription sous forme d'ombres chinoises fut publi\u00e9e en un album que j'eus, jadis, tout loisir de feuilleter parmi les ouvrages de la biblioth\u00e8que paternelle reconnus \u00e0 ma port\u00e9e, je jouais, en somme, l'Enfant prodigue dans sa p\u00e9riode de mis\u00e8re, le fugitif qui verra son retour f\u00eat\u00e9 par la mise \u00e0 mort du veau gras et sera consid\u00e9r\u00e9 d'un \u0153il d'autant plus tendre qu'il aura hasardeusement vagabond\u00e9. Mais, \u00e0 l'inverse du Prodigue qui n'a pas pr\u00e9vu le veau gras et risque le tout pour le tout quand il s'en va, j'avais, moi, toujours song\u00e9 au retour et poursuivi un but fonci\u00e8rement \u00e9tranger \u00e0 la satisfaction d'une curiosit\u00e9 dont on ne sait jusqu'o\u00f9 elle peut vous entra\u00eener : d\u00e9sireux de n'\u00eatre pas l\u00e0 mais point express\u00e9ment app\u00e2t\u00e9 par ce que je trouverais ailleurs, j'\u00e9tais parti moins pour voir que pour \u00eatre vu voyageant, prenant sans rien trancher un peu de large vis-\u00e0-vis de celle qui suivrait ma course avec des yeux de P\u00e9n\u00e9lope et tenant, certes, \u00e0 \u00eatre un solitaire mais \u00e0 ne l'\u00eatre que pour un temps.\n\nAinsi, m\u00eame au cours de cette fugue (si je puis d\u00e9signer d'un tel nom un voyage qui eut bien pour principal objet de me soustraire \u00e0 mon entourage mais s'accomplit au grand jour et non subrepticement comme se font les fugues), je me gardai de supprimer le fil qui, par-dessus de larges \u00e9tendues marines et terrestres, me reliait \u00e0 mes dieux lares, ces dieux qui dans mon r\u00eave r\u00e9cent transparaissaient sous le couvert d'un jardin et qui, \u00e0 la fa\u00e7on de la plupart des dieux, pr\u00e9sentent une double face puisqu'ils sont \u00e0 la fois ce dont, l\u00e0-bas, j'\u00e9prouve la nostalgie et ce en quoi, ici, je ne veux pas m'enraciner.\n\n\u00ab Comment on cherche \u00e0 rompre l'isolement, \u00e0 ne plus \u00eatre seul, \u00e0 ce qu'un autre vous comprenne. Comment, d\u00e8s qu'on a tout r\u00e9v\u00e9l\u00e9 (ou _cru_ tout r\u00e9v\u00e9ler), \u00e9t\u00e9 compris, c'est encore pis : impression de promiscuit\u00e9 et que l' _autre_ a sur vous tous les droits. \u00bb Quand je notai \u2013 en plein milieu de l'ann\u00e9e 1934 \u2013 cette r\u00e9flexion o\u00f9 ce m\u00eame je (qui parle maintenant comme tel et non plus embusqu\u00e9 derri\u00e8re le moins d\u00e9fini des pronoms de troisi\u00e8me personne) faisait pencher la balance du c\u00f4t\u00e9, non de la communion, mais du silence et du repli sur soi, il y avait seize mois bien compt\u00e9s que j'\u00e9tais revenu du plus long d'entre les voyages que j'ai faits : celui durant lequel je m'initiai \u00e0 l'ethnographie de l'Afrique noire et qui, commenc\u00e9 en 1931 et achev\u00e9 en 1933, aura occup\u00e9 en v\u00e9rit\u00e9 une large part de ma vie, si l'on tient compte non seulement de la p\u00e9riode pr\u00e9paratoire et de celle, aussi tumultueuse, qui suivit la rentr\u00e9e mais de toutes les s\u00e9quelles d'un \u00e9pisode qui a repr\u00e9sent\u00e9 un s\u00e9rieux tournant dans le cours de mon existence, f\u00fbt-ce dans la seule mesure o\u00f9 il m'a dot\u00e9 d'une profession.\n\nCe deuxi\u00e8me d\u00e9part \u2013 celui qu'en un certain sens je devrais dire le dernier, puisque aucun de ceux qui vinrent apr\u00e8s ne rev\u00eatit la couleur romantique apte \u00e0 l\u00e9gitimer l'emploi du beau mot de \u00ab d\u00e9part \u00bb \u2013 ce deuxi\u00e8me d\u00e9part, plus nettement encore que le premier, fut motiv\u00e9 par le besoin d'une rupture de ban. Les choses allant pour moi de mal en pis, sans que les circonstances ext\u00e9rieures non plus que l'attitude de ceux qui m'entouraient pussent \u00eatre s\u00e9rieusement incrimin\u00e9es, j'avais d\u00fb reconna\u00eetre qu'il y avait \u00e0 la base de mes effondrements et de mes incartades de plus en plus fr\u00e9quents quelque chose de tant soit peu pathologique \u2013 constatation humiliante mais qui n'excluait pas une goutte d'optimisme car, s'il y avait maladie, il y avait du m\u00eame coup chance de m'en gu\u00e9rir. J'eus donc recours aux soins d'un psychanalyste et c'est \u00e0 lui, bien entendu, que je demandai conseil quand je dus r\u00e9pondre par oui ou par non \u00e0 l'offre qui m'\u00e9tait faite d'assurer le secr\u00e9tariat d'une mission dont le but \u00e9tait de travailler en \u00c9thiopie, o\u00f9 elle devait se rendre en partant de Dakar au lieu d'emprunter une voie plus directe. Pensant qu'un pareil changement d'air et de longs mois d'\u00e9tudes m\u00eal\u00e9es de vie active me seraient profitables, c'est au oui que mon conseiller m'engagea.\n\nDur\u00e9e de ce voyage-ci (pr\u00e9vu comme devant nous occuper pendant un an et demi ou deux ans), caract\u00e8re des pays parcourus (ces pays noirs aux \u00ab indig\u00e8nes \u00bb pareils \u00e0 ceux dont me parlait jadis l'Oncle Prosper, le sergent de la coloniale qui avait servi \u00e0 Madagascar sous Gallieni au nom presque aussi gros de chaleur tropicale que le mot \u00ab indig\u00e8ne \u00bb lui-m\u00eame ou que le mot \u00ab Cochinchine \u00bb repouss\u00e9 au fin fond du monde par son ricochet de syllabes, aux \u00ab indig\u00e8nes \u00bb que malgr\u00e9 ce que j'avais appris des trop vite dits primitifs d'Afrique, d'Oc\u00e9anie ou d'Am\u00e9rique en lisant tel expos\u00e9 vulgarisateur des th\u00e8ses de L\u00e9vy-Bruhl, j'\u00e9tais bien pr\u00e8s d'imaginer sous les traits conventionnels des sauvages qu'on voit dans les spectacles genre Ch\u00e2telet en maillot chocolat pour imiter les peaux n\u00e8gres, ce pays non assujetti qu'on appelait Abyssinie ou \u00c9thiopie et dont les souverains jusqu'au M\u00e9n\u00e9lik II \u00e0 qui Rimbaud vendit des armes faisaient traditionnellement remonter leur g\u00e9n\u00e9alogie \u00e0 Salomon et \u00e0 la reine de Saba), climats nocifs et dures conditions de vie que je devrais affronter (moi que mon go\u00fbt du soleil br\u00fblant, des mets fortement \u00e9pic\u00e9s, des alcools non liquoreux, de la viande rouge et un peu ferme, ce go\u00fbt qui m'a toujours d\u00e9tourn\u00e9 des lits trop mous dans lesquels on s'enfonce et m'a longtemps induit \u00e0 regarder un lit militaire aux souples ressorts d'acier comme repr\u00e9sentant le comble du confort, moi que ce go\u00fbt apparemment hostile \u00e0 toute suavit\u00e9 n'emp\u00eache pas d'\u00eatre un sybarite r\u00e9pugnant aux exercices violents aussi bien qu'\u00e0 l'eau froide et aimant paresser dans des bains trop chauds), voil\u00e0 les traits essentiels qui situaient ce nouveau d\u00e9part dans une perspective autrement rigoureuse que l'esp\u00e8ce de trompe-l'\u0153il \u00e0 quoi s'\u00e9tait plus ou moins conform\u00e9 le premier. A l'id\u00e9e d'accomplir mon rachat en jouant mon r\u00f4le dans une \u00e9quip\u00e9e qui exigeait certaines qualit\u00e9s viriles chez ses participants, il se m\u00ealait l'id\u00e9e d'une perdition : plonger comme j'allais le faire au c\u0153ur du continent noir, me colleter avec sa r\u00e9alit\u00e9 tant\u00f4t trop s\u00e8che tant\u00f4t trop luxuriante, vivre de plain-pied avec des hommes apparemment plus proches que moi de l'\u00e9tat de nature, c'\u00e9tait briser le cercle d'habitudes o\u00f9 j'\u00e9tais enferm\u00e9, rejeter mon corset mental d'Europ\u00e9en pour qui le 2 et 2 font 4 est l'A B C de la sagesse, me lancer corps et \u00e2me dans une aventure dont je pouvais me dire en un sens que je ne reviendrais jamais puisqu'il semblait hors de question que je fusse intellectuellement et moralement le m\u00eame quand j'\u00e9mergerais de cette nage dans les eaux du primitivisme. Si le voyage que j'entreprenais \u00e9tait propre \u00e0 me donner la connaissance directe de ce monde n\u00e8gre qui, d\u00e8s l'av\u00e8nement du jazz, m'avait conquis par-del\u00e0 toute raison et si, loin d'\u00eatre une fuite solitaire marqu\u00e9e du sceau de la misanthropie, il avait la signification d'une qu\u00eate humaniste que l'\u00e9quipe de chercheurs dont j'allais faire partie m\u00e8nerait avec ferveur tout en s'\u00e9cartant le moins possible d'un plan pr\u00e9\u00e9tabli, il reste qu'en d\u00e9pit de son indiscutable justification et des auspices \u00e9minemment acad\u00e9miques sous lesquels il s'effectuerait je lui pr\u00eatais la m\u00eame couleur de flamme qu'\u00e0 une tentative de risque-tout sinon de _desperados,_ couleur \u00e0 peine att\u00e9nu\u00e9e par ce qui constituait pour moi comme pour mes compagnons la base m\u00eame de ce voyage : la science quelque peu h\u00e9t\u00e9rodoxe qu'\u00e9tait alors l'ethnographie. Par-del\u00e0 toute volont\u00e9 d'\u00e9tude, il est s\u00fbr que je m'appr\u00eatais \u00e0 jouer \u2013 sans souci des incompatibilit\u00e9s flagrantes entre ces personnages \u2013 divers h\u00e9ros conradiens : le marin d\u00e9chu puis r\u00e9g\u00e9n\u00e9r\u00e9 de _Lord Jim,_ le parfait gentleman en complet tropical d' _Une victoire,_ la t\u00eate br\u00fbl\u00e9e que dans _Le C\u0153ur dest\u00e9n\u00e8bres_ le narrateur d\u00e9couvre nigrifi\u00e9e \u00ab aux avant-postes de la civilisation \u00bb.\n\nCes r\u00e9flexions sur l'esprit dans lequel je me pr\u00e9parais \u00e0 traverser l'Afrique \u2013 \u00e9tat dont je t\u00e2che en vain de provoquer le resurgissement souhaitable pour en parler, tant sa na\u00efvet\u00e9 me semble anachronique \u2013 c'est au cours d'un voyage que je les \u00e9cris. Toutefois, cette circonstance ne m'est d'aucun secours, car ce voyage est, en v\u00e9rit\u00e9, trop diff\u00e9rent de celui dont l'ampleur m'aurait presque permis de me croire possesseur du monde et, isol\u00e9 au point o\u00f9 je le ressentis bient\u00f4t malgr\u00e9 la vie en groupe et les contacts multiples, quelque chose dans le genre de Dieu ou de Lucifer en exil : le s\u00e9jour que ma femme et moi nous faisons actuellement \u00e0 Florence (apr\u00e8s la cure thermale qui m'avait amen\u00e9 vers le d\u00e9but de ce mois aux eaux de Montecatini) n'a, en effet, d'autre but que le repos et le divertissement. Un tel s\u00e9jour \u2013 simple fa\u00e7on de se d\u00e9lasser aupr\u00e8s de monuments et autres produits de la culture tout comme on se d\u00e9lasse \u00e0 la montagne ou au bord de la mer \u2013 se distingue donc autant du voyage \u00ab engag\u00e9 \u00bb que j'ai fait lorsque j'ai visit\u00e9 la Chine nouvelle (puisque participer \u00e0 cette tourn\u00e9e effectu\u00e9e en d\u00e9l\u00e9gation \u00e9tait implicitement se d\u00e9clarer sympathisant) que du voyage accompli sinon dans la solitude \u00e0 tout le moins dans le c\u00e9libat, de l'ouest \u00e0 l'est de l'Afrique, pouss\u00e9 par un besoin qui n'\u00e9tait ni d'occuper des loisirs en dilettante ni de chercher une mani\u00e8re de salut dans la contemplation d'un pays pr\u00e9sum\u00e9 moins \u00e9loign\u00e9 que les autres de la perfection.\n\nAussi vivement que je l'\u00e9prouve, cette dissemblance ne saurait \u00e0 elle seule rejeter l'Afrique et ce que j'en attendais \u00e0 une telle distance que, dans les conditions pr\u00e9sentes, pareille \u00e9vocation fasse figure d'anachronisme. Mais il se trouve que mon s\u00e9jour en Toscane, dont la phase touristique n'est que le prolongement d'une phase m\u00e9dicale, a pris sans solution de continuit\u00e9 la suite d'un \u00e9pisode assez aventureux pour que je puisse, \u00e0 son propos avec plus de s\u00fbret\u00e9 que pour n'importe laquelle de mes p\u00e9r\u00e9grinations g\u00e9ographiquement rep\u00e9rables, me dire que je revenais de loin quand, \u00e0 la mani\u00e8re d'un mort que des op\u00e9rations magiques arrachent \u00e0 sa plong\u00e9e, je suis sorti de la t\u00e9n\u00e8bre o\u00f9 je m'\u00e9tais risqu\u00e9.\n\nSuis-je en \u00e9tat, d'ores et d\u00e9j\u00e0, de relater cet \u00e9pisode ou ferais-je mieux de le laisser en sommeil, attendant que la plaie qui lui a donn\u00e9 naissance comme \u00e0 une mauvaise fi\u00e8vre ait fini de se refermer ? Que je dispose ou non du recul qui me permettrait d'en relever le dessin avec rigueur (au moins quant aux grandes lignes) et sans trop m'y br\u00fbler, il s'av\u00e8re en tout cas que je ne puis ici parler de rien sans que cela sonne faux depuis ce qui aura \u00e9t\u00e9 pour moi \u2013 presque litt\u00e9ralement \u2013 une descente aux enfers. Il est probable par ailleurs que la plaie en question n'est pas pr\u00e8s de se cicatriser. Pourquoi donc attendrais-je et que gagnerais-je \u00e0 un suspens dont je ne puis pr\u00e9voir la fin dans un avenir rapproch\u00e9 et qui, aussi longtemps qu'il pr\u00e9vaudrait, serait pour moi comme une paralysie ? S'il est encore trop t\u00f4t pour que je sois en mesure de _tout_ dire, il m'est possible n\u00e9anmoins de m'expliquer sur l'essentiel : comment s'est, un beau jour, concr\u00e9tis\u00e9e en le plus d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9 des gestes ma r\u00eaverie sempiternelle sur le th\u00e8me du d\u00e9part, moyen de biffer l'\u00e9quation lorsque la vie qu'on m\u00e8ne appara\u00eet trop embrouill\u00e9e pour que m\u00eame provisoirement on lui trouve une issue.\n\nParlant de la peine que j'eus \u00e0 me d\u00e9crocher pour m'en aller en Chine et du bonheur si vite d\u00e9sagr\u00e9g\u00e9 que me procur\u00e8rent les cinq semaines pass\u00e9es dans ce pays, j'ai donn\u00e9 \u00e0 entendre d\u00e9j\u00e0 combien le mal dont je souffrais \u00e9tait profond : ayant ouvert avec de durs grincements la parenth\u00e8se de ce voyage (qui m'apparaissait comme le dernier de mes grands d\u00e9placements, celui apr\u00e8s lequel je n'aurais plus ni l'occasion ni m\u00eame l'envie de s\u00e9rieusement bouger et dont l'accomplissement m'aurait conduit une fois encore \u00e0 m'\u00e9carter de ma compagne alors que les ann\u00e9es qui nous restent \u00e0 vivre en commun sont maintenant terriblement compt\u00e9es), c'est avec des grincements non moins durs que j'ai ferm\u00e9 la parenth\u00e8se au moment du retour. D\u00e9prim\u00e9 quand fut pour se r\u00e9aliser le d\u00e9sir que j'avais eu de m'envoler vers P\u00e9kin, je le fus \u00e9galement quand je revins \u00e0 Paris, tout se passant encore comme si je ne rencontrais que malaise de quelque c\u00f4t\u00e9 que je me tourne et n'en pouvais sortir que presque par hasard, pour de rares et \u00e9ph\u00e9m\u00e8res satisfactions.\n\n _\u00catre ou ne pas \u00eatre :_ telle n'est pas la question sur laquelle je me casse les dents. \u00catre ou ne pas \u00eatre l\u00e0, \u00eatre ici ou \u00eatre ailleurs : telle serait plut\u00f4t l'interrogation br\u00fblante, pour ce qui me concerne. Quand j'aimerais \u00eatre ailleurs j'ai peur de m'en aller d'ici, et ailleurs, quand j'y suis, ne m'apporte gu\u00e8re de repos, soit qu'il continue d'\u00eatre ailleurs et que je m'y sente d\u00e9sorient\u00e9, soit que m'y suive un regret de ce que j'ai quitt\u00e9, soit que cet ailleurs ne puisse \u00eatre un ici que de fa\u00e7on trop fugitive pour que je l'estime autre que d\u00e9risoire. Qu'il s'agisse de quoi que ce soit, des choses les plus b\u00e9nignes ou des choses les plus graves, de celles qui touchent au seul d\u00e9cor ou de celles qui int\u00e9ressent la trame (occupations du jour, grands mouvements de la t\u00eate ou du c\u0153ur et pas seulement voyages), ce vain jeu de pendule, o\u00f9 que je sois, quoi que je fasse, ne me laisse que difficilement \u00e9chapper \u00e0 son exactitude accablante.\n\nAussi anciennement ancr\u00e9e que soit en moi la m\u00e9fiance \u00e0 l'\u00e9gard de la litt\u00e9rature \u2013 sans que, bien entendu, la mienne soit except\u00e9e \u2013 c'est elle qui, sans contredit, donne sa couleur \u00e0 ma vie. Mon premier voyage en Afrique repr\u00e9sente \u00e0 ce point de vue un paradoxe qui touche \u00e0 la bouffonnerie : ayant d\u00e9couvert l'ethnographie et voulant y consacrer dor\u00e9navant le principal de mon activit\u00e9, j'\u00e9tais parti pour cette exp\u00e9dition en d\u00e9sirant tourner le dos \u00e0 tout ce qui me paraissait n'\u00eatre qu'un m\u00e9prisable esth\u00e9tisme ; mais il se trouve que le journal de route que je m'\u00e9tais astreint \u00e0 tenir (sacrifiant \u00e0 une habitude d'homme de plume par trop inv\u00e9t\u00e9r\u00e9e), ce journal publi\u00e9 presque sans retouches peu apr\u00e8s mon retour aura \u00e9t\u00e9 en fait le livre \u00e0 partir duquel j'ai \u00e9t\u00e9 \u00e9dit\u00e9 autrement que de fa\u00e7on quasi confidentielle, celui en somme qui m'a situ\u00e9 comme \u00e9crivain professionnel. L'effort que j'avais fait pour m'\u00e9loigner de la chose litt\u00e9raire aura donc eu un r\u00e9sultat inverse et aura seulement dot\u00e9 d'un second m\u00e9tier \u2013 l'ethnographie \u2013 l'homme de lettres que je serai rest\u00e9. Quant \u00e0 mon r\u00e9cent voyage en Chine il peut, du m\u00eame point de vue, fournir une ample mati\u00e8re \u00e0 mon ironie : alors qu'en Chine je m'\u00e9tais dit que, Chinois de la Chine populaire, je pourrais fort bien m'accommoder d'une soci\u00e9t\u00e9 dont les membres ont pour id\u00e9al de porter au maximum la production industrielle et agricole de m\u00eame qu'ils ont \u00e9ventuellement pour r\u00e9compense d'\u00eatre sacr\u00e9s \u00ab h\u00e9ros du travail \u00bb (les plus forts en mati\u00e8re de tissage, de fabrication de barres d'acier ou d'\u00e9levage de porcs) \u2013 tout comme en d'autres soci\u00e9t\u00e9s on peut vous consacrer grand \u00e9crivain ou artiste g\u00e9nial \u2013, alors qu'\u00e0 mon retour de Chine les pr\u00e9occupations proprement litt\u00e9raires m'\u00e9taient devenues presque \u00e9trang\u00e8res et que je ne voyais pas quelle justification l'on pourrait logiquement proposer \u00e0 des hommes si ce n'est l'accroissement de leur emprise sur la nature, je trouvai en arrivant chez moi un paquet de coupures de presse qui me prouvaient que le livre dont j'avais fait le service peu de jours avant de m'en aller \u2013 _Fourbis_ \u2013 \u00e9tait accueilli beaucoup plus favorablement que ne l'avaient \u00e9t\u00e9 mes livres pr\u00e9c\u00e9dents. Ce succ\u00e8s relatif, survenu au moment o\u00f9 je venais d'acqu\u00e9rir la conviction que ma vie aurait pu tr\u00e8s valablement se construire en dehors de la litt\u00e9rature, \u00e9tait une d\u00e9rision qui ne pouvait me conduire qu'\u00e0 des m\u00e9ditations am\u00e8res sur ce qui arrive trop tard : jeune \u00e9crivain je souhaitais (sans me l'avouer) disposer un beau jour d'une certaine audience ; vieilli sous le harnais et croyant de moins en moins \u00e0 la n\u00e9cessit\u00e9 de mon message, j'\u00e9tais bien oblig\u00e9 de constater que je ne tirais qu'un mince plaisir de cette r\u00e9ussite et que mon existence, pour \u00eatre devenue celle d'un \u00e9crivain estim\u00e9, n'\u00e9tait en rien chang\u00e9e. Je me trouvai, en somme, dans la situation de celui qui, sur le plan sentimental, commence \u00e0 b\u00e9n\u00e9ficier de bonnes fortunes alors qu'il est d\u00e9sormais trop \u00e2g\u00e9 pour avoir la capacit\u00e9 \u2013 voire m\u00eame l'envie \u2013 d'en profiter.\n\nHormis deux ou trois \u00e9tudes assez pertinentes pour m'aider \u00e0 faire le point et que je lus avec int\u00e9r\u00eat, je crus, prenant connaissance des coupures rassembl\u00e9es par ma femme \u00e0 mon intention et des articles qui vinrent ensuite, avoir sous les yeux des notices n\u00e9crologiques : m'\u00e9tant acharn\u00e9 comme je l'avais fait \u00e0 fa\u00e7onner ma statue et n'ayant parl\u00e9 que de moi, c'\u00e9tait de moi qu'on parlait quand on parlait du livre, et cette statue que j'avais pris tant de soin \u00e0 sculpter je la voyais maintenant, avec horreur, se dresser comme une pierre fun\u00e9raire dans la r\u00e9alit\u00e9 ext\u00e9rieure qu'elle avait prise. Loin de m'encourager, l'accueil fait \u00e0 _Fourbis_ a donc \u00e9t\u00e9 pour moi une cause de d\u00e9pression et une g\u00eane pour la continuation de mon travail. Au double sentiment d'horreur et de d\u00e9rision dont je viens de parler il se joignit bient\u00f4t une sorte de trac d'acteur, enti\u00e8rement neuf pour moi dans ce domaine et lui aussi paradoxal : comme si j'avais besoin maintenant de ces \u00e9loges dont j'affirme pourtant qu'ils m'ont caus\u00e9 plus de mal encore que de bien et comme si, ayant go\u00fbt\u00e9 de ce poison et l'ayant absorb\u00e9 avec force grimaces, je craignais n\u00e9anmoins de souffrir de son manque, je me suis pris \u00e0 me demander si le m\u00eame accueil bienveillant sera r\u00e9serv\u00e9 au volume suivant, ces \u00ab fibrilles \u00bb auxquelles depuis la Chine je travaille avec une peine li\u00e9e peut-\u00eatre (j'y songe depuis un certain temps) au fait que la Chine n'a jou\u00e9 qu'un r\u00f4le infime dans mon exotisme enfantin de sorte qu'elle est priv\u00e9e de certaines r\u00e9sonances, une peine fond\u00e9e indubitablement sur mon souci de v\u00e9racit\u00e9 mais port\u00e9e au degr\u00e9 le plus extr\u00eame par cette inqui\u00e9tude neuve. La crainte de ne plus faire aussi bien, d'\u00eatre jug\u00e9 comme quelqu'un qui peut-\u00eatre a eu son heure mais est aujourd'hui un homme fini, l'id\u00e9e que j'ai maintenant racont\u00e9 l'essentiel ou, en tout cas, ce qui avait par soi-m\u00eame assez d'attrait pour supporter d'\u00eatre cont\u00e9 sans trop d'art (de sorte qu'il me faudra d\u00e9ployer un art de plus en plus grand \u00e0 mesure que s'amenuisera l'attrait de ce que j'ai \u00e0 dire et que je devrai t\u00f4t ou tard me r\u00e9signer au silence si je suis incapable d'inventer de belles fictions quand j'en serai arriv\u00e9 \u00e0 ne plus rien trouver dans ma vie qui vaille d'\u00eatre racont\u00e9), de telles pens\u00e9es me jet\u00e8rent dans un \u00e9tat d'incertitude et d'\u00e9c\u0153urement presque physique, qu'aggravait l'opinion plus que jamais d\u00e9testable que je prenais de moi, vuln\u00e9rable autant que le sont la plupart des hommes de lettres au jugement que peut porter sur eux leur client\u00e8le. A jamais, un mythe au moins \u00e9tait d\u00e9truit : celui de l'\u00e9crivain rebelle, situ\u00e9 en marge \u00e0 tel point qu'il n'est plus \u00e0 proprement parler un \u00e9crivain. Si \u00e9crire r\u00e9pondait encore pour moi \u00e0 une exigence presque visc\u00e9rale, ce n'\u00e9tait plus parce que j'esp\u00e9rais trouver, au bout de mon discours \u00e9crit, une r\u00e8gle de mieux vivre ni parce que j'avais sur le c\u0153ur quelque chose dont je devais me d\u00e9livrer ni m\u00eame parce qu'il me fallait \u00e0 tout prix ob\u00e9ir au go\u00fbt de me raconter ; il me semblait seulement que me taire reviendrait en quelque sorte \u00e0 mourir aux yeux de ceux et celles qui m'avaient suivi jusqu'alors. Nul changement visible n'avait affect\u00e9 ma personne et je ne m'\u00e9tais affubl\u00e9 d'aucun pantalon bouffant d'alm\u00e9e ; pourtant j'\u00e9tais devenu Sh\u00e9h\u00e9razade, inqui\u00e8te lorsqu'elle croit constater que le sultan a pris moins de plaisir \u00e0 son r\u00e9cit de cette nuit-l\u00e0 qu'\u00e0 celui de la nuit pr\u00e9c\u00e9dente, Sh\u00e9h\u00e9razade qui ne peut pas rester \u00e0 court d'histoires sous peine d'\u00eatre mise \u00e0 mort par le sultan.\n\nA travers la plupart des \u00e9tudes publi\u00e9es sur _Fourbis_ ou sur l'ensemble de mon \u0153uvre un _leitmotiv_ courait, mon obsession de la mort, et \u00e0 les lire il me semblait qu'il en \u00e9tait de mes \u00e9crits comme il en est dans l'air des Cartes de _Carmen :_ en vain j'avais m\u00eal\u00e9, coup\u00e9, battu, esp\u00e9rant qu'il sortirait enfin une carte heureuse, ce qui se manifestait dans l'\u00e9talement des figures et des valeurs non imag\u00e9es de mon jeu c'\u00e9tait _la Mort, encore, toujours la Mort._ Je voyais reconnu comme li\u00e9 indissolublement \u00e0 ce que je suis ce dont, pr\u00e9cis\u00e9ment, je veux me d\u00e9gager et, quels que fussent au demeurant les \u00e9loges, je devais conclure de la grande masse de ces articles que mon essai d'\u00e9chapper \u00e0 l'atmosph\u00e8re irrespirable que cr\u00e9e la pr\u00e9sence constante de l'id\u00e9e du n\u00e9ant avait abouti \u00e0 un \u00e9chec. Certains critiques parlaient de mon masochisme quand je ne r\u00eave que pl\u00e9nitude vitale et, s'ils voulaient bien voir dans mon trouble un cas int\u00e9ressant, ils me traitaient comme un malade amoureux de sa maladie. Je ferais preuve, certes, d'aveuglement en niant le go\u00fbt que j'ai de me pencher jusqu'au vertige sur nos ab\u00eemes int\u00e9rieurs et j'aurais, d'autre part, mauvaise gr\u00e2ce \u00e0 ne pas rendre leur d\u00fb \u00e0 ceux dont le commentaire, d'une mani\u00e8re ou d'une autre, m'assiste positivement dans mon effort en me permettant une vue plus claire du point o\u00f9 je suis parvenu. Mais je puis \u2013 sans acrimonie bien que fermement \u2013 m'\u00e9lever contre l'opinion avanc\u00e9e par certains comme quoi, sous l'effet d'une impulsion morbide, je m'ing\u00e9nierais \u00e0 rabattre mes enthousiasmes et chercherais syst\u00e9matiquement \u00e0 d\u00e9truire toutes raisons d'esp\u00e9rer. Se refuser \u00e0 \u00eatre dupe n'est pas se proposer de r\u00e9duire tout \u00e0 n'\u00eatre que duperie. Je veux, en v\u00e9rit\u00e9, ne rien accepter que je n'aie soumis \u00e0 un s\u00e9v\u00e8re examen ; mais, s'il en r\u00e9sulte la mise \u00e0 bas de beaucoup d'illusions, cela ne signifie pas que je poursuis avec une joie perverse la disqualification de toutes choses. Il me semble, au demeurant, qu'il n'est que trop naturel d'avoir \u00e0 lutter pied \u00e0 pied contre l'id\u00e9e de la mort et que, sans \u00eatre un n\u00e9vropathe, on peut ne r\u00e9sister \u00e0 cet envahissement qu'avec difficult\u00e9 ; s'ils n'\u00e9taient le grand nombre, je tiendrais, moi, pour des anormaux ceux qui pensent apparemment si peu \u00e0 ce dont on me dit obs\u00e9d\u00e9 et, \u00e0 mon sens, t\u00e9moignent ainsi ou d'un courage \u00e0 toute \u00e9preuve ou d'un d\u00e9faut de lucidit\u00e9 que ne sauraient justifier ses heureuses cons\u00e9quences.\n\nMes laudateurs (je dois le souligner) n'\u00e9taient point unanimes \u00e0 consid\u00e9rer ma statue avec le respect m\u00eal\u00e9 de commis\u00e9ration qu'on doit aux nobles formes dont a su se parer un vaincu. Tel allait, dans sa bienveillance amicale, jusqu'\u00e0 conclure un essai (o\u00f9 des rapprochements ing\u00e9nieux et pour moi-m\u00eame r\u00e9v\u00e9lateurs sont op\u00e9r\u00e9s entre mes divers \u00e9crits) en m'attribuant ce triomphe : la d\u00e9couverte du syst\u00e8me qui permet de supprimer toute distance entre une vie personnelle et la mythologie. Mais, quelque joie vaniteuse qu'aient pu sur-le-champ me procurer les pages de mon _supporter,_ elles cess\u00e8rent vite d'\u00eatre un baume pour devenir plut\u00f4t le couteau dans la plaie, car je savais trop bien quant \u00e0 moi que, m\u00eame en admettant que je sois parvenu \u00e0 transformer ma vie en mythe, elle ne l'est devenue que _par \u00e9crit,_ dans le r\u00e9cit au pass\u00e9 que j'en fais et non pas en elle-m\u00eame, dans le pr\u00e9sent o\u00f9 je la vis. Je fus donc atteint tout compte fait par ce bulletin de victoire (dont le caract\u00e8re outrancier ne pouvait m'\u00e9chapper) \u00e0 peine moins malignement que par les hommages de ceux qui saluaient ma d\u00e9faite.\n\n _Jamais contents,_ disait dans son titre dor\u00e9 (ou noir sur fond dor\u00e9) l'un de mes livres d'enfance dont le th\u00e8me \u00e9tait le suivant : na\u00efvet\u00e9 d'un jeune gar\u00e7on et de sa s\u0153ur qui s'imaginent que les si\u00e8cles anciens valaient mieux que le n\u00f4tre mais ne rencontrent que d\u00e9sillusions \u00e0 mesure qu'ils font, en r\u00eave, l'exp\u00e9rience de ces \u00e9poques dont aucune ne s'av\u00e8re sans faille. \u00ab Jamais content \u00bb, pourrais-je dire \u00e0 mon propre sujet, en m'accusant d'un manque de sagesse pire encore que celui de ces deux enfants, dont le tort est de m\u00e9sestimer ce qu'ils ont en partage et d'attribuer des couleurs merveilleuses \u00e0 ce qu'ils n'ont pas, mais qui du moins sont conduits par leurs d\u00e9ceptions successives \u00e0 finalement appr\u00e9cier ce que le pr\u00e9sent leur apporte. Aux \u00e9pines si l'on me rendait les honneurs en me plaignant de ma mauvaise fortune, aux \u00e9pines \u00e9galement si l'on chantait mon dithyrambe, sensible \u00e0 des jugements que j'ai moi-m\u00eame provoqu\u00e9s et n'acquies\u00e7ant qu'\u00e0 une minime partie d'entre eux, rebut\u00e9 par cette s\u00e9rie de coupures que je dus lire en arrivant mais ennuy\u00e9 quand cela se fut tari, d\u00e9prim\u00e9 presque aussit\u00f4t que je me vis le titulaire d'un prix qui me consacrait en tant que travailleur des lettres (ce m\u00eame prix que j'aurais \u00e9t\u00e9 vex\u00e9 de ne pas recevoir d\u00e8s lors que j'avais su \u00eatre pour l'obtenir), d\u00e9prim\u00e9 en revanche quand je suis hors d'\u00e9tat de continuer ma t\u00e2che d'\u00e9crivain et me dis que si cela persiste je ne tarderai pas \u00e0 n'exister pour personne, il est s\u00fbr que dans mon domaine d'\u00e9lection comme dans ceux dont rel\u00e8vent, aussi bien que les grands voyages, d'autres fa\u00e7ons de rechercher une Terre Promise (\u00e0 la mani\u00e8re de ce petit gar\u00e7on et de cette petite fille qui voulaient changer d'\u00e9poque), je me comporte en enfant boudeur et comme si, malgr\u00e9 mon d\u00e9sir d'en sortir, j'entendais \u00eatre la vivante illustration de ce \u00ab jamais content \u00bb.\n\nJe me donne moi-m\u00eame pour un esprit chagrin, je me d\u00e9peins tout le premier en \u00e9ternel insatisfait et je me cabre n\u00e9anmoins d\u00e8s qu'un autre que moi vient me taxer de pessimisme. Est-ce volont\u00e9 de contradiction ou susceptibilit\u00e9 li\u00e9e \u00e0 une coquetterie cach\u00e9e, incons\u00e9quence totale ou illustration de ce paradoxe auquel il serait malais\u00e9 d'\u00e9chapper une fois le doigt mis dans l'engrenage : \u00eatre aim\u00e9 pour ce qu'on est exige qu'on se d\u00e9voile et l'on y proc\u00e8de \u00e0 tous risques, mais, l'aveu fait et re\u00e7u, l'on s'irrite d\u00e8s qu'on se voit pris \u00e0 la lettre et d\u00e9masqu\u00e9 ? Si, dans ma r\u00e9action devant la simple cr\u00e9ance accord\u00e9e \u00e0 ce que j'avais dit, il y a quelque chose de si injuste que cela peut porter \u00e0 rire ou valoir un haussement d'\u00e9paules agac\u00e9, ce n'est pas encore l\u00e0 le comble de ma bizarrerie. Il se trouve en effet que, dans le temps m\u00eame o\u00f9 j'affirmais ne pas d\u00e9sesp\u00e9rer et m'insurgeais contre ceux qui assignaient un sens trop noir \u00e0 mes \u00e9crits, je me suis livr\u00e9 \u00e0 ce qu'on peut regarder comme une tentative de suicide, et cela au moment o\u00f9 venait de se r\u00e9aliser ce que depuis longtemps j'appelais comme une chance, l'aventure passionnelle dont je m'\u00e9tais pris \u00e0 penser (il y a d\u00e9j\u00e0 maintes ann\u00e9es) que les autres esp\u00e8ces d'aventures auxquelles je pouvais me pr\u00eater n'en repr\u00e9sentaient, si je voulais aller au fond des choses, que de timides substituts : les vains d\u00e9rivatifs \u00e0 mon ennui que s'av\u00e9raient avoir \u00e9t\u00e9 fuites vers d'autres pays, recherches humanistes, vell\u00e9it\u00e9s politiques dont (n'\u00e9tait ce qui se passe aujourd'hui en Afrique du Nord) je me serais probablement d\u00e9tourn\u00e9 \u00e0 la suite des \u00e9v\u00e9nements de Hongrie, qui m'ont fait voir dans quelle odieuse esp\u00e8ce de qui\u00e9tisme religieux j'avais sombr\u00e9 quand, apr\u00e8s le congr\u00e8s viennois de 1952, j'\u00e9tais devenu \u00e0 peu pr\u00e8s ce que les gens de droite appellent un \u00ab crypto-communiste \u00bb.\n\nSur la crise qui a motiv\u00e9 un geste dont le r\u00e9sultat (selon les id\u00e9es re\u00e7ues) faillit m'\u00eatre funeste, je me bornerai \u00e0 donner un minimum d'indications. J'y reste trop engag\u00e9 pour \u00eatre \u00e0 m\u00eame d'en parler plus amplement.\n\nQu'on sache donc d'abord que depuis plusieurs mois je stockais, au lieu de m'en servir, les lent\u00e9rules de ph\u00e9nobarbital dont un m\u00e9decin m'avait prescrit l'usage afin d'am\u00e9liorer mon \u00e9quilibre nerveux. Une complicit\u00e9 s'\u00e9tait \u00e9tablie entre une correspondante et moi sur le th\u00e8me des \u00ab huit grammes de son\u00e9ryl \u00bb, dose mortelle de somnif\u00e8re qu'il est bon d'avoir \u00e0 sa port\u00e9e, car disposer en permanence d'un moyen doucereux de suppression ne peut qu'aider \u00e0 vivre. A d\u00e9faut de ce produit j'avais accumul\u00e9, sans le dire \u00e0 quiconque et pas m\u00eame \u00e0 ma correspondante, une quantit\u00e9 de barbiturique qui s'\u00e9levait \u00e0 quelque six grammes la nuit que je l'absorbai.\n\nQu'on sache ensuite que l'amour tant souhait\u00e9, bien que son av\u00e8nement avec l'exaltation qui en \u00e9tait l'escorte me d\u00e9livr\u00e2t d'une partie de mes tourments, me faisait toucher du doigt cette dure v\u00e9rit\u00e9 : tout se passe pour moi comme si, hormis de courtes p\u00e9riodes de v\u00e9ritable apaisement, j'oscillais entre un ennui \u00e0 croire que j'en deviendrai fou et l'\u00e9tat d'insupportable tension o\u00f9 me jettent les conflits sentimentaux qui surgissent aussit\u00f4t que je m'engage dans la voie passionnelle pour \u00e9chapper \u00e0 cet ennui. Ce qui, sur le plan po\u00e9tique, pouvait se dire incarnation d'un beau r\u00eave s'\u00e9crivait adult\u00e8re bourgeois dans le langage des relations sociales et je souffrais de cette dichotomie comme je souffrais du jeu de duplicit\u00e9 auquel j'\u00e9tais pratiquement amen\u00e9, m'effor\u00e7ant de maintenir le secret vis-\u00e0-vis d'une compagne \u00e0 qui, malgr\u00e9 les durs remous dont j'ai parl\u00e9, je suis uni de mani\u00e8re trop profonde et depuis trop longtemps pour vouloir la quitter, et n'ayant d'autre choix qu'entre la trahir elle en ne lui disant rien ou trahir l'autre en livrant mon secret.\n\nUn mensonge ne fait pas qu'attenter \u00e0 une v\u00e9rit\u00e9, c'est toute la v\u00e9rit\u00e9 qui par lui se trouve bient\u00f4t mise en question : aimer dans le mensonge m'induisait \u00e0 me demander si cet amour lui-m\u00eame n'\u00e9tait pas mensonger, jusqu'\u00e0 quel point ma partenaire me disait \u00e0 moi la v\u00e9rit\u00e9, jusqu'\u00e0 quel point aussi nous ne faisions pas notre r\u00e9gal d'une pi\u00e8ce \u00e0 la Henry Bataille dont nous \u00e9changions les r\u00e9pliques et si, quand je souhaitais une rencontre qui balay\u00e2t l'id\u00e9e qu'avant de dispara\u00eetre l'on n'a plus qu'\u00e0 suivre son petit bonhomme de chemin, j'\u00e9tais vraiment autre chose que le jouet soit du besoin de raviver des forces fl\u00e9chissantes en leur donnant un point d'application nouveau, soit de l'un de ces prurits violents qui prennent les hommes sur le retour et plus particuli\u00e8rement ceux qui, comme moi n'ayant pas assez v\u00e9cu et ayant toujours dout\u00e9 terriblement d'eux-m\u00eames, s'acharnent \u00e0 faire leurs preuves pendant qu'\u00e0 la rigueur il en est encore temps. Ce qui m'arrivait l\u00e0 \u2013 d'une femme qui ne sera dans ce tableau qu'une figure d\u00e9nu\u00e9e de contours en vertu d'un m\u00e9canisme stupide qui fausse gravement la perspective : celui qui m'oblige souvent \u00e0 taire tel d\u00e9tail qui importe alors que j'ai toutes commodit\u00e9s pour tels d\u00e9tails de second plan \u2013 cela se pr\u00e9sentait (je n'en disconviens pas) comme une faveur du sort, mais une faveur qui m'arrivait trop tard comme m'\u00e9tait arriv\u00e9e une certaine cons\u00e9cration litt\u00e9raire et qui, de surcro\u00eet, se r\u00e9v\u00e9lait pour moi impossible \u00e0 saisir sans gravement m'y br\u00fbler. J'\u00e9tais plac\u00e9, en somme, devant l'alternative que voici : ou bien subir cette br\u00fblure (sachant d'ailleurs que ma vie double ne pourrait gu\u00e8re se prolonger) ou bien rester dans mon orni\u00e8re. C'est sur ce point pr\u00e9cis que je butai, m'estimant dans une situation sans issue et m'ab\u00eemant plus que jamais dans un \u00e9tat naus\u00e9eux dont j'ignorais quelles parts je devais respectivement assigner \u00e0 ses causes physiques et \u00e0 ses causes morales.\n\nD'antiques cosmogonies d\u00e9crivent la formation du monde comme une d\u00e9gradation de la primitive unit\u00e9, qui se scinde en fragments qui se scindent \u00e0 leur tour, de sorte que l'int\u00e9grit\u00e9 du tout se d\u00e9compose finalement en la poussi\u00e8re d'une multiplicit\u00e9. Mon unit\u00e9 \u00e0 moi s'\u00e9tait en premier lieu scind\u00e9e entre deux femmes et le mal, aussi p\u00e9nible qu'il f\u00fbt, n'aurait peut-\u00eatre pas exc\u00e9d\u00e9 les limites si la division ainsi amorc\u00e9e en \u00e9tait rest\u00e9e l\u00e0. Mais il en fut de cette division comme il en est dans les cosmogonies auxquelles j'ai fait allusion. Lors d'une visite de ma correspondante (venue \u00e0 Paris du pays germanique o\u00f9 elle s'essayait fi\u00e9vreusement \u00e0 \u00e9crire en achevant des \u00e9tudes m\u00e9dicales), une seconde et intol\u00e9rable dichotomie s'op\u00e9ra quand j'entendis, de la bouche de cette visiteuse un peu oursine qui gentiment s'\u00e9tait accus\u00e9e de m'avoir trahi en qu\u00eatant pour ses essais d'autres conseils que les miens, une phrase que j'accueillis sans refr\u00e9ner (d'un geste avare) mon \u00e9motion mais qui ne me combla que pour me mettre au supplice car, ce que j'aurais voulu, c'\u00e9tait la recevoir d'une autre bouche : _Vous avez quelque chose de d\u00e9chirant..._ Cela se passait dans ce bureau peu \u00e0 peu devenu pour moi une simple tani\u00e8re, au sous-sol d'un Mus\u00e9e de l'Homme aujourd'hui bien ensommeill\u00e9 apr\u00e8s avoir \u00e9t\u00e9 le plus moderne des mus\u00e9es d'ethnologie en m\u00eame temps qu'un bastion de l'antiracisme. Aussi \u00e0 fond de cale qu'il se sent\u00eet, tant chez lui que dans ce repaire entre les murs duquel cinq jours sur sept il s'enfermait quelques heures, le rou\u00e9 que je n'\u00e9tais pas ne pouvait s'accommoder d'une arlequinade o\u00f9 Gr\u00e2ce et V\u00e9rit\u00e9 \u2013 la Chatte et l'Ourse \u2013 auraient altern\u00e9 pour le sortir de la torpeur dont il \u00e9tait la proie. C'est pourquoi, comme on dit, il perdit les p\u00e9dales.\n\nL'id\u00e9e du suicide me hantait depuis longtemps, il est superflu que j'y revienne, si ce n'est pour dire que son emprise s'\u00e9tait accrue depuis que, n'ayant plus ma foi du charbonnier en la valeur humaine de ce qu'on nomme la \u00ab construction socialiste \u00bb, je me voyais non seulement priv\u00e9 d'une mani\u00e8re de religion mais atteint jusque dans l'activit\u00e9 \u00e0 laquelle je m'adonne avec le plus de constance, puisque, faute d\u00e9sormais d'une lueur m\u00eame lointaine et intermittente pour me guider, je m'enliserais d\u00e9finitivement dans le bourbier de mon livre. Comment, maintenant que m'\u00e9tait montr\u00e9 en noir sur blanc combien la voie du marxisme est une voie sem\u00e9e d'emb\u00fbches et \u00e0 quelles dess\u00e9chantes analyses il est indispensable de se livrer si l'on veut prendre parti honn\u00eatement, mener ce livre \u00e0 la conclusion que j'avais entrevue et dont le rejet ne laisserait place (si je voulais encore conclure) qu'au brutal baisser de rideau que serait l'enregistrement de ma d\u00e9faite : clef trouv\u00e9e en r\u00e9alisant la fusion du po\u00e9tique et du social dans la ligne que m'avait indiqu\u00e9e l'exp\u00e9rience racont\u00e9e tout au d\u00e9but de _Biffures,_ exp\u00e9rience qui aurait \u00e9t\u00e9 un peu mon _cogito_ quand j'avais d\u00e9couvert, apprenant que c'est \u00ab heureusement \u00bb qui se dit et non \u00ab ... reusement \u00bb comme venait de le faire le bambin que j'\u00e9tais alors, l'existence du langage en tant que r\u00e9alit\u00e9 ext\u00e9rieure me d\u00e9passant, ce dont il faut d\u00e9duire que l'on _ne parle pas tout seul_ (les autres m\u00eame absents \u00e9tant impliqu\u00e9s dans l'acte de parler puisque c'est leurs mots qu'on emploie) et que d\u00e8s l'instant que l'on parle \u2013 ou \u00e9crit, ce qui revient au m\u00eame \u2013 on admet qu'en dehors de soi il existe un autrui, de sorte qu'il serait absurde de r\u00e9cuser, si l'on parle ou \u00e9crit, les n\u0153uds qui vous attachent au cercle ind\u00e9fini d'humanit\u00e9 que par-del\u00e0 les temps et les lieux votre interlocuteur sans visage repr\u00e9sente ? A cet embarras point tout neuf s'ajouta, comme pour faire d\u00e9border la coupe, le fait qu'il m'arrivait une chose telle que, sachant qu'il serait dor\u00e9navant hors de question de _tout_ dire, je me voyais promis \u00e0 une tricherie consistant \u00e0 continuer de me raconter en gardant le silence sur cette chose pourtant plus importante que beaucoup d'autres sur lesquelles je m'\u00e9tais \u00e9tendu avec peut-\u00eatre trop de complaisance.\n\nDans de telles conditions je risquais fort, \u00e0 vouloir co\u00fbte que co\u00fbte terminer mon ouvrage, de d\u00e9cevoir ceux qui m'avaient jusque-l\u00e0 suivi attentivement et dont les signes de sympathie m'avaient prouv\u00e9 qu'on peut, sans se leurrer, croire \u00e0 une communication. Avec ma femme, l'existence paraissait vou\u00e9e \u00e0 d\u00e9g\u00e9n\u00e9rer peu \u00e0 peu en une danse de mort puisque, pr\u00e9f\u00e9rant l'hypocrisie \u00e0 la s\u00e9paration mais incapable de trahir dans une exquisit\u00e9 qui incite au pardon, je me discr\u00e9diterais tellement \u00e0 ses yeux et deviendrais si invivable qu'elle finirait par me m\u00e9priser et me ha\u00efr. Il y avait beau temps, d'ailleurs, que nos rapports \u00e9taient rong\u00e9s par la mauvaise conscience que je nourrissais \u00e0 son sujet, me reprochant les fugues qu'avaient \u00e9t\u00e9 mes voyages, le r\u00f4le presque parasitaire que j'avais dans notre association (nos ressources venant surtout de son m\u00e9tier \u00e0 elle et mon travail au mus\u00e9e ne repr\u00e9sentant qu'un appoint, d'o\u00f9 une g\u00eane \u00e9galement vis-\u00e0-vis de mes coll\u00e8gues, et cela d'autant que ce travail n'\u00e9tait m\u00eame pas celui qui m'int\u00e9ressait au premier chef), la fa\u00e7on d\u00e9plaisante dont je l'avais mise en cause dans ma litt\u00e9rature (cette litt\u00e9rature \u00e0 propos de laquelle je me disais aussi que \u00ab je ne jouais pas le jeu \u00bb, n'ayant pas \u00e0 financi\u00e8rement en user et prot\u00e9g\u00e9, de ce fait, contre bien des tentations), le manque d'un impond\u00e9rable fil d'or que j'aurais pu m\u00ealer aux liens \u00e9troits qui nous unissaient (moraux, intellectuels, physiques aussi, jusqu'au d\u00e9but de la vilaine p\u00e9riode o\u00f9 je ne pus accepter sans m'enfermer dans l'humeur la plus h\u00e9riss\u00e9e d'\u00eatre sujet \u00e0 des d\u00e9faillances allant parfois jusqu'au fiasco entier), le cas enfin que d\u00e8s les origines je faisais de sa rigueur (appr\u00e9ciant, au m\u00e9pris de tous mes principes d'\u00e9galit\u00e9 et de libert\u00e9, qu'elle f\u00fbt une P\u00e9n\u00e9lope ou une Lucr\u00e8ce, alors que moi je n'\u00e9tais rien de comparable).\n\nA ces causes de d\u00e9moralisation se joignait une autre cause, d'ordre plus g\u00e9n\u00e9ral. Encore que je ne fusse devenu ni milliardaire, ni roi, ni c\u00e9l\u00e9brit\u00e9 mondiale, j'\u00e9tais maintenant dans une situation telle que m'en plaindre e\u00fbt \u00e9t\u00e9 trouver la mari\u00e9e trop belle : par suite d'un changement de local que des circonstances fortuites avaient impos\u00e9, la galerie d'art moderne qui depuis les premi\u00e8res mesures antis\u00e9mitiques \u00e9dict\u00e9es par les occupants allemands porte le nom de ma femme \u00e9tait devenue la plus spacieuse et la mieux outill\u00e9e des galeries de ce genre ; nous disposions d'une maison de campagne connue dans la localit\u00e9 sous le nom pompeux de \u00ab ch\u00e2teau \u00bb ; j'avais, de mon c\u00f4t\u00e9, acquis mon soup\u00e7on de gloire en tant qu'\u00e9crivain et en tant qu'ethnographe. Mais, consid\u00e9rant cette promotion dont j'aurais d\u00fb me r\u00e9jouir dans les limites de ce qu'elle vaut, il me semblait que ma vie avait objectivement atteint une sorte d'horrible point culminant, tel qu'\u00e0 partir de l\u00e0 il n'y avait, quant \u00e0 la r\u00e9ussite sociale, plus rien que raisonnablement je pusse attendre. La fin de cette vie, telle qu'elle m'apparaissait, ressemblait un peu \u00e0 ce que furent les derniers jours de mon s\u00e9jour \u00e0 Florence : de m\u00eame que dans la ville toscane visit\u00e9e par nous de fond en comble il nous restait quelques broutilles \u00e0 aller voir, il me restait quelques broutilles \u00e0 faire durant le temps que j'avais encore \u00e0 vivre, finir _La R\u00e8gle du jeu_ pour simplement la finir, r\u00e9diger un gros pensum sur l'art n\u00e8gre pour lequel je m'\u00e9tais li\u00e9 par un contrat, \u00e9crire sur Aim\u00e9 C\u00e9saire une \u00e9tude que j'avais promise. Plus de projets de voyages lointains ni m\u00eame d'id\u00e9e de vacances touristiques dans tel coin que j'aurais aim\u00e9 conna\u00eetre. Plaisir \u00e0 voir quelques amis, quelques spectacles, mais pour quoi que ce f\u00fbt plus aucune attirance v\u00e9ritable. Coup\u00e9 de tout, \u00e0 la fa\u00e7on dont je l'avais \u00e9t\u00e9 un peu apr\u00e8s la derni\u00e8re guerre lorsque dans l'autorail qui me ramenait du Havre, le foie et les nerfs touch\u00e9s pour avoir bu trop de vin, de caf\u00e9 et d'alcool, j'avais ressenti la premi\u00e8re atteinte violente de ce mal et craint de me mettre soudain \u00e0 crier et gesticuler comme quelqu'un que saisit un incoercible d\u00e9lire, en regardant le paysage (hivernal mais ensoleill\u00e9) dans le jour d\u00e9clinant et en \u00e9voquant cette Afrique qu'autrefois j'avais aim\u00e9e mais qui avait perdu pour moi toute dimension mythologique. Affreuse angoisse, aggrav\u00e9e par ma claustration dans un \u00e9troit autorail rempli d'autres voyageurs, mais dont la source \u00e9tait l'id\u00e9e d'un groupe paisible de cases africaines vues au soleil couchant comme je voyais le paysage de part et d'autre de la voie ; douleur sans crocs ni griffes, que je puis d\u00e9finir comme une impression d'objectivit\u00e9 parfaitement nue et s\u00e8che face \u00e0 un paysage qu'en d'autres temps j'aurais pu admirer. Avais-je le pressentiment de l'\u00e9tat qui serait positivement le mien quelque sept ans apr\u00e8s, quand j'exprimais dans cette note dat\u00e9e de juin 1950 un doute sur la valeur du tr\u00e9sor que je pourrai trouver au bout de la route imaginaire o\u00f9 je marche chaque jour avec un peu plus de fatigue : \u00ab Quand \u2013 gr\u00e2ce \u00e0 un effort patient \u2013 je me fus peu \u00e0 peu d\u00e9fait de tout ce qui en moi \u00e9tait superstition, esth\u00e9tisme, snobisme, enfantillage, etc. je constatai que ma vie ainsi \u00e9mond\u00e9e, amend\u00e9e, d\u00e9pouill\u00e9e de parures superflues, \u00e9tait moins critiquable sans doute, mais ne repr\u00e9sentait plus grand-chose qui val\u00fbt d'\u00eatre v\u00e9cu. \u00bb\n\nAinsi parvenu \u00e0 un point mort et souhaitant quelquefois que mon malaise pr\u00eet une tournure assez aigu\u00eb pour me valoir la diversion d'un s\u00e9jour au _manicomio_ (comme je disais, en usant par plaisanterie de ce terme dont ma femme et moi nous savions, pour l'avoir lu sur les plans de villes italiennes que nous avions visit\u00e9es, qu'il d\u00e9signe les maisons de fous), j'\u00e9tais, avant m\u00eame les complications sentimentales qui survinrent, fin pr\u00eat pour accomplir le vrai d\u00e9part : disparaissant, je laisserais \u00e0 mes proches une effigie intacte et, quant au livre, qu'il demeure en suspens m'apparaissait moins grave que l'achever en m'abaissant \u00e0 des truquages qui ruineraient sa port\u00e9e ; les fiches que j'avais amass\u00e9es, un ami les publierait telles quelles ainsi que nous \u00e9tions convenus quand il avait accept\u00e9 d'\u00eatre mon ex\u00e9cuteur testamentaire et de se charger \u00e9ventuellement de cette publication. Je crois pouvoir conclure de tout cela que le conflit qui m'\u00e9branla m'aurait port\u00e9 je ne sais trop \u00e0 quoi mais sans doute pas \u00e0 tenter de me liquider si l'id\u00e9e du suicide, malgr\u00e9 le changement qui avait redonn\u00e9 une saveur \u00e0 ma vie, n'avait poursuivi son chemin, par la vitesse acquise. Pour que j'en vienne \u00e0 ingurgiter le stock de ph\u00e9nobarbital que je m'\u00e9tais constitu\u00e9 (utilisant pour augmenter ma provision, la veille m\u00eame du jour o\u00f9 je fis ce que je nommerais volontiers le \u00ab coup du son\u00e9ryl \u00bb, une ordonnance retrouv\u00e9e qui me donnait encore droit \u00e0 un flacon), il fallut m\u00eame une cause presque accidentelle, qui prit figure de catastrophe \u00e9tant donn\u00e9 mon trouble et fit jouer le d\u00e9clic.\n\nJ'\u00e9tais tr\u00e8s \u00e9nerv\u00e9 cette fin d'apr\u00e8s-midi, par suite d'un rendez-vous manqu\u00e9, un rendez-vous qui n'avait rien de formel et n'\u00e9tait gu\u00e8re qu'une perspective de rencontre. Loin d'elle, je n'\u00e9tais que division, conflit, d\u00e9chirement, naus\u00e9e. Pour me faire oublier le malaise o\u00f9 son irruption dans mon existence m'avait pr\u00e9cipit\u00e9 (en me d\u00e9livrant, il est vrai, d'une autre esp\u00e8ce de malaise), il n'y avait que sa pr\u00e9sence, cette pr\u00e9sence dont je savais en m\u00eame temps \u2013 avec une certitude atterrante \u2013 qu'elle n'aurait pas eu cet \u00e9clat si, devenue constante au lieu de n'\u00eatre qu'intermittente, chose une fois pour toutes entendue et non plus probl\u00e9matique, elle avait cess\u00e9 de se manifester comme une chance qu'on accueille en se demandant si elle sera suivie d'une autre pareille chance. Cet apr\u00e8s-midi-l\u00e0 ce fut pire que jamais, car je ne l'avais pas vue apr\u00e8s l'avoir esp\u00e9r\u00e9e et je savais, en outre, que le temps \u00e9tait assez proche o\u00f9 elle s'en irait pour quelques mois comme elle le faisait chaque ann\u00e9e. Fort mal en point, je me rendis dans l'\u00e9trange quartier du march\u00e9 Saint-Honor\u00e9, aux aspects presque populaires alors qu'on y est \u00e0 deux pas de la place Vend\u00f4me et du Ritz. Un cocktail dont le but \u00e9tait de f\u00eater un essayiste anglais tr\u00e8s _highbrow_ de passage \u00e0 Paris m'appelait dans ces parages, topographiquement peu \u00e9loign\u00e9s de mon propre quartier mais s\u00e9par\u00e9s de lui par l'ab\u00eeme id\u00e9al qui se creuse entre rive droite et rive gauche. Dans l'appartement moderne et aux entours d\u00e9suets o\u00f9 j'\u00e9tais attendu je trouvai, outre un nombre assez \u00e9lev\u00e9 d'indiff\u00e9rents, quelques personnes que j'aime bien, \u00e0 commencer par les ma\u00eetres de maison, lui un Anglais qui a pass\u00e9 par le surr\u00e9alisme et travaille aujourd'hui \u00e0 une biographie de Picasso par qui je l'ai connu tr\u00e8s peu apr\u00e8s la Lib\u00e9ration (et je le vois encore dans son bel uniforme de l'arm\u00e9e britannique), elle une Am\u00e9ricaine d\u00e9bordante de vitalit\u00e9, b\u00e2tie en cariatide et dont l'attrait repose sur cette grande allure qu'elle m\u00eale cocassement d'un brin de saugrenu. A l'un comme \u00e0 l'autre, je savais gr\u00e9 de quelques bons moments cordiaux : un week-end dans leur ferme du Sussex la derni\u00e8re fois que ma femme et moi nous sommes all\u00e9s en Angleterre ; une promenade matinale que je fis avec elle seule pour admirer dans son quartier parisien une boutique de volailles et de gibiers dont la devanture exhibe jusqu'\u00e0 des sangliers entiers, puis visiter aux magasins du Louvre, toujours en purs badauds qui seraient aussi bien all\u00e9s voir des cr\u00e8ches de No\u00ebl, un rayon consacr\u00e9 aux arts divinatoires : astrologie, cartes et tarots, lignes de la main, et il est s\u00fbr que j'en oublie. Lors du cocktail o\u00f9 je pris le d\u00e9part pour un parcours dont la derni\u00e8re \u00e9tape serait pire qu'aventureuse, tous deux venaient de faire un voyage en Belgique.\n\nJe n'ai jamais aim\u00e9 ce genre de r\u00e9ceptions, d\u00e8s lors qu'elles ont une certaine ampleur et que je m'y sens perdu \u2013 debout et gauche \u2013 parmi une majorit\u00e9 d'inconnus, me contentant \u00e9ventuellement de converser avec tel que je n'ai pas vu depuis longtemps, tel autre que je connais tant soit peu, n\u00e9gligeant (s'il en est) les plus intimes mais en revanche n'acceptant pas volontiers le contact avec ceux \u00e0 qui l'on me pr\u00e9sente. J'aime moins encore ces cocktails depuis que je suis forc\u00e9 \u00e0 la sobri\u00e9t\u00e9 : autrefois, je buvais pour abolir la distance entre moi et les autres, ce qui r\u00e9ussissait parfois mais, dans certains cas, n'aboutissait qu'\u00e0 des so\u00fbleries humiliantes ; aujourd'hui, je suis priv\u00e9 de ce recours et je ne sais que faire de moi, l'id\u00e9e d'\u00eatre soustrait au danger d'une cuite ignominieuse ne m'\u00e9tant, \u00e0 cet \u00e9gard, d'aucune aide.\n\nA l'\u00e9poque toute r\u00e9cente o\u00f9 eut lieu le cocktail dont je parle, un whisky de temps \u00e0 autre (mais pas plus d'un) m'\u00e9tait encore permis par le tr\u00e8s ancien ami m\u00e9decin que j'avais appel\u00e9 \u00e0 mon secours au moment o\u00f9 l'espoir d'un peu de neuf s'\u00e9tait ouvert dans ma vie, m'incitant \u00e0 faire tout le possible pour ne pas g\u00e2cher ma chance : outre que je pouvais sans honte et en n'h\u00e9sitant pas \u00e0 mettre les points sur les _i_ me plaindre \u00e0 lui des d\u00e9ficiences dont je souffrais, m'ayant lu et me connaissant beaucoup mieux que ses confr\u00e8res ne me connaissaient il \u00e9tait certainement le plus \u00e0 m\u00eame de me remettre d'aplomb. Mon intention ce jour-l\u00e0 n'\u00e9tait nullement de boire avec exc\u00e8s mais, je l'ai d\u00e9j\u00e0 dit, j'\u00e9tais tr\u00e8s \u00e9nerv\u00e9. Alors que depuis un certain temps je me pliais d'assez bonne gr\u00e2ce aux interdits qui m'\u00e9taient impos\u00e9s, je ne fus pas capable de r\u00e9sister aux tentations dans cette r\u00e9union o\u00f9, malgr\u00e9 mon amiti\u00e9 pour mes h\u00f4tes, j'\u00e9tais en proie \u00e0 une g\u00eane d'autant plus insidieuse qu'elle se greffait sur l'\u00e9tat de tension extr\u00eame auquel j'\u00e9tais parvenu et se compliquait encore du trouble o\u00f9 m'avait jet\u00e9 le rendez-vous manqu\u00e9, ce rendez-vous qui pourtant n'en \u00e9tait pas un. Boire un unique whisky puis rester ind\u00e9finiment les mains vides apr\u00e8s m'\u00eatre d\u00e9fait du verre que j'aurais vite achev\u00e9 me d\u00e9plaisait grandement et, d\u00e8s avant la r\u00e9union, je m'\u00e9tais dit que deux ou trois coupes de champagne vaudraient mieux que ce whisky unique, sans \u00eatre plus nocives. En fait, ce n'est pas deux ou trois mais de nombreuses coupes que j'avalai goul\u00fbment, l'une appelant l'autre et mon \u00e9nervement aidant. Entre autres gens de ma connaissance, il y avait l\u00e0 un couple chez qui s'\u00e9tait donn\u00e9e la veille ou l'avant-veille une _party_ \u00e0 laquelle j'avais refus\u00e9 d'assister, all\u00e9guant mon \u00e9tat de sant\u00e9 mais tenant compte, en v\u00e9rit\u00e9, de ce cocktail auquel depuis longtemps j'avais promis d'aller et cherchant \u00e0 r\u00e9duire autant qu'il se pouvait mes occasions d'\u00e9cart. Ceux qui, logiquement, devaient s'attendre \u00e0 tout plut\u00f4t qu'\u00e0 me rencontrer ne sembl\u00e8rent pas me faire grief d'\u00eatre l\u00e0 et se montr\u00e8rent m\u00eame tr\u00e8s cordiaux ; mais je fus n\u00e9anmoins confus d'avoir l'air de n'\u00eatre mal portant que pour eux et il est fort possible que j'aie \u00e9t\u00e9 pouss\u00e9 \u00e0 boire encore un peu plus par cette confusion dont la cause premi\u00e8re avait \u00e9t\u00e9 un d\u00e9sir de sagesse.\n\nJe bus donc en un peu plus d'une heure une quantit\u00e9 de champagne, excessive certes, mais pourtant pas \u00e9norme. Ayant toujours tr\u00e8s mal support\u00e9 la boisson, je n'ai jamais vraiment _beaucoup_ bu, m\u00eame dans mes plus m\u00e9chants jours, et avant que l'alcool soit pour moi plus que contre-indiqu\u00e9 vint un moment o\u00f9, si j'en abusais, j'avais de tels lendemains que son go\u00fbt m'en \u00e9tait en grande partie g\u00e2t\u00e9 dans l'instant m\u00eame o\u00f9 je buvais : il me semblait absorber un breuvage dont la succulence ne parvenait pas \u00e0 masquer une promesse perceptible d'int\u00e9rieur en \u00e9moi, de bouche p\u00e2teuse et de t\u00eate \u00e0 la fois plomb\u00e9e et cotonneuse. Comme cette impression s'accusait au fur et \u00e0 mesure que je buvais, j'\u00e9tais bient\u00f4t frein\u00e9 sans avoir \u00e0 me contraindre, en sorte que mes pires exc\u00e8s ne sont plus all\u00e9s bien loin d\u00e8s ce moment o\u00f9 une liaison presque organique s'est \u00e9tablie pour moi entre la notion d'alcool et celle de philtre d\u00e9l\u00e9t\u00e8re. Chez mes amis du march\u00e9 Saint-Honor\u00e9 je fus donc ivre, mais d'une ivresse plut\u00f4t l\u00e9g\u00e8re, et pas du tout \u00e0 divaguer ou \u00e0 rouler.\n\nPlus bavard que je ne suis d'ordinaire je parlai avec diverses personnes et, ma d\u00e9pression premi\u00e8re se muant en cette exub\u00e9rance qui bien souvent s'allie au sentiment d'un vide plut\u00f4t qu'\u00e0 celui d'une l\u00e9g\u00e8ret\u00e9 et recouvre le plaisir grin\u00e7ant de vider en connaissance de cause la coupe d'absurdit\u00e9, je finis par flirter outrageusement avec une jeune femme que j'ai connue \u00e0 Bruxelles \u2013 par sa m\u00e8re qui partageait alors la vie de l'un de mes amis \u2013 et que depuis quelque dix ou douze ans je vois de loin en loin, non sans lui reconna\u00eetre des agr\u00e9ments mais sans avoir jamais song\u00e9 une seconde \u00e0 la courtiser. Bien que cela se pass\u00e2t dans un milieu trop peu rigoriste pour s'offusquer de quelques baisers \u00e9chang\u00e9s sans se cacher, j'eus t\u00f4t fait de prendre conscience de mon incongruit\u00e9 : non seulement je n'aurais pas d\u00fb apporter \u00e0 ces effusions autant d'ardeur passionn\u00e9e mais ce laisser-aller, outre qu'il n'\u00e9tait vraiment plus de mon \u00e2ge, semblait montrer qu'en l'absence de ma femme je n'h\u00e9sitais pas \u00e0 donner les marques publiques d'une compl\u00e8te indiff\u00e9rence \u00e0 son \u00e9gard. Soustrait \u00e0 mon enchanteresse par les hasards des entr\u00e9es, des sorties et des mouvements inopin\u00e9s qui modifient les groupes, j'eus honte d'avoir c\u00e9d\u00e9, pendant quelques minutes, \u00e0 un entra\u00eenement dionysiaque durant lequel j'avais enfreint les lois d'un _savoir-vivre_ que je crois bien distinct d'une vaine \u00e9tiquette.\n\nLes choses en seraient probablement rest\u00e9es l\u00e0 et n'auraient pas fait boule de neige au point o\u00f9 elles l'ont fait si je n'avais d\u00fb, \u00e0 l'heure de l'apr\u00e8s-d\u00eener, aller \u00e0 une seconde r\u00e9union. Assur\u00e9ment, j'aurais \u00e9t\u00e9 mortifi\u00e9 de m'\u00eatre aussi mal tenu apr\u00e8s ma rechute dans une faiblesse que je pensais avoir surmont\u00e9e et j'aurais pris plus mal encore de m'\u00eatre comport\u00e9, apr\u00e8s le rendez-vous manqu\u00e9, comme un adolescent qui ne sait dans quelles jupes se jeter. Cela aurait accru le sentiment d'intol\u00e9rable morcellement que j'avais \u00e9prouv\u00e9 quand je n'avais pas pu refr\u00e9ner mon \u00e9motion en entendant la phrase venue de ma correspondante et non de qui, \u00e0 l'instant o\u00f9 elle m'\u00e9tait arriv\u00e9e, j'avais souhait\u00e9 qu'elle f\u00fbt plut\u00f4t venue. Mais je suis persuad\u00e9 que ces nouveaux tourments, ajout\u00e9s par ma faute \u00e0 mes autres tourments, n'auraient pas eu de cons\u00e9quence pond\u00e9rable si mon programme de ce soir-l\u00e0 avait \u00e9t\u00e9 seulement de me coucher en rem\u00e2chant ma mauvaise journ\u00e9e.\n\nCette deuxi\u00e8me r\u00e9union, \u00e0 laquelle ma femme et moi nous all\u00e2mes ensemble, avait un caract\u00e8re d'intimit\u00e9 plus grand que celle o\u00f9 les circonstances m'avaient fait aller seul, en fin d'apr\u00e8s-midi. Un philosophe que nous connaissons de longue date rassemblait un certain nombre d'amis dans son appartement du boulevard Saint-Michel, \u00e0 cinq minutes peut-\u00eatre de chez nous, un peu au-del\u00e0 de ce marchand naturaliste dont les vitrines regorgent de squelettes et de cr\u00e2nes d'animaux de toutes tailles et de toutes esp\u00e8ces. Je n'avais pas, en l'occurrence, \u00e0 boire pour n'\u00eatre pas g\u00ean\u00e9 puisque j'\u00e9tais d\u00e9j\u00e0 dop\u00e9 et que les invit\u00e9s, pour la plupart rencontr\u00e9s maintes fois ou bien appartenant \u00e0 mon cercle habituel de relations, \u00e9taient pour moi bien loin de figurer les \u00e9l\u00e9ments d'une foule anonyme. Toutefois le pli \u00e9tait pris et l'incident qui s'\u00e9tait d\u00e9roul\u00e9 quelque deux heures auparavant n'avait pas, tant s'en faut, fait tomber mon \u00e9nervement. Sur la rive droite j'avais bu du champagne, sur la rive gauche je me mis au whisky et je ne tardai pas \u00e0 perdre si bien mon contr\u00f4le que, pour continuer mon r\u00e9cit, il me faut faire appel (tant mes souvenirs sont vagues) \u00e0 ce que ma femme m'a racont\u00e9 de mes faits et gestes de ce soir-l\u00e0 beaucoup plus tard, quand j'eus fini \u00e0 peu pr\u00e8s de rassembler mes esprits apr\u00e8s m'\u00eatre retrouv\u00e9 entre des draps rugueux, dans un lit de l'h\u00f4pital Claude-Bernard o\u00f9 b\u00e9ait derri\u00e8re moi (comme je l'appris bient\u00f4t) le gouffre irr\u00e9m\u00e9diablement creus\u00e9 par trois jours et demi de coma. Je me borne \u00e0 consigner ici le peu que j'ai retenu, soit par moi-m\u00eame soit gr\u00e2ce au r\u00f4le catalyseur qu'a jou\u00e9, pour activer ma m\u00e9moire endormie, ce que m'a dit ma femme.\n\nSur la rive droite, je m'\u00e9tais montr\u00e9 enclin un moment \u00e0 un d\u00e9vergondage d'adolescent. Sur la rive gauche, quand je fus engag\u00e9 plus avant dans l'ivresse, je sombrai dans les eaux \u00e9quivoques de la sentimentalit\u00e9. Parmi les gens qui semblaient n'avoir d'autre souci que de causer paisiblement dans cet appartement un peu triste en d\u00e9pit des lumi\u00e8res, il y avait un m\u00e9nage avec qui j'entretiens des relations non seulement famili\u00e8res mais presque familiales. Lorsqu'ils se sont mari\u00e9s, j'ai \u00e9t\u00e9 son t\u00e9moin \u00e0 lui (l'homme de la musique dans le petit cercle de mes camarades de travail), et c'est un double sentiment d'affection et d'admiration que je porte \u00e0 sa femme, une Am\u00e9ricaine dont la gentillesse et la simplicit\u00e9 sont de rares adjuvants \u00e0 sa beaut\u00e9 d\u00e9j\u00e0 grande. Perdu comme je l'\u00e9tais, c'est \u00e0 elle que je me raccrochai quand je fus las de parler avec les uns ou les autres, et dispos\u00e9 \u00e0 donner aux \u00e9changes du c\u0153ur le pas sur les \u00e9changes d'id\u00e9es, dont je ne suis pas si f\u00e9ru et dont les brumes que le whisky \u00e9cossais avaient amass\u00e9es dans ma t\u00eate contribuaient \u00e0 me d\u00e9tourner. J'ai _un gros chagrin,_ lui dis-je sans pr\u00e9ciser davantage, m'exprimant comme un petit gar\u00e7on qui cherche \u00e0 se faire consoler. Puis, avec une tendre et enfantine avidit\u00e9, je me serrai contre elle \u2013 qui n'en pouvait mais \u2013 et je restai longuement \u00e0 ses c\u00f4t\u00e9s, assis sur un \u00e9troit morceau de divan ou sur un bout de fauteuil. (Convalescent, et ayant su que durant toute la fin de la soir\u00e9e je m'\u00e9tais obstin\u00e9 \u00e0 me tenir si pr\u00e8s qu'elle en \u00e9tait g\u00ean\u00e9e, je me suis excus\u00e9 de l'avoir pareillement importun\u00e9e mais elle a ri et m'a tout de suite rassur\u00e9 par quelques paroles amicales.)\n\nDu souper improvis\u00e9 que ma femme et moi nous f\u00eemes ensuite \u00e0 la maison, nous installant \u00e0 la cuisine avec deux ou trois de nos intimes partis en m\u00eame temps que nous, je ne me rappelle \u00e0 peu pr\u00e8s rien et serais m\u00eame incapable de dire s'il y avait l\u00e0 le musicien et cette Am\u00e9ricaine au p\u00e2le visage triangulaire \u00e0 qui je m'\u00e9tais agripp\u00e9 comme quelqu'un qui se noie peut le faire \u00e0 une bou\u00e9e ou un enfant \u00e0 la robe de sa m\u00e8re. J'entrevois seulement la silhouette de mon ami Limbour (dont le d\u00e9coup\u00e9 m'a toujours sembl\u00e9 celui d'un pirate grimpant \u00e0 des cordages) et je sais que pendant le repas je bus encore un peu de vin.\n\nNos h\u00f4tes nous quitt\u00e8rent vers les minuit et ce fut, pour ma femme et pour moi, le moment du coucher. Ou bien je me d\u00e9grisai un peu en me d\u00e9shabillant et me pr\u00e9parant pour la nuit ; ou bien, rong\u00e9 comme je l'\u00e9tais sous mes dehors d'enfantillage ou de frivolit\u00e9, je percevais avec des baisses et des recrudescences alternatives d'acuit\u00e9 ce qui ne cessait de se d\u00e9rouler au fond de moi tandis que j'\u00e9tais \u00e9gar\u00e9 dans mes gestes ext\u00e9rieurs. Toujours est-il que je me rappelle assez clairement la bouff\u00e9e de r\u00e9flexions consternantes qui, d'un seul coup, venait de m'envahir lorsque, debout devant la commode o\u00f9 mon linge est rang\u00e9, j'ouvris d'un geste soudain col\u00e9reux (\u00e0 la mani\u00e8re dont on prend un objet pour le briser ou le jeter par la fen\u00eatre) le tiroir o\u00f9 \u00e9taient d\u00e9pos\u00e9s \u2013 parmi des lamages, des gants et d'autres accessoires vestimentaires \u2013 mes flacons de barbiturique.\n\nDurant ces derniers jours, c'\u00e9tait d\u00e9cid\u00e9ment un dr\u00f4le de jeu que j'avais jou\u00e9 \u2013 quelque chose que je comparerai maintenant \u00e0 une bizarre partie de colin-maillard. Qu'est-ce que j'\u00e9tais donc, sinon (mais je ne pr\u00e9tends pas avoir, en cette minute, song\u00e9 vraiment au personnage mozartien que j'\u00e9voquerai pour \u00eatre mieux compris, \u00e9tant d'ailleurs entendu que je puis tout au plus _traduire_ ce qui \u00e9tait ressenti bien plut\u00f4t que pens\u00e9) sinon un Ch\u00e9rubin presque sexag\u00e9naire que la vue de chaque femme d\u00e9sirable affole mais qui, \u00e0 l'inverse de Ch\u00e9rubin, en est aux derni\u00e8res cartouches et non aux premi\u00e8res armes ? J'avais trahi tout le monde et, m'attachant \u00e0 des \u00eatres que je ravalais pratiquement au rang d'ombres dont chacune s'effa\u00e7ait pour faire place \u00e0 une autre qui s'\u00e9vanouirait \u00e0 son tour, j'avais agi comme si personne n'existait et tout an\u00e9anti en niant ainsi les pr\u00e9sences faute desquelles on n'a plus devant soi que le vide. Pour moi qui, depuis longtemps, caressais l'id\u00e9e de ma propre suppression, c'\u00e9tait le moment ou jamais. Si j'attendais, je le ferais trop tard ou ne le ferais plus et j'arriverais, du train dont j'y allais, \u00e0 d\u00e9go\u00fbter purement et simplement ceux qui m'avaient aim\u00e9 jusqu'alors.\n\nEmportant ma provision de toxique, je passai aux w. c. comme je le fais chaque soir avant de me coucher. Enferm\u00e9 l\u00e0 et attentif \u00e0 ne rien perdre, je vidai dans le creux de mes mains le contenu des six flacons puis, d'un mouvement rapide, je me fourrai toutes les lent\u00e9rules dans la bouche. Leur go\u00fbt amer ne me parut pas trop d\u00e9sagr\u00e9able quand je les m\u00e2chai. Je. savais, du reste, ce que ce go\u00fbt \u00e9tait car \u00e0 l'\u00e9poque o\u00f9 je faisais encore un usage m\u00e9dicinal des lent\u00e9rules il m'advint parfois de sucer, au lieu de l'avaler, le petit comprim\u00e9 de couleur mauve coup\u00e9 d'une raie m\u00e9diane permettant \u00e9ventuellement de le casser en deux. Mais je n'en avais encore jamais go\u00fbt\u00e9 en quantit\u00e9 aussi consid\u00e9rable et ce fut, cette fois, toute une masse d'amertume douce\u00e2tre et violac\u00e9e que je sentis dans ma bouche, avec une \u00e9motion qui n'\u00e9tait pas sans joie. Ayant d\u00e9gluti le tout et tir\u00e9 plusieurs fois la chasse d'eau (sans parvenir \u00e0 faire dispara\u00eetre la totalit\u00e9 des flacons que j'avais jet\u00e9s dans la cuvette) je revins aupr\u00e8s de ma femme, me mis au lit et me blottis contre elle.\n\nSi j'avais m\u00e9dit\u00e9 d'user d'une dose mortelle de somnif\u00e8re ou autre voluptueux poison dans le cas o\u00f9 les choses iraient d\u00e9cid\u00e9ment trop mal, cela \u00e9tait rest\u00e9 en quelque sorte th\u00e9orique ; et m\u00eame quand je th\u00e9saurisais pour constituer ma provision, premier pas vers la mise en pratique, c'\u00e9tait plut\u00f4t afin de me rassurer \u2013 au moyen de cette derni\u00e8re carte que j'aurais tenue dans ma main \u2013 et non dans une intention d\u00e9lib\u00e9r\u00e9e de suicide. Quand je jugeai que le moment \u00e9tait venu d'effectuer le pas d\u00e9cisif, si \u2013 en cet instant \u2013 il y eut bien de ma part volont\u00e9 de destruction, cela ne dura gu\u00e8re que le temps d'un \u00e9clair. Plut\u00f4t que me tuer, ce que je voulais faire en mangeant le poison, c'\u00e9tait un grand plongeon, quelque chose qui plus tard \u2013 quand, rescap\u00e9 et d\u00e9cid\u00e9 \u00e0 ne pas recommencer, j'eus mis \u00e0 l'ordre du jour un gros effort de redressement \u2013 me fit penser \u00e0 ce qu'avait repr\u00e9sent\u00e9 pour moi, dans ce r\u00eave dont je ne dois pas abandonner l'ex\u00e9g\u00e8se car pour reprendre pied il me faut plus que jamais clarifier, le plongeon de la chienne Dine se pr\u00e9cipitant au bas d'une falaise avant de se lancer \u00e0 la poursuite d'un oiseau : accomplir un geste de casse-cou, qui fonce t\u00eate baiss\u00e9e au m\u00e9pris de ce qui arrivera et joue sa vie \u00e0 pile ou face. Plut\u00f4t que l'an\u00e9antissement, ce que je cherchais aussi en consommant le toxique (comme s'il m'avait fallu couronner ma s\u00e9rie de sottises par une derni\u00e8re sottise assez \u00e9norme pour couper court \u00e0 toutes critiques) c'\u00e9tait \u00e0 m'ab\u00eemer dans un comble de gloutonnerie : poussant \u00e0 une extr\u00e9mit\u00e9 tragique mon pitoyable comportement de pochard de vaudeville, je voulais me gaver jusqu'\u00e0 en mourir d'une substance plus nocive encore que l'alcool et dans laquelle (si l'on peut dire) on se dissout, en un bien-\u00eatre qui est en m\u00eame temps un non-\u00eatre, \u00e0 des confins qui rel\u00e8vent de la mort mais ne sont pas exactement la mort, l\u00e0 (peut-\u00eatre) o\u00f9 se dresse l'escarpement majestueux dont j'ai not\u00e9 l'apparition dans plusieurs de mes r\u00eaves.\n\nMon coup fait, je gagnai donc ma chambre et m'allongeai pr\u00e8s de ma femme, dans l'\u00e9tat d'esprit d'un enfant qui vient de s'empiffrer clandestinement de friandises et voudrait son pardon sans avoir \u00e0 le demander.\n\nJ'ai suffisamment insist\u00e9 sur la l\u00e2chet\u00e9 qui est chez moi une tare presque cong\u00e9nitale, pour dire sans vaine restriction qu'en cette minute je n'avais pas peur. Au reste, si je n'ignorais pas que j'avais jou\u00e9 gros jeu et que mon esp\u00e8ce de mauvaise farce avait des chances de mener au plus loin, je ne croyais aucunement que mon sort f\u00fbt r\u00e9gl\u00e9. C'\u00e9tait, comme je l'ai dit, un coup de pile ou face plut\u00f4t qu'un geste r\u00e9pondant \u00e0 la d\u00e9cision arr\u00eat\u00e9e d'en finir.\n\nAllong\u00e9 aupr\u00e8s de ma femme, il me parut impossible de garder cela pour moi. L'un des c\u00f4t\u00e9s les plus durs de ma situation de ces derni\u00e8res semaines, n'\u00e9tait-ce pas que, pr\u00e9cis\u00e9ment, c'\u00e9tait \u00e0 elle que j'aurais voulu me confier et qu'elle \u00e9tait la derni\u00e8re \u00e0 qui il m'e\u00fbt \u00e9t\u00e9 possible d'exposer mon tourment car, en parlant, j'aurais viol\u00e9 \u2013 et profan\u00e9 \u2013 le secret qui me liait \u00e0 une autre ? Ayant souffert quotidiennement de ne pouvoir lui faire toutes mes confidences (\u00e0 elle qui me conna\u00eet mieux que quiconque) je lui fis du moins celle-l\u00e0 : quelques mots de ma bouche \u00e0 demi endormie lui apprirent que je d\u00e9tenais une provision de ph\u00e9nobarbital et que je l'avais mang\u00e9e.\n\nJ'avais \u00e0 peine parl\u00e9 que ma femme d\u00e9clarait qu'elle allait t\u00e9l\u00e9phoner \u00e0 notre ami m\u00e9decin. Mais je lui affirmai qu'il \u00e9tait inutile de le d\u00e9ranger \u00e0 pareille heure (souhaitant peut-\u00eatre, en v\u00e9rit\u00e9, qu'il v\u00eent mais ne voulant pas avoir l'air de flancher). J'allais maintenant tranquillement dormir et, ajoutai-je, quant \u00e0 ce qui viendrait ensuite, _j'en serai quitte pour quelques lavages d'estomac._ Disant cela, je songeais \u00e0 ce que ma correspondante l'\u00e9tudiante en m\u00e9decine, durant l'entretien que nous avions eu l'un des jours pr\u00e9c\u00e9dents, m'avait appris sur les suicides au moyen de produits tels que le son\u00e9ryl ou le gard\u00e9nal et sur les soins qui permettent, m\u00eame de longues heures apr\u00e8s l'ingestion du toxique, le sauvetage de ceux qui ont fait ce mauvais pas. J'avais avou\u00e9, mon geste \u00e9tait sorti de l'irr\u00e9parable et tout semblait promis \u2013 maintenant que j'avais l\u00e2ch\u00e9 pied \u2013 \u00e0 s'effondrer dans une lugubre com\u00e9die.\n\nJe fis l'\u00e9loge (para\u00eet-il) des deux Am\u00e9ricaines que j'avais vues dans la journ\u00e9e, mon h\u00f4tesse de la rive droite et ma consolatrice de la rive gauche, les qualifiant de \u00ab femmes tr\u00e8s bien \u00bb. Si j'\u00e9voquais leur double image de pr\u00e9f\u00e9rence \u00e0 toute autre, c'\u00e9tait (je suppose) qu'elles \u00e9taient en l'occurrence les seules dont il me f\u00fbt possible de parler sans remords, parmi les figures de la constellation o\u00f9 brillait celle que (bien plus tard) j'associerais \u00e0 l'\u00c9toile du Soir piqu\u00e9e dans un ciel tendre et enflamm\u00e9 pareil aux ciels d'automne que j'aimai si fort quand j'\u00e9tais \u00e0 P\u00e9kin.\n\n _Tout \u00e7a, c'est de la litt\u00e9rature..._ assurai-je enfin, voulant dire non seulement que la litt\u00e9rature m'avait vici\u00e9 juqu'au c\u0153ur et que je n'\u00e9tais plus que cela, mais que rien ne pouvait d\u00e9sormais m'arriver qui pes\u00e2t plus lourd que ce qui s'accomplit par l'encre et le papier dans un monde priv\u00e9 d'une au moins des trois dimensions r\u00e9glementaires.\n\nC'est (suivant le r\u00e9cit de mon t\u00e9moin) apr\u00e8s cela que je m'enfon\u00e7ai d\u00e9cid\u00e9ment dans le noir.\n\n# II\n\n _Maccheroni..._ sugg\u00e9rait (en articulant de son mieux et de sa voix la plus suave) le ma\u00eetre d'h\u00f4tel \u00e0 veste blanche qui, depuis longtemps d\u00e9j\u00e0, tentait vainement de trouver f\u00fbt-ce un mot qui e\u00fbt \u00e9t\u00e9 leur bien commun dans quelque langue que ce f\u00fbt parmi celles qu'ils pouvaient conna\u00eetre, lui, ma\u00eetre d'h\u00f4tel \u00e0 l'H\u00f4tel de la Ville, via Sistina, Roma, et les deux dames apparemment japonaises bien que v\u00eatues \u00e0 la mode occidentale dont il lui incombait d'ordonner le d\u00eener, op\u00e9ration aux r\u00e9sultats n\u00e9gatifs vu qu'elles semblaient ignorer l'italien, l'anglais et toutes les autres langues dont l'essai avait \u00e9t\u00e9 fait tant par lui \u2013 bloc-notes en main, \u0153il attentif et buste l\u00e9g\u00e8rement inclin\u00e9 \u2013 que par un ou deux acolytes appel\u00e9s \u00e0 la rescousse pour essayer des langues que lui-m\u00eame ignorait. _Maccheroni..._ proposait le ma\u00eetre d'h\u00f4tel, sa face repl\u00e8te \u00e9panouie soudain et comme illumin\u00e9e par cette inspiration qui lui serait venue : _maccheroni,_ nom d'un mets connu dans l'univers entier, fait partie du vocabulaire mondial et, sur ce point-l\u00e0 du moins, la glace d'incompr\u00e9hension va \u00eatre enfin rompue. Mais les deux dames continu\u00e8rent \u00e0 sourire les yeux baiss\u00e9s et, sur la face du ma\u00eetre d'h\u00f4tel, l'\u00e9panouissement fit place \u00e0 une stupeur d\u00e9sol\u00e9e : _maccheroni_ n'est pas plus un ma\u00eetre mot que le macaroni un ma\u00eetre mets et, puisqu'en l'occurrence il n'a pas \u00e9t\u00e9 le S\u00e9same ouvrant la porte de communication entre l'Europe et l'Asie, il n'y a maintenant plus qu'\u00e0 tirer l'\u00e9chelle.\n\nCe n'est pas au mot _maccheroni_ \u2013 largement diffus\u00e9 quoique non universel \u2013 que je m'accrochai comme au vocable myst\u00e9rieux qu'un g\u00e9nie psychopompe m'aurait enseign\u00e9 de bouche \u00e0 oreille \u00e0 des fins de r\u00e9surrection, quand j'\u00e9chappai \u00e0 ce quelque chose qui, sur-le-champ, loin d'\u00eatre positivement quelque chose n'\u00e9tait pas m\u00eame en question mais que, maintenant, je puis me repr\u00e9senter comme une immersion de trois jours et demi dans l'absolue t\u00e9n\u00e8bre. Si je m'accrochai quelque part \u00e0 l'instant o\u00f9 je remontai de ma plong\u00e9e \u2013 et encore est-il probable que je serrerais de plus pr\u00e8s la v\u00e9rit\u00e9 en disant : si quelque chose venu de quelque part m'accrocha et me fit un instant \u00e9merger \u2013 c'est la notion culinaire de macaroni (et non le mot consid\u00e9r\u00e9 en tant que tel) qui, une seconde, joua ce r\u00f4le en s'immis\u00e7ant dans la nuit qu'\u00e9tait devenu mon esprit. Une soudaine impression de d\u00e9go\u00fbt \u2013 impression qui strictement ne succ\u00e9dait \u00e0 rien ou, du moins, \u00e0 rien de d\u00e9finissable \u2013 me saisit au moment o\u00f9 je crus que pour m'alimenter on cherchait \u00e0 me faire ingurgiter un long tube de macaroni, en le faisant passer par une de mes narines : cela me rappelait l'ignoble sensation qu'on \u00e9prouve quelquefois lorsqu'on vomit et qu'on le fait dans un tel \u00e0 vau-l'eau qu'une partie de la vomissure s'engage dans les fosses nasales. Pour que je fusse \u00e0 m\u00eame d'imaginer que des mains \u00e9trang\u00e8res s'employaient ainsi \u00e0 ma nutrition, il fallait, accumul\u00e9es derri\u00e8re moi, un certain nombre de perceptions confuses \u00e0 partir desquelles je pouvais avoir d\u00e9j\u00e0 une vue tr\u00e8s vague de ma situation. Mais ce d\u00e9go\u00fbt, et ma r\u00e9volte imm\u00e9diate contre ce mode r\u00e9pugnant d'ingestion, repr\u00e9sentent probablement ma premi\u00e8re lueur de conscience v\u00e9ritable au sortir de l'esp\u00e8ce de mort o\u00f9 j'avais \u00e9t\u00e9 : convalescent, je rapportai ce d\u00e9tail \u00e0 mon ami m\u00e9decin, croyant lui rapporter un pur phantasme ; or il me dit en riant que le macaroni dans la narine n'\u00e9tait nullement de mon invention, puisque durant ma p\u00e9riode d'inconscience on m'avait aliment\u00e9 \u00e0 l'aide d'une sonde nasale ; que devais-je en conclure, sinon que cette sensation d\u00e9go\u00fbtante de corps \u00e9tranger qu'on enfon\u00e7ait \u00e0 travers mon nez co\u00efncidait avec la fin de mon \u00e9clipse et qu'elle est donc (logiquement) la plus ancienne dans le brouillamini des impressions que j'ai gard\u00e9es de ma p\u00e9riode de retour \u00e0 la vie ?\n\nSe retrouver sur un lit que les deux planches dont il est bord\u00e9 transforment en une sorte de bo\u00eete oblongue et sans couvercle, se d\u00e9couvrir pieds et mains enserr\u00e9s dans des boucles form\u00e9es par des esp\u00e8ces de boudins de toile rembourr\u00e9e et se sentir, ainsi \u00e9troitement ligot\u00e9, comme un \u00e9nergum\u00e8ne \u00e0 qui l'on a pass\u00e9 la camisole de force, alors qu'on sait que l'exc\u00e8s qui vous a men\u00e9 l\u00e0 n'\u00e9tait pas un d\u00e9lire violent mais la passion la plus tendre, voil\u00e0 qui \u2013 \u00e0 l'inverse du supplice du tube de macaroni dans la narine \u2013 pr\u00eate \u00e0 un certain d\u00e9cha\u00eenement romantique. Dans cet h\u00f4pital bruxellois o\u00f9 des anonymes me soignaient j'\u00e9tais quelque chose comme un Peter Ibbetson que ses fers de prisonnier s\u00e9parent de la duchesse de Towers, un amant d'op\u00e9ra captif de la faction rivale et chantant sa complainte, un pauvre Tom sur qui se sont referm\u00e9es les portes de Bedlam ou tout autre reclus dont la peine, ancr\u00e9e dans la profondeur d'un c\u0153ur souverainement sensible, a de quoi faire pleurer les pierres.\n\nJe me rappelais clairement la minute o\u00f9 j'avais absorb\u00e9 le contenu des flacons de barbiturique, mais c'\u00e9tait beaucoup plus vague quant \u00e0 ce qui s'\u00e9tait pass\u00e9 ensuite. Je savais simplement que, mon coup fait, je m'\u00e9tais jet\u00e9 dans un train en partance pour Cannes, voulant aller voir Picasso et son amie Jacqueline tant pour leur dire adieu que pour ouvrir mon c\u0153ur et confesser un acte qui \u00e9tait ce que je pouvais faire de plus contraire \u00e0 l'exemple que Picasso n'a pas cess\u00e9 de donner, puisque me saborder revenait \u00e0 me priver radicalement d'un certain nombre d'ann\u00e9es que j'aurais eu encore toute latitude d'employer \u00e0 un travail cr\u00e9ateur. En compagnie de Picasso et de cette Jacqueline avec qui je parle quelquefois des r\u00e9gions soudanaises o\u00f9 elle a s\u00e9journ\u00e9 (ce qui cr\u00e9e entre nous comme un lien de franc-ma\u00e7onnerie), j'\u00e9tais all\u00e9 chez un ami \u00e0 elle, un m\u00e9decin tr\u00e8s gentil, qui fut pilote \u00e0 l'\u00e9poque o\u00f9 l'aviation relevait encore tant soit peu de l'artisanat et que j'ai rencontr\u00e9 \u00e0 deux ou trois reprises. L\u00e0, j'avais beaucoup bu et, l'ivresse se joignant \u00e0 l'effet du toxique, ma fugue avait ainsi tourn\u00e9 qu'on avait d\u00fb me transporter d'urgence \u00e0 cet h\u00f4pital de Bruxelles. M'\u00eatre so\u00fbl\u00e9 chez ce m\u00e9decin, sous les yeux de Picasso dont je sais le peu de go\u00fbt qu'il a pour les divagations d'ivrogne, m'apparaissait une conclusion idiote \u00e0 mon voyage-\u00e9clair et j'\u00e9tais d'autant plus honteux de cet \u00e9cart qu'il ne s'accordait gu\u00e8re avec l'esprit presque filial dans lequel, bien que durement touch\u00e9 par la drogue, j'avais quitt\u00e9 le quai des Grands-Augustins pour faire un saut jusqu'\u00e0 la grande villa moulur\u00e9e du Midi m\u00e9diterran\u00e9en.\n\nCe que je puis, en usant de ma seule m\u00e9moire, retracer de la journ\u00e9e o\u00f9 je revins \u00e0 moi et de celle qui suivit est d\u00e9cid\u00e9ment bien confus. Non seulement je n'ai aucun souvenir pr\u00e9cis du moment o\u00f9 l'on me d\u00e9barrassa des attaches qui m'avaient \u00e9t\u00e9 impos\u00e9es, m'a-t-on dit, parce que j'essayais de me lever, mais j'ignore comment je d\u00e9couvris que j'avais au-dessous de la pomme d'Adam une ouverture dont il me faudrait attendre assez longtemps la cicatrisation : je constatai peut-\u00eatre qu'une partie de l'air que j'expirais s'\u00e9chappait bruyamment par cette blessure et que je ne pouvais parler qu'au prix de grands efforts, par phrases hach\u00e9es, d'une voix rauque et avec des pauses fr\u00e9quentes pour reprendre haleine ; ou bien, lorsque apr\u00e8s m'avoir rev\u00eatu d'une chemise de nuit de grossier tissu blanc (\u00e0 peine plus longue qu'une veste de pyjama et qui me d\u00e9plut fort) une infirmi\u00e8re me fit manger comme un enfant, approchant de ma bouche une assiette remplie d'une sorte de brouet dont elle m'enfournait des cuiller\u00e9es, celle qui me gavait ainsi avec une autorit\u00e9 \u00e0 la fois maternelle et bourrue me demanda si je pouvais avaler sans que cela me f\u00eet mal ; ou bien encore, renouvelant le pansement que j'avais \u00e0 la gorge, elle fit une quelconque r\u00e9flexion sur l'\u00e9tat de ma plaie. A ce moment-l\u00e0, je me rendais fort bien compte que j'\u00e9tais mal en point, mais je ne savais rien du travail compliqu\u00e9 de renflouement dont j'avais fait l'objet ni de l'obligation o\u00f9 mes sauveurs avaient \u00e9t\u00e9 de recourir \u2013 proc\u00e9d\u00e9 aujourd'hui banal \u2013 \u00e0 la trach\u00e9otomie pour faciliter ma respiration. J'avais seulement la certitude obscure d'\u00eatre une mani\u00e8re de Lazare remont\u00e9 du tombeau et \u2013 ni content ni furieux d'\u00eatre rescap\u00e9, gonfl\u00e9 seulement d'un souffle v\u00e9h\u00e9ment _d'amour et de m\u00e9lancolie_ \u2013 je tirais une certaine fiert\u00e9 de m'\u00eatre jet\u00e9 \u00e0 corps perdu dans des vicissitudes qui me mettaient hors du commun. J'avais jou\u00e9 le grand jeu. _J'\u00e9tais le t\u00e9n\u00e9breux, le veuf, l'inconsol\u00e9_ qui traite de pair \u00e0 compagnon avec la mort et la folie. Toutefois, couch\u00e9 sur un lit de malade entre les quatre murs d'une chambre inconnue et soign\u00e9 certes avec humanit\u00e9 mais r\u00e9duit pratiquement \u00e0 la condition de prisonnier, je n'\u00e9tais pas moins accabl\u00e9 que gris\u00e9 par ce malheur tout sp\u00e9cial dont je m'enorgueillissais. Aussi (probablement vers la fin de la premi\u00e8re matin\u00e9e) ma joie fut-elle des plus grandes quand je reconnus, silhouette blanche et brune dont je n'avais pas tout de suite d\u00e9cel\u00e9 la pr\u00e9sence, Jacqueline qui se tenait debout \u00e0 mon chevet et m'observait avec une affectueuse vigilance.\n\nLe soir m\u00eame (quand ma femme et notre ami m\u00e9decin vinrent me rendre visite et m'apprirent que j'\u00e9tais en v\u00e9rit\u00e9 dans le pavillon de l'h\u00f4pital Claude-Bernard o\u00f9 l'on proc\u00e8de aux \u00ab r\u00e9animations \u00bb) l'absurdit\u00e9 de toute mon odyss\u00e9e m'est apparue flagrante. Comment, drogu\u00e9 \u00e0 mort comme je l'\u00e9tais, aurais-je pu m'\u00e9chapper en pleine nuit de chez moi et me rendre \u00e0 la gare de Lyon pour y prendre le train (ce train, j'y songe maintenant, dont l'heure si tardive de d\u00e9part aurait \u00e9t\u00e9 bien \u00e9trange) ? Comment, l'alcool bu \u00e0 Cannes m'ayant finalement terrass\u00e9, l'h\u00f4pital o\u00f9 il avait fallu me transporter sans perdre une seconde aurait-il \u00e9t\u00e9 un h\u00f4pital de Bruxelles ? Mais, sur le moment, il en \u00e9tait de cette odyss\u00e9e comme il en est dans la plupart des r\u00eaves : aucune de ces invraisemblances ne posait pour moi de probl\u00e8me et j'adh\u00e9rais totalement \u00e0 cette construction tout affective, que j'avais derri\u00e8re moi comme un acquis parfaitement \u00e9vident auquel je n'avais pas m\u00eame \u00e0 r\u00e9fl\u00e9chir, loin qu'elle se pr\u00e9sent\u00e2t comme l'aboutissement plus ou moins heureux d'un effort de reconstitution r\u00e9pondant au besoin d'apaiser une inqui\u00e9tude quant au lieu o\u00f9 je me trouvais.\n\nQuelques phrases tomb\u00e9es des l\u00e8vres de mes visiteurs avaient r\u00e9duit \u00e0 n\u00e9ant la fable de mon incursion dans le Midi, cette fable dont je ne pourrais dire ni que je l'avais invent\u00e9e ni m\u00eame qu'elle \u00e9tait apparue comme quelque chose qu'un voile r\u00e9v\u00e8le en se d\u00e9chirant puisque, reprenant connaissance, je l'avais trouv\u00e9e derri\u00e8re moi comme un pass\u00e9 qui, en tant que tel, existait le plus simplement du monde. Par ce contact avec des proches dont le t\u00e9moignage pesait de tout leur poids de chair et d'os, le fil avait \u00e9t\u00e9 renou\u00e9 : Jacqueline \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de mon lit n'\u00e9tait plus qu'un phantasme (ou plus exactement le fruit d'une fausse reconnaissance, car je compris que la silhouette ainsi identifi\u00e9e \u00e9tait celle d'une infirmi\u00e8re porteuse de la classique tenue blanche) ; je n'\u00e9tais plus le jouet d'aucune m\u00e9prise sur le th\u00e9\u00e2tre de l'action ni sur la mani\u00e8re dont j'\u00e9tais entr\u00e9 dans cet endroit ; le lendemain m\u00eame, j'\u00e9chapperais \u00e0 ma condition de malade pratiquement anonyme puisque ma femme m'apporterait l'un de mes pyjamas contre lequel je troquerais l'odieuse chemise de nuit \u00e0 la fois si courte et si large qu'on m'avait fait endosser comme une casaque d'intern\u00e9. Tout semblait donc rentr\u00e9 dans l'ordre que d\u00e9finissent la g\u00e9od\u00e9sie et les \u00e9ph\u00e9m\u00e9rides, conjointes avec l'\u00e9tat civil. Il ne me restait qu'\u00e0 profiter de ce s\u00e9jour forc\u00e9 sur le terrain neutre de l'h\u00f4pital comme d'un suspens introduit par une situation d'exception dans le conflit qui m'agitait et y laisser m\u00fbrir, qui sait ? le germe d'une solution puisque le ressuscit\u00e9 que j'\u00e9tais avait pay\u00e9 assez ch\u00e8rement le droit d'\u00eatre amoureux sans se dissimuler. Je devais apprendre pourtant que je n'en \u00e9tais encore qu'\u00e0 mon tout premier pas dans la voie du retour \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 : mon espoir de d\u00e9tente s'av\u00e9ra une r\u00eaverie utopique de convalescent \u00e0 qui l'avenir semble rose apr\u00e8s le tunnel qu'il a travers\u00e9, car mon geste n'eut d'autre r\u00e9sultat que de montrer non seulement l'\u00e9tendue de mon mal mais mon peu de souci du mal que ma d\u00e9fection pouvait causer \u00e0 autrui ; d'autre part, les visites que me fit \u2013 sur ma propre pri\u00e8re \u2013 celle dont l'irruption dans ma vie avait pouss\u00e9 au comble mon d\u00e9sarroi, l'intimit\u00e9 surtout que manifesta sa venue \u2013 plus r\u00e9v\u00e9latrice encore que les regards, l'\u00e9treinte de mains qui refusaient de se quitter \u2013 d\u00e9nonc\u00e8rent tout uniment le sentiment qui me liait \u00e0 une intruse, d'un lien tel que je lui donnais entr\u00e9e partout o\u00f9 je me trouvais et qu'en n'importe quelles circonstances elle \u00e9tait la d\u00e9sir\u00e9e ; quant \u00e0 la structure m\u00eame de ma personne (fondation de tout l'\u00e9difice que sur le mode ou non du ch\u00e2teau en Espagne il me fallait b\u00e2tir \u00e0 neuf), plusieurs jours furent n\u00e9cessaires pour qu'elle achev\u00e2t de se remembrer, tant l'avaient bouscul\u00e9e ma longue p\u00e9riode d'inconscience et les diverses drogues dont j'\u00e9tais satur\u00e9.\n\nMentalement, avec la crise conclue par une plong\u00e9e de plus de trois jours dans le n\u00e9ant du coma, j'avais subi un choc plus rude que je ne l'imaginais. Pendant peut-\u00eatre vingt-quatre heures je fus, durant mes vagues moments de somnolence, la proie d'une id\u00e9e en elle-m\u00eame point tellement \u00e9trange mais qui montre combien \u00e9tait fragile le sentiment que j'avais de mon identit\u00e9. Comme si, toute unit\u00e9 rompue, la division \u00e9tait d\u00e9cid\u00e9ment mon lot deux \u00eatres se substituaient, le plus naturellement du monde, \u00e0 ma personnalit\u00e9 ordinaire : je cessais d'\u00eatre Michel Leiris pour devenir \u2013 sur un fond incertain et comme livresque ou iconographique de chaises longues et de pelouses \u2013 un couple d'\u00e9crivains anglais tr\u00e8s snobs, m'identifiant tant\u00f4t \u00e0 l'homme et tant\u00f4t \u00e0 la femme selon que je reposais \u00e9tendu sur le c\u00f4t\u00e9 gauche ou sur le c\u00f4t\u00e9 droit, n'\u00e9prouvant en aucune mani\u00e8re la p\u00e9nible impression que peut causer une r\u00eaverie d\u00e9lirante, qu'on est sans force pour r\u00e9cuser mais que trouble pourtant comme une dissonance la perception confuse de ce qu'une telle divagation rec\u00e8le d'impossible.\n\nQuand, prisonni\u00e8re de ma pens\u00e9e apr\u00e8s l'avoir tenue pour un temps sous sa coupe, cette fantaisie qui m'avait poss\u00e9d\u00e9 fut r\u00e9duite \u00e0 la condition de souvenir dont l'extravagance m'amusait, deux id\u00e9es elles aussi singuli\u00e8res occup\u00e8rent une part de chacune de mes nuits, l'une m'attaquant pendant les quelque deux heures de sommeil qui ne me conduisaient jamais beaucoup plus loin que minuit, l'autre s'ajoutant \u00e0 celle-ci tandis que j'oscillais entre l'attente trop lucide de la premi\u00e8re p\u00e2leur du jour et une songerie qui, m\u00eame glissant au r\u00eave, ne me faisait oublier ni ce lit o\u00f9 j'\u00e9tais couch\u00e9 ni cette chambre enclav\u00e9e dans un pavillon que je savais lui-m\u00eame int\u00e9gr\u00e9 \u00e0 un vaste ensemble de b\u00e2timents. Chose remarquable, et peut-\u00eatre plus significative qu'il ne m'a sembl\u00e9 de prime abord, ces deux curieuses constructions avaient pour clef de vo\u00fbte un personnage appartenant (dans l'une aussi bien que dans l'autre) au monde du th\u00e9\u00e2tre, comme si elles \u00e9taient venues compl\u00e9ter ma premi\u00e8re illusion et illustrer, d'une mani\u00e8re plus imag\u00e9e que celle-ci qui se bornait \u00e0 mettre en jeu un \u00e9l\u00e9gant m\u00e9nage d'esth\u00e8tes, le th\u00e8me de l'activit\u00e9 artistique en tant que fa\u00e7on \u2013 directe ou indirecte \u2013 d'attirer sur soi les regards, seraient-ce ceux d'un petit nombre de personnes. Je dois aujourd'hui me demander pourquoi, \u00e0 peine tir\u00e9 d'affaire, je fus obs\u00e9d\u00e9 \u00e0 tel point par l'id\u00e9e de l'artiste comme figure _th\u00e9\u00e2trale_ au moins \u00e0 quelque degr\u00e9 et si une consid\u00e9ration de cet ordre n'a pas \u00e9t\u00e9 pour quelque chose dans le geste qui m'aura men\u00e9 jusqu'\u00e0 une sorte de mort temporaire.\n\nA la premi\u00e8re de ces constructions d\u00e9faites chaque jour mais refaites chaque nuit \u00e0 peu pr\u00e8s sans variantes, un souvenir \u00e9loign\u00e9 (puisqu'il remonte \u00e0 l'ann\u00e9e qui suivit l'autre guerre) n'est probablement pas \u00e9tranger : le week-end qu'avec une fille et deux gar\u00e7ons, qui pendant quelques mois furent mes ins\u00e9parables, je passai \u00e0 la maison de retraite de Pont-aux-Dames, destin\u00e9e (comme on sait) aux moins chanceux des professionnels de la sc\u00e8ne et o\u00f9 la petite bande que nous formions \u00e0 nous quatre avait \u00e9t\u00e9 amen\u00e9e par l'un des deux gar\u00e7ons, dont la m\u00e8re \u2013 une ancienne actrice \u2013 exer\u00e7ait l\u00e0 des fonctions de g\u00e9rance. Rien de ce bref s\u00e9jour ne m\u00e9rite d'\u00eatre mentionn\u00e9, hormis peut-\u00eatre l'incartade \u2013 en v\u00e9rit\u00e9 bien anodine \u2013 \u00e0 laquelle je me trouvai conduit : devant quitter mes acolytes pour \u00eatre le lundi matin au bureau du commissionnaire de la Cit\u00e9 Paradis chez qui je travaillais (parce qu'il fallait bien que je fisse quelque chose) et ulc\u00e9r\u00e9 \u00e0 la pens\u00e9e de ce d\u00e9part, qui me semblait signifier qu'ayant cess\u00e9 ainsi d'\u00eatre de toutes les f\u00eates j'occuperais dans notre quatuor jalousement uni une position d\u00e9sormais marginale, je d\u00e9cidai de me d\u00e9barrasser d'un emploi qui s'av\u00e9rait plus que jamais rebutant et j'adressai \u00e0 mes patrons un t\u00e9l\u00e9gramme dans lequel j'all\u00e9guais un ennui de sant\u00e9 ou quelque autre accident mais qui, r\u00e9dig\u00e9 sans grand souci de vraisemblance, \u00e9quivalait \u00e0 une d\u00e9mission.\n\nUne vieille \u00e9toile du boulevard maintenant directrice d'une fondation qui, selon les nuits, \u00e9tait tant\u00f4t un \u00e9tablissement de bienfaisance du genre de ce Pont-aux-Dames o\u00f9 j'avais couch\u00e9 sans en avoir aucun droit, tant\u00f4t un conservatoire priv\u00e9, tel est le personnage que j'incarnais, \u00e9tendu dans ce lit qui me semblait \u00eatre celui m\u00eame de l'antique gloire parisienne, cette com\u00e9dienne qui dans des pi\u00e8ces autrefois fameuses avait \u00e9t\u00e9 si f\u00eat\u00e9e mais que seule sauvait du complet oubli la fondation philanthropique ou \u00e9ducative \u00e0 quoi son nom comme toute sa flamme int\u00e9rieure \u00e9taient d\u00e9sormais attach\u00e9s. Tel un commandant de navire qui, m\u00eame lorsqu'il r\u00eave dans l'obscurit\u00e9 de sa cabine, sait qu'il est responsable du b\u00e2timent qu'on lui a confi\u00e9 et qu'il a charge d'\u00e2mes, j'\u00e9tais cette idole solitaire dont le petit monde sur lequel elle r\u00e8gne lui semble exiger toute sa vigilance jusque dans les heures o\u00f9 d'elle \u00e0 ce petit monde il n'y a plus aucun rapport pr\u00e9cis. Artiste de la grande esp\u00e8ce, beaut\u00e9 qui sans ridicule peut rappeler le temps o\u00f9 elle e\u00fbt saccag\u00e9 all\u00e9grement sa carri\u00e8re sur un mouvement du c\u0153ur ou sur un coup de t\u00eate, Dieu le p\u00e8re ou la m\u00e8re (comme le capitaine \u00e0 son bord ou la matrone respect\u00e9e de toute une maisonn\u00e9e), voil\u00e0 quels \u00e9taient \u00e0 peu pr\u00e8s les aspects de la figure que dans la premi\u00e8re moiti\u00e9 de chaque nuit je recommen\u00e7ais d'endosser. L'une des derni\u00e8res fois qu'elle apparut et alors que, de moi \u00e0 cette figure, un certain \u00e9cart s'\u00e9tait cr\u00e9\u00e9 (car si elle continuait de me hanter c'\u00e9tait maintenant \u00e0 la troisi\u00e8me personne que son existence habitait ma pens\u00e9e, scission esquiss\u00e9e d\u00e8s la nuit o\u00f9 elle avait pris fugacement pour \u00e9tat civil celui de Mme Daynes-Grassot, que j'ai vue jouer \u00e9tant moi un adolescent, et elle une vieille personne que mes parents avaient applaudie quand elle \u00e9tait plus jeune), elle portait un nom r\u00e9duit au seul patronyme ainsi qu'il arrive pour celui de beaucoup de vedettes : quelque chose comme \u00ab Sandier \u00bb ou \u00ab Sanguier \u00bb mais dont les deux syllabes, au lieu de sonner s\u00e8chement comme celles-ci, donnaient vie \u00e0 tout un pass\u00e9 de br\u00fblantes \u00e9motions ressenties en m\u00eame temps que dispens\u00e9es par celle dont, pour quelques-uns, les triomphes obtenus sur des sc\u00e8nes et dans un r\u00e9pertoire qui n'\u00e9taient pas ceux de nos th\u00e9\u00e2tres officiels demeuraient l\u00e9gendaires. Avec ce patronyme aussi loquace que de copieuses \u00e9ph\u00e9m\u00e9rides, l'identit\u00e9 de ma visiteuse s'\u00e9tait, cette nuit-l\u00e0, une fois pour toutes affirm\u00e9e.\n\nCom\u00e9dienne dont le nom, adul\u00e9 il n'y a pas si longtemps, ne pouvait gu\u00e8re avoir de sens maintenant que pour de rares survivants de sa g\u00e9n\u00e9ration ou pour les jeunes acteurs qui \u00e9taient ses \u00e9l\u00e8ves, cette cr\u00e9ature qui pendant tant de nuits me fut attach\u00e9e si \u00e9troitement qu'elle se confondait avec ma propre personne n'avait (je crois) aucun prototype particulier. En y r\u00e9fl\u00e9chissant, certes, j'ai trouv\u00e9 deux noms qui ont probablement \u00e9t\u00e9 les mod\u00e8les du sien : celui du leader Marc Sangnier, dont, adolescents, nous approuvions mon fr\u00e8re et moi le _socialisme chr\u00e9tien_ et dont \u00e0 tort ou \u00e0 raison nous prononcions le nom \u00ab Sanguier \u00bb ; celui de l'actrice Aim\u00e9e Tessandier, \u00e9toile de la m\u00eame \u00e9poque dont, depuis, une photographie m'est \u00e9chue, la montrant avec une bouche \u00e0 la fois \u00e9troite et charnue, de sombres yeux de boh\u00e9mienne et des cheveux fonc\u00e9s croulant sur les \u00e9paules. Mais c'est l\u00e0 (je le sens) une filiation toute formelle, r\u00e9pondant \u00e0 l'emploi m\u00e9canique de deux noms \u2013 pris l'un tel quel, l'autre amput\u00e9 de sa premi\u00e8re syllabe \u2013 pour baptiser une figure qui, en v\u00e9rit\u00e9, r\u00e9sumait \u00e0 la fa\u00e7on d'un arlequin les prestiges de ces femmes de th\u00e9\u00e2tre dont j'avais entendu parler \u00e9tant enfant ou dont j'avais vu les portraits dans la s\u00e9rie des _C\u00e9l\u00e9brit\u00e9s contemporaines_ \u00e9dit\u00e9e par F\u00e9lix Potin, suite nombreuse de photos-primes ins\u00e9r\u00e9es dans les paquets d'\u00e9picerie et figurant tant\u00f4t une sommit\u00e9 du monde des sciences, des lettres ou des arts, tant\u00f4t un homme politique ou un membre de famille r\u00e9gnante, tant\u00f4t un explorateur ou un sportif, tant\u00f4t un gros bonnet du clerg\u00e9, de l'arm\u00e9e ou de la marine ou bien quelqu'un qui s'\u00e9tait illustr\u00e9 dans l'une quelconque des autres branches \u2013 crime except\u00e9 \u2013 o\u00f9 l'on peut se faire un nom. A l'inverse de cette figure incertaine, symbole aux contours embrouill\u00e9s mais vifs et chaleureux des ombres et des lumi\u00e8res de la vie th\u00e9\u00e2trale, c'est un personnage d\u00fbment situ\u00e9 par rapport \u00e0 moi et clairement \u00e9tiquet\u00e9 dans l'album de mes souvenirs familiaux \u2013 un cousin du c\u00f4t\u00e9 maternel dont depuis des ann\u00e9es je n'ai plus de nouvelles directes \u2013 qui fut le protagoniste sans couleur ni rayonnement de la deuxi\u00e8me de mes hantises nocturnes.\n\n\u00ab Louis de Kipouls \u00bb, de \u00ab Kipours \u00bb, de \u00ab Kilpou \u00bb... tel \u00e9tait \u00e0 peu pr\u00e8s (informe les premi\u00e8res nuits, puis assez net bien que probablement tronqu\u00e9 ici d'une ou deux autres syllabes qui lui donnaient l'allure bizarre d'un nom de principaut\u00e9 perdue quelque part du c\u00f4t\u00e9 des Indes) le pseudonyme dont mon cousin, effectivement pr\u00e9nomm\u00e9 Louis, s'affublait dans ma r\u00eaverie pour tenter de faire jouer dans de petites salles du XVIe arrondissement les pi\u00e8ces qu'il \u00e9crivait en amateur ou s'ing\u00e9nier, faute de mieux, \u00e0 caser dans les quotidiens ses essais de critique dramatique. A ce cousin, homme affable et fluet qui jusqu'\u00e0 l'\u00e2ge de la retraite dirigea un office de brevets d'invention et consacra tous ses loisirs \u00e0 la pratique de l'\u00e9quitation, je n'ai jamais connu la moindre ambition de dramaturge ou de chroniqueur. Mais je pouvais, quand son image est venue ainsi me poursuivre, lui attribuer des attaches avec le monde du th\u00e9\u00e2tre sans que cela f\u00fbt une pure divagation : le p\u00e8re de ce fervent de la haute \u00e9cole qu'on appela toujours enfantinement \u00ab Loulou \u00bb, m\u00eame quand il eut des cheveux gris, avait \u00e9pous\u00e9 en secondes noces la cantatrice belge Claire Frich\u00e9, dont la voix somptueuse et la parfaite simplicit\u00e9 de c\u0153ur jointe \u00e0 un physique impressionnant d'h\u00e9ro\u00efne populaire en qui Flandre et Espagne se seraient heureusement conjugu\u00e9es ont enchant\u00e9 une partie de mon enfance ; tout en n'osant l'affirmer, car cela s'inscrit pour moi dans un lointain beaucoup plus vague, qui est moins un pass\u00e9 qu'un ramassis hasardeux de traditions orales in\u00e9galement retenues, je crois m\u00eame que mon cousin avait pour m\u00e8re une actrice, t\u00f4t retir\u00e9e quant \u00e0 elle et demeur\u00e9e dans une compl\u00e8te obscurit\u00e9 tandis que ma tante Claire eut \u00e0 Bruxelles et \u00e0 Paris son heure de notori\u00e9t\u00e9, comme soprano sp\u00e9cialis\u00e9 surtout dans les \u0153uvres v\u00e9ristes.\n\nTout le temps que je subis l'intrusion, chaque nuit r\u00e9it\u00e9r\u00e9e, de ce qui n'\u00e9tait pas m\u00eame un semblant de personnage dont j'aurais per\u00e7u ou devin\u00e9 les traits, mais un sec sc\u00e9nario que rendaient encore plus irritant sa totale insignifiance et sa vacuit\u00e9 de chose qui arrive jusqu'\u00e0 vous par voie de racontar ou de lecture distraite des journaux, j'ignorai pourquoi le souvenir de ce cousin \u2013 avec qui j'ai toujours eu de bons rapports mais que j'ai perdu de vue depuis longtemps \u2013 me revenait avec la m\u00eame insistance que si j'avais \u00e9t\u00e9 l'un de ceux que, dans ses inlassables tentatives pour \u00eatre jou\u00e9 ou imprim\u00e9, cet importun imaginaire devait solliciter \u00e0 longueur de journ\u00e9e. Centr\u00e9e sur un individu au pseudonyme primitivement indistinct (le pr\u00e9nom \u00ab Louis \u00bb flanqu\u00e9 d'un nom \u00e0 particule) mais bient\u00f4t assez clair pour sembler, gr\u00e2ce au jeu d'une myst\u00e9rieuse corr\u00e9lation, d\u00e9finir son porteur comme un \u00eatre \u00e0 la fois minuscule et ridiculement sophistiqu\u00e9 que j'aurais aper\u00e7u, par exemple, en regardant au gros bout d'une lorgnette, cette construction \u2013 \u00e0 mesure qu'elle se pr\u00e9cisa et se figea en un st\u00e9r\u00e9otype au model\u00e9 implacable \u2013 tendit \u00e0 se situer \u00e0 distance et \u00e0 me pers\u00e9cuter, non point \u00e0 la mani\u00e8re d'une id\u00e9e fixe, mais comme aurait pu le faire je ne sais quoi d'\u00e9tranger pos\u00e9 en permanence \u00e0 mon chevet. Parvenue \u00e0 son ach\u00e8vement, la construction relative \u00e0 mon cousin, bien que d\u00e9nu\u00e9e de tout aspect visuel (voire m\u00eame sonore) qui peu ou prou l'e\u00fbt rattach\u00e9e au monde sensible, m'apparut localis\u00e9e dans la partie droite de ma chambre. Ce que je savais, en effet, des agissements du rat\u00e9 \u00e0 qui me reliait le fil impalpable d'une parent\u00e9 prenait place, avec autant d'\u00e9vidence que s'il s'\u00e9tait agi d'une construction mat\u00e9rielle, dans la portion d'espace qui s'\u00e9tendait \u00e0 ma droite depuis le bord de mon lit jusqu'au mur lat\u00e9ral de la pi\u00e8ce, portion occup\u00e9e seulement par un lavabo et un nombre r\u00e9duit de meubles ou autres ustensiles dont un lit sans habitant, alors que sur la portion gauche (au-del\u00e0 d'un poste de t\u00e9l\u00e9vision en panne rang\u00e9 face \u00e0 la porte) r\u00e9gnait un malade priv\u00e9 de parole et presque de mouvement \u2013 quelqu'un qui, frapp\u00e9 depuis plusieurs semaines par un mal dont on ignorait la nature, \u00e9tait plong\u00e9 dans le coma et menait pr\u00e8s de moi une existence larvaire qu'on entretenait au moyen des artifices les plus vari\u00e9s, \u00e9tant incluse au programme une s\u00e9ance de culture physique \u00e0 laquelle, de temps \u00e0 autre, une gracieuse kin\u00e9sith\u00e9rapeute \u00e0 petit b\u00e9ret blanc soumettait le corps inerte. C'\u00e9tait, en somme, comme si j'avais choisi la partie de la chambre que ne hantait pas ce mort vivant, pour y loger ce qui n'avait ni besoin ni possibilit\u00e9 concevable d'\u00eatre log\u00e9 : pas m\u00eame arachn\u00e9enne, la construction plus abstraite qu'une \u00e9pure, dans laquelle intervenait la seule _id\u00e9e_ de mon cousin, en l'absence de toute image qui me l'aurait fait voir tel que je l'ai connu (avec son sourire avenant, sa fine moustache, son binocle et sa mise toujours soign\u00e9e) ou tel qu'il est, para\u00eet-il, devenu (vieil homme reclus et presque aveugle qui t\u00e9l\u00e9phone chaque jour \u00e0 l'un de nos parents communs, sans autre motif que d'\u00e9chapper ainsi pendant quelques minutes \u00e0 son isolement de veuf sans enfants).\n\nDans un bulletin paroissial ou autre feuille de chou de son quartier de Vaugirard, et parfois en une mince plaquette, l'oncle paternel de mon cousin Loulou \u2013 b\u00e9quillard afflig\u00e9 d'un pied bot et dont souvent on disait \u00ab Louis l'infirme \u00bb pour ne pas le confondre avec son homonyme \u2013 publiait, en les signant \u00ab Louis de Lut\u00e8ce \u00bb, des chroniques gr\u00e2ce auxquelles dans le _Bottin mondain_ (o\u00f9 il jugeait flatteur de figurer) il pouvait promouvoir au rang de \u00ab critique d'art \u00bb et d\u00e9corer d'un nom qui fleurait chat-noiresquement son escholier de la grand'ville l'humble rond-de-cuir parisien aux go\u00fbts artistes et quelque peu boh\u00e8mes qu'il \u00e9tait. De \u00ab Lut\u00e8ce \u00bb \u00e0 \u00ab Kipouls... \u00bb le chemin est \u00e9videmment celui m\u00eame qui va du descendant fantaisiste des nobles gallo-romains \u00e0 un Hindou parisianis\u00e9 comme le tr\u00e8s select maharadjah de Kapurthala, des follicules bien pensantes du XVe arrondissement aux th\u00e9\u00e2tricules r\u00e9els ou suppos\u00e9s du XVIe et \u2013 reliant en oblique deux g\u00e9n\u00e9rations \u2013 de l'aimable peinturlureur manqu\u00e9 dont la jambe de Cour des Miracles et la barbe druidique semblaient \u00eatre les armes parlantes, \u00e0 son neveu l'\u00e9cuyer tel que je le d\u00e9guisais dans cette r\u00eaverie men\u00e9e en un lieu que ses cadavres en instance de r\u00e9animation, ses modernes poumons d'acier et autres appareils de survie \u00e9quipaient comme pour en faire, tr\u00e8s au-del\u00e0 du vaudeville auquel aurait pr\u00eat\u00e9 l'abondante literie, le cadre d'une intrigue \u00e0 base de _science-fiction._ Au cadavre en sursis que moi aussi j'avais \u00e9t\u00e9, l'on avait appliqu\u00e9 plusieurs de ces moyens perfectionn\u00e9s. Dans l'\u00e9tat quasi infantile o\u00f9 je me trouvais apr\u00e8s cette esp\u00e8ce de mort suivie d'une nouvelle naissance, quoi d'\u00e9tonnant si j'\u00e9tais assailli par de lointains souvenirs d'enfance ? Il est curieux pourtant que ce soit justement ceux-l\u00e0 qui me soient revenus, plut\u00f4t que d'autres par lesquels je me sais plus marqu\u00e9, et qu'ils aient, pour frapper \u00e0 la porte de ma pens\u00e9e, pris la forme de cette histoire inepte dont une vaine ambition th\u00e9\u00e2trale \u00e9tait l'unique ressort.\n\nLes pr\u00e9tentions de l'oncle \u00e0 la critique et m\u00eame \u00e0 l'art tout court (ces derni\u00e8res illustr\u00e9es par les tableautins qu'il peignait dans la mani\u00e8re impressionniste et dont au minist\u00e8re des Finances il ornait son bureau), je les avais transf\u00e9r\u00e9es au neveu en modifiant simplement leur objet. \u00c9poux et trois fois p\u00e8re, le fonctionnaire \u00e0 maigre traitement qu'\u00e9tait l'oncle devait (d'apr\u00e8s les cancans) recourir fr\u00e9quemment \u00e0 des proches pour faire face \u00e0 ses \u00e9ch\u00e9ances et c'est pourquoi, sans doute, le neveu se pr\u00e9sentait dans mon phantasme sous les esp\u00e8ces d'un solliciteur, encore que dans la vie courante il e\u00fbt \u00e9t\u00e9 l'un des soutiens de cet oncle, en v\u00e9rit\u00e9 dou\u00e9 d'assez de finesse pour que tout son entourage trouv\u00e2t plus amusante qu'intempestive la fa\u00e7on qu'il avait de doubler d'un rapin tirant le diable par la queue son personnage de gratte-papier environn\u00e9 (comme il se doit) de cartons verts. Kipouls \u2013 on peut le pr\u00e9sumer \u2013 devait certains de ses traits \u00e0 Lut\u00e8ce, des traits pouss\u00e9s \u00e0 la grimace \u00e9tant donn\u00e9 mon malaise et la conscience que je prenais peu \u00e0 peu de la singularit\u00e9 de ce qui m'entourait. Mais, cela pos\u00e9, il reste \u00e0 d\u00e9m\u00ealer les raisons pour lesquelles j'\u00e9tais obs\u00e9d\u00e9 par ce Kipouls ou, plus exactement, par l'intrigue dont il \u00e9tait le pivot.\n\nMembres endoloris, corps marqu\u00e9 \u00e7\u00e0 et l\u00e0 de larges d\u00e9p\u00f4ts violac\u00e9s, veines durcies par les prises de sang et injections diverses et surtout (cons\u00e9quence de la trach\u00e9otomie) poitrine travaill\u00e9e par cette soufflerie dont le jeu semblait s'activer quand j'allais aux w. c., s'amplifier de fa\u00e7on presque terrifiante sous l'effort d'excr\u00e9tion, et paraissait alors int\u00e9resser toute la partie de ma personne comprise entre la gorge et le fondement, d'o\u00f9 l'impression atterrante d'avoir \u00e9t\u00e9 chang\u00e9 soit en accord\u00e9on crev\u00e9 soit en tuyauterie de tout-\u00e0-l'\u00e9gout, \u00e0 cela s'ajoutant la bizarrerie de ne plus reconna\u00eetre mon sexe, qui m'\u00e9tait devenu comme \u00e9tranger tant il avait \u00e9t\u00e9 d\u00e9form\u00e9 par la sonde qu'on avait mise en place \u00e0 mon insu et que j'avais gard\u00e9e tandis que j'\u00e9tais biologiquement r\u00e9duit \u00e0 une esp\u00e8ce de minimum vital \u2013 ces infirmit\u00e9s, progressivement d\u00e9couvertes, m'avaient donn\u00e9 le sentiment que jusqu'\u00e0 nouvel ordre je n'\u00e9tais plus qu'un estropi\u00e9. Est-ce pour cela que s'immis\u00e7ait, par un d\u00e9tour, le souvenir du stropiat familial et y avait-il pour mon cousin Loulou, dans ma t\u00eate o\u00f9 se d\u00e9roulait un carnaval sans gaiet\u00e9, d'autres motifs de se manifester que son mandat de substitut de son oncle afflig\u00e9 d'un pied bot ?\n\nJ'ai dit que la pr\u00e9occupation constante de mon cousin, l'obsession qui le rendait si insistant mais n'\u00e9tait que ma propre insistance dans la r\u00e9p\u00e9tition ind\u00e9finie d'un m\u00eame phantasme, cet ingu\u00e9rissable d\u00e9sir qui faisait de lui un importun alors qu'en v\u00e9rit\u00e9 ce qui m'importunait devait venir du fond de mes d\u00e9sirs \u00e0 moi, c'\u00e9tait de parvenir \u00e0 prendre rang comme dramaturge ou, \u00e0 d\u00e9faut, comme critique th\u00e9\u00e2tral. J'ai dit aussi \u2013 quant au cousin r\u00e9el \u2013 les attaches qu'il avait avec le monde de la sc\u00e8ne, par une personne au moins que j'ai fort bien connue et dont le souvenir ne laisse pas de m'\u00e9mouvoir : celle qui, pour moi, \u00e9tait la \u00ab tante Claire \u00bb et, pour lui, la seconde femme de son p\u00e8re. Si l'intervention inopin\u00e9e de ce cousin, que je suis loin de regarder comme un f\u00e2cheux mais \u00e0 qui je n'ai jamais donn\u00e9 plus que son d\u00fb d'affection familiale, ne peut gu\u00e8re s'expliquer que par son r\u00f4le d'\u00e9missaire de quelqu'un ou de quelque chose dont ma piteuse condition provoquait le rappel, je crois que le pied bot \u2013 mon infirmit\u00e9 aurait-elle attir\u00e9 la sienne et me serais-je bas\u00e9 sur ses travers pour composer un type d'artiste manqu\u00e9 et de qu\u00e9mandeur \u2013 p\u00e8se ici moins lourd que la cantatrice et que c'est vers ma tante honn\u00eatement bruxelloise plut\u00f4t que vers le Lut\u00e9cien si fier d'appartenir au cercle \u00ab Les Parisiens de Paris \u00bb que je dois me tourner, pour d\u00e9chiffrer le message que je m'adressais en inventant l'intrigue dont mon cousin \u00e9tait le minable h\u00e9ros.\n\nCe parent \u00e0 demi fictif que j'avais fa\u00e7onn\u00e9 \u00e0 la mani\u00e8re dont on fait un personnage de roman, m\u00ealant des traits pris chez un autre \u00e0 certains de ses traits r\u00e9els (la taille menue que semblait exprimer le mot \u00ab Kipouls \u00bb, le c\u00f4t\u00e9 fils de famille \u00e0 quoi devait r\u00e9pondre le choix d'un quartier tel que Passy ou La Muette, qu'il n'a jamais habit\u00e9, comme lieu de ses agissements), ce qu'il repr\u00e9sentait dans l'imm\u00e9diat n'\u00e9tait-ce pas le grotesque et l'odieux de ceux qui, en mati\u00e8re d'art, ne sont que des vell\u00e9itaires avides de voir leur nom imprim\u00e9 dans les gazettes ? Apr\u00e8s l'\u00e9l\u00e9gant couple britannique plac\u00e9 dans un d\u00e9cor de verdure tr\u00e8s po\u00e8tes lakistes, apr\u00e8s la vedette boulevardi\u00e8re qui toute sa vie avait br\u00fbl\u00e9 les planches et, m\u00eame retir\u00e9e, br\u00fblait encore d'un feu sacr\u00e9, venait cet amateur besogneux essuyant ses semelles \u00e0 tous les paillassons et jouant des coudes pour caser co\u00fbte que co\u00fbte une production si m\u00e9diocre qu'elle ne pouvait int\u00e9resser quiconque. Ilote en m\u00eame temps que repoussoir, cette vaine abstraction me montrait ce qui pour tout artiste \u2013 y compris le plus authentique \u2013 est le monstre qui peut un jour le d\u00e9vorer : une certaine soif de succ\u00e8s susceptible de se d\u00e9clarer avant m\u00eame qu'il en ait pris conscience, une soif qu'il lui sera bien entendu impossible de jamais assouvir (un succ\u00e8s ne faisant qu'accro\u00eetre l'envie de succ\u00e8s) et qui, une fois le grelot attach\u00e9, a chance d'entra\u00eener dans une fili\u00e8re d'incroyables platitudes jusqu'\u00e0 celui qui, sur ce point, aura donn\u00e9 le change pendant de longues ann\u00e9es. Elle illustrait, en somme, ce que je me flatte de n'\u00eatre pas devenu mais, aussi bien, ce que j'\u00e9tais en passe de devenir \u00e0 l'\u00e9poque o\u00f9 mes pr\u00e9tentions intellectuelles naissantes et mon snobisme de petit bourgeois du XVIe arrondissement se fondaient en un m\u00eame d\u00e9plaisant amalgame. Tel que le dessinaient les \u00e9chos qui me revenaient, mon cousin, en un sens, n'\u00e9tait-il pas un autre moi-m\u00eame : une copie, sans doute aucun, simiesque mais non d\u00e9nu\u00e9e de toute esp\u00e8ce de ressemblance, exactement comme du singe \u00e0 l'homme il y a, par-del\u00e0 l'imitation qui pr\u00eate \u00e0 rire, un fond vrai de similitude originelle qu'on doit s'attendre \u00e0 voir se manifester \u2013 f\u00fbt-ce en de rares \u00e9clairs \u2013 chez l'homme le mieux polic\u00e9 ? Est-ce donc en raison d'une telle inqui\u00e9tante analogie, supput\u00e9e comme si j'avais \u00e9t\u00e9 dou\u00e9 d'une seconde vue au plus \u00e9pais de mes t\u00e9n\u00e8bres, qu'\u00e0 l'instar d'un remords dont on ne parvient pas \u00e0 se d\u00e9barrasser, le fantoche disposait de son in\u00e9puisable force tracassi\u00e8re ? Ou bien, \u00e0 travers lui, n'est-ce pas la chanteuse qui tendait sournoisement \u00e0 s'immiscer, elle qui avait \u00e9t\u00e9 pour mon enfance le grand art en chair et en os et dont le souvenir ne pouvait gu\u00e8re ne pas \u00eatre tapi dans un recoin de cette intrigue, qui non seulement mettait en cause quelqu'un de son entourage imm\u00e9diat mais semblait parodier les efforts \u00e0 la fois tendres et teint\u00e9s de vanit\u00e9 pu\u00e9rile que son mari (m'a-t-on rapport\u00e9) prodiguait autrefois pour qu'elle f\u00fbt reconnue comme elle le m\u00e9ritait ?\n\nAu couple d'\u00e9crivains anglais je m'identifiais si pleinement que je n'\u00e9prouvais nul embarras \u00e0 me trouver divis\u00e9 en la dualit\u00e9 d'un homme et d'une femme. Avec l'actrice du boulevard, v\u00e9cue d'abord \u00e0 la premi\u00e8re personne, une distinction avait fini par s'\u00e9tablir. Quant au cousin calamiteux, nous n'e\u00fbmes d'autre communaut\u00e9 que ce rapport de cousinage et si je parle aujourd'hui de lui comme d'un double ironique, ce n'est que du bout des l\u00e8vres et \u00e0 la r\u00e9flexion, longtemps apr\u00e8s mon s\u00e9jour \u00e0 l'h\u00f4pital Claude-Bernard pris tout d'abord pour un h\u00f4pital de Bruxelles. Du plus t\u00f4t jusqu'au plus tard venu de ces phantasmes on pourrait observer une d\u00e9gradation, comme si, \u00e0 mesure que s'abolissait l'extravagance mythique, la vie artiste \u2013 trame unique de ces trois illusions \u2013 m'\u00e9tait devenue assez distante pour \u00eatre l'objet d'un jugement et s'\u00e9tait en m\u00eame temps d\u00e9pouill\u00e9e de ses trop merveilleuses couleurs : j'adh\u00e9rais, en une satisfaction totale, \u00e0 ce prestigieux m\u00e9nage de gens de lettres que j'\u00e9tais ; j'h\u00e9bergeais comme s'ils avaient \u00e9t\u00e9 les miens les souvenirs brillants et les actuels soucis de la grande com\u00e9dienne ; sans que f\u00fbt, cette fois, le moins du monde \u00e9clips\u00e9e la notion de mon identit\u00e9, j'\u00e9tais hant\u00e9 par le pitoyable petit homme dont les manigances risibles \u2013 qui m'atteignaient seulement comme des r\u00e9alit\u00e9s de seconde zone puisqu'elles m'\u00e9taient port\u00e9es par la rumeur publique \u2013 ne pouvaient ni de pr\u00e8s ni de loin \u00eatre mises \u00e0 mon compte et m'irritaient, non point tant comme irritent les b\u00e9vues commises par un proche, mais parce que j'en avais les oreilles rebattues. A un bout, il y avait donc l'acceptation les yeux ferm\u00e9s d'une m\u00e9tamorphose absurde mais s\u00e9duisante comme un conte de f\u00e9es ; \u00e0 l'autre bout, le refus de me compromettre dans de mesquines histoires qui, elles aussi, concernaient l'activit\u00e9 artistique mais prise du c\u00f4t\u00e9 linge sale et regard\u00e9e de l'\u0153il le plus critique. Entre cette adh\u00e9sion enfantine et ce rejet d\u00e9senchant\u00e9, il y avait mon int\u00e9r\u00eat captiv\u00e9 pour les faits et gestes de cette Sandier ou Sanguier dont le nom \u00e0 go\u00fbt de sang et d'incendie aurait pu \u00eatre celui d'un corsaire ou d'un chef de bande, actrice au talent certainement un peu gros mais empreint d'une g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 dont le couple \u00e9voluant souverainement dans l'intellectualit\u00e9 la plus haute \u00e9tait d\u00e9pourvu tout autant que le pauvre sire vaniteux pour qui les th\u00e9\u00e2tricules o\u00f9 il tentait platement de se faire jouer repr\u00e9sentaient un Olympe inaccessible.\n\nMenant sous les esp\u00e8ces de ce m\u00e9nage la vie presque divine dont j'ai longtemps r\u00eav\u00e9 \u2013 une vie \u00e0 la Coleridge ou \u00e0 la Thomas de Quincey ouverts tout aussi bien aux sortil\u00e8ges aventureux de l'opium qu'aux fins propos tenus devant le th\u00e9 \u2013 j'\u00e9tais fondu avec lui sans qu'il y e\u00fbt entre nous l'\u00e9cart, f\u00fbt-il minime, qu'aurait exprim\u00e9 le fait de lui donner un nom. A l'inverse, j'avais affubl\u00e9 du pseudonyme burlesque de \u00ab Kipouls \u00bb le personnage avec lequel je refusais de me d\u00e9couvrir la moindre analogie. Anonyme tant que je m'\u00e9tais projet\u00e9 tout entier dans son image encore \u00e9clair\u00e9e sourdement par les feux de la rampe, la femme de th\u00e9\u00e2tre avait re\u00e7u le beau nom de Sandier ou Sanguier \u00e0 partir du moment o\u00f9, sans me d\u00e9simpr\u00e9gner d'elle, j'avais commenc\u00e9 \u00e0 m'en diff\u00e9rencier. Revenu des hauteurs utopiques du temps o\u00f9 les po\u00e8tes \u00e0 qui j'aurais aim\u00e9 ressembler me paraissaient des \u00eatres d'une autre argile comme les dandies, les proph\u00e8tes ou les demi-dieux, invaincu pourtant par la d\u00e9courageante foison de Babels lilliputiennes que ma vue \u2013 en s'aiguisant \u2013 m'a r\u00e9v\u00e9l\u00e9e peu \u00e0 peu dans ce domaine, il semble qu'avec cette figure de la com\u00e9dienne, bient\u00f4t pos\u00e9e \u00e0 distance comme si je ne l'avais d\u00e9tach\u00e9e de moi que pour mieux l'admirer, je tenais la balance \u00e9gale entre l'effusion na\u00efvement supraterrestre et le regard qui r\u00e9duit \u00e0 l'\u00e9tat de poussi\u00e8re tout ce qu'il jauge pour le remettre \u00e0 sa place.\n\nIllusion disparue sans que j'eusse \u00e0 tenter de m'y d\u00e9rober, le couple d'esth\u00e8tes anglais ne m'avait gu\u00e8re occup\u00e9 que pendant vingt-quatre heures. Si mon cousin le rat\u00e9 se montrait plus tenace, c'\u00e9tait \u00e0 mon corps d\u00e9fendant. Je subissais, en revanche, d'assez bon gr\u00e9 les incursions tout aussi indiscr\u00e8tes de cette femme de th\u00e9\u00e2tre qui, \u00e0 la fa\u00e7on marginale d'une prostitu\u00e9e (elle aussi vou\u00e9e au fard, \u00e0 la vie nocturne et aux lumi\u00e8res factices), avait eu pour m\u00e9tier d'\u00e9mouvoir un public et de l'enclore pour un temps dans le cercle magique d'une s\u00e9duction toute personnelle. N'en faut-il pas d\u00e9duire que si, avec le couple anglais, j'avais laiss\u00e9 rentrer chez eux les purs esprits qui tr\u00f4nent dans la transcendance de l'art et si, en repoussant l'ind\u00e9sirable Kipouls, j'entendais fuir les cuistres qui en usent \u2013 sans gr\u00e2ce \u2013 comme d'un moyen d'obtenir une certaine consid\u00e9ration sociale, je me sentais de plain-pied avec ceux dont la vieille t\u00eate d'affiche parisienne \u2013 au jeu toujours scintillant de passion \u2013 m'apparaissait un exemple achev\u00e9 ? Ni ange ni d\u00e9mon, mais fantaisie au d\u00e9coup\u00e9 bien vivant, elle avait probablement \u00e9t\u00e9 mand\u00e9e \u2013 dans cet enfer en chambre o\u00f9 ma r\u00eaverie tenait lit de justice \u2013 pour m'offrir, en un frappant raccourci, l'image de la condition d'artiste dans sa v\u00e9rit\u00e9 pour moi la plus aigu\u00eb : m\u00e9lange de splendeurs et de mis\u00e8res, de grandeur et de servitude, cette condition \u00e9quivoque dont malgr\u00e9 la fulgurante indication de Baudelaire sur l'art consid\u00e9r\u00e9 comme une prostitution j'ai \u00e9t\u00e9 long \u00e0 saisir que don de soi et d\u00e9sir de plaire, sinc\u00e9rit\u00e9 et mise en sc\u00e8ne, s'y ajustent selon la m\u00eame n\u00e9cessit\u00e9 que l'avers et le revers dans une pi\u00e8ce de monnaie, quel que soit le souverain \u00e0 l'effigie de qui les fondeurs l'ont frapp\u00e9e.\n\nC'est une actrice, que sa retraite n'emp\u00eachait pas de travailler au bien de sa profession, qui \u00e9tait venue jusqu'\u00e0 moi comme l'incarnation du type d'artiste que je tiens aujourd'hui pour le plus \u00e9mouvant et que la crainte de b\u00eatement l\u00e9gif\u00e9rer, \u00e0 partir de quelque chose qui me touche d'une fa\u00e7on toute personnelle et peut-\u00eatre purement circonstancielle, me retient seule de d\u00e9clarer exemplaire : la fougue avec laquelle elle avait toujours jou\u00e9 l'avait montr\u00e9e prise au pi\u00e8ge et comme amoureuse des gestes qu'elle faisait et des paroles qu'elle pronon\u00e7ait ; c'est une relation elle aussi d'ordre amoureux qui l'avait li\u00e9e \u00e0 son public ; or maintenant il \u00e9tait clair que, par-del\u00e0 cet amour qu'\u00e0 travers celui de son jeu elle avait de sa propre personne, elle aimait assez le th\u00e9\u00e2tre pour ne pas songer qu'\u00e0 elle-m\u00eame, puisque l'unique attache qu'elle e\u00fbt gard\u00e9e avec le monde c'\u00e9tait son d\u00e9vouement envers ceux dont elle pouvait se dire que la sc\u00e8ne les avait consum\u00e9s ou que, plus jeunes, ils se pr\u00e9paraient bravement \u00e0 en subir l'\u00e9preuve. Voulais-je me prouver que si je n'avais pas le m\u00eame amour inconditionn\u00e9 de mon m\u00e9tier j'\u00e9tais capable moi aussi de jouer mon r\u00f4le avec fougue et d'entrer \u00e0 fond dans la peau de mon personnage, quand j'avalai la dose de poison qui m'a conduit en imagination dans ce Bruxelles dont j'ai longtemps essay\u00e9 de comprendre pourquoi mon d\u00e9lire l'avait choisi, pensant d'abord que ce choix avait pu m'\u00eatre sugg\u00e9r\u00e9 par le fait que mes h\u00f4tes de la cocktail-party y \u00e9taient all\u00e9s dans les jours qui avaient pr\u00e9c\u00e9d\u00e9 imm\u00e9diatement cette r\u00e9union, par le fait encore que c'\u00e9tait \u00e0 Bruxelles que j'avais rencontr\u00e9 pour la premi\u00e8re fois cette jeune femme avec qui j'avais trop ostensiblement flirt\u00e9, me demandant enfin si ce n'est pas pour une raison plus profonde en m\u00eame temps que plus simple : attach\u00e9 \u00e0 cette ville par des souvenirs enfantins qui me restent tr\u00e8s chers, et notamment par celui de ma tante Claire que je vis l\u00e0 dans tout son \u00e9clat de cantatrice, j'y \u00e9tais peut-\u00eatre revenu comme un taureau bless\u00e9 retourne \u00e0 sa _querencia_ et cherche \u00e0 se retrancher sur l'\u00e9troit morceau de terrain qu'il a choisi pour lieu d'asile ?\n\nDans cette chambre qu'une fois l'illusion bruxelloise dissip\u00e9e je ne parvins pourtant pas tout de suite \u00e0 localiser (situant d'abord l'h\u00f4pital Claude-Bernard vers la rue de ce nom, soit au sud du quartier des \u00c9coles, et non pas au nord de Paris, pr\u00e8s de la Porte d'Aubervilliers), chaque nuit mon cousin prenait la rel\u00e8ve de la com\u00e9dienne. Il ne me vint pas \u00e0 l'esprit qu'une relation p\u00fbt exister entre deux personnages de couleurs aussi contraires et dont la succession r\u00e9pondait \u00e0 celle de deux motifs tr\u00e8s distincts. De l'ex-\u00e9toile \u00e0 l'insipide aspirant dramaturge, la distance \u00e9tait telle que c'est \u00e0 peine si je remarquai qu'il y avait d'elle \u00e0 lui une certaine similitude de profession. Je relevai encore bien moins que tous deux ils me reportaient \u00e0 la m\u00eame \u00e9poque r\u00e9volue, elle, avec sa notori\u00e9t\u00e9 qui devait remonter aux premi\u00e8res ann\u00e9es du si\u00e8cle, lui, dans la mesure o\u00f9 les ragots dont il \u00e9tait l'objet concernaient, non l'homme mari\u00e9 que j'ai surtout connu, mais le c\u00e9libataire que je rencontrais quand j'\u00e9tais, moi, un tr\u00e8s petit gar\u00e7on. A plus forte raison, je ne remarquai pas qu'avec l'une comme avec l'autre je prenais pied dans un secteur assez particulier de mon pass\u00e9 lointain. La vieille gloire dont le nom rappelait \u00e0 quelques-uns tant de belles soir\u00e9es \u00e9tait, en effet, un condens\u00e9 des gloires de ma prime jeunesse et le sillage \u00e9tincelant de ce nom, qui avait couru sur toutes les bouches dans le tumulte du boulevard, ne laissait pas de refl\u00e9ter certains \u00e9merveillements que Paris m'avait jadis fait \u00e9prouver (comme le soir o\u00f9 l'on m'avait emmen\u00e9 dans les parages de la Madeleine ou de l'Op\u00e9ra tout fourmillants de promeneurs voir les \u00ab illuminations \u00bb dont une visite, je crois, du roi des Belges avait \u00e9t\u00e9 l'occasion). Mon cousin si injustement chang\u00e9 en z\u00e9ro qui se pousse du col me rapprochait, malgr\u00e9 sa terne figure, du m\u00eame fond brillant et l\u00e9g\u00e8rement \u00e9quivoque, puisqu'en lui se rassemblait confus\u00e9ment cette branche \u00ab artiste \u00bb de ma famille maternelle \u00e0 laquelle ce n'\u00e9tait sans doute pas par un simple hasard qu'une cantatrice s'\u00e9tait alli\u00e9e et dont je sus assez t\u00f4t qu'elle comptait dans un rameau \u00e9loign\u00e9 la trop fameuse com\u00e9dienne Lanthelme (dont le collier de perles contribuait \u00e0 son renom assez trouble de jolie femme et qui, presque \u00e0 la veille de la guerre de 1914, disparut \u00e9nigmatiquement dans les eaux du Rhin alors qu'elle naviguait en yacht avec le directeur d'un grand journal parisien et quelques autres personnes).\n\nA l'inverse du couple d'esth\u00e8tes, si inconsistant dans ses hauteurs \u00e9th\u00e9r\u00e9es qu'il avait \u00e9t\u00e9 comme un parfum de fleurs en lequel on se perd mais dont la suite de la promenade a vite fait de vous s\u00e9parer, l'actrice vieillie et le c\u00e9libataire acharn\u00e9 \u00e0 se faire conna\u00eetre collaient \u00e0 moi de tout le poids de la couche de souvenirs qui, en eux, \u00e9tait sous-entendue. Ce qu'ils portaient ainsi comme une richesse de contrebande, ce n'\u00e9tait pas la vie artiste telle que j'ai pu l'imaginer lorsque j'ai pris \u00e0 c\u0153ur d'\u00eatre un po\u00e8te, mais un pan beaucoup plus archa\u00efque de ma vie v\u00e9cue : celui qui, par-del\u00e0 les splendeurs dont m'avaient primitivement \u00e9bahi le pont Alexandre III (comme dor\u00e9 sur tranche) et le carrosse du comte de Chambord (rutilant \u00e0 l'\u00e9gal du nom de son royal propri\u00e9taire), me permit d'entrevoir ce monde \u00e0 part que le petit mot \u00ab art \u00bb sert \u00e0 poser comme un tout, bien qu'inapte \u00e0 r\u00e9sumer la fantastique diversit\u00e9 de ses prestiges.\n\nAinsi nomm\u00e9e \u00e0 cause de ses espaces ombreux d'o\u00f9 gens et choses paraissent \u00e9merger, alors qu'elle repr\u00e9sente (comme chacun sait) une sc\u00e8ne de plein jour, _La Ronde de nuit_ de Rembrandt est le premier monument de la peinture qu'il m'ait \u00e9t\u00e9 donn\u00e9 d'admirer en \u00e9tant d\u00fbment inform\u00e9 de sa qualit\u00e9 de chef-d'\u0153uvre. J'avais huit ou neuf ans, et mes parents nous avaient emmen\u00e9s faire un tour en Hollande \u00e0 l'occasion soit de vacances de P\u00e2ques commenc\u00e9es \u00e0 Bruxelles \u2013 o\u00f9 depuis son veuvage r\u00e9sidait ma tante Claire \u2013 soit d'un s\u00e9jour d'\u00e9t\u00e9 sur une plage de la mer du Nord. En m\u00eame temps que le \u00ab clair-obscur \u00bb qui faisait ressortir, avec le personnage central, une figure au second plan qu'on pourrait croire celle d'une femme tr\u00e8s petite (comme l'\u00e9tait ma m\u00e8re) mais dont je sais aujourd'hui qu'elle est celle d'une fillette \u00e0 longue robe, j'appr\u00e9ciai le caract\u00e8re historique du tableau et, singuli\u00e8rement, l'allure Louis XIII des costumes masculins et des grands feutres mousquetaire, le tout enduit d'une noble patine et ainsi embrum\u00e9 dans l'exacte proportion qu'exigeait l'anciennet\u00e9 de la sc\u00e8ne. Au cours de ce voyage, je vis encore _La Le\u00e7on d'anatomie_ (\u00e0 propos de laquelle mon p\u00e8re fit remarquer que le cadavre qu'on diss\u00e8que semblait \u00e9clairer la pi\u00e8ce o\u00f9 le tableau \u00e9tait accroch\u00e9) et d'autres grands \u00e9chantillons de la peinture flamande parmi lesquels (si c'est bien l\u00e0 qu'il se trouve) un _Christ en croix_ de Van Dyck, ce Christ aux chairs fauves et ravin\u00e9es que ma m\u00e8re, en Hollande ou ailleurs, jugea si \u00e9mouvant d\u00e8s qu'elle y porta les yeux et dont le path\u00e9tique, convoy\u00e9 jusqu'\u00e0 moi par l'attitude de ma m\u00e8re, me frappa moi aussi. Les vacances de l'\u00e9t\u00e9 pr\u00e9c\u00e9dent s'\u00e9taient \u00e9coul\u00e9es dans une localit\u00e9 proche du lac L\u00e9man que nous avions quitt\u00e9e pour quelques excursions, allant \u00e0 Fribourg (o\u00f9 je vis, dans un d\u00e9cor de ville ancienne dont je ne me rappelle nul d\u00e9tail mais seulement l'atmosph\u00e8re vieillotte, un chat gris ou tigr\u00e9 d'une taille ph\u00e9nom\u00e9nale qui se tenait assis devant une porte), \u00e0 Berne (dont je n'ai retenu que les ours), \u00e0 Zermatt d'o\u00f9 nous mont\u00e2mes sur une montagne qui mesure, je ne l'ai pas oubli\u00e9, 3.136 m\u00e8tres de haut et qui s'appelle le Gornergratt. Commenc\u00e9 par une nuit de chemin de fer, ce voyage-l\u00e0 avait \u00e9t\u00e9 le premier que je faisais hors des fronti\u00e8res et je n'ai pas oubli\u00e9 comment, dans les gares suisses, le spectacle des chefs de station \u00e0 casquette rouge et abondamment galonn\u00e9e me donnait le sentiment \u00e9merveill\u00e9 d'\u00eatre loin de chez nous. J'en rapportai plusieurs bibelots de bois repr\u00e9sentant des ours, quelques pierres verd\u00e2tres et feuillet\u00e9es ramass\u00e9es dans des chemins montagnards, ainsi qu'une carte postale ou autre image en couleurs montrant l'express du Simplon lanc\u00e9 \u00e0 toute vapeur. L'attraction no1, qui fut aussi l'attraction finale, avait \u00e9t\u00e9 la mont\u00e9e au Gornergratt o\u00f9 j'appris, devant le mont Cervin et le mont Rose (qu'animait comme une file de fourmis une caravane d'alpinistes visible au t\u00e9lescope), quel orgueilleux enivrement l'on \u00e9prouve en face des hautes cimes, m\u00eame quand on a pour belv\u00e9d\u00e8re un endroit o\u00f9 vous a men\u00e9 le funiculaire. R\u00e9v\u00e9lation de la nature sous son aspect \u00ab neiges \u00e9ternelles \u00bb, comme un premier degr\u00e9 d'initiation avant celui qui, l'an suivant, consisterait \u00e0 prendre un avant-go\u00fbt des beaut\u00e9s que peuvent produire des mains humaines.\n\nEntre la d\u00e9couverte du site montagnard o\u00f9 les touristes viennent de loin pour contempler le panorama et celle du chef-d'\u0153uvre qui semble n'avoir \u00e9t\u00e9 peint que pour devenir lui aussi un but de p\u00e8lerinage, entre ces deux d\u00e9couvertes de merveilles du monde qui ne jouaient pas sur le m\u00eame plan \u2013 la premi\u00e8re au niveau de ce qu'on m'avait enseign\u00e9 des sept jours de la Cr\u00e9ation, la seconde au niveau plus proche mais \u00e0 peine moins imposant des prodiges que certains hommes ont eu le privil\u00e8ge de r\u00e9aliser \u2013 c'est une ann\u00e9e au plus qui s'\u00e9tait \u00e9coul\u00e9e. Mais il est s\u00fbr qu'en passant de l'excursion au Gornergratt \u00e0 la visite du mus\u00e9e d'Amsterdam le gamin que j'\u00e9tais avait franchi un seuil important : alors qu'au Gornergratt le voyage en funiculaire et la pr\u00e9sence d'instruments tels que table d'orientation et t\u00e9lescope \u00e9taient entr\u00e9s pour beaucoup dans mon plaisir, en cela gu\u00e8re distinct de celui que je trouvais au milieu de mes jouets (sauf que cette fois les choses se passaient en grand et qu'il \u00e9tait bien entendu que ce n'\u00e9tait pas \u00ab pour rire \u00bb), le mus\u00e9e d'Amsterdam ne m'avait rien offert qui f\u00fbt de l'ordre du jeu ou de la pi\u00e8ce \u00e0 grand spectacle et le plaisir que j'y avais pris, s'il n'\u00e9tait pas encore celui d'un dilettante, \u00e9tait du moins le contentement profond d'un jeune gar\u00e7on tout fier d'avoir \u00e9t\u00e9 jug\u00e9 en mesure d'appr\u00e9cier ce qu'on lui pr\u00e9sentait comme un haut lieu de la peinture.\n\nPesante robe de la fr\u00eale cr\u00e9ature qui semble avoir crois\u00e9 la garde civique par hasard et, en passant, s'\u00eatre tourn\u00e9e vers celui qui observait la sc\u00e8ne et en a fait le tableau, vestes barr\u00e9es ou ceintur\u00e9es de soie, chapeaux emplum\u00e9s, barbes pointues des deux officiers qu'on voit marcher en t\u00eate du cort\u00e8ge, lueurs de casques et de pertuisanes (ou autres armes au large fer compliqu\u00e9), drapeaux \u00e0 demi d\u00e9ploy\u00e9s vers le fond et, dans un angle, tambour dont on croirait entendre le battement voil\u00e9, quelque part un chien qui fait penser au chien du r\u00e9giment, \u2013 comment savoir ce que releva exactement de ces d\u00e9tails l'enfant de huit ou neuf ans bouche b\u00e9e devant _La Ronde de nuit,_ si galvaud\u00e9e que je la range maintenant parmi les \u0153uvres dont on arrive \u00e0 douter de les avoir vues, tant il est malais\u00e9 de faire la part de ce qu'on a tir\u00e9 de leur vision r\u00e9elle et de celle, maintes fois renouvel\u00e9e, de leurs reproductions ! Me reportant \u00e0 une gravure de dictionnaire (aide-m\u00e9moire le plus discret et de ce fait le plus s\u00fbr) pour essayer de retrouver ma premi\u00e8re impression en la faussant le moins possible, j'ai tout de suite constat\u00e9 que cela ne menait \u00e0 rien... Ce qui reparaissait \u00e0 travers la gravure, c'\u00e9tait une quantit\u00e9 de _Ronde de nuit_ regard\u00e9es \u00e0 diverses \u00e9poques et dont la plus ancienne \u2013 si toutefois mon d\u00e9sir de r\u00e9miniscence ne me pousse pas \u00e0 imaginer \u2013 \u00e9tait non point l'original (\u00e0 la chaude tonalit\u00e9 sombre et dor\u00e9e) contempl\u00e9 lors de la visite du mus\u00e9e d'Amsterdam, mais une estampe qui devait faire partie du modeste tr\u00e9sor artistique expos\u00e9 sur les murs de notre 8 rue Michel-Ange. Outre sa pi\u00e8ce ma\u00eetresse, le portrait au fusain ou au crayon que le c\u00e9l\u00e8bre Munkacsy avait dessin\u00e9 sous les yeux de mon grand-p\u00e8re maternel en copiant sa propre image refl\u00e9t\u00e9e dans un miroir (ce qui nous \u00e9tait pr\u00e9sent\u00e9 comme une mani\u00e8re de tour de force et expliquait, \u00e0 en croire nos \u00e9ducateurs, une certaine singularit\u00e9 du regard), cet assemblage h\u00e9t\u00e9roclite comprenait, avec un _Rouget de l'Isle composant_ \u00ab _la Marseillaise_ \u00bb ainsi qu'une lithographie de L\u00e9andre repr\u00e9sentant Pierrot et Colombine en compagnie d'un chat noir dont la p\u00e2le lunule qu'il serait mals\u00e9ant de nommer apparaissait au-dessous de sa queue dress\u00e9e, une peinture \u00e0 l'huile de dimensions moyennes sign\u00e9e \u00ab Horace de Callias \u00bb, envoi au Salon dont je ne sais pourquoi la carri\u00e8re s'achevait chez nous et qui montrait, vue je crois \u00e0 l'automne, une all\u00e9e de jardin public avec une promeneuse en toilette de ville et pr\u00e9sent\u00e9e de profil, \u00e0 cela s'adjoignant plusieurs \u0153uvres de techniques et de formats divers qui n'avaient gu\u00e8re d'autre sens que celui de reliques familiales : miniatures datant de la grande R\u00e9volution et figurant trois ou quatre de ces a\u00efeux qui, du c\u00f4t\u00e9 de ma m\u00e8re, furent des royalistes mais, du c\u00f4t\u00e9 de mon p\u00e8re, compt\u00e8rent un r\u00e9publicain catalogu\u00e9 comme r\u00e9gicide ; portraits \u00e0 l'eau forte de mon p\u00e8re et de son propre p\u00e8re le d\u00e9port\u00e9 de Lambessa par celui de mes oncles paternels qui, mort trop t\u00f4t pour que je l'aie connu, avait \u00e9t\u00e9 un graveur de m\u00e9tier ; groupe d'amours XVIIIe si\u00e8cle qu'avait peints, lui aussi en professionnel, un parent d\u00e9funt de ma m\u00e8re et dont les ailes agr\u00e9mentant leurs corps potel\u00e9s faisaient pour moi de charmants \u00ab petits anges \u00bb ; vieille toile, enfin, reproduisant les traits de l'une de mes arri\u00e8re-grand-m\u00e8res, une femme entre deux \u00e2ges, me semblait-il (bien qu'elle d\u00fbt \u00eatre jeune encore quand elle posa ainsi en Maternit\u00e9), coiff\u00e9e d'un vaste chapeau de paille \u00e0 brides et tenant endormi dans ses bras un b\u00e9b\u00e9 nu \u2013 ma grand-m\u00e8re maternelle \u2013 entre les mains de qui le portraitiste anonyme avait plac\u00e9 une grappe de raisin.\n\nComme tout ce que notre troisi\u00e8me \u00e9tage de la rue Michel-Ange contenait d'objets d'art ou de bibelots, ces \u0153uvres peintes, dessin\u00e9es ou grav\u00e9es et jusqu'\u00e0 celles que pas la moindre invisible fibrille ne reliait \u00e0 quelque s\u00e9quence de la mythologie familiale \u2013 l'affiche au blanc Pierrot de L\u00e9andre, par exemple, ou le jardin public peint par Horace de Callias qui n'\u00e9taient, l'une, qu'une image encadr\u00e9e que mon p\u00e8re aimait bien, l'autre, qu'un tableau dont j'ignorais pourquoi il \u00e9tait l\u00e0 et qui au demeurant ne me racontait rien \u2013, ces \u0153uvres fix\u00e9es aux murs entre lesquels je respirais \u00e9taient, avant tout, des morceaux du d\u00e9cor quotidien et ne se diff\u00e9renciaient gu\u00e8re d'un objet de pi\u00e9t\u00e9 comme le crucifix sur fond de velours rouge que ma m\u00e8re conserva jusqu'\u00e0 son dernier jour, ni des autres rep\u00e8res auxquels pouvait s'accrocher ce que je savais de mes parents et de ceux qui, vivants ou morts, appartenaient \u00e0 notre cercle. Pour m'ouvrir une premi\u00e8re lucarne sur l'esp\u00e8ce d'autre monde que l'\u0153uvre d'art a pour fonction d'instaurer, il fallait non seulement un authentique chef-d'\u0153uvre devant lequel je serais invit\u00e9 express\u00e9ment \u00e0 m'extasier mais sans doute \u00e9galement un chef-d'\u0153uvre qui f\u00fbt hors de port\u00e9e de la main, comme _La Ronde de nuit,_ et qu'un voyage aussi consid\u00e9rable que l'\u00e9tait pour moi le voyage de Hollande \u00e0 l'\u00e2ge o\u00f9 je le fis m'am\u00e8nerait \u00e0 d\u00e9couvrir. Ce que j'aurais pu voir au Louvre e\u00fbt, faute de l'\u00e9cart voulu, particip\u00e9 tant soit peu du souvenir de famille, ainsi qu'il en \u00e9tait pour moi de monuments tels que le Palais de Versailles ou le Tombeau de Napol\u00e9on. Plus distante, et pourvue de prolongements historiques distincts de ceux qui m'\u00e9taient plus ou moins familiers, _La Ronde de nuit_ m'en imposait de tous les kilom\u00e8tres qu'il avait fallu parcourir pour \u00eatre \u00e0 m\u00eame de la regarder et m'amenait \u00e0 commencer de soup\u00e7onner qu'il existe des peintures dont, par-del\u00e0 leur sujet, la vertu inappr\u00e9ciable est de montrer ce que c'est que la grande peinture.\n\nC'est en Hollande, donc, que j'ai franchi le seuil pr\u00e9liminaire apr\u00e8s lequel viendrait un autre seuil que je ne franchirais, celui-l\u00e0, qu'une fois devenu un adolescent si ce n'est un jeune homme : \u00eatre \u00e9mu par un tableau qu'aucune gloire ne magnifie et qui ne doit son attrait \u00e0 nul aspect historique ou anecdotique. Ce sont, je crois, des paysages de Jongkind \u2013 autre peintre flamand \u2013 que je vis ainsi au hasard d'une promenade au mus\u00e9e du Louvre. Je serais tr\u00e8s en peine de dater cette promenade et, tout aussi bien, d'en indiquer les circonstances. Ce dont je suis pourtant presque certain, c'est que devant ces tableaux ou aquarelles de Jongkind j'\u00e9prouvai pour la premi\u00e8re fois quelque chose qui n'\u00e9tait ni le sentiment d'admiration un peu protocolaire que m'avait inspir\u00e9 _La Ronde de nuit,_ costumes et accessoires du genre grand op\u00e9ra aidant, ni l'int\u00e9r\u00eat encore tout enfantin que j'avais eu pour l'\u00e9l\u00e9giaque et coquette expression de l'amour maternel qu'offre le double portrait dans lequel Mme Vig\u00e9e-Lebrun (qui peignit la reine Marie-Antoinette) s'est repr\u00e9sent\u00e9e serrant sa fille entre ses beaux bras qu'on pr\u00e9sume tr\u00e8s doux, ni l'\u00e9bahissement devant d'imposantes compositions comme _Les Noces de Cana_ ou _Le Sacre de Napol\u00e9on,_ ni l'\u00e9merveillement amus\u00e9 que me procurait la verve romantique de Gustave Dor\u00e9 quand je feuilletais les ouvrages qu'il a illustr\u00e9s ( _Roland furieux, Don Quichotte, La Divine Com\u00e9die,_ les _Fables_ de La Fontaine ou bien _Le Capitaine Fracasse_ qui se trouve \u00eatre le premier livre proprement litt\u00e9raire que j'aie lu et dont j'aie appr\u00e9ci\u00e9 qu'il f\u00fbt, comme on disait chez moi, \u00ab bien \u00e9crit \u00bb). Paysages que je me rappelle comme \u00e9tir\u00e9s dans le sens horizontal \u00e0 l'instar des longues plaines qu'ils repr\u00e9sentaient, avec peut-\u00eatre des moulins, des bateaux sur des eaux de fleuve ou de canal, des ciels aux nuages effiloch\u00e9s au-dessus de la terre jaune, peut-\u00eatre aussi des arbres maigres, les \u0153uvres de Jongkind \u2013 quel qu'ait pu \u00eatre exactement leur contenu \u2013 avaient ouvert pour moi d'\u00e9tonnantes trou\u00e9es dans les murs solennels du mus\u00e9e. Cet \u00e9tat ambigu de tendresse et de tristesse passionn\u00e9es auquel, beaucoup plus tard, mon engloutissement volontaire dans le coma provoqu\u00e9 par le ph\u00e9nobarbital r\u00e9pondrait comme s'il en e\u00fbt \u00e9t\u00e9 l'ach\u00e8vement au sens complet du terme, il me semble en avoir ressenti une annonce tr\u00e8s lointaine devant ces paysages dont, m\u00eame aujourd'hui, je ne suis pas capable de dire avec pr\u00e9cision sur quoi se fondait leur pouvoir insidieux. A regarder les touches l\u00e9g\u00e8res de couleurs avec lesquelles cet homme au nom de joncs ou de jonquilles poussant dru dans la froidure du Nord a \u00e9voqu\u00e9 des sites indubitablement localis\u00e9s mais dont elles nient plut\u00f4t qu'elles ne posent les limites, je me sentais combl\u00e9, mais en m\u00eame temps comme aspir\u00e9 hors de moi-m\u00eame et projet\u00e9 vers un horizon ind\u00e9finiment recul\u00e9. M\u00e9lange bizarre de d\u00e9tresse et d'exultation analogue \u00e0 ce que, depuis, m'ont paru s\u00e9cr\u00e9ter les produits du g\u00e9nie moderne qui \u2013 sur un plan bien distinct de celui de la peinture pure \u2013 me touchent au plus pr\u00e8s. Mettons, sans essayer de faire un floril\u00e8ge : les saltimbanques de Picasso et son rideau pour le ballet _Parade_ , les toiles cubistes en \u00e9chafaudages gris et beige syncop\u00e9s comme des ragtimes pour troupes de girls anglaises, certaines s\u00e9quences de Max Jacob et de quelques autres po\u00e8tes o\u00f9 c'est la po\u00e9sie qui devient th\u00e8me de po\u00e9sie, le conte _L'Enfant polaire_ de mon ami Limbour (natif du Havre) et la musique \u00e9trangement d\u00e9nud\u00e9e de Satie (n\u00e9 comme on sait \u00e0 Honfleur). En termes mieux pes\u00e9s : ce que j'aime en dehors de tout jugement intellectuel ou esth\u00e9tique et qui, en des instants certes m\u00e9lancoliques mais dont je doute que j'en connaisse de meilleurs, exprime avec une m\u00e9lodieuse simplicit\u00e9 ce qui \u2013 le temps au moins que dure cet enchantement \u2013 me semble \u00eatre ma v\u00e9rit\u00e9, inintelligible dans toute autre traduction...\n\nDe la chambre d'h\u00f4pital que je peuplais chaque nuit de mes r\u00eaveries tandis que v\u00e9g\u00e9tait \u00e0 quelques m\u00e8tres de moi une sorte de mort vivant, l'on avait vue, le jour, sur les chantiers et d\u00e9p\u00f4ts de la Compagnie du Gaz de Paris. Apr\u00e8s un lever de soleil dont, sortant du lit pour regarder \u00e0 travers la fen\u00eatre le ciel enfin \u00e9clairci, je pouvais admirer les d\u00e9licates couleurs pendant que mon oreille s'\u00e9gayait de p\u00e9piements d'oiseaux, un beau et sinistre paysage se formait, avec des tas de charbon presque aussi gros que des terrils, une passerelle m\u00e9tallique de hauteur et de longueur impressionnantes, un \u00e9difice sur\u00e9lev\u00e9 en poutrelles d'acier, vitres et bois, le tout tr\u00e8s d\u00e9labr\u00e9. C'est maintenant seulement que je mesure \u00e0 quel point le tableau qui, jusqu'\u00e0 la fin du jour, m'\u00e9tait ainsi offert s'apparentait \u00e0 ce qu'on voit des r\u00e9gions charbonni\u00e8res de France et de Belgique quand on fait par le train le voyage Paris-Bruxelles. Sur le moment, je me bornais \u00e0 go\u00fbter un spectacle qui m'\u00e9mouvait d'autant qu'il me semblait \u00e0 l'image de l'ambigu\u00eft\u00e9 de ma vie : ciel aux roseurs exquises au-dessus d'un morceau affligeant de banlieue industrielle, chants d'oiseaux qui m'arrivaient dans une retraite si empoussi\u00e9r\u00e9e de charbon (malgr\u00e9 les soins des filles de salle) qu'un jour que je m'\u00e9tais frott\u00e9 le cr\u00e2ne avec un peu d'eau de Cologne j'avais noirci mon tampon d'ouate en un instant, chants d'oiseaux pareils \u00e0 ceux que, dans mon sous-sol du Mus\u00e9e de l'Homme, au moment o\u00f9 se fermait la plaie d'une mauvaise querelle nous avions soudain entendus, avec celle qui cet apr\u00e8s-midi-l\u00e0 m'\u00e9tait clairement apparue comme d\u00e9p\u00each\u00e9e pour restituer une fra\u00eecheur \u00e0 mon existence mais y instiller en m\u00eame temps un poison. Si certains aspects de la Belgique et des Flandres se sont finalement accol\u00e9s \u00e0 ce fragment de banlieue nord, il a fallu pour cela que j'eusse l'occasion de retourner \u00e0 Bruxelles alors que je piochais depuis d\u00e9j\u00e0 longtemps dans le magma de r\u00eaveries d'o\u00f9 je cherche ind\u00e9fectiblement \u00e0 extraire quelque substance identifiable.\n\nCe d\u00e9placement qui m'a permis de revoir les pyramides mini\u00e8res gu\u00e8re moins belles \u00e0 distance que les tombeaux de Gizeh, je l'ai fait l'an dernier, pendant que se tenait \u00e0 Bruxelles une exposition internationale d\u00e9primante comme l'est d'ordinaire ce genre de manifestations, qui tendent en fait \u00e0 mettre au rang d'inventions pour Concours L\u00e9pine les produits de nos arts et de nos industries et \u00e0 faire toucher du doigt le peu \u00e0 quoi se r\u00e9duisent nos cr\u00e9ations. Manque de temps plus encore que d\u00e9couragement, c'est \u00e0 peine si, en passant, j'ai jet\u00e9 un coup d'\u0153il sur les monuments ou ensembles architecturaux (Sainte-Gudule par exemple et la place des Corporations) dont la visite avait \u00e9t\u00e9 l'un des clous du premier de ces tours effectu\u00e9s en Belgique quand j'\u00e9tais tout enfant et qui, suivis de la Hollande puis d'un s\u00e9jour outre-Manche deux ou trois ans apr\u00e8s comme si le Nord nous attirait \u00e0 la mani\u00e8re dont il le fait de l'aiguille aimant\u00e9e, ont pr\u00e9par\u00e9 les voies au go\u00fbt que j'ai profess\u00e9 pour les r\u00e9gions nordiques jusqu'\u00e0 l'\u00e9poque o\u00f9 mes voyages d'adulte ont commenc\u00e9 de m'apprendre qu'un romantisme peut trouver son climat ailleurs que dans les brumes ou dans les neiges du septentrion.\n\nSauf une premi\u00e8re journ\u00e9e pluvieuse, il fit assez beau durant le week-end \u00e9largi que ma femme et moi, escort\u00e9s d'un ami, nous pass\u00e2mes l\u00e0-bas, de sorte que nous circul\u00e2mes beaucoup, ceux qui nous recevaient nous menant tant\u00f4t \u00e0 l'exposition, tant\u00f4t en d'autres points de Bruxelles (dont les grandes voies commer\u00e7antes \u00e9taient le soir abondamment illumin\u00e9es, avec \u00e0 perte de vue des sortes d'arcs de triomphe en rampes l\u00e9g\u00e8res d'ampoules \u00e9lectriques comme une suite de ponts minces et brillants jet\u00e9s par-dessus la chauss\u00e9e), nous conduisant aussi \u00e0 Gand (saluer bien s\u00fbr _L'Agneau mystique_ ), \u00e0 Bruges (pour les mus\u00e9es, le B\u00e9guinage et la promenade en barque \u00e0 moteur sur les canaux), \u00e0 Li\u00e8ge, \u00e0 Ostende et m\u00eame \u00e0 Waterloo (o\u00f9 un vaste et poussi\u00e9reux panorama reconstitue en chambre la bataille). D\u00e9tail ethnographique, j'ai observ\u00e9 \u00e7\u00e0 et l\u00e0 ce que (m'a-t-on dit) l'on appelle des \u00ab postures \u00bb, vases, statuettes ou autres objets d'art de pacotille que maintes gens de la petite et de la moyenne bourgeoisie exposent derri\u00e8re la vitre de leur bow-window, face \u00e0 la rue, ce qui pr\u00eate \u00e0 ironiser sur l'art comme r\u00e9ponse \u00e0 un besoin d'ostentation : une belle chose, n'est-ce pas la chose qu'on aime (ou aimerait) \u00e0 faire voir, c\u00f4t\u00e9 collectionneur ce qu'est un beau diamant pour qui le porte au doigt, c\u00f4t\u00e9 auteur ce qu'est son membre en gloire pour l'exhibitionniste ? A Gand, je crois, j'ai bu de ce breuvage que d'aucuns (comme d'autres parlent punaise \u00e9cras\u00e9e \u00e0 propos du whisky) qualifient de pissat de cheval mais dont je suis tr\u00e8s friand, la _gueuze lambic,_ au go\u00fbt aigre, sur, en m\u00eame temps qu'un peu fruit\u00e9, dont la belle couleur orang\u00e9e tire sur l'acajou et qui, de fa\u00e7on plus surprenante encore que les boissons ferment\u00e9es africaines comme la bi\u00e8re de mil et le vin de palme, donne lorsqu'on l'absorbe l'impression que l'on s'assimile le monde v\u00e9g\u00e9tal lui-m\u00eame. Bref, malgr\u00e9 les r\u00e9flexions d\u00e9sabus\u00e9es auxquelles m'avaient conduit l'exposition et son tumulte forain, j'ai eu l\u00e0-bas quelques jours agr\u00e9ables, avec des gens que j'aime bien, aupr\u00e8s de qui je pouvais oublier tant soit peu la vilaine tournure prise en France par la politique depuis d\u00e9j\u00e0 plusieurs mois, avec la guerre d'Alg\u00e9rie s'\u00e9ternisant, l'arm\u00e9e bien d\u00e9cid\u00e9e \u00e0 n'en faire qu'\u00e0 sa t\u00eate et la totale d\u00e9sorientation de la plupart en face de la volont\u00e9 r\u00e9actionnaire de certains.\n\nL'\u00e9glise Sainte-Gudule, je n'avais aucune envie de la revoir ; non qu'une visite de cath\u00e9drale r\u00e9veille en moi quelque bile anticl\u00e9ricale, mais parce que je n'ai plus le m\u00eame go\u00fbt qu'autrefois pour les \u00e9glises gothiques d'un style tr\u00e8s fleuri (celles de Rouen et de Reims par exemple, autres objectifs touristiques de certaines vieilles vacances de P\u00e2ques), ces monuments dont mes parents me faisaient admirer la \u00ab dentelle de pierre \u00bb et dont j'appris, peut-\u00eatre un peu plus tard, que l'\u00e9lancement de leurs ogives invite \u00e0 la pri\u00e8re. La place des Corporations, je m'y serais au contraire arr\u00eat\u00e9 volontiers, car le souvenir que j'en ai est celui d'un ensemble, sinon d'une haute qualit\u00e9, du moins pittoresque et vivant, que je vois aujourd'hui comme un d\u00e9cor de th\u00e9\u00e2tre encadrant de sa guirlande de figures sculpt\u00e9es un d\u00e9fil\u00e9 des divers corps de m\u00e9tiers, dans quelque petite ville germanique, helv\u00e9tique ou bel et bien flamande du Moyen Age ou de la Renaissance, artisans et marchands passant par groupes avec des banni\u00e8res et des embl\u00e8mes \u00e0 profusion devant les bourgmestres et les \u00e9chevins, pour le final d'un spectacle qui tiendrait de _Hans le joueur de fl\u00fbte,_ de _Guillaume Tell_ et des _Ma\u00eetres Chanteurs de Nuremberg._\n\nNon loin de la place des Corporations \u2013 qui est situ\u00e9e, je crois, dans le vieux quartier des Marolles ou \u00e0 proximit\u00e9 \u2013 il y a la rue des \u00c9burons, o\u00f9 habitait ma tante Claire. Cette rue-l\u00e0, j'avoue que malgr\u00e9 mon attachement je n'y suis pas retourn\u00e9 depuis l'\u00e9poque o\u00f9 ma tante y vivait, partageant la vraie maison de poup\u00e9e qu'\u00e9tait son minuscule h\u00f4tel avec une domestique dont je me souviens que, point toute jeune et de maintien plus qu'honn\u00eate, elle portait un pr\u00e9nom en _a_ comme une soubrette d' _opera buffa_ et qu'apr\u00e8s plusieurs ann\u00e9es d'abn\u00e9gation totale, la t\u00eate soudain tourn\u00e9e par un amant, elle fila, main basse faite sur ce que la jolie bonbonni\u00e8re recelait de plus pr\u00e9cieux. Lors de ce voyage-ci, ce qui me lie \u00e0 cette rue avait repris en moi trop de vigueur et me touchait par un canal trop actuel pour que je n'eusse pas un franc d\u00e9sir d'y aller, avec cette r\u00e9serve pourtant que, si je souhaitais une promenade, je r\u00e9pugnais au p\u00e8lerinage. Expliquer \u00e0 mes amis pourquoi je tenais \u00e0 ins\u00e9rer cette visite dans un programme d\u00e9j\u00e0 charg\u00e9, leur demander \u00e9ventuellement de me guider, cela m'aurait men\u00e9 \u00e0 des consid\u00e9rations sentimentales auxquelles je veux bien me livrer si je le fais par \u00e9crit, avec la prise de distance inh\u00e9rente \u00e0 ce mode d'expression, mais que je ne pourrais aborder de vive voix sans \u00e9prouver une g\u00eane, qui e\u00fbt \u00e9t\u00e9 en l'occurrence d'autant plus forte que je me trouvais engag\u00e9 dans la prospection de cette couche m\u00eame de souvenirs, pour le travail qui trouve ici sa r\u00e9alisation formelle. Provoquer une visite qui m'aurait rappel\u00e9 \u00e0 point nomm\u00e9 un certain nombre de choses, il ne le fallait d'ailleurs \u00e0 aucun prix, car c'e\u00fbt \u00e9t\u00e9, en fait, organiser un ramassage de documents et impressions qui, s'ajoutant \u00e0 ce que d'elle-m\u00eame ma m\u00e9moire me fournit, auraient combl\u00e9 des vides, mais si m\u00e9caniquement que cela gr\u00e8verait le tout d'un poids mort. Pour un peu, je serais donc reparti de Bruxelles sans \u00eatre revenu \u00e0 cette rue des \u00c9burons dont le nom m'est rest\u00e9 \u00e0 cause, bien s\u00fbr, de ma tante Claire, mais \u00e0 cause \u00e9galement de ce qu'il a de curieux pour un enfant qui, dans les \u00ab \u00c9burons \u00bb, peut voir des gens de m\u00e9tier (b\u00fbcherons ou forgerons) aussi bien que les esp\u00e8ces de Hurons qu'\u00e9taient, si les noms ont un sens, ce peuple dont l'appartenance \u00e0 notre cercle n'est marqu\u00e9e par aucune filiation semblable \u00e0 celle qui conduit des _Alamans_ aux Allemands et des _Burgondes_ aux Bourguignons. Mais, par chance, tout s'arrangea sans qu'il y e\u00fbt besoin d'une requ\u00eate en forme : passant place des Corporations dans la voiture de notre h\u00f4tesse, je demandai si ce n'\u00e9tait pas dans ces parages que se trouvait la rue des \u00c9burons, o\u00f9 avait habit\u00e9 une parente \u00e0 moi qui chantait au th\u00e9\u00e2tre de la Monnaie. Aussit\u00f4t dit, aussit\u00f4t fait : \u00e0 vitesse r\u00e9duite nous remont\u00e2mes la rue paisible que j'avais connue et qui \u00e9tait effectivement toute proche. A la crois\u00e9e d'une autre rue, j'eus le temps d'apercevoir la blancheur cr\u00e9meuse d'une maison tr\u00e8s exigu\u00eb, situ\u00e9e en coin et dont la pi\u00e8ce d'angle du rez-de-chauss\u00e9e, coiff\u00e9e d'une \u00e9troite terrasse, pointait \u00e0 l'intersection des deux rues comme une proue de navire. C'\u00e9tait bien l\u00e0 l'endroit que je cherchais et, \u00e0 le mieux examiner, peut-\u00eatre aurais-je reconnu d'autres d\u00e9tails qui m'auraient ouvert la voie des r\u00e9miniscences... Toutefois je me contentai de cette vue rapide, car je ne voulais pas \u2013 ce qu'il m'e\u00fbt sembl\u00e9 faire de fa\u00e7on trop criante si nous avions stopp\u00e9 \u2013 prendre \u00e0 l'\u00e9gard de la maison retrouv\u00e9e l'attitude du peintre en arr\u00eat, les yeux clign\u00e9s et le crayon d\u00e9j\u00e0 pr\u00eat, devant le site ou la tranche de vie qui n'est plus pour lui qu'un motif dont il t\u00e2chera de tirer tout ce que son savoir-faire peut lui permettre de tirer.\n\nHormis son ext\u00e9rieur, dont je ne pensais d'ailleurs pas me souvenir assez pour tout de suite le reconna\u00eetre, ce que je me rappelle de cette maison se r\u00e9duit \u00e0 fort peu de chose : le calme et l'ordre qui r\u00e9gnaient dans le salon dont la pr\u00e9ciosit\u00e9 de bonbonni\u00e8re cadrait mal avec la beaut\u00e9 robuste de son habitante, fa\u00e7onn\u00e9e \u00e0 l'\u00e9chelle des sc\u00e8nes de th\u00e9\u00e2tres lyriques sur lesquelles elle se produisait ; la pr\u00e9sence, en bonne place dans ce salon trop mignard, d'un meuble vitr\u00e9 o\u00f9 ma tante conservait des objets dont je serais incapable aujourd'hui de dresser l'inventaire \u2013 f\u00fbt-il born\u00e9 aux t\u00eates de chapitres \u2013 mais dont je sais que plusieurs au moins se rapportaient \u00e0 sa vie de th\u00e9\u00e2tre. Parmi les bibelots ainsi gard\u00e9s sous vitre, je crois bien que ma tante nous montra une petite danseuse espagnole pareille \u00e0 celles que nous avions vues au deuxi\u00e8me acte de _Carmen_ quand nous \u00e9tions all\u00e9s \u00e0 la Monnaie l'entendre dans cet op\u00e9ra ; mais il est tr\u00e8s possible que je ne fasse ici que transf\u00e9rer dans la vitrine un souvenir du spectacle auquel nous avions assist\u00e9 et que je voie maintenant, ramen\u00e9 aux proportions d'une mince figurine, ce qui \u00e9tait originellement une ballerine aper\u00e7ue de toute la distance qui me s\u00e9parait de la sc\u00e8ne. Je me rappelle, en revanche, de la fa\u00e7on la plus nette la joie un peu intimid\u00e9e que j'\u00e9prouvai quand ma tante nous fit voir et toucher \u2013 pr\u00e9lev\u00e9e dans ce tr\u00e9sor de bibelots, peut-\u00eatre aussi prise sur une table ou sortie d'un tiroir \u2013 la paire de castagnettes qui \u00e9tait celle-l\u00e0 m\u00eame dont elle se servait lorsqu'elle chantait le r\u00f4le de la cigari\u00e8re qui sait jouer du couteau, tourner la t\u00eate aux hommes, courir la montagne en aidant \u00e0 la contrebande et d\u00e9chiffrer l'imminence de sa mort dans une combinaison de cartes contre laquelle sa malice ne peut rien.\n\nQue ma tante e\u00fbt appris \u00e0 manier des castagnettes pour donner \u00e0 la Carmencita tout son mordant et sa couleur locale, cela me semblait t\u00e9moigner d'une conscience professionnelle digne de la grande artiste qu'elle \u00e9tait. Mais qu'\u00e0 ses autres talents elle ajout\u00e2t ce talent-l\u00e0, et celui-l\u00e0 pr\u00e9cis\u00e9ment, c'\u00e9tait pour moi chose aussi merveilleuse que si elle avait d\u00e9montr\u00e9 que l'\u00e9tendue de ses dons n'avait pas de limites : elle qui, si besoin \u00e9tait, joignait \u00e0 l'art de la cantatrice celui de la gitane, y avait-il une performance ou une transformation dont elle f\u00fbt incapable quand l'un de ses r\u00f4les l'exigeait ? La paire de castagnettes qui rappelait que, chez notre Bruxelloise, nous \u00e9tions chez Carmen avait donc tout le poids d'une pi\u00e8ce \u00e0 conviction et je ne saurais dire \u00e0 quel titre elle m'en imposa le plus, quand ma tante nous la pr\u00e9senta comme l'un entre autres des objets qui faisaient le d\u00e9cor de sa vie quotidienne : accessoire de th\u00e9\u00e2tre et \u2013 telle une baguette de f\u00e9e que j'aurais pu toucher du doigt \u2013 embl\u00e8me d'une magie ainsi brusquement introduite entre les quatre murs d'un salon, ou bien preuve formelle des multiples capacit\u00e9s de cette belle et bonne chanteuse d'op\u00e9ra que j'avais le bonheur d'approcher, gr\u00e2ce \u00e0 la parent\u00e9 qui nous liait.\n\nA Bruxelles, pour la premi\u00e8re fois, j'avais vu ma tante Claire sur la sc\u00e8ne d'un th\u00e9\u00e2tre et, pour la premi\u00e8re fois aussi, je l'avais vue dans son intimit\u00e9. Nous avions rencontr\u00e9 sa plus proche famille : une s\u0153ur, je crois, et un beau-fr\u00e8re dont je sais maintenant qu'il dirigeait une entreprise d'ameublement, alors que j'ai pens\u00e9 jusqu'\u00e0 ces derniers temps qu'il poss\u00e9dait une verrerie et que nous avions m\u00eame visit\u00e9 sa fabrique, confusion irritante parce qu'elle me force \u00e0 me demander o\u00f9 diable j'ai pu voir cette verrerie dont il me reste, \u00e0 d\u00e9faut d'un tableau plus complet, une image pr\u00e9cise (un ouvrier soufflant sous nos yeux une bouteille ou un autre r\u00e9cipient) et parce qu'elle m'oblige \u00e0 regarder comme suspects bien des souvenirs d'enfance qui, jusque-l\u00e0, \u00e9taient pour moi des certitudes. Ces gens \u00e9taient les parents d'une gentille petite fille brune qu'on appelait \u00ab Clairot \u00bb, diminutif de Claire, le pr\u00e9nom de sa tante. _Sais-tu, Clairot...,_ lui disait souvent d'une voix douce et modul\u00e9e sa m\u00e8re, avec un accent dont mes propres parents ne laissaient pas de s'amuser, comme tant de Fran\u00e7ais sensibles seulement \u00e0 ce qui leur para\u00eet une d\u00e9formation de leur langue et port\u00e9s \u00e0 sourire d'inflexions qui, dans certaines bouches, ne font pourtant qu'agr\u00e9menter les mots de quelques fioritures et leur donner une saveur neuve.\n\nL'accent belge, ma tante ne l'avait certainement pas. Mais c'est bien l\u00e0 tout ce que je me rappelle, n\u00e9gativement, de sa voix de tous les jours. Lorsqu'elle chantait, la voix richement timbr\u00e9e ne semblait ni sortir de sa gorge ni arriver \u00e0 vos oreilles. C'\u00e9tait une onde qui vous enveloppait, vous \u00e9mouvait sans qu'on s\u00fbt d'o\u00f9 venait exactement son pouvoir : de ce qu'avaient de dramatique les paroles prononc\u00e9es (et qu'illustrait le visage facilement convuls\u00e9 de celle qui les \u00e9mettait), du caract\u00e8re de la m\u00e9lodie en laquelle s'incarnaient ces paroles ou bien de cette seule substance sonore, \u00e9toff\u00e9e comme le corps m\u00eame de sa productrice dont elle paraissait, plus encore que l'expression, l'irradiation ou la transposition sur un autre registre. Que me ferait cette voix si maintenant je l'entendais ? Et que me faisait-elle au juste quand tout le volume d'air que renfermait le salon de mes parents en \u00e9tait si p\u00e9n\u00e9tr\u00e9 qu'il me semble, r\u00e9trospectivement, que c'\u00e9tait cette voix m\u00eame qu'on respirait ? L'unique chose s\u00fbre est que tel me revient le souvenir qu'elle m'a laiss\u00e9 et que, si j'\u00e9coute aujourd'hui une voix de m\u00eame cat\u00e9gorie, ce qui me sert de pierre de touche pour estimer l'or de cette autre voix c'est ce que je crois avoir retenu de celle-ci.\n\n _D'art et d'amour..._ Ainsi commence, dans la version de langue fran\u00e7aise, le grand air du soprano au deuxi\u00e8me acte de _La Tosca,_ dont ma tante, qui d\u00e9j\u00e0 s'\u00e9tait fait conna\u00eetre en Belgique, avait \u00e9t\u00e9 la cr\u00e9atrice parisienne comme je le sais depuis peu gr\u00e2ce \u00e0 un compte rendu lu dans un vieux magazine. Avec le grand air de _Louise_ , celui de _Samson et Dalila_ d\u00e9di\u00e9 au \u00ab printemps qui commence \u00bb, l'air des Cartes de _Carmen_ et la Chanson du C\u0153ur de _La Glu,_ cet air \u00e9tait l'une des pi\u00e8ces ma\u00eetresses de son r\u00e9pertoire, \u00e0 l'\u00e9poque o\u00f9 elle venait chanter \u00e0 la maison et o\u00f9, trop jeune encore pour chicaner sur mon plaisir et pour m'embarrasser de vaines discriminations esth\u00e9tiques, je me laissais en toute simplicit\u00e9 enivrer par le philtre vocal dont, nature elle-m\u00eame sans d\u00e9tours, elle poss\u00e9dait comme de naissance le secret de fabrication.\n\nA cette \u00e9poque, je n'avais qu'une id\u00e9e tr\u00e8s confuse de l'op\u00e9ra de Puccini, dont je n'avais entendu que cet air o\u00f9 s'\u00e9panche la passion de la cantatrice Floria Tosca et celui dans lequel son amant, sur le point d'\u00eatre fusill\u00e9, dit adieu \u00e0 la vie. Je ne faisais gu\u00e8re attention au sens pr\u00e9cis des paroles ; mais, \u00e0 un niveau plus profond que celui de l'anecdote, l'alliance de l'art et de l'amour, celle de l'amour et d'une mort d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9e, \u00e9taient v\u00e9hicul\u00e9es non pas tant par les mots que par la m\u00e9lodie, comme si art, amour et mort d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9e avaient \u00e9t\u00e9 par d\u00e9finition inclus dans cette musique dont la beaut\u00e9 e\u00fbt exprim\u00e9, par sa seule existence, qu'il n'est pas de sommet qui ne participe de tout cela. Pour enfoncer en moi le clou de cette v\u00e9rit\u00e9 ou m'en donner, du moins, comme une obscure prescience, il n'\u00e9tait donc besoin que du chant, aid\u00e9 de ces quelques mots guides : art et amour, amour et mort, maillons d'une m\u00eame cha\u00eene ou plan\u00e8tes d'un m\u00eame syst\u00e8me.\n\nLa voix qui d\u00e9ployait ainsi quelque chose d'analogue \u00e0 ce qu'on nomme en cartomancie le _grand jeu,_ je me rappelle combien elle \u00e9tait ample, pure, puissante et velout\u00e9e. Mais le souvenir que j'en ai, s'il me permet d'\u00e9valuer le tr\u00e9sor que poss\u00e9dait ma tante Claire, n'y r\u00e9pond que d'une mani\u00e8re toute formelle et n'a pas l'acuit\u00e9 voulue pour que je puisse, mentalement, l'entendre \u00e0 nouveau chanter. Peut-\u00eatre cette voix me touchait-elle de si pr\u00e8s que je m'en laissais impr\u00e9gner sans presque l'\u00e9couter ? Peut-\u00eatre n'\u00e9tait-elle pour moi que l'une des fa\u00e7ons, entre autres, qu'avait de se manifester la cr\u00e9ature rayonnante que je ne parviens pas aujourd'hui \u00e0 s\u00e9parer nettement du d\u00e9cor de ses \u00e9piphanies et dont, aussi, je confonds plus ou moins ce qui fut sa pr\u00e9sence r\u00e9elle avec l'image grav\u00e9e en moi, depuis lors, par ses photographies ? La chemin\u00e9e de marbre blanc avec ses deux chandeliers de bronze \u00e0 tortillons, le piano, le lustre qu'au moment des vacances on enveloppait dans un tissu jaun\u00e2tre et l\u00e9g\u00e8rement brillant qui ressemblait \u00e0 du taffetas gomm\u00e9, la grande lampe au \u00ab lusol \u00bb dont la lumi\u00e8re me semblait avoir un tel \u00e9clat et cet autre objet vu souvent dans ce salon qui chez nous \u00e9tait la salle de musique, le violon de mon fr\u00e8re, en bois d'\u00e9b\u00e9nisterie aux ondulations de chevelure ch\u00e2tain, avec son manche dont l'extr\u00e9mit\u00e9 se recourbait en accroche-c\u0153ur ou en crosse d'\u00e9v\u00eaque et son archet \u00e0 crins blancs que l'usager, chaque fois qu'il devait jouer, frottait sur un bloc de colophane (qui, si j'y pense avec quelque insistance, m'appara\u00eet de la m\u00eame blondeur \u00e0 demi translucide qu'une pierre de myrrhe), ces choses jadis inanim\u00e9es font corps avec tout ce que j'ai retenu de ma tante Claire en tant que personne visible : la noirceur de ses cheveux et de ses sourcils, le rouge de sa bouche fortement dessin\u00e9e, la blancheur de sa peau, sa f\u00e9minit\u00e9 un peu lourde, plus luxuriante encore qu'il ne seyait dans ces premi\u00e8res ann\u00e9es du si\u00e8cle, et les robes facilement criardes qui rev\u00eataient cette d\u00e9esse bien en chair quand, gentiment et sans la moindre condescendance d'\u00e9toile, elle venait nous rendre visite.\n\nLe grand chapeau plumeux, la haute canne enrubann\u00e9e et l'\u00e9l\u00e9gance un peu trop appuy\u00e9e qui marquent chez Floria Tosca un d\u00e9classement comparable \u00e0 celui qu'a longtemps \u00e9voqu\u00e9 pour moi le qualificatif bizarre de \u00ab demi-mondaine \u00bb, c'est \u00e0 travers un portrait de ma tante provenant du studio de je ne sais quel photographe alors r\u00e9put\u00e9 que je les vois. Ce portrait d'elle, dans un personnage dont les particularit\u00e9s de costume paraissent naturelles puisqu'elles peuvent s'expliquer par le fait qu'il s'agit d'une femme de th\u00e9\u00e2tre, me la montrait en quelque sorte dans sa v\u00e9rit\u00e9, puisque le m\u00e9tier d'artiste \u00e9tait l'essentiel de sa vie et que, de celle-ci, je ne connaissais gu\u00e8re que cet unique aspect. D'autres portraits \u2013 que j'ai maintes fois consid\u00e9r\u00e9s \u2013 la repr\u00e9sentent tout \u00e0 la fois elle-m\u00eame et autre chose qu'elle-m\u00eame : Salom\u00e9 contemplant le chef tranch\u00e9 d'Yokanaan, \u00c9lektra dansant avec sa torche, L\u00e9onore travestie en Fidelio (accoutrement qu'elle portait tr\u00e8s mal et qui lui donnait l'air d'une oc\u00e9anide de blanchisserie que de f\u00e2cheuses illusions sur son genre de beaut\u00e9 auraient conduite \u00e0 se d\u00e9guiser en ramoneur ou en petit Savoyard montreur de marmotte pour quelque bal masqu\u00e9), princesse \u00e0 volumineuse couronne de l'antique cit\u00e9 d'Ys, ou bien encore vieille Bretonne en coiffe roulant des yeux tragiques, fille de ferme accorte offrant un pichet de vin avec un clair sourire, fra\u00eeche gaillarde aussi des _P\u00eacheurs de Saint-Jean,_ la t\u00eate charg\u00e9e d'une vaste corbeille emplie de fleurs, de fruits, de poissons ou de quelconques victuailles. Vus presque tous \u00e0 Nemours parmi la foison de souvenirs dont ma s\u0153ur ne s'est jamais s\u00e9par\u00e9e, ces autres portraits ont en moi plus de r\u00e9alit\u00e9 que celui \u2013 trop lointain \u2013 de ma tante dans les atours qui situent ostensiblement la Tosca, tueuse du policier qui pers\u00e9cute son amant, \u00e0 mi-distance de la courtisane au grand c\u0153ur et de la belle espionne. Pourtant, celui dont volontiers je me dirais \u00e9pris c'est ce premier portrait, si flou qu'il en devient douteux et que j'en suis \u00e0 me demander si \u2013 partant d'une photo de ma parente en toilette de ville ou de photos de th\u00e9\u00e2treuses brillamment attif\u00e9es comme j'en voyais autrefois aux pages des programmes, et proc\u00e9dant \u00e0 une sorte de collage tel qu'une figure enrichie peut-\u00eatre artificieusement des traits radieux de Claire Frich\u00e9 s'appuierait sur cette canne qu'une autre cantatrice portait \u00e0 l'acte I du drame quand je le vis repr\u00e9senter voil\u00e0 quelques ann\u00e9es \u2013 je ne l'aurais pas, en grande partie, reconstitu\u00e9 avec l'innocente mauvaise foi d'un restaurateur de monuments qui croit faire vrai en ajoutant une tour \u00e0 un vieux ch\u00e2teau ou une fl\u00e8che \u00e0 une cath\u00e9drale.\n\nRue des \u00c9burons, lors de mon dernier passage \u00e0 Bruxelles, une crainte m'avait retenu : me montrer \u00e0 la fois trop fleur bleue en r\u00e9clamant une halte et trop avide de tirer professionnellement parti de cet arr\u00eat. Or je suis maintenant pench\u00e9 \u2013 comme un amoureux ou comme un \u00e9rudit examinant des pi\u00e8ces d'archives \u2013 sur des photographies que je cherche \u00e0 faire resurgir afin d'y retrouver l'image r\u00e9elle de ma tante en m\u00eame temps qu'elles me fournissent, litt\u00e9rairement, ce qu'en langage de cin\u00e9ma l'on nomme une s\u00e9quence. Cette \u00e9quivoque manipulation de reflets que je mets en mots est-elle plus d\u00e9fendable que la d\u00e9marche, \u00e0 dire vrai naturelle, \u00e0 quoi je m'\u00e9tais refus\u00e9 ? Je devrais en douter, s'il n'y avait cette diff\u00e9rence : une chose est de man\u0153uvrer pour grossir artificiellement mon stock de souvenirs, autre chose de pr\u00e9parer, fa\u00e7onner et mettre bout \u00e0 bout les phrases o\u00f9 des souvenirs que je poss\u00e8de sans l'avoir fait expr\u00e8s reprennent un peu de solidit\u00e9.\n\nDe ces photos que je compulse \u2013 id\u00e9alement \u2013 pour me rapprocher de quelqu'un qui m'avait \u00e9bloui, je n'ai aucune sous la main. Mais sans doute vaut-il mieux qu'elles ne soient pas des documents auxquels je pourrais paresseusement me r\u00e9f\u00e9rer : ainsi d\u00e9rob\u00e9es elles cr\u00e9ent, de leur mod\u00e8le \u00e0 moi, un lien d'autant plus positif que je me trouve, en quelque sorte, pr\u00e9cipit\u00e9 dans le sillage de l'absente par cette course \u00e0 laquelle me provoquent des images toujours \u00e0 ressaisir et \u00e0 recomposer.\n\nSi je ne puis gu\u00e8re que cataloguer ces portraits, dont je n'ai revu aucun depuis que la poursuite s'est engag\u00e9e, il en est un autre que j'ignorais mais ai maintenant toute latitude de contempler et de d\u00e9crire, l'ayant d\u00e9coup\u00e9 dans l'hebdomadaire f\u00e9minin o\u00f9 il fut publi\u00e9 il y a plus d'un an, quand l'Italie c\u00e9l\u00e9bra le centenaire de Puccini. Ma tante y est repr\u00e9sent\u00e9e telle qu'elle \u00e9tait en 1903, lors de la cr\u00e9ation fran\u00e7aise de _La Tosca,_ soit \u00e0 une \u00e9poque ant\u00e9rieure \u00e0 celle de mes premiers souvenirs. Tr\u00e8s jeune, et plus belle encore que je ne l'ai connue, on la voit de profil, les bras nus (avec deux larges bracelets au-dessus des deux coudes), la t\u00eate couronn\u00e9e d'une lourde crini\u00e8re que contient une superbe parure : tenue de l'acte m\u00e9dian de l'op\u00e9ra, quand Floria Tosca vient de chanter \u00e0 la cour et se rend chez le baron Scarpia, qu'elle frappera finalement d'un couteau ramass\u00e9 sur un coin de table. Avec sa l\u00e8vre inf\u00e9rieure \u00e9paisse et ses paupi\u00e8res baiss\u00e9es, ma tante a sur cette photo quelque chose d'une b\u00eate tr\u00e8s douce et, dans la m\u00e9lancolie \u00e0 la fois sensuelle et farouche o\u00f9 elle para\u00eet repli\u00e9e, quelque chose aussi d'une odalisque telle que permet de les concevoir la _Sch\u00e9h\u00e9razade_ de Rimsky-Korsakov (dont l'orientalisme, autrefois, fut une riche p\u00e2ture pour mon imagination d'adolescent). Ses cheveux bouffant sur le front et cachant enti\u00e8rement les tempes et la nuque sont coiff\u00e9s d'un curieux harnachement qui, en haut, les comprime de deux brides r\u00e9unies \u00e0 leur base (juste au-dessus des deux oreilles) et, par-derri\u00e8re, les soutient dans une sorte de r\u00e9sille dont la forme rappelle assez lointainement celle d'une tranche de past\u00e8que coup\u00e9e tr\u00e8s large ou, mieux, d'une mentonni\u00e8re de casque qui s'accrocherait, de part et d'autre de la t\u00eate, l\u00e0 m\u00eame o\u00f9 s'accroche la double bride. A l'attache approximativement hexagonale commune \u00e0 cette r\u00e9sille et \u00e0 cette double bride, une perle ou autre concr\u00e9tion pr\u00e9cieuse pend en goutte d'eau, sur la tignasse brune recouvrant l'oreille au lobe de laquelle est fix\u00e9e une assez longue pendeloque dont la croix terminale semble conforme \u00e0 la pi\u00e9t\u00e9 de cette Floria, qui prendra soin \u2013 apr\u00e8s le meurtre \u2013 de disposer deux flambeaux allum\u00e9s aupr\u00e8s du corps du bourreau devenu sa victime et de le sanctifier en pla\u00e7ant sur sa poitrine un crucifix.\n\nCette photo, la seule que je poss\u00e8de et que j'aie pu regarder jusque dans ses moindres d\u00e9tails \u2013 les bras qui s'\u00e9paississent fortement en s'attachant aux \u00e9paules, les sourcils noirs et arqu\u00e9s, le nez fermement dessin\u00e9, la tunique aux plis tr\u00e8s amples sous lesquels les deux seins ne se laissent pas deviner \u2013, cette photo que je gage ressemblante et o\u00f9, bien que plus jeune, celle qui y est figur\u00e9e ne diff\u00e8re probablement pas beaucoup de celle que j'entendais chanter, elle ne m'apporte, en v\u00e9rit\u00e9, \u00e0 peu pr\u00e8s rien. Ce n'est pas ma tante que j'y retrouve et ce n'est pas non plus la Tosca que j'y vois. Elle m'offre simplement l'image de la fra\u00eeche et un peu sibylline cr\u00e9ature qui en fut apparemment le mod\u00e8le et que j'ai grand mal \u00e0 identifier aussi bien \u00e0 la cantatrice que j'admirais qu'\u00e0 l'h\u00e9ro\u00efne du drame o\u00f9 la chambre de tortures qui en est le principal accessoire semble si terriblement actuelle maintenant que chez nos militaires florissent les barons Scarpia (sans jabot de dentelle ni perruque poudr\u00e9e mais en tenue mouchet\u00e9e fa\u00e7on panth\u00e8re, et c'est la seule diff\u00e9rence). Peut-\u00eatre, les autres photos dont j'ai parl\u00e9 ne m'apporteraient-elles rien de plus que de tels motifs de r\u00eaverie st\u00e9rile, si j'en disposais comme de celle-ci ?\n\n\u00c9trangement oubli\u00e9 tandis que je proc\u00e9dais \u00e0 cet inventaire (doutant de son efficacit\u00e9 mais trouvant quelque satisfaction \u00e0 l'\u00e9tablir, comme si cette proc\u00e9dure m\u00eame incluait d\u00e9j\u00e0 la trouvaille vers quoi elle n'est, en principe, qu'un patient acheminement), un autre portrait m'est revenu \u00e0 la m\u00e9moire, reproduction photograv\u00e9e qui figure dans l'un des num\u00e9ros du vieux magazine _Musica_ que ma s\u0153ur m'a remis, comme un cadeau de haut prix, un jour que j'\u00e9tais all\u00e9 la voir \u00e0 Saint-Pierre-l\u00e8s-Nemours. Si facile \u00e9tait l'acc\u00e8s de ce document (puisqu'il me suffit, pour l'atteindre, de me rendre muni de la clef voulue dans la pi\u00e8ce appel\u00e9e chez moi la lingerie) que refr\u00e9ner mon envie de le consulter e\u00fbt \u00e9t\u00e9 plus artificiel encore que me servir de cet aide-m\u00e9moire. J'ai donc tir\u00e9 la s\u00e9rie d\u00e9pareill\u00e9e du placard o\u00f9 elle est rang\u00e9e parmi diverses revues, livres, catalogues, programmes et papiers de toute esp\u00e8ce, dont un monceau de lettres, cartes postales ou autres billets que je conserve soigneusement sans avoir gu\u00e8re fait plus que les entasser. Le feuilletant de bout en bout, j'ai d\u00e9couvert, \u00e0 ma surprise, que c'est en fait une bonne dizaine de portraits que contiennent ces num\u00e9ros d\u00e9fra\u00eechis, o\u00f9 de surcro\u00eet j'ai pu lire ou relire maintes notes qui concernent ma tante et me d\u00e9montrent que la beaut\u00e9 de sa voix n'\u00e9tait pas plus un mythe que tous les autres dons qui m'ont permis de reconna\u00eetre en elle une authentique b\u00eate de th\u00e9\u00e2tre.\n\nVita, de _L'\u00c9tranger._ Trois photographies me la pr\u00e9sentent dans ce r\u00f4le, dont l'une \u2013 la t\u00eate, de profil \u2013 est justement l'image que je m'\u00e9tais rappel\u00e9e, \u00e0 cela pr\u00e8s que j'avais fait erreur sur le personnage, attribuant \u00e0 la boulang\u00e8re de _L'Enfant roi_ (\u0153uvre naturaliste d'Alfred Bruneau et de Zola que ma tante avait cr\u00e9\u00e9e) ce profil qui est en r\u00e9alit\u00e9 celui de la fille de marin \u00ab Vita \u00bb, dans un op\u00e9ra de Vincent d'Indy tout cousu du fil blanc de m\u00e9diocres vis\u00e9es philosophiques, si j'en juge par le compte rendu qu'en avait donn\u00e9 _Musica_ et qu'illustre la plus s\u00e9duisante des trois photographies : ma tante debout et vue de face, une jarre sur l'\u00e9paule (ce qui la fait un peu se d\u00e9hancher) et sensiblement plus mince que sur ses autres portraits, reconnaissable pourtant avec son visage empreint d'un m\u00e9lange de force, de tendresse et de gravit\u00e9 passionn\u00e9e, un visage comme il en fallait sans doute un pour incarner cette jeune fille dont le pr\u00e9nom veut dire qu'elle est la vie ainsi que le courri\u00e9riste ne manquait pas de le souligner, \u00e0 l'intention des na\u00effs pour qui le mot _vita_ serait \u2013 \u00e0 proprement parler \u2013 demeur\u00e9 du latin. Bon public comme il m'arrive souvent, j'ai mordu \u00e0 l'hame\u00e7on de ce pr\u00e9nom symbolique : un matin, entre sommeil et veille, il m'a sembl\u00e9 que \u00ab Vita \u00bb m'indiquait en langage clair ce que je cherche \u00e0 retrouver derri\u00e8re l'image de ma tante et j'ai pens\u00e9 qu'un tel mot clef devrait \u00eatre repr\u00e9sent\u00e9, dans l'alg\u00e8bre que j'\u00e9labore ici, par un signe sp\u00e9cial qui serait un petit triangle \u00e9quilat\u00e9ral noir reposant soit sur l'une de ses pointes (pour r\u00e9sumer le mot en rappelant son _V_ initial) soit sur l'un de ses c\u00f4t\u00e9s (pour exprimer ce qu'il a de fondamental en lui donnant la ferme assise d'une pyramide). Cela n'a pas exc\u00e9d\u00e9 les limites d'une br\u00e8ve r\u00eaverie, et il m'est vite apparu que je n'avais b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 d'aucune illumination, mais seulement reconnu l'\u00e9vidence, en d\u00e9couvrant qu'\u00e0 travers son souvenir toujours trop ind\u00e9cis j'essaye de m'accrocher \u00e0 ce qu'avait d'intens\u00e9ment vivant celle que les chroniqueurs de nagu\u00e8re nommaient \u00ab Mademoiselle Frich\u00e9 \u00bb, suivant le bon usage. Quant \u00e0 l'infime signe noir \u2013 dont je ne remarquai pas que, pointe en bas, il \u00e9voque une femme au moment o\u00f9 rien n'existe en dehors de son triangle touffu \u2013 il prit bient\u00f4t un sens moins pythagorisant que celui qu'il avait comme marque typographique possible : en pleine veille, et quelques jours apr\u00e8s que cette esp\u00e8ce de chiffre ou de monogramme eut fait \u00e0 ma pens\u00e9e ses offres de service, je tins soudain pour \u00e9vident que, dispos\u00e9 pointe en haut, il aurait quelque ressemblance avec ce motif oriental en forme de c\u0153ur renvers\u00e9, l'\u00ab arbre de vie \u00bb selon ce que m'avait dit, au temps de notre intimit\u00e9, l'amie dont j'\u00e9tais encore occup\u00e9 bien apr\u00e8s ma sortie de l'h\u00f4pital Claude-Bernard et de qui j'avais voulu savoir ce qu'\u00e9tait l'ornement que je voyais, au niveau de son \u00e9paule, sur la blancheur damass\u00e9e de l'\u00e9toffe dont, ce matin-l\u00e0, elle \u00e9tait rev\u00eatue. Ainsi, tandis qu'\u00e0 la remorque de la Bruxelloise voil\u00e9e par les mousselines du temps et devenue ombre empourpr\u00e9e de fabuleux reflets je m'engageais dans les voies d'une louche id\u00e9alit\u00e9, un travail souterrain s'op\u00e9rait, si bien cach\u00e9 qu'un moment viendrait o\u00f9 je pourrais m'imaginer d\u00e9tourn\u00e9 de l'entit\u00e9 priv\u00e9e de chair \u00e0 qui je demandais asile, et rappel\u00e9 \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 br\u00fblante, rien que par le passage quasi m\u00e9canique du signe trop abstrait que j'avais invent\u00e9 \u00e0 cet embl\u00e8me dont le dessin lanc\u00e9ol\u00e9 r\u00e9sume quelque chose que j'ai v\u00e9cu au pr\u00e9sent du d\u00e9sir ou de l'\u00e9treinte et non en une rumination anachronique.\n\nVita, sans fardeau et la t\u00eate un peu renvers\u00e9e (le portrait m\u00eame d'o\u00f9 est extrait le profil qu'un autre num\u00e9ro de _Musica_ reproduit), Vita ici enti\u00e8re, dans un photomontage occupant une double page du magazine et rassemblant, sur un fond de for\u00eat aux allures de bois sacr\u00e9, les cantatrices les plus marquantes de l'ann\u00e9e 1903 en costume de th\u00e9\u00e2tre, \u00e9trange carnaval o\u00f9 tous les caract\u00e8res et toutes les \u00e9poques voisinent. Belle brune au rire \u00e9clatant, Carmen avec mantille et castagnettes telle que je l'ai vue sur les planches de la Monnaie de Bruxelles. Lourde et triste dans sa v\u00eature folklorique, Senta, l'amoureuse nordique du Hollandais Volant. Cette photographie m\u00eame que je me rappelais avoir vue chez ma s\u0153ur : la porteuse de corbeille des _P\u00eacheurs de Saint-Jean_. L'air stupide et le corps trop gras sous la tunique qui moule, une h\u00e9ta\u00efre dans l' _Aphrodite_ de Camille Erlanger. \u00c9l\u00e9onore de _Fidelio_ (plus gracieuse que l\u00e0 o\u00f9 on la voit avec sa hotte). La Sicilienne Santuzza de _Cavalleria rusticana,_ avec de tr\u00e8s grands anneaux d'oreilles, qu'on peut pr\u00e9sumer d'or. Floria Tosca, moins rayonnante que quand je la fa\u00e7onnais de m\u00e9moire mais attestant la v\u00e9racit\u00e9 de l'image dont je me demandais si, en partie au moins, je ne l'avais pas invent\u00e9e. Claire Frich\u00e9 accoud\u00e9e \u00e0 un piano, qu'entourent quelques autres personnes : son visage, aux larges pommettes et aux yeux obliques, fait l\u00e9g\u00e8rement mongol ; son chapeau, d'un go\u00fbt 1900 tr\u00e8s tapageur, lui va si mal qu'on dirait je ne sais quoi d'insolite qui serait venu d'une autre plan\u00e8te pour se poser sur le sommet de sa t\u00eate. Avec ce portrait qui montre cens\u00e9ment l'artiste au naturel j'en ai fini \u2013 je crois \u2013 de cette galerie, tellement in\u00e9gale et diverse qu'elle embrouille plut\u00f4t qu'elle ne la d\u00e9finit la figure que je ne voudrais pas abandonner avant de l'avoir d\u00e9chiffr\u00e9e.\n\nLe grand art en chair et en os. Vita. L'arbre de vie. Ce que Mademoiselle Frich\u00e9 avait d'intens\u00e9ment vivant, comme la nomm\u00e9e Sandier ou Sanguier qui, durant mes nuits de malade, alternait avec le lamentable Kipouls. La voix que ma tante Claire eut si vite fait de g\u00e2cher, trop fi\u00e8re d'en prouver la surprenante \u00e9tendue en assumant des emplois ordinairement incompatibles, trop heureuse aussi de la prodiguer dans toute sa force chaque fois que l'occasion s'en pr\u00e9sentait. La chair somptueuse dont, plus coquette, elle aurait pu se glorifier, malgr\u00e9 l'exc\u00e8s visible de sant\u00e9 qui lui rendait difficile d'aborder des r\u00f4les plus d\u00e9licats que ceux d'amante d\u00e9cha\u00een\u00e9e ou de m\u00e8re en proie \u00e0 tout ce que le fruit de ses entrailles lui inspire de sentiments passionn\u00e9s. Art et vie, voix et chair, soit ce dont plus durement que jamais j'\u00e9prouvais la nostalgie depuis qu'en tant qu'\u00e9crivain je me pensais un homme fini et que, conscient du vieillissement sous ses aspects les plus tangibles, je m'\u00e9tais pris \u00e0 consid\u00e9rer avec effarement et d\u00e9go\u00fbt l'\u00e9volution de ma personne physique.\n\nDans ma cervelle de rescap\u00e9 que son peu de courage rendait sourd \u00e0 toute raison de r\u00e9cidive, un renouveau de cela m\u00eame dont j'avais d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9 pointait \u00e0 l'horizon de la double r\u00eaverie qu'animaient ironiquement ces deux masques de danse macabre : une actrice retir\u00e9e, au talent comme \u00e0 la beaut\u00e9 devenus purs souvenirs ; un grotesque d\u00e9pensant na\u00efvement, pour de vains buts de gloriole litt\u00e9raire, le peu qu'il avait d'existence. L'art sans cheveux en quatre. La vie comme un op\u00e9ra, avec l'amour pour infl\u00e9chir la ligne m\u00e9lodique et la mort pour donner toute son ampleur au finale. L'art lyrique, li\u00e9 \u00e0 la vie plus directement que tout autre, si l'op\u00e9ra est une f\u00eate au lustre de laquelle concourent meneurs de jeu et t\u00e9moins de leurs performances, tous costum\u00e9s ou par\u00e9s, et s'il n'est d'\u0153uvre offerte au public ainsi rassembl\u00e9 qui, d'une fa\u00e7on ou d'une autre et sur le ton le plus grave ou le plus l\u00e9ger, ne soit un appel \u00e0 l'effusion. Lustre adamantin de l'art et nudit\u00e9 houleuse de la vie, fiction et r\u00e9alit\u00e9, _l\u00e0-bas_ et _ici m\u00eame_ dont la conjugaison \u2013 \u00ab pour de vrai \u00bb et non en all\u00e9gorie ou le temps d'un \u00e9clair \u2013 est peut-\u00eatre mon grand probl\u00e8me, la seule quadrature sur laquelle me fonder pour me r\u00e9concilier...\n\nParti de rien, ou de la mince hypoth\u00e8se selon laquelle mon cousin burlesquement transfigur\u00e9 n'aurait \u00e9t\u00e9 qu'un d\u00e9l\u00e9gu\u00e9 de l'\u00e9poque o\u00f9 r\u00e9gnait ma tante Claire, je me suis laiss\u00e9 envahir bient\u00f4t par cette absente dont l'image, d'abord exclue, s'est peu \u00e0 peu impos\u00e9e et a fini, sinon par prendre tout \u00e0 fait corps, du moins par se mat\u00e9rialiser en des photographies. Comme si, obstin\u00e9ment, j'avais cherch\u00e9 \u00e0 rejoindre cette figure d\u00e9funte quand \u2013 peu apr\u00e8s mon retour de Toscane \u2013 la toile fut tomb\u00e9e sur le vivant duo d'amour que j'avais chant\u00e9 d'une voix si incertaine, ou bien \u00e0 d\u00e9couvrir derri\u00e8re les traits de ma parente ce qui jadis \u00e9tait pour moi la Beaut\u00e9 afin de m'en faire une loi et de n'\u00eatre plus d\u00e9sempar\u00e9, voire encore \u00e0 me fixer sur une image dont la description ou la seule recherche serait en elle-m\u00eame beaut\u00e9, je me suis appliqu\u00e9 \u00e0 la ressusciter, et c'est un long r\u00eave \u00e9veill\u00e9 qui pendant des mois et des mois a pris la rel\u00e8ve de la r\u00eaverie premi\u00e8re. Chemin faisant, certaines id\u00e9es flottantes ont cristallis\u00e9 autour de cette image, qui me semble aujourd'hui avoir surgi arm\u00e9e de pied en cap d\u00e8s ces nuits ni de veille ni de r\u00eave durant lesquelles j'\u00e9tais le jouet de deux divagations ind\u00e9finiment r\u00e9p\u00e9t\u00e9es.\n\nEmbourb\u00e9 dans mes divers travaux, revenu de la na\u00efvet\u00e9 qui longtemps m'avait fait croire \u00e0 la magie des voyages et m\u00eame plus d\u00e9sireux d'aller o\u00f9 que ce soit, engag\u00e9 dans une aventure qui elle non plus n'\u00e9tait pas une issue puisque je ne voulais ou ne pouvais ni briser ce qui me lie \u00e0 ma compagne ni m'installer dans la duplicit\u00e9, j'avais \u2013 presque par accident \u2013 consomm\u00e9 l'esp\u00e8ce de _provision suicidale_ qui depuis de longs mois me tenait lieu d'en-cas ou de viatique. Sorti du coma et ma premi\u00e8re exaltation tomb\u00e9e, je m'\u00e9tais dit que tout allait reprendre en un peu plus difficile encore qu'auparavant : impossible maintenant de me reposer sur l'id\u00e9e de cette provision, que je ne pourrais reconstituer sans d\u00e9penser beaucoup de patience et de ruse et que, d'ailleurs, il vaudrait mieux ne pas reconstituer si je ne voulais pas devenir un sp\u00e9cialiste du suicide manqu\u00e9 (sachant que je n'aurais jamais le courage du geste d\u00e9cisif, celui qui e\u00fbt consist\u00e9 par exemple \u00e0 absorber le toxique, non chez moi, mais enferm\u00e9 \u00e0 clef dans mon bureau du Mus\u00e9e de l'Homme, \u00e0 une heure o\u00f9 personne n'aurait pu me secourir). Puisque je n'envisageais pas de r\u00e9p\u00e9ter le geste, cette fois sans r\u00e9mission, il me restait \u00e0 retrouver quelques raisons de vivre, aussi probl\u00e9matique que cela f\u00fbt. De quel c\u00f4t\u00e9 me tourner, sinon vers le domaine dont j'avais la preuve que, pour ma bonne ou ma mauvaise fortune, il \u00e9tait mon domaine d'\u00e9lection ? Survenus alors que j'\u00e9tais encore en plein chaos, esth\u00e8tes anglais, actrice retrait\u00e9e et jusqu'\u00e0 ce risible dramaturge (que la cantatrice \u00e9clipserait bient\u00f4t) n'\u00e9taient-ils pas \u00e0 ce point de vue des fl\u00e8ches indicatrices, toutes point\u00e9es dans une m\u00eame direction : l'art \u2013 mais illustr\u00e9 par ces divers fant\u00f4mes en tant que mode de vie plut\u00f4t que pris en lui-m\u00eame, comme si son insertion dans l'existence avait \u00e9t\u00e9 le centre de mes pr\u00e9occupations.\n\nQuand j'\u00e9tais encore enfant, ceux qui \u00e9taient pour moi les \u00ab grands artistes \u00bb qu'on n'\u00e9voque pas sans \u00e9motion, ce n'\u00e9taient ni des \u00e9crivains, ni des peintres ou sculpteurs, ni des compositeurs de musique \u2013 gloires lointaines et que personne de mon entourage n'avait m\u00eame aper\u00e7ues \u2013 mais les grands interpr\u00e8tes, et particuli\u00e8rement les acteurs ou chanteurs, qui m'apparaissaient comme des personnages bien r\u00e9els, quoique rev\u00eatus d'une allure l\u00e9gendaire tenant \u00e0 leur m\u00e9tier m\u00eame et au fait que mes parents n'en parlaient gu\u00e8re que sous l'angle du souvenir et comme de gens dont la transcendante esp\u00e8ce aurait \u00e0 peu pr\u00e8s disparu : Adelina Patti ou plut\u00f4t \u00ab la Patti \u00bb (que ma m\u00e8re, jeune fille, avait entendue au Th\u00e9\u00e2tre Italien), Sybil Sanderson la soprano anglaise ou am\u00e9ricaine (dont le nom milliardaire est voisin de celui de Sangar, s\u0153ur d'Ivan Ogareff et femme fatale dans _Michel Strogoff),_ le t\u00e9nor wagn\u00e9rien Van Dyck (qui n'avait pas son pareil pour chanter le r\u00e9cit du Graal), Coquelin a\u00een\u00e9 (cr\u00e9ateur au panache in\u00e9gal\u00e9 de _Cyrano de Bergerac_ ), la fine diseuse Anna Judic, Sarah-Bernhardt \u00e0 sa grande \u00e9poque (ou quelque autre monstre sacr\u00e9 dont on racontait comment des enthousiastes avaient d\u00e9tel\u00e9 ses chevaux pour l'escorter en tirant et poussant sa voiture), les sp\u00e9cialistes du m\u00e9lodrame tels que Tailhade et celui-l\u00e0 qui jouait les tra\u00eetres de fa\u00e7on si convaincante qu'on l'attendait \u00e0 la sortie des artistes pour lui faire un mauvais parti, d'autres encore dont je pourrais citer les noms, presque oubli\u00e9s de nos contemporains mais toujours prestigieux quand il m'advient de les prononcer mentalement.\n\nNon seulement des cr\u00e9atures de ce genre \u00e9taient aur\u00e9ol\u00e9es de tous les fastes du th\u00e9\u00e2tre, mais je les situais de surcro\u00eet dans une esp\u00e8ce d'\u00e2ge d'or : cette grande \u00e9poque que mes p\u00e8re et m\u00e8re avaient connue et dont quelques tr\u00e8s rares artistes de mon temps me permettraient, tout juste, de me faire une p\u00e2le id\u00e9e. La vie priv\u00e9e de certains \u2013 de maintenant ou de nagu\u00e8re \u2013 pr\u00eatait \u00e0 des racontars qui ajoutaient une note un peu canaille \u00e0 cette mythologie : celui-ci avait ruin\u00e9 sa voix en allant trop souvent aux Halles festoyer jusqu'\u00e0 l'aube ; celui-l\u00e0, qui d\u00e9pensait sans compter, \u00e9tait mort comme un gueux apr\u00e8s s'\u00eatre produit devant des parterres de souverains ; l'une, un soir, \u00e9tait entr\u00e9e en sc\u00e8ne ivre \u00e0 rouler ; il arrivait \u00e0 l'autre de ramener chez elle le beau pompier de service qu'elle avait rep\u00e9r\u00e9 en jouant un drame ou une trag\u00e9die. Par contraste, ceux qu'on se plaisait \u00e0 citer pour leur vie r\u00e9guli\u00e8re paraissaient dou\u00e9s d'une vraie saintet\u00e9, faute de quoi ils n'auraient pu affronter sans dommage une carri\u00e8re pareillement sem\u00e9e de tentations.\n\nSur quelques-uns, on se bornait \u00e0 rapporter une anecdote pittoresque, propre \u00e0 inspirer l'estime, \u00e0 provoquer le rire complice ou \u00e0 tirer les larmes : les risques, par exemple, qu'avait pris cet interpr\u00e8te d'un r\u00f4le de malandrin quand, pour se documenter, il avait hant\u00e9 les pires bouges et fr\u00e9quent\u00e9 les dangereux voyous qui en \u00e9taient les habitu\u00e9s ; l'aventure de ce baryton c\u00e9l\u00e8bre que sa m\u00e9moire infid\u00e8le avait forc\u00e9 un soir \u00e0 chanter une bonne partie d'un air d'op\u00e9ra sans articuler les paroles ; la fin mis\u00e9rable de ces fr\u00e8res ou amis, chez qui l'on avait ensuite trouv\u00e9 un gros billet gliss\u00e9 entre deux pages de programme ou de morceau de musique par un m\u00e9c\u00e8ne trop discret dont leur num\u00e9ro de duettistes avait charm\u00e9 les invit\u00e9s. Parall\u00e8les aux prodiges accomplis derri\u00e8re les feux de la rampe, ces \u00e9pisodes prenaient figure d'exemples montrant qu'il y a quelque chose de naturellement \u00e9pique chez les gens de th\u00e9\u00e2tre, m\u00eame s'ils ne sont ni des \u00ab enfants de la balle \u00bb ni les passagers cahot\u00e9s d'un \u00ab chariot de Thespis \u00bb tel que celui des com\u00e9diens ambulants du _Capitaine Fracasse._ Un halo d'\u00e9pop\u00e9e, est-ce autre chose que je requiers quand, derri\u00e8re une \u0153uvre que j'admire, je veux que se tienne un \u00ab beau personnage \u00bb ? B\u00eate de th\u00e9\u00e2tre ou virtuose fougueux, g\u00e9nie en butte \u00e0 la mis\u00e8re ou \u00e0 d'autres souffrances, pionnier d'une \u00e9poque h\u00e9ro\u00efque, po\u00e8te voleur de feu ou r\u00e9volutionnaire, \u00e9crivain au jeu tragiquement conditionn\u00e9 de torero, cr\u00e9ateur rebelle \u00e0 toute compromission ne sont-ils pas les avatars de cette figure dont j'ai fait mon mod\u00e8le et qu'apr\u00e8s maintes oscillations j'ai d\u00e9pouill\u00e9e de son clinquant et rationalis\u00e9e, mais certainement aussi embourgeois\u00e9e, dans la mesure o\u00f9 j'ai d\u00fb pour une part subir l'influence de l'\u00e2ge, qui pousse \u00e0 des ajustements gr\u00e2ce auxquels l'\u00e9cart entre soi-m\u00eame et ce qu'on a r\u00eav\u00e9 peut \u00eatre tant bien que mal r\u00e9duit ? L'artiste qui paie de sa personne et dont la vie est battue par les m\u00eames vents que son art : c'est lui que, d\u00e8s mon lit d'h\u00f4pital, j'avais retrouv\u00e9 sous sa forme premi\u00e8re, par le truchement de la vieille actrice \u00e0 laquelle je m'identifiais. Puisque je ne pouvais me remettre \u00e0 exister sans tout reprendre aux origines pour ce qui reste le c\u0153ur m\u00eame de mon int\u00e9r\u00eat, ne devais-je pas rencontrer \u2013 \u00e0 peine remont\u00e9 de mon ab\u00eeme \u2013 celle qui fut (bien qu'\u00e0 l'abri de tout scandale) la \u00ab grande artiste \u00bb de mon enfance, ma tante, la cantatrice Claire Frich\u00e9 ?\n\nTriste t\u00e2cheron apr\u00e8s les suaves esth\u00e8tes et pendant d\u00e9risoire d'une silhouette qui me semble illustrer ce que l'art th\u00e9\u00e2tral a humainement de plus \u00e9mouvant \u2013 un art o\u00f9 tout se passe au comptant, ovations ou sifflets sanctionnant sans d\u00e9lai le m\u00e9rite ou le d\u00e9m\u00e9rite, un art qui prend corps par le moyen d'\u00eatres vivants et agissants, capables de grands moments qu'on \u00e9voquera plus tard comme des dates historiques \u2013 mon cousin m'offrait de mes ambitions litt\u00e9raires une image aussi d\u00e9plaisante que si elle m'avait \u00e9t\u00e9 pr\u00e9sent\u00e9e par un miroir d\u00e9formant (de ceux qui suscitent le rire et qu'\u00e0 Changha\u00ef j'ai entendu nommer \u00ab _ha ha_ mirrors \u00bb par les interpr\u00e8tes qui nous escortaient, mes compagnons et moi, dans la visite du _Ta Si Kia_ ou \u00ab Grand Monde \u00bb, b\u00e2timent aux escaliers et terrasses piran\u00e9siens, avec des attractions au rez-de-chauss\u00e9e et des \u00e9tages comprenant chacun plusieurs salles de spectacles o\u00f9 se jouaient simultan\u00e9ment les choses les plus diff\u00e9rentes). Je n'ai jamais sollicit\u00e9 pour me faire imprimer et n'ai rien entrepris pour me gagner un public, mais cela ne prouve pas que, d\u00e9nu\u00e9 de toute vanit\u00e9, je suis indiff\u00e9rent \u00e0 l'effet que je peux produire : enrag\u00e9 de th\u00e9\u00e2tre j'ai, tel un acteur, mon r\u00f4le que je veux jouer, m'attachant seulement \u00e0 jouer un r\u00f4le qui me ressemble et ne m'oblige pas, ensuite, \u00e0 le d\u00e9savouer. Histrion de lettres alternant avec une figure f\u00e9minine, certes conventionnelle et non exempte de vulgarit\u00e9 mais qui \u00e9tait du moins celle d'une vraie nature d'artiste, mon cousin me rappelait, d'une part, ce qu'il convient \u00e0 l'\u00e9crivain de fuir comme la peste mais dont la lecture des coupures de presse et l'aubaine d'un prix litt\u00e9raire m'avaient peut-\u00eatre donn\u00e9 le go\u00fbt : cet encens dont les acteurs sont si friands (ce qui cadre avec leur mode d'action en _prise directe_ sur une foule affront\u00e9e dans une sorte de champ clos), cet encens qui au th\u00e9\u00e2tre fait partie de la liturgie mais que les autres professionnels de l'art ne peuvent humer sans risquer de se perdre, eux qui travaillent dans le silence de leur chambre ou de leur atelier et pour qui le public \u2013 dispers\u00e9 dans le temps comme dans l'espace \u2013 est en principe le simple destinataire d'un message qu'on lui adresse de loin, sans le voir ni l'entendre. Li\u00e9 \u00e0 moi par certaines s\u00e9quences communes de notre pass\u00e9, mon cousin, d'autre part, me ramenait vers la portion de mon enfance qui avait eu pour ornement cette femme tant admir\u00e9e dont le chant pur et direct m'avait indiqu\u00e9 obscur\u00e9ment le ton, mi-enivr\u00e9 mi-d\u00e9sol\u00e9, du message qu'un jour je me croirais tenu de d\u00e9livrer. Mais l'\u00e9tat de bouleversement physique et moral o\u00f9 je me trouvais n'\u00e9tait-il pas propice \u00e0 toutes sortes de retours et \u00e9tait-ce vraiment vers cette phase pr\u00e9historique de mon existence, \u00e0 l'exclusion de tous autres commencements, que je tendais \u00e0 remonter quand se localisaient \u00e9trangement \u00e0 la droite de mon lit les rumeurs concernant ce fantoche, mon cousin m\u00e9tamorphos\u00e9 en aspirant dramaturge ?\n\n _J'aimerais aller \u00e0 Taormina..._ Celle qui parle est une jeune fille brune, un peu rondelette, mais au visage vif et fin. Elle est v\u00eatue (je crois) d'une robe noire et se tient debout \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de moi, sur un balcon du vieil appartement bourgeois o\u00f9 nous venons de d\u00e9jeuner. Cela se situe dans les premi\u00e8res des ann\u00e9es 20, et sans doute \u00e0 la belle saison puisque, le caf\u00e9 bu, nous sommes pass\u00e9s du volume clos de la salle \u00e0 manger ou du salon \u00e0 cet \u00e9troit rectangle presque \u00e0 ciel ouvert, pour causer et profiter du spectacle de la rue. Notre h\u00f4te est mon cousin Loulou qui, depuis assez longtemps d\u00e9j\u00e0, n'est plus le c\u00e9libataire que prendrait absurdement pour pivot l'une de mes tr\u00e8s ult\u00e9rieures obsessions d'hospitalis\u00e9. Il a pour femme une excellente personne, plus \u00e2g\u00e9e et surtout beaucoup plus grande et plus forte que lui, ce qui accentue cette allure que je lui ai toujours connue de petit jeune homme dont les fa\u00e7ons souriantes mais un peu en retrait (li\u00e9es partiellement \u00e0 l'\u00e9cran du binocle que lui imposait son extr\u00eame myopie) peuvent \u00eatre l'effet aussi bien d'une bonne \u00e9ducation que d'une naturelle timidit\u00e9. Par des ramifications de cousinages maternels et d'alliances que, m\u00eame \u00e0 l'\u00e9poque, je n'aurais su d\u00e9m\u00ealer, la jeune fille qui m'exprimait son d\u00e9sir de ruines grecques et de soleil appartenait \u2013 tr\u00e8s lointainement \u2013 au cercle de ma parent\u00e9. En mourant, son p\u00e8re les avait laiss\u00e9es \u2013 elle, ses deux s\u0153urs et sa m\u00e8re \u2013 plus serr\u00e9es, \u00e0 beaucoup pr\u00e8s, qu'elles ne l'avaient \u00e9t\u00e9 quand il g\u00e9rait dans la r\u00e9gion parisienne sa fabrique d'\u00e9maux. Est-ce pour cela (je me le suis demand\u00e9 depuis) que le couple de bonnes \u00e2mes qu'\u00e9taient mon cousin et sa compagne avaient eu l'id\u00e9e de ce d\u00e9jeuner ? Trois filles \u00e0 marier sont un poids pour une veuve plus gu\u00e8re en \u00e2ge de \u00ab refaire sa vie \u00bb et c'est en bien user \u00e0 son \u00e9gard que m\u00e9nager pour au moins l'une des trois une rencontre d'o\u00f9 peut na\u00eetre un penchant susceptible de prendre, ensuite, un tour matrimonial. J'\u00e9tais loin de repr\u00e9senter un riche parti, mais on me connaissait et l'on devait \u00e0 tout le moins me penser un gar\u00e7on fr\u00e9quentable. Une honn\u00eate et gentille esp\u00e9rance ne pouvait-elle \u00eatre plac\u00e9e dans une conjonction entre cette jeune fille aux go\u00fbts \u00ab artistes \u00bb qui r\u00eavait Sicile (pays alors point si galvaud\u00e9) et moi-m\u00eame dont plus aucun de mes proches n'ignorait que je r\u00eavais art moderne et po\u00e9sie ?\n\nQu'on nous ait invit\u00e9s pour la seule joie de nous r\u00e9unir ou pour un peu plus que cela, le fait est que ce d\u00e9jeuner demeura sans lendemain. Bien que sensible \u00e0 ses attraits, je ne cherchai pas \u00e0 revoir mon interlocutrice et rien, par la suite, ne me permit de savoir si notre accord de quelques heures signifiait qu'une complicit\u00e9 \u00e9tait possible entre nous. Nos h\u00f4tes, en v\u00e9rit\u00e9, ne connaissaient ma vie que dans ses traits les plus ext\u00e9rieurs et leurs calculs \u2013 si vraiment ils en avaient fait \u2013 reposaient sur une mauvaise base : d'une promenade achev\u00e9e en un tendre et double accotement contre le bastingage de l'un des bateaux-mouches qui remontaient et descendaient alors la Seine comme des omnibus ricochant de ponton \u00e0 ponton \u00e9tait n\u00e9e, sans qu'il y e\u00fbt besoin du ciel de la Sicile, une idylle qui ne mena gu\u00e8re au-del\u00e0 des limites o\u00f9 s'arr\u00eate une amiti\u00e9 passionn\u00e9e mais me prenait corps et \u00e2me au moment o\u00f9 le v\u0153u touchant Taormina aurait pu m'inciter \u00e0 entreprendre d'y conduire moi-m\u00eame celle qui le formulait. Qu'y avait-il dans son corps et dans son \u00e2me \u00e0 elle ? C'est, assur\u00e9ment, me faire une flatteuse id\u00e9e de mes pouvoirs que songer \u00e0 cette entrevue comme si, n'e\u00fbt \u00e9t\u00e9 le lien qui me retenait, un engagement r\u00e9ciproque aurait pu s'y esquisser ! A quarante ans d'\u00e9cart ou presque, et quand je pourrais \u00eatre le p\u00e8re de celui dont je parle, il m'est ais\u00e9 de me dire : \u00ab Il ne tenait qu'\u00e0 moi... \u00bb Tout s'aplanit \u00e0 si longue distance et c'est comme un de ces r\u00eaves heureux o\u00f9 l'amour se fait de lui-m\u00eame et sans le moindre obstacle qu'appara\u00eet, dans la m\u00e9moire, telle rencontre dont la saveur de promesse demeure inalt\u00e9r\u00e9e puisqu'on n'est pas m\u00eame all\u00e9 jusqu'\u00e0 tenter sa chance.\n\nLa jeune fille avec qui je m'\u00e9tais senti en sympathie si imm\u00e9diate (ce que ne justifiait ni le vague lien de famille dont j'ai parl\u00e9 ni le fait, au demeurant incertain, que je l'eusse aper\u00e7ue avec ses s\u0153urs une fois ou deux quand nous \u00e9tions tr\u00e8s petits), cette jeune fille qui m'avait charm\u00e9 par cela m\u00eame dont je manquais, la grande ardeur \u00e0 vivre perceptible \u00e0 travers ses mouvements et ses propos, c'est strictement v\u00eatue de noir que je la revois, sur ce balcon surplombant, dans le quartier de la Bastille, le tranquille boulevard que le nom du dramaturge Beaumarchais d\u00e9signe sans le qualifier, comme il en est pour la plupart des noms attribu\u00e9s aux voies de Paris. Un deuil r\u00e9cent l'obligeait-elle au port de cette triste couleur ou bien, me la rappelant \u00e0 demi orpheline, l'ai-je rev\u00eatue apr\u00e8s coup de la tenue de l'emploi ? Bien que je sache d'exp\u00e9rience quelles mutations peut subir la mati\u00e8re rarement indiff\u00e9rente des souvenirs, je ne pense pas que ma m\u00e9moire soit ici en d\u00e9faut, car il est s\u00fbr que dans l'\u00e9tat d'esprit qui \u00e9tait alors le mien cette jeune fille m'aurait paru moins attachante sans ce contraste entre le go\u00fbt qu'elle avait apparemment de la vie et le deuil que semblait indiquer la s\u00e9v\u00e9rit\u00e9 de sa mise. Mais il est s\u00fbr aussi que ce n'\u00e9tait pas la perte de son p\u00e8re qui l'endeuillait ainsi et qu'elle devait \u00e0 un malheur plus proche la terne enveloppe dans laquelle (je l'estime aujourd'hui) elle apparaissait un peu de m\u00eame substance que ces filles ou femmes de certains villages pauvres des pays m\u00e9diterran\u00e9ens, si souvent vou\u00e9es au noir \u00e0 cause de morts accumul\u00e9es et dont la peau solaire nous \u00e9tonne, nous qui sommes habitu\u00e9s \u00e0 associer le deuil \u00e0 la p\u00e2leur. Plut\u00f4t que vers l'usinier dont vaguement je me rappelle le maintien \u00e0 la fois rude et compass\u00e9, c'est du c\u00f4t\u00e9 \u2013 plus gracieux \u2013 de sa veuve qu'il me faut me tourner pour trouver le destinataire probable du pan de nuit dont, ce jour-l\u00e0, leur fille \u00e9tait enrob\u00e9e : l'ombre qu'honorait ce v\u00eatement devait \u00eatre, en effet, celle de l'un de ses grands-parents maternels, tous deux gens de th\u00e9\u00e2tre qui s'\u00e9taient illustr\u00e9s dans le genre bouffe et dont, \u00e0 l'\u00e9poque de notre rencontre, le survivant venait (je crois) de dispara\u00eetre \u00e0 son tour dans des enfers nullement offenbachiens.\n\nSans doute avais-je parl\u00e9, rhabillant \u00e0 ma fa\u00e7on des lieux communs romantiques, de ma pr\u00e9dilection pour les pays du nord : la dignit\u00e9 du froid, les sites et les gens d'un grain trop dur pour l'effet de carte postale, une ville comme Liverpool attirante dans la mesure o\u00f9 son nom nous met l'hiver dans les os, l'aventure qui dans les ports parfum\u00e9s de goudron couve au fond des petits bars \u00e0 lumi\u00e8res tamis\u00e9es. Avec mes ciels renfrogn\u00e9s j'\u00e9tais loin, certes, de son azur \u00e0 elle, mais il y avait entre nous un m\u00eame d\u00e9sir de voyager. Quelle figure pouvais-je faire \u00e0 ses yeux ? Je ne sais. Quant \u00e0 moi, je lui pr\u00eatais d'autant plus de piquant qu'elle \u00e9tait la petite-fille d'une divette dont maintes fois j'avais entendu louer le charme et le talent. Ni\u00e8ce aussi (par sa m\u00e8re) d'un acteur connu, elle \u00e9tait \u00e0 n'en pas douter une enfant de la balle... A ses fa\u00e7ons primesauti\u00e8res, ne se m\u00ealait-il pas un peu de coquetterie comme si, tout bonnement, elle avait d\u00e9cid\u00e9 de jouer dans la vie quotidienne un personnage conforme \u00e0 ce qu'offraient de plus s\u00e9duisant les rameaux de sa g\u00e9n\u00e9alogie ? Ce genre de choix, toutefois, ne peut gu\u00e8re \u00eatre absolument pr\u00e9m\u00e9dit\u00e9 et je n'ai, au demeurant, nulle raison de soup\u00e7onner de sophistication une fille dont les allures si agr\u00e9ablement spontan\u00e9es avaient permis ce dialogue o\u00f9 quand l'un disait \u00ab sud \u00bb l'autre, sans prendre ses distances, pouvait r\u00e9pondre \u00ab nord \u00bb.\n\nJe le sais depuis peu, cette aimable grand-m\u00e8re (dont je veux croire que c'est \u00e0 elle qu'\u00e9tait d\u00e9di\u00e9 le deuil de ma commensale) avait cr\u00e9\u00e9, entre autres \u0153uvres l\u00e9g\u00e8res, _Les Cloches de Corneville,_ op\u00e9rette \u00e0 laquelle je ne puis penser sans m\u00ealer au souvenir plus qu'aux trois quarts \u00e9teint de sa musique un bruit confus de tocsin, ayant appris lors de mon premier s\u00e9jour \u00e0 la Martinique qu'au moment de la d\u00e9sastreuse \u00e9ruption de la montagne Pel\u00e9e elle \u00e9tait \u00e0 l'affiche du th\u00e9\u00e2tre de Saint-Pierre, ville qu'en un clin d'\u0153il la catastrophe changerait en un monceau de cendres. Avant m\u00eame de savoir cela (son lien avec ces _Cloches_ qui, un soir, \u00e9veill\u00e8rent des \u00e9chos tragiques), j'ai projet\u00e9 sur l'effigie de la divette \u2013 effigie tout id\u00e9ale car c'est \u00e0 peine si je connais d'elle quelques mauvaises photographies \u2013 une lueur un peu de diablerie, sortie droit d'une pi\u00e8ce \u00e0 grand spectacle qui l'eut aussi pour cr\u00e9atrice : _Les Quatre cents coups du Diable_ , mont\u00e9s par le Ch\u00e2telet plusieurs ann\u00e9es avant l'autre guerre et dont, tr\u00e8s jeune, j'ai lu le texte dans un p\u00e9riodique illustr\u00e9 qui devait se nommer _Mon beau Livre._\n\nJe me le rappelle tr\u00e8s clairement, la pi\u00e8ce comportait un premier tableau ou prologue situ\u00e9 \u2013 comme l'indiquait le texte \u2013 \u00ab sur les bords du Styx \u00bb. Une reproduction assez petite montrait, au centre d'un d\u00e9cor rocheux, la fameuse divette costum\u00e9e en Satan : maillot collant, coiffure m\u00e9phistoph\u00e9lique et grand manteau qui, pendant de ses deux bras \u00e9tendus, lui faisait comme deux vastes ailes. Ensuite, le diable abandonnait ses attributs infernaux et c'est en travesti que la divette apparaissait, habill\u00e9e notamment d'un \u00e9l\u00e9gant complet moderne pour chanter (peut-\u00eatre au milieu des hivernants et des joueurs de Monte-Carlo) des couplets dont j'ai tout oubli\u00e9, sauf que la brochure sp\u00e9cifiait qu'ils se chantaient sur l'air de _Big brass band_ qui \u2013 je le suppose aujourd'hui \u2013 devait \u00eatre un cake-walk ou un ragtime. Il y avait presque au d\u00e9but un tableau dit \u00ab Les Valentins et Valentines \u00bb, pr\u00e9texte \u00e0 une entr\u00e9e de ballet ; puis un autre intitul\u00e9 \u00ab Le laboratoire d'Alcofribas \u00bb dans lequel, gr\u00e2ce \u00e0 des trucs de machinerie ou de pur th\u00e9\u00e2tre, on assistait \u00e0 divers prodiges ; enfin, peu avant le finale, une sc\u00e8ne militaire avec fusillade et explosion qui se d\u00e9roulait dans \u00ab la forteresse des Karpathes \u00bb. Est-ce vrai ? Est-ce faux ? D'apr\u00e8s les illustrations et le texte lui-m\u00eame, je me souviens de soldats engonc\u00e9s dans de grosses capotes sombres (et c'\u00e9taient, peut-\u00eatre, des enfants d\u00e9guis\u00e9s), d'un magicien \u00e0 ample robe et grande barbe blanche, de jeunes gens offrant \u00e0 des jeunes filles les bouquets de la Saint-Valentin, d'une grotte indiqu\u00e9e seulement par les simulacres d'asp\u00e9rit\u00e9s qui encadraient la sc\u00e8ne, antre sauvage dans lequel le spectateur \u00e9tait cens\u00e9 se trouver (\u00e0 l'instar de ses habitants diaboliques) et dont l'entr\u00e9e b\u00e9ait sur le plein air \u00e9voqu\u00e9 par la toile de fond.\n\nAussi brouill\u00e9 que s'av\u00e8re finalement le souvenir de cette f\u00e9erie \u2013 lue sans doute plusieurs fois mais dont \u00e0 peine quelques sc\u00e8nes m'avaient \u00e9t\u00e9 montr\u00e9es par le d\u00e9tour de la photographie \u2013 il reste qu'elle me fit une impression assez forte pour que certains d\u00e9tails (exacts ou d\u00e9form\u00e9s) soient en moi plus vivants que telles r\u00e9alit\u00e9s dont je pourrais rendre compte avec une moindre marge d'approximation. Il va de soi que je pensais \u00e0 autre chose qu'\u00e0 recomposer tout cela tandis que, sur le balcon de mon cousin, je devisais avec la petite-fille de la d\u00e9funte actrice qu'en tout petit format et sans couleur ni relief j'avais vue incarner Satan. Mais il est presque s\u00fbr que j'ajoutais, sans y songer, \u00e0 la vivacit\u00e9 naturelle de la petite-fille une pointe de diablerie prise chez la grand-m\u00e8re et que la mention \u00ab bords du Styx \u00bb affleurait en une esp\u00e8ce de lointaine r\u00e9sonance au plus secret de mon oreille quand elle disait \u00ab Taormina \u00bb. \u00c9clat qui embellit ses traits tandis qu'elle parlait de ce lieu ? Texture d'un nom qu'on dirait fait, comme ceux d'\u00ab Oloossone \u00bb et de \u00ab Camyre \u00bb, pour une pi\u00e8ce de vers alexandrins chantant les fastes antiques ? \u00c9closion \u2013 alors que je l'\u00e9coutais \u2013 d'un mirage de site heureux en contraste avec l'\u00e2pre teneur de mon propre mirage nordique ? Nul besoin (peut-il para\u00eetre) de chercher ailleurs pourquoi, de tous nos propos, celui qui d\u00e9ploya soudain la blancheur de Taormina est le seul que j'aie retenu. Pr\u00e9venu comme je l'\u00e9tais contre une M\u00e9diterran\u00e9e aux enchantements trop faciles, il me semble toutefois qu'indiff\u00e9rent ou rebut\u00e9 bien plut\u00f4t que s\u00e9duit j'aurais \u2013 sur ce point-l\u00e0 aussi \u2013 \u00e9t\u00e9 port\u00e9 \u00e0 l'oubli si les tenants et aboutissants de cette plaisante fille n'avaient donn\u00e9 plus de couleur \u00e0 son propos, dans lequel des feux capricieusement teint\u00e9s de lanterne magique interf\u00e9raient avec la pure lumi\u00e8re classique o\u00f9 baigne la bourgade sicilienne.\n\nBoulevard Beaumarchais, lors de ce d\u00e9jeuner, je ne pr\u00e9voyais pas qu'un jour \u2013 au retour d'un voyage que presque sans bouger de chez moi j'aurais fait \u00ab sur les bords du Styx \u00bb \u2013 un curieux substitut de mon cousin viendrait quotidiennement me visiter. Sur l'instant, cette s\u00e9rie de visites m'apparut une fantaisie absurde li\u00e9e \u00e0 mon \u00e9tat d\u00e9ficient, rien de plus (\u00e0 la r\u00e9p\u00e9tition pr\u00e8s) que ces r\u00eaves provoqu\u00e9s par la fi\u00e8vre et que leur exc\u00e8s de bizarrerie distingue du commun des autres r\u00eaves, comme si le monde onirique lui-m\u00eame y \u00e9tait d\u00e9form\u00e9 autant que l'est le monde r\u00e9el dans le r\u00eave ordinaire. Tr\u00e8s vite, j'ai reconnu que cette invention avait pour base un mythe du th\u00e9\u00e2tre, vieux de toute la distance qui me s\u00e9pare de mon enfance. Mais je n'en ai d\u00e9couvert la v\u00e9ritable racine qu'apr\u00e8s examen de tout ce qui, en mon cousin tel que le d\u00e9finissent nos places sur l'\u00e9chiquier familial et les rares d\u00e9tails vivants que m'offre l'histoire de nos rapports, pouvait le pr\u00e9destiner personnellement au mandat au nom duquel il \u00e9tait intervenu avec tant d'insistance.\n\nC'est une randonn\u00e9e bien \u00e9trange que j'avais imagin\u00e9e, quand j'avais cru qu'apr\u00e8s mon saut nocturne \u00e0 Cannes je me trouvais dans un h\u00f4pital de Bruxelles, comme si le diable du tableau mon\u00e9gasque des _Quatre cents coups_ avait mis dans le m\u00eame sac les bords de la Riviera dont parle la chanson et les bords de la Senne dont Baudelaire s'est moqu\u00e9. Tel \u00e9tait le d\u00e9sordre qui r\u00e9gnait en moi quant aux points cardinaux et quant \u00e0 ma propre cartographie qu'on peut dire que, litt\u00e9ralement, j'avais _perdu la boussole :_ au Midi apparu comme but d'une sorte de p\u00e8lerinage ou de pardon le Nord s'\u00e9tait substitu\u00e9, et la ville o\u00f9 r\u00e9side l'artiste que j'admire entre tous depuis mon \u00e2ge adulte s'\u00e9tait mu\u00e9e en celle qu'avait habit\u00e9e la grande artiste de mon enfance. Apr\u00e8s l'esp\u00e8ce de n\u00e9gation mortelle \u00e0 quoi le d\u00e9sarroi m'avait pouss\u00e9 \u2013 mouvement dont je ne pouvais qu'avoir honte au regard de l'ind\u00e9fectible d\u00e9fricheur qui a nom Picasso \u2013 un contrecoup s'op\u00e9rait et me faisait me replier sur l'\u00e9poque na\u00efve o\u00f9 ni l'amour ni l'art ne me posaient de grave probl\u00e8me puisque le premier, en ce temps, n'\u00e9tait gu\u00e8re plus qu'un joli mot et que le second, encore tout ext\u00e9rieur comme un lustre ou une garniture de chemin\u00e9e, s'incarnait en une \u00e9mouvante et belle personne dont la gentillesse temp\u00e9rait le trop de majest\u00e9. Retour aux origines, bient\u00f4t repris sous le couvert de mon cousin qui aurait, quant \u00e0 lui, pour charge de me ramener \u2013 par des voies \u00e9galement d\u00e9tourn\u00e9es \u2013 \u00e0 deux niveaux distincts du temps et non \u00e0 ma seule enfance.\n\nPar sa m\u00e8re, par ma tante Claire et, plus subtilement, par la divette dont l'ombre planait sur cette jeune fille avec qui je les soup\u00e7onne, sa femme et lui, d'avoir song\u00e9 \u00e0 me marier, mon cousin touchait \u00e0 un monde qui me fascinait et, dans le demi-sommeil de mes nuits d'h\u00f4pital, il avait ses entr\u00e9es \u00e0 titre pl\u00e9nier d'ayant droit puisque (symboliquement) ils s'entrelacent, le th\u00e9\u00e2tre et lui, en de brillantes cordelettes qui, par-dessus vieillesse et d\u00e9senchantement, me rattachent \u00e0 deux phases cruciales de ma vie : la p\u00e9riode enfantine des premi\u00e8res grandes admirations ; le moment o\u00f9, les jeux pas encore faits, le d\u00e9butant cherche sa voie en m\u00eame temps que, priv\u00e9ment, il se pr\u00e9pare \u00e0 miser sur l'une des quatre Dames. Pouvais-je m'avouer que ces innocents pr\u00e9ambules \u00e0 ce qui, par la suite, s'embrouillerait si terriblement sur le plan de l'art comme sur celui de l'amour \u00e9taient devenus pour moi un double objet de nostalgie ? Si j'aspirais secr\u00e8tement \u00e0 m'en rapprocher, j'avais \u00e0 ma port\u00e9e un truchement id\u00e9al en la personne de mon cousin, d\u00e9guis\u00e9 autant que l'exigeait le caract\u00e8re clandestin de sa mission mais v\u00eatu d'oripeaux qui en d\u00e9non\u00e7aient la nature en m\u00eame temps qu'ils la voilaient. Promu ilote ivre de la dramaturgie \u2013 comme si, au moment o\u00f9 l'art me proposait une planche de salut, j'avais d\u00fb, afin de repartir d'un autre pied, accabler de d\u00e9rision l'artiste que depuis si longtemps j'ai r\u00eav\u00e9 d'\u00eatre \u2013 mon cousin m'indiquait, en noir sur blanc, ce dont je ne devrais jamais cesser de me garder et, en langage sibyllin, quels parages recelaient les sources fra\u00eeches o\u00f9 je souhaitais me retremper.\n\nNord et Sud, Bruxelles et Taormina. Ce n'est pas en \u00e9coutant celle qui exprimait son d\u00e9sir ardent de visiter, non la Sicile, mais le site en lequel sans doute elle lui semblait se r\u00e9sumer que j'ai op\u00e9r\u00e9 ma conversion, tournant vers le bas de la carte des yeux port\u00e9s jusqu'alors vers le haut et prenant pour terres de pr\u00e9dilection les pays que le soleil chauffe avec tendresse ou duret\u00e9. C'est deux ou trois ans apr\u00e8s un entretien rest\u00e9 (comme je l'ai dit) unique chapitre que je changeai mes batteries, alors que pour la premi\u00e8re fois j'allais sur cette C\u00f4te d'Azur o\u00f9, en des temps et des lieux fort divers, j'ai pass\u00e9 beaucoup d'heures illumin\u00e9es par Picasso et o\u00f9 je reviendrais fictivement pour me confesser, \u00e0 lui qui a \u00e9t\u00e9 le t\u00e9moin non seulement de ma vie d'\u00e9crivain mais de ma vie conjugale depuis les d\u00e9buts de celle-ci et qui, voyant la chose sous cet angle encore, aurait pu doublement critiquer ma tentative de d\u00e9sertion. Me rendant \u00e0 Antibes en 1925 pour des vacances d'\u00e9t\u00e9, j'entendis quant au Midi fran\u00e7ais ce que j'avais seulement \u00e9cout\u00e9 quant \u00e0 Taormina et je d\u00e9couvris, en m\u00eame temps que notre accord sur la beaut\u00e9 du Sud, une entente plus profonde avec celle qui, avant la mise en route, me l'avait annonc\u00e9e et qui jusqu'\u00e0 maintenant est demeur\u00e9e ma commensale et mon interlocutrice de toutes les saisons en d\u00e9pit des traverses que, par ma faute, notre union a pu rencontrer. De Taormina je crus avoir une vue lointaine quand \u2013 allant en \u00c9gypte lors de l'acc\u00e8s de d\u00e9pression dont j'ai parl\u00e9 \u2013 je passai en bateau au large des c\u00f4tes de la Sicile : il me sembla distinguer quelques f\u00fbts de colonne blancs, pareils \u00e0 ce que j'avais entrevu, non d'un pont de navire, mais les pieds fermement pos\u00e9s sur un balcon dominant le boulevard Beaumarchais. En m\u00eame temps ou presque on me montra l'Etna, que sa nature de volcan ne diff\u00e9renciait pas d'une autre montagne. Quand, peu apr\u00e8s la derni\u00e8re guerre, je me trouvai dans le lieu affreusement touristique dont avait r\u00eav\u00e9 devant moi la gentille brunette, je ne rencontrai rien en quoi d\u00fbt \u00eatre reconnue cette suite de colonnes blanches et j'en conclus que mon imagination avait beaucoup travaill\u00e9 au moment o\u00f9 j'avais su que le paquebot _Lamartine_ \u00e9tait en vue de Taormina. Pendant le court s\u00e9jour que j'y fis avec ma femme, je vins souvent me promener ou m'asseoir dans les d\u00e9bris du c\u00e9l\u00e8bre th\u00e9\u00e2tre, mais l'image la plus attachante que m'ait l\u00e9gu\u00e9e cette p\u00e9riode de farniente est celle d'une autre jeune fille brune. Dans la rue principale bord\u00e9e de nombreuses boutiques de dentelles et de souvenirs dont les vendeuses n'h\u00e9sitaient pas \u00e0 raccrocher les chalands, elle se tenait \u00e0 toute heure du jour sur le seuil de sa porte et nous souriait d\u00e8s que nous approchions, en sorte que je pris l'habitude de la saluer d'un cordial _buon giorno_ en laissant un instant mon regard s'appuyer comme s'il y avait eu entre cette inconnue et moi une complicit\u00e9 tacite.\n\nFlamande \u00e0 la voix pure et aux noirs sourcils de Tosca, jeune fille brune \u00e9blouie par ce qu'elle avait entendu ou lu de Taormina, boutiqui\u00e8re \u00e0 la sombre chevelure et au sourire accueillant, si j'ai tourn\u00e9 les yeux vers ces images trop estomp\u00e9es ou trop fugacement imprim\u00e9es pour n'\u00eatre pas de tout repos, c'est peut-\u00eatre avec le souci d'\u00e9viter celle de la tr\u00e8s vivante, elle aussi au crin couleur de corbeau, qui sut un jour me faire pleurer alors que depuis longtemps je ne pouvais retrouver qu'au figur\u00e9 cette sorte de d\u00e9livrance, quand il m'arrivait d'\u00e9clater en sanglots dans tel des r\u00eaves de plus en plus rares que je faisais.\n\nEffondrement caus\u00e9, lors de notre mauvaise querelle, par des paroles \u00e0 la fois dures et sottes, dont la biens\u00e9ance abusivement affich\u00e9e marquait (par-del\u00e0 le grief pr\u00e9cis) toute l'\u00e9paisseur de ce qui nous s\u00e9parait et face auxquelles je mesurais honteusement ma faiblesse, me soumettant faute de pouvoir enterrer un espoir dont elles prouvaient pourtant que, r\u00e9alis\u00e9, il ne r\u00e9pondrait pas \u00e0 mon souhait. Larmes jaillies comme d'un puits qui, au plus intime de moi, aurait atteint cette nappe d'angoisse, de tendresse, de d\u00e9sespoir et d'ironie en quoi consiste \u00e0 peu pr\u00e8s ce que je voudrais exprimer mais qui \u2013 tr\u00e8s probablement \u2013 est aussi l'indicible. Soudain afflux de chants d'oiseaux alors que, le beau temps venant \u00e0 peine de succ\u00e9der \u00e0 la pluie, mes yeux se mouillaient de trop d'exultation et non plus de chagrin. P\u00e9piements qui parvenaient jusqu'\u00e0 ma chambre de malade et qui, reproduisant ceux qu'une r\u00e9conciliation avait eus pour fanfare peu de semaines avant mon geste de d\u00e9route, me rappel\u00e8rent aussi le bruit qui m'avait tant intrigu\u00e9 la premi\u00e8re nuit de mon s\u00e9jour en Chine : notes que je crus d'abord issues de harpes \u00e9oliennes ou bien (selon je ne sais plus quelle histoire r\u00e9elle ou invent\u00e9e que j'avais lue) des l\u00e9gers tuyaux de bambou que les Chinois attacheraient sous le ventre ou les ailes de certains oiseaux pour que l'air s'y engouffre, notes qui en v\u00e9rit\u00e9 n'\u00e9taient rien autre que le son, \u00e9trangement fl\u00fbt\u00e9, des sifflets de locomotives \u00e0 l'approche ou au d\u00e9part de la gare de P\u00e9kin. Grand vacarme de volatiles et d'insectes, ardeur \u00e0 vivre et irr\u00e9ductible m\u00e9lancolie dont le ramage d'une nature foisonnante paraissait charg\u00e9e tandis qu'au lendemain de la Lib\u00e9ration, lors du deuxi\u00e8me voyage que j'ai fait en Afrique, je traversais \u00e0 la nuit tombante, en camion Dodge, la zone fronti\u00e8re limitrophe de la C\u00f4te-d'Ivoire et de la Guin\u00e9e.\n\nJours d'agonie, dont mes proches \u2013 et non pas le z\u00e9ro que j'\u00e9tais alors devenu \u2013 avaient v\u00e9cu les affres. Morte en sursis que j'incarnais chaque nuit et dont la force ne le c\u00e9dait en rien \u00e0 celle de ce fusill\u00e9 de la guerre d'Espagne qui, durant sa derni\u00e8re veille dans une prison de Barcelone, aurait eu (mais je ne connais aucun de ses compatriotes qui s'en \u00e9tonne) le c\u0153ur de formuler son mal en chantant des _coplas._ Musique gentiment sauvage, ex\u00e9cut\u00e9e par ces moineaux que ne pouvait raisonnablement h\u00e9berger le triste paysage o\u00f9 r\u00e9gnait la soci\u00e9t\u00e9 du gaz, mais qui perdirent \u00e0 peine de leur myst\u00e8re quand me fut r\u00e9v\u00e9l\u00e9e l'existence d'une cour-jardin sur laquelle s'ouvrait l'autre face du pavillon o\u00f9 s'effectuaient les r\u00e9animations. Pr\u00e9cieuse technique qu'on m'avait enseign\u00e9e, d\u00e8s les premi\u00e8res journ\u00e9es de mon retour \u00e0 la conscience, pour que ma voix cess\u00e2t d'\u00eatre rauque et saccad\u00e9e : presser de la main, quand je parlais, le pansement que je portais \u00e0 la gorge, ce qui obturait ma blessure et me permettait de respirer normalement.\n\nC'est une jolie kin\u00e9sith\u00e9rapeute qui m'avait indiqu\u00e9 ce proc\u00e9d\u00e9, une fille plut\u00f4t petite, brune, ronde et gaie, originaire de Toulouse, la m\u00eame qui me d\u00e9couvrit \u2013 quand je fus un peu mieux \u2013 l'enclos pour moi \u00e9d\u00e9nique que repr\u00e9senta la cour-jardin et me montra, en me guidant, le chemin que je devrais prendre quand je voudrais aller m'y promener : quelques m\u00e8tres de couloir sur la gauche en sortant de ma chambre puis, \u00e0 main droite, une porte vitr\u00e9e. Entre ces deux le\u00e7ons, je lui donnai des cartes que j'avais re\u00e7ues pour une soir\u00e9e \u00e0 la Salle Pleyel o\u00f9 l'on projetait des films chinois et, d'apr\u00e8s ce qu'elle me dit le lendemain, je crois que cette s\u00e9ance lui plut. \u00ab En vous voyant, j'ai repris go\u00fbt \u00e0 la vie \u00bb, lui d\u00e9clarai-je une fois, non par vaine galanterie mais parce que toute sa personne m'engageait positivement \u00e0 voir l'avenir sous un angle meilleur, comme si sa fra\u00eecheur avait eu un pouvoir du m\u00eame ordre que celui des trois jeunes gar\u00e7ons mis au service de Zarastro par le librettiste de _La Fl\u00fbte enchant\u00e9e._ C'est, toutefois, \u00e0 la lumi\u00e8re du seul souvenir que m'est apparue cette analogie, tr\u00e8s ult\u00e9rieure contrepartie \u00e0 une impression ressentie au sortir d'un examen de ma plaie \u2013 pas enti\u00e8rement cicatris\u00e9e \u2013 chez les m\u00e9decins oto-rhino qui m'avaient op\u00e9r\u00e9 : la suite de salles souterraines o\u00f9 ils officiaient, leur front bard\u00e9 d'une grosse lampe \u00e9lectrique comme d'une visi\u00e8re en forme de museau de chien ne les changeaient-ils pas en juges infernaux devant qui j'aurais comparu, dans une \u00c9gypte aux hypog\u00e9es curieusement modernis\u00e9s plut\u00f4t que dans un h\u00f4pital ?\n\nSciemment, j'ai m\u00e9tamorphos\u00e9 en g\u00e9nie bienfaisant qui m'e\u00fbt aid\u00e9 \u00e0 franchir certains caps d'un voyage outre-tombe la jeune femme \u00e0 qui je devais une double initiation : mieux respirer quand je parlais, prendre l'air dans la cour-jardin. Mais c'est en parfaite innocence que, l'un des tout premiers jours, je changeai l'infirmi\u00e8re plus robuste et plus m\u00fbre qui prenait soin de moi en une M\u00e8re Gigogne. Qu'elle e\u00fbt douze enfants \u00e0 sa charge, cela me semblait chose acquise, et sans doute \u00e9tait-ce que \u2013 clou\u00e9 sur un lit d'h\u00f4pital et retourn\u00e9 presque \u00e0 l'\u00e9tat de nouveau-n\u00e9 puisqu'il fallait me faire manger et que je n'avais pas le droit de me lever tout seul \u2013 j'\u00e9tais enclin \u00e0 situer dans une perspective o\u00f9 assistance publique, secours aux orphelins, procr\u00e9ation de jumeaux ou de port\u00e9es records se seraient agit\u00e9s p\u00eale-m\u00eale avec des id\u00e9es feuilletonesques sur la maternit\u00e9 dans les classes populaires la personne qui, \u00e0 ce moment, \u00e9tait pour moi ce qu'est la nourrice au marmot. \u00ab Mon pauvre monsieur Leiris ! Qu'est-ce que j'en ferais de douze enfants ? J'en ai deux, et c'est bien assez... \u00bb, me dit-elle, quand je crus bon de lui exprimer mon int\u00e9r\u00eat reconnaissant en la plaignant de l'embarras que cette nombreuse prog\u00e9niture ne pouvait manquer de lui causer, harass\u00e9e comme elle devait l'\u00eatre d\u00e9j\u00e0 par les obligations d'un m\u00e9tier des plus ingrats.\n\nC'est \u00e0 plusieurs niveaux et dans les branches diverses d'une hi\u00e9rarchie aussi nuanc\u00e9e qu'une hi\u00e9rarchie c\u00e9leste que ces femmes \u00e9taient situ\u00e9es, toutes en blanc de la t\u00eate aux pieds mais de gr\u00e2ce in\u00e9gale, les unes passant, d'autres entrant pour nettoyer la chambre, escorter les m\u00e9decins \u00e0 l'heure de la visite, quand ce n'\u00e9tait pour s'occuper directement de moi ou, plus souvent encore, du pauvre compagnon qu'on esp\u00e9rait chaque jour voir revenir \u00e0 la vie d'homme et dont, loin pourtant de ne pas m'associer \u00e0 l'esp\u00e9rance commune, je me prenais parfois \u00e0 penser qu'ainsi discr\u00e8te au maximum sa pr\u00e9sence \u00e9tait probablement moins lourde qu'elle ne le deviendrait s'il s'\u00e9levait au rang de voisin avec lequel je devrais converser. Comme je le sus un peu plus tard, celles qui travaillaient au m\u00e9nage ou, telle ma tr\u00e8s bonne et tr\u00e8s experte nourrice, constituaient le menu peuple du personnel sanitaire, parce qu'elles \u00e9taient sans dipl\u00f4mes, n'avaient droit qu'\u00e0 ces humbles pi\u00e8ces d'\u00e9toffe nou\u00e9es autour de la t\u00eate comme des foulards de boh\u00e9miennes, alors que les coiffures beaucoup plus \u00e9labor\u00e9es, de formes et de dimensions vari\u00e9es, qu'on remarquait chez certaines \u00e9taient l'apanage des surveillantes et infirmi\u00e8res \u00e0 parchemins. Tranchant sur cette multitude o\u00f9 les anges portaient le voile et les archanges la coiffe comme pour une manifestation folklorique, les kin\u00e9sith\u00e9rapeutes arboraient une sorte de petite calotte \u00e0 peu pr\u00e8s h\u00e9misph\u00e9rique, toquet bravache accentuant le c\u00f4t\u00e9 corps de ballet de leur \u00e9quipe jeune et preste. Malgr\u00e9 les cruelles questions que j'avais loisir de d\u00e9battre et le fond d'inqui\u00e9tude qui per\u00e7ait dans mes r\u00eaveries, il est certain que ma retraite forc\u00e9e, en m'apportant un r\u00e9pit, prenait un peu figure de vacances, assez durement gagn\u00e9es, de surcro\u00eet, pour que je pusse en jouir sans le moindre remords. Aussi \u00e9tais-je dispos\u00e9 \u00e0 regarder en dilettante, d'un \u0153il toujours curieux et volontiers amus\u00e9, ce monde en v\u00e9rit\u00e9 plus sinistre que pittoresque puisque la maladie et la mort en \u00e9taient les pierres angulaires.\n\nUn matin, alors que je savais d\u00e9j\u00e0 qu'aussit\u00f4t ma blessure ferm\u00e9e je rentrerais chez moi, un \u00e9v\u00e9nement se produisit, plus important qu'il ne pourrait sembler, car la conversation de quelques minutes en quoi il consista aida beaucoup au renflouement int\u00e9rieur sans lequel mon sauvetage n'aurait pas eu de sens. Je ne sais \u00e0 quoi j'\u00e9tais occup\u00e9 lorsque entra, v\u00eatu de sa blouse blanche, l'un des m\u00e9decins qui proc\u00e9daient quotidiennement \u00e0 la visite. Peut-\u00eatre \u00e9tais-je en train de griffonner, du bout de mon stylo \u00e0 pointe, quelques lignes sur le cahier que j'avais tr\u00e8s vite demand\u00e9, entre autres objets jug\u00e9s de haute n\u00e9cessit\u00e9 : un gros cahier tout neuf dont la couverture portait une assez large vignette coll\u00e9e repr\u00e9sentant, vus de l'aval, le milieu du Pont-Neuf et le square du Vert-Galant, avec en caract\u00e8res d'un corps tr\u00e8s fort le mot LUT\u00c8CE dont j'ignore, faute des donn\u00e9es chronologiques voulues, si sa pr\u00e9sence en t\u00eate du cahier (rencontre qui me frappe maintenant) pourrait avoir \u00e9t\u00e9 pour quelque chose dans l'intervention de mon cousin sous un nom inspir\u00e9, comme j'ai dit, par le noble et antique pseudonyme que son oncle avait adopt\u00e9 ? Peut-\u00eatre \u00e9tais-je plong\u00e9 (autant que me le permettait une facult\u00e9 d'attention qui n'a jamais \u00e9t\u00e9 grande) dans l'un ou l'autre des deux livres que je m'\u00e9tais fait apporter : les notes prodigieuses et saugrenues de Mallarm\u00e9 relatives \u00e0 son fameux \u00ab Livre \u00bb, finalement jamais \u00e9crit, mais dont il avait fait le but m\u00eame de sa vie et qu'il para\u00eet avoir con\u00e7u comme l'\u0153uvre totale en laquelle l'univers se r\u00e9sume et se justifie ; _L'Afrique ambigu\u00eb_ de l'ethnologue Georges Balandier, o\u00f9 l'on voit tradition et modernit\u00e9 s'affronter chez les hommes du continent noir, ouvrage qui m'\u00e9tait arriv\u00e9 en service de presse et relevait de l'autre face de mon activit\u00e9 professionnelle, la face ethnographique (celle du savoir et de l'engagement humaniste), alors que l'in\u00e9dit de Mallarm\u00e9 \u2013 \u00e0 la lecture duquel je consacrais bien plus de temps et d'application passionn\u00e9e \u2013 relevait de la face pas m\u00eame litt\u00e9raire mais strictement po\u00e9tique ? Peut-\u00eatre encore ne m'adonnais-je \u00e0 rien de d\u00e9fini, songeant \u00e0 ma difficile reprise d'\u00e9quilibre sur le plan du travail comme sur celui de la vie et remuant dans ma t\u00eate les signes id\u00e9aux de quelques d\u00e9sirs toujours pareils et en eux-m\u00eames assez simples mais dont j'\u00e9tais impuissant \u00e0 trouver le moyen d'op\u00e9rer pratiquement la synth\u00e8se ? Quoi qu'il en soit, le m\u00e9decin franchit le seuil et vint s'asseoir \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de mon lit.\n\nLa pr\u00e9sence de mon compagnon de chambre n'\u00e9tait m\u00eame pas ce qu'e\u00fbt \u00e9t\u00e9 celle d'un homme enseveli dans un sommeil profond, car avec lui aucun r\u00e9veil soudain n'\u00e9tait \u00e0 craindre. Aussi, mon visiteur et moi parl\u00e2mes-nous comme si nous avions \u00e9t\u00e9 seul \u00e0 seul. Ne s'embarrassant pas de vaines circonlocutions, l'homme au visage calme et au sourire tr\u00e8s l\u00e9ger plut\u00f4t sage que gai, au regard ni trop d\u00e9tach\u00e9 ni trop inquisiteur, \u00e0 l'allure parfaitement saine sans exc\u00e8s d\u00e9sagr\u00e9able de prosp\u00e9rit\u00e9, l'homme assez jeune mais un peu lent et probablement point bavard qui, install\u00e9 pr\u00e8s de moi comme l'aurait fait l'un de mes proches, m'apparaissait comme l'\u00eatre le plus ponctuel dans ses devoirs en m\u00eame temps que le plus raisonnable aborda presque d'embl\u00e9e ce qui devait, pour lui, \u00eatre le n\u0153ud de la question ou, du moins, y mener droit : on lui avait parl\u00e9 (et j'ai pens\u00e9 depuis que c'\u00e9tait un rapport de police qui l'avait renseign\u00e9) de mes \u00ab habitudes d'intemp\u00e9rance \u00bb, de sorte qu'il voulait apprendre de moi exactement ce qu'il en \u00e9tait. Je ne niai pas absolument mais, souriant un peu, je lui r\u00e9torquai que, s'il m'\u00e9tait arriv\u00e9 en effet bien trop souvent de trop boire et si cela m'arrivait encore quelquefois, jamais je n'avais \u00e9t\u00e9 \u00e0 proprement parler un ivrogne et moins encore un alcoolique ; un moyen de me tirer du malaise en certaines circonstances et dont, sans avoir \u00e0 y mettre du mien, j'avais socialement de fr\u00e9quentes occasions d'user, voil\u00e0 ce qu'\u00e9tait pour moi la boisson, \u00e0 laquelle j'\u00e9tais fort loin de recourir aussi r\u00e9guli\u00e8rement qu'on avait pu le raconter. Comme il m'interrogeait sur mes occupations pr\u00e9cises, je m'expliquai en quelques mots sur ma double profession, \u00e9crivain et ethnographe, puis je vidai \u00e0 peu pr\u00e8s tout mon sac. Tr\u00e8s placidement, il me dit alors qu'un homme comme moi ne devrait pas se laisser aller ainsi que je l'avais fait. Ne pouvais-je pas, gr\u00e2ce \u00e0 la campagne et au sport, avoir une vie physiquement plus active, ce qui arrangerait bien des choses ? Je repoussai un tel programme, all\u00e9guant la n\u00e9cessit\u00e9 o\u00f9 j'\u00e9tais de consacrer mes moments de libert\u00e9 \u00e0 un travail litt\u00e9raire auquel j'accordais beaucoup de prix ; mais je r\u00e9pondis affirmativement quand il me demanda si, parmi mes relations, il n'y aurait pas un psychanalyste ou un psychiatre \u00e0 qui je pourrais m'adresser. J'acquies\u00e7ai au conseil qu'il me donna de me plier \u00e0 un traitement de cette esp\u00e8ce quand je serais sorti de l'h\u00f4pital et j'y mis tout le c\u0153ur qu'on peut mettre \u00e0 une r\u00e9solution dont on sait non seulement qu'elle repr\u00e9sente la derni\u00e8re chance et que l'\u00e9l\u00e9mentaire bon sens ordonne donc de la prendre mais que, dans la mesure o\u00f9 elle est le contraire d'une solution paresseuse puisque sa mise \u00e0 ex\u00e9cution ne pourra se faire sans effort, elle n'a pas seulement une signification d'utilit\u00e9. L'entretien \u00e9tant sur cela parvenu \u00e0 son terme logique, mon visiteur n'insista pas et moi, lui disant au revoir, je le remerciai chaudement d'\u00eatre venu ainsi me parler d'homme \u00e0 homme.\n\nD\u00e8s avant mon colloque avec l'une des t\u00eates de ce groupe d'hommes et de femmes que je voyais se d\u00e9penser pour leurs malades comme sur un front de combat, je m'\u00e9tais dit qu'\u00e0 c\u00f4t\u00e9 des travaux douteux de la politique, aux effets trop souvent inverses de ce qu'on s'\u00e9tait propos\u00e9, il y a une chose dont, par contre, la valeur d'efficience est au-dessus de toute discussion : la marche d'un \u00e9tablissement comme celui (si bien \u00e9quip\u00e9 techniquement et humainement) o\u00f9 j'avais recouvr\u00e9 mes esprits. A une telle entreprise on ne saurait juger absurde de d\u00e9vouer tout son temps et le fait que cela existe suffit peut-\u00eatre \u00e0 r\u00e9habiliter la vie, au cas m\u00eame o\u00f9 elle ne nous offrirait rien autre de d\u00e9fendable.\n\nSi persuad\u00e9 que je fusse de la beaut\u00e9 du m\u00e9tier m\u00e9dical, il n'est gu\u00e8re besoin d'ajouter que je ne m'ouvris pas un instant \u00e0 une id\u00e9e qui e\u00fbt \u00e9t\u00e9 pure chim\u00e8re, ne f\u00fbt-ce qu'en raison de mon \u00e2ge : me consacrer \u00e0 cette activit\u00e9 secouriste dont, \u00e0 tout le moins, le _bien-fond\u00e9_ ne peut pas \u00eatre contest\u00e9. Mais de l'exemple que me proposait \u2013 comme pour me d\u00e9tourner des utopies \u2013 le bon fonctionnement d'un h\u00f4pital, je retins que le go\u00fbt du travail bien fait est une vertu cardinale et que, sans me disperser comme nagu\u00e8re dans toutes sortes de vell\u00e9it\u00e9s, je devais avant tout reprendre ma vraie t\u00e2che professionnelle en y mettant simplement le plus possible de conscience et de largeur de vues.\n\nComme les \u00ab r\u00e9solutions \u00bb qu'\u00e0 l'\u00e9poque (je crois) de ma premi\u00e8re communion j'inscrivais sur un cahier r\u00e9serv\u00e9 \u00e0 de pieux usages, des projets litt\u00e9raires \u2013 sommairement indiqu\u00e9s \u2013 figurent parmi les notes rapides et irr\u00e9guli\u00e8res dont se compose ce qui fut un fourre-tout plut\u00f4t que le journal de mon temps de maladie. Faire le proc\u00e8s de la monogamie, voil\u00e0 qui peut-\u00eatre aurait encore un sens, et je m'y emploierais dans la suite m\u00eame de cette _R\u00e8gle du jeu_ en sorte que, sans s'\u00e9carter de l'exp\u00e9rience v\u00e9cue, elle perdrait, en s'orientant vers la critique de nos m\u0153urs, le caract\u00e8re trop personnel qu'elle avait eu d\u00e8s l'origine et dont j'\u00e9tais \u00e9c\u0153ur\u00e9. Docile \u00e0 la le\u00e7on de Mallarm\u00e9, me donner pour point de mire l'id\u00e9e de livre total et tenter avec cet encha\u00eenement de r\u00e9cits et de r\u00e9flexions \u2013 d\u00e9j\u00e0 serpent qui se mord la queue puisque la recherche de sa propre justification en est, au fond, le principal moteur \u2013 d'aboutir \u00e0 une \u0153uvre existant comme un monde ferm\u00e9, complet et irr\u00e9cusable, telle pourrait \u00eatre aussi ma fa\u00e7on d'\u00e9chapper au subjectivisme, prenant alors de la hauteur au lieu de choisir une issue qui d\u00e9boucherait \u00e0 ras du sol. M'acquitter, en toute modestie, d'un travail accept\u00e9 d\u00e8s longtemps mais qui n'avait pas d\u00e9pass\u00e9 le stade de la promesse \u2013 la r\u00e9daction d'un article sur l'\u00e9volution des th\u00e8ses politiques et de la po\u00e9sie d'Aim\u00e9 C\u00e9saire \u2013 c'est ce que je devrais en tout cas porter en t\u00eate de mon programme, \u00e0 titre de premi\u00e8re urgence. Presque aussi cursifs que les notes, de brefs po\u00e8mes ont \u00e9t\u00e9 jet\u00e9s directement ou recopi\u00e9s sur certaines pages du \u00ab cahier scolaire \u00bb que ses fabricants avaient plac\u00e9 sous l'invocation de Lut\u00e8ce. Comme ceux de quelques lignes qui jalonnaient depuis ses d\u00e9buts le d\u00e9veloppement de mon aventure, ils tiraient leur chair et leur sang de cela m\u00eame qu'ils vivifiaient \u00e0 leur tour : cet \u00e9tat de _tendresse et tristesse passionn\u00e9es_ dont l'ambigu\u00eft\u00e9, un beau soir, avait eu mon enivrement presque mortel pour expression muette et abrupte. Sentiment rebelle \u00e0 toute mise en lumi\u00e8re par les voies ordinaires du discours, mais que chacune de ces combinaisons lyriques de mots faisait briller devant moi comme un cristal ainsi arrach\u00e9 de vive force \u00e0 ma nuit int\u00e9rieure.\n\nRetours sur moi et sur ce qui m'\u00e9tait arriv\u00e9. Notations pures. Po\u00e8mes qui, plus que des chants, \u00e9taient des fulgurations issues tant\u00f4t du c\u0153ur et tant\u00f4t du cerveau. Projets touchant \u00e0 ma remise en selle tant par mes propres moyens \u2013 travailler \u2013 que par des moyens m\u00e9dicaux : psychanalyse (bien rebutante, car je ne pouvais sans naus\u00e9e m'imaginer \u00e9tendu de nouveau sur le divan-confessionnal) ; m\u00e9decine psychosomatique (qui m'attirait depuis longtemps, avec ses lueurs sur l'\u00e9trange partie qui se joue entre corps et esprit jusqu'\u00e0 ce que le premier entra\u00eene le second dans sa chute) ; ne rien d\u00e9cider, en tout cas, sans avoir consult\u00e9 l'ami qui tous ces derniers mois s'\u00e9tait occup\u00e9 de restaurer mon foie et purifier mon sang. Sur le cahier dont quelques feuilles se couvrirent ainsi de pattes de mouche pas toujours tr\u00e8s lisibles, je tirais donc des plans, essayais d'y voir clair et amassais des lignes. Au lendemain m\u00eame de ma liquidation manqu\u00e9e un choix s'\u00e9tait op\u00e9r\u00e9, presque \u00e0 mon insu et sans que j'eusse \u00e0 en d\u00e9battre : simplement, je m'\u00e9tais cramponn\u00e9. Comment faire pour vivre ? Vivre en faisant _quoi_ et le faisant _comment_ ? Ces deux questions \u00e9taient les seules br\u00fblantes et si, \u00e0 l'arri\u00e8re-plan, un autre point d'interrogation se lovait \u2013 _pourquoi_ vivre ? \u2013 c'\u00e9tait d'une mani\u00e8re toute formelle et presque ornementale.\n\nQuand je reviens maintenant \u00e0 cette p\u00e9riode singuli\u00e8re, je la constate heureuse malgr\u00e9 le d\u00e9plorable \u00e9tat physique dans lequel je me trouvais, la quasi r\u00e9clusion qu'impliquait mon statut d'hospitalis\u00e9 et l'angoisse qui pointait lorsqu'au lieu d'envisager l'avenir sous l'angle presque scolaire du programme \u00e0 d\u00e9terminer je le consid\u00e9rais sans voile aucun jet\u00e9 sur le conflit que ma descente aux ab\u00eemes n'avait pas r\u00e9solu. Une certaine qui\u00e9tude \u00e9tait venue apr\u00e8s la turbulence, supplantant peu \u00e0 peu l'excitation tout d'abord inconsciente qui m'avait fait imposer les attaches que j'ai dites puis, quand j'eus \u00e9t\u00e9 d\u00e9barrass\u00e9 de celles-ci, provoqua une fois la rude intervention de deux infirmi\u00e8res de nuit qui, \u00e0 l'aide d'un drap pli\u00e9 et repli\u00e9, me sangl\u00e8rent \u00e9troitement sur mon lit comme si elles s'\u00e9taient appr\u00eat\u00e9es \u00e0 me battre. Toutefois l'esp\u00e8ce de s\u00e9r\u00e9nit\u00e9 torride \u00e0 laquelle j'acc\u00e9dais, cette joie _en soi_ si je puis dire \u2013 tout \u00e0 fait nue ou, pour le moins, d\u00e9pouill\u00e9e d'attributs proprement agr\u00e9ables \u2013 se r\u00e9v\u00e9la bient\u00f4t n'avoir \u00e9t\u00e9 qu'une r\u00e9action de circonstance et non le sacre d'une sagesse : tension de toutes mes fibres vers la gu\u00e9rison, en m\u00eame temps que r\u00e9ponse au d\u00e9vouement sans ambages de ceux qui m'avaient fait revivre et dont la conduite apparaissait domin\u00e9e par l'id\u00e9e que l'existence humaine vaut qu'on lutte afin de la prolonger. Ce qui marqua le tournant, ce fut \u2013 au moment o\u00f9 l'on me reconnut \u00e0 peu pr\u00e8s convalescent \u2013 mon transfert dans la \u00ab galerie des hommes \u00bb, partie du pavillon qui (de m\u00eame que son pendant la \u00ab galerie des femmes \u00bb) \u00e9tait habit\u00e9e en principe par des malades pour le salut desquels on n'avait plus \u00e0 combattre pied \u00e0 pied.\n\nObjectivement, j'avais gagn\u00e9 \u00e0 ce changement de local : je disposais d'une chambre \u00e0 lit unique, sorte de box dont les cloisons n'atteignaient pas le plafond mais constituaient des s\u00e9parations suffisantes. Malgr\u00e9 le peu de g\u00eane que m'avait caus\u00e9 dans l'autre chambre l'homme quasi absent qui v\u00e9g\u00e9tait \u00e0 mes c\u00f4t\u00e9s, mieux valait, assur\u00e9ment, ma solitude de maintenant : elle me permettait une libert\u00e9 plus grande avec mes visiteurs et, le reste du temps, plus de tranquillit\u00e9 que dans cette pi\u00e8ce sujette aux all\u00e9es et venues qu'entra\u00eenaient les multiples soins n\u00e9cessaires \u00e0 mon compagnon. Il n'en est pas moins vrai que j'\u00e9prouvai ce changement comme un retour \u00e0 la platitude la plus morne. A peine install\u00e9, je sentis l'ennui se substituer \u00e0 l'ardeur qui, sous des formes diverses, m'avait anim\u00e9 jusqu'alors. A la p\u00e9riode de haute tension succ\u00e9dait celle du charme rompu, comme si j'avais \u00e9t\u00e9 d\u00e9gris\u00e9, tir\u00e9 d'un r\u00eave ou brusquement rendu aux servitudes profanes apr\u00e8s la ferveur de quelque p\u00e8lerinage.\n\nUne chambre \u00e0 un seul lit au lieu de celle \u00e0 trois lits dont l'un \u00e9tait le mien, l'autre le reposoir d'entre vie et mort o\u00f9 gisait un dormeur obstin\u00e9, le troisi\u00e8me un meuble qui n'aurait pas compt\u00e9 si je n'avais craint de le voir empli un beau jour par Dieu sait quel arrivant ! Selon cette arithm\u00e9tique, j'aurais d\u00fb me r\u00e9jouir d'un sort beaucoup am\u00e9lior\u00e9. Mais, \u00e0 ne consid\u00e9rer que l'aspect aussit\u00f4t mesurable, c'est une vue trompeuse qu'on prendrait de la chose, car dans cette chambre o\u00f9 je n'\u00e9tais plus qu'un, et d\u00e9livr\u00e9 des trop fr\u00e9quentes intrusions, je me trouvais en revanche \u00e0 la merci de tout ce que laissaient filtrer des cloisons dont l'opacit\u00e9 ne se doublait, malheureusement, de rien d'\u00e9quivalent quant \u00e0 ce qui pouvait assi\u00e9ger mes tympans.\n\nRadios r\u00e9guli\u00e8rement branch\u00e9es sur les pires inepties des programmes, propos que mes voisins \u00e9changeaient, tant\u00f4t blaguant comme des militaires \u00e0 la veille d'\u00eatre lib\u00e9r\u00e9s, tant\u00f4t gouaillant miteusement sur l'\u00e9tat de leur gorge apr\u00e8s la trach\u00e9otomie qu'ils avaient subie eux aussi (car la plupart \u00e9taient des t\u00e9taniques gu\u00e9ris par la m\u00e9thode qui consiste \u00e0 provoquer le coma en injectant du curare puis \u00e0 \u00ab r\u00e9animer \u00bb), tout cela m'arrivait \u00e0 travers les cloisons comme si matin et soir une Providence maligne m'avait donn\u00e9 \u00e0 \u00e9couter un sottisier pour laver mon cerveau de toutes vell\u00e9it\u00e9s d'optimisme. Avec ce que j'entendais, n'\u00e9tais-je pas en effet amen\u00e9 \u00e0 me dire que ce travail d'h\u00f4pital, malgr\u00e9 son apparent \u00ab bien-fond\u00e9 \u00bb, n'\u00e9tait pas moins aberrant que le reste puisqu'il s'av\u00e9rait, en derni\u00e8re analyse, repr\u00e9senter beaucoup d'intelligence, de c\u0153ur et d'\u00e9nergie d\u00e9pens\u00e9s \u00e0 seule fin d'augmenter la long\u00e9vit\u00e9 d'une bande de sinistres cr\u00e9tins (presque tous prouv\u00e9s tels, compte non tenu d'un Nord-Africain que je rep\u00e9rai un peu plus tard gr\u00e2ce \u00e0 un jeu de portes ouvertes et que sa diff\u00e9rence d'origine ou son ignorance du fran\u00e7ais soustrayait \u00e0 l'affligeant colloque) ? Aussi, \u00e0 l'instar d'un croyant qui ne peut supporter l'\u00e9croulement de sa foi, accueillerais-je bient\u00f4t comme une v\u00e9rit\u00e9 dont l'\u00e9vidence \u00e9clate au moment m\u00eame o\u00f9 l'on touchait le fond cette id\u00e9e propre \u00e0 recomposer la goutte d'espoir trop vite \u00e9vapor\u00e9e : serait-il vrai que le m\u00e9decin \u2013 et aussi bien l'artiste ou le militant \u2013 gaspille ses forces pour de lamentables usagers et pourrait-on, au mieux, faire partie d'une _\u00e9lite active_ brassant le vide \u00e0 quoi (en gros) se r\u00e9duit la masse passive, cela ne disqualifierait pas de tels efforts et montrerait seulement l'urgence de les lier \u00e0 l'\u00e9ducation de cette masse qu'on ne saurait dire vou\u00e9e par destin \u00e0 une constante inanit\u00e9. Philosophie simplette mais qui, sur l'heure, serait la bienvenue puisqu'en me lib\u00e9rant du d\u00e9sespoir logique elle ferait taire mes scrupules quant \u00e0 mon manque de courage pour renouveler, cette fois sans possibilit\u00e9 d'\u00e9chec, ma tentative de tirer le trait.\n\n\u00c9loign\u00e9 de cette esp\u00e8ce de ligne de feu, les chambres de grands malades dont j'avais partag\u00e9 l'une avec un demi-mort qu'on s'acharnait \u00e0 prolonger en attendant son r\u00e9veil, je me sentais comme un soldat \u00e9vacu\u00e9 qui tra\u00eene son cafard dans les h\u00f4pitaux de l'arri\u00e8re. Plus rien, ici, de l'ambiance h\u00e9ro\u00efque de mon ancien secteur : aux amazones souvent hautes en couleur qui se relayaient dans une bataille sans tr\u00eave contre les forces de mort, des cr\u00e9atures plus falotes semblaient s'\u00eatre substitu\u00e9es, soit que les convalescents n'eussent plus besoin d'\u00eatre assist\u00e9s par la fine fleur, soit que le fait qu'ils fussent hors de danger entra\u00een\u00e2t un rel\u00e2chement pantouflard chez des femmes aussi vaillantes \u00e0 l'occasion que celles du groupe de choc. Mais, que cela f\u00fbt affaire de personnes ou simplement de circonstances, il est s\u00fbr qu'une moindre vigilance et des fa\u00e7ons plus d\u00e9tach\u00e9es concouraient \u00e0 me donner l'impression que c'\u00e9taient de vagues femmes de m\u00e9nage \u2013 neutres et anonymes \u2013 qui, autour de moi, avaient pris la rel\u00e8ve.\n\nAu hasard d'une marche de couloir en couloir (comme j'en faisais m\u00eame la nuit, aller aux w.c. \u00e9tant alors mon alibi), je rencontrai l'infatigable soigneuse qui, les premiers jours, m'\u00e9tait apparue si maternelle et si capable de parer \u00e0 tout qu'il me semblait aller de soi qu'elle e\u00fbt, chez elle, \u00e0 se mettre en quatre pour une encombrante marmaille. J'aimais bien cette femme que son d\u00e9vouement efficace \u2013 profond, sans doute, au point de n'\u00eatre pas conscient \u2013 n'emp\u00eachait ni de vous rembarrer ni de vitup\u00e9rer comme si \u00e0 l'instant m\u00eame elle allait tout envoyer promener. Aussi, voulant lui dire quelque chose de gentil, je lui exprimai mon ennui d'\u00eatre maintenant un pensionnaire de la galerie des hommes et combien je me plaisais mieux dans le secteur dont elle s'occupait. _Oui... Chez nous, c'est plus vivant !_ opina-t-elle en riant, sans que je pusse savoir si ce rire r\u00e9pondait \u00e0 son pur acquiescement cordial ou \u00e0 la perception de l'\u00e9tranget\u00e9 d'un tel jugement sur la suite d'ateliers o\u00f9 d'habiles techniciens s'attachaient \u00e0 d\u00e9panner des \u00eatres qui, d'humains, n'avaient plus que la forme.\n\nPass\u00e9 de cette zone que la mort survolait \u00e0 un lieu o\u00f9 tout semblait calcul\u00e9 pour me faire d\u00e9plorer d'\u00eatre rentr\u00e9 parmi les hommes, j'avais \u2013 aussi atterrant que cela f\u00fbt \u2013 progress\u00e9 au moins sur un point : plus question, d\u00e9sormais, de go\u00fbter tranquillement le r\u00e9pit que ma retraite m'apportait ; rester m\u00eame un seul jour de plus que le strict n\u00e9cessaire, \u00e7'e\u00fbt \u00e9t\u00e9 m'attarder l\u00e2chement au sein d'une b\u00eatise avilissante. La d\u00e9cision de partir au plus t\u00f4t et d'affronter, sans surseoir, un avenir dont je m'\u00e9tais un moment demand\u00e9 si tout ne risquait pas de s'y remettre au point, dans le simple d\u00e9go\u00fbt, plus vite que je ne l'aurais cru, telle fut ma r\u00e9action presque imm\u00e9diate \u00e0 ce milieu d\u00e9primant. J'acceptai donc, enfin sans atermoiements, l'al\u00e9a de mon retour \u00e0 la vie de nagu\u00e8re. Aurais-je pris aussi ais\u00e9ment ce parti si je n'avais la vertu d'esp\u00e9rance fortement chevill\u00e9e au corps, malgr\u00e9 ce que j'ai pu penser en d'autres temps ?\n\nJusqu'alors j'avais attendu que, ma plaie gu\u00e9rie, l'on me juge apte \u00e0 retourner chez moi. Or l'ami qui m'assistait au titre de m\u00e9decin traitant m'avait dit qu'\u00e0 faire ainsi je m'exposais \u00e0 \u00eatre gard\u00e9 assez longtemps : il me fallait demander ma sortie, on me l'accorderait s\u00fbrement, car les soins que ma blessure r\u00e9clamait encore pouvaient m'\u00eatre donn\u00e9s ailleurs qu'\u00e0 l'h\u00f4pital. Ma d\u00e9couverte malheureuse de la galerie des hommes coupant court \u00e0 toute h\u00e9sitation, j'exprimai mon d\u00e9sir de d\u00e9part. On m'inscrivit d'embl\u00e9e pour la prochaine consultation oto-rhino-laryngologique ; je m'y pr\u00e9senterais dans la matin\u00e9e du samedi et m'en irais l'apr\u00e8s-midi.\n\nMuni d'une \u00ab grosse curette \u00bb, le grand patron oto-rhino avait \u00e9limin\u00e9 de petites excroissances qui s'\u00e9taient form\u00e9es sur les bords de ma plaie encore partiellement ouverte. Cela m'avait fait assez mal et, rentr\u00e9 dans ma chambre au sortir de l'antre souterrain o\u00f9 la consultation se tenait, je m'\u00e9tais \u00e9tendu sur mon lit afin de r\u00e9cup\u00e9rer. Puis une infirmi\u00e8re \u00e9tait venue me faire un dernier pansement et j'avais d\u00e9jeun\u00e9 de g\u00e2teaux et de fruits. Il faisait tr\u00e8s chaud, ce qui n'arrangeait rien apr\u00e8s la nuit presque blanche que j'avais pass\u00e9e. Mon mince bagage pr\u00e9par\u00e9, il ne me restait qu'\u00e0 me reposer jusqu'au moment o\u00f9 arriveraient, pour me ramener quai des Grands-Augustins, ma femme et l'un de nos amis les plus proches, celui-l\u00e0 m\u00eame que j'ai choisi (parce qu'il est sensiblement plus jeune que moi) comme ex\u00e9cuteur posthume de mes volont\u00e9s et qui, peut-\u00eatre, devra s'occuper de publier, dispos\u00e9es comme il les trouvera, les fiches non employ\u00e9es de _La R\u00e8gle du jeu,_ ce travail que d\u00e8s longtemps je crains de ne pouvoir finir, faute de temps, et que cette crainte, en me nouant, m'emp\u00eache encore un peu plus de finir rapidement.\n\nMon attente fut longue et d'autant plus irritante que, les adieux faits, et la rupture op\u00e9r\u00e9e, j'aurais voulu d\u00e9camper \u00e0 l'instant. Coucher l\u00e0 encore une nuit si l'arriv\u00e9e trop tardive de mes convoyeurs rendait impossible, par malchance, l'accomplissement des formalit\u00e9s de sortie, je ne pouvais l'envisager sans angoisse. Deux ou trois fois j'allai jusqu'au bureau des surveillantes pour savoir si quelque communication t\u00e9l\u00e9phonique n'\u00e9tait pas parvenue, m'informant de je ne sais quel accroc ou modification apport\u00e9e au protocole pr\u00e9vu. Les surveillantes me rassuraient et me renvoyaient \u00e0 ma chambre o\u00f9, trop \u00e9nerv\u00e9 pour lire, \u00e9crire ou faire quoi que ce f\u00fbt, je ne pouvais que recommencer \u00e0 me morfondre en me demandant si je n'avais pas compris de travers ce que ma femme m'avait dit la veille. Proc\u00e9dant moins de la r\u00e9flexion que d'une folle impatience, mon inqui\u00e9tude \u00e9tait vaine et je pus, l'apr\u00e8s-midi point tellement avanc\u00e9, m'installer en pyjama et robe de chambre dans la conduite int\u00e9rieure que notre ami, pour m'\u00e9viter quelques pas de trop, avait men\u00e9e d'autorit\u00e9 \u00e0 la petite cour toute proche o\u00f9 stationnaient les voitures des m\u00e9decins.\n\nDans la forte chaleur de ce mois de juin, le parcours fut fatigant. Un peu crisp\u00e9, j'ouvrais les yeux tout grands sur cet \u00e9t\u00e9 apparemment plein de violence dont, reclus (deux semaines trop charg\u00e9es pour r\u00e9pondre \u00e0 leur mesure selon le calendrier), je n'avais pas soup\u00e7onn\u00e9 l'\u00e9closion, m\u00eame quand je prenais l'air dans l'\u00e9den qu'une gaie kin\u00e9sith\u00e9rapeute m'avait r\u00e9v\u00e9l\u00e9. L'avenue d'Aubervilliers et la rue du m\u00eame nom, frapp\u00e9es par un soleil suffisamment oubli\u00e9 pour m'appara\u00eetre d'une extr\u00eame duret\u00e9, se d\u00e9roul\u00e8rent de part et d'autre des vitres et je les regardai comme je l'eusse fait d'art\u00e8res d'un mod\u00e8le inconnu dans une ville exotique qui m'aurait \u00e0 la fois surpris et vaguement effray\u00e9. La splendeur d'une lumi\u00e8re \u00e0 deux doigts (pouvait-on croire) de l'explosion dotait d'un merveilleux \u00e9clat ce quartier mal r\u00e9put\u00e9 o\u00f9, \u00e7\u00e0 et l\u00e0, un caf\u00e9-bar m'\u00e9tonnait par sa rutilance et l'allure de coupe-gorge qu'il devait \u00e0 sa tranquillit\u00e9 m\u00eame. Parmi les rares personnes qui circulaient ou se tenaient debout sur les trottoirs, je remarquai quelques hommes \u2013 Nord-Africains ou autres \u2013 auxquels j'attribuai, sans doute un peu vite, la profession de souteneurs et surtout je notai, camp\u00e9es comme des poissardes ou des trag\u00e9diennes, des femmes en robes d'\u00e9t\u00e9 bon march\u00e9 qui ne les v\u00eataient pas plus que des peignoirs et dont, v\u00e9nales ou pas, elles semblaient pr\u00eates \u00e0 se d\u00e9pouiller en un tournemain pour l'amour \u00e0 quoi incitait cette journ\u00e9e si radieuse qu'\u00e0 elle seule elle donnait envie de nudit\u00e9. Plus peupl\u00e9, le faubourg Saint-Denis m'offrit, toutes voiles dehors sur ma gauche et sur ma droite, son floril\u00e8ge de p\u00e8gre f\u00e9minine peu rago\u00fbtante dans l'ensemble et, parfois, hideuse \u00e0 faire froid dans le dos.\n\nRendu chez moi, je montai d'une traite mes quatre \u00e9tages d'escalier, bien que mon souffle f\u00fbt court et que mes jambes n'eussent gu\u00e8re de vaillance. Craignant les retrouvailles avec ce qui avait \u00e9t\u00e9, symboliquement, le d\u00e9cor de mon dernier jour, je voulais m'attarder le moins possible sur le seuil et foncer comme on se jette \u00e0 l'eau vers le t\u00eate-\u00e0-t\u00eate que je redoutais. Cette tactique, en v\u00e9rit\u00e9, ne me servit \u00e0 rien et j'eus beau, d'un m\u00eame \u00e9lan, aller jusqu'au bureau o\u00f9 se trouvait la commode dans le dernier tiroir de laquelle j'avais pris mes tubes de ph\u00e9nobarbital pour me gaver de leur contenu, c'est un gros choc que je ressentis quand, allong\u00e9 sur le divan et cherchant \u00e0 reprendre haleine, je laissai mes regards se poser sur la commode, les autres meubles et les divers ornements d'un lieu qui avait \u00e9t\u00e9 le th\u00e9\u00e2tre d'une crise dont je n'avais jamais v\u00e9cu l'\u00e9quivalent.\n\nCouch\u00e9 sur le dos, j'avais en face et au-dessus de moi le plafond avec les p\u00e2tisseries d'angle et les autres moulures de sa d\u00e9coration surann\u00e9e, dont le motif central est une ellipse \u00e0 peine moins longue et moins large que le rectangle trac\u00e9 par le haut des corniches qui surmontent les quatre murs. Comme \u00e0 l'accoutum\u00e9e, la vasque d'\u00e9clairage \u2013 une coupe en verre d\u00e9poli maintenue par un disque d'acier viss\u00e9 \u00e0 l'extr\u00e9mit\u00e9 inf\u00e9rieure d'un axe vertical qu'on ne voit pas \u2013 englobait le point m\u00e9dian du plafond dans cette protub\u00e9rance en forme de sein bien rond et discr\u00e8tement bomb\u00e9 que je me plais parfois \u00e0 comparer \u00e0 une sorte d' _omphalos_ ou de nombril du monde. Mais ce n'est pas cela qui for\u00e7a mon attention. A peine \u00e9tendu je per\u00e7us, avec une acuit\u00e9 qui touchait au malaise, le relief singulier de l'ellipse pourtant banale et int\u00e9gr\u00e9e si parfaitement \u00e0 mes entours quotidiens qu'en temps ordinaire elle a, pour moi, presque cess\u00e9 d'exister. Ainsi d\u00e9cap\u00e9 par la vision toute neuve que j'en avais, ce modeste produit du style bourgeois Second Empire se gonfla d'un pouvoir tellement pr\u00e9cis de fascination qu'il n'est sans doute nul chef-d'\u0153uvre qui e\u00fbt \u00e9t\u00e9 de taille \u00e0 le lui disputer, pendant le long moment houleux que je passai l\u00e0 tandis qu'on pr\u00e9parait la petite chambre que j'ai abandonn\u00e9e seulement quand mon retour \u00e0 des nuits de sommeil normal eut marqu\u00e9 la fin de ma convalescence.\n\nAu cours de la derni\u00e8re guerre, j'eus une fois la chance de boire du vrai caf\u00e9 et ce breuvage dont nous manquions depuis longtemps me fit presque le m\u00eame effet, je pense, que si j'avais pris du haschisch ; dans le m\u00e9tro rempli de gens, tous (semblait-il) d'un pittoresque \u00e9tonnant, j'admirai le model\u00e9 d'un nez des plus vulgaires comme un peintre en extase devant une pauvre bicoque sur quoi jouent les rayons du soleil ; un antiquaire que je connais me crut ivre, tant je marquai de joie \u00e0 regarder lignes et couleurs doter d'une profondeur vivante et constamment chang\u00e9e les velours africains de sa collection ; le soir, dans une salle de concert, il me parut que les sons issus des instruments traversaient tout mon corps et, pendant l'enti\u00e8re dur\u00e9e de l'audition, cette musique devenue ma propre r\u00e9sonance me causa de fantastiques transports. Sans l'appui d'aucun excitant, c'est une sensation de l'ordre de celles-l\u00e0 que la vue du motif elliptique me donna, tandis que je reposais sur le divan.\n\nTelle que je la voyais, la pi\u00e8ce o\u00f9 je me trouvais \u00e9tait d'une implacable objectivit\u00e9 qui, vers le fond, s'imposait lourdement avec l'avanc\u00e9e de la commode et, en haut, s'affirmait de mani\u00e8re plus abstraite dans les ombres et lumi\u00e8res des moulures dont l'ensemble paraissait dessiner la carte d'un univers simplifi\u00e9 et r\u00e9duit \u00e0 l'extr\u00eame. Mais, aussi cr\u00fbment que ces \u00e9l\u00e9ments mobiliers ou ornementaux me fissent sentir leur pr\u00e9sence, les uns et les autres se compliquaient de significations plus ou moins lointaines comme si, en m\u00eame temps que des r\u00e9alit\u00e9s closes sur elles-m\u00eames, ils avaient \u00e9t\u00e9 des aide-m\u00e9moire plac\u00e9s l\u00e0 pour orienter ma r\u00eaverie. De tout son cubage mena\u00e7ant la commode m'oppressait, et son volume \u00e9tait la traduction spatiale de la grosse bouff\u00e9e de passion et de d\u00e9sespoir dont s'\u00e9taient enfl\u00e9s mes poumons la derni\u00e8re fois que je l'avais consid\u00e9r\u00e9e. Les moulures du plafond et surtout ce que, dans leur exub\u00e9rance fig\u00e9e, je pouvais voir des p\u00e2tisseries (temp\u00eates silencieuses et de vitesse nulle) qui masquaient les angles tri\u00e8dres form\u00e9s aux quatre coins de la pi\u00e8ce par la rencontre du plafond avec les murs, \u2013 ces stucs Napol\u00e9on III tels qu'il devait y en avoir rue de Rome chez l'ordonnateur des illustres mardis, c'\u00e9tait vers la po\u00e9sie de Mallarm\u00e9 qu'ils me guidaient et vers ce _Livre_ qui, d\u00e8s l'h\u00f4pital, m'avait \u00e9t\u00e9 d'un grand secours en m'ouvrant, par son exemple, des perspectives de travail. Tout le luxe de l'\u00e9rotisme y \u00e9tait \u00e9galement condens\u00e9 : ces merveilles en chambre que cr\u00e9e le commerce amoureux et dont miroirs, consoles, flambeaux, cr\u00e9dences ou autres ingr\u00e9dients des sonnets mallarm\u00e9ens sont, pour moi, la plus pure expression. La terrible fixit\u00e9 de la mort aussi, que d\u00e9nonce la rh\u00e9torique p\u00e9trifi\u00e9e de ces fioritures plus vieilles que nous (puisqu'elles datent de nos grands-parents) et \u00e0 la fois plus jeunes (puisqu'elles nous survivront et seront peut-\u00eatre les t\u00e9moins de notre effondrement biologique).\n\nAlors que c'\u00e9taient de vastes surfaces (plaine s'\u00e9tendant \u00e0 l'infini ou haute et large paroi verticalement dress\u00e9e) qui captaient mon regard dans ces r\u00eaves de plein air dont une falaise abrupte \u00e9tait l'\u00e9l\u00e9ment commun, ce qui maintenant s'incrustait dans mes yeux et m'obligeait \u00e0 une sorte de r\u00eave \u00e9veill\u00e9 c'\u00e9tait le rectangle bien d\u00e9limit\u00e9 d'un plafond dans une pi\u00e8ce, \u00e9troitement confin\u00e9e, d'appartement bourgeois. Avec la duret\u00e9 g\u00e9om\u00e9trique de son dessin et la cruelle pr\u00e9cision de ses reliefs, l'ellipse m'apparaissait, non comme le signe lancinant d'une v\u00e9rit\u00e9 qu'un peu d'ing\u00e9niosit\u00e9 et de patience m'aurait permis de d\u00e9couvrir, mais comme une _pr\u00e9sence_ si extraordinairement accus\u00e9e que son intensit\u00e9 semblait hors de proportion tant avec le t\u00e9moignage de ma vue qu'avec celui que mes mains auraient pu me fournir si ces minimes renflements de pl\u00e2tre avaient \u00e9t\u00e9 \u00e0 leur port\u00e9e. Plus que r\u00e9elle, dans la mesure m\u00eame o\u00f9 elle tenait de l'hallucination, cette pr\u00e9sence rien que pr\u00e9sence \u00e9tait sentie jusqu'au vertige et, tandis que je la subissais, de curieuses choses dont on m'avait parl\u00e9 \u00e0 l'h\u00f4pital me revenaient en m\u00e9moire : l'esp\u00e8ce de d\u00e9calage ou de d\u00e9sorientation dans leurs perceptions visuelles qu'\u00e9prouvent les t\u00e9taniques qu'on a trait\u00e9s au curare et qui (telle cette convalescente anguleuse en m\u00eame temps que bizarrement gracieuse rencontr\u00e9e quelquefois lors de mes fl\u00e2neries dans les couloirs) restent un certain temps des mani\u00e8res d'automates aux gestes d\u00e9r\u00e9gl\u00e9s ou de d\u00e9moniaques que leurs ma\u00eetres infernaux auraient d\u00e9vi\u00e9s de la sym\u00e9trie, sans forc\u00e9ment les enlaidir puisque \u2013 je l'avais constat\u00e9 de mes propres yeux \u2013 un charme un tantinet simiesque peut s'attacher \u00e0 leur allure de guingois.\n\nCelle qui, me disant en substance : _On croit regarder par ici et c'est par l\u00e0 qu'on voit,_ m'avait d\u00e9crit ce trouble auquel me fit penser d'embl\u00e9e la g\u00eanante acuit\u00e9 de l'ellipse \u00e9tait une sorte de miracul\u00e9e de vingt-trois ans, mince, p\u00e2le sous le fard et brune, qui s'appelait Monique. Assez jolie et touchante dans sa maladie, cette petite sainte, petite f\u00e9e et plus s\u00fbrement petite reine \u00e0 l'\u00e9chelon cousette ou st\u00e9no-dactylo (qu'elle \u00e9tait) faisait figure de vedette au Pavillon Lassen : revenue de tr\u00e8s loin gr\u00e2ce au traitement par le curare, on l'avait exhib\u00e9e \u00e0 une d\u00e9l\u00e9gation de m\u00e9decins sovi\u00e9tiques et cela, disait-elle, l'avait bien amus\u00e9e de se trouver en face de ce groupe d'hommes qui la regardaient comme un ph\u00e9nom\u00e8ne. L'une de mes infirmi\u00e8res m'avait souvent parl\u00e9 d'elle et, sans la conna\u00eetre, j'avais eu l'occasion d'un geste aimable \u00e0 son \u00e9gard. L'ami qui me reconduisit chez moi \u2013 grand connaisseur en mati\u00e8re d'art moderne et, par surcro\u00eet, fin gastronome \u2013 m'avait envoy\u00e9 une corbeille de fruits si magnifique qu'il e\u00fbt \u00e9t\u00e9 ind\u00e9cent de la manger \u00e0 moi seul. J'en go\u00fbtai donc, j'en offris \u00e0 mes infirmi\u00e8res et, comme il en restait encore beaucoup, je fis porter \u00e0 cette Monique si populaire un petit panier de fraises qui semblait parfaitement pr\u00e9par\u00e9 pour \u00eatre distrait de la corbeille. Inapte \u00e0 se d\u00e9placer, mais d\u00e9sirant me remercier autrement que par interm\u00e9diaire, la destinataire me fit dire qu'elle serait contente d'une visite que, bien s\u00fbr ! je m'empressai de lui rendre. C'est ainsi que nous e\u00fbmes un assez long entretien, elle \u00e0 demi couch\u00e9e et coquettement v\u00eatue d'un pyjama d'int\u00e9rieur, moi assis et drap\u00e9 dans la robe de chambre \u00e0 dessin \u00e9cossais qui \u00e9tait alors ma tenue d'apparat aussi bien que celle de tous les jours. La gr\u00e2ce de la jeune fille, l'esp\u00e8ce d'aur\u00e9ole dont elle \u00e9tait par\u00e9e, sa position de dame de cour qui re\u00e7oit dans sa ruelle ou de Violetta mourante au dernier acte de _La Traviata_ me firent un grand effet. A la figure de la jolie kin\u00e9sith\u00e9rapeute s'est donc adjointe celle d'une autre plaisante personne, comme si leurs fra\u00eeches apparitions avaient \u00e9t\u00e9 pr\u00e9vues pour que, malgr\u00e9 son appareil macabre et le d\u00e9go\u00fbt qui me saisit \u00e0 la fin, l'h\u00f4pital Claude-Bernard s'inscriv\u00eet dans mon souvenir sous des couleurs plus roses que noires. Comme tous les t\u00e9taniques gu\u00e9ris par le curare la jeune Monique dut r\u00e9apprendre \u00e0 marcher et, le matin o\u00f9 sans appui elle risqua quelques pas entour\u00e9e d'infirmi\u00e8res et de kin\u00e9sith\u00e9rapeutes pr\u00eates \u00e0 pr\u00e9venir la chute possible, je tins \u00e0 \u00eatre l\u00e0 pour la f\u00e9liciter et prendre en m\u00eame temps cong\u00e9 car ma sortie \u00e9tait alors imminente. Il me semble \u00e0 pr\u00e9sent que cette malade si choy\u00e9e aura peut-\u00eatre ainsi v\u00e9cu, en d\u00e9pit de toutes les affres dont elle m'a fait le r\u00e9cit, la plus belle \u00e9poque de sa vie : celle qui lui laissera le souvenir d'un temps o\u00f9 elle \u00e9tait l'objet des m\u00eames soins et presque des m\u00eames hommages qu'une _prima donna._\n\nRentr\u00e9 chez moi tr\u00e8s amaigri, les nerfs fragiles et le sommeil d\u00e9r\u00e9gl\u00e9, j'\u00e9tais certes oblig\u00e9 au repos, mais cela n'impliquait pas la r\u00e9clusion totale. Je devais me r\u00e9accoutumer, ne pas m'enfoncer dans une immobilit\u00e9 \u00e0 tous \u00e9gards n\u00e9faste, et l'on me conseilla de sortir un peu chaque jour avant m\u00eame que ma blessure soit compl\u00e8tement ferm\u00e9e. Je fus docile, bien s\u00fbr, \u00e0 cette prescription et plut\u00f4t trop docile car je pouvais ainsi retrouver l'amie \u00e0 l'amour de qui je n'avais pas renonc\u00e9. Fort du droit que j'estimais avoir gagn\u00e9 par ma dure p\u00e9nitence, je profitais candidement de nos rendez-vous et, romanesque, je tirais un surcro\u00eet de f\u00e9licit\u00e9 des efforts m\u00eames que chaque fois il me fallait d\u00e9ployer pour m'abstraire de ma fatigue. Ces heures-l\u00e0, qui r\u00e9pondent \u00e0 la p\u00e9riode o\u00f9 mon \u00e9tat de convalescent s'\u00e9tait mu\u00e9 en pure libert\u00e9, comptent \u2013 je le crois fermement \u2013 parmi les meilleures que nous ayons pass\u00e9es ensemble.\n\nLa p\u00e9nitence, au demeurant, \u00e9tait encore loin de son terme. Presque d\u00e8s mon retour, je fus soumis \u00e0 un interrogatoire de police. Convoqu\u00e9 au commissariat de mon quartier (d'o\u00f9 l'on me relan\u00e7a par t\u00e9l\u00e9phone apr\u00e8s une premi\u00e8re communication qu'avait re\u00e7ue ma femme et que j'avais n\u00e9glig\u00e9e), je dus m'expliquer sur ma \u00ab tentative de suicide \u00bb, signal\u00e9e administrativement par l'h\u00f4pital Claude-Bernard. Lors de mon transfert, ma femme, r\u00e9pugnant \u00e0 r\u00e9v\u00e9ler la triste v\u00e9rit\u00e9, avait parl\u00e9 d'un accident et le commissaire adjoint voyait l\u00e0 une contradiction qui appelait une mise au clair. J'assurai qu'il y avait eu effectivement \u00ab tentative de suicide \u00bb mais presque accidentelle vu que, sans l'effet de l'alcool, je n'aurais rien tent\u00e9. Le commissaire adjoint voulut savoir le pourquos et s'irrita quand je lui dis que, simplement d\u00e9prim\u00e9, j'avaie agi sans motif pr\u00e9cis (ce qui, dans le style journalistique de notre dialogue, signifiait qu'il fallait \u00e9carter toute id\u00e9e d) m\u00e9sentente conjugale, chagrin intime ou ennui financieri. All\u00e9guer seulement la d\u00e9pression, c'\u00e9tait mentir ; mais \u2013 au cas m\u00eame o\u00f9 j'aurais eu le temps et la patience d'exposer la chose depuis _A_ jusqu'\u00e0 _Z_ et d'en montrer la complexit\u00e9 \u2013 allais-je faire ma confession g\u00e9n\u00e9rale \u00e0 ce policier ? Mon interlocuteur se refusait \u00e0 comprendre qu'on puisse se suicider _sans raison._ Exc\u00e9d\u00e9, je lui demandai s'il savait ce que c'est que la \u00ab neurasth\u00e9nie \u00bb. En pronon\u00e7ant ce mot, qui faussait tout plus que jamais puisqu'il faisait de moi un pur malade, j'avais \u00e9t\u00e9 bien inspir\u00e9 : la possibilit\u00e9 ainsi fournie \u00e0 l'enqu\u00eateur de ranger l'acte incrimin\u00e9 dans un compartiment qu'il connaissait l'apaisa sur-le-champ et entra\u00eena du m\u00eame coup la fin de l'entretien. Avais-je des enfants ? Telle est la question qu'il me posa encore et qu'aucune autre ne suivit quand j'y eus r\u00e9pondu n\u00e9gativement.\n\nIl me fut donn\u00e9 lecture de ma d\u00e9claration, r\u00e9dig\u00e9e et dactylographi\u00e9e par un secr\u00e9taire. Ce que j'avais dit, assez \u00e9loign\u00e9 d\u00e9j\u00e0 de la r\u00e9alit\u00e9, elle ne le reproduisait pas m\u00eame exactement. Comme si j'avais voulu jouer ma sainte nitouche l'on y notait, par exemple, que les \u00ab libations \u00bb m'\u00e9taient \u00ab inhabituelles \u00bb et que mon attitude aurait \u00e9t\u00e9 \u00ab tout \u00e0 fait diff\u00e9rente \u00bb sans l'exc\u00e8s de boisson auquel je m'\u00e9tais livr\u00e9. En fait, j'avais d\u00e9clar\u00e9 que je n'\u00e9tais pas \u00e0 proprement parler un ivrogne, bien qu'il m'arriv\u00e2t de d\u00e9passer la mesure, et j'avais ajout\u00e9 que, cette nuit-l\u00e0, ma d\u00e9pression \u00e0 elle seule n'aurait pas suffi pour m'amener \u00e0 ingurgiter le poison. Je me moquais absolument de ce papier destin\u00e9 \u00e0 se perdre dans un vague dossier et je le signai donc sans r\u00e9clamer aucune retouche. Le secr\u00e9taire, du genre bon type costaud, me sugg\u00e9ra le grand air et la pratique des sports, rejoignant ainsi mon conseiller du Pavillon Lassen et un autre m\u00e9decin qui, il y a quelques ann\u00e9es, s'\u00e9tait occup\u00e9 de moi. J'ai subi, depuis, deux interrogatoires de police et celui d'un juge d'instruction, lors de l'affaire de la _D\u00e9claration sur le droit \u00e0 l'insoumission dans la guerre d'Alg\u00e9rie_ que la presse baptisa tout de suite \u00ab Manifeste des 121 \u00bb, comme si le nombre exact de ses premiers signataires avait \u00e9t\u00e9 de nature \u00e0 retenir l'attention. Combien la v\u00e9rit\u00e9 est difficile \u00e0 cerner, y mettrait-on la meilleure volont\u00e9 du monde, c'est ce dont ces conversations d'une sorte un peu particuli\u00e8re ont achev\u00e9 de me persuader.\n\nDurant la p\u00e9riode de libert\u00e9 heureuse dont j'ai parl\u00e9, mon bonheur (s'il en fut vraiment un) avait tenu \u00e0 ces sorties gagn\u00e9es de haute lutte sur la fatigue et autres g\u00eanes dont j'\u00e9tais afflig\u00e9 au point de me sentir comme estropi\u00e9 : impression de gel et d'engourdissement dans le bout de la langue (parce qu'on m'avait, para\u00eet-il, maintenu cet organe serr\u00e9 entre les branches d'une pince avant que la trach\u00e9otomie perm\u00eet de me faire mieux respirer) ; inflammation des gencives qui me fit croire un moment \u00e0 un mal de dents et me donnait \u00e0 penser que, d\u00e9cid\u00e9ment, toute ma bouche \u00e9tait d\u00e9t\u00e9rior\u00e9e ; infirmit\u00e9, enfin, qui s'av\u00e9ra plus tenace, les difficult\u00e9s que j'\u00e9prouvais, surtout quand j'\u00e9tais couch\u00e9, pour jouer de mes poumons et, aussi bien, pour d\u00e9sencombrer ma gorge de ses mucosit\u00e9s (devoir prendre mon souffle lentement, profond\u00e9ment et bruyamment, racler obstin\u00e9ment ma trach\u00e9e en de longues quintes sans parvenir \u00e0 tout \u00e0 fait la d\u00e9gager). Longtemps il me sembla aussi que ma voix n'\u00e9tait plus la m\u00eame : vieillie, et comme si l'\u00e9mission de chaque son me co\u00fbtait un effort ; plus plate, et d\u00e9musicalis\u00e9e jusqu'\u00e0 se montrer inapte \u00e0 passer (f\u00fbt-ce quelques secondes) de la simple parole au chant ou \u00e0 la d\u00e9clamation. En v\u00e9rit\u00e9, cela ne me privait gu\u00e8re, puisque jamais je ne me suis essay\u00e9 \u00e0 chanter, sinon pour rire, et qu'aujourd'hui comme hier mon mode d'existence m'entra\u00eene bien rarement \u00e0 user d'une diction soutenue pour r\u00e9citer ou lire quelque chose. Mais, pendant un an \u00e0 peu pr\u00e8s, je me sentis l\u00e9s\u00e9 et comme mutil\u00e9 par cette alt\u00e9ration, en laquelle je voyais \u2013 \u00e0 tort ou \u00e0 raison \u2013 une humiliante s\u00e9quelle de mon op\u00e9ration. \u00catre atteint dans ma voix, c'\u00e9tait me trouver bless\u00e9 au plus profond, attaqu\u00e9 dans ce qui est le v\u00e9hicule vivant du langage, \u2013 de ce langage qui me para\u00eet toujours repr\u00e9senter le lot proprement _sacr\u00e9_ des bip\u00e8des que nous sommes, sans doute parce qu'il est l'instrument de communication \u2013 et donc de communion \u2013 par excellence.\n\nLe pansement qui bombait sous ma pomme d'Adam, aussi r\u00e9duit qu'il f\u00fbt, et la crainte de frottements dont l'\u00e9tat de ma plaie pourrait se ressentir m'amen\u00e8rent, au moins les premiers jours, \u00e0 sortir sans boutonner le col de ma chemise. Tant que cette peur me contraignit, je cachai le tampon de gaze et les collants de sparadrap que j'aurais \u00e9t\u00e9 g\u00ean\u00e9 d'exhiber dans la rue avec un ample mouchoir de toile, plus commode qu'un foulard parce qu'il se nouait plus fin et se tenait mieux serr\u00e9. Pour ma sortie inaugurale, je me rappelle en avoir pris un de couleur rose unie, qui non seulement \u00e9tait du format voulu et se recommandait par son absence de bariolage mais allait \u00e0 merveille avec le costume en mince tissu gris\u00e2tre que j'avais jug\u00e9 le mieux appropri\u00e9 \u00e0 la chaleur de cette journ\u00e9e (un complet de confection tr\u00e8s bon march\u00e9 qu'au cours des derni\u00e8res ou avant-derni\u00e8res grandes vacances j'avais achet\u00e9 \u00e0 Venise, dans une boutique du quartier des Marzarie, la \u00ab Wiener Mode \u00bb). Un peu trop grand pour moi, ce v\u00eatement d'allure n\u00e9glig\u00e9e pouvait \u00eatre port\u00e9 sans cravate plus ais\u00e9ment qu'un autre et, en l'occurrence, convenait donc \u00e0 mon horreur du d\u00e9braill\u00e9 autant qu'\u00e0 la temp\u00e9rature. Tenue que m'imposaient, cela n'est pas douteux, le souci de mon confort et celui d'un minimum de correction mais qui (je dois le dire) ne r\u00e9pondait que trop bien \u00e0 un certain montage dramatique de la situation : le rep\u00each\u00e9 que marque encore la griffe de la mort et qui se met n'importe quoi sur le dos pour courir, pantelant, \u00e0 son colloque d'amour.\n\nAvec ce complet de rien, si vaguement \u00e0 ma taille qu'on pouvait croire \u00e0 un costume d'emprunt (trop long et bizarrement \u00e9triqu\u00e9 en m\u00eame temps que trop ample par endroits), avec ce mouchoir dont le rose \u2013 d'autant plus provocant qu'il contrastait avec ma face creus\u00e9e \u2013 faisait l\u00e9g\u00e8rement p\u00e9d\u00e9raste ou voyou, ma toilette avait beau \u00eatre \u00e0 peu pr\u00e8s improvis\u00e9e, le fait est qu'elle flattait ma coquetterie mieux que tout arrangement pr\u00e9m\u00e9dit\u00e9. Comme par chance, elle me donnait en effet une apparence conforme \u00e0 l'esprit de ce personnage dont je subis depuis longtemps l'attrait : quelqu'un qui, sans \u00eatre un boh\u00e8me non plus qu'un d\u00e9class\u00e9, reste en marge faute de coller exactement aux choses et \u2013 tel Hamlet toujours \u00e0 la charni\u00e8re du monde commun et d'un autre \u2013 se meut dans la zone \u00e9quivoque o\u00f9 le fantastique prend naissance ; selon une alchimie toute moderne, quelqu'un qui, s'imbibant jour et nuit d'une drogue exquise et d\u00e9vorante (po\u00e9sie, amour, \u00e9rotisme, alcool, n'importe), exalte sa vie boitillante jusqu'\u00e0 la douer, par-del\u00e0 ses hauts et ses bas, d'un \u00e9clat souverain quoique (\u00e9videmment) d\u00e9risoire.\n\nAu-dessous ou au-dessus du monde plut\u00f4t qu'au vrai niveau et tendu \u00e0 l'extr\u00eame pour mater ma faiblesse, j'\u00e9tais dans la peau du r\u00f4le sans avoir \u00e0 composer mon personnage. S'il y avait com\u00e9die, c'\u00e9tait innocemment que je la jouais et port\u00e9 par des circonstances complices : un accoutrement presque fortuit, parachevant les effets de mon \u00e9tat physique. Pourtant, avec son romantisme, cette complaisance momentan\u00e9e me semble maintenant de m\u00eame veine (malgr\u00e9 le demi-si\u00e8cle \u00e9coul\u00e9 et mes efforts vers la rigueur) qu'une r\u00e9elle com\u00e9die \u00e0 quoi une fois je me suis livr\u00e9, bien avant l'\u00e2ge o\u00f9 l'on se pla\u00eet \u00e0 voir toutes choses \u2013 \u00e0 commencer par soi-m\u00eame \u2013 sous des couleurs express\u00e9ment romantiques. Ce jour-l\u00e0, c'est en m'aidant d'un doigt de vin (peut-\u00eatre du champagne) et, je crois, d'un bonnet rouge de M\u00e9phistoph\u00e9l\u00e8s \u2013 accessoire de cotillon en papier dont j'\u00e9tais coiff\u00e9 \u2013 que je me pris \u00e0 incarner un personnage qui, obscur\u00e9ment, m'apparaissait celui d'un d\u00e9bauch\u00e9. C'est, probablement, la note diabolique introduite par le bonnet qui me pousse \u00e0 relier cette image, par l'entremise de souvenirs que j'aimerais plus s\u00fbrs, \u00e0 la figure de la cr\u00e9atrice du r\u00f4le de Satan dans _Les Quatre cents coups :_ je me demande, en effet, si ce n'est pas \u00e0 cet arbre de No\u00ebl \u2013 ou autre matin\u00e9e enfantine donn\u00e9e 8 rue Michel-Ange par mes parents \u2013 que j'ai rencontr\u00e9 les trois petites-filles de la divette et si l'a\u00een\u00e9e (une rousse ?) n'\u00e9tait pas d\u00e9guis\u00e9e en boh\u00e9mienne. Mais il est fort possible que, ce disant, je rassemble des \u00e9l\u00e9ments \u00e9parpill\u00e9s et les fonde en un seul bal masqu\u00e9, brillante sc\u00e8ne de th\u00e9\u00e2tre dont l'enfant \u00e0 coiffure rouge \u2013 annonciateur de l'homme \u00e0 foulard rose \u2013 aurait \u00e9t\u00e9 le protagoniste.\n\nNi les inconv\u00e9nients que j'ai \u00e9num\u00e9r\u00e9s, ni mon sommeil d\u00e9r\u00e9gl\u00e9 n'entam\u00e8rent s\u00e9rieusement mon euphorie des premiers jours, troubl\u00e9e seulement (\u00e0 l'heure des eaux basses) par la certitude de sa courte dur\u00e9e : cette oisivet\u00e9 forc\u00e9e, cadre assez l\u00e2che pour que ma libert\u00e9 p\u00fbt s'exercer sans alibis, et cette immunit\u00e9 apparemment conquise, mais dont il \u00e9tait impensable qu'elle tienne quand je serais tout \u00e0 fait revenu de ce c\u00f4t\u00e9-ci du monde, \u00e9taient les conditions provisoires d'un bonheur bien pr\u00e9caire ! Comment n'avais-je pas saisi qu'apr\u00e8s le d\u00e9ferlement de la vague la situation, un moment bouscul\u00e9e, s'affirmait \u00e9gale \u00e0 ce qu'elle \u00e9tait lorsque j'avais tent\u00e9 de me supprimer ? Je pouvais m\u00eame pr\u00e9sumer que, bient\u00f4t, cela serait encore pire, quand mon amie aurait quitt\u00e9 Paris comme elle le faisait chaque ann\u00e9e d\u00e8s qu'arrivait la belle saison. Ou bien je souffrirais durement de son absence ; ou bien notre aventure s'\u00e9vanouirait dans l'irr\u00e9alit\u00e9 et je n'aurais plus entre les doigts que du vide. Si nous restions unis quoique mat\u00e9riellement s\u00e9par\u00e9s, il me faudrait tirer des plans, invoquer je ne sais quels pr\u00e9textes cousus de fil blanc pour aller la rejoindre, ce qui me vaudrait d'une compagne ennemie de tout mensonge et cruellement touch\u00e9e par ce que j'avais fait une condamnation insupportable au cas m\u00eame o\u00f9 notre nouveau conflit demeurerait latent. Certes, je subissais la s\u00e9duction de mon amie ; pas une seconde je ne m'ennuyais avec elle et je m'\u00e9mouvais de la sentir _f\u00e9minine_ de la t\u00eate aux pieds. Mais, si grand que me par\u00fbt son pouvoir d'enchantement, l'id\u00e9e d'une d\u00e9votion exclusive effleurait \u00e0 peine mon esprit et je ne laissais pas de m'interroger sur l'authenticit\u00e9 de cet amour : peut-\u00eatre, de ma part, ultime sursaut d'homme vieillissant et, de sa part \u00e0 elle, simple satisfaction vaniteuse trouv\u00e9e dans l'attention que je lui portais. Une goutte de venin s'\u00e9tait, d'ailleurs, infiltr\u00e9e tr\u00e8s t\u00f4t dans nos rapports : quelque chose de plus ancien que par hasard je savais d'elle, qu'elle aurait pu tenir \u00e0 m'apprendre mais sur quoi, toujours, elle avait gard\u00e9 le silence ; ce qui n'\u00e9tait pas assez pour attirer le bl\u00e2me, assez toutefois pour cr\u00e9er une d\u00e9fiance.\n\nComme par un jeu de bascule, ces pens\u00e9es se firent plus pr\u00e9occupantes \u00e0 mesure que je progressais physiquement, et j'en vins \u00e0 me dire qu'avec mon geste manqu\u00e9 \u2013 compl\u00e8tement absurde puisque j'\u00e9tais toujours l\u00e0, face au m\u00eame dilemme, et que je n'avais su que donner la mesure accablante de mon \u00e9gocentrisme \u2013 ce serait pour ma femme et pour moi un bel enfer que j'aurais pr\u00e9par\u00e9.\n\nContraint de me censurer (comme chaque fois qu'une totale mise \u00e0 nu risquerait de trop ressembler \u00e0 une d\u00e9lation), je ne puis que survoler la fin de cet \u00e9pisode au lieu d'entrer dans le vif, ainsi que j'en aurais licence si j'avais choisi de m'exprimer sous le voile du roman. Sans en dire plus long, j'\u00e9voquerai les quelques autres jours ensoleill\u00e9s, aussi l\u00e9gers qu'une escapade de coll\u00e9gien, qui furent \u2013 au plein c\u0153ur de l'\u00e9t\u00e9 \u2013 le bouquet du feu d'artifice. Et j'ajouterai (non sans regret) que ce bouquet, selon la norme, aura \u00e9t\u00e9 \u00e0 la fois sommet et ach\u00e8vement.\n\nDe Montecatini Terme, o\u00f9 j'allai me soigner et o\u00f9, ma femme et moi, nous e\u00fbmes notre chambre commune au _Grand H\u00f4tel e la Pace_ (une Paix de luxe moins excitante que celle, en russe _mir,_ que poursuivaient au congr\u00e8s viennois de 1952 les p\u00e8lerins internationaux parmi lesquels on me comptait), j'\u00e9crivis \u2013 en me dissimulant plus ou moins \u2013 bien des lettres qui eurent leur tendre r\u00e9ponse. Puis ce fut la diversion d'un bref s\u00e9jour \u00e0 Florence o\u00f9, restaur\u00e9 par la cure, je retrouvai cette belle vie de \u00ab grandes vacances \u00bb que j'ai toujours aim\u00e9e mais \u00e0 quoi mon humeur acari\u00e2tre m'avait ferm\u00e9 depuis longtemps. Rentr\u00e9 \u00e0 Paris, je dus me rendre compte qu'en d\u00e9pit de quelques \u00e0-coups ce voyage en Italie avait repr\u00e9sent\u00e9, pour l'amant que je croyais \u00eatre, une d\u00e9tente au moins autant qu'une privation, de sorte que le proche retour de mon amie \u2013 \u00e9v\u00e9nement dont la perspective aurait d\u00fb me combler \u2013 \u00e9tait chose crainte plut\u00f4t que d\u00e9sir\u00e9e, par moi qui pouvais mesurer plus froidement que nagu\u00e8re quelle somme de cachotteries et autres gymnastiques d\u00e9plaisantes (sans parler de tout le temps rong\u00e9 ou franchement dilapid\u00e9) me co\u00fbterait la reprise de nos rencontres. Aussi quand ma correspondante, constatant la m\u00e9tamorphose, prit sur elle de briser l\u00e0 en m'\u00e9crivant qu'il faudrait renoncer \u00e0 nos entrevues, j'en ressentis moins d'amertume encore que d'all\u00e9gement. Alors que la premi\u00e8re flamb\u00e9e datait d'\u00e0 peine quelques mois, c'est donc \u00e0 travers ce commerce \u00e9pistolaire et tout ce qu'il drainait de confidences en noir sur blanc, d'aveux surpris entre les lignes et aussi de malentendus que s'est d\u00e9nou\u00e9e \u2013 sans fracas mais pour ne jamais se renouer \u2013 l'intrigue qui m'avait enfi\u00e9vr\u00e9 jusqu'\u00e0 me faire presque mourir.\n\nA Montecatini, petite ville o\u00f9 presque rien n'existe qu'en fonction des thermes, le protocole de la cure avait \u00e9t\u00e9 pour moi un motif d'amusement bien plut\u00f4t que d'ennui. Ce qui, ailleurs qu'en Italie, m'aurait sembl\u00e9 routine d\u00e9primante devenait sous le ciel toscan c\u00e9r\u00e9monial bouffon auquel je sacrifiais, verre gradu\u00e9 de 250 centim\u00e8tres cubes en main, avec le m\u00eame s\u00e9rieux qu'un habitu\u00e9 des grandes r\u00e9unions hippiques, jumelles pendues \u00e0 l'\u00e9paule, ou qu'un abonn\u00e9 de l'ancien Op\u00e9ra, chapeau claque sous l'aisselle. Sachant que Giuseppe Verdi avait fr\u00e9quent\u00e9 cette station, je m'\u00e9tais accord\u00e9 avec son d\u00e9faut m\u00eame de pittoresque bien avant de d\u00e9couvrir que l'une de ses voies principales est consacr\u00e9e au musicien qui fut aussi l'un des drapeaux de l'Ind\u00e9pendance italienne, et bien avant d'avoir d\u00e9chiffr\u00e9 la plaque qui, appos\u00e9e sur la fa\u00e7ade de l'h\u00f4tel dont Verdi fut le client, signale que c'est dans les eaux de Montecatini qu'il trouva \u00ab le secret de la long\u00e9vit\u00e9 et de la jeunesse \u00bb non seulement pour lui-m\u00eame mais pour son g\u00e9nie cr\u00e9ateur. Mes obligations, qui me tenaient toute la matin\u00e9e avec parfois un jour de repos, \u00e9taient de deux esp\u00e8ces : absorption d'eaux provenant de sources diff\u00e9rentes (Regina, Tettuccio) dont les noms, comme ceux de deux autres sources \u00e9trang\u00e8res \u00e0 mon r\u00e9gime (Tamerici, Torretta), me s\u00e9duisaient autant que la rigoureuse minutie des prescriptions, pr\u00e9sent\u00e9es pour chaque phase de mes trois semaines de s\u00e9jour en un tableau qui m'indiquait en quelles quantit\u00e9s, sur quel rythme, selon quelle alternance et sous quelle forme (froide ou chaude) je devais boire ces eaux ; applications de boue volcanique aux endroits, ventre et reins, marqu\u00e9s de quelques traits par le m\u00e9decin sur la double figure ornant une autre feuille imprim\u00e9e (personnage enti\u00e8rement nu, d\u00e9nu\u00e9 de syst\u00e8me pileux et le cr\u00e2ne lisse, les bras l\u00e9g\u00e8rement \u00e9cart\u00e9s du corps et les paumes tourn\u00e9es vers l'avant, sorte d'homme-microcosme dessin\u00e9 en deux exemplaires, l'un de face, l'autre de dos).\n\nCes enveloppements dans un \u00e9pais corset de terre chaude et gluante, un seul \u00e9tablissement pouvait me les dispenser : les _Terme Leopoldine,_ robuste b\u00e2tisse d'une s\u00e9v\u00e9rit\u00e9 toute romaine sur le fronton de laquelle \u00e9tait grav\u00e9e l'inscription \u00ab Aesculapio et Saluti \u00bb. Mais pour l'autre partie (la plus importante) de mon traitement plusieurs options \u00e9taient possibles. Parmi les \u00e9tablissements o\u00f9 l'on consomme l'eau des diverses sources, c'est l' _Excelsior_ que je choisis tout d'abord, parce qu'il \u00e9tait le plus proche de mon h\u00f4tel. Toutefois, \u00e0 ce b\u00e2timent assez discret dont le constructeur s'\u00e9tait seulement permis une loggia dans le style de Brunelleschi, je pr\u00e9f\u00e9rai finalement le _Stabilimnto Tettuccio,_ grandiose ensemble aux allures de temple antique corrig\u00e9 et multipli\u00e9 par quelque Victor-Emmanuel. Compris dans la m\u00eame enceinte que le hall o\u00f9 se d\u00e9bitent journellement d'\u00e9normes volumes d'eau et dont de puissantes batteries de locaux hygi\u00e9niques sont la contrepartie n\u00e9cessaire, comptoirs pour les tabacs, les journaux et les livres, bureau de change, agence touristique (tout cela rassembl\u00e9 dans une sorte de salle des pas perdus), postes, t\u00e9l\u00e9graphes et t\u00e9l\u00e9phones, multiples d\u00e9pendances telles que kiosque \u00e0 musique, caf\u00e9, boutique de couture et autres magasins (dont une joaillerie et une galerie d'art) font de ce monument agr\u00e9ment\u00e9 de portiques, de cours et de vastes jardins une mani\u00e8re de cit\u00e9 dont la fontaine de bronze d'o\u00f9 jaillit l'eau de la source Tettuccio, hors d'un fouillis de crocodiles et autres monstres \u00e0 \u00e9cailles, serait le c\u0153ur symbolique. Plus modeste \u00e0 l'\u00e9poque de Verdi (comme le font voir, entre autres cartes postales que j'ai acquises cette ann\u00e9e-l\u00e0 et lors d'un second s\u00e9jour, deux photographies repr\u00e9sentant le maestro avec sa barbe blanche un peu garibaldienne, son grand feutre paysan, un costume noir ou sombre, \u00e0 la sortie de l'ancien Tettuccio, sur l'une, alors qu'il monte dans une voiture \u00e0 cheval que son dais et ses toiles de protection contre le soleil font ressembler \u00e9trangement \u00e0 un corbillard, sur l'autre, alors qu'\u00e0 pied et solitaire il va pour traverser en s'abritant sous une ombrelle la place au fond de laquelle s'\u00e9l\u00e8ve l'\u00e9tablissement), cette buvette si grande et si fastueuse qu'il m'avait fallu un certain temps pour d\u00e9couvrir que telle \u00e9tait sa destination me rappelait, par son exc\u00e8s, les stations les plus spacieuses et profus\u00e9ment d\u00e9cor\u00e9es du m\u00e9tro de Moscou. Mon imagination mise en route, ce surabondant complexe architectural me semblait \u00e9galement \u00e9voquer ce que des villes de plaisance comme Herculanum et Pomp\u00e9i devaient \u00eatre avant leur destruction par la pluie de feu et par les laves.\n\nLa distribution des eaux s'op\u00e9rait dans une longue galerie, sur le c\u00f4t\u00e9 gauche de la cour centrale. Coiff\u00e9es de petits bonnets, munies de tabliers et v\u00eatues de robes cercl\u00e9es bleu clair et blanc (ce qui faisait penser aux baigneuses 1900 voire \u00e0 celles des films de Mack Sennett), des jeunes femmes \u00e9chelonn\u00e9es derri\u00e8re un immense comptoir de marbre s'occupaient du service. Actionnant d'invisibles p\u00e9dales, elles faisaient couler \u2013 ti\u00e8de ou fra\u00eeche selon l'ordonnance \u2013 l'eau de la source \u00e0 laquelle elles \u00e9taient pr\u00e9pos\u00e9es et les curistes la recueillaient, \u00e0 la bouche de tuyaux recourb\u00e9s, dans leurs verres gradu\u00e9s \u00e0 anse. Sur toute la longueur du mur auquel elles \u00e9taient adoss\u00e9es, une s\u00e9rie de larges et hauts panneaux en c\u00e9ramique s'\u00e9tendait : l'Enfance (avec une m\u00e8re aux formes \u00e9panouies, allaitant au milieu de petits enfants qui versaient de l'eau ou en buvaient et dont quelques-uns urinaient), l'Adolescence (avec filles et gar\u00e7ons portant des cruches ou buvant et, en bas, un groupe de trois ou quatre jeunes discoboles), la Beaut\u00e9, la Source, la Force, la Maturit\u00e9, la Vieillesse \u2013 panneaux dont le th\u00e8me commun \u00e9tait la bienfaisance de ces eaux, vraie liqueur de Jouvence qui donne vigueur et sant\u00e9 \u00e0 quiconque veut bien s'en abreuver. Con\u00e7ue de mani\u00e8re telle que tout buveur, jusqu'au plus d\u00e9cr\u00e9pit, pouvait y trouver son r\u00e9confort, cette glorification pa\u00efenne de la vie se prolongeait, sous forme d'allusions pr\u00e9cises \u00e0 l'activit\u00e9 \u00e9rotique, dans la grande salle de caf\u00e9 o\u00f9 une foule de gens, une fois leur eau absorb\u00e9e, venaient manger de copieux petits d\u00e9jeuners : d'innocents paysages italiens de caract\u00e8re archa\u00efque en d\u00e9coraient les murs mais, au plafond, \u00e9taient peints des amours, quelques femmes nues grandeur nature aux poses de courtisanes que ni pudeur ni crainte ne retiennent dans la divulgation de leurs appas et plusieurs sc\u00e8nes galantes, idylles de l'Antiquit\u00e9 ou de la Renaissance dont les personnages f\u00e9minins paraissaient dou\u00e9s d'une langueur perverse \u00e0 la Sarah-Bernhardt. Ces visions d'art tendaient-elles simplement \u00e0 donner \u00e0 la g\u00e9n\u00e9ralit\u00e9 de la client\u00e8le une assurance de beaut\u00e9 gard\u00e9e ou r\u00e9cup\u00e9r\u00e9e ? Ou bien ceux de la fraction m\u00e2le qui se sentaient d\u00e9poss\u00e9d\u00e9s de la vertu la plus intime du plus intime de leur chair devaient-ils lire dans ces images l'annonce d'une sorte de Risorgimento dont l'ithyphalle serait le seul embl\u00e8me ? Pour ce qui me concerne, c'est un tel gage de r\u00e9mission de l'un de mes pires tourments que je voulus trouver dans cette apologie de la sensualit\u00e9.\n\nBerc\u00e9 par les airs d'op\u00e9ra ou de musique l\u00e9g\u00e8re qui \u00e9manaient du kiosque \u2013 \u00e0 droite de la cour centrale, une rotonde \u00e0 la coupole orn\u00e9e int\u00e9rieurement de trois compositions non moins acad\u00e9miques bien qu'un peu plus modernisantes que celles du caf\u00e9 (concert champ\u00eatre, musique de chambre, audition de salon) en alternance avec trois balcons en trompe-l'\u0153il garnis de spectateurs et spectatrices \u00e0 notre mode ou peu s'en faut \u2013 je restais l\u00e0 le temps de boire mes cinq verres d'eau. Avec les pauses obligatoires cela me prenait presque une heure. N\u00e9gligeant le livre dont j'\u00e9tais muni, _Guerre et Paix,_ pr\u00e9cieux lors de la sieste cons\u00e9cutive aux manipulations des Terme Leopoldine mais ici encombrant plus qu'autre chose, j'observais la masse cosmopolite des baigneurs qui devisaient ou \u00e9coutaient l'orchestre, tant\u00f4t se promenant le verre en main aussi graves que pour l'accomplissement d'un rite, tant\u00f4t assis sur des chaises m\u00e9talliques et leur verre, plein ou vide, toujours \u00e0 leur port\u00e9e. Je jouais alors \u00e0 me supposer parvenu, apr\u00e8s les in\u00e9luctables traverses, dans le palais d'un Zarastro dont les adeptes, en groupes aux va-et-vient r\u00e9gl\u00e9s par l'harmonie c\u00e9leste, disputeraient des plus hauts probl\u00e8mes tout en absorbant le breuvage d'immortalit\u00e9.\n\nCette double cure \u2013 eau et boue \u2013 qui m'occupait \u00e0 peu pr\u00e8s chaque matin et fait l'objet de plusieurs pages de notes (sur le ton reportage plut\u00f4t que journal intime) dans mon cahier cartonn\u00e9 rouge de l'h\u00f4pital Claude-Bernard, les apr\u00e8s-midi et jours de plein cong\u00e9 pass\u00e9s en d'autres points de la Toscane vers lesquels des amis \u2013 Rose et Andr\u00e9 Masson, venus en purs touristes \u2013 nous voituraient presque quotidiennement ( _Andr\u00e9 Masson qui, au soir d'une vie dont les d\u00e9buts furent orageux, a su trouver une s\u00e9r\u00e9nit\u00e9,_ inscrivis-je dans mon cahier peu apr\u00e8s le retour \u00e0 Paris, comme pour m'encourager du pr\u00e9c\u00e9dent offert par l'\u00e9volution de ce grand peintre), les mont\u00e9es \u00e0 la ville ancienne (car il en existait tout de m\u00eame une, Montecatini Alto, desservie par une route et par un funiculaire), nos fl\u00e2neries de dilettantes plus curieux qu'ironiques \u00e0 la terrasse du caf\u00e9 chantant le _Gambrinus,_ telles promenades dans les parcs sagement am\u00e9nag\u00e9s ou jusqu'\u00e0 un endroit que signalaient maintes pancartes et affiches _Le Panteraie_ (piscine-restaurant-dancing d'une fausse \u00e9l\u00e9gance situ\u00e9e sur une assez jolie colline plant\u00e9e de pins), la note baroque introduite \u00e0 l'h\u00f4tel tant par les bons vivants avides de trop embrasser, puisqu'ils voulaient \u00e0 la fois maigrir et continuer \u00e0 b\u00e2frer, que par l'apparition, un beau soir dans la salle \u00e0 manger, de cette statue du Commandeur en v\u00eatement bourgeois, Giorgio de Chirico (blanc, spectral autant que ses tableaux et la mine torve comme un empoisonneur de petite cour du XVIe si\u00e8cle), l'usage parfois d'un comprim\u00e9 d'\u00e9quanil (sachant pourtant que le calme procur\u00e9 par les \u00ab tranquillisants \u00bb n'est pas forc\u00e9ment pr\u00e9f\u00e9rable \u00e0 son contraire et que, de toute fa\u00e7on, l'on ne peut pas songer \u00e0 se reposer la vie enti\u00e8re sur un pareil recours), tout cela \u2013 ravalement d'un foie us\u00e9, sourdine \u00e0 des nerfs criards ou simples distractions \u2013 m'aidait \u00e0 remonter la pente. Certes, je ne voyais toujours pas d'issue \u00e0 ma situation : comment recomposer une vie non seulement coup\u00e9e en deux sur le plan de l'amour (l'\u00e9troite union d'un c\u00f4t\u00e9, le vertige de l'autre) mais sujette \u00e0 une autre esp\u00e8ce encore de division puisque mon travail d'ici m\u00eame \u2013 dont le retard sur les \u00e9v\u00e9nements \u00e9tait plus criant que jamais sans que j'eusse ni la force ni la lucidit\u00e9 voulues pour m'attaquer tout de suite \u00e0 mon actualit\u00e9 la plus br\u00fblante \u2013 m'apparaissait chose franchement anachronique et, pour ainsi dire, \u00e9trang\u00e8re ? Aussi tristes que fussent ces consid\u00e9rations, je sais toutefois qu'elles ne m'entamaient plus autant que l'avaient fait nagu\u00e8re des r\u00e9flexions de m\u00eame ordre.\n\nA Florence o\u00f9, lib\u00e9r\u00e9 de la cure, je me sentais la bride sur le cou, je profitai presque sans arri\u00e8re-pens\u00e9e des beaut\u00e9s d'une ville qui se r\u00e9v\u00e9lait _grande cit\u00e9_ alors que pendant des ann\u00e9es j'avais r\u00e9pugn\u00e9 \u00e0 m'y arr\u00eater, lui attribuant sur la seule foi des r\u00e9cits et des lectures tout ce qu'implique de rebutant la notion de _ville d'art._ Mieux portant, j'\u00e9tais \u00e0 m\u00eame de me pr\u00eater all\u00e9grement aux peines et aux joies de la vie touristique : heures de travail avec les visites (plus ou moins bouscul\u00e9es) d'\u00e9glises, de mus\u00e9es, de monuments et autres curiosit\u00e9s en parcourant \u00e0 pied les rues souvent \u00e9troites et aux trottoirs insuffisants o\u00f9, \u00e0 la menace des imposantes b\u00e2tisses en pierre d'allure cyclop\u00e9enne et d'une opacit\u00e9 de forteresses, s'adjoint le danger moins imaginaire cr\u00e9\u00e9 par une anarchique circulation de scooters ; heures de _farniente,_ tant\u00f4t pour les repas dans les restaurants les plus toscans ou pour les achats dans les boutiques \u00e9l\u00e9gantes, tant\u00f4t \u00e0 une table du principal caf\u00e9 de la place de la R\u00e9publique (plus accueillante que la superbe mais trop achaland\u00e9e place de la Seigneurie) pour \u00e9couter les _arie_ qui alternaient avec les chansons style radio en regardant du coin de l'\u0153il la fa\u00e7ade du Savoy H\u00f4tel orn\u00e9e de statues faussement anciennes que renferment des niches \u00e9clair\u00e9es le soir, tant\u00f4t sur le balcon de notre chambre \u2013 quand le soleil se couchait ou quand brillait la lune \u2013 \u00e0 contempler l'Arno et toute la rive sud (o\u00f9, en se promenant sur les collines bois\u00e9es, l'on voit se succ\u00e9der de somptueuses villas et des coins tout \u00e0 fait agrestes garnis de vignes et de meules). Moi qui ai toujours su fort mal me diriger, je m'habituai tr\u00e8s vite \u00e0 me guider dans cette Florence qui doit tenir de ce que fut la puissance financi\u00e8re des M\u00e9dicis ce petit air de Londres m\u00e9ridionale gr\u00e2ce auquel, peut-\u00eatre, les Anglais y semblent \u00e0 tel point chez eux. Avais-je paradoxalement acquis ce qu'on appelle le \u00ab sens de l'orientation \u00bb au moment m\u00eame o\u00f9, dans ma vie intime, j'\u00e9tais le plus d\u00e9sorient\u00e9 ? Ou, plus simplement, n'\u00e9tait-ce pas la sympathie qui aiguisait mon attention et me rendait ainsi Florence plus famili\u00e8re que toute autre ville parmi celles o\u00f9 je n'ai fait que de brefs s\u00e9jours ?\n\nA Paris, o\u00f9 je me retrouvai avant que mon amie y f\u00fbt elle-m\u00eame rentr\u00e9e, le conflit sentimental qui m'avait tant pr\u00e9occup\u00e9 se r\u00e9solut (je l'ai dit) beaucoup plus simplement que je ne l'avais pr\u00e9sum\u00e9. Une fois de plus je m'\u00e9tais conduit, dans toute cette affaire, comme un bouchon flottant selon le gr\u00e9 des courants : la bonne fortune \u00e9tait venue puis s'\u00e9tait retir\u00e9e sans que j'eusse pris aucune v\u00e9ritable d\u00e9cision et, si je diff\u00e9rais du bouchon, c'est en cela seulement qu'il n'aurait pas, lui, song\u00e9 \u00e0 se faire couler. Jusqu'\u00e0 maintenant j'ai gard\u00e9 \u00e0 mon cou \u2013 telle une b\u00eate toute en crocs qui l'aurait attaqu\u00e9 et s'y serait enkyst\u00e9e \u2013 la cicatrice laiss\u00e9e par la trach\u00e9otomie : un trait vertical barr\u00e9 de trois traits horizontaux plus courts et aujourd'hui presque invisibles (celui du bas surtout), p\u00e2le figure assez irr\u00e9guli\u00e8re qui me rappelle ces motifs si r\u00e9pandus en Afrique sous la forme, notamment, de graffiti sch\u00e9matisant divers animaux eux-m\u00eames embl\u00e9matiques : sauriens tels que le crocodile, le varan (souvent confondu avec l'iguane et qu'on appelle commun\u00e9ment gueule-tap\u00e9e), le l\u00e9zard et la salamandre ; insecte tel que l'iule (dit vulgairement millepattes). Autre esp\u00e8ce d'\u00ab arbre de vie \u00bb, que je porte imprim\u00e9 dans ma peau et que, les premiers temps, je comparai (satisfaction de dandy autant que d'ethnographe) \u00e0 une scarification marquant la face d'un initi\u00e9. Trace de ma candidature \u00e0 l'acte qui plus que tout autre, muant la mort en trag\u00e9die, en fait un ach\u00e8vement et pas seulement une fin. Coche rappelant l'instant pass\u00e9 en un haut lieu de m\u00eame famille que la falaise de mes r\u00eaves et d'o\u00f9, comme d'un balcon, j'avais embrass\u00e9 mon sort d'un seul regard. Accroc qui s'\u00e9tait referm\u00e9 sans qu'il y e\u00fbt \u00e0 le recoudre, mais qui signe ma gorge d'une sorte de grossi\u00e8re reprise comme si l'autre d\u00e9chirure ainsi mat\u00e9rialis\u00e9e n'avait pu se r\u00e9parer qu'imparfaitement et gr\u00e2ce \u00e0 un artifice.\n\nTranquillisants et plus tard un \u00ab d\u00e9contrariant \u00bb, relaxation (inspir\u00e9e par le _yoga_ des Asiatiques mais qui, de prime abord, a l'air tellement b\u00eate comme chou qu'on est surpris ensuite par l'\u00e9tendue de ses effets), croix faite sur ce qu'avec abus l'on avait appel\u00e9 mes \u00ab habitudes d'intemp\u00e9rance \u00bb, z\u00e8le que malgr\u00e9 les conseils prudents de mise en sommeil j'apportai \u00e0 rattraper mon retard dans le pr\u00e9sent livre (qui, m\u00eame s'il n'\u00e9puise pas mes d\u00e9m\u00eal\u00e9s avec ce _je_ dont je joue depuis si longtemps et qui n'en a jamais fini d'\u00eatre crach\u00e9, vaudra peut-\u00eatre un brevet de \u00ab h\u00e9ros du travail \u00bb au paresseux que je me suis toujours senti), ces diverses m\u00e9decines \u2013 dont la derni\u00e8re pourtant aurait pu relever d'un furieux d\u00e9sir de couteau dans la plaie \u2013 se conjugu\u00e8rent efficacement. Je retrouvai ce qu'il faut d'\u00e9quilibre pour faire un compagnon vivable et mon existence se poursuivit comme si jamais elle n'avait d\u00e9raill\u00e9. Toutefois, il m'appara\u00eet de plus en plus que malgr\u00e9 l'irr\u00e9cusable _happy end_ issue de ma propre d\u00e9fense comme des soins \u00e0 quoi je me pr\u00eatai il y a, au fond de moi, quelque chose de d\u00e9truit et que je ne puis esp\u00e9rer voir se reconstituer : cette vieillesse qui toujours m'a fait si peur a fini par s'installer et la crise aussi vite apais\u00e9e qu'elle m'avait \u00e2prement saisi aura \u00e9t\u00e9 le combat d'arri\u00e8re-garde ou le _baroud_ d'honneur que je lui ai livr\u00e9, chaque jour m'en convainc davantage.\n\n_J'ai franchi je ne sais quel mur du son. C'est moi seul qui ai entendu l'explosion._ Sous la date impr\u00e9cise de novembre 1959, ces lignes \u00e9crites peu apr\u00e8s une deuxi\u00e8me et derni\u00e8re cure \u00e0 Montecatini figurent dans mon cahier cartonn\u00e9 rouge. Je me proposais, non de noter une d\u00e9couverte, mais de traduire \u2013 en vue de l'actuel r\u00e9cit \u2013 ce que je ressentais depuis d\u00e9j\u00e0 longtemps et dont l'aspect le plus manifeste \u00e9tait une certaine indiff\u00e9rence envers mon travail d'\u00e9crivain comme si, ayant pouss\u00e9 trop loin mon effort de lucidit\u00e9, j'avais pass\u00e9 un seuil apr\u00e8s quoi, toute ardeur \u00e9touff\u00e9e, il ne me restait plus qu'une s\u00e8che application de bon \u00e9l\u00e8ve. L'id\u00e9e d'avoir outrepass\u00e9 et d'en \u00eatre puni me donnait bien quelque fiert\u00e9 (ou du moins c'est ainsi que, pour \u00e9chapper \u00e0 l'atterrement, j'essayais de me repr\u00e9senter la chose). Mais ce que j'\u00e9prouvais en v\u00e9rit\u00e9, c'\u00e9tait un \u00e9quivalent \u2013 dans un domaine bien distinct \u2013 d'une impression ant\u00e9rieurement not\u00e9e et rattach\u00e9e aux r\u00e9flexions que m'inspirait ce pays si lointain en m\u00eame temps que si proche o\u00f9 tant de femmes m'avaient touch\u00e9 par leur s\u00e9rieux, leur gr\u00e2ce tranquille et l'exquisit\u00e9 affectueuse de leurs mani\u00e8res, composant une image qui d\u00e9tr\u00f4nait en moi celle de l'Africaine con\u00e7ue comme une \u00e9manation de la nature, sorte de faunesse ou de dryade : _Vient un jour o\u00f9 il n'y a plus de magie \u00e0 \u00eatre nu ; plus moyen de se convertir imaginairement en quelque chose comme la jeune sorci\u00e8re qui, robe \u00f4t\u00e9e, attend l'envol vers le bal d\u00e9moniaque apr\u00e8s s'\u00eatre frott\u00e9 tout le corps d'un onguent. Peut-\u00eatre est-ce \u00e0 ce moment-l\u00e0 qu'on est m\u00fbr pour go\u00fbter la douce aust\u00e9rit\u00e9 des filles de la Chine nouvelle en costume d'allure masculine_ ? Et de cette note je remonte \u00e0 une autre beaucoup plus ancienne, qui me para\u00eet exprimer par anticipation \u2013 avant que j'y aie cru vraiment et, partant, avec assez de d\u00e9tachement pour en parler sans d\u00e9tours \u2013 l'\u00e9tat dont l'essentiel est dit quand on emploie \u00e0 ce propos le mot \u00ab \u00e9tat \u00bb (l'un des plus neutres et priv\u00e9s d'ailes de tout le dictionnaire), l'\u00e9tat d'atonie et de repli en quoi d'aucuns verront peut-\u00eatre une sagesse mais que je reconnais pour celui de vieillesse : _Incapacit\u00e9 de s'exalter, l'\u00e2ge venu, parce qu'on a mesur\u00e9 ses limites. Le plafond devenu solide, il n'y a plus moyen de le crever. Quand il a fallu en rabattre sur l'id\u00e9e qu'on se faisait de soi-m\u00eame, la po\u00e9sie a fait son temps._ Cela n'est donc pas neuf et c'est bien avant l'\u00e2ge que j'ai subi ce genre d'assauts. La diff\u00e9rence est que les mauvaises passes d'autrefois, qui r\u00e9pondaient \u00e0 des p\u00e9riodes de d\u00e9pression, il me semble maintenant les vivre en permanence.\n\nCrise au Laos. Tentative de d\u00e9barquement contre-r\u00e9volutionnaire \u00e0 Cuba. Putsch militaire en Alg\u00e9rie, heureusement avort\u00e9 apr\u00e8s menace de son extension \u00e0 la France. Ces \u00e9v\u00e9nements, qui m'ont secou\u00e9 comme ils l'ont fait de millions d'autres personnes, auront accompagn\u00e9 de leur bruit de grandes orgues l'\u00e9tablissement d'un sinistre constat, pr\u00e9par\u00e9 avec une longue avance mais aujourd'hui sanctionn\u00e9 par la chronologie, puisque celui qui l'avait si pr\u00e9matur\u00e9ment dress\u00e9 vient d'avoir soixante ans. A mon d\u00e9go\u00fbt devant la fi\u00e8vre qui agite un certain _gang_ pr\u00eat \u00e0 vouer l'Occident, sous couleur de lui garder la premi\u00e8re place, aux d\u00e9sastres mat\u00e9riels et \u00e0 la n\u00e9gation de ses propres slogans de libert\u00e9, s'est donc joint l'\u00e9c\u0153urement de me sentir pris de court et exclu, par le jeu du temps qui me laisse une marge maintenant bien \u00e9troite, des jours meilleurs dont on peut, sans folie, esp\u00e9rer l'\u00e9closion finale. _L'Est est rouge,_ dit l'un des chants que j'ai le plus souvent entendus lors de la f\u00eate nationale \u00e0 P\u00e9kin. Mais, croirais-je aveugl\u00e9ment en ce qu'annonce une telle aurore, les chances resteraient nulles pour que jamais elle vienne m'\u00e9clairer et quand, aux yeux des vivants, je serai de l'autre c\u00f4t\u00e9 \u2013 au verso d'une page qui pour moi n'aura pas m\u00eame \u00e9t\u00e9 visiblement tourn\u00e9e \u2013 j'aurai fait (au mieux) quelques pas ind\u00e9cis \u00e0 l'amorce de ces \u00ab voies neuves \u00bb, les _Vie Nuove_ dont, \u00e0 Palerme, je m'\u00e9tais demand\u00e9 ce qu'exactement elles \u00e9taient, ne sachant pas alors que c'est ainsi qu'un grand hebdomadaire communiste italien a choisi de s'intituler. Si je vieillis, toutefois, et si je meurs, c'est autant mais pas plus que quiconque ; je le sais peut-\u00eatre un peu mieux, je suis moins apte que beaucoup \u00e0 m'en distraire, mais il n'y a pas d'autre diff\u00e9rence. Malgr\u00e9 ma forte propension \u00e0 prendre les \u00e9v\u00e9nements (grands ou petits) pour les p\u00e9rip\u00e9ties d'un r\u00e8gne qui serait le mien, je ne puis ignorer que tout \u00eatre pensant est, comme moi, centre du monde. Or, puisque pareille royaut\u00e9 s'av\u00e8re ainsi partag\u00e9e, un drame ou n'importe quelle aventure a beau n'\u00eatre jamais v\u00e9cu qu'\u00e0 la premi\u00e8re personne, il est clownesque de faire comme si l'on \u00e9tait la seule attraction du programme. Assez, donc, d'imiter les ivrognes qui d\u00e9ambulent en discourant dans le vide et battant l'air de leurs bras. Deux des visites que, pour des raisons de proc\u00e9dure m\u00e9dicale, je fis \u00e0 l'h\u00f4pital Claude-Bernard apr\u00e8s en \u00eatre sorti m'ont permis de percevoir avec une pr\u00e9cision g\u00eanante le peu de chose qu'est, en dehors m\u00eame de sa vuln\u00e9rabilit\u00e9 au tranchant de la mort, cette premi\u00e8re personne si pleinement \u00e0 nous et sur quoi l'univers nous para\u00eet reposer.\n\nJ'\u00e9tais rentr\u00e9 chez moi depuis vingt jours \u00e0 peine quand je retournai l\u00e0-bas, ainsi qu'il avait \u00e9t\u00e9 convenu lors d'une pr\u00e9c\u00e9dente visite, pour me soumettre \u00e0 un contr\u00f4le radiographique de l'\u00e9tat de ma gorge. C'est une femme qui s'en chargea et, les clich\u00e9s pris, elle me congratula, me disant aimablement que cela faisait plaisir de me voir tel que j'\u00e9tais maintenant. J'en fus surpris, car je ne la connaissais nullement. Mais il se r\u00e9v\u00e9la que j'\u00e9tais connu d'elle sans l'avoir jamais vue, car c'\u00e9tait elle qui m'avait radiographi\u00e9 alors que j'\u00e9tais dans le coma. Aussi logique et simple que f\u00fbt l'explication, \u00eatre connu pareillement par quelqu'un qui m'\u00e9tait tout \u00e0 fait inconnu m'apparut fort \u00e9trange et ce n'est pas sans malaise que je me rendis compte que, pendant un certain temps, j'avais \u00e9t\u00e9 litt\u00e9ralement un _corps sans \u00e2me,_ un mannequin qui n'a gu\u00e8re que sa forme pour le diff\u00e9rencier d'un meuble. Dans le m\u00eame sens, je me rappelai un peu plus tard les signes cordiaux que m'adressaient infirmiers et infirmi\u00e8res lorsqu'ils passaient devant la porte ouverte de la chambre que j'habitais avec un \u00eatre qui persistait, lui, \u00e0 ne plus vivre qu'\u00e0 la troisi\u00e8me personne : ces hommes et ces femmes, qui me disaient bonjour comme \u00e0 une vieille connaissance, m'avaient vu \u2013 peut-\u00eatre m\u00eame manipul\u00e9 \u2013 tandis que l'intoxication m'avait r\u00e9duit \u00e0 n'\u00eatre plus qu'une chose et c'\u00e9tait \u00e0 celle-ci, maintenant capable \u00e0 son tour de les regarder, que s'adressaient les marques d'une amiti\u00e9 aux d\u00e9buts de laquelle, bien que premier int\u00e9ress\u00e9, je n'avais pas assist\u00e9.\n\nUn an apr\u00e8s ou presque, j'allai une fois encore au Pavillon Lassen, convoqu\u00e9 par l'un des m\u00e9decins qui tenait \u00e0 s'assurer que je ne souffrais d'aucune s\u00e9quelle de la trach\u00e9otomie. Quand je fus devant ce m\u00e9decin, je constatai avec un certain d\u00e9pit qu'il n'\u00e9tait pas celui \u00e0 qui je m'attendais : confondant les deux noms, j'avais cru que le signataire de la lettre \u00e9tait l'un de ses confr\u00e8res, dont je me souvenais beaucoup mieux et avec qui je me serais sans doute senti \u00e0 un moindre degr\u00e9 mati\u00e8re pratiquement anonyme d'une observation. La surveillante en chef, quant \u00e0 elle, me reconnut parfaitement et, sur une question que je lui posai, elle m'apprit que celui qui avait \u00e9t\u00e9 nagu\u00e8re mon compagnon de chambre avait fini purement et simplement d'exister, sans avoir jamais \u00e9t\u00e9 tir\u00e9 de la condition d'objet o\u00f9 une tumeur au cerveau (ainsi qu'on le d\u00e9couvrit) l'avait pr\u00e9cipit\u00e9. \u00ab Un homme si gentil ! \u00bb m'avait dit une fois une infirmi\u00e8re, ajoutant : \u00ab Cela se voit sur sa figure... \u00bb quand je lui demandai comment, en l'absence du moindre mot ou signe qu'elle aurait re\u00e7u de lui, elle pouvait le savoir. Dans les couloirs je rencontrai divers membres du personnel subalterne dont les visages me restaient familiers ; mais c'est moi qui dus aller \u00e0 ceux d'entre eux que je voulais saluer car \u2013 oubli ou discr\u00e9tion ? \u2013 ils ne me pr\u00eataient pas plus d'attention que si je leur avais \u00e9t\u00e9 totalement \u00e9tranger. A me trouver en face de ces personnes que je reconnaissais sans que ce f\u00fbt r\u00e9ciproque et qui, apr\u00e8s avoir prodigu\u00e9 soins ou encouragements \u00e0 la loque que j'\u00e9tais un an auparavant, n'avaient m\u00eame pas l'air de remarquer ma pr\u00e9sence, il me sembla \u00eatre revenu dans cet h\u00f4pital comme un fant\u00f4me inconsistant jusqu'\u00e0 ne pas offrir de prise \u00e0 la lumi\u00e8re et, vedette d'antan, j'\u00e9prouvai la d\u00e9cevante impression d'\u00eatre devenu moins vivant aux yeux de tous ces gens que quand j'\u00e9tais \u00e0 moiti\u00e9 mort.\n\n# III\n\nJe devais avoir quatorze ou quinze ans quand je vis, \u00e0 l'Alhambra de Paris, le num\u00e9ro suivant.\n\nV\u00eatu d'un complet de couleur fonc\u00e9e et de coupe tr\u00e8s correcte, un homme dans la force de l'\u00e2ge \u2013 annonc\u00e9 comme illusionniste et porteur, il me semble, d'un nom hollandais \u2013 entrait en sc\u00e8ne d'un pas press\u00e9. Parlant avec volubilit\u00e9 et ne cessant de se d\u00e9placer du c\u00f4t\u00e9 cour au c\u00f4t\u00e9 jardin et dans le sens inverse, il d\u00e9ployait des mouchoirs ou autres pi\u00e8ces d'\u00e9toffe, manipulait des ustensiles cueillis sur des tables volantes ou pr\u00e9lev\u00e9s dans des valises. Puis il invitait un et bient\u00f4t plusieurs spectateurs \u00e0 monter sur les planches, collaborateurs b\u00e9n\u00e9voles ou comp\u00e8res tels qu'il en intervient souvent dans les num\u00e9ros de prestidigitation. Une fois l\u00e0, en une sarabande ponctu\u00e9e d'incidents nombreux et m\u00eame d'un coup de pistolet, il les faisait virer comme des totons, leur confiait des emplois qu'on pouvait croire utiles, les encombrait d'une quantit\u00e9 d'accessoires et mettait dans les bras de certains les charges les plus inattendues (\u00e0 l'un, par exemple, un \u00e9norme bloc de glace apport\u00e9 des coulisses). Apr\u00e8s un bon quart d'heure de ce man\u00e8ge, la sc\u00e8ne remplie de monde et jonch\u00e9e d'objets h\u00e9t\u00e9roclites, il laissait tout en plan. Le rideau se fermait et l'on s'apercevait alors \u2013 confirmation d'un soup\u00e7on qui venait seulement de pointer \u2013 que du d\u00e9but jusqu'\u00e0 la fin de son exhibition il n'avait absolument rien fait, pas m\u00eame le plus innocent tour de passe-passe.\n\nAvec ce livre o\u00f9 j'ai jet\u00e9 presque en vrac descriptions, \u00e9vocations de personnages, r\u00e9cits de r\u00eaves et d'\u00e9v\u00e9nements r\u00e9els, notations d'\u00e9tats d'\u00e2me et aper\u00e7us tr\u00e8s divers, le tout s'accumulant sans grand profit en une profusion baroque, n'ai-je pas fait un peu ce que faisait cet esbroufeur professionnel ou, plut\u00f4t, ce qu'avec humour il s'ing\u00e9niait \u00e0 ne pas faire ? Mon but \u00e0 moi n'\u00e9tant pas d'amuser le tapis et de mystifier en cr\u00e9ant un vain imbroglio, il est temps que j'en sorte...\n\nA un ou deux kilom\u00e8tres \u00e0 vol d'oiseau de ma maison de Saint-Hilaire, sur une \u00e9minence bois\u00e9e que des sentiers \u00e0 peine fray\u00e9s permettent de gravir sans effort car (\u00e0 l'inverse de la falaise dont j'ai plusieurs fois r\u00eav\u00e9) elle n'est ni tr\u00e8s haute ni tr\u00e8s abrupte, il y a une petite tour en ruine qu'on aper\u00e7oit vers la gauche, de la route qui m\u00e8ne de Ch\u00e2lo-Saint-Mars \u00e0 Boutervilliers et qui, apr\u00e8s un passage \u00e0 niveau, longe un certain temps sur la droite une voie ferr\u00e9e, voie unique o\u00f9 les jours de semaine circule un court train de marchandises \u00e0 locomotrice allant dans un sens le matin et revenant le soir dans l'autre. Un peu plus loin sur la route, et \u00e0 main gauche \u00e9galement, avant de passer sous un pont dont le seul r\u00f4le semble \u00eatre de relier deux tron\u00e7ons d'une m\u00eame et vaste propri\u00e9t\u00e9 domin\u00e9e par un b\u00e2timent qu'on prend de loin pour un ch\u00e2teau (masse aux murs z\u00e9br\u00e9s de bandes horizontales blanches et rouges, de tons \u00e9teints et salis, sur le bord d'une terrasse sensiblement plus \u00e9lev\u00e9e que le sommet de la tour), on trouve un curieux monument compos\u00e9 d'un dolmen manifestement imit\u00e9 et d'une grande croix de bois. Au pied de cet assemblage, sur un cartouche coinc\u00e9 entre les blocs grossiers d'une murette de pierres, est grav\u00e9 le texte suivant dont la fin, effac\u00e9e par l'usure, n'est malheureusement pas d\u00e9chiffrable : _L'homme ach\u00e8ve la conqu\u00eate de la terre. L'humanit\u00e9 aborde le grand terme. Ce pays fut la Gaule avec le druidisme, la France avec le catholicisme._\n\nFerm\u00e9e par une porte \u00e0 gros loquet qui maintenant s'est abattue, probablement sous les coups de quelque d\u00e9pr\u00e9dateur adulte ou enfantin, la tour est couverte int\u00e9rieurement de graffiti \u2013 dates, pr\u00e9noms et autres inscriptions \u2013 laiss\u00e9s l\u00e0 par des visiteurs dont un bon nombre au moins, promeneurs du dimanche, devaient \u00eatre des couples d'amoureux. \u00ab Chocolat de Bevoie \u00bb, \u00ab M\u00e9m\u00e9 de Belleville \u00bb, \u00ab Mimile \u00bb (de je ne sais plus o\u00f9) sont un trio de noms que j'ai lus sur le bois de la porte depuis que, pos\u00e9e presque \u00e0 l'horizontale, elle recouvre une bonne part de l'\u00e9troit espace rond que circonscrit le mur de pierres, rev\u00eatu quant \u00e0 lui d'une broussaille de lettres et de chiffres dont, \u00e0 ma connaissance, le curieux ne peut rien d\u00e9gager que de parfaitement honn\u00eate ou, tout au plus, de banalement idyllique. Si ce donjon de mod\u00e8le r\u00e9duit et peut-\u00eatre au pass\u00e9 bien court (car rien n'atteste son authenticit\u00e9 m\u00e9di\u00e9vale) fut le th\u00e9\u00e2tre d'amours \u00e0 ciel ouvert en m\u00eame temps qu'\u00e0 huis clos il n'en reste, bien s\u00fbr, d'autres traces que cet enchev\u00eatrement abstrait de signes qui, au demeurant, ne sont la preuve formelle de nulle \u00e9treinte. Si d'aucuns l'ont utilis\u00e9, solitairement ou non, comme lieu \u00e9cart\u00e9 o\u00f9 l'organisme peut se lib\u00e9rer de ses produits plus ou moins naus\u00e9abonds, chaque fois que j'y suis all\u00e9 je n'en ai pas non plus trouv\u00e9 la moindre marque. Quelques tessons de bouteilles, un ticket hebdomadaire pour les voyages en autobus, plusieurs papiers froiss\u00e9s, voil\u00e0 tout ce qu'en fait de d\u00e9tritus ma derni\u00e8re visite m'a permis d'observer.\n\nCette ruine d'allure romantique, l\u00e9g\u00e8rement patibulaire pour celui qui p\u00e9n\u00e8tre \u00e0 l'int\u00e9rieur, c'est en compagnie de ma chienne Dine que trois ou quatre fois j'y suis all\u00e9, au cours de promenades qui avaient un autre but que celui-l\u00e0, trop proche de chez moi et admissible seulement comme pr\u00e9texte \u00e0 un bref d\u00e9tour sur un parcours plus long. La derni\u00e8re fois, la chienne s'est fait beaucoup prier pour entrer. Je la tiens toujours en laisse car autrement elle s'en irait chasser, risquerait de se prendre dans un pi\u00e8ge et reviendrait en tout cas le diable seul sait quand. Aussi, en tirant fortement sur son collier clout\u00e9 par l'entremise de la lani\u00e8re de cuir, suis-je parvenu \u00e0 l'entra\u00eener \u00e0 ma suite. Mais on e\u00fbt dit qu'elle \u00e9tait retenue par une franche r\u00e9pugnance, que ne pouvait gu\u00e8re expliquer l'\u00e9tat sordide du lieu, un chien boxer, et rustique comme celui-l\u00e0, n'ayant pas de telles d\u00e9licatesses. Capable, par nature, de m'abandonner \u00e0 des constructions romanesques, je ne manquai pas de remarquer qu'en retournant \u00e0 la tour j'accomplissais un p\u00e8lerinage \u00e0 l'endroit m\u00eame que j'avais song\u00e9 \u00e0 \u00e9lire pour dernier r\u00e9ceptacle de mon corps vivant, \u00e0 l'\u00e9poque o\u00f9 je caressais des projets de suicide. Partant, comme je le fais assez r\u00e9guli\u00e8rement, me promener avec la b\u00eate, j'aurais emport\u00e9 dans ma poche ma provision de ph\u00e9nobarbital et c'est l\u00e0 que je serais all\u00e9 me retirer pour le pique-nique mortel, \u00e0 la fois loin de tout secours et en un lieu tel que la d\u00e9couverte ult\u00e9rieure de ma d\u00e9pouille y serait (me semblait-il) moins macabre qu'ailleurs, vu le tour \u00e9cole buissonni\u00e8re que prendrait \u2013 ainsi con\u00e7u \u2013 l'ensemble du sc\u00e9nario. Aussi tentante que soit une pareille explication (les myst\u00e9rieuses antennes que poss\u00e9derait mon amie Dine et qui l'\u00e9loigneraient d'un endroit auquel son ma\u00eetre avait pens\u00e9 comme au th\u00e9\u00e2tre le plus souhaitable de sa disparition), le sens commun m'emp\u00eache d'y souscrire : lors de cette r\u00e9cente promenade, ce n'\u00e9tait pas la premi\u00e8re fois que j'effectuais le p\u00e8lerinage et le refus de la chienne aurait donc eu d\u00e9j\u00e0 l'occasion de se manifester, s'il avait \u00e9t\u00e9 motiv\u00e9 par la signification fun\u00e8bre que la tour a gard\u00e9e pour moi. Or le fait est que quand \u2013 deux ans apr\u00e8s ma gu\u00e9rison \u2013 j'avais \u00e9t\u00e9 pris du d\u00e9sir de revenir sur les lieux (rien que symboliques) d'un crime qui, m\u00eame r\u00e9ussi, n'e\u00fbt pas \u00e9t\u00e9 r\u00e9ellement criminel puisqu'il n'aurait atteint que son auteur, ma compagne au noir museau \u00e9tait entr\u00e9e avec moi, sans r\u00e9sister en cherchant \u00e0 s'ancrer dans le sol avec ses quatre grosses et fortes pattes. Tirant sur moi la porte (alors encore en place) et essayant vainement de la fermer en poussant le loquet int\u00e9rieur, je constatai simplement que la pointe de celui-ci butait contre la muraille un peu plus bas que la cavit\u00e9 pr\u00e9vue pour le recevoir et qu'il \u00e9tait en cons\u00e9quence impossible de le faire jouer. L'id\u00e9e me vint alors que si, tandis que j'en r\u00eavais, j'avais voulu r\u00e9aliser mon sinistre dessein, le fait de ne pouvoir m'enfermer \u2013 circonstance impr\u00e9vue, grain de sable arr\u00eatant la marche du m\u00e9canisme \u2013 m'en aurait vraisemblablement d\u00e9tourn\u00e9.\n\nCorps peut-\u00eatre \u00e0 moiti\u00e9 pourri qu'on aurait d\u00e9couvert dans cette ruine, si je l'avais effectivement choisie comme d\u00e9finitive tour d'ivoire. Cadavre d\u00e9chiquet\u00e9 que nous pouvions imaginer, mes compagnons et moi, au pied de la Montagne de l'Ouest quand, alors que nous visitions son temple tao\u00efste, on nous raconta le suicide de celui qui en avait sculpt\u00e9 la chapelle la plus pr\u00e9cieuse et le plus haut situ\u00e9e, habitacle de deux figures assises et barbues encadrant un dieu dor\u00e9 qui, de son pied droit, se tient debout sur un dragon aquatique et, sur la plante de son pied gauche apparemment relev\u00e9 par la course, porte un arbre fruitier. A en croire notre guide \u2013 le pr\u00e9sident de la section locale de l'Association pour les relations culturelles du Peuple chinois avec l'\u00e9tranger \u2013 la conque ou corne d'abondance que la statue tient dans sa main gauche serait une monnaie, et un pinceau l'objet qu'elle tient dans sa main droite. Le personnage dor\u00e9 ne serait pas un dieu mais un homme qui, apr\u00e8s la maladie et la mort de celle qu'il aimait, aurait jug\u00e9 que la vie n'avait plus de sens pour lui et d\u00e9cid\u00e9 de se consacrer exclusivement au travail artistique. C'est pourquoi il aurait ex\u00e9cut\u00e9 les figures et autres ornements de la chapelle, puis se serait pr\u00e9cipit\u00e9 du haut de l'escarpement, faute de trouver dans son travail une suffisante consolation. On aurait mis ensuite un pinceau dans la main droite de la statue si curieusement bondissante, embl\u00e8me rappelant celui-l\u00e0 m\u00eame qui l'avait fa\u00e7onn\u00e9e et que (nous disait-on) elle repr\u00e9sentait.\n\nPour confus que soit l'ensemble des explications qui nous furent donn\u00e9es (incertaines dans l'esprit de notre guide, imparfaitement traduites par notre interpr\u00e8te ou mal comprises de nous-m\u00eames, d'o\u00f9 quelques bizarreries sinon invraisemblances comme le caract\u00e8re d'autoportrait assign\u00e9 \u00e0 une figuration \u00e9videmment divine), je retiens de ce r\u00e9cit, pour le moins impr\u00e9cis et peut-\u00eatre alt\u00e9r\u00e9 par la traduction, que l'amour, l'art et la mort y apparaissent intimement m\u00eal\u00e9s.\n\nLa splendeur du personnage dor\u00e9 (surpris, aurait-on dit, comme il se ruait pour simplement se ruer et non pour conqu\u00e9rir une proie), la paix qui r\u00e9gnait souverainement \u00e0 l'int\u00e9rieur de la chapelle (anim\u00e9e, non par un monde de choses \u00e0 chacune desquelles successivement l'\u0153il aurait pu s'accrocher, mais par la seule et extraordinaire pr\u00e9sence des trois figures), l'\u00e2pret\u00e9 du flanc de montagne choisi par les fervents du Tao pour y nicher leurs constructions vertigineuses suppl\u00e9\u00e8rent \u00e0 la pauvret\u00e9 d'une narration \u00e9mise par un homme qui, usant l\u00e0 d'un \u00e9vident lieu commun, avait d'abord dit que cette chapelle \u2013 vieille de gu\u00e8re plus d'un si\u00e8cle mais relevant de l'ancienne Chine \u2013 attestait le \u00ab haut niveau culturel \u00bb de ceux qui l'avaient b\u00e2tie. S'il n'y avait eu pour m'y rendre sensible cet \u00e9tonnant d\u00e9cor, il est s\u00fbr que les trois mots cl\u00e9s du r\u00e9cit (ces mots non prononc\u00e9s que paraphrasait l'anecdote) se pr\u00e9senteraient, dans mon souvenir, avec un moindre relief : \u00ab amour \u00bb, \u00ab art \u00bb et \u00ab mort \u00bb qui d\u00e9signent des r\u00e9alit\u00e9s que je crois \u00e9troitement conjugu\u00e9es, puisque entre l'art et l'amour il y a le trait d'union de la beaut\u00e9 et que tous deux \u2013 le premier comme d\u00e9passement des donn\u00e9es naturelles et confection d'une simili-\u00e9ternit\u00e9, le second comme explosion du _soi_ par sa pr\u00e9cipitation dans _l'autre_ \u2013 ils nous entra\u00eenent sur un terrain sans lisi\u00e8res qui n'admet pas plus de cadastre que l'immense plaine de la mort.\n\nL'homme au teint de pain bis, en tenue grise au col ferm\u00e9 sous le menton (avec casquette style soutier de m\u00eame \u00e9toffe et m\u00eame couleur), le fonctionnaire \u2013 ou quelque chose d'approchant \u2013 un peu maussade \u00e0 l'inverse de la plupart des Chinois rencontr\u00e9s jusqu'alors, le terne pr\u00e9sident de la section locale de l'organisation dont nous \u00e9tions les invit\u00e9s n'avait pu dire tout \u00e0 fait vrai ou, s'il avait dit juste, nous avait transmis un message qui se d\u00e9formerait en un ou plusieurs points du parcours de lui \u00e0 l'interpr\u00e8te Wang Sien et de Wang Sien \u00e0 nous-m\u00eames. Autant semblait digne de cr\u00e9dit \u2013 dans sa perspective l\u00e9gendaire \u2013 la touchante anecdote qu'il nous avait cont\u00e9e au sujet du bufflon dont nous avions vu la statue au cours de notre mont\u00e9e (ce petit buffle qui, en pleurant, avait suppli\u00e9 le boucher de l'\u00e9pargner et, cachant sous son ventre l'outil d'\u00e9gorgement, avait si bien attendri son bourreau que celui-ci, constatant que les animaux ont eux aussi des sentiments, avait renonc\u00e9 \u00e0 son cruel m\u00e9tier et s'\u00e9tait retir\u00e9 dans la montagne pour se faire bonze), autant l'histoire du suicid\u00e9 \u00e9tait suspecte, sans qu'on p\u00fbt taxer d'ignorance ou de mauvaise foi un informateur que ses fonctions culturelles n'habilitaient pas, pour autant, \u00e0 nous renseigner sur le folklore relatif aux diverses constructions du temple. Peut-\u00eatre allait-il de soi que l'amant malheureux ne s'\u00e9tait d\u00e9couvert une vocation d'artiste qu'\u00e0 travers celle de moine et que c'\u00e9tait dans le cadre seulement d'une pieuse contemplation que son travail avait eu pour lui, temporairement, une signification ? Quand il s'\u00e9tait jet\u00e9 au bas de la montagne, \u00e9tait-ce vraiment en homme d\u00e9sabus\u00e9 qui constate que l'art ne gu\u00e9rit pas le chagrin ou en mystique qui pousse au comble son asc\u00e8se et fuit la vie apr\u00e8s avoir renonc\u00e9 \u00e0 son train ordinaire, comme s'il n'\u00e9tait possible d'acc\u00e9der \u00e0 une pl\u00e9nitude que par le geste extr\u00eame dans lequel, \u00e0 jamais, l'individu se nie ? En d'autres termes, cet acte avait-il \u00e9t\u00e9 le fruit quasi accidentel d'une d\u00e9ception ou le point d'aboutissement que le moine artiste s'\u00e9tait d\u00e9j\u00e0 obscur\u00e9ment fix\u00e9 lorsqu'il avait entrepris de d\u00e9corer la chapelle ? Si l'objet plac\u00e9 dans la main droite de la statue est r\u00e9ellement un pinceau qu'elle ne comportait pas \u00e0 l'origine, y voir soit une offrande au dieu repr\u00e9sent\u00e9 soit l'un de ses attributs tardivement ajout\u00e9 para\u00eet plus sens\u00e9 que d'en faire ce qu'en faisait notre guide : un signe comm\u00e9moratif qualifiant l'\u0153uvre comme autoportrait du sculpteur. L'histoire du suicid\u00e9 de la Montagne de l'Ouest, telle que je l'ai recueillie, pr\u00e9sente donc bien des points litigieux et sans doute bien des failles. Ce n'est pas, toutefois, pour cette raison de seule logique que je ne puis m'en contenter, mais parce que l'apparence m\u00eame de la statue \u2013 pivot de tout le r\u00e9cit \u2013 incite \u00e0 repenser ce m\u00e9lodrame : quel qu'ait \u00e9t\u00e9 exactement le destin du disparu, son \u0153uvre n'est en rien celle de la pitoyable victime d'un d\u00e9sespoir sentimental.\n\nJe ne l'avais pas remarqu\u00e9 sur-le-champ, mais la discordance \u00e9tait criante entre cette triste histoire de veuf inconsol\u00e9 et la fougue exub\u00e9rante de la figure dont il \u00e9tait l'auteur. Support\u00e9 par son seul pied droit, le personnage semblait avoir \u00e9t\u00e9 saisi en plein \u00e9lan vers un but inconnu, peut-\u00eatre inexistant et point distinct de la pure joie de s'\u00e9lancer ainsi, en une tension de tout l'\u00eatre anim\u00e9 par un exc\u00e8s de vie. Ce qu'il avait de radieux l'aurait fait croire invuln\u00e9rable, n'\u00e9tait l'instabilit\u00e9 de sa pose qui, par elle-m\u00eame, \u00e9voquait un p\u00e9ril. Mais le rayonnement n'aurait pas d\u00e9pass\u00e9 ce qu'il \u00e9tait \u2013 vulgaire dorure sur une sculpture sans grand style, un peu plus haute que nature \u2013 s'il n'y avait pas eu ce mouvement imp\u00e9tueux, receleur (paraissait-il) d'une menace pour celui-l\u00e0 m\u00eame qui s'y abandonnait. Quelqu'un d'expert en mati\u00e8re de religions et philosophies orientales aurait peut-\u00eatre identifi\u00e9 d'embl\u00e9e le personnage \u2013 dieu ou sage \u2013 gr\u00e2ce au monstre marin sur lequel il \u00e9tait debout, gr\u00e2ce \u00e0 l'arbuste dont le jaillissement avait pour source son pied gauche, gr\u00e2ce \u00e0 la pr\u00e9tendue monnaie plut\u00f4t conque ou corne d'abondance et gr\u00e2ce au probl\u00e9matique pinceau. Mais moi, forc\u00e9 de m'en tenir \u00e0 ce que j'avais sous les yeux et que n'\u00e9clairaient gu\u00e8re les propos de notre guide, je fus sensible seulement \u00e0 l'ardeur effr\u00e9n\u00e9e qui \u00e9manait de cette cr\u00e9ature livr\u00e9e apparemment \u00e0 rien autre que l'ivresse d'exister et de se d\u00e9penser.\n\nPouss\u00e9e \u00e0 l'extr\u00eame, une telle fureur de vivre ne diff\u00e8re pas de la fureur de se d\u00e9truire : le papillon gris\u00e9 par le foyer lumineux et qui vient s'y consumer est un symbole courant de cette fusion des contraires qu'exprime aussi, dans le langage familier, la locution _br\u00fbler la chandelle par les deux bouts_ appliqu\u00e9e \u00e0 celui qui abr\u00e8ge ses jours en s'abandonnant avec exc\u00e8s \u00e0 sa soif de plaisirs. Dans une sph\u00e8re apparemment moins d\u00e9l\u00e9t\u00e8re, n'est-ce pas un blason de souffrance et de mort que composent ces embl\u00e8mes classiques de l'enthousiasme amoureux : feux et flammes, coup de foudre, fl\u00e8che qui perce le c\u0153ur, accessoires verbaux ou graphiques dont le dernier, quand on le grave dans l'\u00e9corce, \u00e9quivaut cependant \u00e0 un arbre de vie ? Et si, le plus souvent, _aimer \u00e0 en mourir, aimer jusqu'\u00e0 la mort_ ne sont que de pieuses hyperboles, manquent-elles pour autant d'indiquer de quel sinistre point de fuite les amants \u00e0 l'ancienne mode, quand ils atteignent le comble de l'exultation, dotent la perspective de leur paradis ? Du viveur qui ne cherche qu'\u00e0 \u00ab vivre sa vie \u00bb mais le fait sans compter, au h\u00e9ros l\u00e9gendaire type Tristan ou Liang Chan-po, qui meurt l'amour (si l'on peut dire) plut\u00f4t qu'il ne le vit, il est certain que la distance est grande. Reste que, chez l'un comme chez l'autre, le grand ressort est un d\u00e9sir qui ronge et qui joue finalement comme un appel de mort.\n\nVertige de l'amour, \u00e9prouv\u00e9 physiquement lorsqu'on prend une femme dans ses bras pour oublier, nier le trouble \u2013 comme chimique \u2013 n\u00e9 de la sensation presque tactile de sa pr\u00e9sence et lorsque s'accrocher \u00e0 ce pilier anim\u00e9 semble l'unique moyen de r\u00e9tablir l'\u00e9quilibre rompu. Vertige de la mort ou plus exactement de son id\u00e9e, gu\u00e8re moins \u00e9tourdissante que la vue d'un gouffre dont l'horreur m\u00eame qu'on en a se double de la tentation de s'y jeter pour couper court au malaise qu'il engendre. Vertige de l'art, propre \u00e0 ce quelque chose qui n'est ni jeu ni religion mais d\u00e9couverte et exposition de r\u00e9alit\u00e9s non chiffrables que leur mise en forme permet seule de d\u00e9gager, de sorte que, poudre aux yeux et r\u00e9v\u00e9lation, illusion et v\u00e9rit\u00e9, il est une marche sur la corde raide pour quiconque s'y adonne sans trop de na\u00efvet\u00e9. Pallier les effets d'une pr\u00e9sence par sa proximit\u00e9 accrue, fuir en tombant expr\u00e8s la crainte de la chute, muer en un cat\u00e9gorique porte-\u00e0-faux l'accidentel d\u00e9faut d'assiette (\u00e9vident chez l'artiste et surtout chez le po\u00e8te car, dans une vie o\u00f9 tout collerait, comment se d\u00e9coller des choses et les transcender), ces mouvements ne peuvent que d\u00e9noncer l'existence de certaines ambiguit\u00e9s fondamentales, \u00e0 moins de relever de la vulgaire sottise ou de porter la griffe du fameux _d\u00e9mon de la perversit\u00e9_ qui, en maints cas, change malignement l'envie d'\u00e9chapper \u00e0 une angoisse en celle d'entrer dans ses voies (d\u00e9mon qu'\u00e0 l'\u00e9chelle de l'actualit\u00e9 historique on prendrait ais\u00e9ment pour une \u00e9minence grise de la politique occidentale, prodigue en mauvaises farces de ce genre : les tenants d'une Alg\u00e9rie aussi fran\u00e7aise que possible agissant de mani\u00e8re \u00e0 creuser plus encore le foss\u00e9 entre Alg\u00e9riens et Fran\u00e7ais, les anticommunistes am\u00e9ricains jetant Cuba dans les bras de l'Union sovi\u00e9tique, pour ne citer que ces deux exemples \u2013 \u00e0 rire ou \u00e0 pleurer \u2013 de troc, d\u00e9lib\u00e9r\u00e9 pourrait-on croire, d'une menace suppos\u00e9e contre cela m\u00eame qu'on redoutait).\n\nG\u00e9n\u00e9rateurs chacun de son vertige (ou peut-\u00eatre du m\u00eame, puisque l'\u00e9treinte n'est pas seulement un refuge mais un remous dans lequel on croit s'an\u00e9antir et que la cr\u00e9ation esth\u00e9tique, ce tour de funambule, fait toucher \u00e0 un au-del\u00e0 o\u00f9 s'abolissent les lois de la nature), amour, art et mort semblent li\u00e9s par un fin r\u00e9seau d'appels r\u00e9ciproques : qu'il faille mourir accro\u00eet le besoin d'aimer (soit pour trouver l'oubli, soit pour qu'avant la disparition quelque chose arrive encore) mais la fi\u00e8vre des amants se traduit chez beaucoup par le v\u0153u de mourir ensemble (afin d'atteindre \u00e0 l'impossible fusion ou faute d'accepter pour l'avenir que l'un survive \u00e0 l'autre) ; aiguisant une soif qu'il n'\u00e9tanche qu'au figur\u00e9, l'art porte \u00e0 en chercher l'assouvissement dans la passion, qui en revanche d\u00e9bouche sur l'art parce qu'elle doit, croit-on, \u00eatre entour\u00e9e d'enchantements et que dans son beau ch\u00e2teau (tout aussi bien chaumi\u00e8re) l'\u00e9tiquette veut qu'on s'exprime autrement qu'en un langage profane (t\u00e9moins, outre les fleurs et les pr\u00e9sents, tant de propos et de lettres d'amour dont m\u00eame les plus maladroits sont \u0153uvres de po\u00e9sie) ; enfin, si l'art pr\u00e9suppose un refus de la condition mortelle (nier l'usure du temps, la souffrance et le mat final en \u00e9chappant au monde courant ou, plus avaricieusement, produire quelque chose d'un peu moins transitoire qu'une vie humaine), sa pratique peut conna\u00eetre des paroxysmes et \u2013 dans la m\u00eame ligne que l'ivresse, l'\u00e9rotisme et autres fa\u00e7ons communes de se mettre _hors de soi_ \u2013 aiguiller vers un simulacre de mort. Cela, je l'ai fortement ressenti autrefois alors que, l'\u00e9tat po\u00e9tique m'apparaissant comme une sorte de fureur (notion qui me semblait mieux r\u00e9pondre au fond m\u00eame de l'esprit surr\u00e9aliste que celle de r\u00e9volte, d\u00e9j\u00e0 trop id\u00e9ologique), j'\u00e9tais quand je voulais \u00e9crire saisi d'un d\u00e9sir de transe aux manifestations violentes \u2013 griffer les murs ou sauter au plafond, basculer en arri\u00e8re \u2013 comme si j'avais jug\u00e9 qu'une gesticulation d'homme en proie \u00e0 quelque haut mal serait apte \u00e0 d\u00e9clencher son \u00e9quivalent mental et \u00e0 me faire passer sur un plan, sinon ext\u00e9rieur \u00e0 la vie, du moins tel que mes limites y seraient effac\u00e9es.\n\nNon sans peine, je tente ici de rationaliser ce qui, pur sentiment, me fut donn\u00e9 d'un bloc au lieu de me venir par voie de r\u00e9flexion : d\u00e8s mon enfance (je l'ai d\u00e9j\u00e0 dit), amour, art et mort m'ont \u00e9t\u00e9 pr\u00e9sent\u00e9s en un m\u00eame bouquet par tout ce que je connaissais des grands airs d'op\u00e9ra, pour moi sommets de l'art, et qui ne me parlaient gu\u00e8re que d'amour et de mort. Sous des formes variables, cette mythologie qui veut, en somme, que la vraie beaut\u00e9 soit tragique par essence n'a pas cess\u00e9 de m'en imposer et quand, il y a une quinzaine d'ann\u00e9es, je me suis d\u00e9tourn\u00e9 des courses de taureaux, renon\u00e7ant \u00e0 en voir autrement que par occasion alors que mon _afici\u00f3n_ (loin de s'\u00e9teindre) se reportait sur l'op\u00e9ra italien, c'\u00e9tait un retour \u00e0 la source car je retrouvais l\u00e0, dans sa fra\u00eecheur premi\u00e8re, le philtre proprement dionysiaque auquel, tout enfant, j'avais \u00e9t\u00e9 autoris\u00e9 \u00e0 go\u00fbter. Toutefois, si je pr\u00e9f\u00e8re aujourd'hui \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 sanglante de la trag\u00e9die taurine le tragique fictif de l'op\u00e9ra, ce n'est pas simplement du fait que l'\u00e2ge et le tour atroce qu'ont pris les \u00e9v\u00e9nements, avec cette derni\u00e8re guerre qui ne s'est pas \u00e9teinte, m'ont rendu plus sensible \u00e0 la vue de la mort et ont accru mon attachement aux temps o\u00f9 ma conscience \u00e9tait encore en train de s'\u00e9veiller ; c'est \u00e9galement parce qu'il m'est apparu qu'on \u00e9prouve au th\u00e9\u00e2tre \u2013 devant son trompe-l'\u0153il flagrant \u2013 une \u00e9motion paradoxalement plus authentique (vu la moindre \u00e9quivoque) que dans une _plaza de toros,_ o\u00f9 l'on se croit si volontiers au niveau du tragique v\u00e9cu quand ce sont d'autres qui le vivent. Repousser cette illusion commode et m'orienter, un peu ironiquement, vers un dilettantisme qui n'est plus de notre si\u00e8cle ne m'a pas \u00e9loign\u00e9 des fastes de la trag\u00e9die : un beau soir, je m'y suis jet\u00e9 t\u00eate baiss\u00e9e pour \u00e9chapper, certes, \u00e0 des probl\u00e8mes que je me sentais impuissant \u00e0 r\u00e9soudre, mais surtout (j'en suis maintenant persuad\u00e9) parce que l'art et l'amour \u2013 la po\u00e9sie et son illustration la plus directe, double objet de ma convoitise avant m\u00eame que je me fisse \u00e9crivain \u2013 \u00e9taient en moi le foyer d'une exaltation trop tendre et trop lancinante pour ne pas se confondre avec le d\u00e9sir d'en mourir. Gav\u00e9 de ce que j'avais bu comme un enfant goulu et de la drogue propre \u00e0 me so\u00fbler litt\u00e9ralement \u00e0 mort, je m'allongeai entre les draps qui auront \u00e9t\u00e9 mon p\u00e9plum de trag\u00e9dien \u00e0 d\u00e9faut de ma robe de gisant, et je m'y engloutis sans songer que c'est aussi dans la blancheur du lit qu'aux approches de l'adolescence on vit fi\u00e9vreusement ces myst\u00e8res dont, plus tard, j'ai voulu que le m\u00e9tier de po\u00e8te me restitue au moins un lointain reflet : les gros chagrins en quoi l'on aime \u00e0 s'ab\u00eemer en plongeant sa face dans l'oreiller, les jouissances fulgurantes couronnant les f\u00e9eries charnelles qu'en un d\u00e9lire hallucin\u00e9 l'on se donne \u00e0 soi seul, autant pour chasser la peur de la nuit ouverte au d\u00e9fil\u00e9 des cauchemars et apparitions de toutes sortes que pour le plaisir lui-m\u00eame.\n\n _Le ciel a retenu ses h\u00f4tes_ , dit courtoisement le pr\u00e9sident de l'association, observant lors des grands au revoir le temps pluvieux qui appelait (expliqua-t-il) l'emploi de ce dicton et dont sa tenue grise, aussi bien que l'ennui \u00e9manant de toute sa personne, semblait l'accompagnement exig\u00e9 par le c\u00e9leste protocole. Les feux solaires, en cette r\u00e9gion qu'une vague de froid avait surprise, s'\u00e9taient peut-\u00eatre condens\u00e9s dans la statue dor\u00e9e qui, par-del\u00e0 pluie et beau temps, poursuivait sans bouger sa course inexorable et donnait une tout autre le\u00e7on que le m\u00e9diocre apologue dont elle avait \u00e9t\u00e9 le pr\u00e9texte. Qu'elle f\u00fbt dou\u00e9e d'un pareil \u00e9clat et d'un pareil mouvement m'interdit, \u00e0 distance, de voir dans son auteur quelqu'un que l'adversit\u00e9 aurait finalement \u00e9cras\u00e9. Bien plut\u00f4t, elle t\u00e9moigne des ressources de l'art pour fondre heur et malheur en. un seul tout et faire admettre la mort comme une des dimensions de la vie. Aussi, n\u00e9gligeant d'en rechercher le sens positif \u2013 quel homme ou quel dieu ? \u2013 et ne retenant que sa r\u00e9ponse tacite \u00e0 la question qui m'inqui\u00e8te, ai-je fini par la classer dans mon panth\u00e9on personnel, comme un pendant sublime et masculin des h\u00e9ro\u00efnes auxquelles ma tante la cantatrice pr\u00eatait sa voix et les richesses de sa plastique : Carmen qui pique du couteau et para\u00eet courir droit au coup fatal de _navaja,_ Salom\u00e9 en extase devant la t\u00eate coup\u00e9e et jusque sous les boucliers, Tosca qui tue, croit sauver puis avec un grand cri de m\u00e9nade s'\u00e9lance du haut des remparts, celles enfin qu'une d\u00e9votion passionn\u00e9e am\u00e8ne \u00e0 se pr\u00e9cipiter dans les flots, l'amoureuse du Hollandais Volant et son \u00e9pigone Vita.\n\n _Tout le chagrin du monde dans une seule coupe de vin_. Les d\u00e9sespoirs qu'on rumine la face enfouie dans l'oreiller enfantin. La sentence latine _Est quaedam flere voluptas_ (traduite par l'un de nos humoristes _Il est des dames qu'on flaire avec volupt\u00e9_ ). Voir Naples et mourir. \u00c9couter sur son lit d'agonie _Casta diva_ de Bellini (comme le souhaitait Chopin ou tel autre illustre romantique et comme moi aussi j'en formulerais le v\u0153u si je devais remplir un questionnaire de pr\u00e9f\u00e9rences). Cette fureur que, vers le milieu des ann\u00e9es 20, je tenais pour pr\u00e9judicielle serait-elle la forme plus m\u00e2le que j'ai voulu donner \u00e0 un fond de tristesse qui date de ma prime jeunesse et repr\u00e9sente le socle ancien sur quoi tout ce que je fais s'\u00e9difie ? Tristesse inconditionn\u00e9e, qu'il ne saurait \u00eatre question de simplement \u00e9carter et \u00e0 laquelle, d\u00e8s le d\u00e9part, m'auraient li\u00e9 les moments \u2013 pleins de trouble, me semble-t-il, et de douceur \u2013 o\u00f9 avant le sommeil je mouillais de pleurs mon oreiller et le pressais de ma bouche, ouverte comme pour une morsure. Sorte de _chagrin originel_ , peut-\u00eatre aussi d\u00e9terminant pour moi qu'\u00e0 l'\u00e9chelle universelle le fut le premier p\u00e9ch\u00e9, selon les \u00c9critures et bien d'autres mythologies.\n\nQue le mauvais temps ait \u00e9t\u00e9 un geste hospitalier du ciel ou (comme je croirais plus volontiers) un signe de son humeur ennuy\u00e9e, notre excursion \u00e0 la Montagne de l'Ouest n'en fut nullement g\u00e2ch\u00e9e. Mais le fait est que nous e\u00fbmes de Kounming une vision qui ne r\u00e9pondait en rien aux promesses de Wang Yuen-chen : la ville d'\u00e9ternel printemps o\u00f9 notre interpr\u00e8te \u00e9tait n\u00e9e nous apparut \u2013 \u00e0 l'image de son pr\u00e9nom, _Nuage couleur de perle_ \u2013 baign\u00e9e dans une grisaille humide et j'en garde un souvenir aussi brouill\u00e9 que l'\u00e9tait l'atmosph\u00e8re elle-m\u00eame. Sans les t\u00e9moignages de mes carnets, je me demanderais si c'est bien l\u00e0 que nous fut offert, gr\u00e2ce aux hasards de la rue, un spectacle dont je fus charm\u00e9, malgr\u00e9 mon peu de go\u00fbt pour la chose militaire : dans l'une des voies principales un groupe de soldats sans armes allant, comme il se doit, en rangs ; tous identiques, \u00e0 cela pr\u00e8s que certains \u2013 m\u00eal\u00e9s aux autres et marchant du m\u00eame pas de promenade \u2013 portaient la double natte, diff\u00e9rence que rien ne permettait de pr\u00e9sumer avant qu'on les v\u00eet de dos. Ces soldats hommes et femmes se rendaient, nous dit-on, \u00e0 une conf\u00e9rence (qu'on pouvait deviner marxiste-l\u00e9niniste) et cela expliquait sans doute leur air de sages \u00e9coliers. L'allure martiale, que je n'appr\u00e9cie gu\u00e8re chez les repr\u00e9sentants du sexe fort, me semble moins admissible encore chez ceux du sexe faible, et quant aux femmes soldats (porteuses de fusil ou simples auxiliaires comme les \u00ab souris grises \u00bb de l'Occupation), elles me rappellent \u00e0 peu pr\u00e8s toutes une sc\u00e8ne de la mobilisation de 1914 qui me choqua par son c\u00f4t\u00e9 chienlit, bien que je fusse alors trop jeune pour juger r\u00e9pugnante la guerre en elle-m\u00eame : pr\u00e8s de chez moi, boulevard Suchet o\u00f9 il y avait une caserne, un r\u00e9giment d\u00e9filant \u00ab la fleur au fusil \u00bb flanqu\u00e9 d'une femme probablement ivre que son excitation chauvine et, peut-\u00eatre, sa condition de fille \u00e0 soldats avaient amen\u00e9e \u00e0 se coiffer gaillardement d'un bonnet de police. Rien qui relev\u00e2t de la mascarade chez les jeunes fantassines que je vis \u00e0 Kounming ; hormis la couleur tirant sur le kaki, leur tenue diff\u00e9rait peu du v\u00eatement style bleu de chauffe si r\u00e9pandu pour l'un comme pour l'autre sexe en Chine nouvelle et, surtout, elles semblaient assumer leur r\u00f4le avec un parfait naturel, comme si ce n'\u00e9tait l\u00e0 qu'un devoir parmi leurs ordinaires devoirs : travail aux champs ou \u00e0 l'usine, \u00e9ducation politique, t\u00e2ches plus ou moins militantes, occupations familiales. Il s'agissait, nous dit-on, de femmes rest\u00e9es dans l'arm\u00e9e depuis la Lib\u00e9ration ou bien d'\u00e9pouses de militaires employ\u00e9es \u00e0 des fonctions telles que celles d'infirmi\u00e8res. Que des femmes se muent aussi beno\u00eetement en soldats \u2013 serait-ce comme simples r\u00e9paratrices de la force guerri\u00e8re \u2013 peut sembler pire que lorsqu'une note carnavalesque, en les montrant d\u00e9guis\u00e9es plut\u00f4t que m\u00e9tamorphos\u00e9es, atteste l'incongruit\u00e9 de leur militarisation. Mais cet affront apparemment sanglant des Chinoises \u00e0 la f\u00e9minit\u00e9 est justifi\u00e9 par le cadre dans lequel il s'inscrit : le grand mouvement qui anime toute la vie de leur pays et qui ne serait pas une \u00e9mancipation v\u00e9ritablement _populaire_ si certaines activit\u00e9s demeuraient, comme chez nous, l'apanage presque exclusif des hommes.\n\nDe la Montagne de l'Ouest on nous emmena passer la nuit aux Sources Chaudes, fr\u00e9quent\u00e9es nagu\u00e8re par les Fran\u00e7ais d'Indochine qui venaient \u00e0 Kounming se reposer, pas trop loin de leur port d'attache, sous un climat que l'altitude rafra\u00eechit. L'h\u00f4tel restait \u00e9quip\u00e9 en \u00e9tablissement thermal, de sorte qu'au petit matin je pus, tel un curiste, me baigner dans une eau chaude provenant directement des sources. Je n'eus pour cela qu'\u00e0 emprunter quelques escaliers et couloirs puis, possession prise d'un local comprenant avec la chambre de bain et le r\u00e9duit pour la douche un vestibule garni de plus qu'il n'en fallait de meubles de repos, linges d'essuyage et paires de pantoufles, descendre encore un assez grand nombre de marches et, parvenu \u00e0 des profondeurs de catacombes, descendre encore plus bas en me plongeant dans la cuve rectangulaire pourvue d'un fond en caillebotis et de deux si\u00e8ges ronds enti\u00e8rement immerg\u00e9s.\n\n\u00c9tape extr\u00eame de mon tour dans les provinces du sud-ouest, les Sources Chaudes repr\u00e9sentent avec Kounming le point le plus m\u00e9ridional que j'aie atteint en Chine. L'humidit\u00e9 m'y valut une d\u00e9ception quant \u00e0 la commodit\u00e9 des chemises en tissu synth\u00e9tique pour les randonn\u00e9es durant lesquelles on n'a pas le temps de donner \u00e0 blanchir : si d'ordinaire elles s\u00e8chent vite, il n'en est pas de m\u00eame l\u00e0 o\u00f9 r\u00e8gne la moiteur et, au d\u00e9part des Sources Chaudes, je dus remettre mouill\u00e9e la chemise de nylon qu'innocemment j'avais lav\u00e9e avant de me coucher. Impression tropicale en contraste avec celle, franchement nordique, que m'avait donn\u00e9e la premi\u00e8re ville de Mandchourie o\u00f9 nous nous \u00e9tions arr\u00eat\u00e9s : Tchang-tchouen, dont l'aspect rev\u00eache me fit penser \u00e0 Charleville (o\u00f9 je ne suis jamais all\u00e9 mais qu'\u00e0 travers le prisme de Rimbaud j'imagine la plus ingrate des cit\u00e9s). Parcourue par des tramways \u00e0 trompe tr\u00e8s sonore et sillonn\u00e9e de chariots tir\u00e9s par de robustes petits chevaux blancs \u00e0 courte crini\u00e8re en brosse, cette ville aux maisons sans pittoresque m'apparut peupl\u00e9e de gens \u00e0 vestes molletonn\u00e9es, les mains frileusement enfonc\u00e9es dans leurs manches comme dans des manchons et dont quelques-uns, coiff\u00e9s de bonnets de fourrure, en laissaient pendre les oreillettes pr\u00e9vues contre le froid. Comme je souffrais d'un gros rhume et avais eu le ventre atteint d'un d\u00e9sordre encore plus g\u00eanant (suites d'un d\u00e9jeuner \u00e0 l'europ\u00e9enne accept\u00e9 l'avant-veille au Peking H\u00f4tel, contrairement \u00e0 mon habitude de ne manger qu'\u00e0 la chinoise, ce dont je m'\u00e9tais toujours tr\u00e8s bien trouv\u00e9) on me soumit d'autorit\u00e9 \u00e0 un examen m\u00e9dical. A peine plus d'une heure apr\u00e8s notre arriv\u00e9e, la gentille Wang Yuen-chen p\u00e9n\u00e9trait dans ma chambre escort\u00e9e de deux femmes, dont l'une \u00e9tait une doctoresse portant la double natte et l'autre une infirmi\u00e8re dans le costume classique de sa profession. Wang Yuen-chen s'assit famili\u00e8rement sur le bras du fauteuil que j'occupais face \u00e0 mes deux soigneuses et c'est par son interm\u00e9diaire que se fit l'interrogatoire. J'avais grand-peur qu'un souci trop z\u00e9l\u00e9 de ma sant\u00e9 n'amen\u00e2t la doctoresse \u00e0 m'envoyer \u00e0 l'h\u00f4pital, ce qui aurait \u00e9t\u00e9 en soi une exp\u00e9rience int\u00e9ressante et sans doute une occasion de dorloteries mais m'aurait priv\u00e9 de pas mal de joies touristiques. Le thermom\u00e8tre qu'on pla\u00e7a sous mon aisselle indiqua une temp\u00e9rature normale et je pouvais, par ailleurs, d\u00e9clarer en toute bonne foi que mes autres ennuis paraissaient termin\u00e9s. C'est pourquoi la douce et grave doctoresse se contenta de me donner des m\u00e9dicaments contre la toux et me laissa poursuivre ma route dans cette contr\u00e9e o\u00f9 l'automne s'av\u00e9rait moins souriant que celui de P\u00e9kin.\n\n _La fillette de sucre candi, aux nattes de r\u00e9glisse, prend notre main pour nous conduire au club des papillons, Monelle marxiste-l\u00e9niniste._ A Changha\u00ef, dont les rues grouillent d'une foule plus turbulente que celle de la capitale et o\u00f9 l'ex-quartier des concessions pr\u00e9sente un \u00e9chantillonnage des produits peut-\u00eatre les plus affligeants de l'architecture occidentale, je vis, sur l'emplacement de l'hippodrome anglais devenu Parc du Peuple et dans ses d\u00e9pendances, des troupes d'enfants qui se pr\u00eataient apparemment avec le m\u00eame entrain aux exercices de plein air et aux conf\u00e9rences-promenades : danses et cort\u00e8ges sur le terrain o\u00f9 le jeu et le spectacle des courses devaient, en leur temps, attirer des turfistes des deux races ; th\u00e9ories bourdonnantes d'\u00e9coliers et d'\u00e9coli\u00e8res parcourant, sous la tutelle de jeunes femmes ou de jeunes filles, le Mus\u00e9e historique dont les salles occupent deux \u00e9tages dans des locaux attenants aux anciennes tribunes. J'admirai qu'on e\u00fbt \u00e9pargn\u00e9 ces b\u00e2timents et il me sembla tenir l\u00e0 une preuve du sens pratique et de la bonhomie des r\u00e9volutionnaires chinois qui ont chang\u00e9 en instrument d'\u00e9ducation ce que d'autres (sans qu'on puisse, en ce cas pr\u00e9cis, les taxer de vandalisme) auraient probablement incendi\u00e9 ou d\u00e9grad\u00e9 de quelque mani\u00e8re, n'y trouvant qu'un symbole scandaleux de l'emprise \u00e9trang\u00e8re et de la corruption inh\u00e9rente au capitalisme. La nuit tomb\u00e9e, quand un compte rendu de la journ\u00e9e vint nourrir mon livre de bord comme \u00e0 l'accoutum\u00e9e, je notai ce qui m'avait le plus frapp\u00e9 parmi les quelque deux mille objets que montrait ce mus\u00e9e, d\u00e9j\u00e0 riche bien qu'encore embryonnaire. Ordonn\u00e9es chronologiquement, les collections comprenaient \u2013 sans parler des produits g\u00e9n\u00e9ralement peu r\u00e9jouissants de l'artisanat moderne \u2013 beaucoup de tr\u00e8s belles choses en bronze, en jade, en c\u00e9ramique, en porcelaine, en pierre, en terre, en bois, quelques peintures (notamment de l'\u00e9poque Song) et d'autres t\u00e9moignages du pass\u00e9 qu'en dehors de tout point de vue esth\u00e9tique on ne pouvait regarder sans \u00e9motion, tels des documents relatifs \u00e0 l'\u00e9criture (une grosse \u00e9caille de tortue et un hum\u00e9rus de bovid\u00e9 grav\u00e9s de caract\u00e8res archa\u00efques, plusieurs manuscrits s\u00e9culaires, ainsi que de vieux sp\u00e9cimens d'impression sur papier, cette invention chinoise), tels aussi des outils trouv\u00e9s \u00e0 Chou-kou-tien o\u00f9 v\u00e9cut et mourut l'illustre pr\u00e9hominien dont les modernes livres d'\u00e9cole font le premier grand homme de l'histoire de la Chine.\n\n _Un seul fil qui ne s'est jamais rompu, depuis le_ Sinanthropus Pekinensis _jusqu'au camarade Mao Ts\u00e9-toung._ Contemplant, du haut des douze \u00e9tages savamment empil\u00e9s d'une pagode large \u00e0 la base mais plus \u00e9troite au sommet, un superbe spectacle fluvial (dans le soleil couchant et sous un ciel assez nuageux du c\u00f4t\u00e9 de la montagne, la progression d'une file de huit paires de jonques tir\u00e9es par un remorqueur sur le miroitement des eaux aux fines couleurs tandis qu'un train franchissait le pont m\u00e9tallique enjambant le large coude de l'estuaire qu'en ce point l'on nomme \u00ab Tchou \u00bb \u00e0 cause de sa forme serpentante) nous f\u00fbmes quelques-uns, au terme de notre visite de Hangtcheou et de ses environs, \u00e0 r\u00eaver d'une nouvelle Pri\u00e8re sur l'Acropole : plus de miracle grec mais le miracle de la Chine, pays o\u00f9 r\u00e8gne un prodigieux accord entre pass\u00e9 et pr\u00e9sent, monuments et \u00eatres vivants, pays aussi dont les jardins partagent avec ceux que les Arabes ont su cr\u00e9er l'honneur d'\u00eatre des \u00ab lieux de vrai confort spirituel \u00bb. Cette derni\u00e8re constatation, nous la faisions le matin m\u00eame, l'un de mes compagnons et moi, au cours d'une excursion lacustre o\u00f9 notre groupe avait \u00e9t\u00e9 conduit jusqu'\u00e0 une \u00eele charg\u00e9e de pavillons de plaisance par une flottille de l\u00e9g\u00e8res embarcations propuls\u00e9es qui par un batelier qui par une bateli\u00e8re.\n\nLe pouvoir exemplaire que poss\u00e9deraient les n\u00e8gres \u2013 comme tous ceux qu'on dit \u00ab sauvages \u00bb \u2013 de s'abandonner sans r\u00e9ticence aux pulsations de la vie (ainsi que leurs dons rythmiques suffiraient \u00e0 l'attester), la gravit\u00e9 sereine des gens du lointain Orient, dont le faci\u00e8s myst\u00e9rieux aurait pour clef leurs rapports de bon voisinage avec la mort, sont des notions simplistes si ce n'est fallacieuses ; mais le fait est qu'elles exercent sur moi la s\u00e9duction des grandes utopies. Pour l'Occidental que je suis, elles repr\u00e9sentent deux p\u00f4les dont chacun indiquerait une v\u00e9rit\u00e9 possible et, ces deux buts, je crois les avoir vis\u00e9s successivement \u2013 par-del\u00e0 les motivations directes \u2013 le premier quand, jeune encore, j'ai consacr\u00e9 vingt-et-un mois \u00e0 la travers\u00e9e de l'Afrique, le second quand, un quart de si\u00e8cle apr\u00e8s, j'ai pass\u00e9 cinq semaines en Chine, voyage dont la ridicule bri\u00e8vet\u00e9 me convenait en ceci que, sous le double poids de l'\u00e2ge et de mon existence peu \u00e0 peu r\u00e9gularis\u00e9e, j'\u00e9tais devenu plus avare de mon temps et pratiquement moins disponible. Tropiques charg\u00e9s de \u00ab po\u00e9sie involontaire \u00bb, Extr\u00eame-Orient sage et courtois comme on ne peut plus l'\u00eatre, industrialisation de pays dont on accepte mal qu'ils se d\u00e9pouillent peu \u00e0 peu d'un exotisme qui nous charmait, songeries fond\u00e9es sur leur pass\u00e9 (celui du moins que l'on imaginait), espoirs autoris\u00e9s par ce qu'on voit de leur pr\u00e9sent, tels sont les arri\u00e8re-plans d'un r\u00eave que j'ai fait en Chine et qui, pour moi, serait encore noy\u00e9 dans un total oubli s'il ne m'avait \u00e9t\u00e9 rappel\u00e9, longtemps apr\u00e8s notre retour, par l'un de mes camarades \u00e0 qui je l'avais racont\u00e9 parce qu'il en \u00e9tait le h\u00e9ros : de m\u00eame qu'en Polyn\u00e9sie de belles insulaires donnent aux voyageurs de larges colliers de fleurs que chacun portera \u00e0 son cou comme s'il \u00e9tait le B\u0153uf Gras, de jeunes Chinoises en vestes et pantalons nouveau style offrent des pneus ou des chambres \u00e0 air de bicyclette \u00e0 celui de mes compagnons qui, pour le film qu'il intitulerait _Un dimanche \u00e0 P\u00e9kin,_ promenait alors partout sa cam\u00e9ra.\n\n _P\u00e2ques \u00e0 Kumasi._ Soulign\u00e9s d'un trait ondul\u00e9, ces mots \u2013 qui me rappellent des couleurs plus crues que les nuances d\u00e9licates du _Dimanche \u00e0 P\u00e9kin_ \u2013 figurent en t\u00eate de quatre de mes fiches, copie d'un extrait du carnet que j'ai tenu durant mon tour en C\u00f4te-d'Ivoire et dans cette Gold Coast aujourd'hui d\u00e9barrass\u00e9e d'un nom qui faisait allusion lui aussi \u00e0 l'\u00e9poque de la traite. Ce dimanche 1er avril 1945, r\u00e9sidant depuis quelques jours dans l'importante ville-march\u00e9 qu'est la capitale ashanti, j'\u00e9tais all\u00e9 \u00e0 la cath\u00e9drale pour jouir du spectacle de la grand-messe, c\u00e9r\u00e9monie o\u00f9 l'\u00e9v\u00eaque \u2013 un Blanc, dont j'ignore quelle \u00e9tait la nationalit\u00e9 \u2013 officiait en personne, assist\u00e9 de deux P\u00e8res hollandais. C'est l\u00e0 que je v\u00e9cus, non mes _P\u00e2ques \u00e0 New York_ comme le po\u00e8te et globe-trotter Blaise Cendrars, mais ces P\u00e2ques africaines que je nommerais plus tard mes _P\u00e2ques \u00e0 Kumasi._\n\nQuand j'entrai, l'\u00e9glise \u00e9tait toute fourmillante d'une foule n\u00e8gre o\u00f9 les femmes en robe d'indienne et en madras, les hommes en pagne drap\u00e9 laissant nue l'une des \u00e9paules l'emportaient de tr\u00e8s loin sur les gens v\u00eatus \u00e0 l'europ\u00e9enne. C'\u00e9tait la fin de la messe de huit heures, on distribuait la communion et un nombre \u00e9norme de fid\u00e8les d\u00e9filaient pour la recevoir. Je me m\u00ealai d'abord \u00e0 la masse merveilleusement bariol\u00e9e qui emplissait la nef et je m'y trouvai bien, \u00e9prouvant cette impression de paix, d'entente imm\u00e9moriale avec la nature, qu'utopiquement j'ai toujours recherch\u00e9e aupr\u00e8s des Noirs. Je n'aurais pas song\u00e9 \u00e0 m'extraire de cette masse si quelques femmes ne m'avaient fait comprendre par signes que c'\u00e9tait dans le ch\u0153ur que je trouverais ma juste place. Docile, je marchai en direction du ma\u00eetre-autel et m'assis, dans la partie droite du ch\u0153ur, sur le premier si\u00e8ge que je vis disponible. Or il m'apparut bient\u00f4t qu'en m'installant ainsi j'avais commis un autre impair : ce c\u00f4t\u00e9 occup\u00e9 par des Blancs n'\u00e9tait pas celui des Europ\u00e9ens, tous rassembl\u00e9s dans la partie gauche du ch\u0153ur, mais le c\u00f4t\u00e9 des commer\u00e7ants levantins. Personne, cette fois, ne me fit signe de me d\u00e9placer. Aussi, ne poussai-je pas plus avant mon souci de me conformer \u00e0 la bonne r\u00e8gle comme la mimique des dames \u00e0 madras m'y avait engag\u00e9.\n\nTout de suite, j'avais reconnu dans l'un des deux servants de la messe l'eccl\u00e9siastique barbu que j'avais rencontr\u00e9 la veille en jetant un premier coup d'\u0153il au-dedans de l'affreuse cath\u00e9drale et avec qui j'avais parl\u00e9 de l'enqu\u00eate \u00e0 laquelle je participais. Elle comprenait, entre autres points, l'\u00e9claircissement des motifs pour lesquels chaque ann\u00e9e affluaient en Gold Coast des travailleurs venus subrepticement des territoires fran\u00e7ais pour s'employer dans les mines ou sur les plantations, alors que notre administration se demandait comment, apr\u00e8s la suppression du travail forc\u00e9, elle rem\u00e9dierait \u00e0 la p\u00e9nurie de main-d'\u0153uvre dont le sud de la C\u00f4te-d'Ivoire souffrait end\u00e9miquement. Motifs en v\u00e9rit\u00e9 bien simples, qui se r\u00e9duisaient \u00e0 peu pr\u00e8s \u00e0 ceci : chez les Anglais on \u00e9tait pay\u00e9 _cash,_ on vivait plus librement et le march\u00e9 de Kumasi abondait en cotonnades de Manchester et autres beaux articles qu'au retour on offrirait aux parents, v\u00eatu soi-m\u00eame avec faste et tout glorieux d'avoir trouv\u00e9 sa chance dans une Ville Lumi\u00e8re non moins riche en plaisirs qu'en produits manufactur\u00e9s. Tel \u00e9tait, du moins, le mirage qui attirait les immigrants, car un bon nombre d'entre eux demeuraient sans travail et, n'osant rentrer apr\u00e8s un pareil \u00e9chec, ne faisaient que grossir la tourbe de la ville. A en croire le bon P\u00e8re, la prison de Kumasi regorgeait de ces ch\u00f4meurs devenus d\u00e9linquants et, quant aux plus chanceux, l'attrait qu'avait eu sur leur imagination ce qui se dit de la Babylone ashanti leur valait de rapporter chez eux, outre la maladie du sommeil, des affections d'origine v\u00e9n\u00e9rienne.\n\nLes habitants aux costumes h\u00e9t\u00e9roclites d'une Babylone ou d'une cit\u00e9 marchande comme Alexandrie, c'est ainsi que m'apparaissaient les gens de tous \u00e2ges, sexes et autres cat\u00e9gories dont la cath\u00e9drale \u00e9tait pleine \u00e0 craquer. Au fond, des soldats noirs en uniforme de drill kaki que rehaussait, chez ceux de la musique, une sorte de gilet rouge vif. A l'orgue, une chorale de jeunes hommes \u00e0 longues tuniques cramoisies serr\u00e9es \u00e0 la ceinture. Presque partout, des ribambelles d'enfants et d'adolescents habill\u00e9s de fa\u00e7ons diverses. Non seulement il y avait l\u00e0 une grande troupe de n\u00e9grillons en surplis d'enfants de ch\u0153ur, ainsi qu'un groupe important de n\u00e9grillonnes v\u00eatues de petites robes blanches \u00e0 bordure bleu ciel et coiff\u00e9es d'esp\u00e8ces de b\u00e9rets de marins am\u00e9ricains, eux aussi blancs et bord\u00e9s de bleu ciel, mais une marmaille assez nombreuse \u00e9tait assise sur le sol, dans l'espace du milieu, et l'on dut chasser de derri\u00e8re le ma\u00eetre-autel des enfants qui encombraient le passage. Cette jeunesse ne t\u00e9moignait pas toujours du recueillement voulu et je vis un petit gar\u00e7on \u2013 l'un des occupants du d\u00e9gagement \u2013 s'amuser pendant toute la c\u00e9r\u00e9monie avec le cordon qu'habituellement il devait porter \u00e0 son cou mais qui, en la circonstance, lui servait d'instrument pour ces jeux de ficelle si appr\u00e9ci\u00e9s des ethnographes parce que les figures obtenues gr\u00e2ce aux entrecroisements variables d\u00e9termin\u00e9s par la position et le mouvement des doigts des deux mains plac\u00e9es en vis-\u00e0-vis semblent r\u00e9pondre \u00e0 de tr\u00e8s anciens symbolismes.\n\nLa messe fut dite et celui des servants que je connaissais lut en anglais je ne sais quel mandement ou texte pieux que traduisit en ashanti un Noir d'une cinquantaine d'ann\u00e9es, homme sec \u00e0 petite moustache dont la v\u00eature \u00e9tait celle d'un parfait gentleman. Puis l'\u00e9v\u00eaque, mitre en t\u00eate et crosse en main, assis le dos tourn\u00e9 \u00e0 l'autel, pronon\u00e7a un sermon que le m\u00eame interpr\u00e8te traduisait bout par bout, pendant les pauses que l'\u00e9v\u00eaque faisait \u00e0 cet effet. Malgr\u00e9 les difficult\u00e9s qu'une langue \u00e9trang\u00e8re m'oppose plus qu'\u00e0 quiconque (et m\u00eame l'anglais que j'ai pourtant \u00e9tudi\u00e9 et que j'ai assez souvent l'occasion de parler), je compris que l'un des th\u00e8mes du sermon \u00e9tait l'histoire de Jonas, cela, gr\u00e2ce aux quelques bribes que je saisissais des paroles de l'\u00e9v\u00eaque et surtout gr\u00e2ce \u00e0 la r\u00e9p\u00e9tition fr\u00e9quente du nom, ais\u00e9ment rep\u00e9rable, de l'homme \u00e0 la baleine. Cette histoire, en d\u00e9pit de mon incroyance, me touche d'une mani\u00e8re toute sp\u00e9ciale, et ce n'est pas pour rien qu'un philosophe \u2013 dans l'un des livres qu'il a consacr\u00e9s \u00e0 ce qu'il nomme l'imagination mat\u00e9rielle \u2013 rapporte au \u00ab complexe de Jonas \u00bb l'un des morceaux les plus spontan\u00e9s que j'aie \u00e9crits, expression \u00e0 demi onirique d'un d\u00e9sir profond : descendre dans l'\u00e9paisseur de la nuit organique et regagner ainsi la matrice originelle, \u00e0 l'instar du proph\u00e8te aval\u00e9 par le monstre marin qui lui est un refuge en m\u00eame temps qu'une ge\u00f4le. Bien que cet \u00e9pisode soit li\u00e9, je crois, \u00e0 la promesse d'une r\u00e9surrection et qu'il soit donc normal qu'on s'y r\u00e9f\u00e8re dans un sermon pascal, le rappel qu'en fit l'\u00e9v\u00eaque me frappa autant que s'il m'avait \u00e9t\u00e9 personnellement destin\u00e9, en vertu de quelque d\u00e9cret du sort.\n\nTout s'acheva sur un _Haleluiah !_ fortement rythm\u00e9 par la grosse caisse et les tambours des militaires. Pr\u00e9c\u00e9d\u00e9 de la croix et parcourant \u00e0 pas lents toute la longueur de la nef m\u00e9diane, le pr\u00e9lat op\u00e9ra une sortie th\u00e9\u00e2trale qui, sit\u00f4t qu'il fut dehors, se mua en procession. Venaient d'abord deux files de belles et robustes jeunes filles noires en longues robes bleu franc bord\u00e9es de blanc (probablement des Enfants de Marie), nu-t\u00eate et leurs cheveux cr\u00e9pus coup\u00e9s tr\u00e8s courts, de sorte qu'on pouvait admirer dans toute sa puret\u00e9 la forme de leurs cr\u00e2nes. Escortant la croix et l'\u00e9v\u00eaque, venaient ensuite les jeunes hommes de la chorale, dans leurs tuniques cramoisies. Quant aux militaires, ils s'en all\u00e8rent de leur c\u00f4t\u00e9, en une double phalange : batterie d'une part, cuivres beaucoup plus loin. Peut-\u00eatre \u00e9taient-ce ces m\u00eames musiciens que, vers la fin du. jour pr\u00e9c\u00e9dent, j'avais vus animer les \u00e9bats d'un cort\u00e8ge populaire men\u00e9 par deux pitres aux d\u00e9guisements qu'on aurait dits m\u00e9di\u00e9vaux et le visage masqu\u00e9 d'esp\u00e8ces de cagoules peintes en rose \u00e0 la semblance de visages europ\u00e9ens ? Finalement, la f\u00eate \u00e0 quoi une curiosit\u00e9 plus futile que savante m'avait pouss\u00e9 \u00e0 assister \u2013 ces P\u00e2ques turbulentes et color\u00e9es dont l'accompagnement tant instrumental que vocal m'\u00e9mut \u00e0 l'\u00e9gal de _negro spirituals_ que j'aurais entendus au milieu des champs de coton, quelque part du c\u00f4t\u00e9 de la Louisiane \u2013 me parut de l'ordre des \u00e9v\u00e9nements qui donnent apr\u00e8s coup l'impression de n'avoir pas valu simplement par eux-m\u00eames mais de s'\u00eatre produits parce que nous \u00e9tions seuls \u00e0 pouvoir totalement les vivre. Depuis, j'ai pens\u00e9 parfois que si je ne suis pas revenu au catholicisme ce jour-l\u00e0 (ainsi que semblaient m'y convier cette foule n\u00e8gre et ce discours auquel sa traduction par fragments conf\u00e9rait plus de solennit\u00e9 et une po\u00e9sie qui sans doute n'y \u00e9tait pas), c'est que, d\u00e9cid\u00e9ment, mes croyances enfantines m'ont bien abandonn\u00e9 !\n\nDimanche plus dimanche que les vrais dimanches de P\u00e9kin, la grande journ\u00e9e de la f\u00eate nationale chinoise, pr\u00e9texte du voyage en d\u00e9l\u00e9gation auquel le cin\u00e9aste Chris Marker avait pris part comme moi. Dimanche officiellement dimanche et peut-\u00eatre le seul authentique pour l'ensemble de la chr\u00e9tient\u00e9, ce jour de P\u00e2ques qui depuis ma prime jeunesse avait perdu pour moi tout son \u00e9clat, mais l'avait momentan\u00e9ment recouvr\u00e9 tandis que je le voyais c\u00e9l\u00e9br\u00e9 dans l'une des b\u00e2tisses coloniales les plus laides qu'il y e\u00fbt \u00e0 Kumasi. En Gold Coast et en Chine, j'avais joui d'un spectacle qui, dans l'un et l'autre cas (malgr\u00e9 la moindre ampleur de la f\u00eate africaine), se pr\u00e9sentait tant soit peu comme un Jugement dernier o\u00f9 tous \u2013 chacun au poste qui lui revient \u2013 se trouveraient rassembl\u00e9s dans l'espoir plut\u00f4t que dans la terreur : les P\u00e2ques ashanti, avec leurs diverses cohortes d'anges et la stricte ordonnance qui en face de la masse plus nombreuse, remuante et color\u00e9e dont la nef \u00e9tait emplie pla\u00e7ait, \u00e0 la droite du porteur de la bonne parole, les Europ\u00e9ens au maintien compass\u00e9 et, \u00e0 sa gauche, les Levantins qu'au bout d'un certain temps seulement j'avais pu distinguer de ceux-ci ; la f\u00eate comm\u00e9morative o\u00f9 toute la vie chinoise m'\u00e9tait apparue r\u00e9sum\u00e9e en un seul d\u00e9fil\u00e9, au pied d'un \u00e9difice qui remonte \u00e0 l'\u00e9poque des Ming, la \u00ab Porte de la Paix c\u00e9leste \u00bb, aujourd'hui transform\u00e9e en tribune pour les sommit\u00e9s et les h\u00f4tes les plus marquants de la R\u00e9publique populaire. Toutefois, il est certain qu'\u00e0 Kumasi j'avais suivi comme au th\u00e9\u00e2tre (me laissant \u00e9mouvoir mais restant \u00e0 distance) le service que pourtant j'aurais cru volontiers ordonn\u00e9 tout expr\u00e8s pour m'ouvrir \u00e0 la Gr\u00e2ce, tandis qu'\u00e0 P\u00e9kin, en assistant \u00e0 cette parade au regard de quoi je n'\u00e9tais qu'un atome, j'avais pris part \u00e0 une c\u00e9r\u00e9monie dans laquelle, acteur autant que spectateur, j'assumais une fonction modeste mais pr\u00e9cise : celle de membre de l'un des groupes dont la seule venue d'Europe occidentale \u00e9tait un geste d'amiti\u00e9 envers la R\u00e9volution. Si (\u00e0 en juger par ma propre r\u00e9action et ce que je pus saisir de celle de mes compagnons) la f\u00eate de P\u00e9kin \u00e9tait d'essence religieuse autant que la f\u00eate de Kumasi, entre les deux manifestations il y avait cette diff\u00e9rence : l'une r\u00e9pondait \u00e0 une pure mythologie, le christianisme avec ses id\u00e9es de Dieu fait homme, d'\u00e2me immortelle et de r\u00e9surrection ; l'autre \u00e0 une esp\u00e9rance qui ne laisse pas non plus d'\u00eatre un mythe (car on peut seulement r\u00eaver d'humanit\u00e9 ma\u00eetresse de son destin) mais un mythe qui, toutefois, enveloppe une r\u00e9alit\u00e9 \u2013 la possibilit\u00e9 de remaniements sociaux tels que le sous-homme ne soit plus qu'un cas pathologique \u2013 et qui invite \u00e0 une action dont les perspectives, nullement surnaturelles quoique d\u00e9mesur\u00e9es par rapport aux limites de la vie de chacun, n'exc\u00e8dent pas celles de l'aventure rien que terrestre de l'esp\u00e8ce \u00e0 laquelle nous appartenons.\n\nD'un c\u00f4t\u00e9, le vieux r\u00eave de p\u00e9rennit\u00e9 ; de l'autre, la pr\u00e9paration d'un avenir plus juste. J'en suis convaincu d\u00e8s longtemps, ce que le marxisme-l\u00e9ninisme oppose aux mystiques du pass\u00e9, c'est encore une mystique, car une doctrine de pure raison est sans pouvoir moteur, comme une machine priv\u00e9e de combustible ou autre source d'\u00e9nergie. Mais cette nouvelle religion, qui se d\u00e9fend d'en \u00eatre une et donne cyniquement le pas au facteur \u00e9conomique sur les facteurs plus nobles de l'\u00e9volution des soci\u00e9t\u00e9s, exige la connaissance positive du monde contradictoire qu'on ne peut valablement amender qu'en se fondant sur ses tensions et ses d\u00e9chirements m\u00eames. C'est pourquoi, science autant que messianisme, elle a le privil\u00e8ge d'\u00eatre paradoxalement une _religion vraie,_ \u00e0 la fois moyen de d\u00e9sembourber la vie et d\u00e9voilement de processus naturels. D'o\u00f9 cette r\u00e8gle primordiale, qu'\u00e0 mon sens tous les militants \u2013 et les sympathisants parmi lesquels je me range \u2013 devraient regarder comme absolument imp\u00e9rative : \u00e9viter que le recours trop vite usuel aux mensonges que les n\u00e9cessit\u00e9s du combat peuvent para\u00eetre justifier place d\u00e9cid\u00e9ment sous la coupe de la mythologie l'ensemble de l'entreprise et, toute rigueur abolie, la d\u00e9saxe au point de lui faire rater son but, la fin de l'exploitation de l'homme par l'homme, r\u00e9elle seulement lorsqu'il n'y a plus ni mystificateurs ni mystifi\u00e9s.\n\nAper\u00e7us trop abstraits et, certainement, bien nuageux que ceux-l\u00e0, en ce temps o\u00f9 notre vocabulaire s'\u00e9maille de mots d'emprunt dont frappe la s\u00e9cheresse brutale ( _putsch, clash, twist, jet,_ qu'on dirait sortis du m\u00eame moule, encore que les deux derniers soient assez innocents, l'un ne d\u00e9signant qu'une danse aux d\u00e9hanchements v\u00e9h\u00e9ments, l'autre ces engins a\u00e9riens qui en six ou sept heures d'horloge jettent les Parisiens \u00e0 New York et vice versa), ce temps o\u00f9 des termes nagu\u00e8re tout \u00e0 fait anodins se teintent de lueurs sinistres : \u00ab sigle \u00bb, d'usage rare il y a quelques ann\u00e9es mais aujourd'hui d'emploi courant dans les quotidiens et qui \u00e9voque essentiellement l'homme aux jambes \u00e9cart\u00e9es et au ventre barr\u00e9 par un fusil \u00e0 la fa\u00e7on SS qu'on imagine, flanqu\u00e9 d'un \u0153il imb\u00e9cilement arrondi et d'un serpent pr\u00eat \u00e0 l\u00e2cher sa bave ou son venin, au centre de l'inscription _O. A. S._ ; \u00ab arts plastiques \u00bb, qu'on ne peut lire ou prononcer sans que l'adjectif, passant au singulier, se d\u00e9tache et devienne substantif, non plus color\u00e9 d'une pointe d'\u00e9rotisme \u00e0 travers les formes qu'il d\u00e9signe au f\u00e9minin mais lest\u00e9, au masculin, de l'effective substance dont les fascistes, en France comme en Alg\u00e9rie, se servent pour leurs attentats. Aper\u00e7us qui \u2013 \u00e0 l'heure o\u00f9 ce qu'on nomme la \u00ab d\u00e9colonisation \u00bb suscite tant de remous et de soubresauts sanglants \u2013 ne sont que p\u00e2les g\u00e9n\u00e9ralit\u00e9s, mal accord\u00e9es \u00e0 ce grand coup de gong si grave et si sourd que, sur-le-champ, beaucoup ne l'avaient pas entendu : _Bandoeng,_ autrement dit la conf\u00e9rence qui se tint entre Africains et Asiatiques rebelles \u00e0 la supr\u00e9matie de l'Occident, primaut\u00e9 d'autant plus douteuse qu'en r\u00e9pandant sa culture il a, mat\u00e9riellement, livr\u00e9 une partie de ses armes et, spirituellement, perdu le monopole dont il argue pour se dire en droit d'occuper le haut du pav\u00e9.\n\nQue le flux des \u00e9v\u00e9nements me pousse \u00e0 des semblants d'action ou qu'un reflux me rende au fil de mes songeries, \u00e0 chaque instant je reste tiraill\u00e9 entre deux sortes d'affinit\u00e9s qui s'opposent \u00e0 la mani\u00e8re de deux factions dont l'une continue ses men\u00e9es quand l'autre d\u00e9tient le pouvoir. Sensible \u00e0 cette image comme aux planches d'un vieil atlas dont les cartes sont agr\u00e9ment\u00e9es de figures repr\u00e9sentant des hommes des diverses races, des animaux f\u00e9roces ou plaisamment farfelus, des dauphins, des sir\u00e8nes et des monstres d'autres esp\u00e8ces, je les ai baptis\u00e9es \u2013 pastiche d'un go\u00fbt discutable \u2013 mon \u00ab c\u00f4t\u00e9 de chez Mao Ts\u00e9-toung \u00bb et mon \u00ab c\u00f4t\u00e9 de Kumasi \u00bb, pensant pouvoir ainsi les d\u00e9finir mieux que par la froideur d'un expos\u00e9 en forme. D'une part, le d\u00e9sir d'acqu\u00e9rir \u2013 afin d'\u00eatre vraiment un homme \u2013 l'intelligence pratique et le courage dont les b\u00e2tisseurs du monde nouveau me donnent l'exemple ; d'autre part, l'envie de fra\u00eecheur r\u00e9cup\u00e9r\u00e9e que mes P\u00e2ques ashanti satisfaisaient doublement, puisque cette nostalgie me porte aussi bien vers les lointains de la m\u00e9moire que vers les lointains tout court. En somme, deux c\u00f4t\u00e9s dont deux f\u00eates o\u00f9 j'\u00e9tais m\u00eal\u00e9 \u00e0 une foule de fin des temps m'ont fourni les rep\u00e8res et qui r\u00e9pondent approximativement aux p\u00f4les du r\u00eave o\u00f9, apr\u00e8s une promenade en montagne, je me trouvais dans une maison pourvue d'un jardin : une maison qui \u00e9tait le lieu d'une intrigue touchant \u00e0 la politique, puisque j'y h\u00e9bergeais C\u00e9saire le tribun et que je la voyais envahie, sans doute en p\u00e9riode \u00e9lectorale, par des gens que je trouvais gentils en m\u00eame temps qu'un peu pesants, \u00e9prouvant \u00e0 leur \u00e9gard un sentiment aussi m\u00eal\u00e9 que celui que je ressens quant \u00e0 l'activit\u00e9 militante (on n'est viril que si l'on prend parti, mais quel ennui et quelles contraintes quand on a pris parti) ; un jardin dans lequel il ne se passait rien et qui \u2013 peu distinct, outre son enchev\u00eatrement de brousse \u2013 \u00e9tait l\u00e0 comme un simple rappel d'autres jardins, tant de jour que de nuit, receleurs d'\u00e9merveillements, de craintes ou de peines lancinantes. Maison sans myst\u00e8re, o\u00f9 la pr\u00e9sence de ces Antillais \u2013 sans parler de la relique de mon premier voyage en Afrique qu'\u00e9taient les bottes lac\u00e9es \u2013 introduisait pourtant un peu d' _ailleurs_ ou _d'autrefois,_ comme s'il y avait eu entre la maison et le jardin (\u00e9trangement diffus quoique tout proche) un peu plus que le lien qui unit organiquement la partie architecturale et la partie terrienne d'un m\u00eame domaine campagnard. Et le fait est que, si je tourne le dos aux prestiges anachroniques de Kumasi et regarde vers l'actualit\u00e9 des communistes de P\u00e9kin, les enchantements \u00e9man\u00e9s de contr\u00e9es ou d'\u00e2ges recul\u00e9s ne sont pas \u00e9trangers \u00e0 cette conversion. Pour que je fasse quelques pas dans une voie o\u00f9 la consid\u00e9ration des mis\u00e8res voisines avait \u00e9t\u00e9 impuissante \u00e0 m'engager, n'a-t-il pas fallu que la n\u00e9cessit\u00e9 d'une refonte me soit montr\u00e9e en des pays qui, Chine comprise, m'apportaient une ample mesure d'enchantements de cet ordre ?\n\nDe plus en plus pr\u00e9cipit\u00e9e, la course, autour de moi, d'\u00e9v\u00e9nements dans lesquels j'interviens en tant qu'individu s'agitant parmi des milliers d'autres a pour effet de ralentir, si ce n'est de bloquer, la course que je m\u00e8ne ici. Non seulement je m'inqui\u00e8te et g\u00e2che mes loisirs \u00e0 \u00e9couter les nouvelles (au poste radio s'ajoutant le diabolique _transistor,_ toujours \u00e0 port\u00e9e de la main et qu'on peut, presque sans bouger, d\u00e9clencher aussi bien au r\u00e9veil qu'au moment du sommeil), non seulement j'ai transf\u00e9r\u00e9 comme un avare dans notre maison de campagne \u2013 pr\u00e9caution contre ces risques du jour, plastic et perquisition polici\u00e8re \u2013 les fiches et les cahiers qui sont respectivement les bases de mon travail et les r\u00e9ceptacles de ses r\u00e9sultats (de sorte que j'en suis coup\u00e9 mat\u00e9riellement et que seul l'entracte du week-end me permet un contact r\u00e9el avec ce livre, tiss\u00e9 de ma vie et devenu ma vie m\u00eame, point tellement parce qu'il en contient le r\u00e9cit et que j'use \u00e0 le fabriquer le meilleur de mon temps, mais parce qu'il est \u00e0 la fois ce dont je me souviens et le souvenir que je veux laisser, un substitut de ma force d\u00e9funte sans avoir jamais v\u00e9ritablement exist\u00e9 et le tombeau que je me b\u00e2tis), il est certain en outre qu'une menace comme la menace fasciste, avec la perspective d'enlisement massif dans la b\u00eatise et la cruaut\u00e9 qu'ouvre cette exacerbation mi-d\u00e9lirante mi-concert\u00e9e du sentiment de groupe en ce qu'il a de plus archa\u00efque, me fait douter plus que jamais de la validit\u00e9 d'un effort aussi parcellaire que le mien. Entre le moi que je suis et le moi que j'\u00e9cris, un double \u00e9cart se creuse donc : avec ces pages qui grippent et pi\u00e9tinent, folle avance que, sur l'\u00e9ternel retardataire qu'est le _je_ racont\u00e9, prend le _je_ raconteur, entra\u00een\u00e9 par le cours des choses aujourd'hui plus vite encore qu'hier ; d\u00e9saffection qui m'\u00e9loigne de cet autoportrait, d\u00e9pr\u00e9ci\u00e9 d'autant que son mod\u00e8le est r\u00e9duit \u00e0 l'insignifiance quand tout me dit que je ne suis qu'un f\u00e9tu bouscul\u00e9 par le grand vent de l'affaire alg\u00e9rienne, elle-m\u00eame simple d\u00e9tail dans le vaste mouvement qui \u00e9branle jusque dans ses fondements notre monde familier.\n\nPoss\u00e9derait-on \u2013 tel un asc\u00e8te tib\u00e9tain \u2013 l'art de se voir du dehors comme si l'on n'\u00e9tait pas soi, faire son portrait \u00e9crit resterait illusoire, si l'on entend par l\u00e0 peindre dans son int\u00e9riorit\u00e9 celui qui sur l'instant tient la plume et non un autre que, d\u00e9j\u00e0, l'on ne conna\u00eet que de m\u00e9moire quand il se profile sur le papier. Due \u00e0 ce qu'avant m\u00eame que la transcription soit achev\u00e9e la chose \u00e0 transcrire s'est modifi\u00e9e, cette impossibilit\u00e9 radicale n'a, en v\u00e9rit\u00e9, nulle cons\u00e9quence pratique dont il faille s\u00e9rieusement se garder : si l'on a chang\u00e9, ce n'est pas \u00e0 tel point que l'image ainsi trac\u00e9e nous ressemble aussi peu que le reflet renvoy\u00e9 par un miroir d\u00e9formant ; d'autre part, un portrait de ce genre n'a pas \u00e0 imiter l'instantan\u00e9 photographique, puisque c'est \u00e0 une sorte d'intemporalit\u00e9 que l'on vise plut\u00f4t qu'\u00e0 l'actualit\u00e9 quand on essaye (ce que je fais ici) de d\u00e9finir ses propres traits en s'attachant au circonstanciel pour en extraire ce qu'il enveloppe de constant. Pourtant, malgr\u00e9 ces attendus rassurants, l'in\u00e9vitable d\u00e9calage entre le moment o\u00f9 l'on d\u00e9crit et le moment qu'on d\u00e9crit peut devenir une dissonance criante pour celui qui, comme moi, ne sait aller qu'au ralenti lorsqu'il s'agit de faire le point en lui-m\u00eame, de rendre compte des \u00e9v\u00e9nements au regard desquels il se situe, voire d'\u00e9tablir n'importe quel \u00e9nonc\u00e9 o\u00f9 l'effusion lyrique serait hors de propos. Ce que j'\u00e9cris au pr\u00e9sent n'\u00e9tant que trop souvent du pass\u00e9 largement d\u00e9pass\u00e9, je me vois (non sans malaise) divis\u00e9 entre deux dur\u00e9es : temps de la vie et temps du livre, que je n'arrive presque jamais \u2013 serait-ce approximativement \u2013 \u00e0 faire co\u00efncider.\n\nOb\u00e9ir \u00e0 deux mouvements d'horlogerie allant chacun leur train, c'est un peu ce que je ressens. Position d'autant moins confortable qu'au d\u00e9saccord s'ajoute l'irr\u00e9gularit\u00e9 de ces mouvements : la vie qui tant\u00f4t tra\u00eene et tant\u00f4t galope malgr\u00e9 la mesure imperturbablement battue par le calendrier, le livre qui se bloque soudain alors qu'il paraissait assez lanc\u00e9 pour arriver vite \u00e0 son terme. Cela ne serait encore rien si le temps du livre ne se d\u00e9doublait lui-m\u00eame en deux dur\u00e9es : temps de l'auteur, tr\u00e8s long quand une page me co\u00fbte beaucoup d'heures (voire de journ\u00e9es) de travail, plus court lorsque, par chance, la r\u00e9daction n'est pas trop difficile ; temps du lecteur, pour qui l'\u00e9coulement des lignes est aussi uniforme que celui du sable dans le sablier, de sorte qu'il se trouve \u00e0 tout instant d\u00e9cal\u00e9 par rapport \u00e0 moi, qui voudrais \u00eatre saisi au pr\u00e9sent \u2013 un pr\u00e9sent vrai et non de convention \u2013 dans toutes les parties de ce livre qui ne traitent pas express\u00e9ment de choses anciennes. Sans doute, un exemple pr\u00e9cis me fera mieux comprendre et montrera \u00e0 quelle absurdit\u00e9 peuvent me conduire ces _flashes_ touchant au contexte d'existence pratique qu'il me semble en certains cas ne pas pouvoir laisser dans l'ombre.\n\nIl y a plusieurs semaines, j'\u00e9crivais que par mesure de pr\u00e9caution j'avais transport\u00e9 \u00e0 la campagne mes fiches en instance et mes cahiers de mise au net ; or il y a une quinzaine \u00e0 peu pr\u00e8s, la menace s'estompant, j'ai rapport\u00e9 \u00e0 Paris tous ces papiers dont l'absence, en m'\u00f4tant la possibilit\u00e9 de les manipuler quotidiennement, emp\u00eachait l'esp\u00e8ce d'hypnose gr\u00e2ce \u00e0 laquelle je puis faire corps avec ma t\u00e2che, faute de quoi je suis aussi d\u00e9sarm\u00e9 devant elle que devant une dissertation fran\u00e7aise que m'imposerait un p\u00e9dant. Au moment o\u00f9 j'ai parl\u00e9 du transfert (op\u00e9r\u00e9 d\u00e9j\u00e0 depuis un certain temps), j'\u00e9tais donc \u00e0 la veille de prendre la d\u00e9cision inverse et j'en suis g\u00ean\u00e9 comme si, en rapportant cela sous l'angle _derni\u00e8res nouvelles_ , j'avais \u00e9t\u00e9 de mauvaise foi, puisque je songeais \u00e0 revenir sur ma d\u00e9cision premi\u00e8re lors m\u00eame que je ruminais les phrases qui feraient \u00e9tat de cette d\u00e9cision. En outre, les quelques semaines en question, ici franchies en quelques lignes, occupent \u2013 mesur\u00e9es par l'\u0153il qui lit \u2013 un espace dont la minceur ne r\u00e9pond ni \u00e0 la cataracte des \u00e9v\u00e9nements (provoquant d'ahurissants t\u00e9lescopages d'espoir, de rage et de d\u00e9go\u00fbt) ni \u00e0 ce que furent mes tergiversations. Voil\u00e0, certes, un beau r\u00e9sultat : confusion et discordance venant fausser un passage qui, en principe, devrait augmenter la v\u00e9racit\u00e9 de mes paroles en indiquant quels en sont les entours.\n\nPour ne rien n\u00e9gliger je mentionnerai, bien que la chose soit \u00e9vidente, un autre tour que le temps peut me jouer, m\u00eame \u00e0 br\u00e8ve \u00e9ch\u00e9ance : tout va si vite aujourd'hui que plusieurs de mes allusions aux circonstances (allusions capricieuses et souvent indirectes, car ce n'est que par \u00e0-coups et presque \u00e0 la sauvette que je m\u00eale un \u00e9l\u00e9ment, somme toute, journalistique \u00e0 un \u00e9crit dont l'optique est tr\u00e8s diff\u00e9rente) seront peut-\u00eatre devenues \u00e9trangement sibyllines lors de l'achev\u00e9 d'imprimer ou ne renverront qu'\u00e0 des r\u00e9alit\u00e9s oblit\u00e9r\u00e9es par des r\u00e9alit\u00e9s qui s'av\u00e9reront historiquement plus marquantes mais auxquelles je ne me serai pas arr\u00eat\u00e9, soit qu'un autre th\u00e8me alors sur le chantier ne m'en ait pas laiss\u00e9 le loisir, soit que j'aie r\u00e9pugn\u00e9 \u00e0 voir les phrases de stricte information se multiplier dans mon texte. Des corrections faites dans les d\u00e9lais voulus rem\u00e9dieraient pour une part \u00e0 cet inconv\u00e9nient. Toutefois, \u00e0 cause non seulement de ces coupures, ajouts ou substitutions mais des raccords de pure composition que de tels changements imposeraient, le livre perdrait de son authenticit\u00e9 (ou pour mieux dire la perdrait toute, car en pareille mati\u00e8re il n'y a pas de moyen terme). Et ce rem\u00e8de pire que le mal serait d'autant moins justifi\u00e9 que mon propos n'est pas celui d'un m\u00e9morialiste puisque j'aimerais, plut\u00f4t que reconstituer ma vie en la suivant pas \u00e0 pas, la dominer en l'embrassant d'un regard unique (un regard situ\u00e9 dans le temps mais d\u00e9j\u00e0 hors du temps, comparable \u00e0 celui qu'on attribue \u00e0 l'homme en train de se noyer et qui revoit, en un clin d'\u0153il, l'entier d\u00e9roulement de son existence).\n\nOr ce regard en quoi tout devrait soudain se condenser et prendre la fixit\u00e9 d'un panorama, je le jette \u00e0 travers ces _Biffures,_ ces _Fourbis,_ ces _Fibrilles_ que j'\u00e9cris non pas simplement dans le temps (en cette \u00e9poque qui est la mienne et me fournit mon langage) mais, puis-je dire, avec le temps puisqu'il me faut de longs d\u00e9lais pour ajuster ces mat\u00e9riaux p\u00each\u00e9s aux quatre coins de ma vie et encha\u00eener des r\u00e9flexions dont chacune, loin de se proposer d'un bloc, est un mouvement d\u00e9composable en plusieurs phases. Attendre d'une m\u00e9thode discursive, prosa\u00efque, l'impression de pr\u00e9sence absolue et de saisie totale que seule peut donner la po\u00e9sie, dans son surgissement apparemment sans racines, c'est \u2013 bien s\u00fbr \u2013 esp\u00e9rer l'impossible... Mais si le mot \u00ab attendre \u00bb se rapporte ici \u00e0 une vaine expectative, le relisant maintes fois en t\u00eate de cette phrase qu'il amorce et sur la teneur n\u00e9gative de laquelle je butais (de sorte que j'y revenais sans cesse afin d'y d\u00e9couvrir le joint qui me permettrait de poursuivre), je l'ai reli\u00e9 finalement \u00e0 quelque chose de plus concret : l'attente continuelle o\u00f9 me met un proc\u00e9d\u00e9 si lent qu'il me fait presque toujours manquer mes rendez-vous avec moi-m\u00eame \u2013 implication derni\u00e8re d'un terme dont j'avais us\u00e9 presque fortuitement sans pr\u00e9voir qu'un jeu de double sens l'am\u00e8nerait \u00e0 d\u00e9noncer, par un biais analogue \u00e0 celui du lapsus, le vice de ma m\u00e9thode.\n\nCes fiches que je conserve dans une bo\u00eete en attendant de les utiliser et dont le contenu, quand j'y retourne, a perdu sa fra\u00eecheur. Les \u00e9l\u00e9ments de conclusion que j'ai d\u00e9j\u00e0 not\u00e9s, en avance donc sur le cheminement de cette s\u00e9rie d'\u00e9crits, mais que je laisse en attente comme un bureaucrate laisse en sommeil un dossier inexploitable tant qu'il n'est pas complet. Patience masquant peut-\u00eatre une paresse ou l'envie d'\u00e9luder l'heure de v\u00e9rit\u00e9, tactique \u00e0 la Fabius (ce _cunctator_ dont le _De Viris_ de ma premi\u00e8re ann\u00e9e de lyc\u00e9e m'avait cont\u00e9 l'histoire en m\u00eame temps qu'il m'apprenait ce que c'est que temporiser), l'attente du m\u00fbrissement des quelques phrases qui, venant en succession d'\u00e9clairs, devraient culminer comme l'\u00e9treinte au regard de quoi ce qui a pr\u00e9c\u00e9d\u00e9 repr\u00e9sentera tout au plus de savantes approches. A l'or\u00e9e m\u00eame de mon travail, une attente en prise directe sur le si\u00e8cle, puisque c'est au d\u00e9but de l'Occupation que je me suis mis \u00e0 l'ouvrage, pensant \u2013 tous projets en suspens \u2013 ne pouvoir employer mieux qu'\u00e0 un large tour d'horizon int\u00e9rieur le temps qui s'\u00e9coulerait jusqu'\u00e0 la sortie du tunnel, cela, sans voir que c'\u00e9tait m'engager dans un autre tunnel : ce livre qui viserait bient\u00f4t \u00e0 l'invention d'une r\u00e8gle de vie bas\u00e9e, compte tenu de mes faiblesses, sur mes d\u00e9sirs les plus r\u00e9els mais qui s'av\u00e8re trop compliqu\u00e9 pour aboutir en temps utile et dont peut-\u00eatre, accabl\u00e9 plus qu'aid\u00e9 par le constant passage au crible qu'il exige, j'aurai failli mourir avant que le sort se charge de m'\u00e9liminer. Las d'attendre d'en arriver \u00e0 mes fins, j'incrimine toute attente qui, d\u00e8s la source, a pu jouer dans la r\u00e9daction de ces pages. Parti pris certain, qui toutefois me permet de d\u00e9boucher sur ceci : poser des jalons, laisser venir, projeter une enqu\u00eate \u00e0 mener par paliers et pour laquelle on prend sagement des notes, c'est remettre \u00e0 plus tard l'atteinte de ce qui doit, si l'\u00e9criture est autre chose qu'un outil vulgaire, se r\u00e9aliser \u00e0 chaque instant et sans aucun sursis. Rien de commun entre l'\u00e9ch\u00e9ance que pr\u00e9parent ces approches et le midi ou minuit \u00e9ternel qu'\u00e9dicte souverainement la cr\u00e9ation po\u00e9tique. Et si j'agite ainsi dans mon cornet pierraille de mon pass\u00e9, caillots de pr\u00e9sent vivant et grains de ce futur en gestation, au lieu que s'y fomente le coup de d\u00e9s gr\u00e2ce \u00e0 quoi tours de cadran et horizons seraient enfin domin\u00e9s, je me d\u00e9bats dans un temps qu'on pourrait dire _d\u00e9traqu\u00e9_ s'il s'agissait de m\u00e9t\u00e9orologie.\n\nSaturation ? Doute croissant \u2013 \u00e0 l'approche du dernier tournant \u2013 sur ma capacit\u00e9 et m\u00eame l'int\u00e9r\u00eat de conclure, puisque la r\u00e8gle que je voudrais formuler en quelques phrases de la m\u00eame eau que les oracles serait, en v\u00e9rit\u00e9, un lourd syst\u00e8me impossible \u00e0 b\u00e2tir sans raisonnements sp\u00e9cieux ? Peur de m'\u00eatre fourvoy\u00e9 quand ce qui avait d'abord \u00e9t\u00e9 un floril\u00e8ge de faits singuliers, et leur restitution plus encore que leur \u00e9tude, devint l'inventaire r\u00e9fl\u00e9chi de ce qui m'importe le plus et l'essai d'en d\u00e9duire la loi en quoi se r\u00e9sumeraient pour moi savoir-vivre et art po\u00e9tique ? Conscience \u2013 et mauvaise conscience \u2013 d'avoir appliqu\u00e9 sans rigueur ce programme plus s\u00e9v\u00e8re et confondu trop volontiers ce que j'aimais \u00e0 raconter avec ce dont une le\u00e7on devait \u00eatre tir\u00e9e ? Trouble, rien qu'\u00e0 songer \u00e0 ce changement de cap qui prouve (f\u00fbt-il rest\u00e9 de pur principe) combien tout ce travail offre de prise au temps puisque son but, se modifiant en cours de route au lieu de conserver une sorte d'id\u00e9ale intemporalit\u00e9, s'est av\u00e9r\u00e9 lui-m\u00eame le jouet de la succession des ann\u00e9es ? Toutes ces raisons que je puis avoir de marquer le pas, et dont aucune n'exclut l'autre, sont broch\u00e9es sur un fond de d\u00e9fiance mais aussi de d\u00e9convenue et je retrouve en chacune les stigmates de cet assujettissement au temps auquel, en \u00e9crivant, je voulais \u00e9chapper. Soit qu'un effort trop languissant me m\u00e8ne \u00e0 l'\u00e9c\u0153urement, soit qu'avide d'une v\u00e9rit\u00e9 aux fulgurations instantan\u00e9es je r\u00e9cuse d'avance une doctrine patiemment architectur\u00e9e, soit que, le pli pris, je reste attach\u00e9 \u00e0 des fa\u00e7ons de proc\u00e9der que je sais p\u00e9rim\u00e9es, soit que me d\u00e9\u00e7oive un projet dont je constate qu'il a subi des fluctuations avec le temps, c'est celui-ci qui appara\u00eet toujours comme le tyran ou le f\u00e2cheux aux agissements de qui, sans parvenir \u00e0 mieux qu'\u00e0 ressentir un peu plus leur pes\u00e9e, je m'ing\u00e9nie \u00e0 me soustraire !\n\nUne aventure qui, pendant la \u00ab dr\u00f4le de guerre \u00bb, avait eu le Sud-Oranais pour th\u00e9\u00e2tre m'a fourni l'occasion d'un portrait : l'Alg\u00e9roise Khadidja dont j'admirais \u2013 beaut\u00e9 morale, presque autant que physique \u2013 les longues foul\u00e9es de meneuse de ch\u00e8vres, trace (aimais-je croire) d'une ascendance nomade d'o\u00f9 cette recluse bassement professionnelle aurait tir\u00e9 une part de sa noblesse. C'est \u00e0 la veille de mon d\u00e9part pour la Chine que parut le r\u00e9cit de notre rencontre ; les seize ann\u00e9es \u00e9coul\u00e9es avaient sans doute assez marqu\u00e9 ma compagne du _bousbir_ de B\u00e9ni-Ounif pour alt\u00e9rer sensiblement sa ressemblance avec le portrait, d\u00e9j\u00e0 r\u00e9trospectif, que contenaient mes cahiers. Pour la retrouver telle que je l'ai connue, dans la splendeur et la mis\u00e8re des vingt-trois ans que lui attribuait sa carte de prostitu\u00e9e, ce n'est d'ailleurs pas \u00e0 cette image amoureusement dessin\u00e9e que je dois me reporter, mais au simple mot \u00ab Sarrasins \u00bb, qui me rappelle \u2013 \u00e0 cause de la c\u00e9r\u00e9ale et \u00e0 cause de la rime \u2013 l'un des r\u00e9gals de mon enfance, ces petits pains au raisin de forme ronde et dont la mie de m\u00eame couleur que celle du pain de seigle \u00e9tait mouchet\u00e9e de grains noirs, le r\u00e9gal aussi que m'offrait en se d\u00e9nudant la Clorinde sans casque ni cuirasse qu'\u00e9tait mon amie \u00e0 la d\u00e9marche d'une hardiesse toute sarrasine, avec sa chair de couleur bise, plus fonc\u00e9e l\u00e0 o\u00f9 pointaient les deux raisins de ses seins, et dont elle d\u00e9daignait de masquer l'ar\u00f4me l\u00e9g\u00e8rement aigre ou piment\u00e9 en l'impr\u00e9gnant des vulgaires parfums de bazar qui seuls eussent \u00e9t\u00e9 \u00e0 sa port\u00e9e.\n\nMaintenant qu'\u00e0 la \u00ab dr\u00f4le de guerre \u00bb bient\u00f4t mu\u00e9e en vraie guerre ont succ\u00e9d\u00e9 des conflits \u2013 Vi\u00eat-nam et Afrique du Nord \u2013 dans lesquels c'\u00e9tait le tour des Fran\u00e7ais d'\u00eatre les oppresseurs acharn\u00e9s \u00e0 briser une r\u00e9sistance populaire, l'aventure que j'ai cont\u00e9e m'appara\u00eet sous un jour moins innocent, car il me semble avoir fait preuve de l'une des formes de l'esprit colonial les plus difficiles \u00e0 d\u00e9raciner (parce qu'elle est prise pour un simple signe de fine r\u00e9ceptivit\u00e9) en ne voyant de l'Alg\u00e9rie que les aspects propres \u00e0 me s\u00e9duire, en une divine m\u00e9connaissance des probl\u00e8mes qui d\u00e9j\u00e0 la travaillaient. N\u00e9gligeant tout le reste, n'ai-je pas \u00e9t\u00e9 seulement sensible au pittoresque pur cristallis\u00e9 dans cette idylle terriblement _Butterfly_ si ce n'est _Petite Tonkinoise,_ digne \u2013 \u00e0 ne consid\u00e9rer que les faits bruts \u2013 du marin ou du soldat qui de retour au pays rendra justice, la larme \u00e0 l'\u0153il, \u00e0 la femme d'outre-mer (mousm\u00e9, conga\u00efe, mousso, vahin\u00e9 ou fatma) dont il a fait son joujou ou son fauve familier, sans jamais lui accorder un amour \u00e0 part enti\u00e8re, voire, ce qui fut mon cas, en ne lui conc\u00e9dant que de chiches profits mat\u00e9riels ? L\u00e0 aussi, dans la joute que je m\u00e8ne contre lui, c'est le temps qui a le dernier mot. Peut-\u00eatre le portrait que j'ai \u00e9crit a-t-il fix\u00e9 pour moi \u2013 de mani\u00e8re ind\u00e9l\u00e9bile \u2013 Khadidja telle qu'elle \u00e9tait \u00e0 vingt-trois ans et s'est-il incrust\u00e9 au point de me faire oublier qu'en cette ann\u00e9e 1962, qui a vu les combats d'Alg\u00e9rie s'achever, son mod\u00e8le a le double de l'\u00e2ge dont je me souviens et est sans doute une vieille femme (car les femmes de son pays et de sa condition ont vite fait de se faner). Mais le temps n'en garde pas moins sous sa coupe le personnage livresque dont les vingt-trois ans devraient \u00e9chapper \u00e0 tout changement : avoir d\u00e9peint Khadidja comme pour l'\u00e9ternit\u00e9 ne l'a pas prot\u00e9g\u00e9e \u2013 m\u00eame en tant qu'h\u00e9ro\u00efne de conte de f\u00e9es \u2013 contre l'action aux mille ressources des ann\u00e9es, puisque la perspective que les r\u00e9cents \u00e9v\u00e9nements m'ont impos\u00e9e doue ce conte na\u00efvement v\u00e9cu d'une signification qui rabaisse singuli\u00e8rement celle que je lui donnais en d\u00e9crivant mon merveilleux commerce avec cette fille \u00e0 la fois si servile et si fi\u00e8re que je ne pourrai plus, d\u00e9sormais, regarder exactement des m\u00eames yeux.\n\nSouvent, certes, j'ai imagin\u00e9 Khadidja tenant un r\u00f4le conforme \u00e0 l'id\u00e9e que je me faisais \u2013 par la presse, la radio ou simplement les on-dit \u2013 de telle des phases de cette guerre alg\u00e9rienne d'o\u00f9 la France est sortie crott\u00e9e jusqu'aux hanches et bonnet phrygien vilainement chiffonn\u00e9 : prostitu\u00e9e refusant patriotiquement ses faveurs aux Europ\u00e9ens ou, \u00e0 l'inverse, se d\u00e9voilant au cours de la com\u00e9die de fraternisation qui suivit le trop fameux 13 mai ; militante voil\u00e9e porteuse d'un drapeau du F.L.N. (o\u00f9 je retrouve, avec le sang de ses oreilles un soir bless\u00e9es, la robe blanche et le turban vert qu'elle avait rev\u00eatus comme une parure c\u00e9r\u00e9monielle le matin de nos adieux), ou bien femme d\u00e9j\u00e0 m\u00fbre debout sur une terrasse encore chaude du soleil de la journ\u00e9e et encourageant de ses youyous les manifestants de la Casbah. Ce ne furent l\u00e0, toutefois, que des pens\u00e9es fugaces et m\u00eame si \u2013 marque probable d'un respect qui n'a pas diminu\u00e9 \u2013 j'ai appos\u00e9 le voile traditionnel sur son visage que j'ai toujours connu d\u00e9couvert, c'est la Khadidja de jadis, presque intacte, qui s'est int\u00e9gr\u00e9e \u00e0 ces tableaux et non ce que j'aurais pu deviner de la Khadidja qu'en ces derni\u00e8res ann\u00e9es elle a d\u00fb devenir, \u00e0 moins qu'une mort pr\u00e9matur\u00e9e ne l'ait d\u00e9finitivement rejet\u00e9e dans le monde immuable des images.\n\nAvant de l'ins\u00e9rer ainsi, comme j'aurais pu le faire en r\u00eave, dans des sc\u00e8nes dont la trame \u00e9tait fournie par l'Alg\u00e9rie en r\u00e9bellion, je m'\u00e9tais demand\u00e9 ce qu'il aurait pu advenir de Khadidja dans une autre r\u00e9volution dont le sort me tient particuli\u00e8rement \u00e0 c\u0153ur : celle de la Chine d'aujourd'hui, qui a fait de l'\u00e9mancipation des femmes l'un de ses objectifs premiers. Aux confins de la Mongolie, dans un long paysage de plaine onduleuse tout au fond comme une file de cam\u00e9lid\u00e9s (l'un de ces paysages dont le chant _L'Est est rouge_ suffit \u00e0 me d\u00e9couvrir en pens\u00e9e l'\u00e9tendue), se serait-elle employ\u00e9e \u00e0 une activit\u00e9 pastorale selon la vocation que semblait indiquer son physique de meneuse de ch\u00e8vres ? Portant en guise de voile le petit masque blanc qui prot\u00e8ge la bouche et le nez contre la poussi\u00e8re, aurait-elle travaill\u00e9 dans une filature telle qu'\u00e0 P\u00e9kin j'en ai visit\u00e9 une dont le personnel \u00e9tait presque enti\u00e8rement f\u00e9minin ? Ou bien, fid\u00e8le \u00e0 elle-m\u00eame et r\u00e9fractaire au reclassement qu'ont subi ses pareilles, aurait-elle \u00e9migr\u00e9 \u00e0 Hong-kong pour avoir libert\u00e9 de continuer d'exercer sa profession de toujours, dans la ti\u00e9deur opiac\u00e9e et le cosmopolitisme de ce port qui repr\u00e9sente pour moi un immense Kumasi asiatique ? A ces suppositions model\u00e9es et remodel\u00e9es au gr\u00e9 du seul caprice, j'avais pourtant une double raison de me livrer : mon int\u00e9r\u00eat pour les r\u00e9formes accomplies en Chine et le d\u00e9sir secret d'y associer une figure \u00e0 laquelle je demeure profond\u00e9ment attach\u00e9, afin de relier \u00e0 mon univers passionnel ce que malgr\u00e9 tout elles gardent pour moi d'abstrait ; le besoin de diluer dans ces r\u00e9flexions apparemment s\u00e9rieuses la honte que j'\u00e9prouvai vis-\u00e0-vis de Khadidja et de son peuple, vis-\u00e0-vis aussi des Chinois et Chinoises que j'ai connus au cours de mon voyage (cette fois sans mythe d'amour ou d'aventure) et qui restent des \u00ab camarades \u00bb dont l'opinion qu'ils pourraient avoir de moi influe sur ma conduite, \u2013 cette honte tardive qui me prit quand la s\u00e9v\u00e9rit\u00e9 de la lutte o\u00f9 l'Alg\u00e9rie \u00e9tait engag\u00e9e m'eut amen\u00e9 \u00e0 penser que, tout imbu de dilettantisme bourgeois, j'avais vu sous l'angle \u00e9troit d'une intrigue d'op\u00e9ra-comique un pays dont la plupart des habitants \u00e9taient, chacun \u00e0 leur mani\u00e8re, des humili\u00e9s et offens\u00e9s.\n\nL'image que j'ai voulu pr\u00e9server en l'enfermant dans un livre s'y est, en somme, fig\u00e9e sans \u00e9chapper \u00e0 la coul\u00e9e toujours active du temps. Sa projection sur le papier l'e\u00fbt-elle rendue intangible, cette intangibilit\u00e9 serait celle d'une sorte de Judith ou de Rachel, froide figure circulant \u00e0 travers des combinaisons successives o\u00f9, bien qu'identique \u00e0 elle-m\u00eame, elle rev\u00eat chaque fois un sens nouveau comme dans le _grand jeu_ d'une cartomancienne qui groupe, en mosa\u00efques aux dessins impr\u00e9visibles et mouvants, les rectangles de carton dont j'apprends \u2013 v\u00e9rifiant dans un dictionnaire si les deux reines aux noms bibliques sont bien de la couleur rouge, seule assignable \u00e0 Khadidja \u2013 qu'un vieux texte italien en situe l'origine au \u00ab pays des Sarrasins \u00bb, rencontre qui vient consolider mon parall\u00e8le entre une reine de c\u0153ur ou de carreau et l'image de l'amie dont j'ai dit que, pour recouvrer un peu de sa pr\u00e9sence malgr\u00e9 le mur interpos\u00e9 par le temps, \u00ab Sarrasins \u00bb est un S\u00e9same plus efficace que toutes mes phrases patiemment \u00e9labor\u00e9es.\n\nCe qui passe aujourd'hui de cette Sarrasine \u00e0 travers des hypoth\u00e8ses issues de mon humeur aussi bien que des conjonctures et qui, tout en persistant dans son \u00eatre, ne saurait cesser de bouger tant que moi-m\u00eame je bougerai encore s'av\u00e8re, en d\u00e9finitive, aussi conventionnel qu'une lame de tarot ou qu'une carte \u00e0 jouer et certainement aussi mince. Pour que cette image ait une consistance dont ne suffit pas \u00e0 la doter sa formulation \u00e9crite, ne faudrait-il pas, en premier lieu, que l'int\u00e9ress\u00e9e puisse s'y reconna\u00eetre comme dans un miroir o\u00f9 elle se d\u00e9couvrirait _telle qu'en elle-m\u00eame enfin_ ? Or, en admettant que Khadidja soit \u00e0 m\u00eame de me lire, l'histoire que j'ai racont\u00e9e et la fa\u00e7on dont elle y est montr\u00e9e lui resteraient imp\u00e9n\u00e9trables ou, s'il en \u00e9tait autrement, la feraient sans doute rire autant de voir attacher une telle importance \u00e0 de simples relations de fournisseuse \u00e0 client que de se trouver promue du rang m\u00e9pris\u00e9 de putain \u00e0 celui de magicienne, de d\u00e9mon de midi ou d'ange de la mort. Ainsi non partag\u00e9e et rien que subjective, cette image \u2013 idole dont la fixit\u00e9 n'emp\u00eachera pas sa signification de se perdre \u2013 rel\u00e8ve de l'onirisme au m\u00eame titre que les r\u00eaveries auxquelles je m'abandonne \u00e0 son propos. Mais songerait-on \u00e0 qualifier un portrait peint de chim\u00e9rique, parce que l'original ne le juge pas ressemblant, ou parce que le spectateur futur en aura une autre vue que le contemporain ? Le n\u00e9gativisme auquel j'aboutis peut tenir \u00e0 la seule absurdit\u00e9 de cette exigence : demander \u00e0 la litt\u00e9rature ce qu'elle n'est pas en mesure d'apporter, une v\u00e9rit\u00e9 ind\u00e9pendante des \u00e9poques et des milieux.\n\nMe r\u00e9signer. Admettre que l'\u00e9criture, soumise au temps, ne saurait \u00eatre un moyen de le domestiquer, ni avant ni apr\u00e8s le terme de notre vie. Pratiquer la litt\u00e9rature comme telle, en pleine conscience de ses limites, ou bien me retirer du jeu, en imitant cet abb\u00e9 de Bucquoy dont Nerval conte (dans le r\u00e9cit tr\u00e8s romanc\u00e9 que _Les Illumin\u00e9s_ donnent de ses aventures) comment il se serait d\u00e9froqu\u00e9 pour avoir constat\u00e9 que la discipline asc\u00e9tique ne l'avait pas rendu capable de faire des miracles. C'est \u00e0 l'une de ces deux solutions \u2013 finir ce livre en artisan qui ex\u00e9cute sa t\u00e2che tout b\u00eatement ou baisser le rideau \u2013 que je devrais en arriver, s'il m'\u00e9tait possible toutefois de quitter une partie que logiquement je sais perdue mais pour l'issue de laquelle, tel le joueur que rien sinon la ruine n'emp\u00eachera de tenter encore sa chance, j'esp\u00e8re que surviendra providentiellement le coup gagnant ; si je ne pensais pas aussi qu'en mati\u00e8re d'art (l\u00e0 o\u00f9 ne pr\u00e9vaut plus la raison math\u00e9matique) une exp\u00e9rience commenc\u00e9e vaut toujours d'\u00eatre poursuivie, devrait-on basculer finalement dans ce qui, selon cette m\u00eame raison, ne peut \u00eatre tenu que pour un non-sens ; si je ne soup\u00e7onnais pas, enfin, que je soul\u00e8ve ces difficult\u00e9s un peu comme un n\u00e9gociateur qui remet tout en question \u00e0 la veille m\u00eame de signer les accords ou comme une femme que sa pudeur ou sa coquetterie pousse \u00e0 trouver un motif imp\u00e9rieux de se refuser alors qu'elle est d\u00e9j\u00e0 d\u00e9cid\u00e9e \u00e0 succomber. D'ailleurs, est-il juste d'assimiler \u00e0 un travail d'artisan toute litt\u00e9rature pratiqu\u00e9e sans illusions ? _L'art pour l'art_ revient certes \u00e0 quelque chose de ce genre mais on peut, bien qu'\u00e9crivant sans se leurrer, d\u00e9passer la confection pure. Lorsqu'au moyen de cet \u00e9crit j'essayais de d\u00e9gager mes lois et mes id\u00e9es-forces, ce n'est pas un objectif surhumain que je poursuivais, mais seulement d'atteinte difficile. Et si j'ai tr\u00e9buch\u00e9, c'est quand \u2013 le livre s'\u00e9tirant au point que les parties d\u00e9j\u00e0 r\u00e9dig\u00e9es se fondaient derri\u00e8re moi en une masse confuse et que le but s'estompait \u2013 il m'a paru que je devais faire entrer express\u00e9ment le pr\u00e9sent dans cette divagation trop longue pour que des jalons temporels n'aient pas \u00e0 y \u00eatre pos\u00e9s, avant l'effort terminal consistant \u00e0 essayer de condenser en un bloc saisissable d'un coup l'essentiel de ce que je veux dire par-del\u00e0 toutes les sortes de changements et d'\u00e9v\u00e9nements survenus au gr\u00e9 des ann\u00e9es. C'est, en fin de compte, \u00e0 cause d'une lenteur telle que ma pens\u00e9e me semblait s'\u00e9mietter au lieu de se fortifier que l'id\u00e9e du temps m'a occup\u00e9 jusqu'\u00e0 l'obsession, tandis que s'affermissait ma folle exigence \u00e0 l'\u00e9gard de l'\u00e9criture, somm\u00e9e de le mettre en \u00e9chec. Je sais fort bien, au demeurant, qu'un certain go\u00fbt du baroque m'incite \u00e0 accumuler (comme si elles participaient directement de ma recherche) les fioritures et les digressions au lieu de marcher droit au but, mani\u00e8re de faire qui contrarie mon d\u00e9sir d'aboutir rapidement. Mais je sais tout aussi bien que je ne pourrais y renoncer sans m'\u00e9carter de mon propos, puisque ce go\u00fbt repr\u00e9sente (que je le veuille ou non) l'une de mes tendances en mati\u00e8re d'esth\u00e9tique et que ma qu\u00eate d'une v\u00e9rit\u00e9 trop sensible pour ne pas \u00eatre inextricablement m\u00eal\u00e9e \u00e0 la beaut\u00e9 doit passer par ce qui, dans la vie, m'\u00e9meut ou me s\u00e9duit et par ce que, sur le plan litt\u00e9raire, une attirance invincible me conduit \u00e0 introduire dans le jeu.\n\nA ce go\u00fbt dont participe ma pr\u00e9dilection si souvent exprim\u00e9e pour les op\u00e9ras de Verdi (baroques en ce sens qu'une ardeur volcanique s'y associe miraculeusement \u00e0 une architecture tant soit peu acad\u00e9mique) doivent r\u00e9pondre, au moins partiellement, non seulement ma fa\u00e7on d'\u00e9crire mais plus d'une de mes fa\u00e7ons de faire et jusqu'\u00e0 ce qui me semble m'appartenir en propre dans les \u00e9v\u00e9nements qu'\u00e9bloui et effray\u00e9 (comme je l'\u00e9tais en r\u00eave, face \u00e0 une falaise sculpt\u00e9e de multiples figures terriblement hautes et belles) j'ai pu tenir pour des sommets de mon existence. Go\u00fbt, certes, ondoyant (comme le veut son objet m\u00eame) car si, chez Verdi pr\u00e9cis\u00e9ment, j'aime la riche musculature et la diversit\u00e9 nettement articul\u00e9e du commentaire apport\u00e9 aux p\u00e9rip\u00e9ties du drame, j'aime aussi \u2013 et peut-\u00eatre surtout \u2013 les radieuses d\u00e9chirures dont cette luxuriance, \u00e0 laquelle font \u00e9cho ors et moulures de la salle, voire imagerie des d\u00e9cors en trompe-l'\u0153il, s'ajoure quand l'imp\u00e9tuosit\u00e9 de la musique (apparemment jet\u00e9e dans une course haletante pour atteindre un pr\u00e9sent que d\u00e9robe aussit\u00f4t la fluidit\u00e9 du temps) se r\u00e9sout en l'une de ces phrases tr\u00e8s simplement lyriques qui sont de grands et purs \u00e9panchements surgissant comme, d'une ornementation dont le foisonnement bouscule la dure g\u00e9om\u00e9trie d'un \u00e9difice, telle statue qui semble reproduire les sinuosit\u00e9s m\u00eames de la vie plut\u00f4t que celles d'un corps vivant et par quoi l'\u0153il sera d'autant plus captiv\u00e9 que cet assemblage de lignes aux cheminements en apparence incontr\u00f4l\u00e9s a l'air d'\u00eatre la r\u00e9sultante presque paisible du tumulte o\u00f9 le reste est plong\u00e9. Go\u00fbt, donc, qu'il serait vain de vouloir enfermer dans une d\u00e9finition rigide, mais dont je suis intimement persuad\u00e9 qu'il a sa coh\u00e9rence et qu'il est le ressort commun \u00e0 nombre de mes comportements, disparates \u00e0 premi\u00e8re vue : mener ce livre comme si une part plus ou moins grande de surcharge \u2013 un luxe, pourrais-je dire \u2013 m'\u00e9tait, quelque irritation que j'en ressente, indispensable pour \u00e9chapper \u00e0 une s\u00e9cheresse qui me r\u00e9pugnerait plus encore que les retards ainsi caus\u00e9s ; au lieu de conduire selon les voies classiques celles de mes publications qui rel\u00e8vent de la science pure, proc\u00e9der par \u00ab explosions successives de pens\u00e9e \u00bb comme l'observait, voil\u00e0 pr\u00e8s de trente ans, un sp\u00e9cialiste de l'Islam commis \u00e0 juger mon premier m\u00e9moire d'africaniste, dont l'agencement \u00e9tait baroque au plus haut point, la mise en place de d\u00e9tails expos\u00e9s avec prolixit\u00e9 s'y substituant \u00e0 toute esp\u00e8ce de plan r\u00e9el ; m'attacher exag\u00e9r\u00e9ment aux formes de ce qui, dans la vie, est susceptible de nous exalter, et agir, en amour par exemple, \u00e0 la mani\u00e8re modernis\u00e9e d'un pr\u00e9cieux pour qui la passion \u2013 affaire essentiellement romanesque \u2013 se moule sur la rocaille de la Carte du Tendre plut\u00f4t qu'elle n'ob\u00e9it aux mouvements directement issus du c\u0153ur et des sens ; loin de consid\u00e9rer globalement une action \u00e0 quoi je suis m\u00eal\u00e9, en retenir un \u00e9l\u00e9ment isol\u00e9, une sc\u00e8ne path\u00e9tique ou simplement pittoresque et accorder, en somme, moins d'importance au d\u00e9veloppement d'ensemble qu'\u00e0 ce motif spectaculaire ; \u00e9lire, pour y retrouver mon enfance et tenter de voir clair dans mes \u00e9mois de toujours, une figure non seulement li\u00e9e \u00e0 ce qu'avaient de biscornu les int\u00e9rieurs des environs de 1900 mais baroque en elle-m\u00eame, comme l'\u00e9tait ma tante Claire, cariatide toute en courbes et dont le visage rayonnant savait si bien (quand il fallait) se convulser en mascarons tragiques ; au cours de mon voyage en Chine, m'enticher de l'adventice et traiter comme si elles repr\u00e9sentaient l'essentiel fleurs dans les gares ou autour des agents de police, modulations ensorcelantes des voix tant \u00e0 la ville qu'\u00e0 la sc\u00e8ne, combinaisons architecturales ing\u00e9nieuses, inventions telles que le cuveau de bronze vibratile et le miroir convexe o\u00f9 se refl\u00e8te la montagne (jeux piquants comme ceux qui font, dans certaines de nos \u00e9glises d'il y a deux ou trois si\u00e8cles, que la jambe d'un ange passe par-dessus la corniche ou qu'une partie ex\u00e9cut\u00e9e en ronde bosse compl\u00e8te un personnage dont le reste est en \u00e0-plat), toutes choses qui ne sont que des broutilles rococo dont il n'est pas surprenant qu'elles n'aient pu me fournir de quoi donner un t\u00e9moignage consistant sur le pays que j'avais parcouru en visiteur \u00e9merveill\u00e9 ; en maints cas, enfin, \u00eatre sensible \u00e0 quelque chose par le d\u00e9tour d'une ironie (pr\u00e9f\u00e9rer, par exemple, \u00e0 toute autre r\u00e9sidence un local anachronique par lui-m\u00eame ou par certains au moins des caract\u00e8res de son mobilier, appr\u00e9cier telle chanson ou musique dont l'exc\u00e8s de sentimentalit\u00e9 m'amuse ou dont \u00e0 l'inverse l'allure gaie et simplette m'arracherait presque des larmes, priser plus que d'autres hauts lieux de la gastronomie des endroits bien cuisine bourgeoise et Troisi\u00e8me R\u00e9publique, aimer que dans une \u0153uvre un parti surprenant soit tir\u00e9 d'\u00e9l\u00e9ments tr\u00e8s anodins ou qu'au contraire il s'y manifeste un soudain m\u00e9pris de toute mod\u00e9ration, ce qui fait que le grand air de _Rigoletto,_ o\u00f9 avec les invectives et les supplications du bouffon bafou\u00e9 v\u00e9h\u00e9mence et douceur s'en donnent \u00e0 c\u0153ur joie, sera par excellence l'air que je voudrais savoir chanter, mais que, chez Mallarm\u00e9, j'admirerai qu'une m\u00e9taphysique jaillisse d'un bibelot ou de quelques bouff\u00e9es de tabac et, chez Proust, qu'il fasse voir aussi bien que Freud quoique sous un autre angle quel monde de r\u00e9v\u00e9lations peuvent contenir des riens).\n\nA des titres fort diff\u00e9rents, tout cela n'indique-t-il pas \u00e0 tout le moins mon antipathie pour la r\u00e9gularit\u00e9 de la ligne droite, sentiment peut-\u00eatre du m\u00eame ordre que celui de cette femme, au demeurant intelligente et fine, qui travailla longtemps dans notre maison de Saint-Hilaire et qui (estimant sans doute que parall\u00e8le ou perpendiculaire et plaisante ordonnance ne sont pas compatibles) repla\u00e7ait syst\u00e9matiquement en position oblique les objets qu'elle avait d\u00e9plac\u00e9s pour essuyer le dessus d'un meuble ? En de multiples domaines, je r\u00e9agis quant \u00e0 moi comme si, rebut\u00e9 par le _plus court chemin d'un point \u00e0 un autre_ , j'accordais la cote d'amour au chemin des \u00e9coliers, plus personnel, avec ses arabesques, zigzags, \u00e9carts et son rythme rompu par de soudains arr\u00eats ou virevoltes de chien que traverse quelque id\u00e9e imp\u00e9n\u00e9trable ou sollicite on ne sait quoi qu'il a senti ou vu. Mais choisir une voie autre que la plus directe ou mettre expr\u00e8s de travers ce qu'il serait normal de mettre droit, n'est-ce pas le propre de l'art, qui n'aurait vraiment commenc\u00e9 que quand on s'est permis d'ajouter un surplus ou de donner quelques entorses aux formes exig\u00e9es par les n\u00e9cessit\u00e9s d'une technique ou d'un rituel (sophistication qu'\u00e0 un stade plus avanc\u00e9 le baroque illustre de mani\u00e8re exemplaire puisqu'il montre \u00e0 la fois la r\u00e8gle et ce qui la viole, la ligne droite et les lignes courbes ou bris\u00e9es qui tendent \u00e0 s'y substituer) ? S'il en va de la sorte et si l'art \u2013 comme aussi l'\u00e9rotisme \u2013 r\u00e9pond \u00e0 ce besoin d'inutilement compliquer par quoi l'homme tranche sur les autres animaux, je me renie lorsque, par d\u00e9sir de me justifier, je ravale au rang de moyen raisonnable d'enqu\u00eate ce que je devrais prendre, au contraire, dans toute sa vivante gratuit\u00e9.\n\nC\u00f4t\u00e9 de chez Mao Ts\u00e9-toung, soit (selon mes conventions) celui de la morale et de la science. C\u00f4t\u00e9 de Kumasi, o\u00f9 m'attirent sentiment et pr\u00e9f\u00e9rences gratuites. Ces deux domaines que je voudrais aussi peu s\u00e9par\u00e9s qu'au th\u00e9\u00e2tre le _c\u00f4t\u00e9 cour_ et le _c\u00f4t\u00e9 jardin_ , l'une de mes b\u00e9vues est d'avoir cru parfois les conjuguer dans ce que j'\u00e9crivais tandis que je les m\u00ealais mal \u00e0 propos, soumettant une mati\u00e8re toute de sensibilit\u00e9 \u00e0 un triste r\u00e9gime de raison raisonnante ou abordant par le biais de la r\u00e9action affective, quand ce n'\u00e9tait celui du pittoresque, les probl\u00e8mes \u00e9pineux que ne cesse de poser le cours des choses politiques. Je pourrais certes prendre le parti contraire : renoncer \u00e0 ces amalgames et suivre mon caprice, essayer de sauver les meubles du c\u00f4t\u00e9 de la po\u00e9sie et l\u00e2cher l'autre c\u00f4t\u00e9, de loin le plus ingrat. Mais cela ne r\u00e9soudrait rien, car \u00e9carter des th\u00e8mes qui me pr\u00e9occupent \u00e0 seule fin de n'\u00eatre plus brid\u00e9 me ferait honte, et cette honte me barrerait ensuite plus que n'importe quoi. Ce n'est pas la premi\u00e8re fois que je me trouve dans ce genre d'embarras, mais j'ai toujours repris ma route, apr\u00e8s un suspens plus ou moins long. Or il me semble que si la m\u00eame question, sous des aspects divers, vient p\u00e9riodiquement m'arr\u00eater, c'est que je n'ai jamais su la poser avec assez de franchise et de nettet\u00e9 pour pouvoir, \u00e0 tout le moins, la rejeter comme une question dont on sait qu'elle restera sans r\u00e9ponse.\n\nDepuis longtemps \u2013 il faut le dire sans faux-fuyants \u2013 je n'esp\u00e8re plus atteindre ce qui, d\u00e9gag\u00e9 \u00e0 t\u00e2tons, s'\u00e9tait peu \u00e0 peu affirm\u00e9 comme fin derni\u00e8re et raison d'\u00eatre de l'\u00e9crit dont, au d\u00e9but, je ne soup\u00e7onnais pas qu'il deviendrait, pour le moins, trilogie : unir les deux c\u00f4t\u00e9s entre lesquels je me sens partag\u00e9, formuler une r\u00e8gle d'or qui serait en m\u00eame temps art po\u00e9tique et savoir-vivre, d\u00e9couvrir un moyen de faire co\u00efncider le _l\u00e0-bas_ et l' _ici m\u00eame,_ d'\u00eatre dans le mythe sans tourner le dos au r\u00e9el, de susciter des instants dont chacun serait \u00e9ternit\u00e9. Vouloir cela, c'\u00e9tait ob\u00e9ir \u00e0 une impulsion naturelle : ce d\u00e9sir de vie pl\u00e9ni\u00e8re qui fait que la plupart des hommes ont un dieu, sous une forme ou sous une autre (f\u00fbt-ce celle du leader autour duquel se cr\u00e9e un \u00ab culte de la personnalit\u00e9 \u00bb). Mais moi, je ne puis m'en remettre \u00e0 rien de tel, sachant qu'un dieu suppl\u00e9e trop bien \u00e0 ce qui nous manque pour n'avoir pas \u00e9t\u00e9 invent\u00e9 tout expr\u00e8s. Aussi, ma revendication passait-elle les bornes permises : quand on n'admet aucun _deus ex machina_ de cette esp\u00e8ce, le mirobolant mariage de la carpe et du lapin auquel revenait mon propos est doublement insoutenable. Toutefois, cette na\u00efvet\u00e9 n'est pas ma seule erreur.\n\nCherchant ce qui serait _ma_ v\u00e9rit\u00e9, c'est de mon propre examen que je partais et j'\u00e9tais menac\u00e9 par un danger dont je me suis, du reste, mal gard\u00e9 : me laisser prendre au portrait que je devais faire et ne plus m'attacher qu'\u00e0 lui. D'autre part, la v\u00e9rit\u00e9 d'un seul n'\u00e9tant pas plus qu'un r\u00eave, il fallait que d'autres puissent, sinon adopter la mienne (forc\u00e9ment distincte de la leur), reconna\u00eetre du moins la valeur de ses fondements. D'o\u00f9 l'urgence d'\u00e9largir la perspective et la n\u00e9cessit\u00e9 d'argumenter. C'est pourquoi, en cours de route, j'amor\u00e7ais \u2013 sinon en noir sur blanc, du moins entre les lignes, voire durant les entractes \u2013 des esp\u00e8ces de d\u00e9bats d'ordre g\u00e9n\u00e9ral, aussi particulier qu'en e\u00fbt \u00e9t\u00e9 le pr\u00e9texte. Mais, plut\u00f4t que juger une cause, je voulais, lors m\u00eame qu'il me semblait tout remettre en question, \u00e9tayer ou pr\u00e9ciser un choix que j'avais fait d\u00e8s l'origine, puisque s'il avait \u00e9t\u00e9 autre ce n'est pas aux myst\u00e8res du langage, mati\u00e8re premi\u00e8re de la po\u00e9sie, que je me serais int\u00e9ress\u00e9 d'abord. Ma grosse faute \u2013 pire que celle qui consistait \u00e0 demander la lune \u2013 est d'avoir m\u00e9connu cela (ou refus\u00e9 de m'en rendre compte) et de m'\u00eatre arr\u00eat\u00e9 \u00e0 de faux probl\u00e8mes que mon besoin de philosopher m'amenait d'autant plus facilement \u00e0 poser que j'y trouvais parfois une occasion de m'\u00e9brouer en m\u00eame temps qu'un terrain o\u00f9 prendre un nouvel \u00e9lan. Proc\u00e9dant volontiers par alternative (pour ma commodit\u00e9 et parce que les contrastes m'ont toujours s\u00e9duit), je confrontais \u2013 sur le papier ou dans ma t\u00eate \u2013 deux termes apparemment \u00e9quivalents et que je croyais tels, mais qui, en fait, ne l'\u00e9taient pas. C'est vers la po\u00e9sie, le _l\u00e0-bas_ et le mythe que vont indubitablement mes pr\u00e9f\u00e9rences et le second c\u00f4t\u00e9 \u2013 celui de la morale et de la science \u2013 n'est pas un pendant du premier : le mythe qu'on sait mythique n'a plus rien d'exaltant, le _l\u00e0-bas_ qu'on aime il faut qu'on l'ait ici m\u00eame, le vrai po\u00e8te ne peut \u00eatre ni un salaud ni un con, telle \u00e9tait ma pens\u00e9e avant de s'\u00eatre endimanch\u00e9e, mythe, _l\u00e0-bas_ et po\u00e9sie \u00e9tant pour moi les axes de r\u00e9f\u00e9rence et l'autre terme \u2013 r\u00e9alit\u00e9, pr\u00e9sence irr\u00e9cusable, conscience aigu\u00eb de ce qui est et de ce qu'il faut faire \u2013 n'intervenant qu'en second lieu, comme une condition qui doit \u00eatre remplie et non comme l'objet de ma convoitise \u00e9ventuelle.\n\nA peu de chose pr\u00e8s, ce que je dis l\u00e0 n'est pas neuf : rappel d'id\u00e9es \u00e9mises chemin faisant, et la d\u00e9duction qui s'impose. Il est dr\u00f4le, certes, que j'aie pu m'\u00e9carter de ma route au point qu'y revenir me donne, presque, une impression de d\u00e9couverte. Mais, si j'ai d\u00e9vi\u00e9 ainsi, n'est-ce pas dans la mesure o\u00f9 je me suis mis dans l'esprit qu'il fallait d\u00e9montrer et pas seulement montrer ? Avec le c\u00e9r\u00e9monial appel\u00e9 par le besoin de me trouver des raisons, je m'\u00e9loignais, en effet, et de la po\u00e9sie et des r\u00e9alit\u00e9s v\u00e9cues pour ne plus manipuler que des notions, autant dire des ombres dont formes et dimensions variaient suivant l'\u00e9clairage, de sorte qu'il y eut un moment o\u00f9, parmi ces silhouettes toutes \u00e9galement d\u00e9pourvues de chair et qui n'en \u00e9taient que plus trompeuses, je m'\u00e9garai comme dans un carnaval o\u00f9 vous sont devenus \u00e9trangers ceux-l\u00e0 m\u00eames que vous connaissez le mieux. Mascarade dont, maintenant, je ne pourrais plus \u00eatre na\u00efvement la dupe, puisque je sais quelle fausse man\u0153uvre m'en fait le responsable : avoir truqu\u00e9 la pes\u00e9e sans bien m'en rendre compte quand, par exemple, tenant la balance \u00e9gale entre Kumasi et P\u00e9kin, j'ai pr\u00e9sent\u00e9 comme deux p\u00f4les dont je subirais sym\u00e9triquement les attractions ce \u00e0 quoi je suis attach\u00e9 depuis toujours, puis-je dire sans grande exag\u00e9ration, et ce vers quoi, en l'absence d'une vraie ferveur militante, me portent des vell\u00e9it\u00e9s auxquelles les coups d'\u00e9peron de l'amour-propre ne sont s\u00fbrement pas \u00e9trangers, les choses \u00e9tant telles aujourd'hui qu'on ne saurait, sauf abdication, ne pas \u00eatre \u00ab engag\u00e9 \u00bb politiquement. Mon tort, en somme, est d'avoir envisag\u00e9 une conclusion qui r\u00e9pondrait \u00e0 tout (aucun de mes soucis d'Europ\u00e9en du XXe si\u00e8cle n'\u00e9tant maintenu \u00e0 l'\u00e9cart) et qui, de quelque formulation \u00e0 l'emporte-pi\u00e8ce ou subtilement p\u00e9riphras\u00e9e qu'elle se par\u00e2t, ne laisserait pas d'\u00eatre dogmatique, lourde erreur \u00e0 un double titre : je ne pouvais y parvenir qu'\u00e0 travers un cycle de raisonnements, mode d'encha\u00eenement des pens\u00e9es qui plut\u00f4t que du vol d'aigle tient de la marche de b\u00eate de labour, et c'\u00e9tait \u2013 faute encore pire \u2013 m'obliger, sous couleur de jugement \u00e9quitable, \u00e0 poser de mani\u00e8re trop abstraite pour que la v\u00e9rit\u00e9 n'en souffr\u00eet pas les questions dont j'avais \u00e0 d\u00e9battre. Il est patent qu'\u00e0 l'origine mon programme \u00e9tait plus modeste et que, quand j'ai pens\u00e9 devoir pousser plus loin, j'ignorais quel ab\u00eeme il y a entre l'envie de condenser en un bloc imm\u00e9diatement pr\u00e9hensible l'essentiel de ce que je suis et de ce \u00e0 quoi je tiens, et l'ambition (in\u00e9luctablement logicienne) d'articuler un syst\u00e8me prouv\u00e9 juste et le seul ad\u00e9quat \u00e0 mes aspirations comme \u00e0 mes possibilit\u00e9s. _Faire co\u00efncider, avec le monde nu et criant de l'oiseau tomb\u00e9 du nid, le monde magique des aventures du langage,_ telle \u00e9tait express\u00e9ment ma vue finale \u00e0 l'\u00e9poque \u00e9loign\u00e9e d\u00e9j\u00e0 o\u00f9, sur la m\u00eame fiche, je notais d'abord ma croyance en la _n\u00e9cessit\u00e9 de faire co\u00efncider avec quelque chose d'une gravit\u00e9 vitale le jeu frivole qui s'op\u00e8re entre les mots_ puis exprimais ma volont\u00e9 de _tirer de cette attitude \u00e0 l'\u00e9gard des mots un moyen de vie plus intense et une r\u00e8gle de vie,_ r\u00e9flexion avec laquelle explicitement un moralisme s'affirme, mais qui non moins explicitement subordonne la morale \u00e0 la po\u00e9sie puisque c'est dans une certaine _attitude \u00e0 l'\u00e9gard des mots_ que j'entends trouver l'indication d'une ligne de conduite en m\u00eame temps que la source d'un enrichissement de la vie. _Morale = r\u00e8gle du jeu, c'est-\u00e0-dire ce sans quoi il n'y aurait m\u00eame pas de jeu,_ remarquais-je \u00e9galement, jouant \u00e0 voir dans le jeu \u2013 soit dans ce qui semble, par essence, le plus contraire au s\u00e9rieux \u2013 une justification de l'\u00e9thique, puisque faute d'une d\u00e9marcation, d'ailleurs quelconque, entre coups permis et coups d\u00e9fendus l'existence ne serait qu'un montage presque automatique de sc\u00e8nes s'\u00e9chelonnant de la naissance \u00e0 la mort, et non cette partie capable de passionner en raison de la difficult\u00e9 m\u00eame o\u00f9 l'on est de la mener sans irr\u00e9gularit\u00e9s.\n\nKumasi et P\u00e9kin, dilection et contrainte, carrefours de l'imagination et n\u0153uds de la raison. Si c'est, d\u00e9cid\u00e9ment, du c\u00f4t\u00e9 de l'imaginaire que penche ma balance et si, comme ceux dont un art quel qu'il soit est l'activit\u00e9 d'\u00e9lection, je m'adonne \u00e0 un jeu qui m'entra\u00eene \u00e0 n\u00e9gliger maints devoirs, je suis, du moins, fort \u00e9loign\u00e9 d'ignorer qu'il n'y a pas de jeu sans r\u00e8gle et qu'\u00e0 d\u00e9faut par cons\u00e9quent de respecter des prescriptions \u00e9trang\u00e8res \u00e0 ce que j'aime par-dessus tout, c'est \u00e0 des directives impliqu\u00e9es par le jeu lui-m\u00eame que je dois me soumettre. J'en arrive ainsi \u00e0 l'id\u00e9e (entrevue d\u00e8s longtemps) que, l'acceptation aveugle disqualifiant aussi bien que la n\u00e9gation de tout principe, une _morale professionnelle_ \u2013 plus d\u00e9gag\u00e9e de la th\u00e9ologie qu'une morale \u00e0 grand _M_ \u2013 est seule \u00e0 m\u00eame de constituer le rudiment de code dont je ne puis me passer. Tout bien pes\u00e9, maintenant que ce li\u00e8vre (apr\u00e8s tant d'autres) a \u00e9t\u00e9 lev\u00e9, mon d\u00e9sir d'aboutir \u00e0 quelque chose de plus vivant qu'un aper\u00e7u th\u00e9orique n'est pas un motif qui puisse me dispenser d'en donner ici une esquisse. Autrement dit : d'indiquer \u00e0 quelles lois je suis oblig\u00e9 de me conformer pour \u00ab jouer le jeu \u00bb dans le cadre que je me suis choisi, les quelques lois que pratiquement je ne puis enfreindre sous peine de voir mon travail perdre toute valeur \u00e0 mes yeux et peut-\u00eatre, en d\u00e9finitive, toute vertu (si l'on admet que la parole du tricheur, t\u00f4t rep\u00e9r\u00e9, est vite priv\u00e9e aux yeux d'autrui de la capacit\u00e9 de convaincre, d'\u00e9mouvoir ou de transfigurer qu'elle a pu ind\u00fbment avoir). Certes, les jeux de la beaut\u00e9 ne sauraient se plier \u00e0 des injonctions ext\u00e9rieures sans manquer \u00e0 leur r\u00f4le primordial de d\u00e9passement, mais si cela autorise \u00e0 les tenir pour souverainement immoraux, il reste que l'artiste doit payer par une impitoyable rigueur dans son observance de la \u00ab r\u00e8gle du jeu \u00bb le droit de se vouer \u00e0 l'immoralit\u00e9 de la beaut\u00e9.\n\nListe de coups d\u00e9fendus, \u00e9nonc\u00e9 de certains refus, tel a toujours \u00e9t\u00e9 ce code, depuis ses \u00e9tats anciens jusqu'\u00e0 la pr\u00e9sente mise au net (anachronique, car il s'est r\u00e9v\u00e9l\u00e9 plus douteux \u00e0 mesure que je lui donnais forme) :\n\nne pas mentir ;\n\nne rien promettre qu'on ne soit s\u00fbr d'ex\u00e9cuter ;\n\nne pas payer de mots ni se payer de mots (choses que l'\u00e9crivain tout le premier doit regarder comme trop pr\u00e9cieuses pour en faire une monnaie de singe) ;\n\nne pas parler \u00e0 la l\u00e9g\u00e8re et se m\u00e9fier du comm\u00e9rage comme de l'\u00e9tourderie qui engendre les gaffes (grotesque esp\u00e8ce de p\u00e9ch\u00e9s contre la parole de m\u00eame qu'il y a des p\u00e9ch\u00e9s contre l'esprit) ;\n\nne pas seulement respecter le pli qui n'a pas besoin d'\u00eatre cachet\u00e9 de rouge pour que son viol soit une faute sanglante, mais faire preuve en toutes circonstances de cette \u00e9l\u00e9mentaire discr\u00e9tion ;\n\nexclure la veulerie intellectuelle qui porte \u00e0 truffer son parler de locutions au go\u00fbt du jour et l'aff\u00e9terie que repr\u00e9sente, \u00e0 l'inverse, l'emploi d'un langage ou trop savant ou trop ch\u00e2ti\u00e9 ;\n\ntenir sa langue au point de savoir souffrir sans s'abandonner bestialement \u00e0 crier et de garder \u00e9ventuellement un secret malgr\u00e9 torture ou risque de mort ;\n\ns'interdire en somme, plus s\u00e9v\u00e8rement que quiconque quand on pratique l'art litt\u00e9raire, ce qui dans la vie r\u00e9elle est crime de l\u00e8se-langage et parvenir \u00e0 \u00eatre, non seulement ma\u00eetre de ses paroles et parfait affid\u00e9 de la parole, mais \u00ab homme de parole \u00bb autant que le sens courant de cette expression peut le vouloir.\n\nCes tabous \u2013 ou cette _morale de la parole_ \u00e0 laquelle, id\u00e9alement, le personnage ne peut contrevenir sans que l'\u0153uvre en soit d\u00e9grad\u00e9e \u2013 c'est d'un art po\u00e9tique (au sens tr\u00e8s large o\u00f9 je l'entends) aussi bien que d'un savoir-vivre qu'on peut les prendre pour fondement :\n\nne pas mentir, et fi donc des roueries propres \u00e0 abuser le lecteur, lequel \u2013 s'il doit \u00eatre s\u00e9duit \u2013 doit l'\u00eatre autrement que par des man\u0153uvres visant au seul effet et comparables (moins la flamme h\u00e9ro\u00efque) \u00e0 celles du l\u00e9gendaire _burlador_ de S\u00e9ville, damn\u00e9 bien moins pour avoir \u00e9t\u00e9 un corrupteur qu'un beau parleur dont le faux serment \u00e9tait l'une des armes ma\u00eetresses ;\n\npas de promesses en l'air, et repousser par cons\u00e9quent au profit de l'expression la plus exacte toute inflation verbale, le po\u00e8te \u00e9tant d'ailleurs sa premi\u00e8re dupe s'il se prend pour un mage et aucun \u00e9crivain ne devant oublier que la terre continue de tourner tandis qu'il se livre \u00e0 ses jeux ;\n\ntraiter les mots comme autre chose que du vent et, partant, proscrire les morceaux de bravoure au m\u00eame titre que les redondances, les fioritures et les chevilles ;\n\nne pas parler \u00e0 tort et \u00e0 travers, d'o\u00f9 l'incongruit\u00e9 de faire de la litt\u00e9rature un art de touche-\u00e0-tout ;\n\npas d'atteinte sacril\u00e8ge \u00e0 la pens\u00e9e d'autrui, et d\u00e9fense donc de donner la moindre entorse \u00e0 un texte par remaniement, \u00e9lagage pudique, citation tendancieuse ou interpr\u00e9tation abusive ;\n\n\u00e9viter le style d\u00e9braill\u00e9 (inutilement pittoresque) et les facilit\u00e9s d'un autre genre offertes par le vocabulaire philosophique ou scientifique pour formuler certaines pens\u00e9es (ainsi mises sous verre) alors que s'astreindre \u00e0 les dire en langage naturel conduit \u00e0 les creuser et \u00e0 leur d\u00e9couvrir des ramifications qu'on ne soup\u00e7onnait pas ;\n\ntenir sa langue assez pour que le peu (ou relativement peu) qu'on laisse venir sur le papier ait toute la force d'une substance non dilu\u00e9e, force infime \u00e0 l'\u00e9chelle des puissances qui nous m\u00e8nent mais capable de susciter un changement dans quelques c\u0153urs et quelques t\u00eates ;\n\n\u00e9cartant tromperie, sophistication et laisser-aller sous leurs divers aspects, \u00e9crire comme quelqu'un qui sait _ce que parler veut dire_ et n'user du langage \u2013 moyen du commerce humain et m\u00e9canisme sans lequel l'homme n'existerait m\u00eame pas comme tel \u2013 qu'avec la rigueur et la loyaut\u00e9 les plus grandes, afin qu'il y ait quelques chances pour que soit communiqu\u00e9 authentiquement aux autres ce que l'on se dit \u00e0 soi-m\u00eame.\n\nCes principes qui toujours ont le sens d'un rejet et dont chacun est un _non_ plut\u00f4t qu'un _oui,_ je les ai longtemps crus fortement assur\u00e9s. Plus modestes que des prescriptions positives puisqu'ils n'\u00e9taient que des interdits tr\u00e8s g\u00e9n\u00e9raux ou des mises en garde portant sur quelques fautes \u00e0 ne pas commettre, ils semblaient moins vuln\u00e9rables du fait m\u00eame que leurs pr\u00e9tentions apparaissaient plus mesur\u00e9es. Illusion, qui sans doute e\u00fbt \u00e9t\u00e9 vite dissip\u00e9e si je les avais soumis d'embl\u00e9e \u00e0 l'examen au lieu de les mettre en conserve, les traitant comme un acquis d\u00e9fini dans ses grandes lignes et sur lequel je ne me pencherais que plus tard, quand l'heure des conclusions aurait sonn\u00e9.\n\nNe pas mentir. Pourtant, \u00e0 moins que par chance il suffise de se taire, il faut mentir s'il n'y a que du mal \u00e0 attendre de l'aveu d'une v\u00e9rit\u00e9 : mettre au d\u00e9sespoir un malade condamn\u00e9 qui ne tenait pas \u00e0 le savoir, nuire \u00e0 quelqu'un d'estimable qui se trouve en difficult\u00e9, entra\u00eener l'\u00e9chec d'une action juste mais qui ne peut \u00eatre men\u00e9e ouvertement, se jeter b\u00eatement dans la gueule de la r\u00e9pression polici\u00e8re. Sur le plan de la vie intime, il arrive aussi que mentir et ne pas mentir soient d'\u00e9gales trahisons : l'on doit, certes, l'enti\u00e8re v\u00e9rit\u00e9 \u00e0 la femme avec qui l'on vit, mais est-il louable de se faire aupr\u00e8s d'elle le d\u00e9lateur d'une autre \u00e0 qui nous lie le secret d'une complicit\u00e9 ? Pernicieux dilemme pour qui ne veut ni d\u00e9truire cette pr\u00e9cieuse connivence par un d\u00e9voilement (celle \u00e0 qui l'on s'ouvre estimerait-elle que _savoir_ lui suffit et aucune mise en demeure ne r\u00e9sulterait-elle de la r\u00e9v\u00e9lation) ni s'accommoder de la duplicit\u00e9... Je ne puis m\u00e9conna\u00eetre non plus que bien des \u00e9crivains et des po\u00e8tes que j'admire furent des menteurs fieff\u00e9s : de Foe, aussi faux jeton qu'en fran\u00e7ais le voudrait son nom, puisqu'il fut agent double, pamphl\u00e9taire \u00e0 gages et auteur de M\u00e9moires apocryphes ; Chateaubriand, dont l'autobiographie n'est pas un document auquel on puisse toujours se fier, bien que l'outre-tombe en soit la bande de garantie ; Nerval lui-m\u00eame, qui malgr\u00e9 sa puret\u00e9 ne laissait pas d'arranger ses souvenirs d'enfance et les r\u00e9cits de ses voyages vers le Levant comme de ses incursions dans la brousse du r\u00eave et de la folie ; Apollinaire, pour qui le mensonge faisait partie de l'attirail d'enchanteur.\n\nNe rien promettre qu'on ne soit certain de tenir : bonne excuse pour refuser tout engagement ! Ne vaut-il pas mieux s'exposer \u00e0 ne pas honorer une promesse que se conduire si prudemment qu'on ne se mettra m\u00eame pas dans le cas de jamais se d\u00e9gonfler ? Et pour beaucoup de textes litt\u00e9raires, qu'en resterait-il si tout \u00e9lan qui e\u00fbt risqu\u00e9 d'\u00eatre excessif avait \u00e9t\u00e9 d\u00e9lib\u00e9r\u00e9ment \u00e9trangl\u00e9 au berceau et si \u00e0 l'expression exacte un surplus, qui est pr\u00e9cis\u00e9ment la beaut\u00e9, n'\u00e9tait venu s'ajouter ?\n\nProscrire les ornements, pour que les mots soient trait\u00e9s comme autre chose que du vent. Cette r\u00e8gle-l\u00e0, comment la concilier avec mon amour du baroque et de la profusion dont la n\u00e9cessit\u00e9 est d'\u00e9chapper \u00e0 la n\u00e9cessit\u00e9 ? Et pourrais-je (m\u00eame pour mon propre compte) distinguer entre accessoire et essentiel, sachant que toutes sortes de moyens ing\u00e9nieux de tirer \u00e0 la ligne tout en usant du style le plus concis ont \u00e9t\u00e9 les leviers de la cr\u00e9ation chez un Raymond Roussel et que des chevilles visibles \u00e0 l'\u0153il nu lui ont servi de pitons d'escalade pour atteindre les plus hauts sommets ?\n\nNe pas parler \u00e0 la l\u00e9g\u00e8re. Mais que serait, dans le domaine de la sociabilit\u00e9, une conversation sans aucune part de l\u00e9g\u00e8ret\u00e9 ? Il n'y a gu\u00e8re qu'un cuistre pour s'interdire tout abandon dans une causerie et c'est souvent \u00e0 travers les propos les moins contr\u00f4l\u00e9s, voire les plus futiles ou les plus intempestifs, qu'une communication vraie s'op\u00e8re entre les interlocuteurs. De m\u00eame, un art totalement s\u00fbr de lui et que jamais n'a\u00e9rerait l'incertitude d'un caprice ou d'un pari ne saurait \u00eatre qu'un art mort.\n\nPas d'atteinte sacril\u00e8ge \u00e0 la pens\u00e9e d'autrui ? Or, de combien de joyaux posthumes, sortis au jour malgr\u00e9 les volont\u00e9s d'enfouissement exprim\u00e9es par leurs auteurs, la litt\u00e9rature serait priv\u00e9e si cette consigne avait toujours \u00e9t\u00e9 suivie ! De plus, l'\u00e9l\u00e9mentaire discr\u00e9tion voudrait que le silence soit fait sur les journaux intimes et correspondances, ce qui en maints cas serait non seulement une lourde perte mais une cause d'erreur sur l'exacte signification des \u0153uvres.\n\n\u00c9viter aussi bien un langage trop guind\u00e9 qu'un langage entach\u00e9 de ces locutions qui n'ont pas d'autre r\u00f4le que de montrer qu'on est \u00e0 la page et d\u00e9notent donc la pire vulgarit\u00e9 : le moins contestable (\u00e0 ce qu'il semble) de tous ces pr\u00e9ceptes parce que, relevant du go\u00fbt plut\u00f4t que de la morale, il t\u00e9moigne d'une ambition plus limit\u00e9e que les autres.\n\n\u00catre avare de ses mots et garder, s'il le faut, un silence h\u00e9ro\u00efque. L'enfant spartiate qui ne desserra pas les dents tandis que le renard lui rongeait la poitrine. Les martyrs chr\u00e9tiens qui souffraient et mouraient sans se d\u00e9dire, et parfois sans broncher ou en ne prof\u00e9rant que des pri\u00e8res. _La mort du loup._ Michel Strogoff \u00e0 qui la lame rougie pass\u00e9e devant ses yeux n'arrache pas son secret. Les grandes figures exemplaires de l'\u00e9conomie verbale : Sparte et le laconisme ; l'historien Tacite ; Guillaume le Taciturne, dont _Le Br\u00e9viaire d'un panth\u00e9iste_ par Jean Lahore (pseudonyme d'un ami du peu prolixe Mallarm\u00e9, le docteur Cazalis) m'avait appris la devise : \u00ab Point n'est besoin d'esp\u00e9rer pour agir ni de r\u00e9ussir pour pers\u00e9v\u00e9rer \u00bb, o\u00f9 para\u00eet s'exprimer toute l'opini\u00e2tret\u00e9 silencieuse \u00e9voqu\u00e9e par le mot \u00ab taciturne \u00bb qui teinte de nuit et de myst\u00e8re le pr\u00e9nom sans malice du d\u00e9fenseur des Pays-Bas ; le moine \u2013 espagnol, il me semble, et peut-\u00eatre illustre saint \u2013 dont on raconte comment il arr\u00eata un incendie en rompant, pour commander aux flammes, le mutisme auquel il s'\u00e9tait astreint pendant plusieurs ann\u00e9es. L\u00e0, sans doute, mon syst\u00e8me se r\u00e9v\u00e8le pour ce qu'il est. C'est un lien symbolique (et touchant presque au calembour) que j'\u00e9tablis entre des mani\u00e8res de _tenir sa langue_ dont les unes sont affaire de morale, d'autres de rh\u00e9torique, d'autres encore de tactique : envers et contre tout garder sto\u00efquement la bouche cousue et ne dire que ce que l'on veut dire, rar\u00e9fier ses mots afin d'accro\u00eetre le pouvoir des quelques-uns que l'on \u00e9crit ou prononce, se taire aussi longtemps qu'il le faut pour mener \u00e0 bien une action \u00e0 laquelle on s'est vou\u00e9. Fond\u00e9 en sentiment, ce lien ne le serait en raison que si, la parole n'\u00e9tant pas un simple instrument d'\u00e9change mais bien le m\u00e9diateur sacr\u00e9 que je voudrais qu'elle soit, toutes les fa\u00e7ons diverses de la galvauder tombaient \u2013 comme autant de profanations \u2013 sous le coup d'une m\u00eame r\u00e9probation inconditionnelle. Or, les choses \u00e9tant ce qu'elles sont et ma mystique du langage refl\u00e9tant de pieux d\u00e9sirs plut\u00f4t que la r\u00e9alit\u00e9, mon syst\u00e8me que de nombreux attendus et toute une casuistique devraient d'ailleurs colmater m'appara\u00eet comme un assemblage b\u00e2tard de r\u00e8gles d'\u00e9criture et de r\u00e8gles de conduite, plus circonstancielles qu'il ne m'avait sembl\u00e9 puisqu'elles visent \u2013 la plupart \u2013 soit des fautes que, pour m'exprimer ici de mani\u00e8re \u00e0 \u00eatre entendu, je ne dois pas commettre, soit des fautes \u00e9trang\u00e8res \u00e0 la litt\u00e9rature mais dont il faudrait que je me sache incapable pour n'avoir pas l'impression de frauder en \u00e9crivant ces pages qui ne cessent de pr\u00e9tendre \u00e0 la totale authenticit\u00e9.\n\nCes r\u00e8gles dont j'avais pu croire qu'au nombre pr\u00e8s elles seraient mon D\u00e9calogue n'ont donc pas r\u00e9sist\u00e9 \u00e0 cette \u00e9preuve : leur transcription en commandements assez nets pour figurer sur des Tables de la Loi. Mais ma sottise n'est-elle pas d'avoir voulu fixer en articles de cat\u00e9chisme des bulles de pens\u00e9e issues de ce d\u00e9sir qui me monte \u00e0 la t\u00eate comme une exhalaison de toutes mes fibres : ne rien faire qui revienne \u00e0 en prendre \u00e0 son aise avec son propre dire ou avec le dire d'autrui, insulte (dans un cas comme dans l'autre) \u00e0 la nature quasi divine que j'attribue au langage ?\n\n\u00ab Nature quasi divine \u00bb : formule timide, mitig\u00e9e, parce qu'elle r\u00e9sulte d'un conflit entre sentiment et raison. Avoir envie d'\u00e9crire \u00ab divinit\u00e9 \u00bb (par besoin de valoriser ce que manie l'\u00e9crivain et, ainsi, de valider le choix que j'ai fait de ce m\u00e9tier), ne pas c\u00e9der \u00e0 cette envie (car, \u00e0 moins de croire au Verbe cr\u00e9ateur, il serait trop absurde de d\u00e9ifier le langage), lever la difficult\u00e9 en optant pour un compromis : ce qu'on r\u00e9cuse comme substantif l'admettre comme adjectif en prenant de surcro\u00eet ses distances, gr\u00e2ce \u00e0 la l\u00e9g\u00e8re r\u00e9serve du _quasi,_ avec la notion de divinit\u00e9 que toutefois \u2013 moyennant cette double pr\u00e9caution \u2013 l'on ne se fera pas faute de sugg\u00e9rer. De plus, c'est dans une phrase \u00e9crite \u00e0 la premi\u00e8re personne et sur le ton de la confession qu'appara\u00eet cette formule, de sorte qu'en avan\u00e7ant ainsi quelque chose dont il est entendu qu'elle ne concerne que moi (tel que je suis avec mes go\u00fbts, mes faiblesses, mes manies) je m'engage moins que par une assertion \u00e0 laquelle j'assignerais \u2013 explicitement ou non \u2013 une port\u00e9e g\u00e9n\u00e9rale. Nul doute qu'il y ait l\u00e0 une fa\u00e7on mal d\u00e9guis\u00e9e de m\u00e9nager la ch\u00e8vre et le chou. Passant l\u00e0-dessus, je laisserais derri\u00e8re moi une \u00e9quivoque f\u00e2cheuse par elle-m\u00eame et capable en outre de faire boule de neige. Mieux vaut donc qu'au lieu d'escamoter je mette imm\u00e9diatement au clair.\n\n _Dans l'exercice rigoureux de ma profession_ \u2013 _et sur nul autre terrain_ \u2013 _je puis atteindre mon but qui est, en somme, de croire \u00e0 ce que j'aime et d'aimer ce \u00e0 quoi je crois :_ vieille r\u00e9flexion que je puis reprendre aujourd'hui sans y rien changer quant au fond, mais qui appara\u00eet trop g\u00e9n\u00e9rale pour que je n'aie pas \u00e0 la pr\u00e9ciser.\n\nAimer sans illusions, militer sans joie, ces choses-l\u00e0 sont banales et il faut en conclure qu'aimer et croire sont loin d'aller toujours de pair. Ces termes dont la dualit\u00e9 affecte comme une coupure celui qui la reconna\u00eet, il n'y a qu'en vivant selon sa vocation (exer\u00e7ant une activit\u00e9 qui vous s\u00e9duit et vous para\u00eet valable) qu'on puisse durablement les unir, du moins dans les limites de cette activit\u00e9. Dire cela, il semble que ce soit enfoncer une porte ouverte. Toutefois, la mani\u00e8re m\u00eame dont j'ai not\u00e9 ce truisme montre combien un _Eur\u00eaka_ \u00e9tait pr\u00e9matur\u00e9 ! En appeler \u00e0 l'exercice \u00ab rigoureux \u00bb de mon m\u00e9tier est une restriction qui prouverait, \u00e0 elle seule, que la chose est moins simple qu'il n'y para\u00eet : nul besoin d'exiger la rigueur si je dois \u00eatre combl\u00e9 rien qu'en suivant cette voie que je me suis choisie. Or, ce n'est encore l\u00e0 qu'une objection th\u00e9orique et le vrai obstacle surgit d\u00e8s que j'essaie de voir en quoi ma rigueur consistera. En userai-je sur le terrain de la pure technique ou l'\u00e9tendrai-je \u00e0 ce qu'on peut tenir pour les devoirs de l'\u00e9crivain, comme homme dont les \u0153uvres sont l'objet d'un commerce, qu'il le veuille ou non, et lui valent \u00e9ventuellement assez d'audience pour qu'il ait \u00e0 prendre ouvertement parti dans les affaires publiques, lui qui ne d\u00e9daigne pas de s'offrir \u00e0 tout venant par le canal de l'\u00e9dition quand il s'agit de diffuser ses \u00e9lucubrations personnelles ? Se borner \u00e0 la rigueur technique revient \u00e0 pratiquer l'art pour l'art, mais l'autre rigueur conduit \u00e0 des engagements sociaux qui prennent vite le pas sur les soucis proprement litt\u00e9raires. Fuyant ce double \u00e9cueil, j'ai voulu me construire une po\u00e9tique et une \u00e9thique imbriqu\u00e9es l'une dans l'autre et capables, sans divergences, de me guider en tous domaines. L'aberration \u00e9tait que, dans un syst\u00e8me qui pour me satisfaire devait plonger ses racines au c\u0153ur de mon activit\u00e9 d'\u00e9lection mais e\u00fbt manqu\u00e9 \u00e0 son office s'il n'avait couvert de ses branches une aire bien plus vaste, j'introduisais des r\u00e8gles dont le seul rapport logique avec la litt\u00e9rature \u00e9tait qu'elles touchaient \u00e0 des situations o\u00f9 l'instrument de celle-ci se trouve mis en cause. Je proc\u00e9dais, en somme, \u00e0 la fa\u00e7on d'un peintre qui s'interdirait d'\u00eatre un exhibitionniste ou un voyeur sous pr\u00e9texte que son art rel\u00e8ve de la vue et qu'il ne faut offenser celle-ci ni chez autrui ni chez soi-m\u00eame. Pas d'autre moyen de me justifier que le suivant : poser la parole en absolu contre lequel aucune esp\u00e8ce d'atteinte ne saurait \u00eatre tol\u00e9r\u00e9e. Aussi m'e\u00fbt-il fallu plus de rigueur que je n'en ai pour repousser mon vieux d\u00e9mon et pour ne pas me laisser aller \u00e0 hypostasier le langage. Souvent, une conjoncture malencontreuse suffit pour qu'on retourne \u00e0 un vice dont on s'imaginait depuis longtemps gu\u00e9ri, et c'est ainsi que je suis revenu \u2013 ou peu s'en faut \u2013 \u00e0 mes id\u00e9es de l'\u00e9poque de prime jeunesse o\u00f9 je croyais trouver dans le nominalisme la preuve que le mot est la r\u00e9alit\u00e9 derni\u00e8re, argument massue pour une d\u00e9fense de la po\u00e9sie.\n\nSi, promeneur perdu qui tente de s'en tirer en reconstituant son parcours, je relis ce que m'a dict\u00e9 l'id\u00e9e de me forger un code \u00e0 la fois litt\u00e9raire et moral, je vois que, d\u00e8s qu'il m'est apparu que ma construction ne tenait pas, j'ai adopt\u00e9 ces positions de repli : faute d'un lien plus direct entre mes tabous d'\u00e9criture et mes tabous de conduite, admettre que ces derniers r\u00e9pondent int\u00e9rieurement \u00e0 une n\u00e9cessit\u00e9 d'\u00e9criture puisque leur observance doit me permettre de travailler sans trop de mauvaise conscience ; le syst\u00e8me grippant jusque dans ses d\u00e9tails, l'assouplir en le donnant pour l'expression d'une tendance personnelle, juste en son fond (je le sous-entendais) mais que j'avais le tort de projeter en une mani\u00e8re de cat\u00e9chisme. Dans les deux cas en somme, c'est \u00e0 moi que je me reportais, reconnaissant implicitement que c'est l'homme qui compte, avec l'usage qu'il fait du langage, \u00e9ventuellement ce qu'il en pense, et non le langage lui-m\u00eame. Ainsi, sans m'en apercevoir, j'op\u00e9rais la conversion qui peut-\u00eatre me permettra de sortir de l'impasse.\n\nD\u00e9j\u00e0, un point au moins est acquis : j'avais \u00e9chafaud\u00e9 mon syst\u00e8me d'interdits sur un abus de langage, c'est le cas de le dire. Cette morale d'\u00e9crivain dont je voulais me pourvoir, il me semblait aller de soi que, morale du langage, elle devait \u00eatre bas\u00e9e sur le refus d'avilir celui-ci de quelque fa\u00e7on que ce soit. Mais c'est en cela que je me trompais : comment d\u00e9duire du langage une morale sp\u00e9cifiquement \u00ab professionnelle \u00bb, puisqu'il est chose de tout le monde, et puisqu'en fait il n'est qu'un interm\u00e9diaire bon \u00e0 toutes les besognes, les pires comme les meilleures ? Au lieu d'essayer d'accommoder, il me faut donc changer radicalement de point de vue et chercher de mon c\u00f4t\u00e9 \u00e0 moi, qui fais m\u00e9tier non d'en user mais d'en user \u00e0 des fins privil\u00e9gi\u00e9es, ce que le langage m'a refus\u00e9 quand je m'en rapportais \u00e0 lui comme si, instrument de ma profession, il avait d\u00fb \u00e0 lui seul me livrer ma r\u00e8gle d'or. C'est de mon propre pass\u00e9 que j'ai toujours voulu d\u00e9gager une le\u00e7on, applicable (si elle vient \u00e0 temps) au futur dont j'esp\u00e8re disposer encore. Aussi un franc retour \u00e0 moi \u2013 qui suis l'alpha et l'om\u00e9ga de l'investigation \u2013 vaut-il mieux que ce moyen terme : th\u00e9oriser en me reportant, quand je vois que j'ai mal th\u00e9oris\u00e9, aux particularit\u00e9s de ce moi tant\u00f4t pour me l\u00e9gitimer, tant\u00f4t pour faire mon _mea culpa._\n\nUne remont\u00e9e de plus de cinquante ans, orient\u00e9e vers la mer du Nord, telle est la forme imm\u00e9diate que prendra ce retour.\n\nAg\u00e9 d'une dizaine d'ann\u00e9es, c'est \u00e0 Heist que je suis, pas tr\u00e8s loin de Zeebrugge (alors pour nous simple digue fermant un horizon mais que les bombardements de la Premi\u00e8re Guerre mondiale extrairaient de sa g\u00e9om\u00e9trie et de sa couleur gris sombre), non loin aussi de Blankenberge (dont j'aimais le nom en noir et en blanc) et de Knokke (ce Knokke-le-Zoute aujourd'hui des plus fr\u00e9quent\u00e9s et lieu annuel d'un colloque international qui, avec le ton noblement d\u00e9sint\u00e9ress\u00e9 des propos qu'on y tient, me semble une triste foire \u00e0 la po\u00e9sie), petites plages toutes deux reli\u00e9es \u00e0 la n\u00f4tre par un train-tramway roulant derri\u00e8re la ligne de dunes qui masquait \u00e0 demi la mer. Soit mauvais temps, soit programme de fin de saison (au moment o\u00f9 tout le monde boucle ses malles, se r\u00e9unir avec d'autres estivants qu'en principe on doit revoir ou gratifier de nouvelles mais qu'en v\u00e9rit\u00e9 l'on ne conna\u00eetra plus), nous sommes rassembl\u00e9s, mes parents, mes deux fr\u00e8res, ma s\u0153ur peut-\u00eatre et son mari, dans un salon ou dans une chambre en compagnie de trois autres habitants de l'h\u00f4tel qui sont, para\u00eet-il, des Russes mais que rien, dans leur v\u00eatement pas plus que dans leur physique, n'inciterait \u00e0 regarder comme appartenant au monde slave : l'homme, assez corpulent et g\u00e9n\u00e9ralement coiff\u00e9 d'une casquette (j'ignore pourquoi, mais on se demanda ensuite dans ma famille s'il n'\u00e9tait pas un espion ou quelque autre esp\u00e8ce de louche personnage avec qui l'on se serait innocemment commis) ; la femme, elle aussi repl\u00e8te et qui devait porter (si ce n'est pas l\u00e0 une invention due \u00e0 mon d\u00e9sir trop vif de rendre corps \u00e0 ce trio pour qu'il m'aide \u00e0 revivre l'ensemble de l'\u00e9pisode auquel il a \u00e9t\u00e9 m\u00eal\u00e9) un bonnet de lainage, sensiblement cylindrique et surmont\u00e9 d'un gros pompon ; le petit gar\u00e7on, probablement si anodin que je ne puis me rappeler \u2013 voire m'imaginer me rappeler \u2013 le moindre de ses traits, sinon un air ch\u00e9tif mal assorti \u00e0 la solide apparence de ses p\u00e8re et m\u00e8re. Sans doute avons-nous go\u00fbt\u00e9 tous ensemble et en sommes-nous, maintenant, \u00e0 ce grand recours des gens qui n'ont pas beaucoup \u00e0 se dire : les jeux de soci\u00e9t\u00e9. Tours de cartes, j'en suis \u00e0 peu pr\u00e8s s\u00fbr, car c'est \u00e0 un tour de ce genre \u2013 \u00e9l\u00e9ment vraisemblable d'une s\u00e9rie \u2013 que se rapporte le souvenir gr\u00e2ce auquel l'apr\u00e8s-midi en question garde pour moi, malgr\u00e9 les vides et les doutes quant \u00e0 certains d\u00e9tails, le m\u00eame relief que, par exemple, les promenades aux h\u00e9ro\u00efques galops que mes fr\u00e8res et moi nous faisions sur de petits chevaux ou des \u00e2nes de location, le long de la plage largement d\u00e9couverte aux heures de mar\u00e9e basse. Moi qui ne connaissais aucun tour et ne pouvais que m'\u00e9bahir de ceux dont une ou deux des grandes personnes devaient nous avoir d\u00e9j\u00e0 r\u00e9gal\u00e9s, voil\u00e0 pourtant ce que je r\u00e9alisai : l'on m'invitait \u00e0 sortir de la pi\u00e8ce o\u00f9, sur une table, un jeu de cartes s'\u00e9talait et, en mon absence, quelqu'un touchait l'une de ces cartes ; apr\u00e8s quoi l'on m'appelait, je revenais, et j'indiquais sur quelle carte un doigt s'\u00e9tait ainsi pos\u00e9, allant peut-\u00eatre m\u00eame jusqu'\u00e0 nommer l'auteur du geste que m'avait d\u00e9rob\u00e9 l'opacit\u00e9 de la cloison. En h\u00e9sitant un peu, mais sans jamais avoir \u00e0 me reprendre, je devinais \u00e0 tout coup. Autant que la r\u00e9ussite elle-m\u00eame, ce qui m'enchantait c'\u00e9tait le pouvoir d'intuition dont elle t\u00e9moignait et, bien que je n'eusse \u00e9t\u00e9 qu'un instrument aux mains du meneur de jeu, j'\u00e9tais fier de ce don comme s'il s'\u00e9tait agi d'une merveilleuse facult\u00e9 m\u00e9diumnique poss\u00e9d\u00e9e seulement par quelques \u00eatres d'\u00e9lite. Si l'on m'avait appris \u00e0 accomplir l'un de ces tours qui \u00e9tonnent les plus avis\u00e9s comme les plus na\u00effs, j'aurais \u00e9t\u00e9 certainement moins heureux que de me r\u00e9v\u00e9ler capable, sans le moindre truquage, d'un acte qui relevait de ce que j'appellerais, dans mon vocabulaire d'aujourd'hui, double vue ou magie. Orgueilleuse euphorie, comparable \u00e0 ce qu'\u00e9prouve le joueur en veine ou l'amoureux d\u00e9couvrant que chacun de ses propos, d'instant en instant, rend plus attentive et plus proche l'\u00e9trang\u00e8re de nagu\u00e8re : se sentir habit\u00e9 par la chance. Aussi, fus-je affreusement d\u00e9\u00e7u quand on me dit, un peu plus tard, que ce n'\u00e9tait qu'une farce, tous s'\u00e9tant donn\u00e9 le mot pour ne toucher aucune carte et d\u00e9clarer, lorsque j'en montrais une, que c'\u00e9tait bien celle-l\u00e0 qui avait subi l'attouchement.\n\nJ'ai pens\u00e9 souvent \u00e0 cette menue histoire qui eut pour th\u00e9\u00e2tre un pays bien \u00e9loign\u00e9 de compter parmi ceux dont je suis \u00e9pris mais auquel m'attache, avec le souvenir de ma tante Claire, le fait qu'il est l'un des premiers que j'aie visit\u00e9s et que j'\u00e9tais encore tout enfant lorsque j'y suis all\u00e9. J'ai d\u00e9j\u00e0 dit comment c'est \u00e0 la Belgique que je me reportai dans mon \u00e9garement, au sortir de l'\u00e9tat inhumain o\u00f9 la manducation d'une grosse quantit\u00e9 de toxique m'avait temporairement plong\u00e9. Songeant \u00e0 ce que j'avais \u00e9prouv\u00e9 \u00e0 Heist-sur-Mer quand je m'\u00e9tais cru en possession d'un don qui m'aurait situ\u00e9 singuli\u00e8rement en marge du commun, je me demande depuis longtemps jusqu'\u00e0 quel point une pouss\u00e9e de m\u00eame nature que cette fiert\u00e9 pu\u00e9rile ne m'a pas anim\u00e9 quand, devenu jeune homme et ne sachant trop que faire de ma personne, j'ai souhait\u00e9 _\u00eatre un po\u00e8te._ Je le souhaitais, bien s\u00fbr, par amour de la po\u00e9sie et pour la joie que j'aurais d'en \u00e9crire, mais \u2013 pass\u00e9 la phase des po\u00e8mes lyc\u00e9ens dans lesquels je ne cherchais gu\u00e8re qu'\u00e0 musicaliser mon trop-plein de sentiments \u2013 ce fut plut\u00f4t pour me hausser jusqu'au rang que j'assignais \u00e0 celui qui use du langage comme une mani\u00e8re de pythie prof\u00e9rant ses oracles, qualit\u00e9 d'inspir\u00e9 qui pour son bien comme pour son mal l'\u00e9carte de l'existence vulgaire et fait de lui une sorte de demi-dieu (ou quart de dieu) vivant sur un plan auquel les quelconques mortels, prisonniers de leurs normes, ne sauraient acc\u00e9der. Assur\u00e9ment, ma pr\u00e9somption \u00e9tait grande car c'est, en somme, aux pr\u00e9rogatives du g\u00e9nie que j'aspirais et \u00e0 un destin hors s\u00e9rie \u00e0 quoi ne ressemble gu\u00e8re mon existence, des plus confortables et r\u00e9guli\u00e8res malgr\u00e9 l'insatisfaction dont je me plains. Et c'est peut-\u00eatre \u00e0 mesure que j'ai senti combien cette vie \u00e9tait loin de l'incandescence, que je me suis attach\u00e9 \u00e0 exercer dignement mon m\u00e9tier d'\u00e9crivain, m'imposant des r\u00e8gles comme si, puisque aucune flamme ne me d\u00e9vorait, il fallait que dans ma ligne sans magie je sois du moins quelqu'un de correct et, si possible, au-dessus de tout reproche. Traiter le langage avec autant de d\u00e9f\u00e9rence que s'il \u00e9tait d'essence divine (ce qui malgr\u00e9 la noblesse de la formulation revenait \u00e0 substituer au feu sacr\u00e9 du po\u00e8te une stricte conscience professionnelle), me situer politiquement \u00ab \u00e0 gauche \u00bb (dernier et p\u00e2le avatar de ma croyance en l'impossibilit\u00e9 d'\u00eatre \u00e0 la fois po\u00e8te et respectueux de l'ordre \u00e9tabli), telles furent essentiellement ces r\u00e8gles dont m\u00eame celle qui touche \u00e0 la politique reste bien platonique puisque, sans y manquer, je pouvais n'avoir aucune activit\u00e9 proprement militante et me borner \u00e0 d'honn\u00eates prises de position (au besoin par la seule voie de la signature appos\u00e9e au bas de manifestes ou de p\u00e9titions). Avec cette r\u00e8gle-l\u00e0, r\u00e8gle de _fond_ alors que mes tabous visaient plut\u00f4t des fautes de _forme,_ je n'\u00e9chappais \u00e0 la n\u00e9gativit\u00e9 de ceux-ci que par un semblant d'engagement. Ne pas bouger plus qu'un stylite sous pr\u00e9texte de puret\u00e9, n'est-ce pas chez moi un trait constant ? Et m\u00eame si, de temps \u00e0 autre, un geste rompt mon inertie, n'est-ce pas \u00e0 cela que j'en reviens toujours : se replier sur soi, mettre son point d'honneur \u00e0 ne pas se laisser entamer, chercher son Bien dans le refus des compromissions, parce qu'en v\u00e9rit\u00e9 l'on r\u00e9pugne aux d\u00e9cisions positives et qu'on est trop prudent pour adopter l'\u00e9conomie fastueuse qui, aux erreurs accumul\u00e9es en un passif \u00e9ventuellement tr\u00e8s lourd, oppose un actif tel que les \u00e9carts et les \u00e9garements ne seront peut-\u00eatre plus rien que des errances baroques animant un trac\u00e9 autrement par trop sec.\n\nPlus d\u00e9sarm\u00e9 que n'importe qui si j'\u00e9cris dans une autre perspective, \u00e0 quelques difficult\u00e9s que je me heurte pour la r\u00e9daction de ce livre, je suis port\u00e9 par mon envie d'y r\u00e9unir en un unique compos\u00e9 ce que j'aime et ce qu'en moi je veux qu'on aime. Autant dire qu'un app\u00e2t d'ordre po\u00e9tique m'est ici tendu et que c'est lui qui m'encourage plut\u00f4t que le d\u00e9sir aust\u00e8re de boucler ma doctrine. Il est s\u00fbr qu'en me bouchant les yeux devant cette r\u00e9alit\u00e9 j'ai compliqu\u00e9 ma t\u00e2che : r\u00e9action puritaine ou perversit\u00e9 qui me dressait contre ma vraie inclination, j'ai trait\u00e9 l'amour de la po\u00e9sie comme l'un seulement de mes go\u00fbts, soit comme l'une des donn\u00e9es d'un probl\u00e8me qui serait autre chose que celui de la po\u00e9sie m\u00eame, objet d'un choix que j'ai fait bien avant de m'inqui\u00e9ter d'\u00e9tablir sa validit\u00e9. \u00c9l\u00e9ment fondamental, qui pose mainte question mais ne saurait \u00eatre _mis en question,_ et sur lequel il n'y a lieu de revenir que pour savoir ce que j'entends quand je parle d'\u00eatre un po\u00e8te, aspiration qui n'a cess\u00e9 d'\u00eatre la mienne lors m\u00eame qu'au point de vue des genres litt\u00e9raires scolairement reconnus je me suis orient\u00e9 dans une tout autre direction.\n\n _\u00c9crire des po\u00e8mes, \u00eatre un po\u00e8te._ Formule de m\u00eame nature quoique plus g\u00e9n\u00e9rale, _\u00e9crire des livres, \u00eatre un \u00e9crivain_ ne serait, \u00e0 mon gr\u00e9, qu'un pl\u00e9onasme ou une tautologie et manquerait du contenu vivant des termes qui r\u00e9sument mon ambition de jeunesse. Cela tient \u00e0 ce que l'\u00e9crivain n'est pour moi que l'auteur d'ouvrages relevant des \u00ab belles lettres \u00bb, alors que je n'ai jamais cru que le po\u00e8te pouvait \u2013 tel un facteur d'orgues ou de pianos, caract\u00e9ris\u00e9 par les objets qu'il fabrique avec art \u2013 \u00eatre seulement quelqu'un qui fait des po\u00e9sies.\n\nD'un point de vue artisanal, la po\u00e9sie peut \u00eatre regard\u00e9e comme rien de plus qu'un genre, imm\u00e9diatement d\u00e9fini par un certain mode d'\u00e9criture. \u00ab Non discursive \u00bb (autrement dit, donnant \u00e0 la saisie globale ou \u00e0 la cr\u00e9ation le pas sur l'analyse), elle se situe loin des utilit\u00e9s communes et cet \u00e9cart est marqu\u00e9 d\u00e8s l'abord par le fait qu'au lieu d'y jouer le r\u00f4le de simple moyen de transcrire, le langage y appara\u00eet \u00e9trangement _distanci\u00e9 :_ par les moyens classiques que sont la soumission \u00e0 une prosodie et l'emploi d'un vocabulaire choisi, par l'injection d'images \u00e0 fortes doses (ce en quoi les romantiques et leurs successeurs sont pass\u00e9s ma\u00eetres), par l'invention d'une rh\u00e9torique radicalement neuve ou, \u00e0 l'opposite, gr\u00e2ce \u00e0 la transparence inou\u00efe que peut atteindre celui qui a foi en la rh\u00e9torique traditionnelle au point de l'appliquer avec des scrupules presque aberrants (ainsi Raymond Roussel, chez qui l'effort stylistique se r\u00e9duit \u00e0 un souci quasi maniaque de limpidit\u00e9 et d'usage impeccable de la langue fran\u00e7aise). Mais il para\u00eet impossible qu'\u00e0 moins d'\u00eatre un pitoyable simulacre une pareille distanciation soit op\u00e9r\u00e9e par quelqu'un que nul tourment, nulle ironie ou autre marque d'un d\u00e9saccord profond ne mettrait lui-m\u00eame _\u00e0 distance_ de la vie courante, model\u00e9e par les id\u00e9es re\u00e7ues. Vouloir \u00eatre un po\u00e8te, ce n'est donc pas seulement vouloir trouver dans le langage autre chose que ce qu'y trouvent la plupart, c'est vouloir cette vie troubl\u00e9e et divis\u00e9e qui seule permet la po\u00e9sie, qu'\u00e0 d\u00e9faut d'un tel destin l'on s'\u00e9puiserait en vain \u00e0 essayer de coucher par \u00e9crit. Il s'agit l\u00e0, certes, d'une pouss\u00e9e irr\u00e9fl\u00e9chie, peu coh\u00e9rente, et non d'un choix solidement assis. M\u00eame \u00e0 l'\u00e9poque o\u00f9 je pensais que le malheur \u00e9tait mon lot et mon signe d'\u00e9lection, c'est au salut beaucoup plus qu'au martyre que j'\u00e9tais candidat, puisque je comptais que ce malheur, coul\u00e9 dans le moule du lyrisme, perdrait une part au moins de sa nocivit\u00e9 en \u00e9tant ainsi transfigur\u00e9. Et si, pour atteindre mes fins, je me sentais pr\u00eat \u00e0 braver les traverses du sort et les extr\u00e9mit\u00e9s d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9es, j'ignorais que de pareils coups, lorsqu'ils adviennent, n'ont pas grand-chose de commun avec l'image tout id\u00e9ale qu'on a pu s'en former. Exp\u00e9rience et r\u00e9flexion \u00e9tal\u00e9es sur bien des ann\u00e9es m'ont \u00e9t\u00e9 n\u00e9cessaires pour d\u00e9couvrir, par exemple, que Rimbaud n'a pas v\u00e9cu l'aventure qui nous exalte : ce qu'il a v\u00e9cu _pour lui_ (et non selon l'id\u00e9e que s'en feraient ult\u00e9rieurement les autres), c'est tout simplement une vie de chien, comme en t\u00e9moignent les plaintes contenues dans ses lettres d'\u00c9thiopie. De m\u00eame, ce que j'ai pu croire de Nerval trouvant sa solution dans une sorte de folie volontaire \u2013 fusion de la vie et du r\u00eave \u2013 m'appara\u00eet aujourd'hui pu\u00e9ril : quelles affres ont d\u00fb \u00eatre les siennes quand, homme qui vivait de sa plume, il \u00e9tait emp\u00each\u00e9 de travailler par ses crises et, durant les r\u00e9pits qu'elles lui laissaient, en faisait le r\u00e9cit ou exploitait les mat\u00e9riaux fournis par son d\u00e9lire, \u00e0 la fois pour essayer de s'en sortir et pour produire la copie qui \u00e9tait son gagne-pain !\n\n _\u00catre un po\u00e8te._ Si celui qui tient \u00e0 \u00eatre tel sans usurper doit _vivre po\u00e9tiquement_ et rejeter l'esprit bourgeois \u2013 routinier, et prosa\u00efque par l\u00e0 m\u00eame \u2013 cette rupture plus ou moins manifeste et plus ou moins radicale peut rev\u00eatir bien des aspects dont la vie de boh\u00e8me, avec son d\u00e9cousu, n'est qu'un \u00e9chantillon entre autres et trop class\u00e9, de nos jours, pour n'\u00eatre pas suspect quoique, pouss\u00e9e \u00e0 fond, elle puisse toucher \u00e0 l'h\u00e9ro\u00efsme. \u00catre une porte ouverte aux r\u00eaves (petits drames que la nuit nous fait jouer dans sa langue) et aux \u00e9v\u00e9nements po\u00e9tiques (ceux qui, souvent tr\u00e8s minces, ont le privil\u00e8ge de faire image bien qu'ils ne soient l'image de rien autre qu'eux-m\u00eames), avoir une existence assez intense et assez singuli\u00e8re pour qu'elle pr\u00eate \u00e0 la l\u00e9gende (forme profane du mythe), par la voie de la r\u00e9volte positive ou par celle de la libert\u00e9 passionnelle s'engager dans le sens humain o\u00f9 va la po\u00e9sie comme moyen de s'arracher de l'orni\u00e8re, ce sont l\u00e0 des mani\u00e8res diff\u00e9rentes mais \u00e9galement valables de \u00ab vivre po\u00e9tiquement \u00bb. Ou plut\u00f4t _ce seraient,_ car la grande extension de cet \u00e9ventail de possibilit\u00e9s montre l'inanit\u00e9 d'un mot d'ordre si vague qu'il n'y a gu\u00e8re de fa\u00e7ons d'\u00eatre ou de faire tant soit peu \u00e9loign\u00e9es des normes qu'on ne puisse regarder comme lui r\u00e9pondant, \u00e0 l'un ou \u00e0 l'autre de ces niveaux : sentiment imm\u00e9diat, prise de vue panoramique, projection dans l'intellect. Autrement dit : en tant que po\u00e9sie vivante, en tant que th\u00e8mes \u00e9ventuels d'histoires empreintes d'un certain merveilleux, en tant qu'actions dont la convergence avec la po\u00e9sie sera reconnue gr\u00e2ce \u00e0 une sorte de calcul des trajectoires. Ou bien : au pr\u00e9sent de l'exp\u00e9rience v\u00e9cue, au pass\u00e9 du r\u00e9cit, au futur du grand dessein de changer le monde actuel en monde plus a\u00e9r\u00e9 (transmutation qui comme telle est po\u00e9tique malgr\u00e9 le prosa\u00efsme de la plupart des actes n\u00e9cessaires \u00e0 ce bouleversement). Soit encore : \u00e0 la premi\u00e8re personne de l'int\u00e9ress\u00e9, \u00e0 la seconde de ses rapports avec les autres (dont ceux qui, plus tard, sympathiseront peut-\u00eatre avec son personnage), \u00e0 la troisi\u00e8me du bilan d'o\u00f9 ressortirait le sens ultime et la port\u00e9e de ce qu'il a fait ou \u00e9crit. Enfin, comptant par quatre et non par trois pour d\u00e9ployer l'\u00e9ventail : \u00e0 l'indicatif de ce qui advient, au subjonctif des gestes r\u00e9verb\u00e9r\u00e9s dans une m\u00e9moire \u00e9trang\u00e8re, \u00e0 l'imp\u00e9ratif de l'emprise qu'on br\u00fble d'exercer (qu'il s'agisse d'\u00e9mouvoir dans l'amour ou de mouvoir par l'action politique), au conditionnel du jugement ult\u00e9rieur qui seul peut dire si l'ensemble d'une vie a r\u00e9ellement aid\u00e9 \u00e0 desserrer nos entraves. Consigne, donc, que l'on peut prendre en des acceptions trop diverses pour qu'il ne faille pas la pr\u00e9ciser (\u00e0 moins d'admettre que le vrai po\u00e8te, sorte d'athl\u00e8te complet, doit briller sur tous ces tableaux). Mais, en un pareil domaine, n'est-il pas absurde de chercher quel pourrait \u00eatre le mot d'ordre ? Tirer des plans pour une chasse \u00e0 la po\u00e9sie serait nier sa nature de chose hors s\u00e9rie qui cesserait d'\u00eatre telle si son atteinte, au lieu de survenir (par-del\u00e0 heur ou malheur) comme une chance insigne, \u00e9tait un gain obtenu gr\u00e2ce \u00e0 l'application d'une strat\u00e9gie appropri\u00e9e. D\u00e9cider de vivre po\u00e9tiquement (comme on peut choisir de vivre en d\u00e9bauch\u00e9 ou en casse-cou plut\u00f4t qu'en p\u00e8re de famille) est, tout bien pes\u00e9, un non-sens et, dans la pratique, entra\u00eene presque in\u00e9vitablement \u00e0 de pauvres singeries : jouer les r\u00eaveurs soustraits au cours quotidien des choses ou les Hamlet balanc\u00e9s entre raison et folie, donner le coup de pouce qui transforme en miracle un fait relativement banal, soigner sa l\u00e9gende, professer la haine ou le m\u00e9pris de l'ordre bourgeois alors qu'on s'en accommode, flirter avec la r\u00e9volution (en esquivant l'engagement total qui am\u00e8nerait pr\u00e9cis\u00e9ment \u00e0 rel\u00e9guer la po\u00e9sie au second plan), travestir des amours ti\u00e8des ou vulgaires en passion assez haute pour avoir tous les droits, se conduire en monstre sacr\u00e9 mais s'attacher surtout (semblerait-il) \u00e0 \u00eatre un emmerdeur pour ses proches.\n\n _\u00c9crire des po\u00e8mes, \u00eatre un po\u00e8te,_ telle fut en fait mon ambition de jeunesse. Pas question, en ce temps, d'essayer de d\u00e9terminer ce que c'est que _vivre po\u00e9tiquement._ Tout \u00e9tait contenu dans mon d\u00e9sir d'\u00e9crire des po\u00e8mes capables d'\u00eatre confront\u00e9s avec ceux que j'aimais. Comme la fabrication de l'or pour le philosophe herm\u00e9tiste (qui y voyait plut\u00f4t qu'une r\u00e9ussite de laboratoire l'accomplissement de l'\u0153uvre de perfection), faire de tels po\u00e8mes m'aurait prouv\u00e9 que charg\u00e9 d'un secret d\u00e9bordant toute esth\u00e9tique et toute morale j'\u00e9tais dans la ligne juste, \u00e9tat de gr\u00e2ce aussi peu d\u00e9finissable et, \u00e0 plus forte raison, codifiable que celui de saintet\u00e9. Dans le surr\u00e9alisme, ce qui m'attira d'embl\u00e9e, et que je n'ai jamais reni\u00e9 (m\u00eame si j'ai rejet\u00e9 litt\u00e9rairement l'abandon \u00e0 l'automatisme et me d\u00e9fie de plus en plus d'un merveilleux trop ais\u00e9ment tritur\u00e9), c'est la volont\u00e9 qui s'y manifestait de trouver dans la po\u00e9sie un syst\u00e8me total : sous une forme propre \u00e0 nourrir l'imagination, le beau, le bien, le vrai, rebrass\u00e9s dans l'irrespect des id\u00e9es re\u00e7ues et d\u00e9coiff\u00e9s des majuscules qui les posent en grands principes fig\u00e9s. Totalit\u00e9, certes, que je persiste \u00e0 poursuivre, mais en m'y prenant au plus mal. Tenter d'exposer en clair la v\u00e9rit\u00e9 po\u00e9tique, c'est chercher \u00e0 circonscrire la po\u00e9sie par les moyens du discours, \u00e9num\u00e9rer ses aspects sous pr\u00e9texte de la mieux saisir et, en fait, la laisser \u00e9chapper, puisqu'elle est par essence de l'ordre du tout ou rien et ne peut donc \u00e9videmment pas se d\u00e9biter au d\u00e9tail. Lors m\u00eame que j'arriverais ainsi \u00e0 tenir une po\u00e9tique et une morale, je n'aurais pas gagn\u00e9 la partie. Je vise un but pratique et ce qu'il me faudrait c'est \u2013 chose \u00e9trang\u00e8re \u00e0 toute th\u00e9orie \u2013 me sentir plant\u00e9 en pleine po\u00e9sie. Sur le plan de l'intelligence et sur celui de la conduite, cela implique (sans qu'il y ait \u00e0 le d\u00e9montrer) que pour le moins on est exempt, par nature et sans m\u00eame y songer, des prosa\u00efsmes que sont balourdise et mesquinerie. Or, n'est-ce pas balourdise que de me faire discoureur et raisonneur pour essayer de rejoindre la po\u00e9sie alors que ce tour d'esprit, qui m'assomme tout le premier, ne peut que m'en \u00e9loigner ? Et n'est-ce pas mesquinerie que d'avoir substitu\u00e9 \u00e0 une m\u00e9thode vivante une barri\u00e8re de tabous derri\u00e8re laquelle, n\u00e9gativement, il m'est loisible de me retrancher : ne pas duper en litt\u00e9rature (moyen de n'avoir rien \u00e0 inventer et d'opposer \u00e0 la critique l'alibi de l'authenticit\u00e9), ne pas mentir dans le domaine de l'amour (argument pour le renoncement \u00e0 des amours illicites), ne pas \u00eatre un bourgeois conservateur (loi minimale qui permet de se rabattre sur le \u00ab progressisme \u00bb si l'on sait que l'on n'a pas l'\u00e9toffe d'un r\u00e9volutionnaire).\n\nQu'un syst\u00e8me ingrat d'interdits ait repr\u00e9sent\u00e9 cette morale que devait me dicter ma profession, j'ai cherch\u00e9 \u00e0 m'en justifier en me disant qu'on ne pouvait, pour \u00e9tablir une morale li\u00e9e \u00e0 la po\u00e9sie, proc\u00e9der que par n\u00e9gation. Jouant sur ce mot qui me s\u00e9duisait (non par sa musique assez pauvre mais \u00e0 cause de l'irr\u00e9ductibilit\u00e9 presque muette qu'il \u00e9voque), je notais que la n\u00e9gation va de pair avec la poursuite de la po\u00e9sie, puisque celle-ci vise \u00e0 rompre \u2013 soit \u00e0 nier \u2013 des limites. C'\u00e9tait l\u00e0, certes, tirer beaucoup sur les ficelles du langage pour donner une valeur positive \u00e0 ce qui, en v\u00e9rit\u00e9, n'\u00e9chappait pas \u00e0 sa neutralit\u00e9 de n\u00e9gation. Mais, outil trop abstrait pour ne pas \u00eatre \u00e0 tous usages, ce mot nu et nul qui m'aspirait comme un vide se pr\u00eatait parall\u00e8lement \u00e0 un plaidoyer moins truqueur : frapper d'interdit (biffer ou nier) un petit nombre de choses que la d\u00e9marche po\u00e9tique semble exclure \u00e0 priori, c'est, en indiquant ce qu'elle _n'est pas_ au lieu de l'enserrer dans une d\u00e9finition, l'assujettir \u00e0 la moindre limite et, avec cette minime restriction qui la prot\u00e8ge plut\u00f4t qu'elle ne l'entrave, lui donner pratiquement carte blanche. Toutefois, je ne voyais pas que ces interdits \u2013 s\u00e9v\u00e8res mais qui, en apparence, laissent un large champ \u2013 p\u00e8chent par exc\u00e8s bien plus que par d\u00e9faut, pour peu qu'on les applique sans rien \u00e9luder de ce qu'ils entra\u00eenent : ne pas tromper (consigne qui, observ\u00e9e scrupuleusement par l'auteur de confessions, l'am\u00e8nerait \u00e0 proscrire jusqu'au plus mince artifice de pr\u00e9sentation ou de style), ne s'exprimer que de la fa\u00e7on la plus exacte, et par cons\u00e9quent la plus plate en m\u00eame temps que la plus indigeste, \u00e9viter les diversions, se garder de s'aventurer sur des terrains dont on n'a pas une connaissance parfaite, s'abstenir de toute intrusion indiscr\u00e8te, n'employer ni termes trop techniques ni locutions trop d\u00e9lur\u00e9es, se refuser tout abandon et toute faiblesse, c'est pratiquement renoncer aux libert\u00e9s, aux \u00e9lans et aux sauts dans l'ignor\u00e9 qui font l'\u0153uvre litt\u00e9raire, voire m\u00eame se vouer \u00e0 la n\u00e9gativit\u00e9 de l'absolu silence. Sans renier des tabous que je crois critiquables dans la lettre mais non pas dans l'esprit et qui me semblent, pour le moins, aussi fortement enracin\u00e9s en moi que le go\u00fbt tr\u00e8s oppos\u00e9 qui m'attache \u00e0 l'\u00e9loquence baroque, je mesure combien il serait d\u00e9raisonnable de les \u00e9riger en syst\u00e8me et ha\u00efssable \u2013 comme l'est n'importe quel puritanisme \u2013 de vouloir s'y conformer avec une rigueur bigote. Ces tabous, ou r\u00e8gles qui me sont apparues au cours de ce travail comme celles dont je ne devrais pas m'\u00e9carter sous peine d'alt\u00e9rer la signification de celui-ci, il me semble les appr\u00e9cier \u00e0 leur juste valeur si je les tiens, \u00e9go\u00efstement, pour les moyens aujourd'hui les plus s\u00fbrs de tirer mon \u00e9pingle du jeu en exploitant au mieux mes possibilit\u00e9s et si j'estime, sous un angle plus large, qu'\u00e0 d\u00e9faut de constituer les fondements d'un art po\u00e9tique ils repr\u00e9sentent, du moins, quelque chose comme le gros \u0153uvre d'un _art de l'autobiographie._ Mais remettre ainsi les choses en place, n'est-ce pas constater qu'apr\u00e8s de si nombreuses ann\u00e9es pass\u00e9es \u00e0 m'ausculter et \u00e0 me raconter je suis parvenu tout au plus \u00e0 indiquer les r\u00e8gles \u00e9l\u00e9mentaires qu'il faut s'efforcer de ne pas enfreindre quand on s'adonne \u00e0 une entreprise de cette esp\u00e8ce ? Au bout de l'entreprise, je d\u00e9couvre les r\u00e8gles m\u00eames qui doivent pr\u00e9sider \u00e0 sa conduite et, loin d'avoir \u00e9t\u00e9 rompu, le cercle reste donc boucl\u00e9. Sauf changement que je n'esp\u00e8re plus gu\u00e8re, si mon existence peut se trouver finalement justifi\u00e9e, ce sera dans un domaine dont, \u00e0 l'origine, je ne consentais pas \u00e0 ce qu'il f\u00fbt le mien, celui de la litt\u00e9rature au sens le plus \u00e9troit : apr\u00e8s avoir voulu \u00eatre un po\u00e8te (r\u00eavant de vivre comme une sorte de h\u00e9ros mythologique), je serai devenu l'auteur d'honn\u00eates essais autobiographiques qui feront peut-\u00eatre figure de d\u00e9fense et illustration de ce genre litt\u00e9raire. A moins d'admettre que (comme je l'ai souvent pens\u00e9) le dernier mot de toute morale professionnelle est _faire ce que je suis seul \u00e0 pouvoir faire,_ principe aussi peu excitant que celui de l'utilisation des comp\u00e9tences, la sage mise eh place que j'effectue ici n'est rien autre qu'un constat de d\u00e9faite.\n\nIl \u00e9tait, d'ailleurs, cocasse de me faire conjointement rh\u00e9toriqueur et moraliste, de m'user \u00e0 des finasseries sans fin sur le lexique et la grammaire tout en me rassemblant pour tailler, de quelques coups de ciseaux, l'\u00e9thique qui m'irait comme un gant. Bricolage st\u00e9rile, dont ne m'auront d\u00e9tourn\u00e9 ni mon d\u00e9sir de clairvoyance ni le programme que r\u00e9sumaient ces quelques mots, not\u00e9s sans doute quand je commen\u00e7ai \u00e0 comprendre qu'il vaudrait mieux en rabattre de mes pr\u00e9tentions : _Ne pas produire un beau mensonge, mais une v\u00e9rit\u00e9 qui serait aussi belle que le plus beau mensonge._ T\u00e2cher d'atteindre par l'\u00e9criture \u00e0 quelque chose de vrai qui comblerait autant qu'une prestigieuse fiction, j'aurais pu d\u00e9cider que telle serait ma r\u00e8gle, au lieu de persister dans ma qu\u00eate utopique. Mais, bien que l'ambition rest\u00e2t haute, m'en tenir \u00e0 cette formule e\u00fbt \u00e9t\u00e9 restreindre par trop ma perspective, me contenter de l'authenticit\u00e9 (voire de la simple v\u00e9racit\u00e9 anecdotique) en guise de v\u00e9rit\u00e9 et, si mon code moral se r\u00e9duisait \u00e0 cette seule exigence, jeter la cargaison par-dessus bord sous pr\u00e9texte de me d\u00e9lester. Pourtant cette note, indication rapide d'une possibilit\u00e9 de trouver mon Bien dans la litt\u00e9rature m\u00eame, \u00e9tait un rappel \u00e0 l'ordre qui aurait d\u00fb m'emp\u00eacher de perdre de vue que dans cet art-l\u00e0 comme dans les autres arts, quel que soit le but poursuivi, rien de souverain ne saurait exister qui n'ait \u00e9t\u00e9 fait, je ne dirai pas \u00ab en se jouant \u00bb ni m\u00eame \u00ab en jouant \u00bb, mais du moins sans ennui. Non que l'ennui, \u00e9tat de manque d'o\u00f9 peut jaillir l'\u00e9tincelle et th\u00e8me fr\u00e9quent de la r\u00eaverie po\u00e9tique, soit un terrain trop pauvre, mais parce qu'une \u0153uvre (douce ou violente, grave ou l\u00e9g\u00e8re) sera une f\u00eate bien morose si son ordonnateur se morfond quand il est au travail. Or, dans la d\u00e9route que j'essaie d'endiguer, faisant fl\u00e8che de tout bois et cherchant parmi les r\u00e9flexions que j'ai accumul\u00e9es celle qui tiendrait assez \u00e0 l'examen pour m'offrir une issue, le fait est que je m'ennuie. Et cela suffit \u00e0 me montrer combien, m'\u00e9garant dans le labyrinthe d'un expos\u00e9 trop h\u00e9sitant et laborieux, je me suis \u00e9cart\u00e9 de la beaut\u00e9 sans parvenir, c\u00f4t\u00e9 v\u00e9rit\u00e9, \u00e0 beaucoup plus qu'\u00e0 ce succ\u00e8s n\u00e9gatif : rejeter quelques id\u00e9es fausses \u00e9tourdiment accept\u00e9es en cours de route.\n\nUn pessimisme boudeur, mu\u00e9 souvent en une euphorie de d\u00e9sabus\u00e9 mollement assis, a remplac\u00e9 le pessimisme plus \u00e2pre dans lequel, jadis, il me semblait \u00e9ternellement me d\u00e9battre. Je crois pourtant que je n'ai pas gagn\u00e9 au change, car ce pessimisme de jeunesse, dont les sombres mais riches couleurs se pr\u00eataient \u00e0 la composition de toute une imagerie, m'animait plut\u00f4t qu'il ne me paralysait. Ins\u00e9parable du d\u00e9sir d'\u00eatre po\u00e8te, c'\u00e9tait (si l'on peut dire) un pessimisme chantant ou qui du moins cherchait \u00e0 se chanter, alors que celui de maintenant, dilu\u00e9 dans l'embourgeoisement et affadi par l'usage presque constant d'une drogue tranquillisante, ne peut pas se transfigurer mais est comme un mal organique qu'on \u00e9dulcore gr\u00e2ce \u00e0 des palliatifs. Dilution, dissolution, dispersion telle que mon pessimisme ancien, quand je veux le d\u00e9crire, \u00e9chappe \u00e0 ma saisie comme si j'\u00e9tais envelopp\u00e9 d'une brume plus difficile encore \u00e0 percer que l'\u00e9paisseur du temps et comme si mon souhait m\u00eame de faire revivre le pass\u00e9 se fondait en brouillard. Pourtant, \u00e0 la faveur d'un sommeil hant\u00e9 par le travail d\u00e9cevant de toute une soir\u00e9e, il m'a sembl\u00e9 l'une de ces derni\u00e8res nuits que le contact \u00e9tait renou\u00e9. D\u00e9gag\u00e9 momentan\u00e9ment, l'horizon s'est \u00e0 nouveau bouch\u00e9, mais l'image dont je fus obs\u00e9d\u00e9 une partie de cette nuit-l\u00e0 survit \u00e0 ma d\u00e9sillusion et je pense que, malgr\u00e9 son d\u00e9faut apparent de signification, elle parle mieux que les phrases tour \u00e0 tour essay\u00e9es avant le coucher sans gloire auquel, de guerre lasse, je m'\u00e9tais r\u00e9sign\u00e9.\n\nJeunes tous deux, un homme et une femme m'apparaissaient debout et vus de l\u00e9g\u00e8rement en dessous, ce qui me rappelait la fa\u00e7on dont sont montr\u00e9s les personnages dans les gros plans de l'une des \u0153uvres les plus notoires du cin\u00e9ma muet, la _Jeanne d'Arc_ de Dreyer. Face \u00e0 face, et si proches l'un de l'autre qu'ils auraient pu se toucher rien qu'en tendant un peu les bras, ils me semblaient fig\u00e9s dans une path\u00e9tique immobilit\u00e9 alors qu'en v\u00e9rit\u00e9, mus par une impulsion qui leur \u00e9tait \u00e9trang\u00e8re, ils tournaient rapidement sur eux-m\u00eames, avec une tendance \u00e0 monter comme s'ils avaient \u00e9t\u00e9 propuls\u00e9s par un mouvement d'h\u00e9lice dont, finalement, nul essor ne f\u00fbt r\u00e9sult\u00e9. La sc\u00e8ne \u2013 ou plut\u00f4t le tableau, car sauf ce tournoiement il ne se passait rien \u2013 \u00e9tait si peu localis\u00e9e que c'est seulement quand je m'attache \u00e0 la revoir sans n\u00e9gliger aucun d\u00e9tail que je situe ces deux \u00eatres soit dans un lieu clos et vide, soit dans un espace conventionnellement limit\u00e9 (le rectangle que d\u00e9termine le cadre d'une peinture ou, autre rectangle, un \u00e9cran cin\u00e9matographique). De l'homme, conform\u00e9ment \u00e0 la logique, je n'ai gu\u00e8re retenu que l'obscur tourbillon engendr\u00e9 par sa rotation. Mais, par contre, je puis tracer de la femme un portrait approximatif, certainement parce que c'est sur elle que mon int\u00e9r\u00eat se portait et qu'ensuite l'envie ne m'a pas l\u00e2ch\u00e9 de retrouver cette figure dont, en principe, les traits auraient d\u00fb \u00eatre brouill\u00e9s par la rapidit\u00e9 de sa giration. Telle une robe de sainte dans un chromo au coloriage d\u00e9riv\u00e9 d'une symbolique simpliste, un long v\u00eatement d'un rouge \u00e9teint l'enveloppait et je ne doute pas que ce rougeoiement concr\u00e9tisait les \u00ab sombres mais riches couleurs \u00bb auxquelles, pour caract\u00e9riser mon pessimisme d'autrefois, j'ai fait allusion de mauvais gr\u00e9 (car j'enrageais de ne pouvoir aller au-del\u00e0 de cette \u00e9vocation trop vague). Son corps gracieux, mais non gracile, \u00e9tait robuste et charnu. Derri\u00e8re sa nuque des cheveux noirs et assez lisses se rassemblaient, et son visage \u2013 un beau et grave visage plein et p\u00e2le pr\u00e9sent\u00e9 de profil \u2013 regardait vers le haut. A mesure que je la reconstruis, ravivant et combinant de brefs instantan\u00e9s faits et refaits dans le sommeil ou le demi-sommeil, cette figure mi-tragique mi-voluptueuse de martyre ou d'amante devient celle d'une fille des mers du Sud en pagne ou en sari et, pour achever de la pr\u00e9ciser, j'en appellerais volontiers \u00e0 une image glan\u00e9e elle aussi dans le monde \u00e0 la fois sensible et impalpable que propose le cin\u00e9ma : la grande insulaire basan\u00e9e incarn\u00e9e, je crois, par une artiste arabe dans le film _Un paria des \u00eeles,_ tir\u00e9 du roman de Conrad et projet\u00e9 \u00e0 Paris peu apr\u00e8s la derni\u00e8re guerre mondiale.\n\nLa note rouge qui dominait dans cette vision, o\u00f9 une tension ind\u00e9pendante de toute intrigue exprimait l'amour et la mort, il faudrait qu'elle m'envahisse comme un vin. Mais qu'y puis-je ? D\u00e9j\u00e0 cette teinte, dont l'\u00e9clat amorti n'en soulignait que mieux la croupe saillante et l'\u00e9chine creus\u00e9e qu'elle enrobait, s'est refroidie au lieu de s'exalter depuis que, mettant trop d'industrie \u00e0 la sortir de sa nuit pour l'agr\u00e9ger \u00e0 mon paysage int\u00e9rieur, je l'ai pos\u00e9e \u00e0 c\u00f4t\u00e9 d'autres rouges tant\u00f4t profonds, tant\u00f4t us\u00e9s ou d\u00e9lav\u00e9s que je garde en m\u00e9moire : la couleur du lambrusco, vin p\u00e9tillant dont j'adore le go\u00fbt de feuille morte et que je ne puis s\u00e9parer de la plus importante des villes o\u00f9 j'en ai bu, la vieille et vivante Bologne o\u00f9 les luttes entre factions se sont apais\u00e9es mais dont les maisons d'un rouge fan\u00e9 et les rues \u00e0 arcades, apr\u00e8s l'\u00e9bullition du jour, deviennent la nuit sourdes et muettes \u00e0 croire que seul y veille le spadassin cach\u00e9 dans l'un des alv\u00e9oles que va d\u00e9masquer votre marche ; les tons chauds mais rompus et att\u00e9nu\u00e9s des ruines de thermes ou autres constructions d'\u00e9poque romaine en briques cuites et recuites par le soleil ; le rev\u00eatement sang-de-b\u0153uf des murs qui, au centre de P\u00e9kin, n'ont pas cess\u00e9 d'entourer l'ancienne Cit\u00e9 imp\u00e9riale ; la d\u00e9coration pompeuse de tant de salles o\u00f9, voyant repr\u00e9senter des op\u00e9ras, je me gavais d'une triste pl\u00e9nitude \u00e0 quoi mon pessimisme pas m\u00eame noir mais gris fum\u00e9e d'aujourd'hui n'est plus capable d'atteindre, sauf par raccroc et si je me force un peu.\n\nUn rubis aux feux morts, qui n'existe m\u00eame pas dans la semi-r\u00e9alit\u00e9 du songe mais seulement sur le papier o\u00f9 mon \u00e9criture se convulse sans parvenir \u00e0 se faire autre chose qu'\u00e9criture, voil\u00e0 ce que j'ai obtenu en confrontant le rouge du sari, du pagne ou de la robe avec ces souvenirs de touriste ou de dilettante. Et je n'arrive \u00e0 rien de plus si j'en appelle, sans changer de r\u00e9gion du spectre, \u00e0 d'autres souvenirs moins entach\u00e9s d'esth\u00e9tisme : la vue proche, \u00e0 quoi s'ajoutera vertigineusement le toucher, du brun tirant plus ou moins sur le grenat que pr\u00e9sentent, chez certaines, les deux minimes et pr\u00e9cieuses parcelles du corps f\u00e9minin que sont les mamelons augment\u00e9s de leurs ar\u00e9oles ; pointant \u00e0 distance de promesse ou de regret, la flamme presque orang\u00e9e et d'une succulence fruit\u00e9e que, dans les parages de grandes installations p\u00e9troli\u00e8res, j'ai souvent regard\u00e9e palpiter, avec une sensation aigu\u00eb d'avidit\u00e9 et de d\u00e9tresse comme si l'image m\u00eame de la vie m'\u00e9tait soudain offerte en un condens\u00e9 aussit\u00f4t d\u00e9chiffrable.\n\nToutefois, cette couleur ext\u00e9nu\u00e9e n'en a pas moins un sens, que de nouveaux termes de comparaison aideront peut-\u00eatre \u00e0 pr\u00e9ciser : les nuances de l'automne et des couchers de soleil, dont la somptuosit\u00e9 et la m\u00e9lancolie sont trop connues pour qu'il y ait lieu d'y insister ; sise tr\u00e8s loin dans ma jeunesse et, semble-t-il, vers le point o\u00f9 la rue La Fontaine rejoint l'avenue Mozart, la maison d'angle assez vieille et assez basse, ni h\u00f4tel particulier, ni \u00ab maison de rapport \u00bb, ni boutique surmont\u00e9e d'un \u00e9tage d'habitation, et qui, apparemment d\u00e9serte, devait une part de son myst\u00e8re au rouge un peu sale ou fatigu\u00e9, touchant presque au rose, dont elle \u00e9tait peinte comme e\u00fbt pu l'\u00eatre symboliquement une boucherie ; dans le domaine de la musique, les grondements de cuivres tr\u00e8s graves et l\u00e9g\u00e8rement r\u00e2peux qui, depuis le romantisme, se font entendre parfois dans le soubassement orchestral des op\u00e9ras et semblent exprimer une lourde menace (quelque chose de puissant qui ne fait encore que couver mais qui se d\u00e9cha\u00eenera) ; dans celui de la g\u00e9ographie, les r\u00e9gions volcaniques et la chaleur torride des pays d'o\u00f9 l'on rapporte \u00ab les fi\u00e8vres \u00bb.\n\nQuand j'accumule ces rep\u00e8res, ce qui pr\u00e9vaut n'est pas le d\u00e9sir de situer dans l'\u00e9ventail sensoriel la perception imaginaire que je voudrais consolider. Proche du cramoisi, le rouge fonc\u00e9 du lambrusco r\u00e9pond assez bien \u00e0 la nuance que j'ai dite \u00ab rouge \u00e9teint \u00bb afin surtout de l'opposer \u00e0 des rouges crus et vulgaires, ceux des honneurs officiels et des livres de prix ou celui, \u00e9galement orph\u00e9onesque, du M\u00e9phisto traditionnel. Quel besoin, donc, de m'\u00e9carter du lambrusco pour trouver d'autres rouges dont plusieurs (flamme de raffinerie, par exemple, ou brique antique m\u00eame \u00e9clair\u00e9e d'un ressouvenir de rouge pomp\u00e9ien) diff\u00e8rent fortement de celui que je pr\u00e9tends fixer ? Nul doute que leur apparence compte moins que ce qu'ils recouvrent : la valeur de telle \u00e9motion pass\u00e9e, traduite par l'une des vari\u00e9t\u00e9s du rouge (ou par un \u00e9quivalent sonore) mais dont l'analogie avec la couleur du sari, elle-m\u00eame ins\u00e9parable du tableau qu'elle rehaussait, est une affaire de sentiment plut\u00f4t qu'une affaire de palette. Et comment ne pas voir que j'\u00e9tablis ces rapprochements pour ins\u00e9rer \u00e7\u00e0 et l\u00e0 certains mots ou couples de mots comme on glisse en sous-main, dans un entretien dont les d\u00e9tours donneront plus ou moins le change, la phrase qu'on n'oserait pas \u00e9mettre tout de go mais que, d\u00e8s le d\u00e9but d'une conversation entam\u00e9e pr\u00e9cis\u00e9ment pour cela, on \u00e9tait d\u00e9cid\u00e9 \u00e0 prononcer ? \u00ab Triste pl\u00e9nitude \u00bb (terme auquel font \u00e9cho \u00ab avidit\u00e9 et d\u00e9tresse \u00bb, \u00ab somptuosit\u00e9 et m\u00e9lancolie \u00bb qui ne sont que des rappels presque inchang\u00e9s de son ambiguit\u00e9), \u00ab myst\u00e8re \u00bb, \u00ab lourde menace \u00bb et, finalement r\u00e9solus en la \u00ab fi\u00e8vre \u00bb plurielle des tropiques, ces deux mots que je br\u00fblais d'\u00e9crire en \u00e9voquant les cimes \u00e9minemment sensibles du double d\u00f4me de la poitrine f\u00e9minine : \u00ab tendre br\u00fblure \u00bb \u2013 sous l'aspect faste, feux de l'amour et, sous l'aspect n\u00e9faste, cette flamme dont la saisie ne pourrait que nous r\u00e9duire en cendre \u2013 composent le message que j'extrais de mes propos, en les traitant comme le texte de convention dont la vraie teneur est r\u00e9v\u00e9l\u00e9e par la grille aux d\u00e9coupures ad\u00e9quates, qui en isole quelques menus fragments. Mais si, passant au crible ma vision au risque de tout saccager, j'avais analys\u00e9 l'ensemble de la sc\u00e8ne au lieu de n'y cueillir que ce rouge \u00e9quivoque, j'aurais lu presque le m\u00eame message, sans devoir le recomposer apr\u00e8s l'avoir \u00e9parpill\u00e9 : lourd destin de deux \u00eatres unis mais inexorablement s\u00e9par\u00e9s ; avidit\u00e9 et d\u00e9tresse qu'attestait leur mouvement et sa paradoxale fixit\u00e9 (le tournoiement de chacun autour de l'axe immuable dont il \u00e9tait prisonnier et la constante r\u00e9pression de leur mont\u00e9e le long des deux verticales) ; myst\u00e8re planant sur ces figures hautes et chagrines dont la plus visiblement \u00e9perdue atteignait \u00e0 la beaut\u00e9 pl\u00e9ni\u00e8re ; ardeur \u00e9peronnant la tendre et malchanceuse silhouette que de fines ramifications reliaient d'une part \u00e0 la vierge guerri\u00e8re br\u00fblante d'espoir et promise au b\u00fbcher, d'autre part \u00e0 cette fille des Iles en qui se r\u00e9sumaient des lointains charg\u00e9s de sensualit\u00e9, de chaleur et de fi\u00e8vre.\n\nInventoriant un r\u00eave ou m'accrochant \u00e0 l'un de ses d\u00e9tails (ce rouge dont je m'aper\u00e7ois avec un \u00e9trange retard qu'il est celui de l'un de mes pyjamas, de sorte que la nuit o\u00f9 cette couleur m'apparut j'avais, sinon sur la peau, du moins dans le meuble o\u00f9 est rang\u00e9 mon linge la r\u00e9f\u00e9rence que je suis all\u00e9 chercher si loin), j'aboutis \u00e0 des termes \u00e0 peu pr\u00e8s similaires, soit que le d\u00e9tail et l'ensemble aient, en effet, v\u00e9hicul\u00e9 ce m\u00eame message, soit que j'attache \u00e0 ces notions un tel prix que je m'arrange \u00e0 toute occasion pour les mettre en jeu ou qu'en parlant de n'importe quoi qui attisa le feu trop souvent endormi que je porte en moi je finis immanquablement par y venir, comme si elles repr\u00e9sentaient l'ultime v\u00e9rit\u00e9 dicible quant \u00e0 ces \u00e9motions faute desquelles je me sens vivre \u00e0 un niveau animal.\n\nSi, pourtant, je coupe court \u00e0 la lecture de ce r\u00eave et me reporte \u00e0 l'\u00e9poque o\u00f9 je prenais pour du pessimisme un esprit de refus qui, en fait, au lieu de me freiner, me poussait comme un aiguillon, je constate \u2013 et j'aimerais bien savoir en rire \u2013 qu'un simple mot de deux syllabes m'avait alors permis d'\u00e9tiqueter cet \u00e9tat et d'en dire au moins autant qu'avec toutes les formules dont j'ai us\u00e9 ensuite chaque fois que je me suis risqu\u00e9 \u00e0 une approche de ce qui, pour moi, est le noyau central : le mot _fureur,_ exactement accord\u00e9 \u00e0 cette nuance particuli\u00e8re de rouge que j'ai si laborieusement tent\u00e9 de d\u00e9finir. Ce mot en lequel me semblaient confluer col\u00e8re d'\u00eatre n\u00e9 s'emm\u00ealant \u00e0 une rage (ou furieux d\u00e9sir) de vivre, r\u00e9volte contre la soci\u00e9t\u00e9 (responsable de ma mise au monde et unique cercle de ce monde \u00e0 pouvoir s'entendre juger), d\u00e9lire po\u00e9tique (ou \u00ab fureur \u00bb comparable \u00e0 celle d'Oreste aux mains de ses Furies), je l'avais fait pr\u00e9valoir, en jouant un peu truqueusement sur son \u00e9lasticit\u00e9 s\u00e9mantique, comme terme propre \u00e0 d\u00e9signer ce qui devait \u00eatre, regard\u00e9 comme la source de l'esprit surr\u00e9aliste, un jour qu'au caf\u00e9 des Deux Magots (nullement chinois hormis le parrainage discret de deux grands magots de bois ou de pl\u00e2tre peint install\u00e9s sur des consoles) nous nous \u00e9tions r\u00e9unis, quelques-uns de mes compagnons et moi, en une sorte de commission charg\u00e9e de pr\u00e9ciser les rapports entre cette colonne de feu et cette colonne de nu\u00e9es qui guidaient notre marche vers une Terre Promise, surr\u00e9alisme et r\u00e9volution.\n\nMais l\u00e0-dessus mon effort se brise... Qu'est-ce que cette fureur qui marie horreur et avidit\u00e9, ressentiment et effusion, lyrisme effr\u00e9n\u00e9 et volont\u00e9 d'instaurer d'autres m\u0153urs ? M\u00eame si elle fut plus qu'un point imaginaire pris abstraitement pour pivot du tumulte de sentiments et d'id\u00e9es que je voulais rattacher \u00e0 une source unique, ce n'est pas en notant la radicale ambigu\u00eft\u00e9 de cette fureur \u2013 aujourd'hui bien atti\u00e9die et dont le rouge s'est \u00e9caill\u00e9 \u2013 que j'en p\u00e9n\u00e8tre le noyau. Le fait est l\u00e0 : il y a ces moments qui me semblent totaux et dont le dernier fut certainement celui o\u00f9, l'ivresse ayant exalt\u00e9 ma peine au lieu de l'att\u00e9nuer, je laissai ma vieille et triste furie se porter contre moi et v\u00e9cus, en un \u00e9tonnant raccourci, ce que peut infuser l'ample _aria_ chant\u00e9e par une soprano dont la gorge rythmiquement se gonfle, en proie \u00e0 de m\u00e9lodieux sanglots. J'aimais (puisque j'\u00e9tais capable d'en mourir) ; je me rebellais (rejetant avec mon existence un syst\u00e8me aux trop nombreuses entraves) ; je faisais la nique aux diverses d\u00e9gradations caus\u00e9es par le vieillissement ; d\u00e9cidant de mon destin et prenant ainsi de la hauteur, je montais d'un bond jusqu'\u00e0 ce plan d'o\u00f9 toutes choses apparaissent rassembl\u00e9es en un vaste panorama, \u00e9mouvant comme l'est toujours \u2013 dans le livre d'images de la r\u00e9alit\u00e9 commune \u2013 un grand d\u00e9cor urbain ou portuaire r\u00e9duit par la distance \u00e0 un format de ruche ou de fourmili\u00e8re : New York, o\u00f9 je passai si vite que je voulus \u00e0 tout le moins l'embrasser d'un coup d'\u0153il et me fis conduire \u00e0 l'un de ses principaux gratte-ciel par la belle walkyrie qui me pilotait ce matin-l\u00e0 ; Barcelone, d\u00e9couverte du haut du mont Tibidabo ( _Je te donnerai...,_ avait dit le Tentateur au Fils de Dieu en lui montrant toute la richesse du monde \u00e9tal\u00e9e devant eux) ; Alger, qu'on peut apercevoir se d\u00e9ployant en \u00e9ventail face \u00e0 la mer ; G\u00eanes, b\u00e2tie en amphith\u00e9\u00e2tre et dont on se rem\u00e9morera (la contemplant de l'esplanade o\u00f9 m\u00e8ne le funiculaire) l'enchev\u00eatrement d'escaliers et de rues chevauchant d'autres rues, les tunnels, les ascenseurs, les buildings, les \u00e9glises et les palais (de style baroque ou de style Monte-Carlo comme dans la via del XX Settembre, aux grandioses arcades) et tout en bas l'effectif \u00ab bas quartier \u00bb o\u00f9 la troublante mention _off limits,_ appos\u00e9e \u00e7\u00e0 et l\u00e0 lors de l'occupation am\u00e9ricaine, alternait avec les Madones en pierre sculpt\u00e9e sanctifiant des angles de rues ; le port de Copenhague quand on mange au dernier \u00e9tage de l'H\u00f4tel Kodan (comme je l'ai fait un soir, pendant l'ultime escale de mon retour de Chine) ; plus r\u00e9cemment Tokyo, dont je n'oublierai pas la vue tr\u00e8s partielle mais immense que j'en avais de notre chambre d'o\u00f9 le regard, n\u00e9gligeant les hautes b\u00e2tisses qui bordaient le paysage du c\u00f4t\u00e9 gauche, tombait sur un jardin public autrefois compris dans la Cit\u00e9 imp\u00e9riale puis, apr\u00e8s avoir franchi en se d\u00e9pla\u00e7ant vers la droite une large avenue rectiligne qui filait jusqu'\u00e0 la tour de Tokyo (plus gr\u00eale que la tour Eiffel, et dont il est difficile d'imaginer qu'elle la d\u00e9passe de quelque dix m\u00e8tres), une spacieuse avenue dont la circulation intense nous semblait \u00e9trangement silencieuse gr\u00e2ce \u00e0 l'isolement cr\u00e9\u00e9 par la double fen\u00eatre de la pi\u00e8ce air-conditionn\u00e9e o\u00f9 la norme \u00e9tait que l'on v\u00e9c\u00fbt en vase clos, sur l'un des b\u00e2timents de garde du palais (\u00e0 toit aux quatre ar\u00eates relev\u00e9es \u00e0 leurs extr\u00e9mit\u00e9s) dominant la muraille de pierres s\u00e8ches dispos\u00e9es selon ce qu'en arch\u00e9ologie grecque on nommerait, je crois, \u00ab appareil p\u00e9lasgique \u00bb, cet assemblage de blocs noir\u00e2tres soigneusement \u00e9quarris et ajust\u00e9s surplombant lui-m\u00eame la grande douve o\u00f9 sous nos yeux des cygnes naviguaient comme pour accentuer l'impression d'activit\u00e9 d\u00e9bordante men\u00e9e dans un silence fantomatique.\n\nCette fureur que je tenais pour le moteur originel \u00e9chappe donc \u00e0 mes prises et je suis devant elle comme le th\u00e9ologien r\u00e9duit \u00e0 dresser l'\u00e9tat des myst\u00e8res divins sans essayer de les percer ou \u2013 plus pr\u00e8s de mon terrain professionnel \u2013 comme le critique devant une \u0153uvre qui vaut dans la mesure o\u00f9, justement, elle se d\u00e9robe aux crit\u00e8res : il peut noter qu'elle contient quelque chose de pas encore vu ou entendu, en indiquer le _comment_ et \u00e0 la rigueur le _pourquoi,_ mais l'analyser comme un devoir scolaire qu'il s'agirait de coter ne pourrait que le d\u00e9tourner de l'essentiel. L'important, toutefois, n'est pas tant de savoir si je clarifiais ou seulement qualifiais quand j'invoquais cette fureur comme source de tout ce qui, sous des formes diverses, me semblait \u00eatre la po\u00e9sie. Compte avant tout la volont\u00e9 qui m'animait \u2013 et qui m'anime encore \u2013 d'\u00eatre authentiquement ce type particulier d'\u00e9crivain qu'\u00e9voque le nom (trop galvaud\u00e9) de \u00ab po\u00e8te \u00bb, d\u00e9sir inconditionn\u00e9 impliquant que par-del\u00e0 les imp\u00e9ratifs \u00e9thiques ou esth\u00e9tiques l'acte crucial est pour moi celui-ci : me projeter dans la zone _off limits_ o\u00f9 le langage \u00e9crit sera ma pens\u00e9e devenue chose et moi-m\u00eame arrach\u00e9 aux vicissitudes de la vie par une mort qui m'en donnerait l'intelligence la plus haute, un pont lanc\u00e9 sur le vide qui m'enferme comme dans une \u00eele, le lieu aussi o\u00f9 mon temps s'abolit (toutes cloisons abattues entre le temps de l'\u00e9crit, celui o\u00f9 je l'\u00e9cris et celui de qui me lit). C'est, \u00e0 n'en pas douter, une directive bien obscure que je puis trouver l\u00e0-dedans ! Je retiendrai n\u00e9anmoins qu'user ainsi du langage, legs d'hommes plus anciens qui me permet d'\u00eatre entendu d'hommes de maintenant et peut-\u00eatre aussi de plus tard, est une op\u00e9ration dont je ne suis pas l'unique acteur, de sorte qu'elle m'oblige \u00e0 tenir compte d'autrui. Admettre cela est \u00e0 la fois peu et beaucoup : en th\u00e9orie beaucoup, puisque c'est reconna\u00eetre que ma vocation m\u00eame m'interdit de me conduire comme si j'\u00e9tais seul \u00e0 exister ; pratiquement presque rien, car cela ne m'indique ni comment il sied que j'agisse envers les autres, ni combien d'entre eux il me faut prendre en consid\u00e9ration (tous ou seulement ceux \u00e0 qui je suis uni par la communaut\u00e9 de langue). Mais si l'acte pour moi \u00ab crucial \u00bb en cela aussi que je m'y d\u00e9carcasse et m'y \u00e9cart\u00e8le a le sens d'un d\u00e9passement et d'un recours \u00e0 la pr\u00e9sence invisible de ces autres faute de qui je ne saurais pas parler et n'aurais pas m\u00eame \u00e0 parler, il en r\u00e9sulte que je me renierais aussi bien en limitant le champ de ce mouvement qu'en ne faisant rien pour qu'autrui (n'importe quel autrui) soit trait\u00e9 comme mon \u00e9gal. Tir\u00e9e de mots qui ne sont pas les miens et adress\u00e9e \u00e0 quiconque l'accueillera, la po\u00e9sie \u2013 fondamentalement, expansion aveugle hors de mes fronti\u00e8res \u2013 ne me lie-t-elle pas au partenaire indiscrimin\u00e9 qui est un _autre_ par rapport \u00e0 moi mais mon semblable \u00e0 l'\u00e9chelle de l'esp\u00e8ce ?\n\n# IV\n\nDonc, montrant que par l'exercice de la po\u00e9sie l'on pose autrui en \u00e9gal, je retourne \u00e0 la v\u00e9rit\u00e9 que j'avais d\u00e9gag\u00e9e d'abord : apprendre qu'on ne dit pas... _reusement_ mais _heureusement,_ c'\u00e9tait apprendre que le langage est \u00e0 deux faces, l'une tourn\u00e9e vers le dedans l'autre vers le dehors, et quand \u2013 d\u00e9couvrant l'altruisme au bout de deux ou trois volumes consacr\u00e9s \u00e0 ma propre personne \u2013 j'assure qu'un po\u00e8te ne peut pas se d\u00e9sint\u00e9resser du sort de son prochain, c'est de cette nature double que je tire argument, comme si l'essentiel avait \u00e9t\u00e9 d\u00e9j\u00e0 inclus dans ma trouvaille ancienne.\n\nDonc, me voil\u00e0 revenu sensiblement \u00e0 mon point de d\u00e9part. Le cercle \u00e9tant symbole de perfection, je pourrais \u00eatre fier d'avoir ainsi boucl\u00e9 la boucle. Mais je constate avec d\u00e9pit, lassitude et naus\u00e9e qu'apr\u00e8s beaucoup d'ann\u00e9es pass\u00e9es \u00e0 chercher une issue, je ne parviens qu'\u00e0 d\u00e9duire les cons\u00e9quences, purement logiques et presque sans port\u00e9e, de ce que j'ai su d\u00e8s le commencement. Car aucun de ces probl\u00e8mes n'est r\u00e9solu : est-ce sortir de moi que m'adresser, en fait, \u00e0 une minime fraction d\u00e9j\u00e0 plus ou moins complice ? Ouvrant la bouche pour me faire entendre, ne suis-je pas tenu de substituer des _heureusement_ \u00e0 mes... _reusement_ trop singuliers ou trop abrupts ? Suis-je fond\u00e9 \u00e0 dire que j'\u00e9cris pour \u00ab communiquer \u00bb, alors que (paresse, difficult\u00e9 de m'exprimer, horreur de prendre la plume si je n'ai rien de pr\u00e9cis \u00e0 formuler) il m'arrive de ne pas r\u00e9pondre \u00e0 des lettres qui semblaient pourtant indiquer que j'avais touch\u00e9 au but ? Est-ce faire beaucoup ou presque rien pour les autres que, parlant de moi comme de quelqu'un qui pourrait \u00eatre un autre, aider les moins s\u00fbrs d'eux-m\u00eames \u00e0 se conna\u00eetre un peu mieux ? F\u00fbt-elle la plus d\u00e9tach\u00e9e, toute po\u00e9sie libre et sinc\u00e8re contribue-t-elle \u00e0 l'av\u00e8nement d'un \u00e2ge de libert\u00e9 et de v\u00e9rit\u00e9 ? Si la nature m\u00eame de la po\u00e9sie m'impose de faire effort pour que tous soient unanimement reconnus, ce parti que je prends ne doit-il pas \u00eatre mon th\u00e8me par excellence ? Beau parleur lui aussi, le tribun ne va-t-il pas plus loin que le po\u00e8te et le Don Juan, puisque son r\u00f4le est d'\u00e9mouvoir, non pour susciter chez autrui une flamb\u00e9e tout int\u00e9rieure, mais pour mouvoir vers un but de large envergure ceux qu'il aura touch\u00e9s ? S'il faut que justice soit rendue et si la r\u00e9volution en est le seul moyen, puis-je m'en r\u00e9clamer sans \u00e9mettre, sur les querelles qui divisent le camp r\u00e9volutionnaire, une opinion solidement \u00e9tablie ? Redoutant la violence pour moi, suis-je en droit d'accepter que la r\u00e9volution en use contre les autres, et souvent sans mod\u00e9ration puisqu'elle va jusqu'\u00e0 frapper ses premiers artisans ?\n\nDonc, d\u00e9\u00e7u, effray\u00e9 de me voir tant de pain sur la planche et par trop satur\u00e9 pour courir sur cette lanc\u00e9e qui m'am\u00e8nerait \u00e0 me perdre dans le lacis des d\u00e9monstrations, je m'en tiens \u00e0 mon peu d'acquis, cette mince certitude \u00e0 quoi j'ai abouti et qui reste aussi diaphane quand je la situe par rapport \u00e0 quelques-uns des rep\u00e8res imag\u00e9s que j'ai plac\u00e9s \u00e7\u00e0 et l\u00e0, mais auxquels je n'ai pas le c\u0153ur de me reporter, sinon en les reprenant de m\u00e9moire : mon furieux attachement \u00e0 la magie qui semble parfois op\u00e9rer la fusion du _l\u00e0-bas_ et de l' _ici m\u00eame_ ne me permet pas de rejeter l'aride c\u00f4t\u00e9 de P\u00e9kin, bien que des malheurs comme celui de l'oiseau tomb\u00e9 du nid soient des \u00e9pines que nulle horticulture ne peut \u00e9liminer et bien que j'incline spontan\u00e9ment vers les ombres, les lumi\u00e8res et les replis baroques du c\u00f4t\u00e9 de Kumasi, que colore un intime rougeoiement et non un rouge \u00e0 l'emporte-pi\u00e8ce.\n\nDonc, je mets les pouces, avec le soulagement d'\u00e9viter l'\u00e9norme consommation que je devrais faire encore de mots sans s\u00e8ve, si je m'attaquais \u00e0 des probl\u00e8mes qui, \u00e0 peine abord\u00e9s, laisseraient d'autres probl\u00e8mes se profiler derri\u00e8re eux : les \u00ab donc \u00bb, \u00ab or \u00bb, \u00ab d'ailleurs \u00bb, \u00ab mais \u00bb, \u00ab toutefois \u00bb qui sont des outils de liaison, les \u00ab si \u00bb, \u00ab car \u00bb, \u00ab puisque \u00bb ou \u00ab vu que \u00bb avec lesquels on articule un raisonnement, les \u00ab pourtant \u00bb, \u00ab presque \u00bb, \u00ab quasi \u00bb, \u00ab gu\u00e8re \u00bb, \u00ab du moins \u00bb et autres moyens commodes de se m\u00e9nager une petite marge pour ne pas trop pr\u00eater le flanc.\n\nDonc, pas question que je reprenne sur de nouvelles bases ma recherche d'une r\u00e8gle d'or. Plut\u00f4t que d'\u00e9laborer un art po\u00e9tique et une morale, ce qui importe n'est-ce pas d'\u00eatre, dans toute la mesure o\u00f9 on le peut avec les moyens du bord, cet hybride de sage et de forcen\u00e9, de diseur de v\u00e9rit\u00e9s et de faiseur de tours qui s'appelle un po\u00e8te et, quant \u00e0 l'attitude envers les autres, de se conduire avec aussi peu d'\u00e9troitesse et de mesquinerie qu'on est arm\u00e9 pour le faire ? Sans doute devrai-je m\u00eame, un jour, parvenir \u00e0 tout \u00e0 fait m'en persuader : au jeu auquel je joue, bien qu'on finisse gagnant ou perdant, il n'y a pas de r\u00e8gle et je gagnerai ou perdrai sans qu'aucune martingale puisse me permettre de forcer la chance et sans m\u00eame que je sache si je gagne ou non.\n\nDonc, apr\u00e8s m'\u00eatre offert le luxe de raconter comment je me suis suicid\u00e9 vers le mitan de ces pages (\u00e9pisode romanesque \u00e0 souhait), puis \u00eatre revenu \u00e0 mes moutons et avoir finalement d\u00e9cid\u00e9 de cesser d'y songer, je n'ai plus qu'\u00e0 saluer. Ce geste d'histrion, c'est quand \u2013 le collier repris \u2013 j'ai mesur\u00e9 ce qu'il y aurait de singulier \u00e0 mettre tranquillement un point final \u00e0 l'ouvrage qu'avait coup\u00e9 un pareil interm\u00e8de, que j'en ai eu l'id\u00e9e ; cela, comme du geste qui devrait pouvoir accompagner la sortie que j'effectuerais, sortie \u00e0 demi posthume appelant un trait du genre un peu spectral de celui qui cl\u00f4t la com\u00e9die du romantique allemand Grabbe, \u00e0 la fin de laquelle lui-m\u00eame Grabbe, surgi des profondeurs d'une for\u00eat, frappe \u00e0 la porte de la chambre o\u00f9 se trouvent ses personnages et _entre avec une lanterne allum\u00e9e._ Quant \u00e0 moi je viens d'\u00e9teindre plut\u00f4t que d'allumer ma lanterne, au terme d'un long soliloque et non d'une com\u00e9die \u00e0 plusieurs personnages. C'est pourquoi, si l'haml\u00e9tisme s'impose ici, la chute de rideau ne peut \u00eatre autre que celle-ci : crevant la page pour saluer, l'auteur appara\u00eet lunettes sur le nez et son Parker \u00e0 la main.\n\nDonc, disons que j'ex\u00e9cute fictivement ce jeu de sc\u00e8ne et qu'il tient lieu de point final. Reste que \u2013 ironie pour ironie \u2013 je puis bien, apr\u00e8s un suicide manqu\u00e9, braver le ridicule d'une autre fausse sortie et, cong\u00e9 pris, reprendre la parole pour donner un d\u00e9tail significatif sur ce qu'\u00e9tait mon \u00e9tat d'esprit lors m\u00eame que je n'\u00e9tais pas encore absolument rentr\u00e9 de Chine. Passer tant de choses en revue avant de parler d'une fl\u00e2nerie, que ne marqua nul \u00e9v\u00e9nement notable mais une simple impression, aura eu cette utilit\u00e9 : laisser m\u00fbrir et se ramifier l'anecdote dont je n'avais pas tout de suite \u00e9valu\u00e9 la port\u00e9e, mais qui explique, par un motif beaucoup plus radical que ceux dont j'ai all\u00e9gu\u00e9 l'intervention, mes ambigu\u00eft\u00e9s \u00e0 l'endroit d'un pays dont, sur place, j'avais pens\u00e9 que le cas \u00e9ch\u00e9ant il pourrait devenir le mien.\n\nJ'\u00e9tais arriv\u00e9 dans l'apr\u00e8s-midi \u00e0 Copenhague, par un avion finlandais, et j'allai faire un tour en ville avec deux de mes camarades de d\u00e9l\u00e9gation, un homme et une femme. Lui, un peintre plus vieux que moi de quelques ann\u00e9es, qui a entrepris de restituer ses qualit\u00e9s propres au m\u00e9tier de la tapisserie, devenue art de copie ; elle, une femme de lettres dont avant la derni\u00e8re guerre j'ai rencontr\u00e9 quelquefois le mari, \u00e9crivain qui se fit tuer dans un maquis, comme si sa foi d'humaniste en la d\u00e9mocratie et l'importance tr\u00e8s haute qu'il attachait aux disciplines sportives l'avaient, tout naturellement, conduit \u00e0 l'h\u00e9ro\u00efsme. Le but de la promenade \u00e9tait de voir, dans un h\u00f4tel dont il avait oubli\u00e9 le nom, une tapisserie qui \u00e9tait l'\u0153uvre de mon compagnon, le seul de nous \u00e0 conna\u00eetre la capitale danoise, dont le charme repose sur ce qu'a de moderne autant que de vieillot cette ville marine o\u00f9 cohabitent sans discordance (comme je le d\u00e9couvrirai plus tard) la statue grandeur nature de la Petite Sir\u00e8ne du conte d'Andersen pos\u00e9e \u00e0 cru sur un banc de rochers, les bo\u00eetes \u00e0 matelots et bistrots de p\u00eacheurs, les magasins riches en articles import\u00e9s, les nobles \u00e9difices royaux et le mod\u00e8le d'architecture industrielle qu'est la brasserie Tuborg. Notre but, en fait, n'\u00e9tait gu\u00e8re qu'un pr\u00e9texte car, \u00e0 peine \u00e9tions-nous sortis, nous nous arr\u00eat\u00e2mes dans un bar pour boire de l'acquavit. Je suis certain qu'on ne saurait p\u00e9n\u00e9trer r\u00e9ellement quelque ville ou r\u00e9gion que ce soit si l'on ne touchait pas \u00e0 la boisson dont elle a le privil\u00e8ge. Ainsi \u00e0 Rome le vin de Frascati, qu'on peut qualifier de facile comme on dira d'un t\u00e9nor qu'il a la voix facile, et en Guadeloupe le punch (celui \u00e0 la vanille notamment), dont l'ar\u00f4me \u00e0 la fois doux, \u00e9pic\u00e9 et alcoolis\u00e9 exprime, croirait-on, la complexit\u00e9 des Antilles, point du monde o\u00f9 se sont m\u00eal\u00e9es des races et des cultures si diverses. Il n'en va pas diff\u00e9remment de l'acquavit, dont un voyage ult\u00e9rieur en Scandinavie acheva de me d\u00e9montrer le caract\u00e8re selon moi \u00e9minemment \u00ab nordique \u00bb (une s\u00e9cheresse parfum\u00e9e comparable \u00e0 la lumi\u00e8re de ces pays, souvent tr\u00e8s fine en m\u00eame temps que tr\u00e8s dure, et \u00e0 la gamme de couleurs, tout ensemble d\u00e9licates et nettes, que peuvent pr\u00e9senter leurs paysages). Dans ce bar d'assez bonne apparence qui visait \u00e0 s\u00e9duire l'amateur d'exotisme par sa d\u00e9coration murale \u00e9voquant un Mexique d'op\u00e9ra-comique, assis sur les classiques hauts tabourets et devant nous les petits verres qu'emplissait l'alcool transparent au point d'\u00eatre presque invisible, imm\u00e9diatement nous nous sent\u00eemes tr\u00e8s bien. La client\u00e8le \u00e9tait exclusivement masculine et \u2013 \u00e0 en juger par ses allures, peut-\u00eatre trompeuses il est vrai \u2013 elle n'avait nullement \u00e0 d\u00e9plorer qu'il n'y e\u00fbt l\u00e0, hormis ma camarade de d\u00e9l\u00e9gation, pas d'autres cr\u00e9atures f\u00e9minines que deux personnes entre deux \u00e2ges et au physique ingrat, install\u00e9es dans un coin ; v\u00eatues comme des gouvernantes ou des institutrices pour familles des plus bourgeoises et puritaines, elles jouaient, l'une au piano, l'autre \u00e0 la contrebasse, des airs de l'\u00e9poque du _B\u0153uf sur le Toit_ et chantaient, par moments, en s'aidant d'un porte-voix. Ravis de ce rappel inattendu de nos belles ann\u00e9es 20, nous continu\u00e2mes tout guillerets notre tourn\u00e9e, marchant un peu au hasard dans les rues commer\u00e7antes et regardant les vitrines. Apr\u00e8s deux ou trois arr\u00eats chacun arros\u00e9 d'un acquavit (liqueur si incolore et si l\u00e9g\u00e8re qu'il semble que, la boirait-on dans des r\u00e9cipients beaucoup plus grands que les vrais d\u00e9s \u00e0 coudre dans lesquels il est d'usage de la servir, elle n'affecterait l'organisme en rien et engendrerait seulement une lucidit\u00e9 all\u00e8gre), nous fin\u00eemes par trouver l'h\u00f4tel \u00e0 la tapisserie. Nous \u00e9change\u00e2mes quelques paroles aimables avec le monsieur correct, souriant et replet qui en \u00e9tait le directeur et, bien s\u00fbr, nous absorb\u00e2mes un dernier petit verre. Contents de cette promenade qui avait \u00e9t\u00e9 une franche d\u00e9tente, apr\u00e8s les semaines passionnantes mais charg\u00e9es que nous avions pass\u00e9es en Chine, nous rentr\u00e2mes pour rejoindre nos camarades. Puis, comme il \u00e9tait temps de d\u00eener, notre petit groupe se mit en qu\u00eate d'un autre h\u00f4tel connu de mon compagnon de tout \u00e0 l'heure, qui se rappelait qu'il y avait \u00e0 l'un de ses \u00e9tages les plus \u00e9lev\u00e9s un restaurant o\u00f9 nous pourrions manger d'excellent poisson, tout en jouissant du spectacle des navires \u00e0 quai. Apr\u00e8s un repas fort agr\u00e9able (bien qu'un plat de poisson sp\u00e9cialement succulent f\u00eet d\u00e9faut ce soir-l\u00e0), je revins \u00e0 pied avec l'un des d\u00eeneurs pour une derni\u00e8re fl\u00e2nerie. Dans mon carnet quotidien, je notai soigneusement le nom de l'h\u00f4tel si opportun\u00e9ment situ\u00e9 : Kodan, que je pr\u00e9sume r\u00e9sulter de la contraction de \u00ab Kopenhagen \u00bb et \u00ab Danmarck \u00bb. Cette histoire qui n'en est pas m\u00eame une serait trop futile pour valoir d'\u00eatre rapport\u00e9e, si ce n'\u00e9tait justement de cette futilit\u00e9 qu'elle tient sa signification.\n\nUn bar \u00e0 client\u00e8le aussi platement sophistiqu\u00e9e que l'\u00e9tait son d\u00e9cor. Une musique d\u00e9su\u00e8te : \u00e0 la mode en son temps (celui de ma jeunesse) mais avec pas mal de temps accumul\u00e9 sur ce temps ; ni assez populaire pour sembler sans \u00e9poque, ni assez magistrale pour supporter le vieillissement ; musique l\u00e9g\u00e8re, r\u00e9pondant \u00e0 une phase vite oubli\u00e9e d'un luxe citadin qui, moins changeant, n'en serait pas vraiment un. Des magasins dans l'un desquels \u00e9taient expos\u00e9s des plaids dont les beaux quadrillages faisaient r\u00eaver de voyages accomplis en touriste nonchalant. Un restaurant exactement appropri\u00e9 aux gens qui font escale : produits de la mer et spectacle d'un quai actif du matin au soir. Des navires tr\u00e8s propres, \u00e9clair\u00e9s, et sans doute en partance. Pour la note pittoresque, quelques bouis-bouis \u00e0 filles (sans parler d'une ou deux boutiques de tatoueurs signal\u00e9es par mon compagnon de l'apr\u00e8s-midi, et qui sont dans la m\u00eame rue, mais que je ne trouvai pas cette fois-l\u00e0). En somme, un bar qui \u00e9tait la caricature mais aussi le rappel d'endroits que, longtemps, je n'avais pu quitter sans souhaiter y retourner et qui, lieux de passage et ports d'attache o\u00f9 voisinent inconnus et habitu\u00e9s, doivent \u00eatre compt\u00e9s \u2013 diurnes ou nocturnes, faits pour boire ou pour danser, ou cumulant le tout \u2013 parmi les grands symboles de notre civilisation de solitaires qui se coudoient ; une ville plus \u00e9triqu\u00e9e que les Alger, Barcelone, G\u00eanes, Londres et autres cit\u00e9s o\u00f9 je m'enchante de me sentir un peu perdu, mais ville dont l'allure hans\u00e9atique suffisait pour illustrer ce mot \u00e0 l'odeur de marchandises venues de loin et o\u00f9 bruit en sourdine une rumeur universelle, _emporium,_ qui m'arrive quand, plut\u00f4t que d'agglom\u00e9rations si grosses que leur dessin s'\u00e9vanouit, je me souviens de la Kumasi bien r\u00e9elle du pays ashanti, encerclant un march\u00e9 o\u00f9 se pressait une foule d'Africains d'origines tr\u00e8s diverses, attir\u00e9s tant par l'\u00e9clat des \u00e9toffes vendues sur cette esplanade que par les joies plus secr\u00e8tes des quartiers satellites. A Copenhague, avec le capitalisme sous ses aspects marchands (trafics int\u00e9rieurs et commerce \u00e0 longue port\u00e9e qui engendre un cosmopolitisme exprim\u00e9 aussi bien par les modes vestimentaires que par l'agencement des lieux pr\u00e9vus pour les loisirs), j'avais retrouv\u00e9 mon folklore, compos\u00e9 en grande partie de tout ce luxe que j'aime sans y croire et que j'aime peut-\u00eatre d'autant plus que j'en sais toute la fragilit\u00e9 et la frivolit\u00e9 (d'o\u00f9 mon plaisir biseaut\u00e9 au contact de faux luxes plus fragiles et frivoles encore que les v\u00e9ritables, puisque, n'\u00e9tant que pacotille, ils n'ont m\u00eame pas le semblant de s\u00e9rieux d'une chose r\u00e9ussie dans un domaine tout \u00e0 fait vain). P\u00e9kin \u00e0 peine quitt\u00e9 (et presque dans les larmes, en \u00e9changeant les au revoir avec ces amis chinois qui penseraient encore \u00e0 moi de temps \u00e0 autre, j'en \u00e9tais s\u00fbr, sans me dire \u00e0 ce moment ce que je me dirais plus tard, \u00e0 savoir que s'ils le faisaient ce serait certainement comme \u00e0 l'un des membres entre autres d'une d\u00e9l\u00e9gation et non \u00e0 moi \u00e9lectivement), j'\u00e9tais tout heureux de plonger \u00e0 nouveau dans les eaux douteusement iridescentes que je reconnaissais comme mon milieu nourricier.\n\nCertes, j'avais foi en la Chine nouvelle et j'\u00e9tais \u00e9merveill\u00e9 par la vieille Chine, ou plut\u00f4t \u2013 car m'exprimer ainsi donne \u00e0 penser qu'il existait pour moi deux Chine \u2013 je voyais dans la Chine un pays qui non seulement \u00e9tait, par son pass\u00e9, un riche th\u00e8me de r\u00eaverie mais, par son pr\u00e9sent, permettait un espoir solide. Sur l'Afrique noire j'avais b\u00e2ti un mythe avant m\u00eame d'y aller et j'\u00e9tais demeur\u00e9 attach\u00e9 \u00e0 cette construction sentimentale au point que, ce jour o\u00f9 dans l'autorail qui me ramenait du Havre j'avais \u00e9t\u00e9 saisi d'une si grande angoisse, c'est en songeant que m\u00eame ce mythe-l\u00e0 serait d\u00e9sormais impuissant \u00e0 m'exalter que j'avais cru toucher le fond. Avec la Chine, rien de tel : durant tout mon s\u00e9jour, j'avais su tenir en laisse mon imagination alors m\u00eame que je m'enthousiasmais et j'avais regard\u00e9, non pour retrouver ce que j'avais mis d'avance dans l'objet consid\u00e9r\u00e9, mais simplement pour essayer de juger ; aussi, le lien que je pensais avoir nou\u00e9 avec au moins quelques gens de l\u00e0-bas me semblait-il un lien concret de camaraderie, un lien qui valait en acte, par rapport \u00e0 un immense travail en cours, et non comme sceau d'une fraternisation unilat\u00e9ralement imagin\u00e9e. Or, \u00e0 Copenhague, l'exp\u00e9rience directe m'avait montr\u00e9 que, si j'\u00e9tais chez moi quelque part, ce ne pouvait \u00eatre que dans une ville du monde capitaliste et en face de ce que pareilles villes offrent de moins utile aux collectivit\u00e9s. Que cette \u00e9cume brillante mousse \u00e0 la surface d'un \u00e9tat de choses ind\u00e9fendable, j'en \u00e9tais convaincu, et la Chine communiste restait pour moi une valeur s\u00fbre. Mais le fait \u00e9tait l\u00e0 : j'adorais cette \u00e9cume. Entre sentiment et id\u00e9e une divergence choquante apparaissait, en sorte que je fus bient\u00f4t barr\u00e9, supportant mal une telle contradiction, ne voulant pas en faire hypocritement bon march\u00e9 et ne sachant \u2013 moi qui suis incapable d'\u00e9crire en me fondant sur des id\u00e9es qui ne seraient que des id\u00e9es \u2013 comment traiter de cette Chine trop passionnante pour que je pusse ne point longuement en parler et sur laquelle, apr\u00e8s une d\u00e9couverte relative \u00e0 moi seul, je n'avais pas \u00e0 modifier mon jugement, mais que je constatais situ\u00e9e hors de ma sph\u00e8re d'\u00e9lection. Non sans ruser, j'ai pass\u00e9 outre \u00e0 cette difficult\u00e9, mais jamais n'a \u00e9t\u00e9 r\u00e9par\u00e9 ce qui s'\u00e9tait d\u00e9fait au Danemark, quand la Chine avait soudain gliss\u00e9 vers la p\u00e9riph\u00e9rie, aussi fortement qu'elle continu\u00e2t de m'occuper.\n\nInvitations au voyage (depuis les bateaux jusqu'aux plaids) ; endroits pour gens sans racines ou qui ne sont chez eux qu'en dehors de chez eux ; airs qui \u2013 incitant au plaisir, \u00e0 l'amour ou traduisant express\u00e9ment une nostalgie n\u00e8gre \u2013 m'emplissaient autrefois de d\u00e9sirs diffus et qui, sous la forme d\u00e9risoire o\u00f9 je les r\u00e9entendais, me portaient \u00e0 sourire en m\u00eame temps qu'ils m'infusaient le regret de l'\u00e9poque o\u00f9 ils attisaient en moi ces d\u00e9sirs. Ce que j'avais appr\u00e9ci\u00e9 au cours de cette escale encore impr\u00e9vue le matin m\u00eame et sans programme pr\u00e9\u00e9tabli (car nous avions d'abord compt\u00e9 revenir par la Su\u00e8de), c'\u00e9tait bien certains aspects de l'Occident moderne, mais des aspects qui m'atteignaient comme des allusions ironiques \u00e0 la vanit\u00e9 des choses : qu'on soit ici ou l\u00e0, et de quelque fa\u00e7on qu'on s'agite pour tuer le temps qui vous berne en attendant de vous tuer, on fera toujours le singe. S'ils me touchaient \u00e0 ce point, c'est parce qu'ils flattaient en moi, promeneur d\u00e9tach\u00e9, le go\u00fbt de la futilit\u00e9 trop \u00e9vidente pour tromper et agissaient comme une sorte de drogue hom\u00e9opathique palliant ce qui me semble \u00eatre mon malaise d'homme, et pas seulement d'Occidental, en portant sa conscience au plus vif.\n\n _Quand on donne, on ne reprend pas._ Mais : \u00ab Chassez le naturel, il revient au galop ! \u00bb Donc il ne faut jamais jurer de rien : la main gauche reprend ce qu'a donn\u00e9 la main droite, on br\u00fble ce qu'on a ador\u00e9, on adore ce qu'on a br\u00fbl\u00e9, apr\u00e8s la pluie le beau temps, tel qui rit vendredi dimanche pleurera. Jeu de bascule, commandant mes envols et retomb\u00e9es, marches et contremarches, faux d\u00e9parts et fausses sorties : moi, autrui ; dedans, dehors ; po\u00e9sie, morale ; go\u00fbts et manies, opinions et devoirs. Mouvement pendulaire, auquel s'ajoute un autre va-et-vient, si routinier que c'est \u00e0 peine si je songe \u00e0 en parler : de mon bureau du Mus\u00e9e de l'Homme \u00e0 ma longue table de bois nu du 53 _bis_ quai des Grands-Augustins ; d'un ouvrage d'ordre ethnographique (l'histoire point encore termin\u00e9e des arts plastiques en Afrique noire) \u00e0 ce tome III du livre o\u00f9 j'essaye d'exprimer ce qui me touche le plus intimement, de sorte qu'il me faut passer \u2013 changement de t\u00e2che li\u00e9 au changement de local \u2013 d'un type d'\u00e9criture tendant \u00e0 rendre compte objectivement d'une masse de faits d'autant plus difficiles \u00e0 organiser qu'ils me concernent de tr\u00e8s loin, \u00e0 un type oppos\u00e9 qu'en v\u00e9rit\u00e9 je ne parviens pas \u00e0 emp\u00eacher tout \u00e0 fait d'\u00eatre contamin\u00e9 par le premier, ce style constamment embarrass\u00e9 par la crainte d'\u00eatre pris en flagrant d\u00e9lit d'omission ou d'erreur ; d'un travail effectu\u00e9 sous contrat et dans la ligne de mon m\u00e9tier officiel de chercheur comme dans celle de mon vieil engagement envers ceux qui nagu\u00e8re \u00e9taient des colonis\u00e9s, \u00e0 un travail plus libre o\u00f9 ce que je cherche \u00e0 rejoindre \u2013 d\u00e9cision r\u00e9vocable \u00e0 chaque instant \u2013 c'est moi-m\u00eame et ma propre attitude vis-\u00e0-vis de ce qui m'entoure. Division la plus g\u00eanante dans l'imm\u00e9diat, mais non la seule, car ma vie est le jouet de bien d'autres balancements, \u00e0 toutes sortes de niveaux et selon divers rythmes : heures de travail et heures de d\u00e9lassement (lire dans la mince mesure o\u00f9 je le puis, rencontrer quelques personnes que j'aime bien, aller parfois au th\u00e9\u00e2tre) ; veille et sommeil, avec entre les deux la frange du r\u00eave, mais seulement par chance ; matin souvent embourb\u00e9 (du moins au d\u00e9part) dans de mauvaises ruminations et soir g\u00e9n\u00e9ralement plus d\u00e9gag\u00e9 ; jours ouvrables et week-end campagnard durant lequel, pas toujours pour mon bien, j'ai tout loisir de ne penser qu'\u00e0 ma recherche personnelle ; temps bouscul\u00e9 de mon existence parisienne et temps, en principe plus ouvert, des vacances et des voyages ; par-dessus tout cela, phases ascendantes et phases d\u00e9pressives qui (sans que j'en sois averti sur-le-champ) ont leurs corr\u00e9lations dans ce que j'\u00e9cris ici et, certainement, expliquent pour une part l'alternance de mes \u00e9lans et de mes repentirs. Segments d'ann\u00e9es, de mois, de semaines ou simplement de journ\u00e9es, tranches de dur\u00e9e qui, la plupart, sont aussi des tranches d'humeur affectant mon \u00eatre m\u00eame et le vouant \u00e0 l'instabilit\u00e9, d'o\u00f9 ma peur d'\u00eatre un instrument de pes\u00e9e erratique presque \u00e0 l'\u00e9gal de cette balance au fl\u00e9au de laquelle une gentille Antillaise m'aidait \u00e0 suspendre un ramassis h\u00e9t\u00e9roclite d'objets, au cours d'un r\u00eave dont le d\u00e9but avait pour d\u00e9cor la montagne et la fin une maison flanqu\u00e9e d'un jardin. Mais, si _le mieux est l'ennemi du bien,_ n'est-ce pas chercher la petite b\u00eate comme je le fais qui m'emp\u00eache le plus s\u00fbrement d'aboutir \u00e0 une juste pes\u00e9e ?\n\n_De vos jardins fleuris fermez les portes,_\n\n_Les myrtes sont fl\u00e9tris, les roses mortes !_\n\nJ'avais chant\u00e9 cette chanson lors du d\u00eener d'adieu que nous avaient offert nos amis de P\u00e9kin et, si j'avais chant\u00e9 celle-l\u00e0, c'\u00e9tait pour plusieurs raisons. D'abord, le r\u00e9pertoire restreint dont je dispose est des plus incertains et me borner \u00e0 cette citation \u2013 qui peut se passer de contexte \u2013 me semblait pr\u00e9f\u00e9rable \u00e0 m'engager dans quelque chose de plus long, qu'un blanc de m\u00e9moire m'aurait peut-\u00eatre forc\u00e9 \u00e0 laisser en suspens. De plus, c'est une chanson que Max Jacob m'a r\u00e9v\u00e9l\u00e9e autrefois, de sorte qu'ainsi associ\u00e9e \u00e0 l'image de l'\u00e9crivain qui fut mon premier guide elle est charg\u00e9e d'une valeur sentimentale pr\u00e9cise et me para\u00eet plus riche en po\u00e9sie que si je l'avais d\u00e9couverte par une autre voie. Enfin, je comptais bien que ces deux vers seraient compris par mes auditeurs comme une allusion au d\u00e9part qui, le lendemain, cl\u00f4turerait les jours fleuris que je venais de vivre en Chine. Nul choix ne pouvait donc \u00eatre meilleur : une jolie chanson \u00e0 laquelle je suis particuli\u00e8rement attach\u00e9, tr\u00e8s fran\u00e7aise et tout \u00e0 fait de circonstance, quel hommage plus amical pourrais-je rendre \u00e0 nos h\u00f4tes et h\u00f4tesses chinois ? Ce que je n'avais pas pr\u00e9vu, malgr\u00e9 certaines inqui\u00e9tudes, c'est qu'\u00e0 l'\u00e9poque durant laquelle j'ai fait ce voyage \u2013 celle o\u00f9 la sentence de Mao Ts\u00e9-toung _Que cent fleurs s'\u00e9panouissent et que le nouveau \u00e9merge de l'ancien_ donnait le ton g\u00e9n\u00e9ral \u2013 succ\u00e9derait bient\u00f4t une \u00e9poque moins lib\u00e9rale ; la tol\u00e9rance, alors, ne serait plus de saison et, voyant les \u00ab Cent fleurs \u00bb se faner derri\u00e8re des portes d\u00e9sormais ferm\u00e9es, je pourrais me dire qu'en chantant cette chanson \u2013 dont un homme rest\u00e9 pr\u00e9sent par ses \u0153uvres et par l'\u00e9gale beaut\u00e9 de sa l\u00e9gende m'a appris \u00e0 aimer la triste et tendre simplicit\u00e9 \u2013 je pronon\u00e7ais, sans le savoir, des paroles proph\u00e9tiques. Il est s\u00fbr que dans la Chine de maintenant (celle des communes industrialis\u00e9es, qui vient m\u00eame d'atteindre \u00e0 son tour l'\u00e2ge de d\u00e9raison o\u00f9 l'on fabrique sa bombe atomique) je serais moins \u00e0 l'aise que dans la Chine d'il y a presque dix ans. S\u00fbr aussi que si j'y revenais j'\u00e9prouverais au retour, avec plus d'acuit\u00e9 encore qu'en 1955, l'impression d'\u00eatre rentr\u00e9 au bercail. Mais il n'est pas moins s\u00fbr que, tout en sachant combien il m'en co\u00fbterait de renoncer \u00e0 certaines formes de la civilisation o\u00f9 r\u00e8gne la loi de l'offre et de la demande, je ne suis d\u00e9cid\u00e9ment pas pr\u00e8s de me d\u00e9prendre de la Chine : il me semble impossible qu'elle ait, aujourd'hui, tout perdu de ce que j'y ai vu. Comment, d'ailleurs, me d\u00e9tourner de ce pays quand, plus que jamais, il repr\u00e9sente _la tache rouge de l'espoir_ pour les peuples asiatiques et africains qui ne sont plus officiellement domin\u00e9s, mais qu'on s'efforce de remettre d'autres fa\u00e7ons sous le joug ?\n\nParmi diverses questions demeur\u00e9es en suspens, celle-ci du moins est clairement mise au point : bien qu'ind\u00e9l\u00e9bilement europ\u00e9en, je reste fid\u00e8le \u00e0 la Chine comme \u00e0 tous les pays dont, au d\u00e9part, l'exotisme m'avait attir\u00e9. Mais il est non moins clair que cette mise au point, finissage d'une id\u00e9e que ne suit aucune d\u00e9cision, est tout aussi conventionnelle que les informations donn\u00e9es, en \u00e9pilogue, par ces auteurs d'antan pour qui un roman ne pouvait se clore sans que le lecteur e\u00fbt \u00e9t\u00e9 renseign\u00e9 sur le sort de tous les personnages qui s'y \u00e9taient agit\u00e9s comme des ombres. Alors m\u00eame que j'avais renonc\u00e9 \u00e0 conclure, n'ai-je pas cru qu'il m'\u00e9tait impossible d'en finir ici avec un essai commenc\u00e9 il y a quelque vingt-cinq ans sans dire ce qu'il est advenu, non de fantoches que j'aurais imagin\u00e9s, mais des divers \u00e9l\u00e9ments que j'ai brass\u00e9s le long d'un chemin poursuivi avec une pers\u00e9v\u00e9rance dont je suis le premier surpris ? Quant \u00e0 l'id\u00e9e chinoise, je viens d'indiquer qu'elle vit maintenant tranquille dans son trou, comme l'honn\u00eate personne dont on apprend qu'apr\u00e8s ses multiples tribulations elle file enfin des jours paisibles dans sa petite maison de campagne. Dois-je rapporter que telle autre, en juste r\u00e9compense de ses m\u00e9rites, conna\u00eet une brillante carri\u00e8re, voire expliquer \u2013 \u00e0 la fa\u00e7on dont on raconte qu'un m\u00e9chant s'est converti au bien ou l'inverse \u2013 comment une autre encore (ce que r\u00e9v\u00e9lerait peut-\u00eatre un examen serr\u00e9) s'est mu\u00e9e en son contraire, subissant la m\u00e9tamorphose qui affecte tant de pens\u00e9es quand on les pousse jusqu'au bout ? Dresser un \u00e9tat de ce genre m'obligerait \u00e0 tout relire et reviendrait \u00e0 me r\u00e9enliser. Aussi, repoussant toute recherche syst\u00e9matique, me bornerai-je \u00e0 quelques-uns des _addenda_ qu'appellerait l'optique des r\u00e9cits d'autrefois.\n\nBien qu'avide encore de promenades, la chienne Dine n'est plus aussi alerte qu'\u00e0 l'\u00e9poque o\u00f9 un r\u00eave me la montrait se pr\u00e9cipitant du haut d'une falaise. En \u00e2ge humain, elle aurait maintenant au moins soixante-quinze ans et, depuis assez longtemps, je pense qu'au lieu d'avoir chez soi une b\u00eate dont la vie n'est qu'un raccourci de la n\u00f4tre il vaudrait mieux \u2013 parce que cela serait moins d\u00e9primant \u2013 en avoir une (\u00e9l\u00e9phant, par exemple) assez sup\u00e9rieure \u00e0 nous en long\u00e9vit\u00e9 pour que son d\u00e9clin ne nous soit pas sensible.\n\nDans plusieurs temples de Kyoto et de Nara, des statues m'ont rappel\u00e9 d'autres statues d'un baroque exacerb\u00e9, que j'avais vues en Chine. Mais nulle d'entre elles ne m'a touch\u00e9 autant que la figure \u00e9trangement bondissante de la chapelle tao\u00efste des environs de Kounming, bien qu'elles fussent d'une qualit\u00e9 plus haute et manifestement plus anciennes. Le pinceau dont celle-ci \u00e9tait porteuse, je l'ai retrouv\u00e9 sur l'une de ces sculptures japonaises, de sorte qu'il ne peut s'agir d'un attribut de pure circonstance comme l'avait fait entendre notre guide si incertain de la Montagne de l'Ouest en nous contant la dramatique histoire de l'auteur de la statue dor\u00e9e.\n\nLe _Sinanthropus Pekinensis,_ dont, \u00e0 Chou-kou-tien, j'avais visit\u00e9 l'antre comme celui d'un Adam ou d'un Prom\u00e9th\u00e9e, a vu son record d'antiquit\u00e9 battu, et de loin, par le _Zinjanthropus Boisei_ d'abord, puis par l' _Homo habilis,_ qui tous deux ont laiss\u00e9 dans la r\u00e9gion du Tanganyika (unie aujourd'hui au Zanzibar et formant avec lui la Tanzanie) des restes gr\u00e2ce auxquels l'Afrique a pris rang de continent o\u00f9 se sont form\u00e9es, entre autres curieux \u00e9chantillons du r\u00e8gne animal, les premi\u00e8res \u00e9bauches d'humanit\u00e9 (soit d'une esp\u00e8ce capable de fabriquer des outils et dot\u00e9e d'assez de substance c\u00e9r\u00e9brale pour \u00eatre suppos\u00e9e \u00e0 m\u00eame de parler, sinon d\u00e9j\u00e0 de discourir).\n\nJ'ai longtemps conserv\u00e9 dans ma chambre (au-dessus de mon lit, sur une des planches d'un rayonnage \u00e0 livres) l'oiseau joliment imit\u00e9 qu'une fillette chinoise m'avait donn\u00e9. Or il a disparu un beau jour et cet envol m'a sembl\u00e9 bizarre. Mais un \u00e9lectricien \u00e9tait venu installer l\u00e0 une prise de courant et je me suis dit qu'en travaillant il avait fait tomber l'oiseau \u2013 tr\u00e8s l\u00e9ger et assez mal \u00e9quilibr\u00e9 sur ses pattes \u2013 puis que ce gentil simulacre, affal\u00e9 dans un coin et r\u00e9duit \u00e0 gu\u00e8re plus qu'un informe petit amas, s'\u00e9tait trouv\u00e9 emport\u00e9 et jet\u00e9 par inadvertance quand, l'ouvrier parti, on avait fait le m\u00e9nage.\n\nPlus \u00e9trange est certainement, au cours de travaux ult\u00e9rieurs, la disparition de la provision de barbituriques que j'avais reconstitu\u00e9e lors d'un voyage \u00e0 Berne, o\u00f9 je m'en \u00e9tais procur\u00e9 dans deux pharmacies, sans la moindre formalit\u00e9 sauf que je dus, dans la seconde de ces boutiques, assurer \u00e0 la jeune vendeuse que j'\u00e9tais \u00e9tranger et de passage, comme si les natifs ou habitants de la Suisse valaient seuls d'\u00eatre prot\u00e9g\u00e9s contre les m\u00e9faits possibles d'un produit toxique. Personne chez moi ne pouvait avoir subtilis\u00e9 cette provision, dissimul\u00e9e avec soin, et je me demandai si, sans m'en souvenir, je ne l'avais pas une nouvelle fois cach\u00e9e, cette fois avec tant d'astuce qu'il ne m'\u00e9tait plus possible de savoir o\u00f9. Mes investigations n'aboutissant \u00e0 rien, je finis par imaginer qu'apr\u00e8s tout il n'\u00e9tait pas exclu que je l'eusse moi-m\u00eame supprim\u00e9e dans un acc\u00e8s de somnambulisme ou dans un \u00e9tat voisin. Mais c'est l\u00e0 une hypoth\u00e8se de dernier recours et, pour autant que je me connaisse, d'une telle improbabilit\u00e9 que l'\u00e9nigme reste enti\u00e8re.\n\nS'il est des objets \u00e9vanouis dont on arriverait presque \u00e0 douter qu'ils ont vraiment exist\u00e9, tant leur absence demeure inexplicable, il en est en revanche que l'on croyait mythiques et dont soudain se d\u00e9couvre l'existence r\u00e9elle. C'est le cas du \u00ab tambour-trompette \u00bb, jouet que j'avais ardemment convoit\u00e9 \u00e9tant enfant et dont plus tard j'admis qu'il relevait de la r\u00eaverie. Or, depuis que j'ai racont\u00e9 cette histoire, j'ai eu la surprise de trouver un pareil jouet entre les mains d'un petit gar\u00e7on alg\u00e9rien que sa m\u00e8re nous avait confi\u00e9 pendant quelques jours tandis que le p\u00e8re, qui militait pour l'ind\u00e9pendance, \u00e9tait emprisonn\u00e9 \u00e0 Fresnes. On souffle dans la trompette en man\u0153uvrant une tirette, qui actionne la baguette par laquelle est frapp\u00e9e la caisse tr\u00e8s plate du tambour incorpor\u00e9 \u00e0 l'instrument. Mais le petit Malik, r\u00eavant peut-\u00eatre autant que je l'avais fait \u00e0 son \u00e2ge d'une merveille qu'il ne poss\u00e9dait pas, pr\u00e9f\u00e9rait s'en servir comme si \u00e7'avait \u00e9t\u00e9 un appareil photographique.\n\nQu'\u00e0 distance on ne puisse plus d\u00e9cider si la chose qui vous a br\u00fbl\u00e9 d'une folle envie a exist\u00e9 comme chose faisant l'objet d'un d\u00e9sir ou comme pure expression de ce d\u00e9sir, semblable incertitude peut g\u00eaner mais pas, \u00e0 beaucoup pr\u00e8s, au m\u00eame degr\u00e9 que d'\u00eatre amen\u00e9 par un t\u00e9moignage qui ne concorde pas avec le v\u00f4tre \u00e0 douter de la r\u00e9alit\u00e9 d'un fait que l'on a donn\u00e9 pour certain. A un d\u00eener chez des amis communs, quelqu'un d'assez jeune et de sympathique me dit que le gymnase du 5 rue Pierre-Gu\u00e9rin \u2013 situ\u00e9 pour moi dans un temps presque aussi recul\u00e9 que celui du \u00ab tambour-trompette \u00bb \u2013 existe toujours et qu'il reste conforme au portrait que j'en ai trac\u00e9 ; mais ce lecteur consciencieux ajoute qu'il n'a rien trouv\u00e9 l\u00e0 qui ressembl\u00e2t \u00e0 la cage d'escalier dont j'ai parl\u00e9, cette cage dans laquelle (sortant en trombe de chez lui parce que sa femme accouchant et saignant \u00e0 flots avait besoin d'un secours imm\u00e9diat) le directeur du gymnase avait saut\u00e9 d'un bond. Durant quelques jours, j'ai \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s troubl\u00e9 par cette d\u00e9claration, qui infirmait irr\u00e9cusablement ce que j'avais \u00e9crit. Je me sentais pris en flagrant d\u00e9lit, sinon de mensonge, \u00e0 tout le moins d'erreur et cette erreur m'apparaissait, non seulement comme de nature \u00e0 rendre tout mon travail suspect mais, \u00e0 mes propres yeux, comme le signe d'une inqui\u00e9tante capacit\u00e9 de d\u00e9rive. Aussi, est-ce avec un franc plaisir qu'apr\u00e8s avoir longuement r\u00e9fl\u00e9chi aux causes possibles de mon faux rapport je me suis rappel\u00e9 que le directeur habitait en v\u00e9rit\u00e9 dans un immeuble de la rue des Perchamps, toute proche de la rue Pierre-Gu\u00e9rin, d'o\u00f9 la condensation de lieux qui s'\u00e9tait op\u00e9r\u00e9e dans ma m\u00e9moire, erreur en d\u00e9finitive assez v\u00e9nielle pour que l'authenticit\u00e9 de mon r\u00e9cit n'en soit qu'\u00e0 peine entam\u00e9e.\n\nSans doute, le fragile \u00e9difice que j'ai b\u00e2ti avec des mat\u00e9riaux souvent anciens aurait-il besoin de plus d'un repl\u00e2trage de cette esp\u00e8ce. Mais les quelques malfa\u00e7ons dont il reste certainement affect\u00e9 ne comptent gu\u00e8re aupr\u00e8s d'une tare plus s\u00e9rieuse que, \u00e7\u00e0 et l\u00e0, une inexactitude de d\u00e9tail : ce livre (qui devrait \u00eatre ma v\u00e9rit\u00e9 et dont je suis all\u00e9 parfois jusqu'\u00e0 penser que, l'\u00e9crire suffisant \u00e0 me justifier, il m'autorisait peut-\u00eatre \u00e0 mentir pour ce qui n'\u00e9tait pas de lui) ne laisse pas de m'\u00e9chapper, car il est travers\u00e9 par certains th\u00e8mes dont \u2013 saisi par eux plut\u00f4t qu'eux saisis par moi \u2013 je ne parviens pas \u00e0 d\u00e9terrer le secret, probablement parce qu'ils plongent \u00e0 un niveau aussi profond que le tabou informul\u00e9 qui m'e\u00fbt peut-\u00eatre obscur\u00e9ment retenu, si ma m\u00e8re avait encore \u00e9t\u00e9 l\u00e0, de faire \u00e0 la vie qu'elle m'avait donn\u00e9e l'affront le plus sanglant en essayant de m'en d\u00e9barrasser.\n\nSi j'annonce que j'ai enfin \u00e9crit l'article sur C\u00e9saire mais que le panorama des arts africains demeure inachev\u00e9 (par exc\u00e8s et non plus par d\u00e9faut car, trop prolixes, ma cosignataire et moi, nous sommes contraints \u00e0 de gros remaniements), ces informations de derni\u00e8re heure n'ont qu'une valeur anecdotique. Ce qu'il faudrait, ce n'est pas satisfaire protocolairement \u00e0 la conscience professionnelle avec des mises au point et des mises \u00e0 jour qui ne p\u00e8sent pas plus que les clauses de style ins\u00e9r\u00e9es dans un contrat, mais savoir dire, par exemple, pourquoi telle image f\u00e9minine ambigu\u00eb a gard\u00e9 tant de charme pour moi depuis mon adolescence : la meneuse de jeu de l'Alexander's Ragtime Band, groupe de _minstrels_ probablement anglais qui s'\u00e9taient produits dans le vieil Alhambra de la rue de Malte alors que chaque attraction y \u00e9tait encore un \u00ab num\u00e9ro \u00bb, annonc\u00e9 de part et d'autre de la sc\u00e8ne par des chiffres lumineux r\u00e9pondant au rang qu'il occupait dans le programme. Blonde figure dont la finesse et la vivacit\u00e9 s'opposaient aux allures expr\u00e8s balourdes des musiciens en grande tenue de plantation, elle se montrait d'abord attif\u00e9e en jeune gar\u00e7on. Puis, apr\u00e8s un d\u00e9fil\u00e9 en ombres chinoises et l'envol par bonds de tous les membres de la troupe (elle incluse) sautant sans doute par-dessus le foyer de lumi\u00e8re gr\u00e2ce auquel se d\u00e9coupaient les silhouettes, on la d\u00e9couvrait en pr\u00e9cieuse robe du soir sur le devant d'une loge d'avant-sc\u00e8ne isol\u00e9e par un projecteur et chaque instrumentiste passait des coulisses \u00e0 la salle pour lui adresser sa s\u00e9r\u00e9nade. Conduit par cette jolie cr\u00e9ature qu'un nouvel avatar pr\u00e9sentait v\u00eatue, je crois, d'une sorte de costume marin en tissu rose (ajustement de girl et presque de fillette qui me semble maintenant avoir \u00e9t\u00e9 la tunique d'un aimable Herm\u00e8s Psychopompe guidant les \u00e2mes avec des chants et des danses), le finale avait pour d\u00e9cor une toile de fond reproduisant une page de musique : la c\u00e9l\u00e8bre chanson _I want to be down home in Dixie,_ qui appartient au r\u00e9pertoire du music-hall d'il y a quelque cinquante ans \u00e0 moins qu'elle ne soit l'une de ces _coon songs_ am\u00e9ricaines dont, vers la m\u00eame \u00e9poque, j'ai poss\u00e9d\u00e9 un recueil ; chacune des notes lisibles sur la grande page blanche s'ouvrait comme une lucarne pour encadrer un visage d'instrumentiste, barbouill\u00e9 d'un noir intense \u00e0 l'exception du pourtour de la bouche qui, tr\u00e8s p\u00e2le, simulait de grosses l\u00e8vres gourmandes.\n\nChose troublante, c'est peut-\u00eatre surtout quand \u2013 g\u00eane intime, incapacit\u00e9 d'expliquer ou r\u00e9pugnance \u00e0 m'engager dans une longue analyse \u2013 je note sans pr\u00e9tendre donner la cl\u00e9 que, moi-m\u00eame aveugle, je me montre vraiment \u00e0 d\u00e9couvert. Il se peut donc que d'autres, plus d\u00e9tach\u00e9s, voient aussit\u00f4t la signification de ce trait, l'un de ceux qui seraient d'autant plus parlants qu'\u00e0 leur propos je reste muet : mon insistance \u00e0 \u00e9voquer \u2013 tel un Don Juan cataloguant ses conqu\u00eates \u2013 les silhouettes de femmes ou de filles qui la plupart n'ont \u00e9t\u00e9 aupr\u00e8s de moi que des figures et qui toutes, dans leur \u00e9gale impond\u00e9rabilit\u00e9 de maintenant, m'apparaissent comme des nymphes survenues \u00e0 divers moments de cette double odyss\u00e9e, l'errance de ma vie pourtant peu aventureuse et celle de sa projection sur le papier en une suite d'aper\u00e7us qui s'enchev\u00eatrent. A New York, une belle walkyrie sans armure m'avait pilot\u00e9 en me tenant par la main chaque fois du moins que nous devions traverser une rue ou une avenue et, en Chine (o\u00f9 la studieuse Nuage-couleur-de-perle avait \u00e9t\u00e9 notre h\u00f4tesse et le plus attentif de nos guides et interpr\u00e8tes), la main d'une \u00e9coli\u00e8re n'avait jamais quitt\u00e9 la mienne tout au long d'une promenade \u00e0 travers les salles d'un centre de r\u00e9union destin\u00e9 aux enfants. Dans un r\u00eave, une plaisante Antillaise dont les doigts s'activaient en m\u00eame temps que les miens m'aidait \u00e0 rassembler dans un tiroir mes affaires \u00e9parpill\u00e9es et \u00e0 suspendre le tout \u00e0 une sorte de fl\u00e9au de balance. A l'h\u00f4pital Claude-Bernard, une amie faussement reconnue \u2013 ange apparu soudain et vite disparu \u2013 veilla un matin debout \u00e0 mon chevet, puis une accorte kin\u00e9sith\u00e9rapeute (brune et potel\u00e9e autant que la jeune fille qui boulevard Beaumarchais me parlait de Taormina) m'enseigna le geste propre \u00e0 pallier certaine g\u00eane caus\u00e9e par ma gorge bless\u00e9e et, peu apr\u00e8s, m'indiqua par o\u00f9 je devais passer si je voulais profiter de la tranquillit\u00e9 a\u00e9r\u00e9e du jardin. En ce m\u00eame h\u00f4pital, le souvenir de ma tante Claire commen\u00e7a de me hanter sous le couvert d'autres phantasmes, avant d'appara\u00eetre express\u00e9ment comme une muse dont la pr\u00e9sence immat\u00e9rielle encourage ou (comparaison moins tendue) comme une figure de proue pr\u00e9sidant au difficile retour \u00e0 la vie dont ma r\u00e9animation n'aurait \u00e9t\u00e9 que la phase liminaire. Dans la parenth\u00e8se o\u00f9 la situaient, outre l'exotisme et les distances sociales, les circonstances particuli\u00e8res de la \u00ab dr\u00f4le de guerre \u00bb, Khadidja n'avait-elle pas \u00e9t\u00e9 elle aussi une image, avec qui il s'\u00e9tait trouv\u00e9 que j'avais eu des relations fugaces mais \u00e9troites sur le plan de l'amour et sur celui de la simple familiarit\u00e9 physique, comme l'apr\u00e8s-midi o\u00f9 cette fille que son allure sombre me fit plus tard regarder comme un ange de la mort m'avait lav\u00e9 ainsi qu'aurait pu le faire une nurse ou une infirmi\u00e8re ? Enfin, depuis quelque trois ans, n'est-ce pas encore vers un guide f\u00e9minin descendu d'on ne sait quelle plan\u00e8te que je me tourne parfois, quand je songe \u00e0 l'autre Alg\u00e9rienne (celle-l\u00e0 \u00ab pied noir \u00bb, originaire de Sidi-bel-Abb\u00e8s), soigneuse experte, jolie, gaie et r\u00e9confortante qui, dans la clinique o\u00f9 je s\u00e9journai, tut la principale \u00e0 s'occuper de moi lorsque je subis l'op\u00e9ration qui, pour beaucoup d'hommes de nos climats, marque l'entr\u00e9e d\u00e9finitive dans la vieillesse de m\u00eame qu'en Afrique noire la circoncision marque le passage de l'\u00e9tat de petit gar\u00e7on \u00e0 celui de jeune homme ?\n\nVieillir incline ais\u00e9ment \u00e0 la bondieuserie... Et qu'est-ce, apr\u00e8s tout, que ces nymphes, V\u00e9nus ou saintes de diorama sinon les images pieuses dont, face \u00e0 un avenir de plus en plus resserr\u00e9, je m'entoure pour me rassurer ? Non que \u2013 Louis XI \u00e0 mine frip\u00e9e sous son chapeau superstitieusement garni d'un cercle de m\u00e9dailles b\u00e9nites \u2013 j'en attende une garde ou une aide \u00e0 mon salut, mais parce qu'il est toujours consolant de penser (m\u00eame si cela ne sert \u00e0 rien) qu'en plusieurs points de son parcours notre vie a crois\u00e9 quelque chose qui ressemblait au merveilleux. Bondieuserie cependant, car prendre appui sur ces images qui ne sont que souvenir, et dont l'une m\u00eame est l'image d'une image puisque l'original ne m'est apparu qu'en r\u00eave, c'est en appeler non point \u00e0 des \u00eatres vivants mais \u00e0 des cr\u00e9atures aussi irr\u00e9elles que les dieux qu'ont invent\u00e9s les hommes faute d'oser se reconna\u00eetre enti\u00e8rement livr\u00e9s \u00e0 eux-m\u00eames. Pas plus vivantes que ces dieux et, au demeurant, de tout repos : ic\u00f4nes \u00e0 mes murs, portraits amass\u00e9s peu \u00e0 peu dans un album de famille ou fleurs comm\u00e9morativement gliss\u00e9es entre deux pages, alors qu'il est des dieux de commerce non moins difficile que celui des cr\u00e9atures humaines les plus dures et les plus exigeantes. Si je repousse les solutions de facilit\u00e9, comment ne pas me d\u00e9fier de ces images, objets de molles r\u00eavasseries qui flattent probablement ce qu'il y a de moins avouable en moi et m'\u00e9loignent de la r\u00e9alit\u00e9 nue sans me conduire jusqu'au diamant de la r\u00e9alit\u00e9 po\u00e9tique !\n\n _Sans me conduire jusqu'au diamant..._ Grief que je fais \u00e0 mes \u00e9g\u00e9ries comme si, m\u00eame quand je veux recommencer \u00e0 prospecter les terres vierges de la po\u00e9sie, je souhaitais \u00eatre tenu par la main et guid\u00e9 comme un enfant. Cet enfant qui persiste en moi malgr\u00e9 la chronologie et qui, aujourd'hui comme hier, s'invente des f\u00e9es marraines en lieu et place des autres f\u00e9es inexorablement terrestres avec lesquelles un homme doit s'affronter ; cet enfant perp\u00e9tuellement anachronique, qui parfois a cru se conduire en adulte mais avait toujours besoin qu'on lui montr\u00e2t le chemin : ces voyages notamment, devant lesquels j'aurais recul\u00e9 s'il m'avait fallu les faire sous ma propre gouverne (\u00c9gypte o\u00f9 je savais qu'un ami me piloterait et o\u00f9, pr\u00e9textant \u00e0 mes propres yeux une r\u00e9pugnance toute surr\u00e9aliste aux activit\u00e9s touristiques, je m'abstins de visiter la glorieuse Vall\u00e9e des Rois car j'aurais d\u00fb m'y rendre seul, Afrique noire que je traversai en profitant de la sorte de voyage organis\u00e9 qu'est une mission dont on n'est pas le chef, Chine qui m'\u00e9tait servie comme sur un plat mais dont l'attente, d'autant plus \u00e9nervante que j'ignorais si tout ne serait pas g\u00e2ch\u00e9 par la pr\u00e9sence de trouble-f\u00eate dans notre d\u00e9l\u00e9gation, m'avait mis en un si bel \u00e9tat qu'un jour j'avais fait mine de me casser la t\u00eate contre les murs tant mon d\u00e9part prochain me semblait inepte), ces grandes prises de parti sous l'\u00e9gide d'\u00eatres ou de pays consid\u00e9r\u00e9s comme des mod\u00e8les (Nerval par exemple ou maintenant la Chine dont j'accepte mal qu'elle ne soit pas au-dessus de tout reproche), enfin cette qu\u00eate elle-m\u00eame \u00e0 quoi pr\u00e9sident \u2013 m\u00e8res sans visage telles qu'en faisait voir nagu\u00e8re la peinture italienne dite m\u00e9taphysique \u2013 ces notions auxquelles je m'en remets presque les yeux ferm\u00e9s, pour des raisons moins du cerveau que du c\u0153ur, l'authenticit\u00e9, la communication.\n\n\u00ab Authenticit\u00e9 \u00bb, qui est mon grand mot d'ordre mais n'a de sens que dans l'opposition d'un objet vrai \u00e0 un faux caract\u00e9ris\u00e9, de sorte qu'on ne peut en faire une pierre de touche ni pour approuver ou r\u00e9prouver des \u0153uvres qu'il n'y a pas lieu de rejeter comme apocryphes, plagiats ou relations mensong\u00e8res, ni pour distinguer en nous ce que nous devrions traiter comme notre bien le plus pr\u00e9cieux.\n\n\u00ab Communication \u00bb, moins embu\u00e9 de religiosit\u00e9 que \u00ab communion \u00bb, mais aussi flou d\u00e8s qu'on en use \u00e0 un niveau plus \u00e9lev\u00e9 que celui de la porte de communication, de la communication t\u00e9l\u00e9phonique ou de la communication \u00e0 une soci\u00e9t\u00e9 savante. Rappel \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 nue, ma crise d'il y a quelques ann\u00e9es et ses s\u00e9quelles aujourd'hui liquid\u00e9es m'ont amen\u00e9, finalement, \u00e0 me d\u00e9fier de ce terme qui, utilisable \u00e0 l'\u00e9chelon de la communication strictement verbale comme \u00e0 celui de voies et communications plus subtiles que les routes et chemins de fer, communique trop ais\u00e9ment \u00e0 l'id\u00e9e la moins pr\u00e9cise son air de s\u00e8che pr\u00e9cision. M\u00e9prise ou simplification malhonn\u00eate, j'embrassais sous son \u00e9tiquette deux choses en v\u00e9rit\u00e9 des plus troubles, et qu'on ne peut r\u00e9duire \u00e0 leur seul aspect social comme cette \u00e9tiquette m'y invitait sournoisement : communication esth\u00e9tique (\u00e9mouvoir autrui en lui faisant partager ce qu'on a pens\u00e9 ou ressenti) et communication amoureuse (s'\u00e9mouvoir l'un de l'autre). Non seulement je pensais tenir ainsi l'id\u00e9e qui, le moment venu, m'aiderait \u00e0 mettre clairement en perspective l'essentiel de ce que j'aurais d\u00e9gag\u00e9 mais, bon ap\u00f4tre, je donnais une tournure morale \u00e0 mes deux grandes aspirations puisque, ici et l\u00e0, il s'agissait, \u00e0 la limite, de me fondre avec les autres. Or, na\u00efve ou pas, l'op\u00e9ration \u00e9tait d'autant moins concluante qu'amour et po\u00e9sie \u2013 je n\u00e9gligeais ce point \u2013 sont loin de repr\u00e9senter le tout de la communication humaine, celle-ci pouvant se r\u00e9aliser, en dehors de toute effusion, dans un travail ou n'importe quelle action qu'on m\u00e8ne ensemble. De plus, elle \u00e9tait vicieuse en ceci que je ne saurais pr\u00e9tendre, sans tromperie sur mes mobiles profonds, que dans la vie comme dans l'art mon grand but est de \u00ab communiquer \u00bb avec autrui : puis-je en effet avancer qu'aboutir \u00e0 une connivence est ce qui m'importe le plus, alors que par la po\u00e9sie \u2013 cette po\u00e9sie que je souhaite ressaisir et qui fait de ce livre une recherche de l'anneau perdu ou une tentative louvoyante de retour au bercail \u2013 je veux trouver \u00e0 m'aboucher avec le monde, de m\u00eame que j'attends de l'acte d'amour qu'il m'abouche avec la nature et pas seulement avec une autre personne ? D'ailleurs, si amour et po\u00e9sie n'\u00e9taient que des cas particuliers de commerce avec nos semblables, comment pourraient-ils aussi follement nous exalter et nous mettre \u00e0 ce point hors de nous-m\u00eames ?\n\nToutefois, qu'amour et po\u00e9sie se pr\u00e9sentent tous deux comme de merveilleux d\u00e9passements n'est qu'une analogie, qui n'autorise nullement \u00e0 m\u00e9langer vie litt\u00e9raire et vie sentimentale de la sotte fa\u00e7on dont je l'ai fait (jusqu'au complet g\u00e2chis) quand, pouss\u00e9 en th\u00e9orie par ma soif d'une communication pleine et enti\u00e8re, je me suis engag\u00e9 dans ce qui n'\u00e9tait pratiquement que de banales aventures de plumitif aux anges parce qu'il rencontre des admiratrices. L'une de celles-ci, la mieux avertie et peut-\u00eatre la plus sinc\u00e8re, \u00e9tait pour moi d\u00e9nu\u00e9e d'attrait physique, mais si forte \u00e9tait mon envie d'approbation f\u00e9minine qu'entre nous quelque chose s'esquissa n\u00e9anmoins. Quant \u00e0 l'autre, qui me s\u00e9duisait assez pour que malgr\u00e9 plus de sept ans \u00e9coul\u00e9s je me rappelle non sans quelque ranc\u0153ur que \u2013 mauvais amant \u00e0 n'en pas douter \u2013 je ne parvins jamais \u00e0 tirer de sa gorge un _tu_ qui e\u00fbt marqu\u00e9 d'elle \u00e0 moi, f\u00fbt-ce momentan\u00e9ment, l'abolition de toute distance, il est certain qu'\u00e0 tous \u00e9gards nous communiquions si peu qu'un jour j'avais pleur\u00e9 moins encore de la querelle qui nous divisait que du philistinisme dont t\u00e9moignaient ses propos. Avec l'une comme avec l'autre, j'avais jou\u00e9 d'abord le r\u00f4le de l'homme en place \u00e0 qui des novices viennent demander conseil et ma faiblesse avait \u00e9t\u00e9 dans les deux cas de me jeter, chien attrapant un os, sur ce qui s'offrait \u00e0 moi : l'attention d'une femme surgie du dehors et, en principe, avide comme je le suis encore de d\u00e9couvrir litt\u00e9rairement sa formule. Dialoguer avec l'une et t\u00e2cher, avec l'autre, de vivre ce qui serait pour moi le dernier avatar de l'amour (\u00e0 la mani\u00e8re dont la Chine m'\u00e9tait apparue comme l'incarnation du lointain voyage que n'en suivrait plus aucun), c'\u00e9tait bien naturel. Mais j'ai honte d'avoir c\u00e9d\u00e9 \u00e0 la ridicule vanit\u00e9 d'auteur qui sommeillait en moi et de l'avoir laiss\u00e9 mordre goul\u00fbment \u00e0 l'app\u00e2t. Sans compter que me pr\u00eater \u00e0 cette double aventure, pas m\u00eame cyniquement mais par incapacit\u00e9 de contr\u00f4ler les \u00e9v\u00e9nements, et me conduire (coll\u00e9gien aux \u00e9mois brouillons) envers chacune de mes deux complices comme si les vertus de l'autre avaient parfait les siennes, c'\u00e9tait m'accommoder d'un \u00e9trange vaudeville pour satisfaire mon app\u00e9tit de totale illumination par une chair et un esprit.\n\nPr\u00e9cision, au demeurant, n\u00e9cessaire : je retiens surtout de la communication le moment o\u00f9 elle semble s'\u00e9tablir, instant \u00e9blouissant mais limit\u00e9, comme tous ceux o\u00f9 l'on pourrait croire le temps rompu mais qui ne le font voler qu'illusoirement en \u00e9clats puisqu'ils sont suivis d'une s\u00e9rie ind\u00e9termin\u00e9e d'autres instants sans relief. Communiquer, se fondre avec autrui, est-ce donc cela que si souvent, dans l'amour ou dans la po\u00e9sie, l'on cherche \u00e0 travers ces instants vertigineux auxquels on se sent pr\u00eat \u00e0 sacrifier soit l'entente solide entre deux \u00eatres pour qui de l'un \u00e0 l'autre tout est transparent, soit l'intimit\u00e9 que des paroles cristallines et prononc\u00e9es sans fi\u00e8vre peuvent instaurer de nous aux choses (ou aux gens) qui nous entourent ? N'est-ce pas plut\u00f4t parce que, ce vertige, nous l'aimons comme tel, par-del\u00e0 toute raison et tenant simplement \u00e0 ce que, partag\u00e9, il ne soit pas vrai que pour nous comme le restent le r\u00eave et la sorte d'hallucination provoqu\u00e9e qui encadre ce que par euph\u00e9misme on nomme le plaisir solitaire ? Si jusque dans le vertige je demande ce partage, ce n'est pas pour lui-m\u00eame : dans presque tout ce que je fais, le ferais-je par caprice, j'ai besoin que la r\u00e9plique me soit donn\u00e9e car autrement il me semblerait que ce n'est fait qu'\u00e0 moiti\u00e9, d'o\u00f9 le prix que j'attache non seulement \u00e0 un amour r\u00e9ciproque, mais \u00e0 l'amiti\u00e9, \u00e0 une passion commune, \u00e0 une certaine esp\u00e8ce de reconnaissance litt\u00e9raire, et de l\u00e0 \u00e9galement, malgr\u00e9 mon penchant difficilement r\u00e9prim\u00e9 \u00e0 l'ivrognerie, la r\u00e9pugnance que j'ai toujours eue \u00e0 m'enivrer tout seul.\n\nCommunication, authenticit\u00e9, planches pourries que de pareils mots ! Comme s'ils en disaient tr\u00e8s long, il est rare que je les emploie sans un l\u00e9ger fr\u00e9missement int\u00e9rieur, alors que l'ind\u00e9cision de leurs contours pourrait \u00e0 juste titre m'attirer de mon interlocuteur cette remarque accompagn\u00e9e d'une moue de m\u00e9pris : _Tu ne sais pas ce que tu dis !_ C'est en m'attribuant ainsi une incoh\u00e9rence proche du chaos mental o\u00f9 le b\u00e9b\u00e9 est plong\u00e9 que jadis mes fr\u00e8res me taquinaient, et j'\u00e9tais affreusement vex\u00e9 d'entendre mes a\u00een\u00e9s me signifier que mes propos, comme tout ce que j'avais en t\u00eate, n'\u00e9taient que verbiage infantile. Savoir, dire : avoir connaissance, exprimer par la parole. En fait, n'est-il pas courant que, m\u00eame m\u00fbri, l'on ne sache pas ce que l'on dit puisque l'on use de bien des mots en les distendant ou en les faisant glisser d'une acception \u00e0 une autre jusqu'\u00e0 rendre impossible, pour soi comme pour n'importe qui, toute connaissance valable de ce qu'ils avaient pour mission d'exprimer dans le moment o\u00f9 on les employait ? Il en va ainsi de ces termes charg\u00e9s pour moi d'une magie de mots cl\u00e9s alors que c'est gr\u00e2ce \u00e0 leur \u00e9lasticit\u00e9, \u00e0 leur incertitude m\u00eame, qu'ils peuvent \u00eatre dot\u00e9s d'un contenu aussi riche.\n\nMais aussi, quelle mouche m'a piqu\u00e9, que j'aie voulu th\u00e9oriser au lieu d'essayer, si je voulais me justifier et convaincre, de le faire par une voie exclusivement pratique : parlant mon propre langage et bouchant mes oreilles avec de la cire pour n'\u00eatre embobelin\u00e9 par les accents d'aucune sir\u00e8ne (y compris la joie d'\u00e9veiller des \u00e9chos), filer ma courbe en n'ob\u00e9issant qu'\u00e0 mes inclinations et laisser au lecteur le soin de d\u00e9terminer \u00e0 quoi menait mon trajet, si toutefois il menait \u00e0 quelque lieu d\u00e9finissable. L'\u00e2ge, d'ailleurs, augmente la confusion, non seulement parce que les sens et les facult\u00e9s s'\u00e9moussent mais parce qu'on en arrive souvent (avec un s\u00e9rieux comique s'il n'est pas hypocrite) \u00e0 traiter, comme de questions qui se posent encore, de questions dont on oublie que d'elles-m\u00eames elles se sont r\u00e9solues depuis longtemps : l'amour par exemple, quand je ne pourrais y r\u00e9pondre que plus pauvrement que jamais s'il m'advenait de l'inspirer et quand, d'autre part, je me sais uni \u00e0 une compagne par des liens tels que l'existence sans elle me semble inconcevable (car je peux dire sans forfanterie mais en toute conscience du c\u00f4t\u00e9 enfant perdu qui m'a toujours emp\u00each\u00e9 de me passer d'un ferme appui que ma l\u00e2chet\u00e9 seule devant l'imminence du geste mortel pourrait m'amener \u00e0 lui survivre si l'avenir brisait par sa disparition un couple indivis comme celui que j'avais incarn\u00e9, \u00e0 moi seul et pour moi seul, avant de me muer en vieille actrice autrefois f\u00eat\u00e9e) ; la po\u00e9sie, devenue pour moi une n\u00e9cessit\u00e9 parce qu'elle est mon seul recours, maintenant que les jeux sont faits et que je ne puis r\u00eaver de transfigurer ma vie ni par l'amour ni par de grands voyages (qu'aujourd'hui j'envisage sous l'angle de la distraction ou de l'occupation professionnelle, sans plus), ni par une activit\u00e9 r\u00e9volutionnaire (connaissant trop bien les bornes de mon d\u00e9vouement et la distance qu'il y a entre approuver les buts de la r\u00e9volution et agir en r\u00e9volutionnaire).\n\nQuand l'effacement par la mort ou par la s\u00e9nilit\u00e9 n'est plus envisag\u00e9 comme un destin mais attendu comme un mal qui s'appr\u00eate \u00e0 vous frapper, il arrive \u2013 et c'est mon cas \u2013 que l'on perde jusqu'\u00e0 l'envie d'entreprendre : on \u00e9value le peu de temps dont on dispose encore, temps \u00e9trangl\u00e9, sans rapport avec celui des \u00e9poques o\u00f9 il \u00e9tait exclu de penser qu'une entreprise pourrait manquer du d\u00e9lai voulu pour se d\u00e9velopper librement, et cela coupe tout \u00e9lan. De m\u00eame, en aurait-on comme moi une longue accoutumance, il est dur de savoir, chaque jour, que la nuit \u2013 d\u00e9sormais obstru\u00e9e par la fatigue ou le sommeil \u2013 ne sera plus cette p\u00e9riode infiniment ouverte pendant laquelle un homme que rien n'est venu affaiblir peut aimer et se d\u00e9penser sans compter. Suis-je plus lucide, plus vuln\u00e9rable qu'un autre ou plus avarement occup\u00e9 de ma propre personne, mais il me semble que celui dont l'existence est ainsi pass\u00e9e de l'illimit\u00e9 au limit\u00e9 vit dans une sorte d'asphyxie. Comment y rem\u00e9dier sinon par un biais gr\u00e2ce auquel, l\u00e0 o\u00f9 de tous c\u00f4t\u00e9s je me heurte \u00e0 d'implacables limites, un souffle d'illimit\u00e9 pourrait encore se couler ? Ressources derni\u00e8res, l'art et la po\u00e9sie s'offrent comme des moyens de desserrer l'\u00e9treinte... Mais n'est-ce pas piti\u00e9 qu'en rabattre au point de les traiter en produits de remplacement permettant de pallier la d\u00e9solante p\u00e9nurie de la vieillesse ! R\u00f4le sans noblesse, je ne le nierai pas... Pourtant, cette pauvre fonction \u2013 temp\u00e9rer la d\u00e9faite finale par un brin de victoire \u2013 n'est pas la seule mis\u00e8re que l'art et la po\u00e9sie dissimulent sous leur manteau de grandeur et, poussant plus loin, ne devrait-on pas la regarder comme la moins fragile de leurs justifications ?\n\nAlors plus que jamais, ils r\u00e9pondent en effet \u00e0 un besoin imm\u00e9diat et, s'ils sont \u00e0 m\u00eame de tenir quand les autres raisons de vivre se sont effrit\u00e9es, c'est une preuve de leur force. Je parle ici, bien entendu, d'un art ou d'une po\u00e9sie irr\u00e9ductibles \u00e0 l'art pour l'art aussi bien qu'au classicisme pur : l'art et la po\u00e9sie ne peuvent se faire, comme mon tourment l'exige, porteurs d'illimit\u00e9 que s'ils sont anim\u00e9s par cette ambition d\u00e9mesur\u00e9e, se mesurer (quelle que soit la forme que prendra ce d\u00e9fi) avec l'incommensurable. Le point noir est qu'il faudrait, pour que le tour soit jou\u00e9, \u00eatre s\u00fbr que l'\u00e9crasement \u00e9pargnera cette facult\u00e9-l\u00e0, ce qui serait n\u00e9gliger la terrible pression des contingences physiologiques et miser sur le miracle.\n\nHormis cette proximit\u00e9 de mon annulation (destin\u00e9e de tous les \u00eatres vivants), de quoi donc suis-je en droit de sp\u00e9cialement me plaindre ? Dans l'ordre mat\u00e9riel et dans l'ordre sentimental, je n'ai subi jusqu'\u00e0 pr\u00e9sent que des dommages dont la somme n'exc\u00e8de pas la norme ; mon m\u00e9tier r\u00e9gulier est l'un des moins ennuyeux qui se puissent concevoir et, d'autre part, je suis devenu un \u00e9crivain, autrement dit une vari\u00e9t\u00e9 d'artiste, soit ce que tr\u00e8s jeune je r\u00eavais d'\u00eatre tout en me rongeant les sangs \u00e0 l'id\u00e9e que je n'y parviendrais jamais, du moins \u00e0 un titre plus reluisant que celui d'amateur but\u00e9. Ce qui cloche, c'est que je ne suis devenu en rien l'artiste (ou le po\u00e8te) selon ce que j'imaginais : quelqu'un qui est pass\u00e9 de l'autre c\u00f4t\u00e9 du miroir. Mais, l\u00e0 non plus, il ne s'agit pas d'une mal\u00e9diction particuli\u00e8re dont je serais la victime. Je connais maintenant assez de grands artistes, et crois les conna\u00eetre suffisamment, pour m'apercevoir que j'\u00e9tais dupe d'une illusion : m\u00eame g\u00e9nial, l'artiste en son dedans ne vit pas en l\u00e9gende ou en bande dessin\u00e9e ; malgr\u00e9 ses quelques \u00e9chapp\u00e9es, il reste embourb\u00e9 dans notre marais cong\u00e9nital autant que ceux qui, le contemplant du dehors, peuvent supposer que son art transforme tout pour lui. Grosse d\u00e9ception, certes, eu \u00e9gard \u00e0 ce qu'une na\u00efvet\u00e9 enfantine me laissait escompter au cas o\u00f9 je prendrais place, f\u00fbt-ce \u00e0 un rang modeste, dans la phalange \u00e9lue. N\u00e9anmoins, le fait est que ma capacit\u00e9 d'enthousiasme pour la beaut\u00e9 issue d'un cerveau humain n'en a pas \u00e9t\u00e9 diminu\u00e9e au degr\u00e9 o\u00f9, d'ordinaire, j'ai tendance \u00e0 le penser. Tr\u00e9buchant dans mon propre travail, j'ai souvent d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9 de la litt\u00e9rature en g\u00e9n\u00e9ral et pas seulement de la mienne. Cependant, il est des livres que je lis, des spectacles auxquels j'assiste, des tableaux que je regarde ou des musiques que j'\u00e9coute avec une joie profonde. Plus question, en ces minutes de r\u00e9conciliation spontan\u00e9e avec l'art, de penser que la litt\u00e9rature est un non-sens ou un perp\u00e9tuel contresens. Ce que je vilipende quand je le vois du dedans garde toute sa valeur quand je le vois du dehors. Si les \u00e9crits qui me co\u00fbtent tant de peine et d'irritation \u00e9galaient ceux qui, lorsqu'ils me viennent des autres, me procurent cette joie et si je pouvais le savoir, j'aurais donc quelque raison d'estimer qu'en me conduisant, dans ma sp\u00e9cialit\u00e9, un peu comme ces travailleurs de choc qu'honorent les pays de l'Est je suis \u00e0 mille lieues d'avoir obtenu ce que primitivement je d\u00e9sirais mais n'ai pas enti\u00e8rement g\u00e2ch\u00e9 le temps qui m'\u00e9tait imparti. Dans quel sens l'avenir en d\u00e9cidera, je puis \u00e0 peine le supputer ; mais je pr\u00e9vois qu'en tout cas sa r\u00e9ponse ne sera pas celle qui, en aurais-je connaissance, pourrait me satisfaire. Aussi vain qu'il soit de m'interroger \u00e0 ce sujet, poser pareille question n'est pourtant pas absolument n\u00e9gatif, car cela me prouve que le flot de mon pessimisme laisse \u00e9merger le roc d'au moins un article de foi : me demander si quelque Jugement dernier me classera ou non parmi ceux qui n'ont pas gaspill\u00e9 leur temps, c'est admettre en effet que la partie n'est pas incoh\u00e9rente au point qu'il ne puisse y avoir ni gagnants ni perdants.\n\nDedans, dehors. Ma vie telle qu'en d\u00e9tail elle se d\u00e9roule en moi et telle qu'en gros elle appara\u00eet aux autres. En me faisant \u00e9crivain, j'ai opt\u00e9 pour une certaine repr\u00e9sentation du monde ou plut\u00f4t pour une fa\u00e7on particuli\u00e8re de le repr\u00e9senter (sa lecture \u00e0 travers une grille plus sensible que les grilles rationnelles). J'ai opt\u00e9 du m\u00eame coup pour une certaine morale (refus des calculs trop mesquinement raisonnables) et, bien que j'aie renonc\u00e9 \u00e0 l'\u00e9riger en syst\u00e8me, elle ne laisse pas d'orienter mes actes. De m\u00eame en me faisant ethnographe, profession qui, beaucoup plus que sous l'angle de la science, m'avait s\u00e9duit comme moyen de toucher \u00e0 des r\u00e9alit\u00e9s vivantes et qui est devenue finalement un auxiliaire de la premi\u00e8re, en m'habituant \u00e0 observer et en m'aidant \u00e0 \u00e9largir ainsi qu'\u00e0 humaniser mes conceptions. De cette morale int\u00e9rieure qui me gouverne \u00e0 mon insu ou presque, sans toutefois m'avoir \u00e9vit\u00e9 de m'abaisser \u00e0 quelques actions viles (que je ne couvrirais peut-\u00eatre pas de ce demi-silence honteux si elles avaient \u00e9t\u00e9 plus hardiment criminelles) et sans non plus m'emp\u00eacher de me mettre ridiculement martel en t\u00eate \u00e0 propos de v\u00e9tilles dans le train de tous les jours, qu'est-il r\u00e9sult\u00e9 \u00e0 l'ext\u00e9rieur ? Une conduite dont les aspects positifs oscillent entre un bien faire un peu boy-scout et un bien se tenir un peu dame patronnesse : appliquer les principales consignes du syndicat auquel j'appartiens ; de temps \u00e0 autre participer, sans grande \u00e9nergie, \u00e0 une manifestation de rue ; signer des d\u00e9clarations, des p\u00e9titions et des protestations visant \u00e0 d\u00e9fendre tant\u00f4t les droits des individus, tant\u00f4t la libert\u00e9 des peuples ; souscrire pour le soutien de quelques organisations progressistes ou antiracistes ; accorder mon t\u00e9moignage judiciaire \u00e0 des gens aux prises avec la r\u00e9pression ; sur le plan priv\u00e9, m'ouvrir aux confidences et r\u00e9conforter, en m'attachant \u00e0 \u00e9tablir (avec des arguments qui sur moi ne portent gu\u00e8re) que la vie vaut d'\u00eatre v\u00e9cue et en affirmant au besoin que se suicider ne serait qu'un aveu de d\u00e9faite ; \u00e0 l'occasion, me montrer serviable ou obligeant financi\u00e8rement ; sans pouvoir alors me flatter d'apporter une aide \u00e0 quelqu'un qui le m\u00e9rite, mais m\u00fb par la seule crainte d'\u00eatre tax\u00e9 de l\u00e9sinerie, donner g\u00e9n\u00e9ralement de gros pourboires et, quand cela me chante ou parfois aussi par superstition (\u00ab le bon Dieu vous le rendra \u00bb), l\u00e2cher une pi\u00e8ce dans la s\u00e9bile ou dans la paume d'un mendiant. Donc, beaucoup de bruit pour rien. J'ai su\u00e9 sang et eau et jet\u00e9 feu et flamme pour aboutir, dans la pratique quotidienne, \u00e0 \u00eatre un homme tel que nombre de ceux de la bourgeoisie qui se veut avanc\u00e9e, un auteur admis dans les anthologies et dont peut-\u00eatre on louera l'effort de sinc\u00e9rit\u00e9, l'exactitude d'expression, voire les raccords et les entrelacs ing\u00e9nieux, en l'absence de ce je ne sais quoi qui (chez certains) fulgure jusque dans la moindre phrase et que je crois \u00eatre l'essentiel.\n\nMince cadeau dont le sort m'aura gratifi\u00e9, il me reste pourtant la cicatrice inscrite \u00e0 mon cou et que j'ai compar\u00e9e \u00e0 une marque initiatique : sorte d'\u00ab arbre de vie \u00bb comme l'\u00e9tait, dans son ambiguit\u00e9, le triangle \u00e9quilat\u00e9ral noir que mon demi-sommeil m'avait montr\u00e9 reposant successivement sur l'un de ses c\u00f4t\u00e9s et sur l'une de ses pointes. S'il n'est de grande po\u00e9sie que _totale_ (conjuguant vie et mort), comment pourrait-on faire co\u00efncider vraiment la vie et la po\u00e9sie sans poser, pour le moins, le bout de l'un de ses souliers sur le seuil de la mort ?\n\nMoi qui n'aurai pour viatique posthume ni corde de pendu ni balle de revolver \u2013 non plus que nul Harar ou oreille coup\u00e9e \u2013 car je me d\u00e9ciderais maintenant trop tard pour que cela ait plus de sens qu'un suicide d'homme ruin\u00e9 ou de malade condamn\u00e9, dois-je voir dans cette cicatrice, \u00e0 d\u00e9faut d'un attribut comme en comportent les figures de saints expos\u00e9es dans les \u00e9glises et les mus\u00e9es, quelque chose d'analogue \u00e0 la croix des braves ou \u00e0 la m\u00e9daille du Tonkin qu'en d'autres temps et d'autres milieux l'on enterrait avec le vieux parent radoteur qui en \u00e9tait le titulaire ? Vaine gloriole mise \u00e0 part, elle me para\u00eet constituer en tout cas la fibule (le bijou permettant, agrafe ou broche, de fermer un v\u00eatement en unissant ses deux bords autrement \u00e9cart\u00e9s \u00e0 la fa\u00e7on dont l'avaient \u00e9t\u00e9 les deux l\u00e8vres que pr\u00e9sentait ma gorge fendue sur quelques centim\u00e8tres), la fibule gr\u00e2ce \u00e0 quoi tout ce que j'ai \u00e0 c\u0153ur se r\u00e9sume, rassembl\u00e9 par le moyen d'un signe dessin\u00e9 sur ma chair m\u00eame et qui me dispensera \u2013 mais n'est-ce pas dire fontaine je ne boirai pas de ton eau \u2013 de m'atteler \u00e0 la fastidieuse r\u00e9daction des _Fibules_ que je projetais d'\u00e9crire pour rattacher solidement et dominer enfin mes aper\u00e7us \u00e9parpill\u00e9s.\n\nCette marque, dont la forme curieusement griffue \u00e9voque un insecte \u00e0 six pattes qui se serait incrust\u00e9 au-dessous de ma pomme d'Adam, est demeur\u00e9e pour moi l'objet, non d'une horreur r\u00e9trospective, mais d'un orgueil disproportionn\u00e9 \u00e0 un acte accompli seulement \u00e0 demi (ratage sans quoi, en v\u00e9rit\u00e9, il y aurait bien un _il_ dont quelques-uns conserveraient l'image, mais pas l'ombre d'un _je_ pour parler de mon orgueil ou de mon horreur). Tels ces anciens combattants qui ressassent leur guerre parce qu'ils n'ont connu aucune autre grande aventure et qui aiment \u00e9ventuellement \u00e0 exhiber les traces de leurs blessures, je me reporte \u00e0 mon suicide manqu\u00e9 comme au grand et aventureux moment qui repr\u00e9sente, dans le cours de mon existence \u00e0 peu pr\u00e8s sans cahots, le seul risque majeur que j'aurai os\u00e9 prendre. Et il me semble aussi que c'est \u00e0 ce moment-l\u00e0 que, mariant vie et mort, ivresse et acuit\u00e9 de vue, ferveur et n\u00e9gation, j'ai embrass\u00e9 le plus \u00e9troitement cette chose fascinante, et toujours \u00e0 poursuivre parce que jamais tout \u00e0 fait saisie, que l'on croirait d\u00e9sign\u00e9e \u00e0 dessein par un nom f\u00e9minin : la po\u00e9sie.\nGALLIMARD\n\n5, rue Gaston-Gallimard, 75328 Paris cedex 07\n\nwww.gallimard.fr\n\n\u00a9 _\u00c9ditions Gallimard, 1966._ Pour l'\u00e9dition papier.\n\n_\u00a9 \u00c9ditions Gallimard, 2016._ Pour l'\u00e9dition num\u00e9rique. \n\n# DU M\u00caME AUTEUR\n\n _Aux \u00c9ditions Gallimard_\n\n_Voyages_\n\nL'AFRIQUE FANT\u00d4ME, _illustr\u00e9 de 32 planches hors texte._\n\nCONTACTS DE CIVILISATIONS EN MARTINIQUE ET EN GUADELOUPE.\n\n_Essais_\n\nL'\u00c2GE D'HOMME, _pr\u00e9c\u00e9d\u00e9 de_ DE LA LITT\u00c9RATURE CONSID\u00c9R\u00c9E COMME UNE TAUROMACHIE.\n\nLA R\u00c8GLE DU JEU. \nI : BIFFURES. \nII : FOURBIS. \nIII : FIBRILLES. \nIV : FR\u00caLE BRUIT.\n\nLE RUBAN AU COU D'OLYMPIA.\n\nLANGAGE TANGAGE ou CE QUE LES MOTS ME DISENT.\n\n_Po\u00e9sie_\n\nHAUT MAL.\n\nMOTS SANS M\u00c9MOIRE.\n\nNUITS SANS NUIT ET QUELQUES JOURS SANS JOUR.\n\n_Roman_\n\nAURORA\n\n_Dans la collection_ \u00ab _L'Univers des Formes_ \u00bb\n\nAFRIQUE NOIRE _(en collaboration avec Jacqueline Delange)._\n\n_Litt\u00e9rature_\n\n\u00c0 COR ET \u00c0 CRI.\n\n_Aux \u00c9ditions Deno\u00ebl\/Gonthier_\n\nCINQ \u00c9TUDES D'ETHNOLOGIE _(Tel\/Gallimard, n o 133)._\nMichel Leiris\n\nFibrilles\n\nBrassage d'exp\u00e9riences v\u00e9cues, _Biffures_ \u00e9tait le premier tome d'un ouvrage au moyen duquel l'auteur, s'attachant d'abord \u00e0 quelques faits de langage, crut bient\u00f4t qu'il pourrait d\u00e9couvrir la r\u00e8gle \u00e0 quoi devrait se conformer son jeu, autrement dit : une sorte de savoir-vivre englobant sa po\u00e9tique et son \u00e9thique.\n\nRogner les griffes de la mort, se comporter en homme, briser ses propres murailles, tels \u00e9taient les grands th\u00e8mes abord\u00e9s dans _Fourbis,_ deuxi\u00e8me \u00e9tape d'une qu\u00eate dont il faudrait essayer ensuite de d\u00e9gager les r\u00e9sultats.\n\nOr, avec _Fibrilles,_ l'auteur constate que son vrai probl\u00e8me a toujours \u00e9t\u00e9 celui-ci : comment devenir int\u00e9gralement un po\u00e8te, sentant, parlant et agissant comme tel ? Mais il lui appara\u00eet que cette fa\u00e7on d'exister forme un tout non analysable, que ne r\u00e9git aucune r\u00e8gle lisible et dont aucune recette ne saurait garantir l'atteinte.\n\nAu bout de multiples recherches, \u00e9pisodes r\u00e9els et \u00e9pisodes r\u00eav\u00e9s, voyages \u00e0 travers maints pays (y compris la Chine et les marais infernaux), oscillations entre engagement litt\u00e9raire et engagement social, le voil\u00e0 revenu \u00e0 son point de d\u00e9part. Il sait seulement que la question vitale qu'il se posait ne peut recevoir de r\u00e9ponse...\n\n\u00c0 moins que jouer une semblable partie \u2013 quitte \u00e0 gravement s'y br\u00fbler \u2013 ne soit, pr\u00e9cis\u00e9ment, cette r\u00e9ponse.\nCette \u00e9dition \u00e9lectronique du livre _Fibrilles_ de Michel Leiris a \u00e9t\u00e9 r\u00e9alis\u00e9e le 31 octobre 2016 par les \u00c9ditions Gallimard.\n\nElle repose sur l'\u00e9dition papier du m\u00eame ouvrage (ISBN : 9782070725519 - Num\u00e9ro d'\u00e9dition : 92593).\n\nCode Sodis : N14446 - ISBN : 9782072144158 - Num\u00e9ro d'\u00e9dition : 192561\n\nCe livre num\u00e9rique a \u00e9t\u00e9 converti initialement au format EPUB par Isako www.isako.com \u00e0 partir de l'\u00e9dition papier du m\u00eame ouvrage.\n\n# Table des mati\u00e8res\n\nCouverture\n\nTitre\n\nL'auteur\n\nLA FI\u00c8RE, LA FI\u00c8RE...\n\nChapitre I\n\nChapitre II\n\nChapitre III\n\nChapitre IV\n\nCopyright\n\nDu m\u00eame auteur\n\nPr\u00e9sentation\n\nAchev\u00e9 de num\u00e9riser\n","meta":{"redpajama_set_name":"RedPajamaBook"}} +{"text":"\n\n> _For Angela_\nCopyright \u00a9 2017 by Amy Cherrix\n\nAll rights reserved. For information about permission to reproduce selections from this book, write to trade.permissions@hmhco.com or to Permissions, Houghton Mifflin Harcourt Publishing Company, 3 Park Avenue, 19th Floor, New York, New York 10016.\n\nwww.hmhco.com\n\nCover photograph \u00a9 Spencer Platt\/Getty Images\n\nThe Library of Congress has cataloged the print edition as follows:\n\nNames: Cherrix, Amy E., author\n\nTitle: Eye of the storm : NASA, drones, and the race to crack the hurricane code \/ by Amy Cherrix.\n\nDescription: Boston : Houghton Mifflin Harcourt, 2017.\n\nIdentifiers: LCCN 2016002792 | ISBN 9780544411654\n\nSubjects: LCSH: Hurricanes. | Storm chasers. | Drone aircraft.\n\nClassification: LCC QC944 .C45 2017 | DDC 551.55\/2072\u2014dc23\n\nLC record available at \n\neISBN 978-1-328-69499-7 \nv1.0417\n\nPHOTO CREDITS:\n\nCorbis: (bottom), (left), , ; Jacques Descloitres, MODIS Rapid Response Team at NASA GSFC: i; Angela Dresch: ; FEMA: (left), , ; D. Fratello\/NASA\/AFRC: ; Getty Images: (top), ; Jenny Goldstick\/HMH: , ; Governing.com: (sidebar photo); Houghton Mifflin Harcourt: ; Infographic World (www.InfographicWorld.com): ; Norman Kuring\/NASA\/Ocean Color Web: vi\u20131; Joseph Lamberti: ii\u2013iii, iv\u2013v, , (left), , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , back cover; Norman Lenburg\/FEMA: (right); NASA: , , , , , (infrared reading, left), (bottom), (image only), (sidebar images), ; NASA\/Goddard MODIS Rapid Response Team: ; NASA Scientific Visualization Studio: (right); NASA\/Wallops: , ; National Park Service: ; Harold Pierce\/SSAI\/NASA: ; Chad Rachman\/Corbis: (left); Radius Images, Corbis: 8\u20139; Brea Reeves\/NASA: ; Robert Simmon\/NASA\/NOAA GOES Project science team: (right); Space Science and Engineering Center (SSEC), University of Wisconsin-Madison: ; Staten Island Advance\/Ryan Lavis copyright 2016: ; Tom Tschida\/NASA: , (top), ; UCAR: ; United States Navy: ; Marilyn Vasques\/NASA: ; Wikimedia Commons:\n\n# CHAPTER 1\n\n# Super Storm\n\nOn an overcast afternoon in late October 2012, thirteen-year-old Angela Dresch stepped onto the Staten Island beach that was a short walk from her home. Thick gray clouds boiled overhead as gusty winds whipped sea foam onto the sand. Halloween was just three days away and she was excited to go trick-or-treating.\n\nIt seemed strange that a hurricane was churning somewhere out in the Atlantic. Angela thought of hurricanes as summer storms. Coastal residents like the Dresch family accepted the risk of occasionally severe storms as a part of life, so Angela wasn't afraid of this hurricane. She was curious to see the angry-looking ocean, take a few pictures with her smartphone, and post them on social media. Maybe she would share them with her big sister, Jo Ann, who lived in Nashville, Tennessee.\n\nHurricane Sandy had been in the news for days, with weather forecasters calling it a \"Frankenstorm,\" because it was almost Halloween. New York's governor had already declared a state of emergency. Some residents of low-lying coastal communities in New York and New Jersey were leaving their homes, but Angela's family decided to stay. The Dresches had evacuated during Hurricane Irene in 2011, and their house had been untouched by the storm. The unnecessary evacuation had been costly. While the Dresches were away, someone robbed them. They decided as a family that the next time there was a hurricane, they would shelter at home and protect their property.\n\nThe wind kicked up again. Angela was grateful for her favorite purple sweatshirt, which kept her warm. She pointed the smartphone at herself for one last picture, making sure to capture the gray skies and stormy ocean in the background. She smiled and snapped the photo. As she walked home to her parents, Patricia and George, she captioned the photo \"#SANDYCOMEATME.\"\n\nAngela takes a photo of herself the day Hurricane Sandy made landfall in Staten Island, New York.\n\nBy 6:28 p.m., the situation on Staten Island had deteriorated. Inside the Dresch home Angela sent a frantic text message to her friend Jenna Kelly.\n\n\"JENNA MY DINING ROOM IS FLOATING.\"\n\nBut Jenna couldn't possibly comprehend what was happening to Angela's house. In what looked like a scene from a disaster movie, a fourteen-foot ocean swell rolled into their neighborhood like a tidal wave. It was much worse than floating furniture. The whole dining room was being lifted from its foundation by rising water.\n\n\"George, get back!\" Patricia shouted to her husband. In the time it took Angela's father to close the French doors behind him, the whole dining room was ripped off the house.\n\nHurricane Sandy had arrived.\n\nOnly a few minutes after Angela clicked Send on her text message to Jenna, the entire first floor was unsafe. The water was rising fast. The family knew they needed help. Patricia grabbed her cell phone and quickly dialed her brother's number. Gerard Spero answered and tried to reassure his sister. \"I'm calling 9\u20131\u20131!\" he said. Patricia hung up and prayed her brother would be able to send the police. But the lines were clogged with hundreds of incoming emergency calls. Gerard was placed on hold . . . for forty-five minutes.\n\nToo late, the Dresches realized they should have evacuated when they had the chance. They were trapped. The only option was to move to the second floor. Photos and heirlooms tempted the family as they climbed the stairs, but there wasn't time to collect keepsakes.\n\nGeorge led his wife and daughter into the bedroom closet. They hoped they would be safe there, among the neat rows of clothes hanging around them. The floors groaned against the weight of water. The wind sounded like it could tear the house apart. Patricia touched the wall. Her hand came away wet and the plaster bubbled beneath her fingers. Water seeped in all around them. They needed to move again.\n\nAngela followed Patricia and George as they raced into the bathroom. Maybe they could wait it out, holding on to the sturdy sink and solid bathtub. George and Patricia sandwiched their youngest daughter between them while the water continued to rise.\n\nBefore long, the bathroom was completely flooded. The Dresches were up to their necks in frigid seawater. It was getting harder to hold on to the slippery sink with cold fingers. Patricia gripped it with one hand and clung to Angela with the other. The water began to crest over their heads. They each took a big breath of air before they went under.\n\nThat's when the bathroom walls exploded.\n\nThe force of the collapse shoved the family out into what used to be their front yard. Now it was the ocean. One by one the family broke the water's surface, Patricia and Angela still holding hands. But something fell hard on their heads.\n\nThe roof.\n\nThey went under again. Beneath the black water, Patricia fought her way up, but something blocked her way to the surface. She reached out to push it away. Mother and daughter were wrenched apart.\n\nPatricia resurfaced, gasping against the icy waves. She cast about desperately, looking for Angela, but saw only George's head above water. Where was their daughter? Both parents searched the punishing current for anything to hold on to. Patricia looked up and spotted a thick wire just overhead. She lunged and managed to grab hold, barely registering that her lifeline was a telephone cable, an estimated sixty feet (18 m) above the ground.\n\n\"Hold on!\" George screamed as another wave overtook them. He disappeared, too. Patricia was alone and could barely keep hold of the cable. But she couldn't help her family if she went under. Looking around, she saw something familiar in the swirling water\u2014her soap dish. It was still connected to the bathroom wall, which was floating next to her. Patricia released the cable and grasped the wall. She floated down the block alone on her makeshift raft and eventually made her way to shallow water. She dragged herself onto a neighboring back porch. Patricia had no idea what had happened to her husband or daughter. Battered, bleeding, and freezing, she drifted in and out of consciousness, praying Angela and George somehow survived and that her family could be reunited.\n\nWhen a first responder, a firefighter, finally reached Patricia, her body temperature was barely eighty-one degrees Fahrenheit (27 degrees Celsius). She was hypothermic and dangerously close to death. It was one a.m. She had been on the porch nearly six hours.\n\nPatricia spent weeks in the hospital, but she survived. Tragically, Angela and George were among the fifty-three people in New York who lost their lives to Hurricane Sandy.\n\nA makeshift memorial where the Dresch home once stood.\n\n## EYE-TO-EYE: HURRICANE SANDY\n\nMeteorologists classified Hurricane Sandy as a \"super storm,\" because a few days before making landfall, the weather system had collided with another large storm in the upper atmosphere over the Bahamas, greatly increasing Sandy's size. However, the storm was still classified as a Category 1 hurricane, the lowest intensity on the Saffir-Simpson Scale, which rates hurricanes in terms of wind speed.\n\nMany people, like the Dresches, falsely believed Hurricane Sandy's Category 1 status made it a weak and therefore less threatening storm. Sandy was not a weak hurricane. As it neared the Dresch home on Staten Island, it combined with a second system, an \"extratropical\" or winter storm, which provided a powerful burst of late-season cold air, making it a _hybrid_ storm\u2014a dangerous combination of multiple weather systems. By the time Sandy struck the East Coast on October 29, it was the largest Atlantic hurricane in U.S. history, with a record-breaking wind span of 1,100 miles (1,770 km) and peak winds nearing 115 miles per hour (185 kmph). Hurricane Sandy affected twenty-four states, including the entire Eastern Seaboard, from Florida to Maine, and as far west as Michigan and Wisconsin.\n\nThe Geostationary Operational Environmental Satellite System (GOES) imagery shows the East Coast engulfed by Hurricane Sandy's record-breaking size.\n\nThe boardwalk in Seaside Heights, New Jersey, sustained heavy damage during the storm.\n\nFirefighters could only watch as an out-of-control blaze caused by Hurricane Sandy decimated the Breezy Point and Rockaway Beach communities of New York.\n\nSandy's size wasn't the only threat. One of the most destructive parts of a hurricane is its storm surge, an ocean flood on the mainland. These huge swells roll ashore when a hurricane makes landfall. And thanks to a full moon, the massive hybrid storm was riding an astronomical high tide. The storm surge was deeper because the tide was already at its highest point when the hurricane reached the coastline. Offshore buoys measured Sandy's highest waves at forty feet (12 m).\n\nWith so many factors contributing to its destructive capacity, Hurricane Sandy was no small threat\u2014but its low Category 1 designation lulled thousands of people into a false sense of security. The hurricane decimated parts of New York. In New Jersey thirty-four people died and 346,000 homes were damaged or completely destroyed. Worldwide, 285 people were killed along the path of the storm in seven countries; 117 of them were in the United States. Though tragic, statistically those numbers are low. Wind and rain from hurricanes have claimed many more lives throughout history.\n\nA fleet of New York City's iconic yellow taxis swamped by the storm.\n\nSandy's mixed bag of weather dumped three feet of snow in parts of West Virginia, causing hazardous road conditions and large-scale power outages.\n\nTorrential rainfall and heavy winds weren't the only havoc Sandy wreaked across the United States. The storm dumped thirty-six inches (91 cm) of snow in parts of West Virginia, crippling transportation and causing power outages to 8.5 million homes in twenty-one states. While Hurricane Sandy brought every phase of wet weather imaginable, it was fire that threatened New York's Breezy Point and Rockaway Beach communities in Queens. Just over twenty miles (32 km) from the Dresch home, Sandy's rising floodwater in these neighborhoods was a deadly soup of trash, jagged scraps of metal, toxic sewage\u2014and fuel. Residents were trapped, surrounded by a contaminated, highly combustible flood. When salt water came in contact with exposed electrical wires, the flammable water ignited. Hurricane-force winds fanned the flames, burning over 150 homes and buildings to the ground. Firefighters were helpless because submerged roads made it impossible to access the out-of-control blaze.\n\n#### A STORM IN THE CLOUD\n\nDowned power and telephone lines all over New York prompted Hurricane Sandy survivors to use social media outlets like Facebook, Instagram, and Twitter to reach emergency services. The social media manager of New York City's fire department, Emily Rahimi, was at her desk when urgent requests for help began flooding the department's Twitter account. For thirty straight hours, Emily responded to hundreds of tweets, acting as a digital lifeline, relaying emergency requests to 911 dispatchers, and posting online updates about area flooding and fires.\n\nHurricane Sandy marked a technological shift in disaster survival. Social media platforms were used as a form of digital SOS, and in some cases, they were the only sources of important updates from government agencies trying to help injured and stranded citizens.\n\nAt the storm's peak, Instagram social network users uploaded Sandy-related photos at a rate of ten images every second.\n\nThe Red Cross monitored 2.5 million Sandy-related social media postings, tagging 4,500 of them for follow-up by officials.\n\nIn the storm's aftermath, social media remained a crucial component of disaster recovery until power and other utility services could be restored.\n\nThe nickname \"Frankenstorm\" said it all. Sandy was a monster storm for the ages. Several years later, New York and New Jersey residents were continuing to struggle with rebuilding their communities, but it was even more difficult for them to rebuild their hope. Each year they worried that disaster might strike again. As terrible as Super Storm Sandy was, however, the loss of life and property could have been greater. Whether or not people chose to evacuate, they had time to prepare, because there were advance warnings. That hasn't always been the case. Before the advent of the telegraph, radio, modern satellite technology, and the Internet, some hurricanes made landfall with little or no warning at all.\n\nMeteorology has come a long way since the turn of the last century. Thanks to weather satellites and early warning systems, today's forecasters can see a hurricane taking shape days\u2014and sometimes weeks\u2014before it makes landfall. Increased lead time means local weather bureaus are able to more accurately forecast the timing of a hurricane's arrival and notify residents if and when they need to evacuate. However, even with these new developments, too many questions remain unanswered and too many lives have been destroyed by these unstoppable storms.\n\nAnswering those questions has been challenging. Hurricane intensity is notoriously difficult to predict with great accuracy. Researchers at agencies like the National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), the National Weather Service (NWS), and the National Center for Atmospheric Research (NCAR) are hard at work on the problem, studying the conditions under which hurricanes are created and where they begin. The first step to surviving hurricanes is to better understand them.\n\nSandy-related fires reduced neighborhoods to ashes.\n\nThe SUV-size TRMM satellite provided hurricane forecasters with 3D views of hurricanes such as Katrina in 2005. \n\n# CHAPTER 2\n\n# The Physics of Formation\n\nSand dunes in the Sahara Desert.\n\nSurviving hurricanes is about more than knowing when they will strike. These tropical systems can release the energy equivalent of ten thousand nuclear bombs and produce enough water to wash entire communities from the map. It's surprising, then, that these massive storms can begin in one of the driest places on earth. Most North Atlantic hurricanes are born amid the dunes of the vast Sahara as little more than a gasp of desert-choked air. The immense heat from the world's second-largest desert warms this tendril of air, causing it to rise above the sand, where temperatures blaze near 120 degrees Fahrenheit (48 degrees Celsius). The searing newborn breeze curls onward, sometimes sweeping up grains of desert dust as it flows toward the coast, pulled by the moist air over the Atlantic Ocean. When this dry wave of energy meets moist ocean air, it collides with other storm activity already organized in the atmosphere. A tropical depression forms, which rises higher in a counterclockwise spiral caused by the earth's rotation, known as the Coriolis effect. Air pressure drops. Wind speed increases. Dense clouds darken the sky, producing wide rain bands, deafening thunder, and violent lightning. The hungry new system needs more fuel to survive\u2014and there's a plentiful supply in the bathwater-warm ocean. The storm feeds, sucking heated water vapor inside itself, like a racecar engine stoked by gasoline.\n\nThe vast Sahara Desert is a sea of sand that stretches 3.5 million square miles (approximately 9.1 million square km), covering one third of the African continent.\n\nThe influx of additional energy causes the already low pressure at the center of the storm to plummet further. Winds intensify. Massive cloud towers launch fifty thousand feet (15.25 km) into the stratosphere, where temperatures are so cold it's actually snowing, while at the bottom of the system, immense heat and gale-force winds heave the ocean into fifty-foot (15 m) ship-swallowing peaks. The ferocious storm spools up _multiple_ tornadoes and hurls cloud bands hundreds of miles away from its core, where the air is eerily tranquil. When Mother Nature's deadliest monster roars to life and its eye opens, nothing in its sight is safe. It's up to those in the storm's path to get out of harm's way.\n\nThat's the tricky part, though. Knowing when to evacuate people is the biggest challenge facing state, local, and federal emergency management officials before a storm hits. Timing is everything in a potential weather disaster. How much time is needed? How can anyone know for sure that an evacuation is necessary? If an evacuation is unwarranted, residents may be less likely to leave during future storms, and those consequences could be catastrophic. It's not enough to predict _when_ a storm will happen. The future is predicting _how strong._\n\nAre clear skies ahead for stormy Jupiter? Astronomers at the Goddard Space Flight Center in Greenbelt, Maryland, report the Great Red Spot (the largest hurricane in our solar system) is shrinking. Recent Hubble Space Telescope observations confirm this storm is approximately 10,250 miles (16,496 km) across, less than half the size of previous observations that began in the 1930s.\n\nStorm strength (intensity) determines how hurricanes are remembered throughout history. Evolving tropical systems are given numerical designations until they reach a sustained wind speed of thirty-nine miles per hour (63 kmph), when they are classified as a tropical storm and assigned a proper name. Giving hurricanes proper names helps distinguish one storm from another throughout history.\n\nThe U.S. Weather Bureau began formally naming tropical storms and hurricanes in 1950. They started with the World War II military alphabet created by the U.S. military. Each letter was pronounced as a distinct word. \"A\" was Able, \"B\" was Baker, \"C\" was Charlie, and so forth. But every year the storm names repeated. Today, the World Meteorological Organization maintains the list that is now composed of alternating male and female proper names. The list is reused every six years, but if a storm is particularly costly or deadly (like Hurricane Sandy), they retire the name and it can never be used again.\n\n\"Tropical cyclone\" is the general term used for any hurricane, typhoon, cyclone, tropical storm, or tropical depression. Depending on where you are in the world, though, these storms are called different things. In the Northern Hemisphere, tropical cyclones of the Atlantic and northeast Pacific Oceans are called hurricanes. They were named by ancient Central American civilizations that blamed the severe storms on the angry storm gods Hunraken and Huracan. Due to the earth's rotation, these storms rotate in a counterclockwise direction. In the Southern Hemisphere, tropical cyclones of the northwest Pacific are called typhoons. In the South Pacific and Indian Oceans, they are simply known as cyclones. In this hemisphere, storms rotate in a clockwise direction, because the earth's rotation pulls winds to the left. Down under, Australians have their own nickname for tropical cyclones: willy-willies.\n\nIt's always hurricane season somewhere on earth, but not even outer space is immune to cyclonic weather. The famous Great Red Spot on the surface of Jupiter is a hurricane bigger than our entire planet. It has raged for over three hundred years!\n\nPeople cannot control the force of a hurricane, any more than we can prevent them from happening. The best thing we can do is better understand hurricane behavior and learn how to accurately interpret the ways in which they change and grow. It's a difficult task, because hurricanes are terrific secret keepers. But a team of elite scientists may have found a new way to see what hurricanes are hiding.\n\n#### HURRICANE FAST FACTS\n\n * Hurricanes are characterized by low-pressure centers. **The lower the pressure, the stronger the storm.**\n\n * A hurricane does not have to be large to pose a threat. Imagine an ice skater spinning in a circle. When her arms are extended, she spins slowly. As she pulls her arms closer to her body, she spins faster. **The tighter and more organized the hurricane, the faster and more dangerous it becomes.**\n\n * **Hurricane pressure is measured in millibars,** the standard unit of air-pressure measurement for meteorologists. It refers to how high the mercury rises in a barometer due to air pressure.\n\n * **Hurricanes belong to a class of storms called tropical cyclones.** They vary in size, but are typically about three hundred miles (483 km) wide.\n\n * A **hurricane watch** means that winds associated with cyclonic weather are _possible._\n\n * A **hurricane warning** announcement is more serious. It means winds associated with cyclonic weather are _expected._\n\n * **The right side of a hurricane is the most dangerous,** bringing storm-surge flooding, high winds, and tornadoes.\n\n * **Hurricane-force winds extend anywhere from twenty-five miles (40 km) to hundreds of miles** from the center of a large hurricane.\n\n * The winds around **the eye of a hurricane** are usually the **strongest**.\n\n * In the past two hundred years, hurricanes have led to the deaths of nearly **two million people.**\n\n * The National Hurricane Center uses the **Saffir-Simpson Hurricane Wind Scale** to give officials and the public an idea of what to expect from an approaching hurricane.\n\nInfographics courtesy of NOAA, USGS, and Infographic World.\n\n#### HURRICANE INGREDIENTS: MOTHER NATURE'S RECIPE FOR DESTRUCTION\n\n * Ocean water heated to 80 degrees Fahrenheit (26 degrees Celsius) to a depth of 150 feet (46 m)\n\n * Moisture-rich air in the atmosphere\n\n * Rotating winds over the surface of the ocean with little or no wind shear, a sudden change in wind speed or direction\n\n * Thunderstorm activity\n\nThis map illustrates the tracks of all known Atlantic tropical cyclones from 1851\u20132012. The points show the locations of the storms at six-hour intervals. \n\n# CHAPTER 3\n\n# A Hurricane Hunt Begins\n\nWeather antennas at Wallops listen for signals from orbiting satellites.\n\nJust a few miles down the road from Chincoteague Island and the pristine Assateague Island National Seashore is Wallops Island, home to the NASA Wallops Flight Facility. NASA may be best known for its off-planet projects like space shuttle flights, missions to Mars, and trips to the International Space Station, but the agency is also focused on more earthly concerns, like severe weather. In 2014, for the third consecutive summer, Wallops is hosting a world-class team of more than two hundred NASA engineers, meteorologists, and physicists, who have assembled here to conduct an airborne field science mission called Hurricane and Severe Storm Sentinel (HS3). Their goal: revolutionize the way hurricanes are forecast to make everyone safer.\n\n#### CHINCOTEAGUE\n\nEstablished in 1943, the Chincoteague National Wildlife Refuge covers fourteen thousand acres (57 km2) of beaches, sand dunes, marshland, and maritime forest. This diverse ecosystem is home to a herd of approximately 150 wild ponies and 320 species of birds, including bald eagles, great blue herons, and snowy egrets. Some of the island's birds are endangered, like the piping plover. These talented actors often pretend they have a broken wing to lure predators away from their young.\n\nA pair of piping plover chicks wait for their mother to return with a meal.\n\nIn 1965, Congress established the Assateague Island National Seashore, forty-eight thousand acres (194 km2) that encompass the Chincoteague refuge as well as the northern portion of Assateague Island.\n\nTwo Chincoteague ponies accompany a foal to the shoreline.\n\nHome to the NOAA Command and Data Acquisition Station, Wallops is the primary site for command and control of the United States' weather satellites. Meteorologists monitor the atmosphere around the clock as orbiting weather satellites ping crucial atmospheric data back to several large, white, dish-shaped ground antennas. Situated at varying positions across rolling acres of green pastureland, the dishes look surprisingly festive. Each one is outlined in tiny red lights that make it visible to aircraft. But these devices are the weather nerve center of the nation's forecasts.\n\nEstablished in 1945 by NASA's predecessor agency, the National Advisory Committee for Aeronautics (NACA), the Wallops Flight Facility was constructed more than a decade before President John F. Kennedy challenged NASA to send a person to the moon. The 6,200-acre (25 km2) complex was originally built to conduct aeronautical research with rocket-propelled vehicles and is one of the oldest rocket launch sites in the world. When NASA was formed in 1958, components for the first human space flight program were developed here.\n\nToday, the facility remains on the cutting edge of atmospheric research. Inside, the scientists of HS3 are using a special high-altitude unmanned aerial vehicle\u2014a drone\u2014to spy on Mother Nature herself in order to better understand hurricane intensity change in the Atlantic Ocean. Originally owned by the U.S. Air Force as a demonstration aircraft, this Global Hawk drone now has a humanitarian mission, as a tool of science. For HS3 summer field campaigns, the aircraft carries a suite of onboard scientific instruments that allow NASA to study hurricanes in an unprecedented way\u2014by flying over them for twenty-four hours at a time. If their high-altitude stakeout pays off, data collected by the mission could help rewrite the science of hurricane prediction. HS3 might save thousands of lives by helping meteorologists create more accurate hurricane intensity forecasts.\n\nScientists already know that hurricanes can behave dramatically within their surrounding environment at their uppermost levels. But those places cannot be penetrated by traditional observation methods like radar and satellites. With this high-altitude drone, NASA scientists hope to collect data that will help reduce or eliminate unnecessary evacuations. They can be just as dangerous as hurricanes, because over time, repeated false alarms may frustrate citizens, making them less likely to evacuate during future storms. A more precise forecast could save untold numbers of lives and millions of dollars in unnecessary emergency management costs.\n\nLuck hasn't been on the researchers' side during the three-year mission. The Atlantic hurricane seasons have been quiet, with the exception of Hurricane Sandy, which, unfortunately, the team missed. By the time the historic storm had formed in the late autumn of 2012, the HS3 mission had concluded science flights for the season. Now it appears their luck might be changing. A tropical storm has organized in the North Atlantic and is forecast to strengthen within twenty-four hours.\n\nOn September 14, NASA's Terra satellite captured this image of Tropical Storm Edouard at 10:35 a.m. EDT.\n\nTropical Storm Edouard is expected to stay well out to sea and far away from populated areas. It's a perfect sample, and if all goes according to plan, Global Hawk could be there to record Tropical Storm Edouard transitioning into a full-blown hurricane.\n\nAt forty-four feet (13 m) long, with a wingspan of 116 feet (35 m) and a body that's two feet (60 cm) longer than a Boeing 737 jetliner at 112 feet (34 m), the delicate Global Hawk drone is the last aircraft any pilot would fly into volatile weather. But because it is able to cruise high above storms at nearly seventy thousand feet (21 km), Global Hawk can theoretically stay out of harm's way. And, since it flies autonomously, there's no risk to a human pilot.\n\nEven though high-tech capabilities make the HS3 Global Hawk the ideal vehicle for the job, the use of drones is increasingly controversial. Other Global Hawk aircraft models are used in military missions, both as weapons and as spy planes. Despite the controversy, NASA remains confident that data collected during Global Hawk science flights has the potential to increase understanding of severe tropical weather systems worldwide.\n\nThe pressure is on for HS3 scientists. This is the third and final year of the mission's summer field science campaigns. They are running out of time, and some crucial pieces of data remain uncollected. Edouard could be their last chance to gather essential information to accomplish HS3's mission goals.\n\n## MISSION GOAL #1: \nUNLOCK THE SECRETS OF THE SAHARA AIR LAYER\n\nIn North Atlantic hurricanes, the Saharan Air Layer (SAL) is an intensely dry, warm, and frequently dust-infused layer of the atmosphere that often covers the cooler, humid surface air of the Atlantic Ocean. Remember the Saharan desert dust that an emerging storm can pick up on its way to the ocean? This dust may be one of the large-scale _external_ environmental factors impacting storm intensity. Does the presence of dust alter temperatures around the storm? If so, does it intensify or diminish storm energy? Some meteorologists believe the presence of Saharan dust makes storms stronger, while others argue it undermines the formation of hurricanes. This question is the subject of much debate within the meteorological community, and HS3 could help settle it once and for all.\n\nA large Saharan Air Layer display captured by satellite.\n\n## MISSION GOAL #2: \nDECODE DEEP CONVECTION\n\nAnother intensification factor explored by HS3 is the role of deep convection towers. These immense columns of thunderstorms are _internal_ to the hurricane's eyewall. The transfers of heat and energy that occur in this relatively small area (roughly 10 to 15 percent of the storm's total surface) may drive hurricane intensification in the form of deep thunderstorm bursts within the hurricane's structure. But it's unclear what role these convective bursts actually play in the intensification process. What makes more of an impact on intensification: a bunch of smaller storms scattered throughout the system, or a smaller group of very intense storms? Scientists don't really know. These questions are hard to answer because hurricanes hide important clues about how they behave and intensify in areas that are hard to reach (and even harder to see). Some of the most powerful forces in a hurricane could actually be happening on a very small scale.\n\nInfrared visualization of deep convection towers.\n\nThe HS3 team hopes their research will better explain a specific type of hurricane behavior known as rapid intensification, an increase in the maximum sustained winds of a tropical cyclone of at least thirty knots (56 kmph) in a twenty-four-hour period. (Wind speeds over water are expressed in knots, a unit of measurement equivalent to one nautical mile [1.9 km] per hour.) That's important to the ten million Americans who live within fifty miles of the Atlantic coastline. The speed at which a hurricane intensifies dramatically impacts how and when hurricane evacuations are issued. A more precise understanding of rapid intensification would increase the amount of time local governments have to get people out of harm's way.\n\nUnderstanding how the combination of internal forces of deep convection and external factors like the SAL work to influence incremental changes in hurricane strength (and to what extent they can be predicted) could be the key to cracking the intensification code once and for all. And it all begins with a drone.\n\nPositioning Global Hawk safely above Tropical Storm Edouard will require the skill of two highly trained drone pilots. But a third pilot is taking to the skies this morning as part of the HS3 mission.\n\nDressed in a flight suit, his helmet in hand, NASA pilot Dennis Rieke inspects the sharkfaced T-34 airplane that he will fly to escort Global Hawk while it safely navigates commercial airspace. (The Federal Aviation Administration, the national aviation authority of the United States, mandates that all drones must be accompanied out of commercial airspace by a traditionally piloted aircraft.)\n\nDennis, a recently retired Navy fighter pilot, has logged his fair share of intense hours in the cockpit. During his twenty-three-year military career, he flew jets in multiple combat zones over some of the world's most dangerous places. His skills as a fighter pilot earned him a distinguished position as a flight instructor at the U.S. Navy's Fighter Weapons School, also known as Top Gun. \"I got the chance to play the bad guy there,\" he says with a mischievous grin. \"That was fun!\" When he retired from the Navy, Dennis began flying with NASA.\n\n#### FAA DRONE GUIDELINES\n\nNASA is required to follow the guidelines of the Federal Aviation Administration. Strict rules govern the use of drones like Global Hawk in and around U.S. airspace.\n\n * Must be accompanied out of commercial airspace by a traditionally piloted aircraft\n\n * Must not operate in heavily populated areas\n\n * Are forbidden to share commercial airspace with passenger jets\n\nScott Braun listens carefully to the day's first weather briefing. Atmospheric predictions must be precise to protect Global Hawk from the dangers of high winds and lightning strikes.\n\nThe NASA pilots Dennis Rieke and Gerrit Everson board their T-34.\n\nAfter the exterior inspection of the T-34, Dennis and copilot Gerrit Everson climb into the cockpit and complete their preflight checklist. The canopy slides closed and Dennis cranks the engine. The tough little T-34 growls to life. They are ready to roll just as Global Hawk is towed into view at the far end of the runway.\n\n\"BOOM!\" The explosion from an air cannon cracks the stillness. Global Hawk isn't the only large bird on the island. With the wildlife preserve nearby, the airfield is in the migration pattern of dozens of species of birds, some endangered. The Global Hawk may be the biggest bird on the block, at 25,600 pounds (11,612 kg), but a blue heron or bald eagle in an engine could spell disaster for the sophisticated drone. The air cannon scares them off, lessening the chances of injuring both a bird and the plane.\n\nGlobal Hawk is a fully-automated aircraft, but it must be towed onto the runway with extreme care to protect both the plane and its onboard instruments. This is one of the last times human eyes see the plane for the next twenty-four hours.\n\nWith the sky cleared of bird traffic, Global Hawk races down the sunlit runway. It lifts off, accompanied by the roar of Dennis's T-34 as it comes up alongside to escort the drone out to sea. When Global Hawk leaves commercial airspace, Dennis and Gerrit will return to Wallops, and Global Hawk will go it alone on a five-hour journey to meet Tropical Storm Edouard. As the two planes vanish into the horizon, the HS3 team far below prepares for the most important flight of the entire mission.\n\n## 8 A.M. WEATHER BRIEFING\n\nWith Global Hawk on its way to rendezvous with Tropical Storm Edouard, the scientists on the ground turn their attention to understanding the weather conditions it may face over the next twenty-four hours. Inside a conference room, the day's first weather briefing is about to begin. Leading the presentation is a group of early-career scientists who work with HS3 as part of their studies. The Pennsylvania State University PhD candidate Erin Munsell knows all eyes are on her. It's the first time the graduate student in atmospheric science has led the presentation. If Erin and the rest of the team are nervous, it doesn't show, despite the fact that they are charged with a big responsibility. For Global Hawk to successfully reach Edouard and record data, pilots and scientists must have a reliable forecast. Unanticipated weather conditions could compromise data collection and endanger Global Hawk, as well as its sensitive scientific instruments. Erin and her colleagues are about to share their forecast, which is designed to safeguard Global Hawk's overnight flight.\n\nErin Munsell and Christopher Melhauser, fellow Penn State PhD candidates, prepare to brief the HS3 meteorologists on Tropical Storm Edouard.\n\nThe lights dim as a dizzying array of maps, graphs, and complex charts begin trading places on-screen and Erin describes Tropical Storm Edouard's chances of becoming a hurricane. This isn't a \"don't forget your umbrella\" weather report. It's a forensic-level analysis of the atmosphere _by_ weather experts, _for_ weather experts.\n\nAccurate hurricane modeling is an important tool in keeping the public safe from hurricanes. Forecasters rely on a worldwide network of supercomputers. These powerful computers use mathematical equations called algorithms to predict storm behavior. Meteorologists use this data to create storm models\u2014or probable weather outcomes. The two most common are the American model and the European model. You may have heard them mentioned in your local weather forecast. While HS3 uses some of these models, their research requires a much clearer picture of storm evolution.\n\nErin, along with John Sears, an assistant researcher from the University of Wisconsin, and his colleague, Derrick Herndon, also a research specialist from the University of Wisconsin, helps create the hurricane models used by HS3.\n\n\"The models you hear about on the news have a fairly coarse resolution,\" Derrick says, \"making it difficult to see what's happening in fine detail.\" That detail is crucial to an accurate HS3 forecast. \"We have to run our models at a much higher resolution. With more data points crammed into less space, we can try to resolve the small-scale details of the storm. When we put the data from traditional global models into our higher-resolution hurricane model, we can use that data to create a better picture of what's going on.\" The whole team at Wallops\u2014including Erin, John, and Derrick\u2014is working tirelessly to do everything they can to ensure people have the information they need in order to plan accordingly. Part of that includes getting the forecast right for HS3 so that Global Hawk can do its job.\n\nErin's summary continues. She explains how low wind shear will increase the storm's chances of becoming a hurricane over the next twenty-four hours. Wind shear is a sudden change in wind speed or direction over a relatively short distance. These abrupt changes can tear a hurricane apart. Without strong wind shear to slow it down, the storm can grow stronger and possibly undergo rapid intensification. The HS3 scientists at Wallops have never successfully observed rapid intensification during a science flight. With field campaigns concluding at the end of this hurricane season, Tropical Storm Edouard could be one of the last chances to capture rapid intensification, what the scientists refer to as the mission's \"holy grail.\"\n\nIf Tropical Storm Edouard becomes a hurricane with the potential for longevity, HS3 might get another shot at it\u2014and take an important step toward cracking the hurricane code.\n\nAs the morning weather briefing concludes, no one is certain what the next twenty-four hours will bring. One thing is perfectly clear, however. Tropical Storm Edouard will soon have a new name: _Hurricane_ Edouard. Mother Nature is cooperating at last. Now the scientists must do their part. Every action must be meticulously executed from their high-tech laboratory on the ground: the Global Hawk Operations Center (GHOC), the scientific hub of the HS3 field campaign.\n\n#### ARE YOU A FUTURE FORECASTER?\n\nDo you chase rainbows? Delight in a downpour? Are you fascinated by the weather in all its forms? If so, you might be a meteorologist in the making. For this group of early-career scientists, there was never any doubt that the weather was in their professional forecast.\n\n**John Sears** \"I grew up in Florida. Once we had this serious hailstorm\u2013like baseball-size! My dad ran outside with a sofa cushion to get some and then dumped them in the sink for me and yelled, 'Hey, John, look at this!' He knew I would love it. So I guess you could say I have always wanted to do science.\"\n\n**Erin Munsell** \"In 1993, Hurricane Emily was brushing the Outer Banks of North Carolina and there was a one percent chance it would hit the New Jersey shore where I lived. My dad let me stay up until midnight watching this crazy guy on the beach give updates. It was a hobby at first, but I always wanted to pursue it as a career.\"\n\n**Derrick Herndon** \"My father was very good at fostering my passion for the weather. We lived in Florida, and he gave me a personal weather-station kit when I was eleven. I used it to post my weather forecast on the refrigerator every day. I continued to use it for many, many years.\"\n\n# CHAPTER 4\n\n# Science in a Fishbowl\n\nFloor-to-ceiling windows separate the scientists and Global Hawk's large, stationary \"cockpit.\"\n\nThe Global Hawk Operations Center is filled with computers and high-tech electronics. As mission control for HS3, it consists of two separate but connected rooms, each one encased in glass. During a Global Hawk flight, the drone pilots and mission director are stationed in the \"front room,\" and the HS3 mission scientists are stationed in the \"back room.\" The team looks like they are in the world's most high-tech fishbowl\u2014and the last place a person would want to be during a landfalling hurricane. Edouard will never reach the Virginia coast, but the team has a hurricane evacuation plan in place, should a dangerous storm occur.\n\nThe NASA research meteorologist and HS3 principal investigator Scott Braun at work in the \"back room\" of the GHOC.\n\nThe back room buzzes with activity, which could have something to do with how cold it is in here. The cooler temperatures prevent the computers from overheating, but make for chilly working conditions in GHOC. Some of the scientists wear fleece jackets to keep warm. All of these HS3 researchers are \"on-station,\" seated at their computers, monitoring Global Hawk's five-hour flight to the storm. It's their job to make sure the aircraft and its payload devices are fully operational, while keeping a constant eye on the weather. Computer monitors flash between satellite and infrared images of Tropical Storm Edouard's telltale pinwheel formation. A large flat-screen monitor on the wall broadcasts real-time video from Global Hawk's onboard camera as it soars high above the Atlantic. It looks like a video game come to life.\n\nEvery move Global Hawk makes originates with the pilots in the front room.\n\nThe two pilots flying Global Hawk are seated in the front room with the flight director. This is the aircraft's landlocked cockpit. All three wear headsets. Any communication from the front room to the back room about flight patterns or sudden weather changes must be relayed to the flight director first. Access to the front room is forbidden when Global Hawk is airborne. From the back room, it all looks deceptively simple. They could be doing their taxes with an ordinary home computer. It's hard to believe they are piloting a plane that is thousands of miles away using only a monitor, a keyboard, and a mouse.\n\nFrom pilots and scientists to mechanics and engineers, the success of HS3 depends on how these skilled specialists come together as a team. Engineers work closely with physicists to build devices that collect storm measurements. Meteorologists look for shifts in the atmosphere that influence weather activity. The Wallops hangar crew keeps Global Hawk in good working order while it's on the ground, and the pilots keep it safe in the air. These storms demand this kind of diverse and detailed talent because they are highly complex and unpredictable. It's ironic that the career paths of some HS3 team members were as unpredictable as the hurricanes themselves.\n\nScott Braun, principal investigator for the HS3 mission, feels right at home in his enormous glass computer lab. The weather briefing was full of good news. He's hopeful about data collection for this flight, but the Wallops field campaign is only part of his job. As the mission's leader, he oversees HS3's many moving scientific parts before, during, and after data collection.\n\nAlthough Scott has dedicated his life to understanding the worst weather in the world, this California native had no idea what he wanted to be when he grew up.\n\n\"To tell the truth,\" Scott says with a laugh, \"I came out of high school not knowing what the heck I wanted to do. I can't say I was a weather geek. I took a lot of math and science classes but didn't connect that chemistry could lead to a career. I had taken an accounting class and thought, 'Hey, I can do this.' I chose accounting because it was the thing in high school that seemed most logical to me.\" So off he went to San Francisco State University to study accounting, proud to be the first person in his family to pursue a four-year college degree.\n\nAs a freshman, Scott needed one more class to complete his fall semester schedule. He arrived at the university's gymnasium to find hundreds of students in the same predicament. \"The only table without a long line had two signs on it,\" he says. \"One said geology, the other one said meteorology. There was one person in the geology line and no one in the meteorology line, so I signed up for my first meteorology class.\"\n\nScott loved the course. \"The professor was a real weather geek who spent spring break vacations chasing tornadoes in Oklahoma,\" he says. \"I got infected by the same bug because he had so much enthusiasm in the classroom.\" But it would be one dark and particularly stormy night that first semester of college that would reinforce Scott's commitment to the science of storms.\n\nThe weather briefing was full of good news, and Scott is optimistic about the potential for data collection.\n\nScott on-station in GHOC as Global Hawk gets closer to Tropical Storm Edouard.\n\n\"Growing up in Alameda, California, we only saw lightning on family vacations to Minnesota,\" he explains, and \"lightning storms in the Bay Area are pretty rare. It was one a.m. and I watched an event that was constant cloud-to-ground lightning, something I had rarely seen . . . I was just amazed by it. That's where my interest in studying severe weather began.\"\n\nInspired by nature and eager to learn, Scott joined his charismatic tornado-chasing professor on trips to Oklahoma and California's Central Valley, hoping to spot funnel clouds and writing papers about them when he did. In graduate school at the University of Washington, Scott studied squall lines and flew into storms as an airborne storm chaser. \"We had some fun landings, just trying to keep our lunch down!\" he says, laughing.\n\nAfter earning his PhD, Scott was hired by NASA's Goddard Space Flight Center in Greenbelt, Maryland. His work in hurricane research was as unplanned as his career in meteorology. \"Goddard had an interest in someone doing hurricane work,\" Scott says. \"So I began learning to understand them.\"\n\nUnlike Scott, Chris Naftel was captivated by NASA from the time he was small child. The soft-spoken southerner grew up regularly visiting the NASA Marshall Space Flight Center in Huntsville, Alabama, near his family's home. I _loved_ going to that museum,\" he says.\n\nFrom the beginning, school aptitude tests pointed young Chris toward an engineering career, and after graduating from high school he was accepted into Auburn University to begin his studies. One afternoon, Chris went to learn about a new program allowing students to work and attend classes. He didn't know the meeting would change his life. \"The head of the program was saying all the cool things you could do, like go work for NASA,\" Chris says. \"A light went off in my head and I thought, _That's for me!_ \" Chris was accepted into the program, and at the age of eighteen he was already working for NASA, while studying to become an aeronautical engineer. That was the 1970s, and Chris has been with the agency ever since.\n\nChris Naftel (right) and the Global Hawk pilot Phil Hall (center) brief the former astronaut and NASA associate administrator John Grunsfeld (left) on Global Hawk's capabilities.\n\nFrom his seat next to the two Global Hawk pilots in the front room, Chris serves as one of the HS3 flight directors. His job is to communicate with the payload manager in the back room to coordinate the position of Global Hawk with its pilots during HS3 science flights. But Chris is more than a flight director with HS3. In many ways, he is the reason the mission exists in the first place.\n\n## CHRIS NAFTEL'S BRAINSTORM\n\nIn 2004, Chris had just completed a NASA assignment and found himself in need of a new project. Having worked at the agency for so long, he knew the job was as much about creativity as it was engineering. He began learning about the Global Hawk aircraft, a high-flying drone that the U.S. Air Force was testing for military reconnaissance. He had this crazy idea that drones might be a new way to study storms. When he discovered the Air Force was finished with two of their Global Hawk demonstrator drones (used only for testing), the idea bloomed into his next project.\n\nSince using Global Hawk to study the weather was Chris's idea, serving as a flight director is not his only job on HS3. Chris also works as a Global Hawk project manager. He is responsible for drone-related details such as creating schedules and reconciling the mission's budget. He also troubleshoots technical problems between Global Hawk and its payload systems.\n\n\"I'm your typical introvert engineer,\" he says. \"I spent eighteen years sitting at a computer, then one day I'd had enough of that. I had to redefine myself.\" Chris went back to school with NASA to study project management. \"Now I'm doing this!\" he says excitedly. \"Everyone comes to me with problems and I have to solve them, but not all of them are technical. People skills are a big part of the job.\" In some ways, Chris says, dealing with a high-tech drone is easier than dealing with the day-to-day operations of a complex science mission. \"This is the hardest job I've ever had, but it's also the most rewarding.\"\n\nChris monitors Global Hawk's flight from the front room.\n\nMarilyn Vasques has also dedicated her professional life to NASA, running complex science experiments for the agency. Job satisfaction has always been at the heart of her career in science. She agrees with Chris that working on big field-science experiments is both challenging and rewarding. As an HS3 payload manager, she is the pipeline for all communication between the payload scientists in the back room and the flight director in the front room. Marilyn's role with HS3 requires a willingness to work with people and a knack for problem solving and planning.\n\nMarilyn Vasques takes the first shift of the day during the flight to Edouard.\n\nSeated at her station in GHOC, Marilyn quickly adjusts her headset and readies herself for the day's work. Like all other HS3 scientists, payload managers work overnight shifts on Global Hawk flights. \"We make sure all of the principal investigators are in place for the engine start and we communicate with the flight director in the front room,\" she says. \"We have someone on-station the whole time, taking turns throughout the night, and someone has to be here for landing.\"\n\nMarilyn stepped onto her career path early in life as well: as her sixth-grade teacher's assistant. By the time she was a teenager, Marilyn had moved on to helping her high school science teacher create exams. \"I was _always_ the super nerd,\" she says, rolling her eyes. So when the high school principal called her out of class one day, shock gave way to delight when he announced that she had been accepted into a competitive NASA program for future scientists. One day per week, Marilyn would be allowed to skip school and work in a lab at the NASA Ames Research Center, forty miles (64 km) south of San Francisco.\n\nLater, she returned to NASA. \"I began working on experiments that were flying aboard the space shuttle _Challenger_ ,\" she says.\n\nThat all changed on January 28, 1986, when _Challenger_ exploded, killing its entire seven-member crew. \"When we lost _Challenger,_ we were all devastated,\" Marilyn remembers. In the aftermath, Marilyn found herself out of a job. She had to pick herself up and find another one. NASA employees must be flexible and willing to work on different types of projects. Eventually Marilyn became a project scientist for STS-107: the space shuttle _Columbia_ mission. Sadly, _Columbia_ was another NASA shuttle disaster, exploding on February 1, 2003, as it reentered earth's atmosphere, killing seven more astronauts.\n\nIn the years that followed the shuttle disasters, NASA programs were streamlined or reduced. Marilyn began looking for work in NASA's Earth Science Division, which eventually led her to HS3. \"I was managing animal experiments on the space shuttle,\" she says, \"and meteorology experiments onboard an airplane isn't that different. It's all about teamwork.\"\n\nLike Chris, Marilyn wears two hats on HS3, as both a payload manager and a project manager. Her deputy project manager is Bernadette Luna (\"Bernie\" to her friends). As with many of the other HS3 scientists, Bernie always excelled in math and science. She remembers her parents were big _National Geographic_ fans, and when she was a kid, Bernie loved to watch nature videos about animals. No one was surprised when she decided to study bioengineering and later earned her PhD in mechanical engineering at Stanford University. \"I actively look for things to fix,\" she says. \"I'm not taking the toaster apart for fun, but if an appliance breaks, I search for information online and try to fix it myself.\"\n\nBernie's talent for engineering combined with Marilyn's background running experiments makes them a formidable team across many months of mission planning and preparation. Their work begins long before the other mission scientists arrive at Wallops. They tackle an impressive to-do list that covers everything from compiling phone numbers to coordinating drone flights through international airspace.\n\nLeft to right: Marilyn, Bernie, and Scott on-station in GHOC.\n\nOne of Bernie and Marilyn's biggest responsibilities is getting permission to fly Global Hawk through the airspace of other countries. The entire planet is divided into Flight Information Regions, and different countries manage those regions. Because Global Hawk flies over such large areas, Bernie and Marilyn work with the U.S. State Department to clear flights over forty countries. \"It's a complex job,\" Bernie says, \"requiring the ability to juggle many tasks at once.\"\n\nWhile scientists like Marilyn and Bernie work to keep the project running smoothly, Chris and Scott ensure that equipment capabilities align with the mission's science goals. But there's another group of HS3 scientists who have a more specialized role with its own extreme challenge: their laboratory is seventy thousand feet (21 km) in the air and, at times, thousands of miles away from them.\n\n# CHAPTER 5\n\n# Understanding Storms in the Stratosphere\n\nPeter Black (foreground), a Naval Research Lab scientist, and Anthony Didlake (background), a research meteorologist at the Goddard Space Flight Center.\n\nAt its highest altitude, Global Hawk flies into the lower levels of the stratosphere. If this drone were a traditional airplane, the pilot would have to wear a pressure suit similar to an astronaut's.\n\nThe earth's atmosphere is a thin sheet of air that encircles the planet, extending from its surface to outer space. It is sixty miles (97 km) thick and composed of five layers (troposphere, stratosphere, mesosphere, thermosphere, and exosphere). If the earth were a basketball, the atmosphere would be the equivalent of a thin sheet of plastic wrapped around it.\n\nYou don't need a PhD in atmospheric science to understand that a hurricane is too big to fit under a microscope. So how can Scott and the HS3 crew use Global Hawk to survey and sample Tropical Storm Edouard? How can meteorologists possibly analyze a storm that is hundreds of miles wide and thousands of miles tall? That's the job of the three onboard devices Global Hawk carries and the specialized scientists on the ground at Wallops, who will use them to spy on Edouard.\n\nThe physicist Gary Wick and the electrical engineer Terry Hock (rhymes with _joke_ ) are the dynamic duo behind the Advanced Vertical Atmospheric Profiling System, or AVAPS. Here at sea level on the Virginia coast, these two researchers are a long way from their Rocky Mountain home at the National Center for Atmospheric Research (NCAR) and the NOAA Earth System Research Laboratory (ESRL) in Boulder, Colorado. NASA is partnering with NCAR and NOAA to fly AVAPS aboard Global Hawk during all three of the mission's summer field campaigns at Wallops.\n\nGary Wick, AVAPS principal investigator, holds the dropsonde while his co-principal investigator, Terry Hock, holds its parachute.\n\nBoth Gary and Terry point to an early longing to discover how the natural world works. Gary can't recall a time when he wasn't excited about searching for answers. For Terry, it started as a childhood obsession with how the family television worked. You can hear the excitement in his voice when he recalls his earliest memory of wanting to become a scientist. \"I was fascinated that we had all of these television shows, but I couldn't _see_ or _feel_ those waves!\" The riddle of the television set sent him on a lifelong quest to understand what cannot be felt with human senses.\n\nHank Revercomb is the principal investigator for the S-HIS device aboard Global Hawk.\n\nWorking with the AVAPS device is ideal for two scientists who live to ask questions and strive to reveal what is hidden in plain sight. Since Terry and Gary can't see their device when it's thousands of miles away aboard Global Hawk, their brand of scientific teamwork is a perfect fit for a mission like HS3.\n\nThe Cloud Physics Lidar principal investigator Matt McGill works with his team to install the CPL device on Global Hawk.\n\nHank Revercomb has been working with climate and weather for forty years. \"I enjoyed math and earth science in high school,\" he says, but like Scott Braun, he didn't begin to think about it as a career until college. After earning his PhD in theoretical physics, he wanted a job that combined scientific theory with practical measurements, so he focused on weather and climate. From his office at the Space Science and Engineering Center (SSEC) at the University of Wisconsin, Hank studies the atmosphere by remote sensing (observing an object without making physical contact with it). During HS3 field campaigns at Wallops, he uses the remote sensing technology of a device called the Scanning High-Resolution Interferometer Sounder, or S-HIS, to scan storms from high altitudes.\n\nGrowing up in rural Michigan, Matthew McGill had a passion for two things: trains and problem solving. \"I couldn't make a living playing with trains,\" he laughs. Matt knew he could make a living by using his skills with math and science, so he became the first person in his family to go to college. He eventually earned a PhD in atmospheric science from the University of Michigan. Now he works for NASA at the Goddard Space Flight Center in Greenbelt, Maryland. Using an instrument called the Cloud Physics Lidar (CPL) to study cloud structures inside hurricanes, Matt combines his love of physics and atmospheric science to help solve problems for people, like predicting severe weather.\n\n## GLOBAL HAWK'S POWERFUL PAYLOAD\n\nThe payload devices aboard Global Hawk, overseen by Gary, Terry, Hank, and Matt, are three strange-looking contraptions. One resembles a common vending machine, while the others could be alien creations from another planet. All of these devices are controlled from GHOC computer workstations via satellite uplink. The data collected from them could hold the secrets to understanding hurricane intensity.\n\n### Advanced Vertical Atmospheric Profiling System (AVAPS) \nPRINCIPAL INVESTIGATORS: \nGary Wick, Terry Hock\n\nAVAPS, or \"the Coke machine,\" as it's known around the hangar, may resemble a vending machine, but instead of dropping drink cans, AVAPS dispenses dropsondes. Sometimes called sondes, these devices are powerful eleven-inch-long (28 cm) atmospheric measuring tools made of stiff cardboard. They resemble the cardboard cylinder inside a roll of paper towels, but don't be fooled. These high-tech instruments are delicately engineered pieces of expensive scientific equipment. At roughly $800 per dropsonde, they'd be the priciest paper towel tubes on the planet!\n\nTerry makes adjustments to the AVAPS device.\n\n**How AVAPS works:** Gary issues a remote LOAD command from a computer terminal at Wallops to AVAPS over the satellite communication system. Inside AVAPS, a dropsonde moves out of its rack, activates, and arrives in the metal launch tube. Within the launch tube, an infrared device\u2014much like a TV remote\u2014wakes up the dropsonde and initializes it for release. Meanwhile, back on the ground, Gary notifies the front room they are ready to launch. In the front room, the pilot checks for any air traffic below Global Hawk that might be impacted by a falling dropsonde. If the air is clear, the go-ahead is given for the AVAPS team to _drop_. Then a second command is sent to AVAPS to _launch_ the dropsonde. Finally, a plunger inside the AVAPS device pushes the dropsonde out the launch tube, and it falls into the storm. A small parachute releases from one end of the dropsonde, slowing its rate of descent. As it falls through the storm, it measures pressure, temperature, humidity, and wind speed. A global positioning computer chip inside the dropsonde transmits its position. By comparing transmitted positions every few seconds, Gary can estimate how far the wind is moving the device to calculate wind speed and direction.\n\nA cross section of the dropsonde reveals its complex design.\n\nBecause AVAPS data is reported from the interior of the storm to ground control at Wallops in near real time, this invaluable storm intelligence can be put to use by the HS3 team to determine Global Hawk's flight patterns. HS3 also shares dropsonde data with the National Hurricane Center in Miami, Florida. They use AVAPS data to fine-tune hurricane forecasts.\n\nStephen Crowell, a Global Hawk mechanic, mounts the dropsonde dispensing tube to the underside of the aircraft while Dave Costa of NOAA closely monitors the activity.\n\nAVAPS can release up to eighty-eight dropsondes per flight. Their atmospheric readings are vital to the mission. If AVAPS isn't working properly, an entire science flight may be scrubbed.\n\n### Scanning High-Resolution Interferometer Sounder (S-HIS) \nPRINCIPAL INVESTIGATOR: \nHank Revercomb\n\n**How S-HIS works:** From its position in the belly of Global Hawk, S-HIS oscillates, or swings back and forth, scanning over the storm structure in an area that covers about twenty-five miles (40 km). As it moves, S-HIS measures the thermal infrared energy radiated by the earth. By measuring the distribution of that energy, it's possible to determine temperature and water vapor profiles in the atmosphere. Temperature and water vapor create clouds which play an important part in energy conversion in a storm. Like AVAPS, S-HIS has both long- and short-term applications for the mission's research. In the short term, S-HIS data is immediately available via satellite downlink, so the information can also be used in real time to adjust Global Hawk's flight tracks over storms. In the long term, SHIS observations of the Saharan Air Layer could help explain the relationship between storm intensity and desert dust.\n\n### Cloud Physics Lidar (CPL) \nPRINCIPAL INVESTIGATOR: \nMatthew McGill\n\n**How CPL works:** From its position near Global Hawk's nose, the CPL works by sending out five thousand rapid light pulses per second, which bounce and scatter off any particles they encounter. The light that bounces back to CPL can show how a storm's cloud structure is behaving and help determine the types of particles present in the atmosphere. Some of those particles are grains of dust from the Saharan Air Layer. CPL creates a better picture of the storm's anatomy to improve models of the Saharan Air Layer and expand understanding of how desert dust interacts with hurricanes. \"We can see how high dust extends, how dense it is, and how much is there, Matt says. \"Radar can't see that stuff because the particles are too small, but lidar can.\"\n\nThe Cloud Physics Lidar is autonomous, meaning it operates by itself. However, Matt and his team monitor it continuously throughout a flight. Like AVAPS and S-HIS, the device transmits data in real time, so its measurements are immediately available to scientists.\n\nInfrared readings taken by S-HIS show colder temperatures near the center of a storm.\n\nThe S-HIS device is installed onto Global Hawk.\n\nCPL and Global Hawk on the runway.\n\n## BIG COMPLEXITY, BIG PROBLEMS\n\nDespite the sophistication of the HS3 mission's impressive aircraft and payload equipment, a big field campaign like this one is only as successful as the people who run it. With cool heads and a can-do attitude, they make \"big science\" look easy, when even the slightest change in weather or a minor equipment failure could compromise the mission. This team trusts each other to get the job done, no matter what happens. As Global Hawk zooms toward Tropical Storm Edouard, activity in GHOC is running like clockwork\u2014quiet, organized, and efficient. It's hard to believe today's flight almost didn't happen.\n\n\"The problems started yesterday,\" Scott says. \"We got in around seven a.m., thinking we were good to go. Then we found out the disk drive on the Cloud Physics Lidar device had not recorded any data for the previous flight. It wasn't clear if they could get it fixed in time, and we had a limited window to get repairs done and still be able to fly this morning.\" Timing is everything in a field campaign where so much can go wrong. Luckily, it was a relatively minor problem and quickly resolved, but that wasn't the only unexpected challenge the team faced.\n\nGlobal Hawk's large size and heavy payload capacity make it ideal for science missions. This diagram of Global Hawk shows the position of each payload device aboard. clock ticking, it was up to Gary and Terry's team to find a solution.\n\nThey discovered the vital AVAPS dropsonde system had a broken thermostat. While they were able to replace it, they found another problem. \"The release chute [on AVAPS] wasn't working, either,\" Scott says, \"which could mean a jammed sonde at sixty-five thousand feet [20 km].\" If that happened, the team might be without dropsonde data for the duration of the flight, a devastating loss given Tropical Storm Edouard's potential to strengthen. With the clock ticking, it was up to Gary and Terry's team to find a solution.\n\n\"AVAPS is essentially a two-button operation,\" Gary says. \"You press a LOAD button, which moves the piece over and gets ready to start the initialization process. Then, like a Christmas tree, we see lights go on, telling us that the sonde is ready. That lights up a green button that one of us presses to launch, and AVAPS kicks it out. That's the way it works ninety-five percent of the time. But on this flight we had a problem.\"\n\nThe NASA Goddard support scientist Patrick Selmer assists with the installation of the CPL aboard Global Hawk.\n\nStephen Crowell listens for flight status updates.\n\nThe team worked tirelessly throughout the day, but by three thirty p.m., the problem persisted. Meanwhile, the ground crew needed an answer, and one of the mission's best targets was spinning out in the Atlantic. It looked like Global Hawk might miss it.\n\nIn times like this, tenacity is just as important as technical skill for field scientists. By three forty-five p.m., Gary and the determined AVAPS team had devised a way to work around the problem, but the solution was not foolproof. For it to work, Gary would have to issue a _manual_ command to release each dropsonde. It was risky, but without AVAPS, the team wouldn't be able to accurately measure storm intensity. Since Tropical Storm Edouard is forecast to intensify, they decided to go for it. Global Hawk would take off as planned.\n\nIt's a calculated risk, Scott admits. \"If the positioning is not just right, they could still end up with a jammed sonde, and no way to release the remaining sondes housed inside AVAPS.\" Only time will tell if the AVAPS team's improvised solution will work during this critical flight.\n\n## GLOBAL HAWK REACHES EDOUARD\n\nBy early afternoon, Global Hawk has arrived at its target. Over the next fourteen hours, each of its three devices will gather data on Tropical Storm Edouard and, if the team is lucky, _Hurricane_ Edouard. For now, everything is functioning properly. Matt reports that CPL shows no signs of trouble after yesterday's repair. As for AVAPS, the metronomic countdown of \"three, two, one, release sonde\" reassures everyone in GHOC that for now, the Coke machine is successfully deploying a dropsonde. Scott is pleased. \"So far today, AVAPS has performed perfectly,\" he says. But there's a long night ahead and many more sondes to release. One by one, as many as eighty of the lightweight expendable devices will drop through the storm.\n\nField science isn't always as exciting as jammed chutes and last-minute malfunctions\u2014it usually includes more mundane tasks like taking notes. During the course of an HS3 flight, Scott keeps a document open on his computer workstation. It is a daily science log, with collected images from the flight and summaries of what the team observes in those images. It includes details like what's happening at takeoff, what the team expects to see during the flight, and any unforeseen events that are part of hurricane surveillance. Unforeseen events are the reason that HS3 meteorologists constantly monitor the weather, to make sure Global Hawk's flight plan safely positions the aircraft for data collection. GHOC scientists monitor the system's thunderstorm activity as well. If a large thunderstorm emerges on radar, Scott's team quickly notifies the flight director so pilots can divert the drone out of harm's way.\n\nGlobal Hawk's flight plan must be filed with the FAA twenty-four hours in advance so all other air traffic can be cleared from the area. For tonight's mission, HS3 has requested a large three-hundred-nautical\u2014mile (556 km) flight-pattern zone around the storm. The FAA will direct all other air traffic out of that circle. \"We should be the only ones there,\" says Scott. \"And that will make life a little easier.\"\n\n#### LAWN MOWERS AND BUTTERFLIES\n\nGlobal Hawk's flight patterns are planned in two basic shapes. Depending on the storm and what types of observations are being made, the aircraft passes over a storm in a lawn mower or a butterfly pattern. Sometimes both patterns are used during a single flight to maximize data collection.\n\nGlobal Hawk's lawn mower flight pattern is characterized by straight lines and sharp turns.\n\nThe butterfly flight pattern features long, looped passes over the storm.\n\nDennis Rieke reports for duty at NASA Wallops.\n\n## A DAY IN THE LIFE OF A DRONE PILOT\n\nWith only one drone to survey storms during this summer's field campaign, the pressure is on to keep Global Hawk out of harm's way during every flight. That's a job that rests squarely on the shoulders of NASA's drone pilots. Working inside the glass-enclosed chamber, wearing headsets, and dressed in traditional flight suits, the pilot and copilot sit side by side at their desktop computer workstations. Like the rest of the HS3 crew, they work eight- to ten-hour shifts during the flight.\n\nNASA Global Hawk pilot Dennis Rieke explains that flying a drone feels nothing like flying a traditional aircraft. Drone pilots cannot hear the roar at engine start, see the ground below at liftoff, or feel the stomach-dropping sensation as it climbs. To Dennis, flying a drone feels more like office work.\n\n\"We sometimes joke that we are going to work in Excel for nine hours,\" he says with a laugh, referring to the popular spreadsheet software. \"During a flight, we are working between multiple computer screens, using drop-down menus, pressing keys, and opening up program windows. It looks like we are just working on computers, but there is a real plane and it is flying off the coast of Africa at sixty thousand-plus feet [18 km]! It's seven or eight thousand miles away [12,265\u201312,787 km], and we're here in Virginia making it move with just a few keystrokes.\"\n\nFor a combat pilot who is accustomed to flying in hostile environments, the pace of the job can be a challenge. \"When the drone leaves Wallops it flies in a straight line for many hours. There's really not much to do except monitor the system,\" he says. Dennis is quick to add that there are other rewards of his job that make up for the lack of adrenaline. \"The science is exciting. The ability to observe a storm by staying airborne for twenty-four hours is fascinating,\" he says. But it's personal, too. \"The people I work with are enjoyable, and while I may not be defending the nation from the cockpit, I am still contributing to something larger than myself.\"\n\nDespite how calmly these pilots carry out their work, there is always a chance something unexpected might happen. That's why drone pilots rely on routine procedures that treat Global Hawk as if it's just another plane, like the T-34. Dennis says, \"We have a pilot and copilot, and we do our checklists. The biggest difference is that we use a mouse and a keyboard to fly it.\"\n\nDennis pilots Global Hawk from the GHOC front room.\n\nPilots must be on constant alert while Global Hawk is in the air. But some of the aircraft's best safety precautions are programmed right into its computers. \"If the aircraft loses communication with us for a determinate amount of time, it will recognize that it is on its own and automatically execute a return to land here at Wallops,\" Dennis says. Like a giant homing pigeon, Global Hawk can always find its way back to the nest.\n\nAs the sun sets on what could be the most important flight of the mission, the day shift is drawing to a close for scientists, pilots, and technicians. The overnight crew yawns with coffee cups in hand as they enter the building. For them, the day is just beginning, as they prepare to settle in for a long night's work. Everyone is focused but cautiously optimistic. Will the AVAPS team continue to succeed in manually launching dropsondes without the dreaded jamming of the chute? Will CPL's repaired carriage continue working throughout the flight? And the biggest question of all: If Edouard rapidly intensifies, will it happen before Global Hawk runs out of fuel and has to return to Wallops? All that remains for the HS3 team is to work, wait, and hope.\n\nThe NASA Wallops project manager Ron Walsh settles in for a long night. \n\n# CHAPTER 6\n\n# Hurricane Edouard and the Search for the Holy Grail\n\nScales are rolled underneath Global Hawk so the aircraft can be weighed and its fuel consumption calculated.\n\n**BULLETIN**\n\n**HURRICANE EDOUARD ADVISORY**\n\n**NUMBER 16**\n\n**NWS NATIONAL HURRICANE CENTER**\n\n**MIAMI FL AL062014**\n\n**500 AM AST MON SEP 15 2014**\n\n**AT 500 AM AST . . . 0900 UTC . . . THE CENTER OF HURRICANE EDOUARD WAS LOCATED NEAR LATITUDE 26.9 NORTH . . . LONGITUDE 54.5 WEST. EDOUARD IS MOVING TOWARD THE NORTHWEST NEAR 15 MPH . . . 24 KMPH . . . AND THIS GENERAL MOTION WITH A SLIGHT DECREASE IN FORWARD SPEED IS EXPECTED THROUGH TONIGHT. A TURN TOWARD THE NORTH IS FORECAST ON TUESDAY . . . FOLLOWED BY A TURN TOWARD THE NORTH-NORTHEAST TUESDAY NIGHT. MAXIMUM SUSTAINED WINDS HAVE INCREASED TO NEAR 105 MPH . . . 165 KMPH . . . WITH HIGHER GUSTS. SOME ADDITIONAL STRENGTHENING IS FORECAST DURING THE NEXT 48 HOURS . . .**\n\nTwo Global Hawk photos of Hurricane Edouard. The top image is a daylight view of Edouard's eye. The bottom image is a nighttime shot of the storm's eye illuminated by the moon, which is also visible.\n\nGary on-station during Global Hawk's flight to Edouard.\n\nBy seven a.m. the next morning, Global Hawk is on its way back to Wallops, loaded with good news. Overnight, Tropical Storm Edouard rapidly intensified from a tropical storm into a strong Category 2 hurricane. Rapid intensification was observed by HS3 at last, and the data was recorded. Scott explains, \"According to my analysis, Edouard underwent a roughly twelve-hour period of rapid intensification followed by a short period of weakening as the originally very small eye was replaced by a much larger eye.\"\n\nAVAPS worked like a charm. The capable Coke machine team dropped eighty sondes over the storm, and many were near the eye and eyewall. Gary is amazed after every flight. \"You see the drone here in the hangar and it takes off and is on the other side of the Atlantic Ocean . . . it doesn't seem real\u2014like something out of a movie.\"\n\nHollywood couldn't have written a better ending than this perfect flight during the last weeks of the mission. \"Despite forecasts for a below-normal hurricane season, 2014 became our best deployment of the three-year mission,\" says Scott. But before they can download that data from the aircraft's payload devices, the drone has to be landed safely and returned to the hangar. A miscalculation at this stage would be devastating. No one can relax until Global Hawk's flight has concluded with a safe touchdown at Wallops.\n\nTo safeguard both Global Hawk and the data being carried onboard, its landing must be meticulously choreographed. \"As the plane descends,\" explains Marilyn Vasques, \"it makes a big drop at first. The air at lower altitudes will be warmer than at sixty thousand feet [18 km], and the sudden temperature change can cause condensation to form on AVAPS, S-HIS, and CPL. Moisture could damage the devices.\" As a preventive measure, instruments must be powered off twice during the descent to ensure that they're all dry and secure upon landing.\n\nMinutes later, the T-34 and Global Hawk approach the runway. The smaller plane peels off, and the drone touches down on the tarmac in a whisper-soft textbook landing. With the sun glinting off its wings, it's hard to believe the drone has been operating at full speed since this time yesterday. The ground crew hitches Global Hawk to the tow vehicle that will return it to the hangar, where technicians must verify that nothing unexpected happened to the aircraft during flight. \"That's always our plan,\" says Marilyn, with a sigh of relief. \"No surprises!\"\n\nInside the hangar Global Hawk is treated to a hero's welcome. Relieved HS3 scientists are buzzing, wearing big smiles and briefly trading enthusiastic handshakes. Hank Revercomb is pleased with last night's performance of the S-HIS device and hopeful about what they might discover from the flight. \"We are learning a lot,\" he says. \"It's exciting to see the process go from a concept to something you can demonstrate in instruments.\" For CPL principal investigator Matt McGill, these successful flights are about looking to the future of both the mission and the field of science. \"In the past three years we did not get a lot of hurricane activity,\" he says. \"But if we can help answer definitively whether the Saharan Air Layer helps or hurts hurricane intensity\u2014it's a really great science outcome.\"\n\nNo one in the hangar rests easy until Global Hawk is safely on the ground.\n\nHurricane Edouard shows no signs of dissipating in the next few days, and plans are already underway to deploy Global Hawk again. If the weather holds, it could be as early as tomorrow. As Scott leaves the hangar to attend the day's weather briefing, Global Hawk is fussed over by technicians and mechanics, who carefully weigh the aircraft to calculate fuel consumption. Eager payload scientists stand by to check the status of their instruments. The day-to-day duties of scientific progress are in motion once again. Now is not the time for analyzing the impact of last night's incredible achievement. That's a process that will take years.\n\nGlobal Hawk touches down with the T-34 not far behind.\n\nThe conclusion of a large field campaign is just the beginning of scientific discovery. A scientist may spend years on the same problem, with little or no results. A successful scientist must be patient, curious, open-minded, and fiercely determined, no matter how long it takes to find answers.\n\nThe HS3 researchers know they have a long road ahead of them. They need time to sort through years of instrument data and get the opinions of other scientists in the meteorological community. Scott explains, \"To study the data, synthesize what you're seeing, and combine it with other information\u2014whether from satellites, other aircraft observations, or other numerical models\u2014piecing together the puzzle can take years. Then you have to write up your results. That can take another six months, depending on how fast you're writing.\" Field science is more than calculations and data collection outside the laboratory. Writing is another important scientific tool.\n\nScientists publish their research findings in professional publications called scholarly journals. When Scott's analysis of the data is complete, he will submit a paper explaining his findings to the _Bulletin of the American Meteorological Society._ Publications like these are an important way for researchers to share what they have learned with scientific colleagues all over the world. Before results can be published as an article in one of these journals, they must be read, critiqued, and approved by other scientists in the same area of study. Once a scientist's peers have evaluated their work, it is published. \"It can be a two- to three-year process from the time data is collected to publication,\" Scott says. \"That's just the nature of doing science.\"\n\nAnalysis of the HS3 results is ongoing, but recent findings might be crystallizing the role of the Saharan Air Layer. Some scientists have argued that the SAL _directly_ prohibits intensification, because when this hot, dry air enters the storm's inner core, it evaporates the humid air needed to create clouds. Since a storm's ability to intensify can depend on cloud formation within the inner core, the presence of Saharan desert dust could prevent intensification. However, early HS3 data suggests that the SAL's role might not be a _direct_ influencer of hurricane intensity. \"Right now our observations don't support a direct influence . . . but the SAL suggests an _indirect_ influence, weakening the storm,\" Scott says. \"We've often looked for the easy explanations. I think we're getting a better sense at what stage in the life cycle of a storm the SAL can play a role.\" Each possibility brings Scott and the HS3 scientists closer to solving the mystery of hurricane intensification and cracking the hurricane code.\n\n# CHAPTER 7\n\n# Political Storms\n\nA woman picks through the wreckage of her home in the isolated village of Myasein Kan in the Ayeyarwady delta, Myanmar, on May 20, 2008. It has been estimated that more than one hundred thousand people were killed by Cyclone Nargis. The storm left nearly a million people homeless in Myanmar.\n\nWhat HS3 scientists learn during their patient and detailed study of hurricanes in the North Atlantic could make a difference for residents of the United States. It may likewise have implications for cyclonic systems in other world oceans\u2014and the countries that are affected by them.\n\nA better understanding of storm science is only half the battle. Hurricanes aren't just meteorological events. They can be social problems. How a city or government deals with the aftermath of a major hurricane can stand as a testament to its preparedness, or reveal shocking weaknesses in its ability to cope with natural disasters. Science alone cannot protect people. Local, state, and federal governments must be well prepared to act swiftly in order to keep citizens safe in a weather emergency. When government fails in the face of disasters like hurricanes, people die.\n\nView of the aftermath of the massive Bhola cyclone and accompanying tidal wave (on November 12) showing villagers as they walk through a field of dead cattle and search for rice and other grains to salvage, near Sonapur, East Pakistan (later Bangladesh), late 1970.\n\nThe area of the Bay of Bengal impacted by the cyclone, with the red indicating the hardest hit area.\n\n## BHOLA CYCLONE\n\nThe area bordering the enormous Bay of Bengal (the world's largest bay) in the northeastern Indian Ocean is one of the poorest and most densely populated places on the planet. And from November to April each year, it is cyclone country.\n\nOn the night of November 12, 1970, while millions of farmers, fishermen, and their families slept peacefully in their beds or beneath the stars, the Bhola cyclone roared ashore in East Pakistan, a provincial state of Pakistan. No advance warning reached most of those who were killed, because communication was limited. Victims did not stand a chance against the 34.8-foot (11m) storm surge, which meteorologists estimate was propelled by 140-mile-per-hour (225 kmph) winds, the equivalent of a Category 3 hurricane in the Atlantic.\n\nThe Bhola cyclone killed an estimated five hundred thousand women, men, and children. By the time the storm had passed, large numbers of bodies and livestock had been swept out to sea. Many more had not. Amid this unthinkable field of debris, desperate survivors fought to stay alive. They were thirsty, homeless, and hungry, exposed to living conditions just as lethal as the storm itself. They ate tree bark, drank contaminated water, and waited for help that never came. Polluted water caused illnesses. Many more died. As survivors clung to life, the government scrambled to distribute food and fresh water, but insufficient disaster-relief preparation left it ill-equipped to help the large number of people in need. Ten days after the storm, most roads remained impassable. Racing currents made boat rescues and the distribution of lifesaving food supplies and medicine impossible. The area was paralyzed by the sheer magnitude of the devastation. East Pakistan had a humanitarian crisis on its hands. It would soon have a political crisis, too.\n\nThe instability of East Pakistan's government had been a concern before the storm. The government's failure to help so many desperate people after the cyclone hit fanned the flames of unrest. War broke out. By December 1971, barely more than a year after the storm, East Pakistan had become its own country, Bangladesh. A single storm has the power to divide countries and create nations.\n\nAn elderly man begs for food after the Bhola cyclone.\n\n## HURRICANE KATRINA\n\nA country's wealth is not necessarily an indicator of its ability to cope with natural disasters like hurricanes. In 2005, thirty-five years after the Bhola cyclone, the United States would face its own political storm. Hurricane Katrina was \"the big one\" that forecasters long feared would someday destroy the Gulf Coast region of the southern United States. Unlike victims of the Bhola cyclone, however, people in Katrina's path knew the storm was coming nearly a week before it hit. However, a mandatory evacuation of the city was not issued until the day before landfall. When Mayor Ray Nagin held a press conference the morning of August 28 and recommended the citywide evacuation, it was the first mandatory evacuation in the city's history.\n\nThat same morning, just hours before Hurricane Katrina made landfall, the National Weather Service in New Orleans, Louisiana, issued a chilling and plainly worded weather bulletin:\n\nRising floodwaters threatened the entire downtown area of New Orleans, including the famed Louisiana Superdome. Thousands of displaced citizens sought shelter at the sports complex, before, during, and after Hurricane Katrina.\n\n**DEVASTATING DAMAGE EXPECTED . . . HURRICANE KATRINA . . . A MOST POWERFUL HURRICANE WITH UNPRECEDENTED STRENGTH . . . RIVALING THE INTENSITY OF HURRICANE CAMILLE OF 1969. MOST OF THE AREA WILL BE UNINHABITABLE FOR WEEKS . . . PERHAPS LONGER. AT LEAST ONE HALF OF WELL-CONSTRUCTED HOMES WILL HAVE ROOF AND WALL FAILURE. ALL GABLED ROOFS WILL FAIL . . . LEAVING THOSE HOMES SEVERELY DAMAGED OR DESTROYED . . . PERSONS . . . PETS . . . AND LIVESTOCK EXPOSED TO THE WINDS WILL FACE CERTAIN DEATH IF STRUCK . . . WATER SHORTAGES WILL MAKE HUMAN SUFFERING INCREDIBLE BY MODERN STANDARDS.**\n\nMany people chose to evacuate in advance, while thousands of others decided to stay and take their chances with the storm. For some, evacuating was a luxury they could not afford.\n\nMore than one-quarter of New Orleans residents (112,000 people) did not own cars and were dependent on public transportation. Among them were some of the city's poorest people, who lived in flood zones as much as six feet (1.8 m) below sea level. \"Officials knew it was coming,\" said thirteen-year-old Antoine Williams, of the city's Sixth Ward neighborhood. \"They should have gotten everybody out.\" But the city lacked enough vehicles to accommodate such large numbers of people.\n\nOn August 29, 2005, at 6:10 a.m. local time, Hurricane Katrina came ashore between Grand Isle, Louisiana, and the mouth of the Mississippi River as a strong Category 3 system, packing 127-mile-per-hour (204 kmph) winds. The aging levees (embankments that protected the city from flooding) around New Orleans collapsed beneath Katrina's storm surge, which was over twenty feet (6 m) deep in some areas, flooding 80 percent of the historic city.\n\nRescued Katrina victims seeking shelter in the Superdome arrive by boat. The area submerged in floodwater is normally a busy highway.\n\nIn the storm's aftermath, news coverage showed thousands of desperate people, some stranded on rooftops, and revealed deplorable conditions for the tens of thousands who had taken shelter in the city's sports complex, the Superdome. They begged for help, but local, state, and federal governments were slow to act. Completely overwhelmed by the scope of Katrina's destruction, the government's delayed response made things worse. Without food, fresh water, or medical assistance, some of the stranded victims died before they could be rescued.\n\nThree more miserable days passed. People lost hope. Tensions rose. Frustration and anger combined with human suffering caused violent outbreaks among survivors forced to share close, uncomfortable quarters. Thieves looted businesses. Buildings were burned. Hungry people broke into grocery stores looking for food. Widespread relief did not begin arriving until five long days after the storm.\n\nMany people asked how something like this could happen in the United States, one of the wealthiest countries in the world. In their report on the tragedy, the U.S. Congress concluded:\n\n**The response to the Katrina catastrophe revealed\u2014all too often, and for far too long\u2014confusion, delay, misdirection, inactivity, poor coordination, and lack of leadership at all levels of government . . . Hurricane Katrina found us\u2014still\u2014a nation unprepared for catastrophe.**\n\nNew Orleans, August 31, 2005. A FEMA urban search and rescue task force helps a small child whose home was damaged by Hurricane Katrina.\n\nKatrina caused more than $100 billion in damage. In Florida, Alabama, Georgia, Mississippi, and Louisiana, 1,833 people died. Of the 1,533 who perished in Louisiana, drowning caused 40 percent of the fatalities. Ninety thousand square miles (233,099 km2) of the United States were affected, an area the size of the United Kingdom. Seventy percent of the occupied housing in the city of New Orleans was damaged. With nowhere to live, one million people were displaced, forced to relocate all over the United States as refugees in their own country. As of 2016, many of them had yet to return home.\n\n## THE GREAT DRONE DEBATE\n\nNo matter where hurricanes strike, they have the potential to become serious political and social problems. Scientists like those with HS3 are searching for answers, but the tools they use can also be political problems.\n\nSome people believe the HS3 aircraft might carry powerful surveillance technology that could be misused to violate the privacy rights of people or entire countries. The HS3 Global Hawk drone never flew in combat missions for the U.S. military. It was designed strictly for demonstration purposes, not warfare. Other Global Hawk drones have been used for national defense, however. Is it ethical to employ drones as surveillance tools and weapons against other nations? As drone technology becomes more prevalent, and more advanced, these issues are of increasing concern, both in the United States and abroad.\n\nNot every nation allows Global Hawk to pass through its airspace on its way to intercept a hurricane. In some cases, flying the HS3 Global Hawk through the skies of another country without permission could be seen as a serious act of military aggression. HS3 exercises extreme care when planning Global Hawk flight paths to respect the sovereignty of other world governments and their citizens.\n\nAlthough NASA's use of the Global Hawk drone is as much a political decision as a scientific one, HS3 scientists and pilots share a deeply held belief that Global Hawk is an invaluable scientific tool. As Bernie Luna points out, \"This is a project of global significance. Our planet is changing. There is potential to save human lives by understanding these storms better.\"\n\nTime is of the essence. While no definitive link has been established between climate change and an increase in hurricane activity, melting polar ice caps could raise sea levels worldwide. Global warming could contribute to an increased flood risk during cyclones and hurricanes for heavily populated, low-lying coastal areas like the Bay of Bengal and the Gulf Coast of the United States. If humanity is going to continue to survive the hurricane cycle, scientists, local communities, and world governments must cooperate for the good of our planet and its people.\n\nScientists and lawmakers agree a better understanding of hurricanes will help save lives. But they can only do so much to keep us safe. With the tragic devastation left in the wake of storms like Hurricane Sandy, Hurricane Katrina, and the Bhola cyclone, it's clear that lives are at stake. We must be prepared, because year after year, people in the United States and around the world continue to face the worst of what the tropics have to offer.\n\nStorms come. They cause devastation and loss. People suffer. They recover. And all too often, they forget.\n\n## REMEMBERING ANGELA\n\nEvery year on the anniversary of Hurricane Sandy, students and teachers at Totten Intermediate School celebrate Angela Dresch's life by wearing her favorite color, purple, to school. They come together to remember a young girl who was funny, maintained a perfect attendance record, and had a big smile for everyone. The loss of Angela is a permanent reminder of a hurricane's power and the potential for destruction. Disaster can arrive unexpectedly and change lives forever, but we do not have to repeat the mistakes of the past. The harsh reality is that the hurricane cycle is inescapable. The good news is\u2014it doesn't have to be hopeless.\n\nAngela Dresch's friends celebrate her life with a candlelight vigil.\n\nThere are practical things you can do to stay safe and dry. Start with the suggestions on the next page. Stay alert for hurricane watches. Heed warnings when they come. Evacuate when necessary. Maybe you'll consider becoming a hurricane scientist.\n\nScott Braun watches as Global Hawk disappears into the horizon.\n\nIn the meantime, the HS3 researchers at NASA are sifting through data for the raw material of discoveries that might impact the future of the hurricane forecast. With each passing year, scientists learn more about how to keep people safe before, during, and after hurricanes. One thing is certain. Meteorologists like Scott Braun will be keeping one eye on the calendar and one on the North Atlantic. Hurricane season will be here before you know it. And somewhere out there, in a faraway African desert, a soft wind is just beginning to blow . . .\n\n# Don't Be Scared. Get Prepared!\n\nHurricanes can be life-threatening weather events. With a little preparation and planning, however, your family and pets can stay safe and dry no matter what type of weather comes your way.\n\n#### BEFORE THE STORM\n\nWork with your family to create a disaster emergency kit with these items:\n\n * Water\u2014at least a three-day supply; one gallon per person per day\n\n * Food\u2014at least a three-day supply of nonperishable, easy-to-prepare food\n\n * Flashlights\n\n * Battery-powered or hand-crank radio that can receive NOAA Weather Radio broadcasts\n\n * Extra batteries\n\n * First-aid kit\n\n * Medications\u2014a seven-day supply\u2014and medical items (hearing aids with extra batteries, glasses, contact lenses, syringes, canes)\n\n * Multipurpose tool for minor repairs\n\n * Tools\/supplies for securing your home, like hammers and nails for boarding up windows\n\n * Sanitation and personal hygiene items like toilet paper\n\n * Copies of personal documents (medication list and relevant medical information, proof of address, deed\/lease to home, passports, birth certificates, insurance policies)\n\n * Cell phone with chargers\n\n * Family and emergency contact information\n\n * Extra cash\n\n * Emergency blankets\n\n * Map(s) of the area\n\n * Baby supplies (bottles, formula, baby food, diapers)\n\n * Extra sets of house and car keys\n\n * Extra clothing, hats, and sturdy shoes\n\n * Rain gear\n\n * Insect repellent and sunscreen\n\n * Camera for photos of possible damage\n\n * A family emergency communications plan\n\n#### PET PREPAREDNESS\n\nDon't forget to create an action plan to care for family pets and other animals during hurricanes. Over six hundred thousand animals were killed or stranded due to Hurricane Katrina. Create an emergency supply kit for your furry family members. Keep your pets' important supplies (collar, leash, ID, food, medicine, carrier, bowl) in durable containers that can be easily accessed and carried. For more information, visit www.redcross.org\/prepare\/location\/home-family\/pets.\n\n#### AFTER THE STORM\n\n * Continue listening to NOAA Weather Radio or the local news for the latest updates.\n\n * Stay alert for extended rainfall and subsequent flooding, even after the hurricane or tropical storm has ended.\n\n * If you evacuated, return home only when officials say it is safe.\n\n * Drive only if necessary and avoid flooded roads and washed-out bridges.\n\n * Keep away from loose or dangling power lines and report them immediately to the power company.\n\n * Stay out of any building that has water around it.\n\n * Inspect your home for damage. Take pictures of damage, to both the building and its contents, for insurance purposes.\n\n * Use flashlights in the dark. Do NOT use candles!\n\n * Avoid drinking or preparing food with tap water until you are sure it's not contaminated.\n\n * Check refrigerated food for spoilage. If in doubt, throw it out!\n\n * Wear protective clothing and be cautious when cleaning up to avoid injury.\n\n * Watch pets closely and keep them under your direct control.\n\n * Use the telephone only for emergencies. Keep lines clear for others.\n\n * If you smell gas, tell a grownup!\n\n#### DIGITAL EMERGENCY RESOURCES\n\nWhile it's best not to completely rely on Internet and digital resources (they may be unavailable if you lose power), there are many websites and apps designed to keep people safe before, during, and after severe weather events:\n\n> Federal Emergency Management Agency App\n> \n> www.fema.gov\/mobile-app\n> \n> Weather Channel App\n> \n> www.weather.com\/apps\n> \n> Hurricane by Red Cross App\n> \n> www.redcross.org\/mobile-apps\/hurricane-app\n> \n> First Aid by American Red Cross App\n> \n> www.redcross.org\/mobile-apps\/first-aid-app\n\n#### BOOKS\n\nLooking for more information about these amazing storms? Here's a list of other books about hurricanes:\n\n_DK Eyewitness Books: Hurricane & Tornado,_ by Jack Challoner\n\n_Drowned City: Hurricane Katrina and New Orleans,_ by Don Brown\n\n_Hurricanes,_ by Seymour Simon\n\n_Inside Hurricanes,_ by Mary Kay Carson\n\n_The Superstorm Hurricane Sandy,_ by Josh Gregory\n\n_Weather,_ by Seymour Simon\n\n# Glossary\n\n**Advanced Vertical Atmospheric Profiling System (AVAPS)** \u2014A device that launches dropsondes into storms from the Global Hawk aircraft.\n\n**Cloud Physics Lidar (CPL)** \u2014An airborne lidar system designed specifically for studying clouds and aerosols.\n\n**Cyclone** \u2014The term that describes a hurricane in the South Pacific and Indian Oceans.\n\n**Drone** \u2014An unmanned aerial vehicle.\n\n**Dropsonde** \u2014A weather device that is dropped out of an aircraft at specified altitudes and, due to the force of gravity, falls to the earth. During the descent, the dropsonde collects data about the surrounding atmosphere that can be remotely transmitted.\n\n**Eye** \u2014The low-pressure center of the storm's rotation, usually around twenty to forty miles (32 to 64 km) across. Here the winds are calm and skies are clear\u2014even sunny!\n\n**Eyewall** \u2014The stadium-like cloud towers that surround the eye. Contains the strongest and most damaging winds and the heaviest rains. This is the deadliest part of the storm.\n\n**Hurricane** \u2014A tropical cyclone in the Atlantic, Caribbean Sea, Gulf of Mexico, or eastern Pacific, in which the maximum one-minute sustained surface winds are sixty-four knots (74 mph or 119 kmph) or greater.\n\n**Hurricane models** \u2014Mathematical equations that represent how atmospheric quantities such as temperature, wind speed and direction, and humidity will change.\n\n**Hurricane Warning** \u2014An announcement that sustained winds of sixty-four knots (74 mph or 119 kmph) or higher are _expected_ somewhere within the specified area in association with a tropical, subtropical, or post-tropical cyclone. The warning is issued thirty-six hours in advance of the anticipated onset of tropical-storm-force winds.\n\n**Hurricane Watch** \u2014An announcement that sustained winds of sixty-four knots (74 mph or 119 kmph) or higher are _possible_ within the specified area in association with a tropical, subtropical, or post-tropical cyclone. The watch is issued forty-eight hours in advance of the anticipated onset of tropical-storm-force winds.\n\n**Major hurricane** \u2014A hurricane that is classified as Category 3 or higher.\n\n**Meteorologist** \u2014A scientist who studies the atmosphere and its effects on the environment, predicts the weather, or investigates climate trends.\n\n**National Aeronautics and Space Administration (NASA)** \u2014The U.S. government agency responsible for the civilian space program as well as aeronautics and aerospace research.\n\n**National Center for Atmospheric Research (NCAR)** \u2014A research organization, established in 1960, that seeks to better understand our atmosphere and how weather and climate affect the earth.\n\n**National Hurricane Center (NHC)** \u2014The division of the National Weather Service responsible for tracking and predicting weather systems within the tropics of Central America and southern North America between the Prime Meridian and the 140th meridian west, poleward to the 30th parallel north in the northeast Pacific Ocean and the 31st parallel north in the North Atlantic Ocean.\n\n**National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA)** \u2014The federal agency focused on studying the condition of the oceans and the atmosphere.\n\n**Rain bands** \u2014Dense clouds that spiral around the eyewall and give the storm its telltale pinwheel appearance. They can span hundreds and, in the case of super storms, even thousands of miles.\n\n**Rapid intensification** \u2014An increase in the maximum sustained winds of a tropical cyclone of at least thirty knots (35 mph or 56 kmph) in a twenty-four-hour period.\n\n**Saffir-Simpson Hurricane Wind Scale** \u2014A one-to-five categorization based on a hurricane's intensity at an indicated time. The scale provides examples of the types of damage and impacts in the United States associated with winds of the indicated intensity.\n\n**Scanning High-Resolution Interferometer Sounder (S-HIS)** \u2014A device that measures emitted thermal radiation to gather information about temperature and water vapor in the atmosphere.\n\n**Storm surge** \u2014An ocean flood on the mainland caused by water from the ocean that is pushed toward the shore by storm winds.\n\n**Tropical cyclone** \u2014An intense circular storm that originates over warm tropical oceans and is characterized by low atmospheric pressure, high winds, and heavy rain.\n\n**Tropical depression** \u2014A tropical cyclone in which the maximum one-minute sustained surface wind is thirty-three knots (38 mph or 61 kmph) or less.\n\n**Tropical storm** \u2014A tropical cyclone in which the maximum sustained surface wind speed (using the U.S. one-minute average) ranges from thirty-four knots (39 mph or 63 kmph) to sixty-three knots (73 mph or 118 kmph).\n\n**Typhoon** \u2014A hurricane that forms in the northwest Pacific Ocean.\n\n**Willy-willy** \u2014Australian term for a severe tropical cyclone.\n\n**Wind shear** \u2014A sudden change in wind speed or direction over a relatively short distance.\n\n**World Meteorological Organization** \u2014A specialized agency of the United Nations. It serves as the body's authoritative voice on the state and behavior of the earth's atmosphere, its interaction with the oceans, the climate it produces, and the resulting distribution of water resources.\n\n# Acknowledgments\n\nI undertook this journey to understand hurricanes because I am no stranger to these storms. In 1990 I moved to Wilmington, North Carolina, a town in the heart of what's known as Hurricane Alley. Over the next ten years I survived the devastation of four strong hurricanes: Bertha (Category 2, 1996), Fran (Category 3, 1996), Bonnie (Category 2\u20133, 1998), and Floyd (Category 3, 1999). Then, during two separate weeks in 2004, the remnants of Hurricanes Frances (Category 2) and Ivan (Category 3) blasted the Blue Ridge Mountain counties (seven hours west of Wilmington), where my entire family still lived. Hurricane Frances flooded my grandmother's home with ten feet of water. Just nine days later, Hurricane Ivan followed a similar track and flooded the house again, this time to nearly eleven feet (3.6 m). But my family was safe. We know we were lucky. Families like the Dresches have suffered terrible losses to hurricanes.\n\nMany people helped me write this book. First and foremost, I am grateful to Patricia Dresch for her willingness to share her story with me. I continue to be amazed by her grace, strength, and candor. I would also like to thank Scott Braun, Daniel Cecil, Gerrit Everson, Derrick Herndon, Gerald Heymsfield, Terry Hock, Keith Koehler, Bjorn Lambrigsten, Bernie Luna, Matthew McGill, Erin Munsell, Chris Naftel, Hank Revercomb, Dennis Rieke, John Sears, Joe Taylor, Marilyn Vasques, and Gary Wick. These generous people shared their time and expertise, both in person and by email or telephone. With an extended crew of over two hundred people, the HS3 team was too big for me to meet every member, but I thank them all for the important work they do. Thanks to Joe Lamberti for his revealing photographs! And to this book's earliest and fiercest supporters\u2014my mom, Marty Cherrix, and pals Paula Yoo, Jessica Yodis, Cynthia Ritter, Kristin Jackson, and Ashleigh Tucker, thanks for believing. To Cynthia Platt, my good friend (and a very patient editor), as well as the whole amazing crew at HMH, I'm honored that you trusted me to tell this story.\n\n# Chapter Notes\n\n#### 1. SUPER STORM\n\nPAGE\n\n _By 6:28 p.m.:_ Rolando Pujol and James Ford, \"Somber Funeral Turns into Heartrending Display of Support for Girl and Father Killed in Sandy Storm Surge,\" PIX11 News, November 13, 2012.\n\n _fifty-three people in New York:_ \"Deaths Associated with Hurricane Sandy\u2014October\u2013November 2012,\" Morbidity and Mortality Weekly Report, CDC.gov, May 24, 2013.\n\n _record-breaking wind span:_ \"Disaster Resiliency and Recovery Example Project: New Jersey and New York,\" National Renewable Energy Laboratory, May 3, 2016.\n\n _Hurricane Sandy affected twenty-four states:_ \"Service Assessment: Hurricane\/Post-Tropical Cyclone Sandy, October 22\u201329, 2012,\" U.S. Department of Commerce, NOAA\/NWS, nws.noaa.gov, May 2013.\n\n _Offshore buoys measured Sandy's highest:_ Jesse Ferrell, \"SuperStorm Sandy Stats: 95 MPH Wind, 40-Foot Waves,\" accuweather.com, October 30, 2012.\n\n _In New Jersey thirty-four people:_ \"Deaths Associated with Hurricane Sandy\u2014October\u2013November 2012,\" Morbidity and Mortality Weekly Report, CDC.gov, May 24, 2013.\n\n _The storm dumped:_ Jesse Ferrell, \"Hurricane Sandy Drops 3\u20135 Feet of Snow!,\" accuweather.com, October 31, 2012.\n\n _\"power outages to 8.5 million homes\":_ Federal Emergency Management Agency, \"Hurricane Sandy: FEMA After-Action Report,\" FEMA.gov, July 1, 2013.\n\n _Hurricane-force winds fanned the flames:_ Andrew Siff, \"LIPA, National Grid Sued for 120 Sandy-Burned Homes,\" NBC New York, July 3, 2013.\n\n _The social media manager of New York City's_ _Fire Department:_ Yasmin Khorram, \"As Sandy Pounded NYC, Fire Department Worker was a Twitter Lifeline,\" CNN.com, November 1, 2012.\n\n _At the storm's peak, Instagram:_ \"Social Media: The New Face of Disaster Response\" info-graphic, University of San Francisco Online Master of Public Administration Program. (onlinempadegree.usfca.edu\/news-resources\/infographics\/social-media)\n\n#### 2. THE PHYSICS OF FORMATION\n\n _In the past two hundred years:_ \"Hurricane Facts,\" conserve-energy-future.com.\n\n _Hurricane Ingredients (sidebar):_ NOAA, _Hurricane Basics,_ May 1999. (www.HSDL.org\/?view&did=34038)\n\n#### 3. A HURRICANE HUNT BEGINS\n\nUnless otherwise noted, information in this chapter came from personal interviews with Scott Brown, Dennis Rieke, Erin Munsell, John Sears, and Derrick Herndon.\n\n _Chincoteague_ (sidebar): U.S. Fish and Wildlife Refuge, \"Chincoteague National Wildlife Refuge\" brochure, August 2007. (fws.gov\/refuge\/Chincoteague)\n\n#### 4. SCIENCE IN A FISHBOWL\n\n _\"It's a complex job\":_ \"Meet Bernie Luna: Deputy Project Manager for HS3,\" NASA. gov, July 27, 2012.\n\n#### 5. UNDERSTANDING STORMS IN THE STRATOSPHERE\n\nInformation in this chapter came from personal interviews with Scott Brown, Gary Wick, Terry Hock, Hank Revercomb, Matthew McGill, and Dennis Rieke.\n\n#### 6. HURRICANE EDOUARD AND THE SEARCH FOR THE HOLY GRAIL\n\nUnless otherwise noted, information in this chapter came from personal interviews with Scott Brown and Marilyn Vasquez.\n\n _\"HURRICANE EDOUARD ADVISORY NUMBER 16\":_ Hurricane Edouard Advisory Archive, nhc.noaa.gov, September 15, 2014.\n\n _\"According to my analysis\":_ Email correspondence with Scott Braun, December 1, 2015.\n\n _\"We've often looked for the easy explanations\":_ Agnieszka Gautier, \"Profiles in Intensity: Unmanned Aircraft Probe the Secrets of Hurricanes,\" earthdata.nasa.gov.\n\n#### 7. POLITICAL STORMS\n\n _The Bhola cyclone killed:_ \"1970 Great Bhola Cyclone,\" in \"Hurricanes: Science and Society,\" hurricanescience.org.\n\n _\"DEVASTATING DAMAGE EXPECTED\":_ \"Service Assessment: Hurricane Katrina, August 23\u201331, 2005,\" U.S. Department of Commerce, NOAA\/NWS, nws.noaa.gov, June 2006.\n\n _More than one-quarter of New Orleans residents:_ Mary Gail Snyder, \"It Didn't Begin With Katrina,\" Shelter Force Online, issue 143 (October\/November 2005), nhi.org.\n\n _\"Officials knew it was coming\":_ Gavin Miller, _Hurricane Katrina Through the Eyes of the Children,_ documentary film, 2012.\n\n _On August 29, 2005:_ \"Hurricane Katrina Statistics Fast Facts,\" in \"Hurricane Katrina: 10 Years Later,\" CNN.com, August 24, 2015.\n\n _flooding eighty percent:_ Sarah Whitten, \"Hurricane Katrina Then and Now in Pictures,\" cnbc.com, August, 30, 2015.\n\n _\"The response to the Katrina catastrophe\":_ Committee on Homeland Security and Government Affairs, _Hurricane Katrina: A Nation Still Unprepared,_ S. Rept. 109\u2013322, gpo.gov, 2005.\n\n _Katrina caused more than $100 billion:_ Ibid.\n\n# Selected Bibliography\n\nBelsey, Laura. _Katrina's Children._ Snag Films video. Shadow Pictures, 2008. www.snagfilms.com\/films\/title\/katrinas_children.\n\nCline, Isaac. _Storms, Floods and Sunshine._ Gretna, LA: Pelican, 1943.\n\nLarson, Erik. _Isaac's Storm: A Man, a Time, and the Deadliest Hurricane in History._ New York: Crown, 1999.\n\nMiles, Kathryn. _Super Storm: Nine Days Inside Hurricane Sandy._ New York: Dutton, 2014.\n\nMiller, Gavin. _Hurricane Katrina Through the Eyes of the Children._ Performed by Briea Stamps, Antoine Miller, et al. YouTube video, 50:07. Gavin Miller Productions & Ruston Junior High School, 2006. Posted by Gavin Miller, December 4, 2012. youtube.com.\n\nRiley, Benjamin. _Disaster and Human History: Case Studies in Nature, Society, and Catastrophe._ Jefferson, NC: McFarland, 2009.\n\nSobel, Adam. _Storm Surge: Hurricane Sandy,_ _Our Changing Climate, and Extreme Weather of the Past and Future._ New York: Harper Wave, 2014.\n\nSome of the hard-working scientists and crew members of the 2014 HS3 summer field campaign. \n\n# Index\n\nA | B | C | D | E | F | G | H | I | J | K | L | M | N | O | P | Q | R | S | T | U | V | W | X | Y | Z\n\n**Bold** page numbers refer to illustrations and their captions.\n\n# A\n\natmospheric layers of earth,\n\nAVAPS (Advanced Vertical Atmospheric Profiling System)\n\nmalfunction, 42\u201344\n\nposition on drone, **, **\n\nprincipal investigators, 36\u201337\n\npurpose and functioning of, **** , 38\u201340, ****\n\n# B\n\nBhola cyclone, East Pakistan (Bangladesh), **, **, 58\u201359, ****\n\nBlack, Peter, ****\n\nBraun, Scott\n\ncareer path, 28\u201329\n\non Edouard's rapid intensification to hurricane status,\n\non equipment malfunctions, , ,\n\nas HS3's principal investigator, **, **, **, , **, , ****\n\npublication of research findings,\n\non role of Saharan Air Layer,\n\non success of HS3 mission,\n\n# C\n\nChincoteague National Wildlife Refuge, , **** ,\n\nclimate change,\n\nCosta, Dave,\n\nCPL (Cloud Physics Lidar), , **** , 40\u201341, **, , **\n\nCrowell, Stephen, **, **\n\ncyclones\n\nbenefit of HS3 research,\n\nBhola cyclone, **, **, 58\u201359, ****\n\nCyclone Nargis, ****\n\nregions affected,\n\n# D\n\ndeep convection towers, , ****\n\nDidlake, Anthony, ****\n\nDresch, Angela, and family, **** , 1\u20133, , ****\n\n# E\n\nEast Pakistan (Bangladesh), Bhola cyclone in, **, **, 58\u201359, ****\n\nEdouard. _See_ Tropical Storm Edouard\n\nemergency management, , **** ,\n\nevacuation\n\ndecision to ignore warnings, , , ,\n\nofficial notification to evacuate, , , , ,\n\nEverson, Gerrit, **** , 22\u201323\n\n# F\n\nforecasting of hurricanes. _See also_ HS3 (Hurricane and Severe Storm Sentinel)\n\nagencies working to improve accuracy,\n\nmodeling,\n\nby National Hurricane Center, ,\n\nsatellite monitoring, **, **, , ****\n\n# G\n\nGeostationary Operational Environmental Satellite System (GOES),\n\nGHOC (Global Hawk Operations Center). _See also_ HS3 (Hurricane and Severe Storm Sentinel)\n\ndaily science log,\n\nflight director, **** , 30\u201331, ****\n\nfront room and back room operations, , ****\n\nmorning weather briefing, **** ,\n\npayload\/project manager, 31\u201333, **, **\n\npiloting of drone, **** , , **** , 47\u201348, ****\n\nprincipal investigator for HS3 campaign, **, **, , **, **,\n\nsatellite communication with drone equipment, ,\n\nteamwork, , , , , ****\n\nGlobal Hawk drone\n\naltitude of flight,\n\nAVAPS (Advanced Vertical Atmospheric Profiling System), **** , 38\u201340, **, , ,** 42\u201344\n\nCPL (Cloud Physics Lidar), , **** , 40\u201341, **, , **\n\ndeployment to Tropical Storm Edouard, , , , , **** ,\n\ndimensions,\n\nequipment malfunction, 42\u201344\n\nequipment payload, 35\u201336, , **** ,\n\nescort through commercial airspace, **** , 21\u201322, **** , , ****\n\nFederal Aviation Administration guidelines, ,\n\nflight plans and patterns, , **** ,\n\ninternational flight clearance, ,\n\nlanding, 52\u201353, **, **\n\nliftoff, 22\u201323, ****\n\nmeasurement of fuel consumption, **** ,\n\npiloting, 47\u201348\n\npolitical concerns,\n\nsafety features,\n\nS-HIS (Scanning High-Resolution Interferometer Sounder), , , **, **\n\nuse in HS3 summer field campaigns, 16\u201317,\n\nGlobal Hawk Operations Center. _See_ GHOC (Global Hawk Operations Center)\n\nGOES (Geostationary Operational Environmental Satellite System), ****\n\nGrunsfeld, John, ****\n\n# H\n\nHall, Phil, ****\n\nHerndon, Derrick, , , ****\n\nHock, Terry, **** , 36\u201337, ****\n\nHS3 (Hurricane and Severe Storm Sentinel). _See also_ GHOC (Global Hawk Operations Center); Global Hawk drone\n\nanalysis and publication of research findings,\n\nbase at Wallops Flight Facility, **** , 15\u201316\n\nfindings on role of Saharan Air Layer,\n\nglobal importance of research,\n\nimprovement in hurricane forecasting, , ,\n\nmission goals, , 18\u201320\n\nprincipal investigator, **, **, , **, **, , ****\n\nsummer field science campaigns, ,\n\nHurricane Edouard. _See_ Tropical Storm Edouard\n\nHurricane Katrina, , **** , 60\u201362, **, **\n\nhurricanes\n\nfacts about, , ****\n\nformation, 8\u201310, **** ,\n\nglossary of terms, 66\u201367\n\non Jupiter, **** ,\n\nmodeling,\n\nnames,\n\npreparedness and safety measures, 65\u201366\n\nsocial and political consequences, 57\u201359, 61\u201362\n\nHurricane Sandy, 1\u20137, **, , , , **\n\nhybrid storms,\n\nintensity of storms\n\nexternal and internal factors influencing, 18\u201320\n\nnumerical designations,\n\nrapid intensification, ,\n\nSaffir-Simpson Hurricane Wind Scale, , , ****\n\n# J\n\nJupiter's Giant Red Spot, **** ,\n\n# L\n\nLuna, Bernadette \"Bernie,\" , **** ,\n\n# M\n\nMcGill, Matthew, , **** , 40\u201341,\n\nMelhauser, Christopher, ****\n\nmodeling of hurricanes,\n\nMunsell, Erin, **** , 24\u201325, ****\n\nMyanmar, Cyclone Nargis in, ****\n\n# N\n\nNaftel, Chris, **** , 30\u201331, ****\n\nNASA Wallops Flight Facility, **** , 15\u201316. _See also_ HS3 (Hurricane and Severe Storm Sentinel)\n\nNational Center for Atmospheric Research (NCAR), ,\n\nNational Hurricane Center (NHC), ,\n\nNational Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), , , , ****\n\nNational Weather Service (NWS), ,\n\nNew Orleans, Hurricane Katrina in, **, **, 60\u201362, **, **\n\nNew York and New Jersey, Hurricane Sandy in, 1\u20137, **, , , **,\n\n# P\n\npreparedness, 65\u201366\n\n# R\n\nRahimi, Emily, , ****\n\nrapid intensification, ,\n\nRevercomb, Hank, **** , ,\n\nRieke, Dennis, 21\u201323, **, **, 47\u201348\n\n# S\n\nsafety measures, 65\u201366\n\nSaffir-Simpson Hurricane Wind Scale, , , ****\n\nSahara Desert, 8\u201310,\n\nSAL (Saharan Air Layer), , **** , 40\u201341,\n\nsatellite tracking, **, , **, , **, **\n\nScanning High-Resolution Interferometer Sounder (S-HIS), , , **, **\n\nSears, John, , , ****\n\nSelmer, Patrick, ****\n\nS-HIS (Scanning High-Resolution\n\nInterferometer Sounder), , , **, **\n\nsocial media,\n\nstrength of storms. _See_ intensity of storms\n\n# T\n\ntropical cyclones, 10\u201311, ****\n\nTropical Storm Edouard\n\ncollection of data about, , , , , **** ,\n\nrapid intensification to hurricane status, , ,\n\nsatellite image of, ****\n\ntyphoons,\n\n# V\n\nVasques, Marilyn, 31\u201333, **, **, 52\u201353\n\n# W\n\nWallops Flight Facility, **** , 15\u201316. _See also_ HS3 (Hurricane and Severe Storm Sentinel)\n\nWalsh, Ron, ****\n\nWick, Gary, **** , 36\u201337, , ****\n\nwind shear,\n\nwind speed. _See_ intensity of storms\n\n# About the Author\n\nAuthor photo \u00a9 Jon Menick\n\nAMY CHERRIX is an author who wears a lot of hats. She works as a freelance children's book editor and a children's book buyer at a fiercely independent bookstore. She and her family are also no strangers to severe weather, having lived through six hurricanes, two floods, a desert sandstorm, and more blizzards than she cares to count. She has published articles in newspapers and magazines, both in print and on the Web, about everything from celebrities for _TV Guide_ to venomous pet snakes for her monthly pet column, _Unleashed_. She has a master's degree in children's literature from Simmons College, where she has also taught graduate courses in young adult fiction.\n\n Learn more at www.amycherrix.com\n\n# Connect with HMH on Social Media\n\nFollow us for book news, reviews, author updates, exclusive content, giveaways, and more.\n\n# Contents\n\n 1. Title Page\n 2. Contents\n 3. Frontispieces\n 4. Dedication\n 5. Copyright\n 6. Super Storm\n 7. The Physics of Formation\n 8. A Hurricane Hunt Begins\n 9. Science in a Fishbowl\n 10. Understanding Storms in the Stratosphere\n 11. Hurricane Edouard and the Search for the Holy Grail\n 12. Political Storms\n 13. Don't Be Scared. Get Prepared!\n 14. Glossary\n 15. Acknowledgments\n 16. Chapter Notes\n 17. Selected Bibliography\n 18. Index\n 19. About the Author\n 20. Connect with HMH on Social Media\n\n","meta":{"redpajama_set_name":"RedPajamaBook"}} +{"text":"\n## KING OF \nFOXES\n\n##\n\n### Conclave of Shadows: Book Two\n\nRaymond E. Feist\n\n## \nFor Jessica,\n\nwith all the love it's possible for a father to give\n\n##\n\nThe Estern Kingdoms\n\n## Contents\n\nMap: The Eastern Kingdom\n\nPart One: Agent\n\nOne Return\n\nTwo Reception\n\nThree Hunt\n\nFour Choice\n\nFive Service\n\nSix Rillanon\n\nSeven Oath\n\nEight Task\n\nNine Emissary\n\nTen Discovery\n\nEleven Salador\n\nTwelve Betrayal\n\nPart Two: Soldier\n\nThirteen Prison\n\nFourteen Cook\n\nFifteen Escape\n\nSixteen Survival\n\nSeventeen Mercenaries\n\nEighteen Deception\n\nNineteen Assault\n\nTwenty Resolution\n\nEpilogue Retribution\n\nAcknowledgments\n\nAbout the Author\n\nAlso by Raymond E. Feist\n\nCredits\n\nCopyright\n\nAbout the Publisher\n\n## Part One\n\n## Agent\n\nIn the service of Caesar, everything is legitimate.\n\n\u2014Pierre Corneille, La Mort de Pomp\u00e9e\n\n## One\n\n## Return\n\nA bird soared over the city.\n\nIts eyes sought out a figure in the throng on the docks, one man amidst the teeming surge of humanity occupying the harborside during the busiest part of the day. The Port of Roldem, harbor to the capital city of the island kingdom of the same name, was one of the most crowded in the Sea of Kingdoms. Trade goods and passengers from the Empire of Great Kesh, the Kingdom of the Isles, and half a dozen lesser nations nearby came and went daily.\n\nThe man under scrutiny wore the travel clothes of a noble, all sturdy weave and easily cleaned, with fastenings that allowed him to remain comfortable in all weathers. He sported a jacket designed to be worn off the left shoulder, leaving his sword arm unencumbered. Upon his head was a black beret adorned with a silver pin and a single grey feather, and upon his feet he wore sturdy boots. His luggage was being offloaded and would be conveyed to the address he had specified. He traveled without servant, which while unusual for a noble, was not unheard of\u2014for not all nobles were wealthy.\n\nHe paused for a brief second to drink in the sights. Around him people scurried: porters, sailors, stevedores, and teamsters. Wagons loaded so high their wheels appeared on the verge of buckling rolled slowly by him, cargo heading into the city or out to the ferry barges that would load them onto outbound ships. Roldem was a busy port by any standard; not only were goods delivered here, but also transshipped, for Roldem was the trading capital of the Sea of Kingdoms.\n\nEverywhere the young man looked, he saw commerce. Men bargaining over the cost of goods to be sold in distant markets, others negotiating the price of offloading a cargo, or insuring one against pirates or loss at sea. Still others were agents of trading concerns eagerly watching for any sign that might prove an advantage to their sponsors, men who sat in coffee houses as far away as Krondor or as close as the Traders Exchange, just one street away from where the young man now stood. They would dispatch young boys with notes, who would run to those men who awaited news on arriving cargo, men trying to sense a shift in a distant market before buying or selling.\n\nThe young man resumed his walk and avoided a gang of urchins dashing past with determined boyish purpose. He forced himself not to pat his purse, for he knew it was still where it was supposed to be, but there was always the possibility the boys were sent by a gang of pickpockets on the lookout for a fat purse to rob. The young man kept his eyes moving, seeking out any potential threat. He saw only bakers and street vendors, travelers and a pair of guardsmen. It was exactly who he would have expected to see in the crowd on Roldem's docks.\n\nLooking down from above, the soaring bird saw in the press of the crowd that another man moved along a parallel course and at the same pace as the young noble.\n\nThe bird circled and observed the second man, a tall traveler with dark hair who moved like a predator, easily keeping his eye upon the other man, but using passersby as cover, dodging effortlessly through the crowd, never falling behind, but never getting close enough to be discovered.\n\nThe young noble was fair-skinned but sun-browned, his blue eyes squinting against the day's glare. It was late summer in Roldem, and the dawn mists and fog had fled, burned off by mid-morning to a brilliant sunny sky, made tolerable by a light wind off the sea. Trudging up the hill from the harbor, the noble whistled a nameless tune as he sought out his old quarters, a three-bedroom flat above a moneylender's home. He knew he was being followed, for he was as adept a hunter as any man living.\n\nTalon of the Silver Hawk, last of the Orosini, servant of the Conclave of Shadows, had returned to Roldem. Here he was Talwin Hawkins\u2014distant cousin to Lord Seljan Hawkins, Baron of the Prince's Court in Krondor. His title was Squire of Morgan River and Bellcastle, Baronet of Silverlake\u2014estates producing almost no income\u2014and he was vassal to the Baron of Ylith; a former Bannerette Knight Lieutenant under the command of the Duke of Yabon, Tal Hawkins was a young man of some rank and little wealth.\n\nFor almost two years he had been absent from the scene of his most significant public triumph, winning the tournament at the Masters' Court, thus earning the title of World's Greatest Swordsman. Cynical despite his youth, he tried to keep the illusion of superiority in perspective\u2014he had been the best of the several hundred entrants who had come to Roldem for the contest, but that hardly convinced him he was the best in the world. He had no doubt there was some soldier on a distant battlement or mercenary riding guard duty somewhere who could cut him up for fish bait given the chance; but fortunately they hadn't entered the contest.\n\nFor a brief instant, Tal wondered if fate would allow him to return to Roldem in three years' time to defend that championship. He was but twenty-three years of age, so it would be only circumstance that would prevent him from returning to Roldem. Should he do so, he hoped the contest would be less eventful than the last. Two men had died by his sword during the matches\u2014a very rare and usually regrettable outcome. Nevertheless, Tal had felt no regret, since one of the men had been among those responsible for the destruction of his nation, and the other had been an assassin sent to kill him. Memories of assassins turned his mind to the man following him. The other man had also boarded at Salador, yet had managed to avoid direct contact with him aboard the small ship for the duration of the voyage, despite their being nearly two weeks at sea.\n\nThe bird wheeled overhead, then pulled up, wings flapping as it hovered, legs extended downward and tail fanned, as if watching prey. With its telltale cry, the predator announced its presence.\n\nHearing the familiar screech, Tal looked up, then hesitated for a moment, for the bird above the throng was a silver hawk. It was his spirit guide and had given him his naming vision. For an instant Tal imagined he could see the creature's eyes and hear a greeting. Then the bird wheeled and flew away.\n\n\"Did you see that?\" asked a porter nearby. \"Never seen a bird do that.\"\n\nTal said, \"Just a hawk.\"\n\n\"Never seen a hawk that color, leastways not around here,\" answered the porter, who took one look at where the bird had hovered, then returned to lugging his bundle. Tal nodded and moved back into the throng. The silver hawk was native to his homeland far to the north, across the vast Sea of Kingdoms, and as far as he knew, none inhabited the island kingdom of Roldem. He felt troubled, and now by more than the presence of the man who had followed him from Salador. He had been subsumed so long in the role of Tal Hawkins that he had forgotten his true identity. Perhaps the bird had been a warning.\n\nWith a mental shrug he considered that the bird's appearance might have been nothing more than a coincidence. While still an Orosini at heart, in all ways he had been forced to abandon the practices and beliefs of his people. He still owned a core being\u2014Talon of the Silver Hawk\u2014a boy forged in the crucible of a nation's history and culture; but he had been shaped and alloyed by fate and the teachings of outlanders so that at times the Orosini boy was no more than a distant memory.\n\nHe wended his way through the press of the city. Shops displayed colorful fashions as he entered a more prosperous part of the city. He lived at just the right level to convince everyone he was a noble of modest means. He was charming enough and successful enough as Champion of the Masters' Court to warrant invitations to the very best Roldemish society had to offer, but had yet to host his own gala.\n\nReaching the door to the moneylender's home, he reflected wryly that he might crowd half a dozen close friends into his modest apartment, but he could hardly entertain those to whom he owed a social debt. He knocked lightly upon the door, then entered.\n\nThe office of Kostas Zenvanose consisted of little more than a tiny counter, and there was barely enough room to stand before it. A clever hinge allowed the counter to be raised at night and put out of the way. Three feet behind the counter a curtain divided the room. Tal knew that behind the curtain lay the Zenvanose family living room. Beyond that lay the kitchen, bedrooms, and exit to the back courtyard.\n\nA pretty girl appeared, and her face brightened with a smile. \"Squire! It's wonderful to see you again.\"\n\nSveta Zenvanose had been a charming girl of seventeen when Tal had last seen her. The passing two years had done nothing but turn a pretty lass into a burgeoning beauty. She had lily-white skin with a hint of rose on her high cheekbones and eyes the color of cornflowers, all topped off with hair so black it shone with blue-and-violet highlights when the struck by the sun. Her previously slender figure had also ripened, Tal noted as he quickly returned her smile.\n\n\"My lady,\" he said with a slight bow. She began to flush, as she always had when confronted by the notorious Tal Hawkins. Tal kept the flirtation to a minimum, just enough to amuse the girl, but not enough to pose any serious issues between him and the girl's father. While the father posed no threat to him directly, he had money, and money could buy a lot of threats. The father appeared a moment later, and as always Tal wondered how he could have sired girl as pretty as Sveta. Kostas was gaunt to the point of looking unhealthy, which Tal knew was misleading, for he was lively and moved quickly. He also had a keen eye and a canny knack for business.\n\nHe moved swiftly between his daughter and his tenant, and smiled. \"Greetings, Squire. Your rooms have been readied, as you requested, and I believe everything is in order.\"\n\n\"Thank you.\" Tal smiled. \"Has my man put in an appearance?\"\n\n\"I believe he has; otherwise, you have an intruder above who has been banging around all day yesterday and this morning. I assume it's Pasko moving the furniture to dust and clean, and not a thief.\"\n\nTal nodded. \"Am I current with our accounts?\"\n\nAs if by magic, the moneylender produced an account ledger and consulted it, with one bony finger running down the page. With a nod and an \"ah\" he said, \"You are most certainly current. Your rent is paid for another three months.\"\n\nTal had left the island nation almost two years previously, and had deposited a sum of gold with the moneylender to keep the apartment against his return. He had judged that if he didn't return within two years, he'd be dead, and Kostas would be free to rent out the rooms to someone else.\n\n\"Good,\" said Tal. \"Then I will leave you to your business and retire. I expect to be here for a while, so at the end of the three months, remind me, and I'll advance more funds against the rents.\"\n\n\"Very well, Squire.\"\n\nSveta batted her lashes. \"Good to see you home, Squire.\"\n\nTal returned the obvious flirtation with a slight bow and smile, and fought down a sudden urge to laugh. The rooms above were no more his home than was the palace of the King. He had no home, at least he hadn't since the Duke of Olasko had sent mercenaries to destroy the land of the Orosini. As far as Tal could judge, he was the sole surviving member of his people.\n\nTal left the office. One quick glance around the street told him that the man who had followed him from the ship was out of sight, so he mounted the stairs next to the door, climbing quickly to the entrance to his rooms. He tested the door and found it unlocked. Stepping in, he was confronted by a dour-looking man with a droopy mustache and large brown eyes.\n\n\"Master! There you are!\" Pasko said. \"Weren't you in on the morning tide?\"\n\n\"Indeed,\" replied Tal, handing his jacket and travel bag to his manservant. \"But as such things are wont to be, the order of landing was dictated by factors of which I am ignorant.\"\n\n\"In other words, the ship's owner didn't bribe the harbormaster enough to get you in early.\"\n\n\"Most likely.\" Tal sat down on a divan. \"So expect the luggage to arrive later today.\"\n\nPasko nodded. \"The rooms are safe, master.\" Even in private, Pasko observed the formalities of their relationship: he the servant, Tal the master, despite the fact that he had been one of Tal's instructors over the years.\n\n\"Good.\" Tal knew that meant Pasko had employed various wards against scrying magic, just he would have inspected the premises against more mundane observation. The chances of their enemies knowing that Tal was an agent of the Conclave of Shadows were small, but not out of the question. And they had sufficient resources to match the Conclave in dealing with opponents.\n\nSince his victory over Raven and his mercenaries, avenging his own people's slaughter, Tal had lived on Sorcerer's Isle, recovering from wounds\u2014both mental and physical\u2014learning more of the politics of the Eastern Kingdoms, and simply resting. His teaching had continued in various areas, for Pug and his wife, Miranda, had occasionally instructed him in areas of magic that might concern him. Nakor the Isalani, the self-proclaimed gambler who was far more than that, instructed him in what could only be termed \"dodgy business,\" how to cheat at cards and spot others cheating, how to pick locks and pockets, as well as other nefarious skills. With his old friend Caleb he would go hunting. It had been the best time he had known since the destruction of his people.\n\nDuring that period he had been allowed to glimpse some of the dealings of the Conclave on a level far above his station; and had thus gained the sense that the Conclave had agents numbering in the hundreds, perhaps thousands, or at least had links to thousands of well-positioned individuals. He knew the organization's influence reached down into the heart of the Empire of Great Kesh, and across the sea to the lands of Novindus, as well as through the rift to the Tsurani homeworld, Kelewan. He could tell that enormous wealth was at their disposal, for whatever they needed always appeared somehow. The false patent of nobility that Tal carried in his personal portfolio had cost a small fortune, he was sure, for there were \"originals\" in the Royal Archives on Rillanon. Even his \"distant cousin\" Lord Seljan Hawkins had been delighted to discover a long-lost relative who had been victorious in the Masters' Court, according to Nakor. Tal didn't feel emboldened enough ever to visit the capital of the Kingdom of the Isles, because while the elderly Baron might believe that some distant cousin had fathered a lad who had some versatility with the sword, the possibility of Tal failing to be convincing when it came to small talk about this or that family member made such a visit too risky to contemplate.\n\nStill, it was reassuring to know that these resources lay at his disposal should he need them. For he was ready to embark upon the most difficult and dangerous portion of his personal mission to avenge his people: he had to find a way to destroy Duke Kaspar of Olasko, the man ultimately responsible for the obliteration of the Orosini nation. And Duke Kaspar happened to be the most dangerous man in the world, according to many sources.\n\n\"What news?\" asked Pasko.\n\n\"Nothing new, really. Reports from the north say that Olasko is again causing trouble in the Borderlands, and once more may be seeking to isolate the Orodon. They still send patrols through my former homeland to discourage anyone who might think to claim Orosini lands.\" Then he asked, \"What is the news in Roldem?\"\n\n\"The usual court intrigues, master, and quite a few rumors of this lady and that lord and their dalliances. In short, with little of note to comment upon, the nobles, gentry, and wealthy commoners turn their attention to gossip.\"\n\n\"Let's confine ourselves to matters of importance. Any sign of Olasko's agents here in Roldem?\"\n\n\"Always. But nothing out of the ordinary, or at least nothing we can see that's out of the ordinary. He builds alliances, seeks to do favors in exchange for social debts, loans gold, and insinuates himself in the good graces of others.\"\n\nTal was silent for a long moment. Then he asked, \"To what ends?\"\n\n\"Pardon?\"\n\nTal leaned forward in his chair, elbows on knees. \"He's the most powerful man in the Eastern Kingdom. He has blood ties to the throne of Roldem\u2014he's, what? Seventh in line of succession?\"\n\n\"Eighth,\" replied Pasko.\n\n\"So why does he need to curry favor with Roldemish nobility?\"\n\n\"Indeed.\"\n\n\"He doesn't need to,\" said Tal, \"which means he wants to. But why?\"\n\n\"Lord Olasko is a man with many irons in the fire, master. Perhaps he has interests here in Roldem that might require a vote of the House of Lords?\"\n\n\"Perhaps. They ratify treaties enacted by the Crown, and verify succession. What else do they do?\"\n\n\"Not much else, save argue over taxes and land.\" Pasko nodded. \"Given that Roldem is an island, master, land is of great importance.\" He grinned. \"Until someone discovers how to build dirt.\"\n\nTal grinned back. \"I'm sure we know a few magicians who could increase the size of the island if they felt the need.\"\n\nPasko said, \"So, what are we doing back in Roldem, master?\"\n\nTal sat back and sighed. \"Playing the role of a bored noble looking to find a better station in life. In short, I must convince Kaspar of Olasko I'm ready to take service with him by creating a muddle here that only he can get me out of.\"\n\n\"Such as?\"\n\n\"Picking a fight with a royal seems a good choice.\"\n\n\"What? You're going to smack Prince Constantine and provoke a duel? The boy's only fifteen years of age!\"\n\n\"I was thinking of his cousin, Prince Matthew.\"\n\nPasko nodded. Matthew was the King's cousin, son of his elder sister. He was considered the \"difficult\" member of the royal family; more arrogant, demanding and condescending than any other member of the King's family, he was also a womanizer and a drunk, and he cheated at gambling. Rumor had it that the King had bailed him out of very difficult straits on a number of occasions. \"Good choice. Kill him, and the King will privately thank you...while his executioner is lopping off your head.\"\n\n\"I wasn't thinking of killing him, just...creating enough of a fuss that the King would be unhappy with me remaining in his country.\"\n\n\"You'd have to kill him,\" said Pasko dryly. \"As Champion of the Masters' Court you could probably sleep with the Queen, and the King would pass it off as a boyish prank. Why do you need all this bother? Olasko offered you a position when you won the tourney.\"\n\n\"Because I wish to appear the reluctant petitioner. I would have undergone close scrutiny had I accepted his offer immediately after the tourney two years ago. If I were to appear suddenly requesting that position today, I would undergo an even closer examination. But if I'm merely forced by circumstances to seek out his patronage, then my motives are obvious\u2014at least I hope they are.\n\n\"While at Sorcerer's Isle, I was...prepared, to withstand a great deal of examination.\"\n\nPasko nodded. He understood what was being said. Tal had been conditioned by Pug and the other magicians to deal with any magic that might uncover his true allegiance.\n\n\"But the circumstances of my seeking service with Kaspar must also be credible. Being in his debt for my life seems an obvious motive.\"\n\n\"Assuming he can keep you off the headsman's block.\" Pasko rubbed his throat. \"I've always thought beheading a barbaric choice. Now the Kingdom hangs their felons. A short drop\"\u2014he snapped his fingers\u2014\"and the neck is broken, and it's over. No mess, no fuss, no bother.\n\n\"In Great Kesh, I've been told, they have many different choices of execution, depending on the location and nature of the crime: decapitation, burning at the stake, being buried up to your neck next to an anthill, drowning, exposure, being pulled apart by camels, being buried alive, defenestration\u2014\"\n\n\"What?\"\n\n\"That's throwing someone off a very high place onto the rocks below. My personal favourite is castration, then being fed to the crocodiles in the Overn Deep after having watched them first consume your manhood.\"\n\nTal stood up. \"Have I ever mentioned that you have a seriously morbid streak? Rather than contemplate the means of my demise, I'll spend my energies on staying alive.\"\n\n\"Then, to a practical concern?\"\n\nTal nodded.\n\n\"While I suspect Duke Kaspar would intervene on your behalf in such a circumstance\u2014the humiliation of Prince Matthew, I mean, not the feeding to crocodiles thing...\"\n\nTal smiled.\n\n\"...isn't it going to be difficult for him to do so from across the seas?\"\n\nTal's smiled broadened. \"Nakor had intelligence from the north just as I left Salador; Duke Kaspar arrives within the week for a state visit.\"\n\nPasko shrugged. \"In aid of what?\"\n\n\"A little hand-holding for his distant cousin, I imagine, prior to doing something that might otherwise earn the King's displeasure.\"\n\n\"Such as?\"\n\n\"We have no idea, but the north is constantly on a low roil, and Kaspar only has to raise the heat in one place or another for a kettle to boil over somewhere. That's one of the many things I wish to find out.\"\n\nPasko nodded. \"Shall I draw you a bath?\"\n\n\"I think I'll take a walk to Remarga's and indulge in a long massage and tub there. Bring suitable clothing for an evening in town.\"\n\n\"Where will you be dining, master?\"\n\n\"I don't know. Somewhere public.\"\n\n\"Dawson's?\" The former inn was now exclusively a dining establishment for the noble and the rich, and had spawned a dozen imitators. \"Dining out\" had become something of a pastime for those in the capital city.\n\n\"Perhaps that new establishment, the Metropol. It's considered the place to be seen, I have been told.\"\n\n\"It's a private club, master.\"\n\n\"Then get me an invitation while I bathe, Pasko.\"\n\nWith a wry expression, Pasko said, \"I'll see what I can do.\"\n\n\"I must be seen in public so word will spread I'm back in the city, but I need to be alone tonight when I finish supper and return to these quarters.\"\n\n\"Why, master?\"\n\n\"So I can find out who's been following me since I left Salador, and what's on his mind.\"\n\n\"A spy?\"\n\nWith a stretch and a yawn, Tal said, \"Probably an assassin.\"\n\nSighing, Pasko said, \"So it begins.\"\n\nNodding as he headed for the door, Tal said, \"Yes. So it begins.\"\n\nFog shrouded the city. Mist hung so thick it was impossible to see more than three feet ahead. The bright lamps at each corner of the merchants' quarter were reduced to dim yellow spots in the distance, and even the occasional lantern beside a tavern door became just a faint pool of light across the street. There were places on long streets where no light was visible, and the senses were confounded, distances were meaningless, and the entirety of the universe was murk.\n\nEven sound was muted. The taverns he passed offered just a murmur of voices rather than the raucous cacophony normally heard. Footfalls were a soft grinding of heel on caked mud rather than a clatter of leather on stone.\n\nEven so, Tal Hawkins knew he was being stalked. He had known that the instant he had departed Lady Gavorkin's home. He had lingered over dinner at the Metropol\u2014it had taken only minutes for Pasko to gain an invitation on behalf of the owner of the establishment for the Champion of the Masters' Court to dine as his guest\u2014and Tal had left with a free membership in the club. He had been impressed with the d\u00e9cor, the ambiance, and the service. The food was only just acceptable, and he planned on having words with the chef, but he could see this club business might be a useful enterprise.\n\nRoldem lived on commerce more than any nation in the east, and this new club was in a location where nobles and wealthy commoners could come together in casual surroundings to socialize in a fashion impossible to imagine anywhere else in the city. Tal suspected that over the coming years fortunes would be lost and titles gained, marriages arranged and alliances formed in the quiet interior of the Metropol. Even before he had finished dining, a note from Lady Gavorkin had been handed to him, and Tal judged it as likely he would encounter his stalker on his way to her town house as he would back to his own. He had not, however, been accosted by whoever followed, and had spent a pleasant two hours, first being scolded for his long absence, then being ardently forgiven by Lady Gavorkin.\n\nThe lady was recently widowed, her husband having perished in a raid against a nest of Ceresian pirates operating out of an isolated bay off Kesh. His service to the Roldemish Crown had garnered Lady Gavorkin a fair amount of sympathy, some guarantees of a modest pension in addition to her ample estates and holdings, and an appetite for a new husband as soon as the proper mourning period had been observed. She was childless, and her estates stood at risk if the Crown decided that another noble would better be able to manage them. Ideally, from the royal perspective it would be ideal that Lady Gavorkin, Countess of Dravinko, should marry some other noble who was favored by the Crown, which would tie up two loose ends nicely.\n\nTal knew he would have to sever all contact with Lady Gavorkin soon because he would never withstand the close scrutiny reserved for those marrying into Roldemish nobility. A minor squire's son from a town outside a distant Kingdom city who was socially acceptable as an escort for galas and festivals was one thing, but someone who wed the widow of a recently departed war hero was another matter entirely. Besides, being tied down to anyone, even someone as attractive as Lady Margaret Gavorkin, held limited appeal for Tal, her substantial wealth, holdings, and energetic lovemaking notwithstanding.\n\nTal listened as he walked and let his hunter's instincts serve him well. He had learned years earlier that a city was nothing but a different kind of wilderness, and that the skills he had learned as a child in the mountains to the far north, across the sea, could keep him alive in any city. Each place had its own rhythm and pace, its own dynamic feeling, and once he was comfortable within that environment, threats and opportunities for a hunt would be recognized, just as they were in the wild.\n\nWhoever followed him was desperately trying to keep a proper distance and would have gone unnoticed by anyone less keenly aware of his surroundings than Tal. Tal knew this area of the city as well as anyone born there, and he knew he would be able to lose his stalker at whim. But he was curious as to who was following him and, more to the point, why.\n\nTal paused for a half a step, just enough of a break in the rhythm of his walking for his stalker to reveal his whereabouts, then continued. He turned right at the corner and stepped inside a deep doorway, the entrance to a tailor shop he had frequented. Forgoing his sword, he deftly removed a dagger from his belt and waited. At the moment Tal expected, the man following him turned the corner and stepped in front of him.\n\nTal reached out and grabbed the man's right shoulder, bearing down and twisting as he pulled. The man reacted, but Tal was quicker; the stalker did exactly as Tal anticipated, hesitating for an instant before reflexively pulling away. Tal yanked upward, using the man's own motion to spin him completely around. Suddenly the stalker found himself hard against the door with Tal's dagger at his throat.\n\n\"Why are you following me?\" Tal asked, his voice a hissed whisper lest he arouse those asleep upstairs above the shop.\n\nThe man was quick, for his hands were moving toward his own dagger before the last syllable was uttered. He was also no fool, for he recognized he was in a hopeless situation a scant moment before Talon would be forced to plunge the blade into his throat. He slowly raised his hands to show they were empty. In a whisper, he answered, \"Magnificence! I mean you no harm! My sword and dagger are still in my belt!\" He spoke in the language of the Kingdom of the Isles.\n\n\"Who are you?\"\n\n\"I am Petro Amafi.\"\n\n\"Amafi? That's Quegan. But you speak the language of the Isles.\"\n\n\"I have resided in Salador many years now, and, to tell the truth, my command of the Roldemish tongue is lacking, so I employ the King's Tongue.\"\n\n\"Tell me, Amafi, why are you following me,\" Tal repeated.\n\n\"I am an assassin by trade. I have been paid to kill you.\"\n\nTal took a step back, leaving his blade against the man's throat, but gaining a perspective on him.\n\nPetro Amafi was a half head shorter than Tal's two inches over six feet, with broad shoulders and a barrel chest. His clothing marked him as a foreigner; he wore a curious long tunic, gathered at the waist by a black leather belt, and rather than the long wide-bottomed trousers affected by the style-conscious in Roldem that season, he wore leggings and a courtier's slippers. He sported a mustache and goatee, and upon his head he wore a felted wool beret with a clasp and feather on the left side. His face was narrow, with deep eyes that revealed his menace more than his vulpine appearance. \"You mean me no harm, but you're an assassin sent to kill me. Something of a contradiction, don't you agree?\" observed Tal.\n\n\"I gain nothing by hiding the truth, Magnificence. My life is preserved by your ignorance. Should you kill me this moment, you will wonder who hired me.\"\n\nTal chucked. \"That is true. So, then, we are at an impasse, for should you tell me, then I must kill you. So it is to your benefit not to tell me. But as I cannot spend the rest of my life waiting for you to divulge who sent you, so I gain nothing by keeping you alive.\"\n\n\"Wait!\" said Amafi, holding out his hand in a conciliatory gesture. \"I did not come to kill you. I was hired to do so, but I have been observing you since nearly a week before you departed Salador, and I wish to bargain.\"\n\n\"For your life?\"\n\n\"More, Magnificence. Let me serve.\"\n\n\"You'd take service with me?\" said Tal in dubious tones.\n\n\"Willingly, Your Magnificence. Any man of your skills would be a worthy master, for I have seen you duel in the Court of Blades in Salador, and I've watched from the corner as you play cards in the alehouses; you win just enough to raise no suspicions, yet you are a master cheat. You are welcome in the homes of the great and near great. You are admired by men and desired by women. What's more, no one has ever done what you just have, turned me from hunter to hunted. But most telling of all, you are Champion of the Masters' Court, the greatest blade in the world, and a rumor circulates that you are secretly in the service of Duke Kaspar of Olasko, and one who serves such as Kaspar can only prosper greatly. I wish to prosper greatly with you.\"\n\nHe gently moved the tip of Tal's blade away from his throat with one finger, and Tal permitted it. \"As you can see, Magnificence, I am getting on in years, nearly sixty of them. The assassin's trade requires skills that are fading as I age. I must think of my latter days, and while I have kept some part of the fees paid me over the years, it is not enough. I have fallen on hard times.\"\n\nTal laughed. \"Bad investments?\"\n\nAmafi nodded. \"A trading concern out of Salador, most recently. No, I wish to take my bloody skills and use them to a more permanent advantage. Were I your man, then I would rise with you. Do you see?\"\n\nTal put away his dagger. \"How can I trust you?\"\n\n\"I will swear an oath in whatever temple you require.\"\n\nTal considered. Few men would willingly break oath, even if they weren't as honor-bound as the Orosini. \"Who told you I was in Kaspar's service?\"\n\n\"A rumor here, there, nothing more. You were reported to have been seen in the region of Latagore where Duke Kaspar has interests, and it is well known he sought you out after you won the competition at the Masters' Court two years ago. Duke Kaspar employs only the most gifted and ambitious young men, so it is assumed you are his.\"\n\n\"Well, I'm not,\" replied Tal, intentionally turning his back on Amafi. He knew he took a risk, for as much as the assassin claimed age was slowing him down, Tal judged him capable of a swift attack from behind if given the opportunity. The attack didn't come.\n\nInstead, Amafi fell into step beside Tal. \"You wish to know who sent me?\"\n\n\"Yes,\" replied Tal.\n\n\"Lord Piotre Miskovas, though I am not supposed to know this.\"\n\n\"He does hold a grudge,\" observed Tal. \"I haven't slept with his wife in more than two years.\"\n\n\"As I understand it, she became intoxicated at a gala given by Lady Amsha Detoris, and threw the facts of your...liaison into her husband's face over supper some months after you last left the city. The couple is yet not reconciled, and she abides in her suites here in the city, while he resides at their estates in the country. He blames you.\"\n\n\"He should look to his own philandering,\" remarked Tal, \"for had he not been so quick to bed every pretty face he saw, his wife would not have been so eager to receive my attentions.\"\n\n\"Perhaps, Magnificence, but it takes a man of unusual character to openly confront his own shortcomings. It's so much more convenient to blame others.\n\n\"Upon hearing of your planned return, he sought out an assassin\u2014far less discreetly than he should have\u2014and I was hired to remove this\"\u2014he pointed at Tal\u2014\"blot on his honor. He was at least intelligent enough to have used a...broker...in Salador, lest blame fall upon him here in Roldem. I have 'failed,' so I am honor-bound to return his gold, and seek to turn this failure into a triumph. Employ me, Magnificence, and I will serve you. My oath upon it!\"\n\nTal considered his next move. He had been back in Roldem for less than a day and needed reliable eyes and ears. \"Until such time as you can successfully betray me without risk?\"\n\nAmafi grinned. \"Possibly, my lord, for I have never been a man of constant heart. But oath-breaking does not come easily to even such a one as me, and given your rare talents I suspect such a time would never exist, for it would require an opportunity to become even richer than I hope to become in your service.\"\n\nTal laughed. Amafi had a refreshing candor that made Tal think he could trust the assassin\u2014up to a point, anyway\u2014and as long as he didn't attempt to press him beyond that point, he should prove a reliable servant. \"Very well, let us to the Temple of Lims-Kragma, where you will swear an oath.\"\n\nAmafi grimaced. \"I was thinking perhaps Ruthia or Astalon,\" he said, naming the Goddess of Luck and the God of Justice.\n\n\"I think wagering your chance at being reborn to a higher station a good hedge against betrayal,\" said Talon, putting away his weapon. \"Come along. And we must work on your Roldemish. We may be here a while.\"\n\nIf Amafi thought even for an instant to draw his weapon and strike, he masked the impulse completely, quickly moving to fall into step beside his new master as they vanished into the fog shrouding the city.\n\nThe magician stood in the corner, his features veiled in shadow. Tal knew his face even if he couldn't see it in the gloom. A single candle burned in the apartment, and that was on the table in the next room, casting a faint light through the open door.\n\n\"Where's your new man?\" he asked.\n\nTal said, \"I sent him on an errand. What did you find out?\"\n\nStepping out of the shadows, the magician revealed himself to be a tall man of lean features, a striking face with a long straight nose, dramatic cheekbones, and startling blue eyes. His hair was so pale, it appeared almost white. He said, \"Informants in Queg have vouched for Amafi. At least they have vouched for his reputation as an assassin.\"\n\n\"A reputable assassin,\" said Tal. \"That's a quaint notion.\"\n\n\"He's considered something of an 'honorable' man in the context of his trade,\" declared Magnus, son of Pug of Sorcerer's Isle, and one of Tal's many teachers over the years.\n\n\"It's beginning,\" said Tal. \"Lady Gavorkin confirmed last night that Duke Kaspar is to arrive by week's end and will be ensconced in the palace with his cousin the King. Pasko? How many invitations arrived today?\"\n\n\"Seventeen, master,\" he answered.\n\n\"By month's end, I imagine I will be in a position to make the reacquaintance of the Duke at one gala or another.\"\n\n\"Your plan?\" asked Magnus.\n\n\"I need to establish a link with Kaspar, then find a reason to call out Prince Matthew.\"\n\n\"Is that necessary?\"\n\n\"Almost certainly,\" said Tal. \"For while I'm vague on the details, I think I have anticipated Duke Kaspar's larger goals in his maneuverings over the last few years.\"\n\n\"This is something you didn't mention before leaving the island,\" said Magnus.\n\nTal nodded. \"Because I didn't fully see the pattern until a few hours ago. And I may be wrong, but I believe all his actions in the north to be nothing more than a bloody, murderous ruse, and his anticipated invasion of the Kingdom through Farinda a feint.\"\n\n\"To what end?\"\n\n\"To keep the Kingdom busy up north while he works toward his true goal in the south.\"\n\n\"And that is...?\" asked Magnus impatiently.\n\n\"I have no idea. But it could involve Roldem or Kesh, and keeping the Kingdom occupied along a long, empty border would work to Kaspar's advantage.\n\n\"I'm no military expert, but it seems to me if he sends a force into the Kingdom of the Isles, they will respond in strength. If Kaspar sends in small companies, each can occupy a much larger force if they scatter across the plains. From the foothills at the border to the Blackwood north of Dolth, you've got almost a thousand miles of grasslands. King Ryan of the Isles would be forced to tie up a huge number of men hunting down a relatively small army.\n\n\"So, the question is, if Kaspar wants that army up in the grasslands, where does he plan on striking?\"\n\nMagnus said, \"I will convey your theory to Father.\" He put a broad-brimmed felt hat on his head and removed a device from within his dark grey robe, an orb that glowed with copper highlights in the candlelight. He depressed the surface with his thumb, and suddenly he wasn't there, the only sign of his departure being a small inrush of air.\n\nPasko said, \"But why?\"\n\n\"Why?\" echoed Tal. \"Why what?\"\n\n\"Why all the plotting? Kaspar is as powerful in his own way as the King of Roldem. He effectively rules Aranor; the Prince does his bidding. He either controls or intimidates every nation surrounding Olasko, and he has the King of Roldem's ear. Why does he want this war with the Isles?\"\n\nTal sat back. \"I thought it obvious. By destabilizing the region, opportunity arises for Kaspar to gain what he wants most of all.\" Tal laced his fingers together and stared at the candle over balled fists. He tapped his chin lightly with his hands as he muttered, \"Men of power seek only one thing: more power.\"\n\n## Two\n\n## Reception\n\nTal smiled.\n\nThis was his first time in the palace since his victory in the Masters' Court two years earlier. The King had sent an invitation for Talwin Hawkins to attend the welcoming gala to celebrate the arrival of the Duke of Olasko.\n\nTal had waited patiently in line for his turn to be presented, behind all the nobility of Roldem, most of those from other nations, and just ahead of the wealthiest commoners. A squire from the Kingdom of the Isles stood barely above a ribbon-maker with a great deal of gold in the eyes of the Roldemish court.\n\nEven so, Tal stood resplendent in a pair of new wide-legged trousers\u2014the current fashion\u2014with his boots covered to the buckles, and a broad black leather belt, but he chose to wear a currently out-of-fashion tunic\u2014a yellow doublet sewn with seed pearls. While other nobles were wearing the off-the-shoulder military singlet that was all the rage, Talon had chosen to wear the jacket that had been given to him as a gift by the King two years ago.\n\nWhen last he had met the King, Tal had been the center of attention, the winner of the Tournament of Master's, the recipient of the golden sword, emblematic of his being the world's greatest swordsman.\n\nNow Kaspar of Olasko was the focus of the gala, and Tal but a minor participant. When he at last heard his name called, Tal moved forward briskly and approached the throne. He took in the tableau before him as he reached the point where he was expected to bow before the Crown. King Carol sat on his throne, his wife Queen Gertrude to his right. On his left hand sat Crown Prince Constantine, heir to the throne. Tal remembered the Prince as a quiet boy with curious eyes, one given to slight smiles as he listened closely to the banter of the adults around him. Tal suspected he was an intelligent child. The younger members of the royal family were absent, the other two princes and the Princess no doubt being made ready for bed by their servants and nannies.\n\nTo Constantine's left stood a man dressed in a burgundy-colored tunic of velvet, fastened with loops and frogs made from diamonds. He wore black leggings rather than this season's wide-bottomed trousers, and his feet were encased in polished but serviceable boots. He wore the same black hat Tal had seen him wearing two years before, a large velvet thing that hung over his right ear almost to his shoulder, with a gold badge on the left.\n\nIt was the Duke of Olasko.\n\nKaspar of Olasko studied the young squire while still engaging the young prince in conversation, a skill Tal observed, for while Prince Constantine was being kept occupied by his distant cousin, Olasko was assessing Tal closely. Tal considered it possible that Kaspar was one of those men who could focus on two things at the same time. Even among the magicians Tal knew, that was a rare gift.\n\nOut of the corner of his eye, as he bowed before the King, Tal reacquainted himself with Kaspar. He was a burly man with a broad chest and powerful shoulders, and muscles revealed by the tight leggings suggested he might also be a man with some speed. He glanced at Tal in such a way that the younger man suspected that the Duke recognized he was being appraised. His face was round, but his chin jutted a bit, robbing him of any comic cast to his features. He sported a thin-cut black beard, with his upper lip shaved, which gave his chin an even more aggressive appearance. His hair was still mostly black, though a sprinkling of grey hinted he was a man in his early forties. His eyes were those of a predator, black and searching. And his mouth was full, sensuous without being decadent, and set in a near smirk Tal had seen several times before.\n\nTal straightened from his bow, and the King said, \"Squire Hawkins, it is good to have you in our court again.\"\n\n\"I am pleased as well to return to Roldem, Majesty.\"\n\nThe Queen beamed as she said, \"And I see you return to us in the garb we presented you upon your victory.\"\n\nTal gave Gertrude his most endearing smile. \"Majesty, I have worn this gift only once before, on the night of my triumph, and have vowed that it will never again be worn, save in the presence of your august selves.\"\n\nThe King nodded in pleasure and said, \"You are most considerate. Again, welcome.\"\n\nTal knew he was excused, so he moved over to the gathering on the left side of the King to watch those behind him being presented. He stole a couple of quick glances at Kaspar, but the Duke seemed focused on his quiet conversation with the Prince.\n\nEventually the last presentation was made and the Master of Ceremonies moved to stand before the throne. \"With Your Majesty's permission?\" he said bowing.\n\nThe King waved his hand, and the Master of Ceremonies turned and declared, \"My lords, ladies, and gentlemen, please retire to the banquet hall and await Their Majesties!\"\n\nTal watched as the royal family departed, with the Duke of Olasko following close after. He knew they'd retire to a nearby apartment in the palace and wait until all the guests were seated before moving to the head table.\n\nTal waited patiently in line, but it moved quickly as more than two dozen pages and squires had been detailed to the Master of Ceremonies who consulted the master seating plan. Once instructions had been whispered into the page's ear, a guest had only to pause for a moment before being escorted to his or her place in the hall.\n\nTal was pleasantly surprised to discover he was being seated at the King's table. He quickly counted chairs and realized that there would be no more than two or three people between him and the Duke of Olasko. He suspected his position at the banquet was more a result of Kaspar wishing him to be near to hand than because of his prestige as reigning Champion of the Masters' Court.\n\nWhen the royal family arrived, everyone rose and bowed slightly, then remained standing until the King was seated and the Master of Ceremonies struck the floor with his iron-shod staff of office. At which point everyone sat, and servants began pouring wine and providing food.\n\nTal found himself next to a local court baron and his wife, whom Kaspar engaged in conversation for a while. The Baron at last turned to Tal, and introductions were exchanged. Then the Baron launched into an enthusiastic retelling of Tal's victories as if Tal hadn't been there. On Tal's left sat a pretty woman of middle years and her husband, rich commoners who seemed content simply to be at the King's table and demonstrated no need to speak to anyone else. They lowered their heads slightly and spoke in whispers as they glanced around the room, apparently trying to espy people who might know them and be impressed by their place at the head table.\n\nThroughout the dinner the Duke ignored Tal's presence, save for one slight nod and smile as the first course was being served. During the course of the dinner, entertainers provided distraction in several locations around the great hall. Deft jugglers, acrobats, and sleight-of-hand magicians. A particularly gifted poet spun verse to order, flattering the ladies and gently mocking the men. His wit was dry and his rhyming clever. On the other side of the room a jongleur from Bas-Tyra sang love songs and ballads of heroic sacrifice. Tal could hear enough of his song to know he was excellent.\n\nAs was the meal and every other aspect of the gala. And why not? Tal thought. Roldem was considered to be the seat of all things cultural and refined in the world, or at least this part of it. Fashion, literature, music all flowed from the court of Roldem. Given his travels, Tal reflected that much of that influence was lost as you moved away from the island nation; those in the west of the Kingdom seemed completely indifferent to matters of fashion, while only in Salador and Rillanon was there some of the same concern that one saw here.\n\nBut gazing around the room, he realized that whatever others might think\u2014that it was vainglorious and pointless\u2014it was also sumptuous and regal. The women were beautiful in their finery, and the men cut handsome figures, or at least as handsome as nature permitted.\n\nWhen the meal ended, the court turned its attention to the center of the royal table. No one was permitted to leave until the King and his family left the table. Those who had finished their meal early sat sipping wine or ale, watching those around them or engaging in idle conversation with their neighbors.\n\nSuddenly Tal heard Kaspar say, \"So, Squire, you're back with us again?\"\n\nTal turned in as relaxed a manner as he could and, trying to show deference to the Baron on his right, spoke past him to the Duke. \"For a time, m'lord.\"\n\nKaspar took a sip from a wine cup, and asked, \"Have you completed that 'family business' you spoke of when last we met?\"\n\n\"Indeed, Your Grace. It took longer than I had anticipated, but it is now a matter in the past.\"\n\n\"So, you are now free to seek your fortune?\" The Duke's eyes were narrow and appraising even as he kept his tone light.\n\nTal feigned a laugh. \"Given my luck at cards lately, I am in need of a fortune, m'lord.\"\n\nThe King rose, and a half second later, Kaspar did as well. As he turned to follow his cousin, Kaspar looked over his shoulder and said, \"I am hunting at first light. Join me at the southern gate. I'll have a horse ready. Do you have a bow?\"\n\n\"Yes, m'lord,\" said Tal, to Kaspar's retreating back.\n\nThe Court Baron turned. \"Quite the coup, young Hawkins.\"\n\n\"Sir?\"\n\n\"The Dukes of Olasko have been hunters for generations. They say this Duke's grandfather once hunted dragons in the west of the Kingdom of the Isles. To be invited to hunt with him is a mark of distinction.\"\n\nTal smiled and nodded, attempting to look suitably flattered. The Baron and his wife departed.\n\nTal felt it necessary to make one circuit of the hall, then determined to stay close to the exit and wait until someone else departed. He had no wish to mark himself by being the first to leave, but he wished to be out of the palace as soon as possible.\n\nAs he made his way through the throng, he was occasionally stopped by this acquaintance or that and several times by strangers who wished simply to introduce themselves to the current Champion of the Masters' Court. As he came near the King's cortege he was struck by how many people were being kept at bay by the servants, who were acting as guardians of the royal privacy as much as providing tidbits and drink\u2014though who could eat or drink after such a meal? Tal wondered.\n\nWithout intending to, Tal caught the King's eye, who waved him to approach. Tal instantly turned, and as he moved toward the King, the servants parted enough to let him pass. Tal bowed. \"Majesty.\"\n\nKing Carol smiled. \"Hawkins, it is good to have you with us again. Would it be possible to arrange a demonstration of your skills here in the palace?\"\n\n\"I am at Your Majesty's disposal,\" replied Tal. \"Whatever time you require.\"\n\n\"Oh, good, young sir. Prince Constantine is of an age and needs to learn his weapons. His instructors say the boy has promise, but still, I think watching experts in such matters tends to give a lad something to emulate. Don't you?\"\n\nTal couldn't disagree, and besides, it would be impolitic to do so. \"Most learning begins with mimicry, Majesty.\"\n\n\"Quite. What say you, a week from today?\"\n\n\"At any time you wish, Majesty.\"\n\n\"Say mid-morning. I find the wits are keener in the morning than the afternoon.\" Turning to his wife, he said, \"Assuming my wits are keen at any time of the day, what, my dear?\"\n\nThe Queen smiled and patted her husband's arm. \"You are a man of very keen wit, m'lord...sometimes.\"\n\nThe King laughed aloud, and Tal couldn't help but smile. King Carol of Roldem was the only monarch Tal had encountered in his travels, but Tal doubted most were as self-deprecating as this one.\n\n\"Shall I bring an opponent, Majesty?\" Tal knew that any student from the Masters' Court, and most of the instructors, would welcome an opportunity to come to the court. Royal favors had been curried with less than a sword match in the past, Tal knew.\n\n\"We have an ample supply of swordsmen here in the palace, Squire,\" answered the King. \"Just be here at the appointed hour.\"\n\n\"Yes, Your Majesty,\" said Tal with a bow, taking it to mean he was dismissed.\n\nHe noticed that a few guests were departing and decided it was safe for him to leave as well. But halfway across the floor he heard a familiar voice. \"Squire, a moment of your time.\"\n\nWithout turning, Tal said, \"Constable, what an unexpected surprise.\"\n\nConstable Dennis Drogan came to stand before Tal, and with a smile and nod said, \"Glad to see you again, Squire.\"\n\n\"What brings you here?\" asked Tal.\n\nDennis, a middle-aged, broad-shouldered man, had a head that looked to be perfectly round. He kept his hair cropped close and seemed impervious to the effect that had, for it emphasized his left ear, which had been half bitten off during a scuffle in his youth. His nose looked as if it had been repeatedly broken over the years. Tal recognized him for what he was, a brawler, tough, unrelenting, and dangerous. More so, for he was the Crown's law in the city.\n\nDrogan smiled. \"My uncle is still bursar to the household here in the palace, and I am technically a member of the Royal Court.\"\n\n\"Ah, of course, but rather, what brings you here?\"\n\nPutting his hand on Tal's shoulder, Drogan moved him toward the door. \"You do, Squire.\"\n\n\"Me?\" Tal fell into step beside the shorter man. \"Why?\"\n\n\"Because people have an annoying habit of turning up dead when you're in the city. I thought it best to have a word with you before we start accumulating corpses again.\"\n\nTal didn't try to feign innocence, but he did look aggrieved. \"Dennis, you and I have never been close friends, but we have been affable acquaintances. You know that in every instance, someone ended up dead because my life was at risk. What am I supposed to do? Stand by and say, 'Oh, if I defend myself, the Constable is going to be annoyed, so I'd better let them kill me?' \"\n\nThe grip on Tal's shoulder tightened, just enough to convey emphasis without causing pain. \"No, by all means, should your life be put at peril, defend yourself; I'm just suggesting you try to avoid finding your life at peril anytime soon.\"\n\nCaught halfway between amusement and irritation, Tal said, \"I'll do my best.\"\n\n\"That's all I can ask.\"\n\nTal slipped out from under the Constable's meaty hand and left the palace. Outside, as guests waited for carriages, Tal wended his way through the crowd and exited through one of the pedestrian gates. He was only a few yards from the palace, moving downhill on a thoroughfare lined with the homes of the wealthy, when someone fell into step beside him.\n\n\"Evening, Tal,\" said a familiar voice.\n\n\"Evening, Quincy,\" answered Tal without looking. He had spied the merchant from Bas-Tyra in the crowd at the palace.\n\n\"Lovely evening, isn't it?\"\n\nTal stopped and started to laugh. \"You didn't ambush me outside the palace to discuss the weather, my friend.\"\n\nQuincy halted also. \"Well, I saw you on your way out when the Constable intercepted you; I know you walked to the gala rather than booking a carriage, so I just left before you and waited.\"\n\n\"How have you been, Quincy?\" Tal asked, looking at his old acquaintance under the lantern light. Quincy de Castle was in his thirties, perhaps early forties, with a rapidly balding pate. His features were undistinguished save for his eyes, which were as close to an eagle's as any man Tal had known. He wore fashionable but not extravagant clothing, a jacket of a charcoal hue, double-breasted with a swallowtail cut. and matching trousers tucked into knee-high boots. It was, as Tal knew, the latest fashion in the Kingdom of the Isles, as it was last year's fashion in Roldem.\n\n\"I have been well enough.\"\n\n\"Recently back from the Kingdom, I see.\"\n\nThey resumed walking. \"Yes, the clothing. I just arrived and had no time to have new garb made. Besides, all this slavery to fashion seems very...unproductive. If someone thinks less of me for wearing last year's style, let him. It but works to my advantage should we negotiate.\"\n\nQuincy was one of the most astute merchants in the city. He was a native of Bas-Tyra, the second most important city in the Eastern Realm of the Kingdom, and specialized in high-quality luxury goods. As a result, he numbered nobility, even royalty, among his customers and was invited to all the better social functions. Tal also suspected him of being an agent for the King of the Isles. There was something about him that made Tal wary, something very unmerchant-like in his bearing.\n\n\"I see,\" said Tal. \"Your needing an edge in business seems hardly likely, but I'll grant that taking one where you can find it is logical. Now, what is it that you wish of me?\"\n\n\"What makes you think I want something?\" said Quincy with a smile.\n\n\"Because it's not your habit to lurk in the shadows and leap out upon me in the night. This is hardly a chance meeting.\"\n\n\"Hardly. Look, I'll get to the point. The first reason is I wish to invite you to a small gathering at Dawson's on this coming Fifthnight. I am inviting a few likable chaps for supper, drink, and then perhaps we'll go on to some cards or dice.\"\n\n\"A note to my man would have sufficed.\"\n\n\"There's another reason,\" Quincy answered as they turned a corner and started down a steeper hill toward Tal's quarters. \"You are to hunt with Duke Kaspar tomorrow, am I right?\"\n\n\"Bribing the waiting staff, are we?\"\n\nQuincy laughed. \"I've let it be known in the palace that a bit of news here or there that might prove useful would be rewarded. Now, is it true?\"\n\n\"Yes, tomorrow at sunrise I hunt with the Duke and his party. Why?\"\n\n\"If you are in the Duke's favor, I wish you to present me to him.\"\n\n\"Why?\" asked Tal, stopping for a moment.\n\n\"Because he really is the most difficult man to see. I can get an audience with the King more readily than I can with Duke Kaspar.\"\n\n\"Only because you're selling gems to the Queen at cost.\"\n\n\"I lose no money, and it earns me a great deal of social access. But not to Kaspar.\"\n\n\"Why are you so anxious to meet with Kaspar?\"\n\nQuincy was quiet for a moment; then he resumed walking, gesturing for Tal to accompany him. As they proceeded he said, \"Trade with Olasko is...difficult. It's as if somehow every trading concern in the duchy has...decided to do business the same way.\n\n\"They send their agents to Rillanon, Roldem, Bas-Tyra, Ran, down to Kesh, but if I send one of my agents to Opardum, it may as well be for a holiday. For no one will entertain an offer to trade. It's always their agents, in our cities, on their terms. Take it or leave it.\"\n\n\"Are they bad trades?\"\n\n\"No; otherwise, I wouldn't care. Often they're very good business. But the essence of commerce is regular trade routes, with goods being dependably provided. It keeps the market alive. This hit or miss...I can't help but feel that a vast opportunity is going to waste because of these trading concerns.\n\n\"I feel if I can get Duke Kaspar's ear, perhaps convince him to speak to some of the wealthier trading concerns, or even to let me visit his court...if I come from the Duke's court to the offices of a major trading concern, like Kasana's or Petrik Brothers, then they would have to take my offers seriously.\"\n\nTal listened and nodded, as if agreeing. To himself he thought, And if you can get your agent up into Opardum, especially if he's trading with the Duke's chancellor, then the King of the Isles has a pair of eyes and ears near a troublesome neighbor.\n\n\"I'll see what I can do,\" said Tal. \"But for the moment, don't count on anything.\"\n\n\"Why not?\"\n\n\"Because the Duke is likely to offer me a place in his court, and I will almost certainly will turn him down.\"\n\n\"Why in the world would you do that?\"\n\n\"Because it is not in my nature to wish to serve another,\" Tal lied. He knew that before the supper on Fifth-day at Dawson's, half of Roldem would hear about Kaspar offering a position to Tal that he refused. \"And, besides, I have some other prospects that may suit me better.\"\n\n\"Well, don't offend him too deeply,\" said Quincy dryly.\n\n\"I'll try not to.\"\n\nThey reached the street on which Tal resided and parted company. Tal went quickly to his quarters, where Pasko and Amafi waited, passing the time with a game of cards.\n\n\"Master,\" said Pasko, rising as Tal entered.\n\n\"Awake me an hour before dawn,\" Tal instructed as he crossed to the door of his bedroom. \"Dress for a hunt.\"\n\n\"A hunt?\"\n\n\"Yes, the Duke of Olasko has invited me out to slaughter some helpless animals, and I will oblige him.\" To Amafi he said, \"Tomorrow I hunt with the Duke. When I return, we'll visit several villas and estates nearby. It is then we introduce you to the world as my retainer and bodyguard.\"\n\n\"Magnificence,\" said Amafi.\n\nPasko said, \"Unroll that bedding in the corner. You'll sleep here.\" He indicated to Amafi a place on the floor near Tal's doorway. \"I sleep in the kitchen.\"\n\nThen Pasko followed Tal into the bedroom and closed the door. Helping Tal unlace the fancy jacket, he whispered, \"All goes well?\"\n\n\"Well enough,\" Tal whispered back. \"Knowing Kaspar's reputation, the animals won't be as helpless as I indicated. Something nasty like lion or giant boar, I expect.\"\n\n\"He seems that sort of man,\" observed Pasko.\n\n\"What do you think of our new friend?\"\n\n\"He's a bad cardplayer.\"\n\n\"Bad player or bad cheat?\"\n\n\"Both.\"\n\n\"What else?\" asked Tal as Pasko pulled the linen shirt over his head.\n\n\"He's a weapon. Very dangerous, despite his claim to old age. He may be useful if you don't cut yourself.\"\n\n\"I take your meaning.\"\n\n\"I will keep an eye on him for a while,\" said Pasko.\n\n\"He took oath.\"\n\n\"That is as it may be,\" answered the wily old servant, \"but he wouldn't be the first man to foreswear in history.\"\n\n\"I made him swear at the Temple of Lims-Kragma.\"\n\nPasko considered as he pulled off Tal's boots. \"Some men are not even cowered by the Goddess of Death.\"\n\n\"Does he strike you as such?\"\n\n\"No, but did Nakor strike you as particularly dangerous upon meeting him for the first time?\"\n\n\"Your point is made. Keep an eye on him for a while.\" Tal pulled off his leggings and small clothing and slipped under the quilted comforter on his bed. \"Now, get out so I can sleep.\"\n\n\"Yes, master,\" said Pasko as he stepped stealthily through the door.\n\nTal lay quietly for a while. His mind was busy, and sleep was a long time in coming. For years his purpose had been only one thing: to avenge the destruction of his people. Of all those involved, only two principals were left: the Special Captain of Kaspar's Household Guard, Quentin Havrevulen, and the Duke himself. Tal had already killed the others.\n\nHe forced himself to calm, using one of the mind-relaxation drills taught him at Sorcerer's Isle, and sleep finally came. But it wasn't a relaxing sleep. Rather, it was filled with dreams and images of other places and times, his village in the mountains and his family, his mother, father, sister, brother, and grandfather. The girl he had dreamed of as a child, Eye of the Blue-Winged Teal. In his dream she sat upon a seat, one leg crossed under the other, wearing a simple buckskin summer dress, a faint smile on her lips. He awoke with a painful longing he thought he had eradicated in himself years before. He rolled over and willed himself back to sleep, and again the dreams came. It was a restless night, and he felt little benefit from his slumber when Pasko came and awoke him for the dawn's hunt.\n\n## Three\n\n## Hunt\n\nThe horse pawed the ground.\n\nTal brought his gelding's head around slightly, forcing him to pay attention to something besides his own boredom. The morning was crisp at first light, with a breeze coming off the ocean, but Tal knew it would be very hot by midday in the hills to the northeast of the city. Even before Duke Kaspar appeared, Tal knew they were after big game, lion or bear, perhaps even one of the more exotic creatures reputed to inhabit the higher mountains, the giant boars\u2014whose tusks reputedly grew to three feet in length\u2014or the valley sloth, twice the size of a horse and despite the name fast when it needed to be, and armed with claws the size of short swords. The array of weapons in the luggage told Tal what he needed to know about the coming hunt: there were boar-spears with crosspieces fastened above the broad blade to prevent the animal from running up the haft and goring the spearman; there were giant nets with weights at the edges, and heavy crossbows that could punch a hole the size of a man's fist through plate armor.\n\nA dozen servants, another dozen guards, and livery boys to care for the horses also waited patiently upon the appearance of the Duke. Another six men had been leaving as Tal had arrived, trailbreakers and trackers wearing the King's livery, who would mark the most likely game trails. Tal found it intriguing that the hunting grounds lay less than a day's march away, for Roldem was an ancient land, and he would have expected wildlife to have been pushed far into the mountains by the encroachment of civilization. Having hunted for his entire boyhood, and on many occasions since, he knew that rarely was big game within a day's ride of a city.\n\nTal let one of the servants oversee the disposition of his travel gear, which was modest compared to the rest of the baggage being stowed on the horses. Tal knew they'd be following trails that wagons couldn't negotiate, but it looked as if they could use a pair. Two animals alone were being used to carry what could only be a pavilion. Tal had no problem with sleeping on the ground, but realized the gentry of Roldem might find that objectionable.\n\nBesides Tal, two nobles of Roldem\u2014Baron Eugivney Balakov and Baron Mikhael Grav\u2014waited patiently. Tal knew them by reputation. They were young, ambitious, and held modest but important positions in the King's court. Balakov was assistant to the Royal Bursar, and he could expedite or slow a request for funds. He was broad-shouldered, with a brooding look, his dark hair cut close, as was his beard. Grav was also associated with the Bursar's office, but was seconded to the office of the Royal Household Guard, being primarily responsible for seeing that the palace troops were armed, clothed, fed, and paid. He was a thin man with blond hair and a slender mustache he obviously worked hard at keeping perfectly trimmed. Both wore extravagant clothing, a long way from the modest leather tunic and trousers Tal had selected to wear.\n\nAs the sun lit the sky behind those distant peaks, Duke Kaspar and a young woman emerged from the palace, quickly making their way to a pair of waiting horses. Tal glanced at the young woman, wondering absently if it might be the Lady Rowena of Talsin, who in reality was another of the Conclave's agents, Alysandra.\n\nTal had been frustrated during the time he had spent on Sorcerer's Isle in determining just what she had been doing in the Duke's company, for either people didn't know or they weren't telling. All he could discover was that it had been Miranda, Pug's wife, who had dispatched the girl to Olasko at about the same time Tal had been training in Salador.\n\nThis woman was unlike Rowena, but she had one trait in common: she was equally beautiful. But while Rowena had been fair with eyes the color of cornflowers, this lady was dark, her skin touched by the sun to a warm tan, her eyes almost as dark as her black hair. The Duke said something, and she smiled, and instantly Tal knew who she was, for there was a hint of resemblance to the Duke.\n\nAs if sensing Tal's thoughts, Duke Kaspar, said, \"Ah, young Hawkins, may I have the pleasure of presenting you to my sister, the Lady Natalia.\"\n\nTal bowed in his saddle. \"My honor, m'lady.\"\n\nIt was obvious that the other two nobles were already acquainted with the Duke's younger sister, who appeared to be in her late twenties or early thirties. Both fell in behind the Duke and Natalia, leaving Tal either to follow or ride on the flank.\n\nDuke Kaspar said, \"We have a half day's ride before us to get near our quarry.\" He looked again at Tal. \"That's a serviceable-looking bow, Talwin. Do you know how to use it?\" His voice was light and playfully mocking.\n\nSensing the mood, Tal smiled. \"I'm a better archer than I am a swordsman, Your Grace.\"\n\nThat brought a laugh from everyone, for Tal, as Champion of the Masters' Court, was accounted the greatest swordsman in the world. Lady Natalia looked over her shoulder at him, giving him an excuse to ride forward a little. \"Are you making a jest, sir?\" she asked.\n\nTal smiled. \"In truth, no, m'lady. I have hunted since I was a child, while I only took up the sword after my fourteenth birthday.\"\n\n\"Then you must be the world's greatest archer, sir,\" said Baron Eugivney wryly.\n\nKeeping his smile in place, Tal replied, \"Hardly, sir. Elven archers cannot be matched by any man.\"\n\n\"Elves!\" said Baron Mikhael. \"Legends. My father used to tell me stories about a great war in my grandfather's time, against invaders from another world. Elves and dwarves figured in it quite prominently.\"\n\n\"We'll talk as we ride,\" said the Duke, urging his horse forward.\n\nTal found himself beside Baron Mikhael, as Baron Eugivney rode forward to flank Lady Natalia. \"Not legends, my good sir,\" said Tal. \"My home is near Ylith, and not too far to the west live those elves of legend. And to the north, in the city of LaMut, many descendants from that other world now live.\"\n\nMikhael looked at Tal as if deciding whether or not the young man was jesting with him. \"You're serious?\"\n\n\"Yes, Baron,\" said Tal. \"And those elves boast archers unmatched by any man living.\" Tal didn't know this from his childhood, but rather from long conversations with Caleb, one of his teachers on Sorcerer's Isle; Caleb had lived with the elves in Elvandar, their home, for a time. He spoke their language and claimed only one or two men had come close to matching their skill with a bow.\n\n\"Well, then, if you say so,\" conceded Mikhael, as if that put a close to the matter. To the Duke he said, \"Your Grace, what are we hunting today?\"\n\nOver his shoulder the Duke said, \"Something special if luck holds. A report has reached the King that a wyvern has flown up from Kesh and is nesting in the mountains. If that's true, we have a rare opportunity before us.\"\n\nBaron Eugivney blinked in confusion. \"A wyvern?\"\n\nMikhael's expression also revealed uncertainty. \"I'm not sure...\"\n\nTal said, \"Small dragon. Very fast, very mean, and very dangerous...but small...for a dragon.\"\n\nLady Natalia glanced from face to face, then smiled at Tal at the obvious discomfort exhibited by the other two men. \"You've seen one, Squire?\"\n\n\"Once,\" said Tal. \"In the mountains when I was a boy.\" He neglected to mention those mountains were close to Olasko.\n\nThe Duke looked over his shoulder as they rode out of the palace gate and turned up the high street that would lead them northward out of the city. \"How would you go about hunting one, Squire?\"\n\nTal smiled. \"I wouldn't, Your Grace, any more than I would go looking for a forest fire or tidal wave. But if I must, there are two ways.\"\n\n\"Really? Say on.\"\n\n\"Stake out a sheep or deer on a high plateau in plain sight. Have archers nearby and when it lands, keep shooting until it's dead.\"\n\n\"Sounds like little sport,\" observed the Lady Natalia.\n\n\"None, really,\" agreed Tal. \"Most of the time, the objective is to kill a marauding predator, protecting nearby herds, not sport.\"\n\n\"What's the other way?\" asked the Duke.\n\n\"Find its lair. Wyverns like shallow caves or deep overhangs in the rocks. According to my grandfather\u2014\" Tal halted himself. For the first time in ages he found himself on the verge of slipping out of character. He forced Talon of the Silver Hawk down in his mind and continued, \"\u2014who heard this from a Hatadi hillman up in the mountains of Yabon\u2014wyverns don't like to go deep underground the way dragons do.\"\n\nBaron Mikhael asked, \"So you find its lair, then what?\"\n\n\"Flush it out. Lay nets over the mouth of the cave if you can, some heavy ropes, anything to slow it when it comes out. Then toss in some flaming brands and have long spears, ten-, twelve-foot stakes, ready. Impale it as it comes out and wait for it to die.\"\n\n\"Has any man taken one with a bow?\" asked the Duke.\n\nTal laughed. \"Only if he has a couple of dozen other bowmen along.\"\n\n\"No vital spot? No quick kill?\" asked Duke Kaspar.\n\n\"None that I've ever heard of,\" said Tal. Realizing he was beginning to sound like an expert, he quickly added, \"But that doesn't mean one doesn't exist, Your Grace. It's just that my grandfather was trying to impress on me how dangerous they were.\"\n\n\"I think he succeeded admirably,\" said Mikhael.\n\nTalk continued on the topic of hunting as they rode through the city. In less than an hour, they were out of the city proper and into rolling foothills dotted with small estates and farms.\n\n\"After noon,\" announced the Duke, \"we'll reach the edges of the Royal Hunting Preserve. The King has graciously permitted us to hunt there.\"\n\nThat answered Tal's question as to how large game could be situated so close to the city.\n\n\"Your Grace,\" asked Baron Eugivney, \"doesn't the preserve extend for several hundred miles?\"\n\n\"We're not going to hunt all of it,\" said Kaspar with a laugh. \"Just the interesting bits.\"\n\nTheir course followed the highway upward. It was the major trading route to the northern provinces, but when it turned westerly, they took a smaller road to the northeast. At midday they paused to take a meal and rest the horses. Tal was impressed at how quickly the servants erected a small pavilion, complete with clever folding chairs made of canvas and wood, so that the Duke and his guests could relax in comfort. They paused to dine in a large rolling meadow, with a few dairy cows grazing at the other end.\n\nTalk turned to the gossip of the court, for the Duke had been away from Roldem almost as long as Tal, Natalia even longer. Both barons made it clear they saw a potentially beneficial match in the Duke's younger sister, and kept their attentions focused on her. Not only was she clever and beautiful, she was also a stepping-stone to power. Olasko might be a small duchy compared to the vast expanses found in the Isles or Kesh, but it was a very influential one, second in the region only to Roldem.\n\nAfter the meal, Duke Kaspar said, \"Walk with me a bit, young Hawkins.\"\n\nTal nodded and rose from his seat while the Duke waved the two barons to keep theirs. \"Sit, gentlemen. Keep my sister amused, if you will.\"\n\nWhen they were a few yards away from the pavilion, the Duke said, \"So, young Hawkins, have you given any thought to the offer of employment I made to you after the Tournament of Champions?\"\n\n\"In truth, Your Grace, I have. I am very flattered, honored even, but the fact of the matter is I prefer to be my own man.\"\n\n\"Interesting,\" said the Duke as they reached a stand of trees. \"Excuse me a moment while I relieve myself.\"\n\nThe Duke unceremoniously undid the fastening on his breeches and stood with his back to the squire. After he finished, he said, \"Now, that is what I admire about you, Squire.\"\n\n\"What, Your Grace?\"\n\n\"Your independence.\"\n\n\"Sir?\"\n\n\"Look at those two,\" he said, pointing over to where the barons were talking with Natalia. \"They hover over my sister as if she were a prize in a festival tournament. They wish to ingratiate themselves with me through my sister. I am surrounded by sycophants and those seeking favor and it is a rare day when I encounter someone who wishes nothing from me. Those are the men I value the most, because I know with certainty that should they serve me, they will do so to their last breath.\" Lowering his voice as they walked back toward the pavilion, he added, \"Those and others like them may find better terms from other masters attractive at the most inopportune times.\"\n\nTal laughed. \"So I have heard. I must admit, while I have distant kin in the court in Krondor, my own experience with royal politics is limited. In fact, last night was only my second visit to the palace.\"\n\n\"You should come to Opardum. While not as grand an edifice as Roldem's palace, my own citadel above the city is rife with enough politics to last a lifetime. Besides, it would do my sister some good to spend time with a young man who wasn't trying to convince her of his undying devotion so as to gain a position in my service.\"\n\nThen they walked back to rejoin the others. As they approached the pavilion, the Duke raised his voice. \"Let us again to the chase!\"\n\nThe servants quickly bound up the pavilion and tied it to the packhorses, while others put the dishes and food in baskets. Within ten minutes they were mounted again and riding northeast, into deeper forests.\n\nTal signaled. He pointed up the trail. The Duke nodded. It was nearing sundown, with perhaps another hour and a half of usable light, and they were following a game trail.\n\nTal had been surprised to discover the entire Royal Game Preserve was, as its name suggested, preserved wilderness. No logging had been conducted in this area for generations, though there were heroic stands of old-growth trees that would yield timbers for ships and houses should they be harvested. As a hunter, he appreciated that the kings of Roldem had been willing to make shipbuilders forest many miles farther away and haul lumber down the mountains in order to keep this region pristine. He silently acknowledged the practice was most likely begun in ancient times to ensure that the royal family had game to eat in times of famine, but whatever the original motivation, it had left a stunning wilderness within a day's ride from the largest city on the island kingdom.\n\nThey had reached their campsite two hours earlier, and a large pavilion had been established, with several smaller tents for the guests. The Duke had insisted on starting the hunt at once, rather than waiting for morning. Tal had agreed that game often was plentiful near sunset, when both predators and prey sought water. From the lay of the hills Tal judged as many as half a dozen good-sized streams were likely to be in the area. Certainly there were game signs everywhere. He had already seen the tracks from a heart of forest boars, a sow and her young. Half an hour earlier he had spotted cat prints, most likely a leopard or catamount from the size of the prints, rather than the much larger, black-maned cave lions.\n\nOf their intended prey, the wyvern, there was no evidence. As far as Tal was concerned, if they never saw a hint of the creature, so much the better. There were other ways to die he found preferable to being devoured while trying to demonstrate his hunting prowess to a bunch of idle nobles.\n\nDuke Kaspar led the hunt, with Tal on his right flank. Between them was the Lady Natalia, who held a small bow as if she knew exactly how to use it. The two barons were on the left. A full company of guards, servants, and trailbreakers were waiting back at camp. A half dozen mounted crossbowmen were ready to answer any call for help, though Tal's experience told him that with a wild beast, the matter would usually be resolved before help could arrive. He just hoped there would be no trouble. Lingering closer were two servants holding a variety of weapons, including a heavy crossbow and a pair of boar-spears.\n\nTal was surprised how quiet the Duke was at that point, and how noisy the two barons were. Both were very uncomfortable at being on foot, apparently, though they claimed to be serious hunters. The Duke stopped and signaled for Tal and the others to join him.\n\nHe was looking at the ground as they approached. \"Now, look at that,\" he said very softly.\n\nTal went to one knee and examined the print. He put his finger in the soil and judged the imprint to be no more than a few minutes old.\n\nHe stood up and said, \"Bear.\"\n\nBaron Mikhael whistled. \"But look at the size of it.\"\n\n\"That's the grandfather of all bears,\" said the Duke.\n\nTal had heard tales of such bears, but they had been hunted to extinction in his grandfather's grandfather's day. They were the Ja-haro Milaka, or Grey-Muzzled Bears, of his people's legends. Perhaps limited hunting here in Roldem had kept them alive. To the Duke, he said, \"I know this breed by reputation. They are aggressive in the best of times. It's spring, and it's almost certain one this big is a male, so he will be looking to mate and will not look kindly on anything encroaching on his territory.\" Tal glanced around. \"He's close. There's still moisture in the depression. The air would have dried it out in less than an hour.\"\n\n\"How big do you judge him?\" asked the Duke.\n\n\"Twelve feet if he's an inch,\" said Tal. He motioned toward the servants. \"Arrows will only irritate him. We need heavier weapons.\"\n\n\"What do you suggest?\"\n\n\"Did you bring a catapult?\"\n\nThe Duke smiled. \"I've hunted bear before.\"\n\nIgnoring protocol, Tal said, \"As have I, Your Grace, but the largest brown bear you've seen is nothing compared to the Grey-Muzzled Bear. You can't stop it even with a heavy bolt to the shoulder if it's charging. With other bears you can drop and play dead and perhaps they'll get bored after mauling you a bit and wander off.\n\n\"These creatures will shred you. They can bite a man's head off if they are in the mood.\"\n\n\"Sounds like it's best to retreat at first sight,\" said Baron Eugivney.\n\n\"You can't outrun it,\" said Tal as he started to move toward the servants. \"In a short burst, it can run down a horse from behind and cripple it with a blow to the spine.\"\n\nThe Duke didn't move while the others started to follow Tal. \"You're not suggesting I don't hunt this creature, Squire?\"\n\n\"No, Your Grace, but I am suggesting a better choice of weapons.\"\n\nThe Duke nodded. \"What, then?\"\n\n\"I would rather have heavy lances from horseback, or heavy spears, but these boar-spears should suffice,\" called Tal over his shoulder.\n\nDuke Olasko took a single step toward the others when from behind him there came a roar to shake the trees. It was a low howl with a strident note, coupled with the grating sound of a piece of wood being torn in half. Tal swore nothing living could make such a noise.\n\nHe turned for a second while the others froze and saw a massive brown shape explode from the trees less than ten yards from the Duke. Kaspar spun as if ready to meet a human attacker, in a crouch, his bow held in his left hand, his dagger seeming to fly to his right.\n\nThe Lady Natalia remained motionless but cried, \"Do something!\"\n\nTal threw aside his bow and with two quick steps yanked the boar-spear from the hands of an openmouthed servant, who looked to be on the verge of fleeing. To the other servant, Tal called, \"Follow me!\"\n\nAs he ran uphill past the two barons, he shouted, \"Distract it!\"\n\nThe Duke didn't move until the animal was almost upon him, and at the last instant threw himself to the left. The bear swatted at him with his left paw, propelling him in the direction he was already heading. Had it gone the other way, Tal knew, the Duke would be dead with a broken spine. And, for all Tal knew, he was already.\n\nKaspar had taken a punishing blow, and he wasn't moving, either unconscious or playing dead. The bear's momentum took it on for a few yards farther; then it wheeled and turned, ready to charge. The two barons and Natalia let fly a volley of arrows and two of the three struck the animal. It turned and howled, giving Tal the time he needed to reach the Duke. Tal came to stand above him.\n\nSeeing an opponent that wouldn't flee, the bear slowed its charge and continued forward at a quick walk. Tal raised the boar-spear high above his head with both hands and shouted as loud as he could, an inarticulate approximation of an animal's howl.\n\nThe bear pulled up just a few feet away and reared on its hind legs. It roared a challenge, and Tal ducked low, thrusting the boar-spear under the animal's breastbone. The bear howled, stepping back. Once more Tal ducked under and thrust. The broad-headed blade cut deep into the muscle, and blood flowed, streaking the beast's brown fur. Howling in pain, the bear retreated once again, but Tal followed, continuing to duck and thrust into the same spot below the breastbone.\n\nSoon blood gushed like a river down the animal's torso, pooling in the ground at its feet. The huge creature waved its paws, and again Tal thrust home with the boar-spear.\n\nTal lost count, but after close to a dozen cuts, the animal staggered backward, and fell on his left side. Tal didn't wait, but reached down and grabbed the Duke, gripping his right upper arm and dragging him downhill. Kaspar said weakly, \"I can get up, Squire.\"\n\nTal helped Kaspar to his feet. The Duke seemed slightly dazed, but otherwise unhurt, though he was moving slowly. \"I'll be feeling that blow to the ribs for a week with each breath I take.\"\n\n\"Are you all right?\" Natalia cried, arriving at a run.\n\nThe two barons approached, bows in hand, and Mikhael said, \"I've never seen anything like it.\"\n\nKaspar said, \"How did you do that, Squire?\"\n\n\"My grandfather,\" said Tal. \"He told me once of a boyhood hunt. The great bear rears up to challenge. It is the only way to kill one, he said. If you run, he'll take you down from behind, but if you stand and threaten him, the bear will rise on his hind legs. Then, said my grandfather, you must strike upward, just below the breastbone, hard and fast, for there is a great artery under his heart and if you can nick that with a deep thrust of a spear, he will bleed to death inside and quickly lose consciousness.\" He looked over to where the now-comatose bear lay bleeding out, and said, \"Apparently, Grandfather was right.\"\n\n\"Your grandfather must have been an amazing hunter,\" observed Baron Mikhael quietly.\n\nFor an instant emotions threatened to overwhelm Tal as the image of his grandfather, Laughter in His Eyes, came to him, smiling as he always did. Tal forced that memory aside, using every mental discipline he had been taught at Sorcerer's Isle to keep composed. He said softly, \"He was that.\"\n\n\"Well, Squire,\" said the Duke, wobbly enough to allow Baron Eugivney to help him down the hill, \"I owe you my life. What can I do to repay that?\"\n\nTal suddenly realized that without thought, he had just saved the life of the man he had sworn to kill, but Kaspar read his confusion as modesty. \"Come. Let's go back to camp and rest, and we'll talk about it.\"\n\n\"Very well, Your Grace,\" said Tal. For a moment the irony of the situation came down on him in full force, and he was caught halfway between wanting to laugh aloud and wanting to curse.\n\nHe took a glance back at the dying bear, then shouldered the spear and followed the Duke.\n\nThat evening, the Duke lounged in one of the chairs with his feet propped up on cushions, nursing his injured ribs. Tal was amazed at how much strength the man possessed. In his prime, Kaspar was a powerful man with the shoulders of a wrestler or dockworker, and arms knotted thick with muscle. When the servants had removed his shirt, revealing the huge blackening area from the deep bruise dealt him by the bear, Tal saw there was very little fat on the man. In open-handed combat, he would be extremely dangerous.\n\nHe was also tough; every breath had to be a trial, for Tal suspected the Duke had cracked ribs, yet he lay back comfortably, chuckling at one or another remark during the evening meal, one arm draped over the back of the chair for support, the other holding a cup of wine.\n\nHe ate little, but he consumed a prodigious amount of wine. Tal's opinion was that the wine would help the Duke sleep soundly. At the end of the evening, he directed a question at Tal: \"So, Squire, have you given any thought to what reward I can offer to set right my debt to you?\"\n\nTal lowered his head a little as if embarrassed, and said, \"Truth to tell, Your Grace, I acted without a lot of thought. I was attempting to save my own life as much as yours.\" He tried to look modest.\n\n\"Come now. That may be, but the effect is the same. You saved my life. What can I do to repay this?\"\n\nTal smiled. \"I am currently in need of little, sir. But I assume at some point in the future things may not be as sanguine for me as they are today. Should I fall upon hard times, then perhaps I might redeem your favor?\"\n\n\"Fair enough. Though I suspect a man of your resources should have little trouble making his way through life without too much difficulty.\" He stood up slowly. \"Each of you has a tent prepared and a servant to provide for your comfort. Now, I must bid you good night and come morning I'll see how I feel. I would hate to shorten our hunt, but I fear I am in no manner or form able to confront a dragon, even a small one.\" The others laughed. \"So, I suspect we shall be back at the palace this time tomorrow. Sleep well.\"\n\nHe departed, and, after a moment, Tal excused himself, leaving the two barons alone to contest for the Lady Natalia's attentions. He found the \"tent\" put aside for him was another small pavilion, large enough for Tal to stand in and disrobe with the help of a servant. The servingman took Tal's clothing and said, \"These will be cleaned and ready for you in the morning, Squire.\"\n\nTal sat in the middle of a pile of cushions, upon which a pair of thick quilts had been placed. On top of that lay a satin comforter, far more than he needed.\n\nBreathing deep the mountain air, he ignored the hints of conversation that carried from the main pavilion as Eugivney and Mikhael tried to amuse Natalia and turned his mind to the odd events of the day. The bear had come so quickly he had reacted like a hunter, without thought, grabbing the best weapon at hand and charging straight at the beast. He could have just as easily taken a bow and peppered the animal with useless arrows until it had finished mauling Kaspar to death. Then he would have only one man\u2014Captain Quint Havrevulen\u2014to kill, and his people would have been avenged.\n\nTal had endured enough mental exercises with the magicians at Sorcerer's Isle to know the futility of agonizing over why things had transpired as they had. What could have happened...did, as Nakor used to say. Obviously, there was to be no simple solution to the problem that lay before Tal. But one thing now felt clear; watching Kaspar die would have afforded him no joy. He found he didn't hate the man. He was wary of him, as he would be of any wild and dangerous creature. But he somehow couldn't reconcile the charming host with whom he enjoyed a goblet of wine with the calculating murderer who ordered the death of an entire nation. Something here didn't jibe, and Tal wondered what it could be.\n\nAnother hand was in the mix, he suspected. The magician Leso Varen was said to have great influence over Kaspar, and Tal wondered if he might not have been the architect of the Orosini's destruction.\n\nWhen Tal emerged from his reverie, he realized the camp had grown quiet. The Lady Natalia must have bid her suitors good night. He also realized he was still very much awake and that sleep would come hard for him if he didn't relax. He was sitting nude upon the comforter, so he crossed his legs and put his palms down on his knees. He closed his eyes and began a meditation to calm the mind.\n\nTime stilled and he felt his heart rate slow and his breathing deepen. He was nearly asleep when he felt the tent flap open.\n\nBefore he could move, a shadowy figure took one quick step from the opening and grabbed him by the throat. As he came fully alert he smelled soft perfume and heard a whisper in his ear. \"How sweet. You waited up for me.\" Then he felt Natalia's lips press hard on his as she pushed him over on his back, and pressed him down upon the pillows. He blinked, and in the gloom saw her beautiful face inches from his as she quickly unfastened her sleeping robe and cast it aside. Playfully slipping one hand down his stomach, she said, \"My brother may not be able to think of a way to thank you for saving his life. But I have several ideas.\"\n\nThen she lowered her head and kissed him again.\n\n## Four\n\n## Choice\n\nTal sat down.\n\nHe sank heavily into the cushions of the divan while regarding the figure standing quietly in the corner. \"Pasko has run Amafi down to the market on a pointless errand before the market closes, so we're alone for a few minutes,\" he said, raising a cup of wine. \"Join me?\"\n\nThe tall figure stepped out of the corner and removed his hat. Long white hair fell to his shoulders as pale blue eyes regarded Tal. \"I won't be here long. Father's sent me with a message and a few questions.\"\n\n\"At least sit down, Magnus.\"\n\n\"I'll stand,\" said the young magician. For a while Magnus had taught Tal a little about magic and logic, but of all of those who had taught Tal, Magnus was the one with whom he felt the least kinship. Tal thought it ironic, as Caleb, Magnus's younger brother, was the only man in the Conclave with whom Tal felt any sense of brotherhood. Both were hunters, both non-magic-users in a culture of magicians, both unable to understand much of what they saw around them every day. Of all those who served the Conclave, only Miranda, Magnus's mother, was more of a stranger to Tal.\n\nTal said, \"Forgive me, but I had a taxing day and night. I've had almost no sleep, and my wits have fled.\"\n\nMagnus smiled. \"Your heroics with the bear and with the Lady Natalia, I gather?\"\n\n\"You've heard?\" Tal sat up, shocked. He had been back in the city less than an hour before departing the palace, which had been less than an hour ago. Which meant rumor would have had to have spread in record time. His eyes narrowed. \"You couldn't have heard. You saw!\"\n\n\"Yes, I was watching.\"\n\nTal didn't hide his displeasure. It was the second time Magnus had secretly watched Tal. \"I can almost understand you wishing to observe my fight with Raven, but why a simple hunt?\"\n\n\"Because nothing involving Kaspar of Olasko is simple. Father asked me to ensure you were well on your way to ingratiating yourself with Kaspar, and between the rescue from the bear and your conquest of his sister, it appears things are well in hand. Besides, it will be the last time I spy on you.\"\n\n\"Why?\"\n\nMagnus held his broad-brimmed hat in both hands. \"First the questions. Are you ready to take service with Kaspar?\"\n\n\"Almost, but not quite.\"\n\n\"Soon, then?\"\n\n\"Yes, soon.\"\n\n\"Has either the Duke or his sister mentioned the man Leso Varen to you?\"\n\n\"No. I would have taken note.\"\n\n\"Father's last question: do you have any idea why Kaspar seeks to put troops on the border of the Kingdom of the Isles, hundreds of miles from any significant objective?\"\n\n\"Not even a hint.\"\n\n\"Now, a question from me: why did you save Kaspar from that bear?\"\n\nTal shook his head and sipped his wine. \"To tell you the truth, I had no idea at the time. I just reacted. But after dwelling on it, I decided it must be the gods telling me something.\"\n\n\"What?\"\n\n\"It's not enough to see Kaspar die. At the very least he must know why he is dying, but even more...\"\n\n\"What?\"\n\n\"I want to see him humbled. I want to watch as he realizes that everything he's done, every murderous order given, every treacherous decision, has come to naught.\"\n\nMagnus was quiet for a moment, then said, \"Killing him will be far easier than reducing him to such a state.\"\n\n\"Still, that is my goal.\"\n\n\"Your goal,\" said Magnus, \"if I may remind you, is first to discover why he desires a war with the Kingdom. Every shred of intelligence we have tells us you are correct in your surmise: Kaspar has some mad design on forging an alliance among the Eastern Kingdoms so he may launch a strike against Isle.\n\n\"And I emphasize the word 'mad,' for none of what he has accomplished so far reveals a hint of sanity.\"\n\nTal nodded. \"Yet I would wager my life that Kaspar is anything but mad. Devious, murderous, charming, even amusing; but he is as sane as any man. His choices may appear pointless, but there is always a design behind them.\" He leaned forward and put his wine cup on the table. \"Now, Pasko and Amafi will return soon, so we must be done with this quickly.\"\n\n\"Then to the message. This from my father. You are to be detached.\"\n\n\"Exactly what does that mean?\"\n\n\"It means no one will be calling on you at any time, Tal.\" Magnus adjusted his hat. \"When you decide to take Kaspar up on his offer and enter his service, find an excuse to discharge Pasko. I leave it up to you as to what you do with this Amafi fellow. But you are oathbound never to mention your connection to the Conclave to him, or even hint of the Conclave's existence.\n\n\"From now on, we will have no further contact with you until you seek us out. If you are in the north, find a way to send a message to Kendrick's or go there yourself. In Rillanon, seek out an inn called the Golden Sunrise, and you've already been to the Vine and Cask in Salador. Should you find yourself in Krondor, you already know the Admiral Trask. Here, see the night barman at Molkonski's Inn. We don't have any agents in Opardum, more's the pity, but if you can get a message up to the Anvil and Tong, in the town of Karesh'kaar in Bardac's Holdfast, it'll get to us.\"\n\nTal laughed. \"Are all your agents ensconced in inns and taverns?\"\n\nMagnus smiled. \"No, but we find inns and taverns to be useful places to collect information. Devise a way to get a message to any of those locations, addressed to the Squire of Forest Deep, and it will reach us. Use the code phrase if you can. There are others inns in other cities, and Pasko can see you have a full list before you part company.\"\n\n\"Why am I to do without him?\"\n\n\"Two...no, three reasons. First, with each additional agent of the Conclave who gets near Leso Varen, the risk to us is multiplied. Mother has Lady Rowena as close to Kaspar as a woman can get\u2014I assume in the vain hope Kaspar might let something slip during the pillow talk\u2014and with you there, our vulnerability increases; Pasko adds nothing of use to us, but increases the hazard.\n\n\"Second, we have other tasks for Pasko.\n\n\"And lastly, he works for the Conclave, not Squire Hawkins of Ylith, no matter what you have come to believe.\"\n\n\"Point taken.\"\n\n\"Now, I must make this clear: no matter what opportunity you have to revenge yourself on Kaspar, he is only part of the problem; find out what you may of Leso Varen. He is the true danger in this. Finally, if you are found out, we will see you dead before risking the security of the Conclave. Is that clear?\"\n\n\"Abundantly.\"\n\n\"Good. So don't get killed, or at least try to do something useful before you do. If you get into trouble, we can't and won't fetch you out.\"\n\nSuddenly he was gone. There was a slight intake of air where Magnus had stood, and the room went silent.\n\nTal reached out and took his wine cup, and muttered, \"I hate that he always has to have the last word.\"\n\nTal awoke feeling a little disoriented. He had only had one cup of wine the night before during his conversation with Magnus. The day had been uneventful, a somewhat leisurely ride down the mountain and through the city to the palace. But he hadn't slept well, and wondered if his restless night was due to the choice that now confronted him.\n\nKaspar was in his debt; so how was Tal to take service with him and not look overly anxious? His idea of killing Prince Matthew and having Kaspar intercede to protect him now seemed eminently plausible; Magnus was correct: Tal's status as Champion of the Masters' Court gained him many privileges, but what were the obligations? Tal pondered that for a moment.\n\nHe knew he could manipulate any number of social situations where Prince Matthew would be forced to call him out for a duel. Someone would insist it be to first blood, and Tal could \"accidentally\" kill him; unfortunate, but such things happen. Ironically, Tal considered, they happen to me a lot, actually. No, that wouldn't do, for a duel would be about honor, and while the King might never again allow him in the palace...\n\nA brawl, perhaps? Matthew had an appetite for some of the seedier bordellos and gaming halls in the city. He went \"in disguise,\" despite the fact everyone knew him, and he used his position to great advantage.\n\nTal discarded the idea; not public enough.\n\nThere was no easy way to kill him in such a way as to land in that magic place between being forgiven and being beheaded. And even if he did land in that magical place, and Kaspar interceded on his behalf, that would settle Kaspar's debt. Tal liked having that debt.\n\nNo, he decided as he arose, he wouldn't kill Prince Matthew. Another idea came to him. He sat back and thought about it, and decided he had not considered his own role closely enough. There might just be a way to make himself persona non grata in Roldem. He could keep himself off the headsman's block yet seemingly have no social future left in Roldem. At which point it would seem as if he had no choice but to take service with the Duke.\n\n\"Pasko,\" he called, and a moment later Amafi entered the room. \"Magnificence, may I serve?\" he asked in the language of the Isles.\n\n\"Where's Pasko?\" he asked, motioning for his trousers.\n\nThe former assassin handed them to Tal. \"He went to the morning market, Magnificence, shopping for food. What may I do for you?\"\n\nTal considered this, and said, \"I guess now is as good a time as any for you to learn to be a valet.\"\n\n\"Valet? Magnificence, I do not know the word.\"\n\nTal had forgotten he was speaking Roldemish, a language in which Amafi could barely keep up. \"Il cameriere personale,\" said Tal in the Quegan language.\n\n\"Ah, a manservant,\" said Amafi in the King's Tongue, as the language of the Isles was known. \"I have spent some time among men of breeding, Magnificence, so it will be of little matter to learn your needs. But what of Pasko?\"\n\n\"Pasko will be leaving us soon, I'm afraid.\" Tal sat and pulled on his boots. \"It's a family matter, and he must return to his father's side up north in Latagore.\"\n\nAmafi didn't ask for any details. He just said, \"Then I shall endeavor to match him in caring for your comfort.\"\n\n\"We still need to work on your Roldemish,\" said Tal, falling back into that language. \"I'm for the Masters' Court. Wait here for Pasko, then tell him to begin to acquaint you with my routines. He will explain as he goes. Become like his shadow for a while and observe. Ask questions if they do not disturb me or any in my company; otherwise, keep them until the two of you are alone.\n\n\"Tell him to meet me at Remarga's at midday and bring fresh clothing. Then I will dine at...Baldwin's, outside along the Grand Canal, then some afternoon cards at Depanov's. I'll return here to change into something more appropriate for supper.\"\n\n\"Yes, Magnificence.\"\n\nTal put on the same shirt he had worn the day before and threw a casual jacket across one shoulder as he grabbed his sword. \"Now, find something to do until Pasko gets back, and I'll see the two of you at noon.\"\n\n\"Yes, Magnificence,\" Amafi repeated.\n\nTal left the apartment and hurried down the stairs. He fastened his sword around his waist and kept the jacket over his shoulder. It was a warm day and he had elected to forgo a hat. As he worked his way along the streets to the Masters' Court, he pondered just how much damage he could do to a royal without getting himself into too much trouble.\n\nThe morning sun, a warm breeze off the ocean, the memory of the Lady Natalia's enthusiastic lovemaking\u2014all combined to put Tal into a wonderful frame of mind. By the time he reached the Masters' Court he had a plan as to how to humiliate a royal without getting hanged, and had convinced himself it might even turn out to be fun.\n\nA week later, the gallery was full as Tal walked onto the floor of the Masters' Court. With the return of the Greatest Swordsman in the World, observing practices and bouts had become the favored pastime of a large number of young women in the capital. Many noble daughters and a significant number of young wives found reason to take pause during their day's shopping to indulge their new-found interest in the sword.\n\nHe had been practicing every day for a week since returning from the hunt, and waiting for his opportunity to confront Prince Matthew. He had finally realized the Prince was waiting until he departed to appear at Masters' Court every second day. Tal judged that the vain prince didn't wish to share the attention of those at the Masters' Court with the Champion. So this day, Tal began his practice sessions in the late afternoon, rather than the morning, as was his habit.\n\nTal was saluted by every member on the floor, including the instructors, in recognition of his achievement. Today Vassily Turkov was acting as Master of the Floor, head instructor, and arbiter of any dispute. Other instructors worked with students in all corners of the massive hall, but the Master of the Floor supervised the bouts at the center.\n\nThe floor of the court was of inlaid wood, arranged in a complex pattern that after a brief study revealed itself to be a clever series of boundaries between various practice areas. The floor was surrounded by massive columns of hand-polished wood supporting the ornate high ceiling. Tal glanced up and saw that the ceiling had been repainted, white with gold leaf over embossed garlands and wreaths that surrounded large skylights. Galleries ran along one wall between the columns, while the other wall boasted floor-to-ceiling windows, keeping the entire hall brilliantly lit.\n\nVassily came and took Tal's hand. \"When you didn't appear this morning, thought perhaps you'd given yourself a day of rest, Squire.\" He glanced at the crowded gallery and said, \"If this continues, we may have to put up those temporary seats again.\" During the Masters' Champion Tournament, temporary seating had been erected in front of the windows, to accommodate as many onlookers as possible.\n\nTal smiled. \"I just came to practice, Master.\"\n\nThe older man smiled and nodded. \"Then I shall find you an opponent.\" He saw several young men lingering nearby, eager to cross swords with the Champion of the Masters' Court. He beckoned one of them: \"Anatoli, you are first!\"\n\nTal had no idea who the young man was, but the youth approached without hesitation. He bowed to the Master, then bowed to Tal. Master Vassily cried out, \"Rapiers! Three points to the victor!\"\n\nBoth men wore heavily padded jackets that covered them from neck to groin, over leggings and leather-soled slippers. Each donned a basket mesh helmet that allowed air and vision, but protected the entire head from injury. They advanced and faced each other.\n\nThe Master came to stand between them, holding out his sword. Each combatant raised his own weapon, touched it to the Master's, and held it in place. Then the Master pulled his weapon away and the contest began.\n\nTal had been dueling during his nearly yearlong stay in Salador. The Court of Blades was no match for the Masters' Court in terms of the number of quality opponents, but there were enough good swordsmen there to keep Tal sharp.\n\nHe had needed the time, for on Sorcerer's Isle there was only Caleb to spar with, and Caleb had been absent a great deal of the time, out on one mission or another for his parents. And while Caleb was the best hunter and archer Tal knew, his blade work left room for improvement.\n\nBefore then, Tal had been with mercenaries, and most of the niceties of the dueling floor were lost on them. They were not looking to perfect swordcraft as an art, but rather as a means of survival, and Tal was fairly certain the Masters of the Court would look dimly upon his using kicks to the groin, eye gouging, and ear biting as part of his sparring regime. Tal realized that many of the young men who would spend years of their lives here in the Masters' Court would never have to use their blades in anger. Such was the life of a young noble in the civilized bosom of Roldem.\n\nYoung Anatoli was quickly dispatched, for he was sound at basic swordsmanship but lacked any particular gift. Three other young men were also quickly disposed of, and Tal elected to leave the floor.\n\nRather than heading straight for the changing room, he went to a table at the end of the hall that was laden with refreshments. A crystal bowl stood in the center, filled with water and floating slices of lemons. Tal had come to appreciate the drink after getting used to its tartness. Fresh fruit, cheeses, breads, pastries, and smoked meats rested on trays. Bottles of ale and wine were also there for those who had finished with the day's practices. Tal took a cup of lemon water from a servant, then picked up a slice of apple to nibble on while he surveyed the room.\n\nOne of the court's many servants stood next to Tal, busily restocking each dish so that the presentation always looked fresh. He calculated the expense and considered how costly it must be to operate the Masters' Court. Any nobleman was free to use the court for the furtherance of the art of the blade. Commoners with gold could use it for a not-inconsiderable fee, and many choose to do so for political reasons. Otherwise, the entire cost of operating this palatial undertaking was borne by the Crown.\n\nFor an idle moment, Tal wondered just how much wealth King Carol commanded. He called up from memory a book he had read on the life of the Krondorian trader Rupert Avery, and reconsidered how exaggerated the various sums mentioned by the self-aggrandizing fellow really were. Sitting alone in his little hut on Sorcerer's Isle, Talon of the Silver Hawk had thought those figures must have been inflated to bolster the author's claim of importance in the history of the Kingdom. But now that he considered how vast the palace of Roldem was, and just the cost of operating this court alone, not to mention the funding of Roldem's navy, Tal realized just how naive Talon had been. From somewhere in his memory came the phrase \"It's good to be king,\" and despite not being able to remember which of his teachers had uttered it, Talon was inclined to agree.\n\nFor a brief instant he thought he was on the edge of understanding Duke Kaspar's greed for power.\n\nThen he saw another large party enter the floor, and, without needing a second glance, he knew Prince Matthew had arrived. Tal reconsidered his plan again, as he had countless times since he had dreamed it up the week before. Fresh from his heroics in saving the Duke and with the King's approval he now stood the best chance of making it work without ending up on the headsman's block or being discreetly dumped into the harbor.\n\nSipping on his drink, he ambled to where the Prince stood surrounded by his entourage. Prince Matthew was a vain man, despite the fact that by the age of thirty he had accumulated an ample girth around an otherwise slender figure. It gave the comic effect of a large reptile trying to digest an even larger ball. Still, the Prince heroically attempted to mask the result of his excesses by employing a jacket that was cinched tight around the middle and padded across the shoulders. He wore his hair short, heavily oiled, and combed forward to disguise his rapidly retreating hairline, and affected a thin mustache that had to have taken hours to trim each day, thought Talon. He also carried an ornate little viewing glass, a thing of light purple quartz imported from Queg, through which he would peer at things as if the glass somehow gave him a better level of detail.\n\nTal waited a short distance away until he was noticed, then bowed.\n\nThe Prince said, \"Ah, Squire. Good to see you back. Sorry I missed you at the gala, but I was indisposed.\"\n\nThe rumor in the palace had been that the Prince had consumed so much wine the night before Kaspar's welcoming gala that he dared not step more than a dozen paces from the garderobe in his quarters lest his irritated bowels rebel unexpectedly. \"My loss, Highness. It's good to see you recovered.\"\n\n\"Have you dueled?\" asked the Prince.\n\n\"I just finished, Highness.\"\n\n\"Ah, a pity. I had hoped for some decent competition today.\"\n\nThe Prince was an indifferent fencer, but for reasons political, he rarely lost a bout. Tal had no doubt he had waited in the nearby changing rooms, under the soothing hands of a masseuse, waiting for word of Tal's sessions being over. \"That's no trouble, Highness. I haven't left the floor yet, so I would be happy to accommodate you should you wish a bit of a challenge.\"\n\nSeveral of the Prince's party exchanged glances. On his best day the Prince would be no match for Tal on his worst, and few thought the Champion of the Masters' Court likely to allow a victory to the Prince, given that Tal had never lost a bout, and if he continued to win until the next Masters' Court Tournament, he would be the undisputed master of all time.\n\nPrince Matthew forced a smile. \"Again, a pity. I've already booked my opponents.\"\n\nThree young fencers stood nearby, one of them being the youth, Anatoli. He beamed as he stepped forward, and said, \"Highness, I would gladly surrender my place to allow the Champion to accommodate you.\"\n\nIf looks could kill, Anatoli would have been instantly reduced to smoking debris. Instead, the Prince said, \"How kind, young sir. I shall be sure to remember.\"\n\nTal tried to suppress a grin. \"Why don't you begin with the other two, Highness, while I finish my lemon water? When you're finished with them, I'll be delighted to be your last opponent.\"\n\nThe Prince smiled, for at least Tal offered him a way to save face. He would win his first two bouts, after which being defeated by the Champion would be no shame. And, who knows, perhaps the Champion might seek to curry favor by allowing a draw\u2014certainly he had done so before.\n\nTal wandered back to the buffet and helped himself to another piece of apple. The Prince quickly disposed of both his opponents, who contrived to lose in an almost convincing fashion.\n\nTal put down his cup of water and returned to the floor. \"Congratulations, Highness. You barely broke a sweat.\" In fact, the Prince was puffing like an old horse that had been run uphill all day.\n\n\"Kind of you...to say that...Squire.\"\n\n\"Let's say to seven? That will give us both a good workout.\"\n\nMaster Vassily glanced at Tal with narrowed eyes. To seven meant best of seven touches. The usual match was to three touches. Tal would win without difficulty, but would have to score on the Prince four touches instead of the usual two out of three. The Prince was caught exactly where Tal wanted him, unwilling to decline. He said, \"Of course.\"\n\nThen Tal said, \"And if you would be so gracious, we've already both matched with rapiers. I could use some practice with a heavier weapon. Sabers? Or long swords, perhaps?\"\n\nEveryone within hearing range fell silent. Prince Matthew was indifferent with the rapier, but it was his best weapon. The heavy cavalry blade required quick, powerful attacks, and the infantry sword required stamina. The Prince elected the lesser of two evils. \"Sabers, then, Squire.\"\n\nTal motioned for one of the floor staff to hand him his helmet and sword, while another attendant brought the Prince a practice saber. Master Vassily approached and whispered, \"What do you think you're doing, Squire?\"\n\n\"I just thought it about time someone took some of the wind out of that pompous fool's sails, Master Vassily.\"\n\nThe Master of the Floor stood dumbfounded. His entire experience with Squire Hawkins had led him to believe him a young man of exceptional social adroitness. He could charm nearly every woman he met, and most men wanted to be his friend. Yet here he stood ready to humiliate a royal prince. \"He's the King's cousin, Squire!\" hissed Vassily.\n\n\"The fact of which the swine makes sure we never forget,\" said Tal, trying to sound venomous. \"Let's get on with it.\"\n\nFrom the moment they took their places, Tal knew he could have his way with the Prince, injure him, or even kill him if he wanted. Despite the padding and the helmet, a saber\u2014even a practice saber with a blunted edge\u2014could wreak great harm in the hands of a master, and no man was more of a master than Tal.\n\nReluctantly, Vassily took his place and raised his weapon. \"Places!\"\n\nBoth men approached and touched blades, and when Vassily ordered, \"Begin!\" the Prince attempted a quick but feeble overhand strike.\n\nTal knocked it aside effortlessly. The Prince was already overbalanced, and Tal should have without hesitation riposted with a strike to the shoulder or exposed side of the body for the point. Instead he retreated a step. \"Why don't you try that again, Highness?\" he said in a voice that merely hinted at mockery. It was almost as if he was turning a practice duel into a lesson.\n\nTal took his position, saber down at his side, waiting, while the Prince retreated and approached with his sword at the ready. The Prince tried the same move, even more clumsily than before, and Tal easily blocked to the side. Prince Matthew overbalanced and was open to any number of light taps that would win Tal the match, but at the last instant, Tal slashed hard with a punishing blow to the ribs, hard enough to bring an audible grunt of pain from the Prince.\n\n\"Score, Squire Hawkins!\" announced Vassily, as he looked at Tal with an expression halfway between a question and outrage.\n\nWith a gasp, Prince Matthew pulled himself upright, his left hand across his stomach, clutching his ribs. Affecting concern, Tal asked, \"I trust I didn't hurt you, Highness?\"\n\nFor an instant Tal wondered if the Prince was going to be sick, for his voice sounded as if he were swallowing between words. \"No...I'm...fine...Squire.\"\n\nBrightly, Tal suggested, \"Let's try another.\"\n\nFor a moment it appeared as if the Prince might decline, but instead he returned to his position, and Tal said, \"Be careful not to overextend, Highness.\"\n\nWith barely concealed anger, Master Vassily approached. There was nothing he could do, really. As Master of the Floor he could halt any match for any reason, and over the years he had stopped several matches in which an advanced student was bullying a novice. But this was a royal prince of the House of Roldem, and to halt this bout because Tal was punishing him would only humiliate the Crown.\n\nTal scored two more brutal touches, and by the time the Prince approached the line, Master Vassily whispered, \"Squire, this is more than enough!\"\n\n\"If his Highness wishes to retire, I will not object,\" Tal said with as much contempt as he could manage in his tone. He let his voice carry just enough that all those nearby could overhear.\n\nPrince Matthew was a proud man, even if that pride was founded in vanity rather than achievement. He seemed to be choking back tears when he said, \"I'm not going to quit.\"\n\nBrightly, Tal said, \"Well said, Highness. Let's give the gallery something to remember, shall we?\"\n\nWhen Vassily instructed them to start, Prince Matthew held his ground, waiting for Tal to make the first move. Tal feinted, and the Prince reacted. In quick order, Tal knocked the Prince's saber from his hand, then slipped the point of his own sabre under the Prince's helmet, flipping it off his head. Then he stepped past the Prince and administered as hard a blow across the buttocks as he could. The crowd's reaction was instantaneous. Gasps of astonishment were mixed with catcalls and jeers. The blow was so hard that Prince Matthew fell forward to his knees, hand stretched out before him. His face was flushed, and his eyes swollen from the tears of pain he had not shed from the previous blows. But the last strike had reduced him to crying, and despite his best efforts, he could not help himself.\n\nCourtiers rushed forward and helped the humiliated Prince to his feet. Tal turned his back and walked away, another breach of decorum. In the gallery, several young women who had come to the Masters' Court in the hope of catching Tal's eye rose and departed, contempt in their eyes as they regarded him.\n\nMaster Vassily hurried over and said, \"Are you totally bereft of reason?\"\n\nSmiling at the Prince, Tal answered, \"Quite the opposite, really, Master Vassily.\"\n\nIn low, warning tones, Vassily said, \"If I were you, Squire, I'd consider a voyage somewhere very soon. Champion of the Masters' Court or not, you've just made a very dangerous enemy. The Prince may be many things, but forgiving is not one of them.\"\n\nTal locked eyes across the room with Prince Matthew and saw that through the tears of anger and humiliation, barely checked rage was directed at him. \"Yes, I believe you're right,\" said Tal. He let the mockery in his voice sound as he allowed his words to carry to those nearby. \"But judging from this afternoon's bout, he's really not all that dangerous.\"\n\nUnable to think of another thing to say, the Master of the Floor turned and left him. Tal walked to a distant corner where Pasko and Amafi waited. Pasko understood what had taken place, but Amafi said, \"Magnificence, are you inclined to suicide?\"\n\n\"No, not really. Why?\"\n\n\"For the Prince now wants you dead.\" With a bright smile, he added, \"And he does have enough gold that I would at least consider betraying you.\"\n\nTal laughed, again loudly enough for those nearby to think that he was enjoying the moment. \"Then don't betray me, and I'll consider increasing your pay.\"\n\n\"Yes, Magnificence.\"\n\nAs they headed to the changing room, Pasko whispered, \"Be careful. Even before the bout was over, Matthew's agents were leaving the building with word of his humbling. You've made a powerful enemy.\"\n\nTal let out his breath slowly, as if releasing the tension he had felt inside. \"Then I think it's time to seek out a powerful friend.\"\n\n## Five\n\n## Service\n\nKaspar smiled.\n\n'So, young Hawkins, I see you've managed to create a decidedly uncomfortable position for yourself.\" Duke Kaspar sat back in a large chair, motioning for his servant to fill a pair of wine cups on a round table in a room that was part of a large apartment given to him by the King to use on his visit.\n\nAmafi stood just outside the door in his role of manservant, while Pasko was back at the apartment making ready for his departure. The story of a sick father was acceptable to him, and he had already purchased passage on a ship bound for Prandur's Gate, where he would find another ship to Coastal Watch, then by wagon to Kendrick's. He would be gone within the week.\n\nTal had sent the Duke a message the day before requesting an audience, and the next morning a palace page had delivered the reply. Tal was invited for a late-afternoon meeting, but advised to use one of the palace servants' entrances rather than the main gate, for obvious reasons.\n\nKaspar lounged in a brocade-trimmed tunic that buttoned up to the neck, a fashion Tal had not seen; it must be something worn in Olasko, he thought. \"I judged you to be a young man of uncommon sense and calm judgment. What caused you to do such an uncharacteristic thing?\"\n\nTal picked up his cup and sniffed the wine out of habit. He sipped, then said, \"Ah, this must be the new vintage from Krushwin in Ravenswood!\"\n\nKaspar's eyebrows raised, and he said, \"You know your wine, Talwin. Yes, it arrived last month, and the King was kind enough to have a few bottles waiting here when I arrived. Now, answer the question.\"\n\nThe last was as pointed a command as Kaspar had ever directed at Tal.\n\nTal tried to look sheepish. \"Prince Matthew is a boor.\"\n\n\"True, but that hardly makes him unique among nobles here in Roldem. Why humiliate him in public?\"\n\n\"Because I couldn't kill him and avoid the headsman, I suppose,\" said Tal, taking a sip of wine to give him pause. \"Had he not been a royal, I would have called him out on a matter of honor.\"\n\n\"Oh?\" said the Duke, his brows rising again. \"Whose honor? Certainly not yours? You seem to be a pragmatic sort, not one given to overblown principles.\"\n\nRealizing he hadn't thought this through as thoroughly as he should, Tal said, \"A lady's honor, sir?\"\n\n\"You're in dispute with Prince Matthew over a lady?\"\n\nTal knew this wouldn't undergo close scrutiny if he strayed too far from a plausible story, so he improvised. \"Not in dispute, but rather in defense. The lady in question is a widow, and the Prince has been...too enthusiastic over pressing his attentions on her.\"\n\n\"Ah, then it would be Lady Gavorkin,\" said Kaspar with a chuckle. \"I have sources for gossip here as well as in my own court.\"\n\nTal shrugged. \"The lady and I have been close. While I have no interest in marriage, she is looking for a new husband should circumstances permit, for already the Crown is considering taking away some of her estates, and she fears the loss of revenue.\"\n\nKaspar waved away further comment. \"I know her situation. Had Matthew been seen in public with her, other interested noble sons would avoid her. I understand.\"\n\nTal wasn't certain if Kaspar believed the story or not. All Tal had go on was one remark Lady Gavorkin had made when he had come to call upon her one afternoon: that she found the Prince repellent.\n\n\"Still,\" asked Kaspar with another chuckle, \"did you have to make him cry like a child in public?\"\n\n\"Better than killing him,\" offered Tal.\n\n\"Perhaps not.\" Kaspar said, \"You have made a very bad enemy, because Matthew has no shred of forgiveness in his nature. He is the only member of the King's close family who would use his power to avenge a personal slight. Even now there may be a bounty on your head. I'd watch your back for assassins, young Hawkins.\"\n\n\"That's why I've come to you.\"\n\n\"With the King I might have some influence, and I am in your debt. But with Matthew...\" He spread his hands and shrugged.\n\n\"Matthew wouldn't dare attack me directly if I were in your service, Your Grace. I have decided to take you up on your offer of employment.\"\n\nKaspar sat back. \"I understand the cause, but it seems a sudden reversal, to be blunt.\"\n\n\"I weighed your offer before, Your Grace, and seriously considered it. I had hoped, however, to be able to find a position with a trading concern out of Salador, Ran and Bas-Tyra. Perhaps you've met their local agent, Quincy de Castle?\"\n\nA tiny flicker in Kaspar's eyes revealed the lie as he said, \"Don't know the man. But why trading?\"\n\nTal paused, as if gathering his thoughts. \"I'm a noble only by the thinnest thread, Your Grace. The head of my family barely knows I exist, for I am a third cousin, once removed.\" He lowered his voice. \"I only hold the title 'Squire' by a deft manipulation of a local magistrate on my father's part, truth to tell. And the lands that come with that title provide no income.\" Returning to a normal tone, he said, \"To advance, I need two things: wealth and fame. I could either join the army\u2014and truth to tell, I tried that for a little while, and thrashing goblins in the cold north is no route to either\u2014or I could marry well. But to marry well, I need wealth and fame. A circle, don't you see?\"\n\n\"I do.\"\n\n\"So I came east. Here is where politics and trade give a man opportunity, not out in the west. There it's all duty and service, but here a man can find prospects. So, becoming Champion of the Masters' Court gave me fame. And if I could rise financially with de Castle and his partners, then would I have wealth.\"\n\n\"I appreciate the general design, Squire, but aren't there more direct routes?\"\n\n\"None that I can see. My best opportunity was Lady Gavorkin, but the Crown would never approve her marrying a poor country squire from the Isles.\"\n\n\"Especially now,\" said Kaspar with a chuckle.\n\n\"Yes,\" agreed Tal with a pained smile. \"But even had I restrained myself regarding the Prince, I think my future lies somewhere else. And now that it appears my prospects in Roldem have diminished...\" He shrugged.\n\n\"You thought you would ride my coattails to greatness,\" finished Kaspar.\n\n\"Yes, Your Grace.\"\n\n\"Not an unwise choice,\" said Kaspar. \"I have a use for clever men\u2014assuming you resist the temptation to humiliate princes in public in the future. There's a captaincy for you in Opardum.\"\n\n\"Captaincy?\" Tal smiled. \"As I said, I've tried the military life, Your Grace, and found it less than ideal for my talents.\"\n\n\"It's a title. If you like, you may continue to call yourself 'squire,' for no one will salute you and no one will have you marching around a parade ground. I have captains in many capacities, and none of them wear a uniform.\"\n\n\"Ah,\" said Tal, as if he now understood. \"You seek an agent.\"\n\n\"Agent is a good word. Factor is another. Or representative, depending on the need. Whatever the title, the function will be the same: to serve me with unswerving loyalty and vigor. The rewards will be quite in keeping with the effort.\"\n\nTal finished his wine. \"Should I pack?\"\n\n\"Soon,\" said Kaspar. \"I linger here another week, then it's off to Rillanon and a visit with the King of the Isles, then back to Opardum. You are not officially in my service until we reach Opardum. The reasons for that will be made clear to you then.\n\n\"Until then, however, you will be under my protection. I will send a quiet word to Prince Matthew that I would take it as a personal affront should any ill befall you, then reassure him that I'm getting you as far away from Roldem as possible.\n\n\"Perhaps in three years' time you might return to defend your championship. It will be awkward, but at least by then Matthew will have had a chance to reflect.\" He paused, then added brightly, \"Or maybe by then someone else will have killed the posturing fool.\"\n\nKaspar rose, signaling that the interview was over. \"Return to your quarters and try to stay out of trouble, Squire.\"\n\n\"Yes, Your Grace,\" said Tal.\n\nThe Duke left through one door, and Tal departed through the other, finding Amafi waiting outside. He gestured for his new valet to fall in, and they left the palace together, this time exiting through the main gate.\n\nWhen they were safely outside the palace, Amafi asked, \"Magnificence, what transpired?\"\n\n\"We are now in the service of Duke Kaspar of Olasko, Amafi.\"\n\nThe former assassin grinned, for a moment looking positively lupine. Then he said, \"So, now our rise to greatness begins!\"\n\n\"Yes,\" said Tal, though inside he felt as it was a descent into darkness that lay before them.\n\nThe ship beat against the rolling combers as a stiff breeze hurried it toward the most magnificent city Tal had ever seen. No, he thought, more magnificent than he could have imagined.\n\nRillanon stood outlined against the hills, a stunning creation of colored stone and graceful arches. The late-afternoon sun etched its form with brilliant highlights set against deep shadows. Tal had been told of its history, that the Mad King, Rodric IV, had ordered the city rebuilt, with every drab fa\u00e7ade replaced by cut stone of brilliant hue. Kings Lyam, Patrick, and now Ryan had continued with the project, and now nearly every building in the capital of the Kingdom of the Isles was a study in splendor. A thing of marble and granite, Rillanon glimmered white and purple, yellow and amber, with hints of pink, green, red, and blue scattered across the scene. As they approached, details resolved, and both Tal and Amafi stood in mute astonishment in the bow of Duke Kaspar's ship, The Dolphin.\n\nA voice from behind them said, \"Is this your first visit, Squire?\"\n\nTal turned to see the Duke and bowed before he answered. \"Yes, Your Grace.\"\n\nAmafi stepped away discreetly, giving his master and the Duke the opportunity to speak in private.\n\n\"I am second to no man in my pride in my homeland, Squire,\" said the Duke. \"Opardum is a magnificent city in its own way, but I'll concede that upon first viewing, no city matches Rillanon in beauty.\"\n\n\"I must agree, Your Grace. I have read histories...\" Tal forced himself to remember his place. \"When I was a student, my father insisted I master the history of the Kingdom.\" He turned, and waved his hand. \"But this...it's beyond description.\"\n\n\"Yes, isn't it?\" Duke Kaspar chuckled. \"If one were to wage war upon the Kingdom of the Isles, it would be a tragedy to have to sack such a wonder. It would be far better to force them to surrender before having to storm those towers, don't you agree?\"\n\nTal nodded. \"Though I would think not going to war with the Isles the wiser choice.\"\n\n\"There are other means of winning a struggle besides armed conflict,\" said the Duke. He spoke as much to himself as to Tal. \"There are those who will avow that war is the result of failed diplomacy, while others will tell you that war is but another tool of diplomacy; I'm not enough of a scholar to decide if there's really any difference between those two positions.\" He turned and smiled at Tal. \"Now, get to your cabin and change into your finery. We shall be dining in the King's palace tonight.\" He glanced at the sails. \"I judge us to be less than an hour out of the harbor, and we shall have clear sailing to the royal docks.\"\n\nTal went below and did as instructed, and by the time he was ready for presentation in court, he heard a knock upon his door. Amafi opened it to find a cabin boy standing before the portal.\n\n\"Yes?\"\n\n\"Duke's compliments, Squire. You're to join him on deck.\"\n\n\"I'll be along straightaway,\" said Tal.\n\nTal quickly adjusted his new tunic and grabbed his hat, an outfit tailored for him in Roldem prior to leaving. He had spent the week lying low as Kaspar had suggested, avoiding public places for the most part. It hardly mattered anyway, for the invitations from Roldem's elite had stopped immediately after his humiliation of Prince Matthew. Tal assumed Kaspar had sent out word that Tal was now under his protection, for there had been no attempt at reprisal, at least none that Tal and Amafi could see.\n\nTal hurried up on deck as the ship approached the breakwater outside the harbor. If Roldem had been breathtaking the first time Tal had seen it from a ship, Rillanon was astonishing. The closer they got, the more stunning the vista became. For not only was the city constructed of polished marble and granite, it was trimmed in all manner of ways: there were flower trellises, hillside gardens, colorful pennants and banners, and windows of quartz and glass. The late-afternoon sun set the stones ablaze with reflected gold, amber, rose, and white highlights.\n\n\"Amazing,\" said Amafi.\n\n\"Yes,\" said the Duke. \"I always try to arrive before sunset, just to see this.\"\n\nA royal cutter flying the banner of the Kingdom of the Isles was on an outward tack, and dipped its pennant in salute to the Duke of Olasko. Sailors on both ships waved greetings, and Tal was rendered almost mute by the grandeur around him. Ships from every nation on the Sea of Kingdoms were at anchor or sailing in or out of the harbor. He saw Keshian traders, ships from the Eastern Kingdom, and cargo haulers from every point in the known world.\n\nSails were reefed, and The Dolphin slowed as the captain allowed a smaller boat to come alongside. A rope ladder was dropped and up it scampered the Harbor Pilot, who quickly made his way to the quarterdeck. He took control of the ship: from that point on, it was his job to sail the ship into the royal docks.\n\nTal tried to drink in every sight before him. He remembered his first view of Latagore, then Krondor, Salador, and Roldem. Each had offered new impressions and new sensations, but Rillanon eclipsed them all.\n\nThe ship's last sails were reefed, and the ship drifted comfortably into the designated slip, where dockmen waited with long poles to hold off the ship while fenders were dropped alongside the quay. Then the fore and aft lines were thrown ashore, and before Tal knew it, the ship was secured.\n\nLady Natalia came up from her quarters, her servants behind her, and flashed a brilliant smile at Tal. \"We're here, I take it.\"\n\n\"Yes, m'lady,\" said Tal with a grin. \"We most assuredly are.\"\n\nNatalia's smile remained in place, but her eyes darted around, as if wary. Then she focused on Tal. \"We must be sure to be on our best behavior, Squire.\"\n\nTal nodded. It was an unnecessary warning. He knew he was being evaluated every minute between Roldem and their eventual destination of Opardum. His humiliation of Matthew was so untypical of him that suspicion was directed at him even by the Duke's sister. Their night of passion seemed entirely forgotten, and Tal thought better of mentioning anything to her that might be perceived as an overture. In this situation, he decided, it was better to let the lady take any lead.\n\nDuke Kaspar was the first to depart, followed by his sister, then the other members of his entourage. Tal followed, since his status as a member of Kaspar's court had not been yet formalized. Then came Amafi and the other servants.\n\nCarriages awaited, each bearing the royal crest of the Kingdom of the Isles, a golden lion rampant on a field of crimson holding a sword aloft, a crown hovering over its head. Liveried coachmen waited. Kaspar and his sister entered the first, most ornate carriage, and the rest of the Duke's retinue followed. The coach Tal entered with Amafi behind him was serviceable and clean, but far from luxurious.\n\nTal half hung out the window as the carriage wended its way through the streets of the city, taking him past shops and houses, through large squares with majestic fountains, and up the hill toward the palace. The city rested upon a series of hills, so that at times they saw the ground fall away as they crossed soaring bridges. Several times Tal looked down to see small rivers running toward the sea. \"This city is wonderful,\" he said to Amafi in the King's Tongue.\n\n\"Assuredly, Magnificence,\" said his valet. \"It is said that when the first King of the Isles built his fortress, he picked the highest peak here, and a series of wooden bridges protected his band of men\u2014who were little more than pirates, it is said. Over the years the city has grown up from the docks and down from the palace, so that now you have this maze of streets and bridges.\"\n\nAs they crossed the second to last bridge on their way to the palace, Tal looked down and saw houses built into the very hillsides, it seemed, with clever cantilevered supports below and narrow flights of stairs leading up to the streets above them. Below them, the River Rillanon raced toward the sea over a series of small cataracts, hemmed in on both sides by mighty granite walls.\n\nAs they neared the palace, Tal said, \"I wonder if those who live here get used to this beauty.\"\n\n\"Undoubtedly, Magnificence. It is the nature of man to become oblivious to that which is around him daily,\" Amafi commented. \"It is something a good assassin understands. The trick to not being discovered until it is too late is to become part of the expected surroundings. Stealth is more the art of blending in with the background than sneaking through dark shadows.\"\n\n\"You're probably right,\" said Tal.\n\n\"Of course I'm right, Magnificence, for were I not, I would by now be long dead.\"\n\nThey were speaking the King's Tongue, which seemed appropriate to their setting, but Tal realized he could be overheard. Switching to the Quegan tongue, he said, \"There are some things you must do.\"\n\n\"I live to obey, Magnificence.\"\n\n\"When I do not need you at my side, I wish you to hang back, to keep a short distance away. I want you to be my second set of eyes, my second pair of ears. Watch who watches me, listen for any words about my lord Kaspar or myself.\" He waved his hand to indicate everyone else around them. \"As far as anyone else is concerned, you do not speak the King's Tongue. We will converse only in Quegan.\"\n\n\"As you instruct, Magnificence.\"\n\nThe carriages rolled across the last bridge to the palace, and by the time the door opened, Tal could see the Duke's carriage and several of those that had followed immediately behind were already gone, having been returned to the royal carriage house. Tal stood mute.\n\nIf the palace appeared splendid from the docks, up close it was almost unbelievable. An ancient stone keep had risen upon this hilltop centuries ago, but since then wings and new buildings had been added, until it had become a sprawling creation of corridors and galleries, gardens and fountains. The courtyard itself was three times larger than the palace at Roldem. But what set this palace apart was its fa\u00e7ade. Every inch had been covered with matching stone, a white granite flecked with gold and silver. In the rosy glow of the setting sun it was a thing of glittering pinks and dazzling orange punctuated by indigo shadows. Every window was of arched, clear glass, and high in the towers brilliant pennants flew. Flowers grew everywhere on trellises or in window boxes.\n\nA servant approached. \"Squire Hawkins?\"\n\n\"Yes?\" Tal replied.\n\nThe servant motioned, and a royal page appeared, a boy of no more than thirteen years of age. \"Show the squire and his man to their quarters,\" the servant instructed.\n\nTal knew his luggage would be brought later. He set off, his eyes upon the back of the boy who led them up the broad steps to the palace entrance. Two guards stood to the side of each step, so that a dozen men were standing at attention on the right and left. All wore polished metal helms with flared edges, and red tabards emblazoned with the golden royal lion, over black tunics and trousers. Their boots were polished to a glassy sheen, and each man held a halberd.\n\nUpon entering the palace, Tal could see directly ahead to a huge pair of open doors revealing a garden and a stone path to another open pair of doors into a gallery. Tal and Amafi followed the boy to the right and down a series of long halls until they reached the guest apartments. The page stood before Tal's door, and said, \"Sir, Duke Kaspar is at the other end of that hallway.\" He pointed to the far end of the hall. \"It is a bit of a walk, sir.\" He opened the door, and Tal entered first.\n\nTal was impressed. As a minor member of Kaspar's party, he expected modest quarters, and if these were such, then Kaspar's room must rival the King's in Roldem.\n\nThere was a large bed that had a canopy with heavy curtains, which were drawn back. The bed was bedecked with a heavy comforter and several bolsters and pillows. A huge fireplace stood in the opposite wall, currently cold. This time of the year there was no need, though Tal judged it probable that there was a fire going all through the winter.\n\nLarge tapestries hung on every wall, cutting the cold of the stones, for this was an older part of the palace, Tal suspected, even if not part of the original keep. The page pointed to the door on the left of the fireplace and said, \"Your man has a bed in there, sir.\"\n\nTal opened the door and stuck his head in. It was a closet, but a closet bigger than his apartment in Roldem. Enough clothing to wear different outfits every night for a year could fit in here, along with the bed, table, nightstand, and chair that were in place for a servant's comfort.\n\nTal turned and said, \"That is sufficient.\"\n\nThe page said, \"Sir, through the other door is your water closet.\"\n\n\"Thank you,\" Tal replied, and the boy made to depart.\n\nAs he reached the door, the page said, \"Should you need anything, pull this cord, sir. The reception for the Duke is in two hours, so you should have time to refresh yourself, sir.\"\n\nHe opened the door, and Tal saw that there was a group of palace servants outside. As the page slipped past them, his luggage was brought into the room. Another servant entered with a tray of delicacies, small cakes, fruit pastries, and bunches of fresh grapes. Yet another servant brought in a tray laden with goblets of chilled wine diluted with fruit juices, and a pewter pitcher of ale, with half a dozen cups.\n\nAs soon as they left, a parade of young men carrying buckets of steaming water entered, making straight for the bathing room. Tal waited until they had finished their work and gone, then went to inspect what they had done.\n\nThe bathing room turned out to be a private bath, a stone tub lined with tiles. Tal stuck his hand in and said, \"It'll cool to the perfect temperature by the time I get undressed. Amafi, lay out my best clothes for tonight, the russet-and-black tunic, with the grey leggings and my black ankle boots with the golden buckles. I'll wear the silver-handled rapier and the black felt hat with the hawk's feather.\"\n\n\"Yes, Magnificence,\" Amafi said, and set to unpacking the luggage and putting away the clothing, while Tal stripped off his travel clothing.\n\nAs Tal settled into the tub he noticed an odd mechanism hanging over it. It consisted of a brass pipe with a flared head dotted with small holes. Next to it hung a chain with a handle. He sat up and pulled on the handle. Instantly he was showered with cold water. He yelped in surprise and pulled the handle again, causing the water to stop.\n\nHearing the cry, Amafi was in the room almost instantly, a dagger in his hand. Seeing nothing except Tal sputtering and his hair drenched, he said, \"Magnificence, what is the matter?\"\n\nLaughing, Tal said, \"Nothing. I was just not prepared for a dousing. It is to rinse you off. But the water is rather cold.\" Tal found a large bar of scented soap on the side of the bath and began to wash. \"When I've finished, feel free to use the tub, Amafi. The water will still be fairly clean.\"\n\n\"You are generous,\" said the Quegan.\n\n\"And bring me some wine, please,\" he asked, and moments later, the servant returned with a chilled cup of wine.\n\nTal finished his bathing and settled back with the wine for a moment to relax. Thinking of how much more lavish the King's apartments must be, he smiled and muttered, \"It must be good to be king.\"\n\nIf Tal had been impressed by the royal court at Roldem, he was rendered nearly senseless by the throne room of the King of the Isles.\n\nAs one of Kaspar's retinue, he was permitted entrance after the Duke, but no formal presentation was made. He stood to one side of the hall while the King welcomed Kaspar and his sister.\n\nKing Ryan was a young man, no more than twenty-three years of age. His father, King Patrick, had died unexpectedly a few years before, ending what had been a troubled reign. Patrick had been a man of temper and questionable judgment, who had followed two kings, Lyam and Borric, who had been quite the opposite. Patrick had ruled in Krondor during the troubled rebuilding of the Western Realm after the horror that was called the Serpentwar. Myth and history collided, and depending on which sources one was inclined to believe, Pantathian Serpent Priests, creatures of dark legend, had engineered a monstrous invasion of the Kingdom at Krondor, sailing a fleet of a thousand or more ships around the world. Whatever the truth of the story, the fact of the aftermath was simple: Krondor had been reduced almost to rubble. Patrick had to contest with Kesh on two occasions during his rule in Krondor. When his father, King Borric, had died, Patrick had already been a tired and worn-out man. His rule had not been a happy one.\n\nRyan was considered an unknown quantity, and Kaspar's visit was intended in part to assess the young monarch's abilities. One of Kaspar's captains, Janos Prohaska, stood next to Tal. He whispered, \"The King must be concerned with our master.\"\n\nAs the formal introduction droned on, Tal whispered back, \"Captain, why do you say that?\"\n\n\"Do you not know your own nation's nobility?\" he asked softly.\n\n\"Not by sight,\" admitted Tal.\n\nHalf a dozen men stood on either side of the King, who, being unmarried, sat alone on a single throne on the dais. Kaspar was thanking the King for his welcome while those six men studied him.\n\nProhaska said, \"Next to the King stands Lord Vallen, Duke of Rillanon, but next to him stands Lord James, Duke of Krondor. The King has his two most powerful dukes at his side. They rule the Eastern and Western Realms on his behalf. With no prince in Krondor, James is also Regent of the West.\"\n\nTal studied both men. They were similar in stature, elderly, but still tall and powerful, with keen eyes and the calm confidence of men who had wielded power for decades. Beside the Duke of Krondor stood another man, somewhat younger, who was talking quietly to the Duke. Prohaska said, \"That man talking to Lord James is Lord Williamson Howell, the King's Chancellor of Finance and the Exchequer. He's a court duke, but as powerful in his way as the other two. He is considered to be as shrewd with gold as any man living. Behind him, the two old soldiers?\"\n\nTal nodded. \"Yes, I see them.\" A man of middle years, with the upright military bearing of a career soldier, wore a royal red tabard, but the other wore a tabard matching that of Duke James, a blue tabard bearing a circle of light blue, upon which an eagle could be seen flying above a mountain peak. He looked to be a man in his late seventies, and Tal could see he had once been a very large and powerful. His muscle had softened with age, but Tal would still count him a dangerous opponent.\n\n\"That's Sir Lawrence Malcolm, Knight-Marshal of the Armies of the East, and next to him is Erik von Darkmoor, Knight-Marshal of Krondor. Behind him stands the Admiral of the King's Eastern Fleet, Daniel Marks, and his adjutant.\n\n\"If this wasn't a reception, I'd say it was a war council.\"\n\nTal studied the men and was forced to agree. They didn't possess any of the festive demeanor of those attending a gala. The light, celebratory mood that was always there in Roldem was absent in this court tonight.\n\nThe Master of Ceremonies stepped forward as the Duke backed away from the throne, and struck his iron-shod staff of office on the stone floor. \"My lords, ladies and gentlemen, His Majesty bids you come forth and dine in the Great Hall.\"\n\nTal followed the others and found his place with the help of a page. Here, too, the mood was far more subdued than what he had experienced in Roldem. People chatted, and he was engaged in light conversation by several local minor nobles in turn, but while Roldem's court was alive with music and performers, here a small ensemble of musicians played softly in the background.\n\nThe food was superb, as was the wine, but Tal couldn't help but feel a sense of foreboding. As Tal was about to finish his meal, a palace page appeared at his elbow. \"Sir, the King commands your presence.\"\n\nTal stood, uncertain of why he was being singled out, but he followed the page along the side table until they reached the gap between it and the head table. He was escorted to a place directly before the King and found himself under the scrutiny of the entire assembly.\n\nThe King sat in his high-backed chair, with Duke Kaspar on his right as the honored guest. To his left sat the Lady Natalia, and from what Tal could see, she had charmed the King. The other nobles of the Isles were arrayed along the table.\n\nThe page said, \"Majesty, Squire Talwin Hawkins.\"\n\nTal bowed as effortlessly as he could manage, but found that he was nervous. He hid it well, but he felt it. He had no trouble passing himself off as a minor Kingdom noble in other nations, but here he stood before the monarch of the nation in which he was supposed to have been born, and worse, just four chairs away sat the Duke to whom his so-called cousin owed fealty; he forced himself to breathe deeply.\n\nThe King was a fair-skinned man with sandy-colored hair. His dark brown eyes studied Tal. He looked intelligent, thought Tal, and even if he wasn't a king, most women would find him attractive. Then he smiled, and said, \"Welcome, Squire. You do us honor.\"\n\nTal said, \"Your Majesty is too gracious.\"\n\n\"Nonsense,\" said the King. \"You bring honor to the Isles as Champion of the Masters' Court. We have several times inquired as to your whereabouts.\"\n\nDuke James studied Tal closely. \"Your kinsman, Baron Seljan Hawkins, had no idea how to find you.\" There was something in his tone that led Tal to believe the Duke was suspicious.\n\nTal nodded. \"Your Majesty, Your Grace, I am forced to admit that by the most generous accounting I am a shirttail cousin to the Baron. I believe him to have been ignorant of my birth until news of my victory reached him. His grandfather and mine were brothers, and all we have in common is the family name. My claim to the rank of squire is only through my father's adroit influences with the Office of Heraldry, as I understand it.\"\n\nThe Duke grinned. \"In other words, your father bribed someone.\"\n\nTal returned the smile and shrugged. \"He never said, and I never asked. I only know that the estates my father claimed consisted mostly of swampland outside Ylith, and I've never seen a copper from them in rents.\"\n\nThis brought a round of laughter from everyone at the table. Tal's self-deprecating humor had eased the mood.\n\n\"Well, even if your father was skirting the edge of the law in this matter, I hereby do affirm your rank and titles, even if the land you own is worthless,\" said the King. \"For to have one of our own as Champion of the Masters' Court warrants reward.\"\n\nHe signaled, and a page brought forth a purple cushion upon which rested a sword of stunning beauty. It had a silver-filigreed basket-hilt, and the blade was of the finest steel Tal had ever encountered. \"This is from our foundry at Rodez,\" said the King. \"It is agreed that the finest blades in the world are made there, and this is a suitable blade for a champion, we think.\"\n\nTal took the blade and the ornate scabbard that was handed to him by another page, and said, \"Majesty, you overwhelm me.\"\n\n\"We understand that you have taken service with our friend Duke Kaspar.\"\n\n\"Yes, Majesty, I have.\"\n\nThe King sat back, and his smile faded. \"Serve him well, but should time and fate bring you back to your homeland, Squire, know there will be a place for you here.\" Glancing sidewise at Kaspar, the King said, \"We can always use another swordsman in our service, especially one so talented.\"\n\nTal nodded and, with a wave, was dismissed by the King. He followed the page back to his place at the table, but the King's last words had again dampened the mood in the room.\n\nAs he sat down, Tal considered Prohaska's words and was forced to agree: this was no festive gala. This was a council of war.\n\n## Six\n\n## Rillanon\n\nTal watched.\n\nHe stood upon a balcony near the royal apartments. He had been requested to wait there for Duke Kaspar, who was closeted with the King. Below, the city stretched out, and Tal was struck again by its beauty. He wished time permitted him to explore: for had he not taken service with Kaspar, that is what he would have been doing that very moment. However, as Kaspar's retainer, he awaited his master's pleasure.\n\n\"Quite a sight, isn't it?\" came a familiar voice at his shoulder.\n\nHe turned to find Lady Natalia approaching, so he bowed. \"That it is, m'lady.\"\n\n\"My brother will be out shortly and will have something for you to do, I have no doubt.\"\n\nTal rarely felt disquiet in the presence of any woman, but since the night after the hunt, he had wondered what he should expect from Natalia, or more to the point, what she might expect from him.\n\nAs if reading his thoughts, she smiled and came close. Touching him lightly on the cheek, she said, \"Don't worry, Tal, our time together was fun, nothing more. I am an instrument of the state, my brother's tool, much as you are. He has plans for me, so you're safe from the need to make any declarations to me.\"\n\nTal grinned. \"It wasn't a declaration that worried me, m'lady. Only if I was to be cast aside or...if my attentions were required again.\"\n\nShe paused, then regarded him. \"Why do I suspect that either choice is of little importance to you?\"\n\nTal took her hand. \"That's not true, m'lady. You are without peer among women.\" He came close to the truth with that statement, for few women in his experience were as ardent as Natalia had been.\n\n\"Liar. You use women as I use men. We are too alike, Tal. Have you ever loved?\"\n\nTal hesitated, then he said, \"I thought so once. I was mistaken.\"\n\n\"Ah,\" said Natalia. \"So, you're armored against love because of a broken heart?\"\n\nTal made light. \"If it pleases you to think so, then so be it.\"\n\n\"I think sometimes having no heart is a better condition. My brother's Lady Rowena is like that. She lacks something.\"\n\nTal could only silently agree. He knew her well, for she had been the woman who had broken his heart, the harshest lesson taught him by the Conclave. Alysandra, as she was named there, indeed lacked something. She had no heart, and had wounded Tal deeply.\n\n\"I will marry for reasons of state. So I take my pleasures where I might.\" She paused, then asked, \"What think you of this young king?\"\n\n\"Ah,\" said Tal. \"Your brother seeks to make you Queen of the Isles?\"\n\n\"Perhaps,\" said Natalia with a grin. \"There is no suitable match from Roldem, with the eldest princess being merely eleven years old. I suppose Ryan could wait until she was of age, but I think Lord Vallen and the others are anxious for him to wed and start breeding heirs. I am the most advantageous match among the ladies of the eastern courts, and Isles needs allies to the east.\"\n\nFeigning ignorance of regional politics, Tal said, \"I thought Isles had treaties with Farinda, Opast, and Far Lorin.\"\n\n\"They do, but those states are...inconsequential. Ryan needs Olasko as an ally.\"\n\nTal's mind raced. All signs pointed to a coming conflict between the Isles and Olasko; otherwise, Kaspar's campaigns in the region made even less sense than they did now. Trying to fish for information, Tal asked, \"But they provide a buffer. It seems to me Olasko and the Isles have little cause for contention.\"\n\n\"Indeed,\" said a voice from behind.\n\nBoth Tal and Natalia turned to see Duke Kaspar there. Tal bowed, and said, \"Your Grace,\" while Natalia approached and kissed her brother on the cheek.\n\nKaspar came to stand next to Tal. \"The city is quite breathtaking, isn't it, Squire?\"\n\n\"Yes, Your Grace.\"\n\nKaspar was dressed in a white tunic buttoned up the right side, with yellow piping. He wore red leggings and slippers, and his only decoration was the ornate silver buckle on his black leather belt. \"Natalia,\" he said, \"we dine with the King tonight. A page will come and fetch you at the seventh hour. Squire, I have no need for you this afternoon. Why don't you keep my sister amused until supper, then feel free to take your man and visit the city. Rillanon is quite an interesting place; you should avail yourself of the opportunity to learn about it.\" He studied Tal's face and softly added, \"Learn it well.\"\n\n\"Yes, Your Grace,\" Tal said with a slight bow.\n\n\"Now, I must go to another meeting. Run off and find something to do, you two, and I'll see you this evening, my dear.\"\n\nNatalia kissed her brother again, and he departed. When he was gone, she turned brightly to Tal and said, \"My brother commands us.\"\n\nTal laughed. \"Yes, and what is my lady's pleasure?\"\n\nShe slipped up close to him and kissed him deeply. \"Pleasure is my pleasure. And I know exactly what will amuse me, Squire.\"\n\nTal glanced around to make sure they weren't being observed. It would not do for a potential Queen of the Isles to be seen embracing a lowly squire on the balcony of the castle. \"This is hardly the place,\" he whispered.\n\nShe smiled even more broadly and said, \"Then let's go and find the right place.\"\n\nTurning, she didn't wait to see if he followed her, but walked imperiously into the hallway, turning away from her apartments, and without asking, led him back to his own room.\n\nShe opened the door to find Amafi busy polishing a pair of Tal's boots. The Quegan rose and bowed.\n\n\"Leave us,\" commanded Natalia as Tal entered the room. Amafi threw Tal a look as if asking confirmation, and Natalia's voice rose. \"I said leave us!\"\n\nTal nodded. \"Leave us for an hour,\" he said in Quegan.\n\nAs Amafi moved to the door, Natalia spoken in Quegan as well, \"Make that two hours.\"\n\nAmafi found himself standing outside the door, a pair of Tal's boots in one hand and a rag in the other. For a moment, he stood uncertain of what to do; then he decided the King's boots must need cleaning, so he'd go and find a page and ask directions to where such matters were addressed. Remembering he was to speak only Quegan outside the rooms, he hoped he could find one who might understand him.\n\nTal put down his cards and said, \"Not this time.\"\n\nThe man sitting directly across from him also folded his hand. The man to Tal's right laughed as he raked in the coins. \"Not your night, eh, Squire?\"\n\nTal smiled. \"Can't win every night. Where would be the fun in that, Burgess?\"\n\nTal was playing cards at a modest tavern called the Black Bull, located by the northern gate of the city. It was inhabited mostly by locals and the occasional farmer or miller from up the island staying there.\n\nTal had followed Kaspar's instructions. He had spent the last three nights and two days learning everything about Rillanon he could. As he had suspected Kaspar might, after his first foray into the city Kaspar had peppered him with questions. They ranged from the location of critical intersections, where he had seen soldiers of the Crown, to what sort of people were on the streets after dark.\n\nEach day more exploration and each day more questions. Tal's skills in hunting and tracking and his sense of place and direction served him well. At this point he could probably draw a map of the city and get most of it right.\n\nKaspar informed him he was to continue his explorations until the end of the week, when the Duke's party would be leaving for home. Tal had been to some of the seedier waterfront inns and several of the most luxurious brothels, gambling halls both low and high, and nearly every tavern worth mentioning. His only regret was that Rillanon lacked the dining establishments that were now all the rage in Roldem, so most of the food he encountered outside the palace was unremarkable.\n\n\"Your deal,\" said the merchant.\n\nTal picked up the cards and began his shuffle. He had met Lyman Burgess the night before in a gambling hall down near the central market square, and the affable trader in luxury goods had suggested they meet at this inn. As promised, it was a convivial little establishment with decent food, better drink, and a friendly game of poker.\n\nEveryone tossed in a coin, and Tal began the deal. Burgess had expressed interest in making Tal's acquaintance the night before when he had discovered his identity. While a few others had recognized his name as Champion of the Masters' Court, Burgess had been more interested in his relationship to Duke Kaspar.\n\nBurgess dealt in rare trade items, gems, fine jewelry, ornate statuary, and other items of value. His clientele were the very wealthy and the nobility of the city, including, according to him, the palace, where several of his more extravagant items were on display. He made no effort to hide his interest in making the Duke's acquaintance.\n\nTal looked at his cards and saw no hope in bettering his hand. When it came to his turn to bet, he again folded. He caught indifferent cards as the deck made its way around the table, and it was his deal once more. While dealing out his cards, he glanced around the room. Besides the five of them playing cards, there were half a dozen other men in the room. Amafi was one of them, sitting a discreet distance away, watching everything.\n\nAfter the hand, Tal tossed in a coin and waited for the next hand. As if making conversation, he asked Lyman, \"Do you ever trade down in Roldem?\"\n\nBurgess picked up his cards. \"No, not really. I've sold some items here to Roldemish traders, but have never been there myself.\"\n\n\"You ought to go,\" said Tal, looking at his own cards. He at last had a hand worth betting, so he waited, then called the bet before him. As he tossed in two cards and picked up the replacements, he said, \"Quite a market for luxury goods, I'd say.\"\n\nBurgess looked at his cards. \"So I hear. But it's a hard place to get a foothold. Very old firms with a stranglehold on commerce down there.\" He shook his head. \"This will never do,\" he said, and threw in his hand.\n\n\"I have a friend in Roldem,\" said Tal. \"He's a Kingdom man. He might be able to help.\"\n\n\"Really?\"\n\nTal showed his cards, the winning hand, and gathered in the coins with a chuckle. \"The cards have turned.\" As the deck was passed, he added, \"Yes, he's a trader of some influence in the city, by the name of Quincy de Castle. Perhaps you've heard of him.\"\n\nTal studied Burgess's face. There was a tiny flicker, but Burgess said, \"Can't say as I have.\"\n\nTal knew he was lying.\n\nThe game went on for another hour, Tal neither winning nor losing. By night's end, the two traveling traders had done well, a local merchant had broken even, while Burgess had lost big. Tal had lost only a little. \"Let me buy a drink before we say good night,\" he said to Burgess as the others departed.\n\n\"Fine,\" said the merchant.\n\nTal motioned for the serving girl and said, \"Wine, the best you have.\"\n\nThe girl appeared with a bottle and two goblets, and removed the cork. She poured out a tangy young red, loaded with the flavors of fruit, spices, and oak. Burgess sipped it and said, \"This is good.\"\n\n\"A blend of several grapes, from somewhere near Salador, I guess.\"\n\n\"You know your wines,\" said Burgess.\n\n\"I lived in Salador for a while. It's a familiar blend. If I hadn't been drinking ale earlier, I might even presume to guess which vintner made it.\"\n\nBurgess laughed. \"I've never been much of one for wine. I prefer stout ale.\" Seeing Tal was about to call to the girl, he said quickly, \"But this is good. I'm content to drink it. Especially as you're paying for it.\"\n\nTal took a long sip, then said, \"I could learn to love living here, I think.\"\n\n\"It's a wonderful city,\" said Burgess. \"Though I've never been to Opardum.\"\n\n\"Neither have I,\" admitted Tal.\n\n\"Oh, I thought you were in service to the Duke.\"\n\n\"I am,\" said Tal, taking another sip of wine. \"But only recently. We met in Roldem, after the Tournament at the Masters' Court.\"\n\n\"That's quite an achievement, Tal.\"\n\nTal shrugged. \"Every man has a skill or two. Some of us are more gifted in one thing than another. I'm a good hunter and swordsman. You?\"\n\n\"I'm a successful trader,\" admitted Burgess, \"even if I'm a dreadful cardplayer.\"\n\n\"Married?\"\n\n\"Yes,\" said Burgess. \"My wife is visiting her family in Dolth. That's why I'm out and about the city these nights. The house gets lonely.\"\n\n\"Children?\"\n\n\"A boy. He's in the army, serving in the King's Own.\"\n\n\"That's quite a position.\"\n\nBurgess pushed himself back from the table. \"I've been selling items of art to the palace for twenty years, Tal. I've made some deals that have cost me profit to keep people like Lord Howell happy. My son's commission didn't come cheap, but he always wanted to be a soldier, and I didn't want to see him manning some battlement with the Border Barons up in the frozen north.\n\n\"Besides, if he rises through the ranks, there's a chance for a good marriage, perhaps even the daughter of a noble.\"\n\nTal nodded. \"Ambitious for your son.\"\n\n\"What father isn't?\"\n\nTal remembered his own father. His people had been so different in their outlook on life. For a moment he felt a distressing stab of nostalgia, then forced it down. Dwelling on the past brought only pain. His father was ambitious in the way of the Orosini; he wanted Talon to be a good father, husband, and man of the village.\n\nFinally, Tal said, \"I think you're right. My father wished me to succeed.\"\n\n\"And you have,\" said Burgess. \"You're Champion of the Masters' Court and in service to Duke Kaspar of Olasko. You have a bright future ahead of you.\" Seeing no one nearby, Burgess leaned closer. \"And I can help make it bright for you, Tal.\"\n\nLowering his voice, Tal said, \"I'm listening.\"\n\n\"Without knowing what you're privy to, let's say there are those here in Rillanon who would welcome a friend in Kaspar's court.\"\n\nTal sat back as if digesting the statement. \"You want me to spy?\"\n\nBurgess shook his head and said, \"Nothing of the sort, Tal. I have a desire to be presented to the Duke should I come to Olasko, and if you hear of this or that, something that might gain me and my associates a trading advantage, well, let's say the rewards might prove generous.\"\n\nTal again paused, then said, \"How generous?\"\n\n\"That depends,\" said Burgess. \"If you can get my trading consortium an audience with Duke Kaspar, you'll be well rewarded. If we can arrange for trade concessions, you'll be wealthy.\"\n\nTal remained silent, as if pondering the offer. \"As long as I don't find myself violating my oath to the Duke.\"\n\nBurgess spread his hands. \"We would never consider asking you to do something like that.\"\n\n\"Well, I might be willing to see what I can do.\"\n\n\"Wonderful. My offices are well-known; they are down by the dockside, not too far from the royal docks. Anyone there can direct you to me. Should you decide to cooperate, either come visit or send word. If I am back home with my wife when she returns, one of my associates will be there.\" He stood up. \"Now, Squire, I best be to bed. This has been a pleasant, if costly, night.\" They shook hands, and Burgess departed.\n\nTal waited a few moments, then rose and crossed the room to where Amafi sat. \"Wait, then follow. See if anyone comes behind me,\" he said as he walked past.\n\nAmafi nodded slightly as Tal departed.\n\nTal stepped out into the night air, aware that the city had fallen quiet. There were still plenty of signs of life, but none of the din that accompanied the business of the day. He walked along the cobbled road, heading toward the palace. He was going to be walking alone for at least half an hour, so he set his mind to thinking about what he needed to do next.\n\nEither Burgess was an agent of the Isles' Crown or he was as he said, an ambitious trader, but either way his first concern wasn't serving the Duke or Tal's enrichment. He would have to be carefully dealt with.\n\nHalfway to the palace, Tal realized he was being followed. He kept alert for attack, but none came by the time he reached the palace gates. He identified himself to the guard on duty and informed him that his manservant would be along shortly, and that he didn't speak a word of the King's Tongue. The guard captain said they would send him along, and Tal reached his quarters without incident.\n\nLess than a quarter of an hour later, Amafi entered the rooms. \"Magnificence, it was as you thought. You were followed.\"\n\n\"An agent of the King of the Isles, no doubt,\" said Tal as he removed his boots.\n\n\"No, Magnificence. I recognized the man who followed.\"\n\n\"Who was it?\"\n\n\"Captain Prohaska. The Duke had you followed.\"\n\n\"Ah,\" said Tal. \"That changes things.\"\n\n\"What will you do, Magnificence?\"\n\nTal motioned for Amafi to take away his dirty clothing. \"Why, that's obvious. Tomorrow I will go to the Duke and confess everything. Now, blow out the candle and go to sleep.\"\n\nTal waited as the Duke considered a parchment message that had been delivered by messenger from Opardum. When he put it down, he said, \"You wished to see me, Squire?\"\n\nTal said, \"Your Grace, last night I was approached by someone I believe to be an agent of the King of the Isles.\"\n\n\"Oh, really? Tell me about it, Tal.\"\n\nTal outlined his encounter with Burgess two nights before and his conversation the previous night. When he finished, Kaspar nodded and didn't speak for a moment. Then he said, \"You're probably correct. This man Burgess may be part of Lord Vallen's very capable spy network. Lord James's grandfather established it back during the reign of King Lyam, first in Krondor, then here in Rillanon. It's endured, grown, been refined, and is now the match of the Keshians'.\" He looked out of the window toward the city and added, almost to himself, \"Lacking their resources, I must rely on other solutions.\" Kaspar turned back to Tal, studied him, then went on, \"You acted correctly, informing me of this contact. I would like you to seek out this man Burgess and tell him you are willing to act as interlocutor upon behalf of his trading concern.\"\n\nTal showed his surprise in his expression, but said only, \"Yes, Your Grace.\"\n\n\"It may be this Burgess is exactly who he appears to be, and perhaps some good will come of this; he might actually have some goods that I'll purchase, or perhaps a more beneficial trade arrangement can be made with the Isles than we've had heretofore\u2014they tend to need little of what we have to offer, and many things we need, so trade with them is usually disadvantageous.\n\n\"But it also may be that Burgess is attempting to recruit you as a spy.\"\n\n\"I would never violate an oath, Your Grace!\" said Tal.\n\n\"I know, but while you seem a capable young man, Tal, you have no idea how devious these people can be. This man would probably let you think for some time to come that he was who he claimed, and allow you to provide some information that seemed harmless enough, but eventually, you would find yourself confronted by Burgess, who would then produce some sort of 'evidence' that if put before me would make you look guilty of betraying Olasko. And from that point forward, you would be Burgess's creature.\n\n\"No, let us play this out for a while and see what happens. Eventually it will be clear which of the two men Burgess is, the spy or the trader.\" Tapping his chin with his forefinger, Kaspar added, \"It also might prove useful if he is a spy, for then we can tell him what we want the Isles to know.\"\n\n\"Whatever Your Grace wishes,\" said Tal.\n\nKaspar said, \"We have two more days here, then we are off for Opardum. Keep studying the city and find this man Burgess and do as I said. You may go now.\"\n\n\"Yes, Your Grace,\" said Tal.\n\nTal left the Duke's quarters and hurried to his own. It was barely an hour past dawn, and the city would be bustling. Already he felt sorry to be leaving this fabled city behind, but he had a duty. Reaching his own quarters, he found Amafi waiting for his instructions.\n\n\"Lay out a change of clothing. I'm going to spar with the officers of the Royal Guard, then I'll want a bath. Wait an hour, and order up hot water. Then lunch in the city and more sightseeing.\"\n\n\"Yes, Magnificence,\" said Amafi.\n\nTal closed the door and headed for the Royal Armory.\n\nThe armory had none of the grandeur of the Masters' Court, or even the elegance of the Court of Blades in Salador. It was a drab building near the southern gate of the palace complex, fashioned from stone, with high windows that let in just enough light to keep the hall in a state of near gloom. Five large wheels set with candles were hung from the ceiling and provided additional light.\n\nThe room was filled almost to capacity, as word spread through the palace that the Champion of the Masters' Court would be sparring with the best the Kingdom of the Isles had to offer.\n\nThey cheered when Tal disposed of his third opponent, a gifted young knight lieutenant who pushed him quite hard. Laughing, Tal shook his hand and said, \"Bravo, my friend. Had you been in the last tournament, I wager you might have been in the round of eight! Well done!\"\n\nThe King's Swordmaster, in charge of training the soldiers of the Royal Household Guard, said, \"Squire, I have seen forty years of service under three kings, and while I may have seen swords to match yours, there haven't been many. Thank you for the entertaining and instructive display.\"\n\nThe assembled officers cheered, and for an odd moment, Tal felt a kinship with them. He was not from the Isles, yet so long had he worn the false colors of a noble of this nation he felt almost as if he were one of them. He lifted his sword in salute, then bowed his head. \"You honor me, Swordmaster.\"\n\nThe officers began to disperse, and Amafi handed Tal a towel. \"Your bath is ready,\" he said in Quegan.\n\nAnother voice from behind, also speaking Quegan, said, \"Isn't the plumbing here in Rillanon wonderful?\"\n\nTal turned to see Lord James approaching. He bowed. \"Your Grace.\"\n\nIn the King's Tongue, James said, \"I have a lot of dealings with Queg. It helps to speak the language.\" He glanced at Amafi. \"How did you come to have a Quegan manservant?\"\n\n\"It's a long story, Your Grace,\" said Tal.\n\n\"Some other time, then,\" said James. \"You're quite remarkable with that sword, young sir.\"\n\n\"Thank you. It's a gift, and I really take no more pride in it than a bird does in singing. It's something I can do.\"\n\n\"Modest?\" The Duke raised his eyebrows. \"Surprising. Most young men would be howling to the moon over their achievements. But then, you're not like most young men, are you, Squire?\"\n\n\"I don't take your meaning, sir.\"\n\nIn Quegan, James said to Amafi, \"Go ahead and prepare your master's bath. I shall see he comes to no harm.\" The servant glanced at Tal, who nodded once; Amafi bowed and left them. By now the rest of the officers had departed, and they were alone in the armory. \"Let's have a talk, shall we?\"\n\n\"I am at Your Grace's service.\"\n\n\"Not really, since you serve Duke Kaspar. Come, I'll walk with you a ways.\" They left the building, and as they crossed the yard, James asked, \"How is it you have a Quegan assassin as a bodyguard, Tal?\"\n\nTal tried not to look surprised. \"Assassin?\"\n\n\"Petro Amafi is not unknown to us. In fact, there's a warrant out for him in Salador. Did you know that?\"\n\n\"No,\" said Tal honestly. Now Amafi's desire to take service with Tal made a great deal more sense.\n\n\"I would have him arrested, but as part of Duke Kaspar's company, he benefits from a certain diplomatic immunity. I trust you're taking him with you when you depart?\"\n\n\"Yes, of course.\"\n\n\"Good. He's not the only one who isn't what he seems to be,\" said the Duke as they walked across the empty parade ground.\n\n\"Your Grace?\"\n\n\"Whoever you are, my young friend, your papers don't bear scrutiny. I've seen your patent of nobility, and it's perhaps the best forgery ever, but it's still a forgery.\"\n\nTal attempted to look shamefaced without looking guilty. \"As I said to His Majesty, Your Grace, how my father got the patent accepted I don't know. I have never traded upon the rank, and I've never attempted to collect rents from anyone on those estates.\"\n\nJames laughed. \"A good thing, as your 'tenants' consist of frogs, mosquitoes, blackflies, swamp pigs, some poisonous snakes, and a few smugglers. It is as you said, worthless swampland near Ylith.\n\n\"I don't know who put those patents in the hall, your father or someone else. Either way, I now face something of a dilemma.\"\n\n\"What would that be, Your Grace?\"\n\nJames stopped as they reached the steps leading into the heart of the palace. \"The King acknowledged your rank in front of witnesses; whatever the origin of those patents, they are now as valid as if his father had bestowed them upon your father.\n\n\"Moreover, you are something of a hero here in the Isles. You are the first Islesman to be Champion of the Masters' Court.\n\n\"Lastly, if you were staying in Rillanon, I would ask Lord Vallen to keep a close watch on you, but you're not. You're leaving in two days for a very distant city.\n\n\"But I can't help but thinking you may be a very dangerous man, Tal. My grandfather taught me to appreciate what he called his 'bump of trouble,' that itch on the back of his neck that told him something was wrong. And you, sir, make my neck itch.\n\n\"So, should you ever return to the Isles, expect to be watched very closely. And should you ever return to the Western Realm, expect that I'll be watching you closely, Talwin Hawkins, Squire of Morgan River and Bellcastle, Baronet of Silverlake.\n\n\"Because there is one fact I can't seem to get my mind around.\"\n\n\"What would that be, Your Grace?\"\n\n\"You're reputed to have been a Bannerette Knight Lieutenant for the Duke of Yabon. But my old friend the Duke can't find one man who remembers serving with you. Odd, isn't it?\"\n\nSeeing no easy way out, Tal said, \"Well, Your Grace, while the patent was my father's invention, truth to tell, the claim of service was my...embellishment, if you will.\"\n\nThe Duke said nothing for a long moment, merely looking at Tal. Then he said, \"Good day, Squire.\"\n\n\"Good day, Your Grace,\" said Tal as Lord James walked away.\n\nTal exhaled slowly. He couldn't help but feel that he had come very close to a disastrous encounter. But he didn't find any comfort in having avoided it, for he now was under the scrutiny of Lord James of Krondor, and everything Tal had seen of the old noble convinced him the Duke was a very dangerous man.\n\n## Seven\n\n## Oath\n\nThe ship beat against the waves.\n\nThe Dolphin raced north by northwest, heeling over on a close haul against a southbound autumn squall. The rain bit through the oil-soaked canvas cloak, and Tal found his tunic clinging to his skin, but he could not take another minute in the close quarters assigned to him and Amafi. Sailors huddled miserably in the lee of whatever shelter they could manage, waiting for the call to trim sails, as the ship was about to swing to a westerly tack.\n\nThe call came, and Tal watched in fascination as barefoot seamen scrambled aloft or hauled on sheets to move booms and yards. The ship came around with a shudder and a groan of wood, then settled into another rhythm as the sails took what they could from the wind and the rolling waves struck the hull from another angle.\n\nThe sky was a canvas of roiling clouds, all black and grey, and Tal wished he could fix the image in his mind, for to paint the subtle differences would be an achievement. All his life he would have said that during a storm the sky was a uniform grey, but now he realized that at sea the rules were different.\n\nThen he saw the light.\n\nTo the west, a shaft of light broke the gloom as a single ray of sunlight cut through, and at that moment, he felt the rain lessen. Within minutes the sky began to clear, with patches of blue appearing in the west. A sailor nearby said, \"We're through the squall, Squire,\" and started to gather up rope off the deck.\n\n\"That was something,\" said Tal.\n\n\"Not really. You ought to try tacking through a big blow, say a week or more in the teeth of a gale. Or a day and night running from a hurricane. Now, that's something to remember.\"\n\nWith a grin, Tal said, \"I think I'll find another way to amuse myself.\"\n\nScrambling up the ratlines, the sailor said, \"Suit yourself, Squire.\"\n\nAs the storm abated, the breeze turned warmer, or at least with the absence of rain it felt that way to Tal. The ship seemed to ram through the water, a low, rolling motion that reminded Tal of a cantering horse, up and down. The rhythm gave him the illusion of riding into sight of Opardum's towers.\n\nWhile Rillanon was the most spectacular city he had ever seen from the deck of a ship, Opardum was impressive.\n\nHe caught a glimpse of it as the weather broke and the lookout aloft cried, \"Land ho!\"\n\nThe ship heeled over, and they were suddenly on a southwestern tack, reaching straight for the city with a following wind. Directly ahead Tal saw a brilliant sundrenched morning revealed as the clouds above blew away, like so many curtains being pulled aside.\n\nTal knew the geography of this region from the maps he had studied, but those lines of ink on parchment did little to prepare him for the sight that lay ahead. He knew that the southeastern corner of Olasko was a network of islands and waterways, with only one habitation of any size, the port city of Inaska. Hundreds of villages dotted the thousand or more islands, which rested in what was in reality the mouth of the Anatak River. The rest of the islands were lush plantations of fruits, cotton, and flax, intercut by glades full of exotic trees and animals, and a few hills high enough to encourage dryland faming. But on the north shore of the river, above a small but thriving harbor, rested Opardum.\n\nThe city seemed to be carved out of the face of the mountain, which was an illusion, Tal knew, as they raced toward the harbor. But from the sea, it looked as if a jumble of spirals and towers had sprouted out of the rock face of a mountain thousands of feet in the air.\n\nTal knew from his reading that the mountains were really a massive cliff, and at the top a relatively flat grassland ran downhill for a dozen miles to the west. There a series of fault lines cut canyons and crevasses across the entire region, making use of that land impossible to anything that couldn't fly to reach it. Beyond that jumbled landscape lay vast grasslands and woodlands, still wild for the most part, until the city of Olasko Gateway was reached.\n\nThe ship's captain called out orders, and sailors scrambled aloft to reef sails. Amafi came up on deck. \"Magnificence, I brought you a dry coat.\"\n\nTal slipped off the soaked oil-treated canvas covering he wore, and thankfully took the dry coat. Amafi asked, \"This, then, is our new home?\"\n\n\"Yes,\" said Tal, \"and you must learn to speak the local tongue.\"\n\nThe language of the region was similar to Roldemish, as settlers from that island had founded the various nations that comprised the Eastern Kingdom. The exception was the Duchy of Maladon and Simrick, which had been settled by men from the Kingdom city of Ran. They spoke both the King's Tongue and a local dialect of Roldemish.\n\nTal said, \"It's Roldemish to all intents and purposes, but it has local idioms and some different words. You'll learn quickly, understood?\"\n\n\"Yes, Magnificence,\" said Amafi.\n\nAs they began the final tack into the harbor, the ship slowed as the captain turned into the wind. Drawing closer to the city, they could see details begin to emerge in the bright light of day.\n\n\"The calm after the storm, as they say,\" said Lady Natalia from behind them.\n\nTal turned and grinned. \"I believe the expression is the calm before the storm, m'lady.\"\n\n\"Whatever the case may be,\" she said. \"Home.\"\n\nTal conceded that it might be home to her, but to him it was just another alien place. The harbor beckoned, and inbound ships gave way to The Dolphin, for she flew the ducal banner. Compared to Rillanon, Roldem, Salador, or even Krondor, it was a small harbor. Behind it the city was relatively flat, then suddenly rose up on an incline, an almost evenly sloped face of soil and rock that had been terraced over the years and connected by ramps and streets. Then suddenly the citadel rose up behind, hard against the cliff face, and from what Tal had been told by members of the Duke's retinue, dug back deep into the rock.\n\nIt struck him as incongruous that the original builders had chosen to use a white or very light grey stone to fashion the place, for it stood out dramatically against the darker colors of the cliff.\n\nThe citadel was massive, rising ten stories above the foundations, as far as Tal could judge, and surrounded by a wall of less than half that size. At the corners, towers rose another twenty or so feet, so that overlapping archer fire could stop anyone coming up through the city to the citadel.\n\nTal turned his attentions away from the city itself, looked toward the south. He could make out little of the southern islands at this distance, save what looked to be brown smudges on the horizon.\n\nNatalia put her hand on his shoulder and said, \"We shall have fun, Talwin.\"\n\nHe patted her hand, somewhat distracted by the events of the last two days in Rillanon. He had followed Kaspar's instructions and located Burgess, for whom he had promised to intercede with the Duke. The trader would arrive in Opardum in a month or so with samples of trade goods, seeking concessions and licenses.\n\nBut something didn't feel right. No matter what he said, Burgess just didn't ring true as a merchant trader, the way Quincy de Castle did. De Castle might be an agent for the Crown of the Isles, but he was truly a trader. Tal had played cards with too many merchants, as well as gained some insights into their nature by reading the biography of Rupert Avery, but Burgess was something else. Under that apparently soft exterior, Tal was certain he was dangerous.\n\nThe ship rolled into the harbor, and unlike the Kingdom cities or Roldem, no pilot came aboard. The captain simply directed the ship to the Duke's personal slip, at the far end of the quayside, closest to the most direct road to the citadel.\n\nWith years of practice, the captain saw his ship safely into its berth, and by the time the lines had been tied, the ship made secured, and the gangplank run out, the Duke was on deck, ready to depart. He hurried down to his waiting carriage, followed by his sister and his senior captains.\n\nTal followed in the third carriage, along with a Lieutenant Gazan, whom he knew only slightly, and a junior clerk who had come to the dock to give the Duke messages his staff felt needed his immediate attention. Amafi rode above, on a small bench behind the carriage, next to the coachman.\n\nBy the time they departed for the citadel, Tal was genuinely curious about Opardum. He considered his expectations about the place might have been colored in part by his attitude toward Kaspar. While affable enough on the surface, the Duke was a man without scruple, capable of wholesale murder. For that reason, perhaps, Tal had expected the city to be a somber, even dour place. In the midday sunshine, it looked anything but.\n\nBroad-bottomed skiffs plied the harbor, running small loads of cargo to and from ships. Smaller trading vessels up from the southern islands deposited their wares on the quay. As the carriage rolled through the city, Tal saw that most of the buildings were whitewashed, made brilliant by the sun, and the roofs were mainly of colorful clay tiles of red or orange. Many small temples dotted the squares, which were centered around graceful fountains. Traders hawked their wares in the markets, and many shops were thronged with customers. By all appearances Opardum was a prosperous, thriving, and busy city.\n\nThey passed over a canal, and Tal saw more signs of commerce, as riverboats just off the Anatak River were slowly maneuvered through a series of locks by polemen labouring on the decks, heading for the harbor quays for loading and unloading. Olasko had two cultivated regions, the islands to the south, and the great rolling mead-owlands and hills between Olasko Gateway and the border with the Principality of Aranor. Most of the land between Opardum and Olasko Gateway was forest and wild prairie, very dangerous to cross, so most commerce between the two cities was by the river.\n\nThey reached the citadel and entered the main gate, but had turned at once to the right, moving around the side of the old bailey past what looked to be a parade ground to what was obviously the stabling area. A huge carriage house and stables large enough for perhaps fifty or more horses were snug against the outer wall.\n\nGrooms ran out to take the horses while the coachmen opened the door. A page sought them out, asking, \"Are you Squire Talwin?\"\n\n\"Yes.\" Tal glanced around, realizing that Kaspar and Natalia were already up the stairs and into the citadel.\n\nThe boy smiled and said, \"I am Rudolph, Squire. I am to guide you to your quarters.\"\n\nTo Amafi, Tal said, \"See to the luggage,\" and turned to follow the boy.\n\nRudolph was a lad of about eleven or twelve years of age, from what Tal could judge, handsome in his palace togs of red leggings and a black tunic. The crest of Olasko, a charging boar of silver on a field of black, was sewn above his heart.\n\nThe boy moved quickly, and Tal had to hurry to keep up. \"You'll like your quarters, Squire,\" said the lad. Moving purposefully on, he barely gave Tal time to take note of his surroundings.\n\nThey entered a side entrance to the citadel, one that Tal assumed the Duke preferred, which meant it was probably close to his personal quarters. Tal took note of landmarks, which door they entered, the corridors they used, what stairs they climbed, and while he had a rough sense of where he was by the time they reached his quarters, he was certain he had a good chance of getting lost for a while if he ventured out on his own.\n\nThe suite was comprised of a full four rooms. A sitting room with large windows greeted Tal as he entered. It was decorated with tapestries to minimize the cold from the stone walls, a fine carpet, and several tables and chairs. He could entertain up to six people here in comfort, he judged. A big fireplace rested between two other doors.\n\nTo the right, Rudolph showed him a large bathing room, with a drain in the center of a tiled floor. A brass tub sat nearby and there was a pair of seats, as well as a particularly well fashioned mirror. \"A barber will call upon you every morning, sir, if you wish.\"\n\n\"I prefer to let my manservant shave me,\" said Tal.\n\n\"I'll mention that to the housecarl, sir.\"\n\nHe then showed Tal the bedroom, which had a low but huge bed, with multiple comforters, many cushions and pillows, and a smaller fireplace, which Tal judged must share the chimney with the one in the sitting room. A door to the right led to a small room, which also had a door onto the sitting room. It was a servant's room, and would be given over to Amafi.\n\nOn the left was one more door, which led to another, smaller bedroom, which Tal assumed meant that once a family with children had occupied these apartments. He said to Rudolph, \"Thank you. I think I shall be fine now. Make sure my servant arrives with my luggage.\"\n\n\"Yes, Squire.\" The lad moved to the door to the hall and asked, \"Is there anything you require before supper, sir?\"\n\nTal judged supper to be several hours away. \"I wouldn't mind a bit of a tour of the citadel.\"\n\n\"I can arrange that, Squire. I've been detailed to be your page until you're at home. I'll run to the housecarl and tell him about the shaving, sir\u2014I mean about you preferring to have your manservant shave you\u2014then I'll be straight back.\"\n\n\"Not too straight,\" said Tal. \"Say an hour after my luggage arrives. I need to bathe and change out of these travel clothes.\"\n\n\"Very well, sir. I'll have hot water sent up straightaway.\"\n\n\"Good,\" said Tal, taking a liking to the affable boy.\n\n\"The Duke will expect you at supper, Squire, so we must be back in time for you to change again.\"\n\nTal raised an eyebrow in question, but said nothing.\n\nReading the gesture, the boy said, \"His Grace always has a gala when he returns home, so something festive is in order.\"\n\n\"Very good. Come back when I've finished cleaning myself up.\"\n\nThe boy stepped into the hall. \"Here comes your man with the luggage now, sir,\" he said. \"I'll be back in an hour.\"\n\nAmafi showed the porters where to put the two large bags, then dismissed them. Then he glanced around the rooms. \"Very nice, Magnificence.\"\n\nTal said, \"Get used to it. It's home for a while.\"\n\nBut inside he knew it would never be home, and he knew that he had to blend in and become one of Kaspar's creatures, or his long-term plans for the Duke's destruction would never succeed. But he couldn't help but feel that he had walked straight into a trap, like a wild bull charging into a net with a band of hunters just out of sight.\n\nTal followed Rudolph as the boy scampered up yet another flight of stairs. Tal was working diligently at memorizing every hallway, flight of stairs, and significant room in the citadel. He was drawing a map in his mind.\n\nThey reached a landing where stairs headed down in two directions, to the right and left, and Tal said, \"That way leads back to my quarters.\" He was pointing to the right.\n\n\"Yes, Squire. Very good,\" said the boy with a grin.\n\n\"Where does that lead?\" He pointed to the left.\n\nThe boy said, \"I'll show you,\" and they were off.\n\nFor almost two hours they had been exploring the vast edifice that was Opardum's citadel. Tal believed the boy when he said that between the extra rooms, outer buildings inside the wall and some of the older tunnels into the rock, the entire population of the city might take shelter there if the need arose. The place was massive. For some reason the Dukes of Opardum had over the years felt the need to keep adding to the citadel.\n\nHalf an hour later, they reached a hallway and Rudolph stopped. They had just passed the large hall that led to the Duke's great hall and his private quarters, a vast apartment comprised of more than a dozen rooms. Rudolph said, \"Down this hall is a stairway, Squire. No one is allowed to go there.\"\n\n\"Really?\"\n\n\"Yes. The Duke is most emphatic on that subject.\"\n\n\"What's up there?\"\n\n\"Leso Varen,\" whispered the boy, looking as if even speaking the name frightened him.\n\nTal pretended ignorance. \"Who or what is a Leso Varen?\"\n\nThe boy took Tal's hand as if to pull him along. \"We need to keep moving. He's an advisor to the Duke. He's supposed to be a wizard, everyone says. He looks like everyone else, but...\"\n\n\"But what?\"\n\n\"I don't like him,\" said the boy again in a whisper. \"He scares me.\"\n\n\"Why?\" said Tal with a laugh, as if trying to make light of it.\n\n\"I don't know, Squire. He just does.\"\n\nTal feigned indifference, but he marked the entrance to Varen's quarters clearly in his mind. Then a faint aroma came to him, and his eyes widened. He recognized the scent, the particular perfume and the hint of the skin that it had touched. Alysandra! Or Lady Rowena, as she was known here. The other agent of the Conclave of Shadows, a woman of cold calculation and remarkable beauty. What had she been doing near the magician's lair?\n\n\"We should start back now, Squire,\" said Rudolph, bringing Tal out of his reverie with a solid yank on his hand. \"We need to make sure you're ready for the Duke's gala.\"\n\nTal nodded as Rudolph released his grip on Tal's hand and Tal fell in behind the boy. From what he'd learned of the citadel thus far, Tal knew the lad was taking a circuitous route back to his quarters to avoid passing by the hall leading to the wizard's quarters. As he followed, his mind returned to the question of what Rowena had been doing in the company of Leso Varen?\n\nTal had been astonished to discover new clothing waiting for him. Amafi had laid everything out. The jacket was sewn with seed pearls and what appeared to be garnets, on a fabric of lavender hue. The leggings were white, and a pair of ankle boots with silver buckles stood by the bed. A new belt for his sword from the King of the Isles completed the ensemble. There was no hat, so Tal went bare-headed.\n\nThe Duke's hall was huge, almost as large as the King of Roldem's. Tal recognized that once this had been the central keep of the citadel, a huge single room in which an ancient noble and all his retinue once lived. A massive fireplace housed a huge fire behind the Duke's chair, far enough away that Kaspar and those at his table were comfortable. The Duke's table sat on a raised platform; two lower tables running perpendicular to the head table, forming a U. From his elevated vantage point, Kaspar could see every guest at his table. Sitting at Kaspar's right hand was Natalia, and at his left was the Lady Rowena. Tal caught Natalia's eye and smiled slightly, but purposely ignored Rowena, though he marked her. Once again he found himself amazed at her ability to be whoever she wished to be, and yet at the same time the beautiful girl who had beguiled him on Sorcerer's Isle, overwhelming him to the point of his thinking he was in love with her, only to discover she was completely without compassion or affection. Now, effortlessly, she was a lady of Kaspar's court, a lovely trophy for the lord's arm, and one who enthusiastically shared his bed. Tal wondered if it was possible that Kaspar suspected the woman he bedded was one capable of plunging a dagger into his throat without feeling an echo of remorse. Probably not, Tal concluded. For if he had, Rowena would be dead already.\n\nTal was escorted to the left flanking table near the Duke. He sat next to a man of middle years who introduced himself as Sergey Latimov, the Duke's Assessor, or collector of taxes.\n\nThe dinner went on quietly, without the entertainers in other courts. As the last dishes were being removed, Duke Kaspar stood up. \"My friends,\" he said, loudly. \"There is an addition to our company I would now like to introduce. He is a clever young man of many talents who will be an asset to Olasko. Squire Hawkins, please stand.\"\n\nTal stood, and Kaspar said, \"It is my pleasure to introduce you all to Squire Talwin Hawkins, late of the Kingdom of the Isles and Champion of the Masters' Court in Roldem. Tonight he enters our service.\"\n\nThere was a polite round of applause. Lady Rowena displayed just the right amount of interest, then returned her attention to the Duke. Tal noticed one significant member of the Duke's table was not applauding. Special Captain Quint Havrevulen, most senior of Kaspar's officers, sat silently, observing the young stranger. As Tal resumed his seat, he wondered if the Captain's lack of enthusiasm stemmed from a general dislike of Islemen or because at the Masters' Court Tournament he had killed one Lieutenant Campaneal, Havrevulen's aide-de-camp.\n\nAs the meal ended, Kaspar stood up, and said, \"Squire, please attend me.\" He walked away from the table, leaving the Lady Rowena unattended.\n\nTal nodded to Amafi\u2014who had stood behind his chair throughout the meal\u2014to return to their quarters, then hurried to the Duke's side. Kaspar put a large hand on Tal's shoulder and said, \"Now is as good a time as any to get the matter of your oath taken care of. Come with me: there's someone I want you to meet.\" Over Kaspar's shoulder, Tal could see Natalia's expression was drawn as if she were concerned.\n\nTo Tal's surprise, no servants or guards accompanied them as Kaspar led Tal through a series of hallways. Then Tal saw they were at the flight of stairs that Rudolph had said were forbidden. Kaspar said, \"This area of the citadel is not to be entered unless you are summoned by myself, Squire. Is that understood?\"\n\n\"Yes, Your Grace.\"\n\nThey climbed the stairs and went down a hall to a large wooden door. Without knocking, Kaspar opened the door and motioned for Tal to enter.\n\nThe room was large but sparsely furnished, containing just one table and a chair. Tapestries covered the wall against the cold, but otherwise the room was without comfort. A fire burned in a large hearth, and three men were waiting.\n\nTwo were guards, who quickly came to stand on either side of Tal and grip his arms. \"Tie him in the chair,\" said Kaspar.\n\nTal realized the futility of resisting, and let himself be lashed to the chair as the third man came to examine him. He was slender, of middle height, with long dark hair that reached past his shoulders. His face was almost pinched, with a prominent nose that would have dominated his face had it not been for his eyes. The eyes were black, and something in them made Tal fearful. The man came to stand before Tal, and said, \"Hello, young man. Duke Kaspar says you are a talented lad with great potential. I certainly hope so.\" He looked past Tal at Kaspar for a moment, then back at Tal. \"Because if you are not, you will not leave this room alive.\"\n\nHe turned his back on Tal and went to the table. He picked something up and returned to stand before Tal. \"Shall we begin?\" he asked the Duke.\n\nTal sat motionless. Behind him Duke Kaspar said, \"Begin.\"\n\nSuddenly there was a faint buzzing sound in Tal's ears, just at the edge of being recognizable. It sounded like the distant murmuring of voices. He found his eyelids growing heavy and he felt his body become heavy, as if he were on the verge of sleep.\n\nThen a voice said, \"Your mind is mine, and you may not hide any falsehood.\"\n\nTal felt an oddly familiar tingling along the base of his scalp, just above his neck, and recognized the use of magic. He had known such a sensation many times at Sorcerer's Isle as he had been subjected to many different types of magic spells. He could only trust that whatever Pug, Miranda, and Magnus had done to him over the time he was there would see him through this ordeal.\n\nDuke Kaspar came to stand within Tal's field of vision. \"Do you, Talwin Hawkins, swear an oath upon your life, to serve me and my line until such time as you are released by me? Do you serve freely, without reservation, emendation, or subterfuge? Do you offer your life if false?\"\n\n\"I do,\" said Tal, and his voice felt thick in his own throat. He thought of his father, near a fire late one night, and the words that he could still recall. \"Never offer an oath lightly. For you pledge not only your life and sacred honor, but your people's honor as well. To break an oath is to be without honor, to be without a spirit, and to be apart from the people.\"\n\n\"I do,\" he repeated.\n\nAfter a moment, the strange sensations vanished and the odd-looking man said, \"He offers his oath truly.\"\n\n\"Good,\" said the Duke. \"Untie him.\"\n\nTal sat rubbing his wrists for a moment as the Duke said, \"I have many enemies, Tal, and my enemies have many agents. You wouldn't be the first of those to seek my service.\" He smiled. \"I had no doubt you would be found to be a man of your word.\" Turning, he said, \"This is my most trusted advisor, Leso Varen.\"\n\nThe man inclined his head politely, but his eyes were fast upon Tal. \"You are an unusual young man, Squire,\" he said.\n\nTal stood up. \"Thank you, sir.\"\n\nThe Duke waved the guards away and took Tal by the arm. Steering him toward the door, he said, \"Go now and rest for the night. I have business here with Leso. Tomorrow we have some tasks to set you on.\"\n\n\"I thank Your Grace for the opportunity to serve.\"\n\nWith a laugh, Kaspar opened the door and said, \"Don't be so quick to thank me, young Hawkins. You haven't heard the tasks yet. You may not be so grateful when you see what plans I have for you.\"\n\nWith that, he ushered Tal through the door and closed it behind him. Tal set off down the stairway, thinking that whatever might have been said, Leso Varen had reservations, expressed in his eyes, if not his words. He would have to tread carefully around the magician, Tal knew.\n\nStill, he had endured the first trial and was still breathing, and as it was said, so far, so good.\n\n## Eight\n\n## Task\n\nTal slogged through the swamp.\n\nA company of Olasko soldiers wearing knee-high boots and heavily padded jackets were trudging through calf-deep water. Kaspar had given Tal his first task the month before; by fast ship go to Inaska and dispose of a band of smugglers who are causing problems for the local merchants. They were also pirates, Tal discovered after two days in Olasko's southernmost city. He had spent hours in seedy taverns and seedier brothels, but after two weeks of spreading gold around he had got the information he needed.\n\nHe had presented himself to the garrison commander at Inaska, shown his warrants from the Duke, and handpicked the twenty men who now were working their way toward the smugglers' camp. Leading the locals was a sergeant who seemed to be the toughest of them, a snakeeater named Vadeski. He had a forehead like an anvil and a jaw that jutted like the ram on a Quegan war galley, and his shoulders were as wide as the Duke's, though he was a full head shorter. Tal had seen his type in many a tavern: a brawler, a bully, and, probably, a murderer, but he was exactly the type of man Tal needed for a thankless job like this.\n\nThe other men had all been either trappers or hunters at one time, for Tal knew he would need men familiar with the local area. For the first time in his life, Tal found himself feeling lost. He had hunted in the mountains and lowland forests and across grasslands, but never in the swamps.\n\nThey had taken a boat from Inaska to a village called Imrisk, where they had secured provisions and commandeered a pair of large shallow-draught boats. Those had been paddled to the windward side of the island, opposite where the pirates had their camp.\n\nTwo small coast-sailers were reputedly anchored on the lee side, along with a dozen or more of the shallow-draught boats identical to the ones Tal's men used. Tal expected no more than thirty smugglers to be in camp. A quick attack, take some prisoners for questioning, fire the boats and base\u2014such were his plans.\n\nHe motioned for Vadeski to hold the men in place, telling him, \"I'm going to scout ahead.\"\n\n\"Yes, Captain,\" answered the sergeant.\n\nTal moved through alien-looking trees with their underwater roots, having no idea what they were called. He kept his eyes busy, looking for danger, human or otherwise. The swamp held many predators\u2014alligators, lizards, and especially a ferocious big cat\u2014most of which would give the soldiers a wide berth, but there was also a particularly deadly water snake that had no fear of men.\n\nWhen he saw dry land ahead, he climbed out of the water, moving as silently as possible to a rise before him. He smelled the faint tang of smoke. Glancing over the rise, he saw a long depression running for nearly a quarter of a mile to another ridge. From the other side he saw the smoke from campfires, a faint haze against the sky, being blown away by the wind.\n\nHe returned and motioned for his men to follow, and led them down the shallow gully. At the far end, they halted, and Tal signaled for them to wait. He peered over the rocks and saw the pirates' camp. Then he sat down and swore silently. He beckoned for the sergeant to join him, and when the old veteran was at his side, they both took a look.\n\nTal counted close to ninety or a hundred men, three large sailing boats riding at anchor off the beach, and more than a dozen of the shallow smugglers' boats.\n\n\"See those?\" said Vadeski, whispering in his ear, pointing to the boats. \"They come rippin' out of the islands and swarm ya. If'n they can, they'll offload all the goods, then fire the traders' boat to the waterline. Those three big'uns are to haul plunder.\"\n\n\"How often do they move to new camps?\"\n\n\"All the time,\" said Vadeski.\n\nTal sat down quickly. Then he led the men back to the other end of the gully. When they were safely away from the camp, Tal said, \"Who is that lying bastard who told us there would be about thirty or so smugglers here, Sergeant?\"\n\n\"Jacos of Saldoma; he's a trader o' sorts, Captain,\" answered the sergeant.\n\n\"Remind me to have him flogged when we get back, assuming we get back. There are close to a hundred men in that camp.\" He turned and did a quick inventory. He had twenty men, and only four crossbows.\n\n\"Five to one ain't all that bad, is it?\" said the sergeant with a grin.\n\n\"Only if we have an advantage,\" said Tal. \"Let's head back to the water's edge in case one of those lads decides to come over that rise to take a piss, and we can ponder this.\"\n\nTal knew that to return for more men would be a waste of time. The smugglers moved their camp on a regular basis, so he assumed they'd scout around every once in a while. There was no way any experienced scout would miss the signs of twenty-one men down in that gully and on this beach. He glanced down as they reached the water's edge.\n\n\"What's this?\" Tal asked, kneeling. The shore was covered in a crushed white substance that didn't look like sand or rock.\n\nOne of the others said, \"Looks like broken shells, Captain.\"\n\n\"Shells?\"\n\n\"Swamp oysters,\" said another. \"They're common enough around here. Not much for eating unless you're starvin', but some do.\" He pointed. \"Look over there.\"\n\nTal looked where the man indicated and saw a large mound of shells. Something started nagging at him. He remembered something about oyster shells but couldn't recall what.\n\nThey walked over to the pile, and he said, \"Someone put these here.\"\n\n\"Probably lookin' for pearls,\" said the first man who spoke. He picked one up. \"Got a pearl ain't worth much, not like those that come from the sea, but some'll buy 'em. All kind of blokes range though these swamps, set up camp, abide a while, then move on.\"\n\nTal was motionless as he held the shell. Then he asked, \"What happens when you burn these?\"\n\n\"You get a white ash,\" said another man. \"Did it all the time in my village. I grew up in these islands, Captain.\"\n\n\"White ash?\" asked Tal, thinking. \"What do you use the ash for?\"\n\n\"Well, me mum made soap by mixing it with tallow. Nasty stuff'll take the skin right off you if you leave it on too long, but it'll get your face and hands clean enough. Good for clothes, too, if you get it all out. Otherwise, it'll eat a hole in a shirt.\"\n\nTal grinned. \"Now I remember. Something I read a while ago!\" He motioned to the sergeant. \"Set two pickets at the near end of the ravine. If they see anything, tell them to come running.\" Vadeski detailed two men to do as ordered. Tal then said, \"Start a fire, there.\" He pointed to a spot just above the water. \"Start gathering shells,\" he instructed the other men. \"As many as you can find. Then empty out your kits.\"\n\nThe men did as ordered, dumping the contents of their backpacks on the ground. They gathered shells, then once the fire was going, Tal started dumping shells into the flames.\n\nThey let the fire burn throughout the afternoon, and Tal watched as a huge pile of ash formed. As the sun lowered in the west, Tal said, \"We attack at sundown. The evening breeze should be at our backs, right, Sergeant?\"\n\nVadeski said, \"Right, Captain. Wind's pretty constant across these islands. Still as the grave at sunrise, nice little zephyr every sundown.\"\n\nTal said, \"We've got dirty work ahead, Sergeant.\"\n\nWith a grin that was positively evil, Vadeski said, \"That's the kind I like, Captain!\"\n\nTwenty-one men crouched below the top of the rise. Tal peered over and saw that the pirates were gathered around a large cookfire or lounging nearby. He signaled to his men, and they spread out along the low ridge, two crossbowmen in the center, one each at either end of the line.\n\nHe had given clear instructions to his men; now he had to wait for the wind to freshen. As the sun touched the horizon, he felt the breeze pick up. He nodded and spoke in a quiet tone. \"Now.\"\n\nHis men stood. They waited until one of the smugglers saw them, and shouted. The smugglers all grabbed up weapons and made ready for an attack. Tal had ordered his men to hold their ground.\n\nThe two groups stood motionless, facing each other, until Vadeski shouted, \"Well, what are you waiting for, you ugly buggers?\"\n\nThe pirates shouted and charged. The distance from the beach to the rise where Tal waited was less than a hundred yards, and most of it was slightly uphill. Tal waited until the first smuggler was only twenty yards away, then shouted, \"Now!\"\n\nThe men picked up their backpacks and started throwing handfuls of the white ash into the air. It was picked up by the wind and blew into the eyes of the attackers. Suddenly men were dropping their weapons and screaming in pain.\n\nThe four crossbowmen fired, and four of the pirates went down. A few of them kept their eyes covered, and managed to get to the line, where they were quickly cut down by Tal's men. Of the ninety or more charging pirates attacking, only a dozen reached Tal's line, all dying quickly.\n\n\"Now!\" shouted Tal, and the soldiers dropped their packs and charged. There wasn't much fight left in the pirates, as many of them were blind. Tal shouted, \"Get me some prisoners!\"\n\nTal leapt among the smugglers, many of them flailing about wildly with their swords, doing more damage to their companions than to any of Tal's men.\n\nIn less than ten minutes, the slaughter ended. Tal had only two wounded men, both with superficial cuts, and four prisoners who were sitting down by the boats trying to wash out their eyes with wet rags.\n\nSergeant Vadeski approached. \"Captain, there's somethin' you should see.\"\n\nTal followed him to where his men were digging graves for the dead. \"What is it?\"\n\n\"Look at the feet,\" said the Sergeant.\n\nTal did so and noticed that a full dozen of the corpses were wearing boots. \"Those aren't sailors.\"\n\n\"No, sir,\" said the sergeant. He bent over the closest man with boots on and pulled open his shirt. \"Look at this, sir.\"\n\nUnder the dead man's shirt was a pendant. \"Bet you'll find the same as this on the others, sir.\"\n\n\"What is it?\"\n\nVadeski pulled it off the man and handed it to Tal. He looked closely and saw that the medallion was embossed with the head of a roaring lion. \"It's worn by the Black Lions, sir.\"\n\nTal shook his head. \"I don't understand.\"\n\n\"The Black Lions are a special group, sir. Soldiers workin' for the Prince of Salmater. These ain't pirates, sir, but soldiers come across the border to do mischief.\"\n\nTal looked at the four prisoners and saw that one of them was wearing boots. He went to stand over the man and nudged him with his foot. The man looked up and blinked. \"I think I'm blind.\"\n\n\"Most likely,\" said Tal. \"Or at least for a while.\"\n\n\"What is this?\" asked the man, pointing to his swollen eyes.\n\n\"Lye,\" answered Tal. \"Ash containing lye. Now I'll ask the questions. Who was your officer?\"\n\n\"I don't know what you mean,\" said the prisoner.\n\nTal nodded at Vadeski, who kicked the man as hard as he could in the side. The prisoner couldn't see the kick coming and he doubled over, crying out in pain. He lay on the sand, unable to catch his breath for almost a full minute, finally inhaling with a great rasping noise.\n\n\"You're not bloody pirates,\" said Tal. \"You're soldiers of Salmater. You're across the border in Olasko territory. If I take you back to Opardum, it'll mean war.\"\n\n\"I'm a smuggler,\" the man said weakly.\n\nTal looked around. \"Right.\" He motioned to Vadeski. \"We'll stay the night, and tomorrow we'll burn all the boats but one.\" He pointed to the three large boats anchored off the shore. \"Send four lads to see if there are any more of these cutthroats hiding aboard, and if not, what cargo they hold. If you can, move all the cargo to one of the boats, and we'll sail it back to Inaska. Detail four men to fetch our boats on the other side of the island. I want to get this news back to the Duke as quickly as I can.\"\n\n\"What about him?\" said the sergeant.\n\nTal looked at the man huddling in the sand, blind and hunched up in such a way Tal that suspected Vadeski had broken some of his ribs. Without pity, Tal said, \"Make him talk.\"\n\n\"Gladly, sir,\" said the sergeant.\n\nThe old soldier started shouting orders while Tal went over to the cookfire. A large iron pot bubbled near the flames. He lifted a wooden spoon out of it and tasted the contents of the pot; it was a simple but acceptable fish stew. He beckoned over one of the soldiers, and said, \"Pass the word; hot supper tonight. After burial, I want pickets posted, then the men can start eating.\"\n\n\"Yes, Captain.\"\n\nTal knelt and took a quick inventory. There was enough hard bread and dried fruit to last his men four or five days. More than enough to compensate for the provisions they had dumped to accommodate the ash in their packs. Tal sighed. This was the first of many bloody tasks Kaspar would set for him, he was certain.\n\nIf he was to realize his ambition, to destroy the Duke of Olasko utterly, he must be a good and faithful servant until such time as the Duke revealed his true nature and betrayed Tal. Then he would be free of his oath and could bring Kaspar down.\n\nBut that day was a long way off, for there was still much to know. And Tal was patient in many ways.\n\nHe got a wooden bowl from a nearby pile and used a ladle to pour out some hot stew. Then he tore off a chunk of bread and sat down, noticing some bottles of wine nearby. He decided to leave those for the men. As he put the bread into the stew and took a bite, he could hear the prisoner starting to scream.\n\nTal stood quietly as Kaspar read the report. \"You did well, Tal,\" Kaspar said as he put down the parchment. \"Your report is detailed. The goods recovered will pay for the cost of the trouble we went to, but what do we do about the Prince of Salmater?\"\n\n\"Send him a message, sir?\"\n\n\"Yes, my thoughts exactly.\" He picked up one medallion from the pile Tal had deposited on the table before him. \"I think returning these to him might get the point across.\"\n\n\"Will it, Your Grace?\"\n\nKaspar leaned back and regarded Tal. \"You have something on your mind, Squire?\"\n\n\"The smuggling was no more than a nuisance, Your Grace. It harmed some merchants and perhaps diverted some duty money from your treasury, but it was only a small-scale problem. Why detail crack troops to such an undertaking?\"\n\n\"You have something for me?\"\n\n\"Only a thought, Your Grace. The soldier we captured knew nothing, but his officer had orders not shared with the men. We got that from the soldier before he died. The other three prisoners were common riffraff, nothing more than thugs and dock rats working for the promise of easy booty.\n\n\"But we did find this.\" He motioned to a servant, who deposited a bundle before the Duke. Inside was a case, which Kaspar opened, revealing fine writing instruments. The parchments that were folded below the box revealed pages covered in cryptic notes, and other pages with line drawings.\n\nFinally the Duke asked, \"A mapping expedition?\"\n\n\"Yes, Your Grace.\"\n\n\"To what end?\"\n\n\"A straight route from Micel's Station to Olasko Gateway. I studied the maps of the area in your collection before leaving. Having just returned from the region, I know they are incomplete and inaccurate. What looks to be a large waterway turns out to be shallow and filled with debris, and there are islands marked where none exist, sandbars that build up and shift, all manner of hazards to any deep-draught vessels.\" He pointed to one of the line maps. \"If I have understood their codes and these drawings, they were returning from a successful expedition\u2014and not the first.\" His finger pointed to another page. \"They were almost finished. I know from more reliable sources that there is only one viable route from the point where they stopped to the river itself. They would have found it on their next trip, I am certain.\"\n\nHe rubbed his chin absently for a moment, then added, \"If war were to come to the north, having a direct route that would allow seizing the Gateway without having to confront your forces at Inaska and here in Opardum would give an enemy a strategic advantage: he would hold a fortress city on your western flank and cut off any supplies from the heartlands of Olasko. Another attack on Inaska from inside the island group coupled with a sea assault could take the city in less than a week, in my estimation.\"\n\n\"Really?\" said the Duke, smiling. He turned to Special Captain Havrevulen and said, \"What do you think, Captain?\"\n\nIn neutral tones the Captain said, \"I think we should fortify Inaska and send a strong message to Salmater.\"\n\n\"So do I,\" said Kaspar. He looked at Tal. \"You've done well, young Hawkins.\" To the Captain he said, \"Draw up plans to fortify Inaska and get them to me by tomorrow.\" The Captain bowed and departed.\n\nTo Tal, Kaspar said, \"I want you to start tomorrow in incorporating this information on our maps. Bring them up-to-date.\" He leaned back in his chair and said, \"Clean up and rest before dinner. That will be all.\"\n\nTal bowed and departed. He returned to his quarters and found a hot bath, and Amafi, waiting.\n\n\"Magnificence, next time you must take me with you; you need eyes watching your back.\" Amafi lowered his voice. \"The servants hear things. This is not a happy place. Many political rivals and much plotting.\"\n\n\"Your command of the language is improving, I see,\" said Tal as he slipped into the hot tub.\n\n\"You command, I obey, Magnificence.\" Amafi started soaping a large cloth and motioned for Tal to lean forward so he could scrub his back. \"It is to my advantage that most here don't realize I'm learning fast, and think me ignorant of their tongue. So they gossip and let things slip.\"\n\n\"So, what have you found out?\"\n\n\"The entire household is afraid of that man, Leso Varen. Those who serve him are in and out, do not linger. The only people who visit with him are Duke Kaspar and sometimes the Lady Rowena.\"\n\n\"Hmmm,\" Tal said, wondering what Rowena might be up to. He observed the instructions of the Conclave and made no attempt to speak to her outside the normal social contact that resulted from them both serving in Kaspar's court. When a dinner or some other function brought them together, both observed their roles impeccably, and neither hinted at their prior relationship. Still, Tal had to admit to devoting a lot of time to considering what her mission might be. That she was spending time with Varen piqued his curiosity.\n\nAmafi went on, \"No one has said Varen had done bad things, but it is a feeling of those here that he is a wizard and a bad man.\"\n\n\"I'll concede that point,\" said Tal. He took the cloth from Amafi and continued washing. \"What else?\"\n\n\"Most of those who have been here a long time remember Duke Kaspar as a different man; the older servants talk about him as a boy. Most blame Varen for Kaspar's changed nature.\"\n\n\"A man makes choices,\" Tal said.\n\n\"True, but what choices a man makes depends on what choices he is offered.\"\n\n\"You're occasionally profound, Amafi.\"\n\n\"Thank you, Magnificence. Duke Kaspar is devoted to his sister. The Lady Natalia is refused nothing. She likes men, horses, fine clothing, and galas. There are many entertainments here in the citadel, at least one a week. Many seek her hand in marriage, but Kaspar is keeping her for a special alliance.\"\n\n\"He wants her to be Queen of the Isles, I think,\" said Tal.\n\n\"I am no expert on politics, Magnificence, but I think that will not happen.\"\n\n\"I agree,\" said Tal, standing.\n\nAmafi wrapped him in a towel, then asked, \"What is your pleasure until supper, Magnificence?\"\n\n\"A bite. You go fetch some bread, cheese, and wine while I dress myself. Then find that page, Rudolph, and tell him to come here. I think it's time to see more of the citadel.\"\n\n\"More?\" Amafi shrugged. \"I thought you had seen it all.\"\n\nTal smiled. \"Hardly. There are things here that I have only imagined, Amafi.\"\n\n\"Very well, Magnificence. I shall do as you command.\"\n\nAmafi bowed and left the room, and Tal finished drying off. There was so much to learn, if only he could manage to stay alive long enough to learn it.\n\nTal followed Rudolph. The boy took him through a hallway that was clean but rarely used. \"These quarters are empty, Squire,\" said the boy. He reached the farthest door and rattled the handle. \"All locked up proper, sir.\" He turned around. \"Well, that's it, then. You've seen it all, from one end of the citadel to the other.\"\n\nTal smiled. \"Not all, I warrant.\"\n\n\"Well, all the stores back inside the caves...\"\n\n\"Caves?\"\n\n\"There are caves used as storehouses behind the citadel, Squire. Big nasty, drafty dark places, and some of them I hear go back for miles. No reason to go there, but if you must...\" He started to walk.\n\nTal put his hand on the boy's shoulder, restraining him. \"No, some other time perhaps. How do I find these caves?\"\n\n\"There are several entrances, Squire. One lies behind the armory, but that door is always locked and only Captain Havrevulen and the Duke himself have keys to that door. There's another one behind the kitchen, through a door that's behind where you go to dump the kitchen waste to the midden, and there's another one down off that old room I showed you that had all the different furniture in it that we keep around for Lady Natalia when the mood strikes her to change things. Then there's the dungeon, but you don't want to go there.\"\n\n\"No,\" agreed Tal.\n\n\"There's one other door that comes up somewhere else, but I don't recall exactly where.\" He looked at Tal and said, \"I've shown you everywhere I know about, sir. All that's left then is the wizard's apartments, Squire, but you don't want to go there either.\"\n\n\"I've been there,\" said Tal to the boy's openmouthed amazement. \"No, I was thinking of the servants' passages.\"\n\n\"The serving ways? But none of the gentry want to know about those. Even I don't know all of them, sir.\"\n\n\"Why don't you show me what you do know?\"\n\nRudolph shrugged and walked past Tal. \"This way, then, sir, but if you ask me, it's a bit odd.\"\n\nTal laughed. \"Then why don't we keep this between ourselves?\"\n\n\"Mum's the word, Squire,\" said Rudolph as he led Tal toward the kitchen.\n\nAn hour later they walked through a narrow hall barely wide enough for Tal to move through without his shoulders brushing a wall. Rudolph held a candle up. \"This leads to the Duke's quarters, Squire. Can't go too close, unless we're summoned.\"\n\nAs Tal had anticipated, there were passages out of sight of the residents and guests of the citadel that were used by the servants to fetch and carry all sorts of things. Laundry and food, soil buckets and water were lugged through these narrow hallways, so as not to inconvenience the residents and, as Tal knew, they were often used as shortcuts from one part of the building to the next.\n\nHe suspected that more than one noble had skulked through these passages on his way to the bedroom of a visiting noble's wife or daughter, and more than one pretty maid had made her way toward a nobleman's quarters that way as well.\n\nThey passed a ladder, and Tal asked, \"Rudolph, where does this lead?\"\n\n\"Next floor up, Squire,\" the boy answered, now very bored with exploring.\n\n\"I know that, boy. Where on the next floor?\"\n\n\"Can't say as I rightly know, sir. Most of us don't use the ladders. Some of 'em are so rotten with age, you can fall and break your neck. When you're carrying a tray or a bundle, you can't climb up or down. So most people don't use them.\"\n\nTal closed his eyes for a moment, calling up what he remembered of the passages above, and had a fair idea of where that ladder exited. As he suspected, while entrances below in the citadel\u2014primarily in the kitchen and laundry areas\u2014were regular doors, almost all the exits above were disguised as wall panels or behind closets or through doors behind tapestries. He wondered if even the Duke even knew all these passages, though he found it hard to believe that a man as thorough as Kaspar would remain ignorant of what could turn out to be a vulnerability; but on the other hand, even the smartest people took too many things for granted, and if Kaspar's parents had been ignorant of all these byways in the citadel, then Kaspar might be as well.\n\nThey moved on through the dark tunnel, and Tal decided he would return to these tunnels and explore on his own some time soon. Just as he would visit the dungeon and the caves as well.\n\nThe only places he would give a wide berth were Kaspar's apartment and the rooms occupied by Leso Varen.\n\nTal said, \"I think that's enough. Show me the fastest way back to my room.\"\n\n\"Thank you, Squire,\" said the boy, not hiding his relief. \"The housecarl's going to beat me if I don't get back soon.\"\n\n\"Don't worry. I'll tell him I required your services.\"\n\n\"That's all right, Squire. It won't do me any good. My master reckons I've got to learn to be in two places at once sooner or later.\"\n\nTal laughed and followed the boy.\n\nTal stood silently, feeling something akin to triumph. He was in the mouth of a cave, looking across a deep ravine still shrouded in darkness as the early-morning light began to illuminate a cliff face less than a half mile away. Looking down, he felt almost giddy with delight.\n\nA few days after returning from his mission down to the Southern Islands, Tal was called into Kaspar's presence and informed they would be hunting for a week starting the next day. Tal had instructed Amafi to prepare his travel bags, had secured new strings for his bow from the Duke's armory and chosen two dozen arrows. Then just before dinner, his stomach had rebelled, and Tal had come down with a murderous stomach flux, either from something he had picked up on the way back from the Southern Islands or something he had eaten that morning. Tal had spent the day in bed or in the garderobe. He couldn't even keep water down without having it come right back up.\n\nThe Duke's healer had come to see him, giving him a foul-tasting concoction to drink, but Tal vomited that back up a minute later. Shaking his head, the chirurgeon had prescribed bed rest and waiting it out. He had informed the Duke that Tal would be bedridden for at least three days. Kaspar then sent a note wishing Tal well and inviting him to join the party in a day or two should he quickly recover.\n\nThe afternoon after Kaspar's departure, Tal had endured a fever for half a day. He had awoken thirsty, and the water had stayed down. He had rested for that night, and the next morning informed Amafi he would not be joining the Duke immediately. Then he decided to use the time he had to explore further the caverns and caves behind the citadel.\n\nDressed in black, carrying a lantern, he had slipped out that night into the lower basement of the citadel, quickly negotiating the servants' passages and making his way to the pantry. Since the Duke and much of his household were out hunting, kitchen activity had been at a minimum, so he easily avoided the few cooks' helpers working late at night, located the ancient caves Rudolph had told him about, and explored them. As the boy had promised, some went on for miles. His first night had been difficult, for while the fever and flux had left him, he was still feeling weak.\n\nOn the second night he had found a long tunnel unmarked by any sign of human passage for a very long time and followed it to a huge gallery with three passages leading eastward. One of them contained a barely noticeable draft of air, and he had followed it.\n\nIt had taken him three nights of exploration, but at last he had discovered the exit where he now stood. He put down the lantern and studied the crevasse that the maps in the Duke's library clearly marked as the biggest barrier across the escarpment. High above he could see the brightening sky between the two opposing faces of the deep cut in the earth. And directly across from him Tal saw something totally unexpected, a pathway down from the opposite side of the crevasse. He moved to the edge of the entrance and looked down and beheld another stone pathway leading down. Tracing the route with his eyes in the early-morning light, he saw what he had never dreamed might exist: the means of traversing the chasm that had safely guarded the rear of the citadel for ages. The paths were not natural. Some ancient war chief or early Duke of Olasko had cut those narrow paths into the face of the cliffs. They were little wider than goat trails, but two or even three men abreast could walk down one side and up the other. They were not marked on any documents in Kaspar's library. Tal judged that some past ruler had wanted to make sure there was a fast way out of Opardum that few, if any, besides himself knew about.\n\nTal made his way carefully down the path to the bottom of the cliff. It was not a difficult journey, although the descent was steep, for the path was wide and free of obstacles. At the bottom he found a pair of stone pillars. A matching pair mirrored them on the other side of a broken, rocky gully. Once in the past water must have flowed through this part of the gorge, Tal decided, but at some later stage the water source had been diverted or dried up. He negotiated his way across the broken gully to the other side and looked up. It would be an annoying climb to the path above, but he could manage it if he wished. He knew he wouldn't bother: because when he came here next, it would be from the other side with a company of engineers who would have a bridge across the gully in a matter of hours.\n\nTal started back. It would be dark before he reached his room, and Amafi would keep servants away from his \"sleeping\" master, fighting off what was going to turn out to be the last of his fever. Tomorrow Tal would awaken sufficiently recovered to join Kaspar on his hunt, and no one would know that he had discovered the citadel's glaring weakness. For a moment he considered telling Amafi, then decided against it; he could not confess what he didn't know. Besides, no matter how loyal the former assassin had been since coming into Tal's service, Tal wasn't certain he would always remain so. Remembering the story Nakor had told him, of the scorpion who had killed the frog crossing the river, thereby dooming himself as well because it was his nature, Tal decided that Kaspar might not be the only scorpion Tal had to contend with.\n\nSince killing Raven in the Land of the Orodon, Tal had dreamed of how he might defeat Kaspar. He had imagined finding him alone and killing him with a sword in hand, telling him who he really was at the last. He had imagined sneaking into his quarters in the dead of night, using the hallways and servants' passages to win his way past his guards. Now it seemed he might have another choice. He felt positively buoyant as he made his way back through the caves.\n\nTal sat in mute amazement as the servants brought in the bear. It had been given to a taxidermist in Roldem, who had prepared the trophy for display, and had been delivered the day before Kaspar and his companions returned from their most recent hunting trip. The bear rose up on his hind legs, his muzzle set in a snarl. The assembled nobles and privileged commoners of Opardum gawked at the creature.\n\n\"My lords, ladies, and gentlemen,\" declared the Duke, \"my view of this animal the last time he rose up like that was lying at his feet, as he was preparing to devour me. I would not be here this evening if it hadn't been for the quick and heroic action of the newest member of the court. My friends, I present to you Talwin Hawkins, my emissary at large.\"\n\nHe motioned for Tal to stand. Tal did so to a round of polite applause. He sat down again as quickly as he could. Kaspar went on to add, \"This bear will stand on display with the other prizes in the Trophy Hall, with a plaque detailing Squire Hawkins's noble achievement. Now, please continue with the festivities.\"\n\nA low buzz of conversation returned to the room. The officer next to Tal, a Lieutenant Adras, said, \"Good luck, Squire. None rise so fast as those with luck.\"\n\nTal nodded. Natalia glanced over at him while pretending to be listening to a story one of the Duke's senior advisors was telling. She threw him a quick smile, then returned her attention to the courtier.\n\nThe lieutenant said, \"Slowly, Squire. Our lady is known to...let's leave it that she rarely takes prisoners,\" he finished with a chuckle.\n\nTal looked at him. \"Really?\"\n\n\"Not that I have firsthand experience, you understand, Squire. I'm merely a lowly lieutenant of cavalry, not even a member of the Household Guard. A few of us are allowed to dine here from time to time, but I expect my next turn will be a year or more coming around.\" He pointed to the far end of the table, where Special Captain Havrevulen dined, and said, \"Our esteemed Captain Quint is the only soldier in the duchy who would think of so lofty a prize. The rest of us may merely gaze on in adoration.\" He sat back, appraising Tal. \"You, Squire, have noble lineage, are Champion of the Masters' Court, and\u2014judging by the size of that bear\u2014no mean hunter. Since our lord and master is not given to overblown praise, he is also in your debt. So you have a chance, slim as it might be, to court our lady.\"\n\n\"The lady is the Duke's most important treasure,\" observed Tal. \"She will be wed to whichever ruling prince most advantages Olasko, I'll wager.\"\n\nWith a laugh, the lieutenant said, \"You're no country boy, Hawkins, that's for certain.\"\n\nThe banquet continued for another half an hour, and Tal put the conversation with Lieutenant Adras behind him. He knew that if he continued his affair with Natalia, he was putting himself in harm's way, but to spurn her advances might make him a powerful enemy who was close to the Duke.\n\nHe glanced at a lovely blond woman sitting to the left of the Duke who was engaged in conversation with another of the many courtiers present. The Lady Rowena had entered tonight on Kaspar's arm, and it was Tal's first opportunity to see her since he had come back to Opardum from the Southern Islands.\n\nShe had been absent when he first came to the city, ostensibly away visiting her family. Tal knew she had no family, as she had been raised on Sorcerer's Isle, so he wondered what she had been up to. He knew that it would be impossible to find out. Both he and his former lover were deep in their roles, so neither would acknowledge the existence of Talon of the Silver Hawk or Alysandra.\n\nSeeing her always made him consider the emotional punishment he had gone through at her hands. He felt only a hint of pity, for he knew she was a broken thing, devoid of true feelings for any person, content to take instruction from Miranda, mistress of Sorcerer's Isle, and the only person who could effectively control the young woman.\n\nAs the banquet ended, a page appeared and said, \"Squire, the Duke requests your presence in his private apartment.\"\n\nTal followed the page and soon entered a luxurious room with a low round table and half a dozen chairs spread around it. Sideboards, candlestands of gold, mirrors, and tapestries decorated the place. On the table rested a crystal decanter and several crystal goblets.\n\nKaspar sat alone. He motioned for Tal to take another seat. A servant poured wine for them, then departed.\n\n\"I've decided to send you to Salmater, Talwin. You will take my message to His Highness, the Prince of Salmater.\"\n\n\"Sir?\"\n\n\"It will be short but very flowery, very diplomatic. The heart of it will be this: he will acknowledge me as his liege lord and submit, or else I will reduce his city to rubble around his ears.\" With a grin, he asked, \"How do you think he'll react?\"\n\nTal sipped his wine, to gain a moment in which to consider this. Then he said, \"Not knowing the man, that might be hard to anticipate, but I can't imagine he'll be pleased.\"\n\nKaspar laughed. \"No, he most certainly won't be. But he is a fool, and someone is using him.\"\n\n\"Who, Your Grace?\"\n\n\"Almost certainly Paul of Miskalon. It might be someone else, but I doubt it. Prince Janosh of Salmater is wed to Duke Paul's sister, and she rules the Prince. She might meet with an untimely accident...\"\n\n\"Your Grace?\"\n\n\"Not yet, but that is a possibility.\" Kaspar reached down behind his chair, drew out a map, and placed it on the table. \"Here are the disputed lands, Tal. Olasko, Salmater, Miskalon, Roskalon, Maladon and Simrick, Far Lorin, and Aranor all have claims to part or all of those lands.\" He sat back. \"Some of us have better claims and others of us have bigger armies.\"\n\nKaspar watched as Tal studied the map.\n\nThen the Duke said, \"Olasko has four frontiers to be concerned with. You've already uncovered a problem on one of them, among the islands that comprise our southern province.\n\n\"To the north we have the thugs up in Bardac's Holdfast. As long as they stay thugs, I don't worry. I keep enough troops in the City of the Guardian to make them think twice about raiding south, and they have their own problems to the north with County Conar\u2014that merry band of murderers would make anyone nervous.\"\n\nTal said nothing, but he remembered stories about the men from Conar; they were close enough to the land of the Orosini that there had been conflicts before.\n\n\"To the west,\" continued Kaspar, \"is my cousin in Aranor, about whom I have no concerns.\n\n\"That leaves the east.\"\n\n\"Which is the sea,\" said Tal.\n\n\"Which is the sea,\" agreed Kaspar. \"The sea can be a great barrier, but it also can be a highway. If you study the histories of the late war in the Kingdom some thirty years ago, you'll find that an army came from halfway around the world by ship, and they laid waste to nearly half the Western Realm before being destroyed.\"\n\nTal said, \"So you seek to secure borders?\"\n\n\"Yes,\" said Kaspar. \"And more. Some of which I'll tell you later, but for now consider this: while Kesh and the Isles have been raising up mighty nations, under one rule of law, under one common administration in each nation, the Eastern Kingdoms have been squabbling like poor relatives at a feast over kitchen scraps.\n\n\"Only Olasko's unique relationship with Roldem keeps the Kingdom of the Isles at bay. Roldem's navy is vast, for she is an island nation, and just the presence of that fleet makes our eastern frontier secure.\" With a chuckle, he said, \"As long as we stay on good terms with Roldem.\n\n\"No, it's to the south I must look right now, and eventually in other directions, but before I have finished, I mean to bring all these squabbling, petty little rulers to heel; and then what is now a collection of independent little kingdoms, principalities, and duchies will be fused into one nation, with one ruler.\"\n\nTal said nothing, but he realized now that what he had suspected before was true: that Kaspar craved power. He just hadn't anticipated the particular vision that served Kaspar as the vehicle for his ambition.\n\n\"So, go and rest. Tomorrow you leave for Salmater. I will have all the necessary papers for your office drawn up, as well as my message for Prince Janosh.\"\n\nTal rose and bowed, departing quickly. He hurried to his quarters, thinking that now he was becoming fully Kaspar's creature.\n\n## Nine\n\n## Emissary\n\nTal stood silently.\n\nBefore him rose the throne of Prince Janosh of Salmater, a slender man with a distracted expression who blinked constantly and appeared to have difficulty sitting still. Next to him sat Princess Svetlana, who eyed Tal coolly as the Prince's first minister read the missive from Duke Kaspar.\n\nWhen at last the reading of the demand for submission was over, the Prince said, \"Well, I never.\" He looked at his wife, and said, \"Madam, have you ever?\"\n\nIgnoring her husband, the Princess addressed Tal. \"So, Kaspar is seeking war?\"\n\nTal inclined his head. \"No, Majesty. My duke is seeking resolution for a problem that has plagued this region for generations. I am instructed to make this as clear as I can.\" He turned and motioned to Amafi, who today was dressed as finely as Tal. The manservant stepped forward and handed a pouch of black velvet to his master, who opened it and turned it upside down, allowing a dozen medallions to fall to the marble floor with a clatter. \"These twelve medallions were taken from the corpses of a dozen 'pirates' who were on a mapping expedition of sovereign Olasko territory. Had these men been simple merchants, my lord Kaspar would have been more than obliging in seeing they had up-to-date charts of the acknowledged trading routes. We can only assume they were up to mischief.\"\n\n\"Medallions?\" said the Prince. \"What have medallions to do with maps?\"\n\nThe First Minister, a whip-thin man named Odeski, looked at Tal with a narrowed gaze, his blue eyes trying to ascertain the quality of the man before him. Tal looked from him to the Princess, ignoring the Prince for a pointed moment, then speaking to the monarch. \"Majesty, those medallions belong to your Black Lions.\"\n\n\"My Black Lions?\" The Prince positively fluttered with confusion. \"What have my guards to do with this?\"\n\nOdeski said, \"Majesty, I think it best if we adjourn from the court and retire to less public quarters, where we may discuss this matter at leisure.\"\n\n\"Yes, that sounds capital,\" said the Prince, rising.\n\nThe Princess followed her husband, and as she passed, she studied Tal minutely. When they had departed, Odeski said, \"We shall be in chambers for the afternoon. I suggest you return to your allotted quarters and stay in them. Diplomatic status protects you only in the palace. Our more common thugs do not care if Duke Kaspar gets upset over your demise.\"\n\n\"Your point is made,\" said Tal.\n\nA court page escorted Tal and Amafi back to the quarters they had been given upon arrival the day before. Tal glanced around, as if expecting to be ambushed at any minute, but they reached the apartment without incident.\n\nTal motioned to Amafi to check to ensure they were alone, and when the assassin-turned-manservant did so, he nodded. At the table, Tal took out a writing pack. He unfolded it, and said aloud, \"I wonder what the Prince's answer to the Duke might be.\"\n\n\"Who can say, Magnificence?\" Amafi replied.\n\nTal took out a charcoal and wrote on a parchment, \"Can you do it?\" Then he showed this message to Amafi.\n\nAmafi smiled. \"I should find my way to the kitchen, Magnificence, and see to having some fruit and wine sent here. Our hosts have been remiss in providing for the comfort of an envoy from a neighboring nation.\"\n\nHe bowed and left the room while Tal crossed over to the fireplace and threw the parchment in. They could be certain they weren't being watched, but they had no certainty someone wasn't listening close by.\n\nTal threw himself down on the bed and stared at the ceiling. His mind returned to the first night at sea on the fast ship that had sped them south from Opardum. The Duke had given him a portfolio containing his documents, instructions, the medals from the dead soldiers, and a note with the ducal seal on it, which said, \"Open when you are alone at sea.\"\n\nHe had waited until after dark to open the note, and within found only one instruction: Kill Princess Svetlana. Then he had gone up on deck and thrown the message overboard.\n\nHe now understood Kaspar's instruction. Without his iron-willed princess, Prince Janosh was a fool who could be easily controlled.\n\nA short time later, Amafi returned to find Tal half-dozing on the bed. \"Magnificence,\" he said softly.\n\nTal sat up. \"I am awake. I was just thinking.\" He got up and went over to the table and wrote, \"What did you find?\"\n\nAloud, Amafi said, \"I got lost, master, and a servant was kind enough to direct me to the kitchen. The majordomo of the palace is beside himself that no one saw to your comfort, and food will be arriving shortly.\" Then he wrote on the parchment, \"I have found a way.\"\n\nTal said, \"Well, that will be welcome. I'm feeling peckish.\"\n\nHe threw the parchment into the fire just as a knock came at the door. Amafi opened it, and three servants entered with trays. One bore cheeses, breads, and fruit, the next pastries and sweet candy, and the last wine and glasses.\n\nTal waited until they were gone, then sampled the wine. \"Good,\" he said, and meant it.\n\n\"Shall I leave you to rest?\" Amafi asked.\n\n\"Yes,\" said Tal. \"While we wait for a response from the Prince, hurry into the city and see if you can find a gift suitable for the Lady Natalia. And while you're at it, find an apothecary and see if they have something for sea-sickness. That last trip was damned uncomfortable.\"\n\n\"At your command, Magnificence.\" Amafi hurried out. He would go to the Captain of the Palace Guard, requesting an escort, and would be detailed a pair of bored palace guards, who would follow him as he ambled from shop to shop. Along the way, besides some pretty trinkets for the Duke's sister, Amafi would secure some items of a less felicitous nature.\n\nThe atmosphere at the state dinner that evening proved as warm as the mountain streams of his youth in winter, thought Tal. The Prince and Princess ignored Tal absolutely as much as possible without breaching political decorum. He had been politely greeted once, moved to a table occupied by military officers who spoke in monosyllables and otherwise ignored him, and at one point during the meal, the Prince politely asked him if he was enjoying his food and wine, to which Tal had graciously replied in the affirmative.\n\nTal had been back in his quarters for less than half an hour, inspecting the gifts Amafi had found, when a knock came at the door.\n\nIn Quegan, Tal said, \"It can't be a reply to the Duke at this late hour, can it?\"\n\nAmafi smiled and shrugged. \"Anything is possible, Magnificence.\"\n\nTal opened the door to find a young woman standing there. She said, \"Sir, the Princess requests your presence in her apartment.\"\n\nTal looked over his shoulder at Amafi and said, \"Anything is possible.\"\n\nHe followed the young woman through a corridor, then past a pair of guards at their post. She led him along another long hallway that led past the throne room and down a side corridor. At a large ornate doorway, the girl paused and knocked. \"Enter,\" came a voice from the other side.\n\nThe girl opened the door and let Tal enter first. He stepped through and found himself in a large drawing room, lit only by a few candles. The girl said, \"The envoy, Highness.\"\n\nPrincess Svetlana sat on a long divan, her legs drawn up under her in a very casual pose. She said, \"Leave us.\"\n\nThe girl bowed and departed, leaving Tal alone with the Princess. He took a quick look around the room and kept a straight face, for he had an impulse to smile. He bowed and said, \"Ma'am?\"\n\nThe Princess wore a lounging robe of a nearly diaphanous silk, with a sleeveless overjacket of the same material. It was of a pale blue, which accented her vivid eyes. She was still a striking woman, thought Tal as he heard her demand, \"Approach, Squire.\"\n\nTal moved to stand before her, and she patted the divan, saying, \"Sit.\"\n\nHe did as instructed. Despite being in her forties, she showed only a slight dusting of grey in her otherwise dark hair. She had a thin face, but her eyes were wide and expressive, and her neck and shoulders\u2014shown to good advantage by the clothing she had chosen\u2014were elegant. Tal took it all in with a glance, the full bosom and long legs and, despite the fact that she had given birth to two children at an early age, her small waist.\n\nKaspar had given Tal all the information on the Princess he possessed, which was extensive: she was the sister of the Duke of Miskalon, at one time had been all but thrown at Kaspar as a possible duchess, had married a man she basically despised, and was all that kept Salmater from being overrun or controlled by one of its neighbors. Her son, Serge, was as big a fool as his father, and her daughter, Anastasia, was a simpering, spoiled brat. Svetlana's passions included politics, hunting, and men. Tal had noticed all the palace guards in the Princess's retinue were uniformly young, handsome, and tall.\n\n\"I trust you don't mind the informality, Squire.\"\n\nTal smiled, a polite and unrevealing expression. \"Not at all, Highness. I am at your service.\"\n\nThe Princess laughed. \"Hardly. Kaspar would never send a fool with a message that is one rude word shy of a declaration of war. What does he really want?\"\n\nTal realized the seductive setting was designed to throw him off-balance and distract him. He had no doubt he stood a fair chance of the Princess dragging him off to bed in the next room. He could read a woman's moods as well as the next man, indeed better than most, and he knew she found him attractive. She was also the true ruler of this nation and used to indulging her every whim\u2014women who rule through weak husbands, Tal had discovered reading his history, had decided advantages in their personal choices. As she was an attractive enough woman by any measure, he would be more than willing to indulge her in any fashion she desired before he killed her. Given the curves of her slender body, he would certainly enjoy it.\n\n\"I make no presumptions about my master's desires, Princess,\" Tal answered. \"He stated his brief clearly in his message to you and the Prince.\"\n\n\"Well, then, Squire,\" said the Princess, leaning forward to pour two goblets of wine, and opening up the top of her gown enough to give Tal a clear view of her very attractive body, \"let's play a game, shall we?\"\n\n\"Ma'am?\"\n\n\"Let's pretend we're both seers, and we are able to read Duke Kaspar's mind.\" She handed him a goblet. \"Now, you go first.\"\n\nTal laughed. \"Highness, I would be doing my master a disservice if I attributed to him motives or desires beyond the message he sent.\"\n\n\"I've known Kaspar since before I came to this throne, Tal\u2014I may call you Tal, may I?\" He nodded. \"I've known him since we were children, though I am only a few years older.\" She sipped her wine. \"I know him for the double-dealing, lying, murderous bastard he is, and love him anyway.\" She smiled, and Tal found her even more attractive. \"He's one of my favorite enemies and lovers\u2014that was before I married Janosh, of course. Besides, we're playing a game, aren't we?\"\n\nTal considered. He quickly arrived at something that would not compromise his position, yet might help him resolve this little impasse. The sight of the Princess by candlelight was beginning to captivate him. He smiled, \"Yes, it's just a game, Princess.\"\n\n\"Call me Svetlana when we're alone, Tal.\"\n\nShe leaned forward. \"Now, what does Kaspar really want?\"\n\n\"I can only guess, but I think he means to ensure you don't end up aiding other enemies. The mapping expedition was clearly designed to find a clear route through to Olasko Gateway, and that's of great concern to the Duke.\"\n\n\"Understandable,\" said the Princess, dipping her finger in Tal's wine, then playfully outlining his lips with the finger.\n\nTal felt himself growing warm, and would have merely attributed it to the wine and the Princess's seductive play, except that his training at Sorcerer's Isle told him that something else was going on. He sipped his wine, applying his tutored palate to the task, and after a long sip identified a strange and ever-so-slightly bitter quality in the finish of the wine that was not supposed to be there.\n\nHe wasn't certain what had been added to the wine, but he suspected a particular powder made from a certain tree bark. It was sold throughout both the Kingdom of the Isles and in Roldem as a curative for older men whose ardor was flagging. At his age it was unnecessary, but it certainly did seem to be working.\n\nHe put the goblet aside. \"I think what my lord Duke really wants is to find one of his borders secure, so he can turn his mind to other things. He has ambitions\u2014\"\n\n\"As well we know,\" said Svetlana, moving even closer as she started tracing Tal's jawline with her finger.\n\n\"\u2014ambitions that require he not fear for the safety of Olasko on multiple fronts.\n\n\"He sees your husband as a tool of Miskalon or Roskalon, or perhaps even the Isles, and would like to find an absolute way to end that threat.\"\n\nShe kissed him, then moved back slightly, and whispered, \"We must find another way to reassure our beloved Kaspar, but we will never swear fealty. Perhaps you could attend a meeting with my husband's Cabinet tomorrow, and we shall ponder things a little while longer.\"\n\nTal whispered back, \"I am at your service.\"\n\nSmiling, she pulled him forward as she lay back on the divan, and said, \"Yes, you are.\"\n\nAs morning drew near, the Princess said, \"Time to go.\"\n\nTal dressed. As he pulled his boots on, he said, \"I thank Her Highness for her hospitality.\"\n\nSvetlana laughed, a genuinely amused, warm sound. \"I thank the Squire for his enthusiasm.\"\n\n\"That was easy enough, m'lady.\" He leaned over and kissed her. \"The drug in the wine was unnecessary.\"\n\nShe feigned a pout. \"At my age one worries.\"\n\n\"With your beauty, you needn't.\"\n\nShe rose up, ignoring her nakedness. Embracing him, she said, \"You have no idea how difficult it has been. Since our two children were conceived, our last over a decade ago, my husband...let's say he prefers the company of others.\"\n\nTal shrugged. \"His loss.\"\n\n\"And it's so difficult sometimes to convince a young man of the court that...well, they fear the Prince's wrath.\" Her voice turning bitter, she added, \"When they should expect his thanks and relief.\"\n\n\"I might fear him, save I expect to be departing tomorrow, perhaps with a declaration of war following me.\"\n\nShe escorted him to the door of her apartment. Kissing him deeply, she said, \"All is not lost. You're a wonderful boy, and I admire you, but I shall not bend my stance for your protection. However, I will tell you that war is a last resort, and I see no joy in it. I will expect you to make a persuasive brief to the Cabinet this afternoon, Tal. Give me something to work with and we can prevent it.\" Lowering her eyes, she said, \"Either way, I expect we shall talk about this alone, later tonight?\"\n\n\"My pleasure, Highness,\" said Tal before kissing her once more, then leaving the apartment.\n\nIf the palace guards were surprised to see a visiting envoy leaving the Princess's private apartments at dawn, they did a masterful job of disguising the fact. They held their positions with eyes forward as Tal returned to his own quarters.\n\nHe entered the room and found Amafi asleep in a chair, feet out before him, next to a table covered in vials and jars. As the door closed with a faint click of the latch, Amafi came awake.\n\n\"Magnificence,\" said Amafi. He stood and pointed to the table. \"It is done.\"\n\nTal looked at Amafi in surprise. \"After you left,\" Amafi said, \"I took the liberty of completely inspecting these premises. Salmater observes the formalities of diplomacy. There are no secret listening posts or peepholes, of that I'm certain.\"\n\nTal nodded, then looked at the clutter and said, \"Which one?\"\n\nAmafi picked up a tiny blue vial, and said \"This is the one.\"\n\n\"No one is suspicious?\"\n\n\"I paused at three apothecaries, buying different ingredients at each, telling the guards I could not find that which I needed for your health. They were bored and distracted by the time I had wasted the entire morning in several shops seeking more gifts for Lady Natalia.\" He pointed to another table in the corner, where several objets d'art, items of personal jewelry, and bottles of rare perfume rested.\n\n\"Natalia will be most amused,\" said Tal.\n\n\"How was your night, Magnificence?\"\n\n\"Pleasant enough,\" said Tal. \"It's a shame, in a way. She thinks me a young fool and will try to play me to her advantage while I am sent back to Kaspar with a clever little request from her husband. It's a ploy to buy time.\n\n\"It's a shame we can't find out who she sends messages to and identify the true architect of this plot against Olasko.\"\n\n\"You might if you could find a source of information inside the palace. Minister Odeski seems a man of ambition.\"\n\nTal grinned. \"My assessment as well. But all this cannot play out in one night. We must get back to Olasko before the unfortunate events that are to take place transpire.\" He motioned to all apothecary items on the table. \"Make sure everything is destroyed.\"\n\n\"Of course, Magnificence. I will drop a vial into different garderobes throughout the palace. No one will be sifting through the middens, I am certain.\"\n\nThe waste from the palace would be hauled away by wagons and perhaps dumped outside the city or spread out in the midden fields to dry and later be used for fertilizer on local farms. Either way, should a farmer find a tiny blue glass bottle in his fertilizer, he would have no idea where it came from.\n\n\"Very well, that should do it.\"\n\n\"What then today, Magnificence?\"\n\n\"Today I rest until called before the Prince's Privy Council, at which time I can sit and watch the Princess run the nation. It should be entertaining, if predictable.\" He moved to the door to his bedroom. \"Wake me at an hour after noon, and have some food ready. I expect to be in with the council all afternoon. Then another banquet.\"\n\n\"Then the Princess?\" asked Amafi.\n\n\"Then the Princess, assuming a handsome young palace guard doesn't take her fancy during supper.\"\n\n\"Not to worry, Magnificence.\"\n\n\"The Princess seems a woman of fickle appetites, and you seem sure of yourself.\"\n\n\"I know women, Magnificence, or at least as well as any man might. You are a novelty, and from what I heard before taking your service, well regarded by the ladies. And even if he's a very handsome young guard, he will be here next week, and you will not.\"\n\nTal smiled. \"You are probably right.\" He took the blue vial and put it in his belt pouch, then entered his bedroom and closed the door. As he fell into bed, he could hear Amafi clearing up the accumulated items and was sound asleep by the time Amafi left to get rid of the evidence.\n\nThe meeting was proceeding exactly as Tal had anticipated. The Cabinet appeared unconvinced of Duke Kaspar's resolve, and Tal had on several occasions to inform them that he had been given no latitude to negotiate.\n\nFirst Minister Odeski tried more than once to beg more time of Tal, and each time Tal gave the same answer: any reply to Kaspar that wasn't full acquiescence would be seen as defiance. Salmater would come to heel or be crushed. Tal managed to convey this choice in as diplomatic a fashion as possible, but he gave no hint of leeway.\n\nAs the meeting dragged on, Tal realized the truth of Kaspar's observation. Princess Svetlana let Prince Janosh prattle on at length, but whenever it became time to move to the next item of discussion, it was the Princess who made that decision.\n\nTal used his training to stay calm and appear unconcerned, for he had his own orders, and no matter what the outcome\u2014including a complete capitulation\u2014his one task was clear: Princess Svetlana must die.\n\nFinally the Prince said, \"We shall prepare a response to Duke Kaspar's demand, and I must tell you, young sir, it will not be to his liking. Not in any way! Then we shall see you off on the morning tide. I bid you good evening!\" He rose, and all those in the chamber rose as well. The Prince left, and as she followed her husband, Princess Svetlana smiled at Tal in such a way that he knew she would send him an invitation after supper.\n\nWhen the Prince and his wife had departed, First Minister Odeski said, \"Squire, a moment of your time, please?\"\n\nTal bowed. \"I'm at your service, Minister.\"\n\n\"Walk with me a ways,\" said the older man. When they were out of earshot of the other ministers, Odeski said, \"We have something of a mess here, don't we?\"\n\n\"If by we, you mean Salmater, sir, then yes, you do.\"\n\n\"War profits no one, and Kaspar's demands seem to me to be a rather extreme response to a relatively minor offense.\"\n\n\"Mapping expeditions disguised as smugglers, in Olasko's sovereign territory, in anticipation of military action is hardly 'minor,' Minister.\"\n\n\"You're from the Kingdom, Squire, so perhaps you're ignorant of our history here in the east, but we spar, feign, threaten, and generally play rough with one another as a matter of course. I've been in the Prince's court and his father's before him for thirty years, and I've seen half a dozen border clashes with Olasko, an equal number with Miskalon, two naval conflicts with Roskalon, one with Roldem, another with the Isles, and the disputed lands are a constant battleground any time one of the local rulers gets ambitious.\n\n\"But never in that time has one ruler demanded of another an oath of fealty.\"\n\nLowering his voice, Tal said, \"My master seeks stability. He sees a time when this region will come under the scrutiny of either the Isles or Kesh. Roldem's navy can protect the region from Kesh to a point, should they honor their treaties with Aranor and Olasko, but who can protect Roskalon, Miskalon, and Salmater from the Isles if they decide to march? Roldem might challenge a Keshian war fleet in the Sea of Kingdoms, but they will not land troops on the mainland to lend support against the Isles.\"\n\n\"The Isles have never sought eastern expansion. Her eyes have ever been turned to the west.\"\n\n\"But who can say that has not changed?\" Tal lowered his voice even more. \"I do not say this lightly, but it is in all our interests that Salmater and Olasko remain good neighbors.\" He glanced around. \"I would hate to see this lovely palace reduced to rubble.\" As Pasko would say, Tal had just shown the mule the stick, now it was time to show him the carrot. \"My lord is very generous with his friends. He would appreciate any good work done by any member of the Privy Council in avoiding this war.\"\n\nOdeski looked as if he might say something, but he closed his mouth and remained silent for a moment. Then he said, \"I will caution reason to Their Highnesses.\"\n\n\"I shall keep in mind your good works when I report to my master.\"\n\n\"Good day, Squire,\" said the First Minister, leaving.\n\nTal realized Amafi's reading of the older noble was correct. Odeski wouldn't blatantly betray his Prince, but he would be willing to work on behalf of any peaceful settlement that kept him in his place of privilege.\n\nAnd once the Princess was dead, the royal household would be in turmoil, and the Prince would be as unable to govern as a chicken in a thunderstorm. Odeski would almost certainly take charge of the council, and from that point on, Kaspar would have his way in Salmater.\n\nTal stood alone on the deck of the ship. He was four days out from Opardum and by his calculations, Princess Svetlana should be dead. The concocted poison Amafi had blended for him was one he claimed would not take the Princess's life for a full week after being administered, and would make it appear she had succumbed to heart problems. The beauty of the poison, said the former assassin, was that symptoms were misleading, looking like a fever, which would cause chirurgeons and healing priests to attempt cures that would avail them nothing. Death came quickly, so unless a healing priest of great power intervened swiftly, there was little chance of the Princess surviving.\n\nIt had proven easy enough to administer, as Amafi had said it would. While she slept, Tal took out a slender silken cord and a tiny vial of the poison. He had slowly dripped the poison, one drop at a time, down the cord onto the Princess's lips. As Amafi had predicted, she had licked them in her sleep, and when she stirred, Tal paused. The poison had a sticky, sweet taste, and by the next morning what residue was left on her lips had been made harmless by being left to dry. Tal kissed her awake without fear. They had made love before dawn, Tal knowing that she was already dead by his hand.\n\nTal felt a stirring of remorse, and he pushed it down inside. Despite her charm, he knew Svetlana was as ruthless in her own way as Kaspar and that sex was but one of her many weapons, that her passion and the sweet things she whispered into his ear were meaningless, only part of the experience, and not to be taken seriously.\n\nHis mission was black, and he had already given up his soul to pursue it. Like the scorpion, Kaspar's nature was betrayal, and eventually Tal would be betrayed, and then free from his oath and able to strike at the man responsible for the obliteration of his people. Even if he should die while taking Kaspar's life, he would have done his duty to his ancestors.\n\nBut before Kaspar, one other had to die: Captain Quint Havrevulen, the man who personally oversaw the murder of Tal's family. Yes, he would have to watch for an opportunity to destroy the Captain before Kaspar. If he survived, if he killed Quint and destroyed Kaspar, only then would Tal mourn the loss of his own soul.\n\nIf he survived.\n\n## Ten\n\n## Discovery\n\nTal waited.\n\nKaspar sat back reading a message and at last put it down and smiled. \"Word just in from our agents in Micel's Station. Princess Svetlana was unexpectedly taken by a sudden fever that cause her heart to stop beating. Prince Janosh is beside himself with grief, and the Privy Council has declared him unfit to rule. Prince Serge has been named ruler, but as he is only a boy, Minister Odeski will rule as regent in his name until such time as he reaches his majority.\" He put down the parchment. \"Brilliant, Tal. How did you achieve such a perfect resolution?\"\n\nTal spoke calmly. \"My manservant, Amafi, knew of a particular poison that could be concocted from seemingly harmless ingredients\u2014a few of them difficult to find\u2014and visited several apothecaries in the city. He prepared the poison, and I found means of administering it the night before my departure. The Princess should have died in a week's time.\"\n\n\"There is no clear connection between your visit and her death.\" Kaspar positively beamed. \"My boy, I am very happy with your work. I expect we'll hear from the First Minister within days asking for some 'clarification' or another on my last message so that he can try to negotiate his way out of my demand.\"\n\nTal said, \"Will I return to Micel's Station?\"\n\n\"No,\" said Kaspar. \"My insistence on fealty will go away. I wanted Svetlana dead, though I will miss the old harridan.\" He held up his hand, finger and thumb separated by only the tiniest margin. \"You know I came that close to being wed to her? My father thought it a good match, but I persuaded him otherwise. One of us would have killed the other.\" Suddenly Kaspar laughed and said, \"Well, one of us did!\" He stood up. \"I reward excellence, Tal, and for this you are now a baron of my court. I'll have the patent drawn up and will find a useless piece of land to give you to go with the useless land you own in the Isles.\n\n\"But you will find other benefits awaiting you if you continue to serve me this well.\"\n\n\"Thank you, Your Grace. I will always do my best.\"\n\n\"Come, let us have some lunch and see what other mischief we can dream up for you.\"\n\nTal followed Kaspar out to a balcony overlooking the harbor. The day was cold, as autumn was fully upon them, and both men wore heavy coats. Yet Tal found the chilly air invigorating as servants put food and wine on the table between them.\n\nKaspar motioned for the servants to withdraw, and when they were a discreet distance away, he said to Tal, \"I must say I was prepared to hear you had been arrested and executed, which would have given me an excuse to march down there and avenge you. Not that I needed an excuse, but you take my meaning.\"\n\n\"Yes, Your Grace.\"\n\n\"Now I can probably wring concessions out of Minister Odeski and save myself the bother of a war.\"\n\nTal said, \"I was under the impression you wanted total subservience, Your Grace.\"\n\n\"From Svetlana and her idiot husband, yes. If you failed in your mission. Remember, never rely on one plan, Tal. Always have two or more in place when you undertake something perilous. If the first one fails, go to the second plan. If the second plan fails, go to the third.\"\n\n\"If the third plan fails, Your Grace?\"\n\nKaspar laughed. \"Then run like hell if you're still alive.\"\n\nTal laughed, though his heart wasn't in it.\n\nKaspar said, \"If I had gone to Svetlana with a reasonable demand, insisting Salmater stop working on behalf of my enemies, she would have insisted we talk, and by the time I left, I would have a concession from her that Salmater would stop working for my enemies every other week.\n\n\"By demanding fealty and a complete surrender to my rule, I knew they'd be so busy wondering what madness had taken possession of me, they wouldn't give much thought to the possibility I had a different ambition.\"\n\n\"To rid yourself of Princess Svetlana.\"\n\nKaspar nodded. \"Yes, as much as I regret it. She's never had the resources to challenge me directly, Tal. She's always had to depend upon others to bolster her position. At various times she's acted in concert with Roldem, the Isles, and this time it was Miskalon. She really never forgave me for refusing to marry her.\"\n\nTal sat back, his expression betraying his thoughts.\n\nKaspar said, \"Yes, a lot of what passed between Svetlana and me was over my refusal to take her as my wife. Not that she was in love with me, you understand.\" He chuckled. \"We were two of a kind, in many ways: ambitious, remorseless, unrelenting. Had she been a man, I'd have taken her for my first general without hesitation, then watched my back. But as a wife...\" He shrugged. \"She needed a puppet like Janosh to control. But her most recent intransigencies were beyond forgiveness. Working with Miskalon to take Olasko Gateway...that was too much. It was the first time she'd attempted to abet a direct attack on Olasko soil, and that I could not tolerate.\" He slapped the table with a grin. \"But it is of no matter. She is gone, and soon I will have a new treaty with Salmater, and it might as well be Olasko's southern province by the time I'm done with them.\" He sat back. \"Now I can turn my attention to other matters.\"\n\nTal said nothing, merely sipping his wine and taking a small bite of food.\n\nKaspar did likewise, then after swallowing said, \"Do you discern any plan here, Tal? Any pattern that leads you to believe you understand what I'm trying to do?\"\n\n\"In truth, Your Grace, I do not. I think there are some obvious things, such as securing your borders and making sure you're protected from potential enemies, but beyond that, nothing obvious.\"\n\n\"Good, because you are a very astute young man, and if you see nothing obvious, then there is nothing obvious to see.\n\n\"Now, about your next undertaking. I want you to rest and enjoy your new rank for a week or so. Then, when I tell you, I wish you to voyage to Salador. I have a variety of errands and tasks for you in that city. But I want you established by the Midwinter Festival as a resident of that city.\"\n\n\"That will be no difficulty, Your Grace. I have resided there before and can easily revive old friendships and establish myself again.\"\n\n\"Good. Because Duke Varian Rodoski will be attending a festival hosted by the Duke of Salador. Do you know him?\"\n\nTal said, \"I have seen him and was briefly introduced to him once, but I do not claim to know him.\"\n\n\"Do you know his importance to the throne of Roldem?\"\n\n\"He is the King's cousin, and in line for the crown after...Prince Matthew?\"\n\n\"And Prince Michael, Constantine, and the Princesses and the Queen. In short, he stands sixth in line of succession. So, he is among Roldem's most important dukes, if not among the more powerful.\"\n\n\"So, Your Grace. I am in Salador and so is Duke Rodoski. What is your pleasure?\"\n\n\"My pleasure, young Hawkins, is to see you leave Salador after the festival, while Prince Rodoski doesn't.\"\n\n\"You wish him not to return to Roldem?\"\n\n\"Yes, exactly.\"\n\n\"And how long do you wish the Duke to remain in Salador, Your Grace?\"\n\n\"For the rest of his life, my friend,\" said Kaspar. \"As short as it may be.\"\n\nTal said nothing for a moment, then said, \"I will see what I can do, Your Grace.\"\n\n\"I know you will not displease me, Baron Talwin,\" said the Duke with a cruel, thin smile.\n\nTal sat back and watched the distant harbor. The cold air caused his breath to steam as he exhaled, but for the first time since sitting down he felt the chill.\n\nTal sat at the table three seats away from Lady Natalia. With his elevation to the rank of court baron came his ascension to the Duke's head table at supper. To his immediate left sat another young baron, Evegeny Koldas, and between him and Natalia sat Captain Quint. Everyone had congratulated Tal on his new rank, though Tal could see Quint was only being polite. There was a distance between the two men that had existed from the moment they had met, and Tal did not know if it was caused by some sort of personal aversion, a rivalry for Natalia's attention, or a sense of Tal's ultimate hostility, however well masked it might be.\n\nIf fate permitted, Tal would see Quint and Kaspar dead, then...\n\nTal had no idea what he would do after that, if he survived. He realized he was dwelling on that overly long when Evegeny Koldas said, \"Baron?\"\n\n\"Sorry,\" said Tal. \"I'm just a little overcome by His Grace's generosity, and my mind wandered. You were saying?\"\n\n\"I was saying that should you have the time, I would enjoy taking you up the river, to the wilderness beyond the Broken Lands. Your reputation as a hunter makes me desire to see what I can learn from you.\"\n\nTal judged Koldas a sincere sort, not given to empty flattery, so he smiled at the compliment. \"If time permits, I think I would enjoy that.\"\n\nThe supper went on in typical fashion; Tal had grown used to the tempo of the court in the months he had been in residence. The Duke was an unusual ruler insofar as he didn't require his courtiers to be in constant attendance. A fair amount of Kaspar's time was spent in the company of Leso Varen, who almost never left his quarters, but on those rare occasions he did, it was always in the Duke's company.\n\nTal watched closely on those occasions, and attempted to learn as much about the man as he could on behalf of the Conclave. He decided that his best choice at first was to be entirely passive in the matter. He never brought up Leso's name or asked about him. He merely listened if anyone else spoke of it.\n\nAfter months in Opardum, Tal now began to think of Leso Varen as The Man Who Wasn't There. His name never came up in any context, save one: when the Duke was not around, occasionally someone would mention, \"He's up in Varen's suites.\"\n\nTal was not in any hurry, but he was curious. He decided the day would come when he asked questions, but that day wasn't here yet.\n\nAmafi had also been instructed to do likewise with the other servants in the citadel. To listen, but not to question. All he could discover was that twice a day a meal was left outside Varen's apartment door, and every week a pile of clothing to be laundered was left outside. No servant was permitted inside except on rare occasions, always at his request, and always involving a particularly repugnant task. One servant had been overheard to complain that if Leso Varen wanted another corpse dragged out of his quarters in the dead of night, he could bloody well do it himself, and another once remarked that whatever the black stains were on the walls of one of the rooms up there, they were nearly impossible to scrub off.\n\nTal instructed Amafi in his role of manservant and found him to be Pasko's rival in the common matters of the day. Tal's clothing was always clean, laid out impeccably, and his messages were delivered in a timely fashion. The man could blend into the background, despite his somewhat colorful choice of clothing upon occasion, and he remembered everything he saw and heard.\n\nAfter supper, Natalia motioned to Tal to join her and whispered, \"Have you some time for me later?\"\n\nTal nodded and replied in low tones, \"As much as you require, m'lady.\"\n\nWith a smile, she accepted her brother's invitation to depart with him, and over her shoulder said, \"I'll send word.\"\n\nTal nodded. Captain Quint Havrevulen turned to Tal and said, \"Getting ambitious, Baron?\"\n\nTal pretended not to take the Captain's meaning. \"Sir?\"\n\n\"Just watch yourself, Baron. Our lady has many suitors, and some of them do not abide competition well.\"\n\n\"I am merely our lady's servant, sir,\" Tal said, then with a smile and nod he turned and walked away.\n\nAmafi fell into step beside his master, and said, \"Our dear captain wants you dead, Magnificence.\"\n\n\"Well, then, the feeling is reciprocated.\"\n\nThey reached Tal's apartment, and Amafi said, \"What is your pleasure, Magnificence?\"\n\n\"Our master has no need for me, it seems, tonight.\"\n\n\"Shall we go into the city?\"\n\n\"No, tonight I wish to explore for a short while,\" said Tal. \"Kaspar has no need for me later, but I suspect Natalia will, probably after the eleventh hour. So I need to be back here should the call arrive.\"\n\nAmafi said, \"Magnificence, that's less than two hours away.\"\n\n\"Should it come before I return, send word I am...bathing...have some hot water drawn, and I will be along shortly.\" Tal quickly stripped off his ornate tunic and donned a plain one of dark grey. He went to the door and glanced out, looking quickly each way. \"I'll be back shortly,\" he said.\n\nWhen Amafi looked out a moment later, he saw that the corridor was empty. \"Very good, Magnificence,\" he said softly, and shut the door.\n\nTal moved quietly through the dim hallway. Every chance he had since the first day young Rudolph had guided him into the servants' network, he had explored on his own.\n\nHe had already discovered two cave networks, apparently unknown to the servants, that ran back into the cliff for miles. One ran downward, and Tal had ceased exploring due to time constraints. The other ran slightly upward, and ended at a loose fall of earth and stone, and Tal was convinced that with a little digging he might have found another way to the surface of the plateau above the citadel.\n\nNow he was seeking a hidden entrance into Leso Varen's private apartments. He had unsuccessfully tried several hallways that ran parallel to the halls leading to that part of the citadel, and now he was exploring an old hallway above that. He had almost taken a punishing fall trying one of the other ladders to the upper levels, for as Rudolph had warned, the wood was old and rotten.\n\nBut he had found three sound ladders that took him to a series of halls higher than any other he had seen. They started in the distant wing of the citadel that was sealed off, and worked across the highest level of rooms. He had mentally mapped every room in the citadel he could see, and had a firm grasp on his location every step of the way.\n\nHe also knew he was running out of time and would have to be back to his quarters quickly. He came to a door.\n\nTal paused. If he judged direction and distance correctly, on the other side of this door would be a hallway, one that should lead within a hundred feet to some sort of servants' entrance to the hallway outside Leso Varen's private apartments. He inspected the door, and as soon as he touched it, the hair on his neck and arms stood up.\n\nThere was a ward on the door. Even in this forgotten passage, the wizard had ensured his privacy. Tal quickly pulled away. He hoped that merely touching it hadn't alerted the spell-caster. He thought it improbable, since enough rats traveled these halls to make it likely he'd be up here checking to see if someone breached his privacy two or three times a week.\n\nTal decided to call it a night and return to his quarters. He took the shortest route back and after climbing down half a dozen ladders and traveling nearly half a mile of hallways, he cracked open the servants' door across from his own rooms. He peered out, saw the hall was empty, and quickly crossed the hall.\n\nLetting himself into the apartment, he saw Amafi waiting. \"The Lady Natalia sent word.\"\n\n\"How long ago?\" asked Tal, stripping off his very dusty tunic.\n\n\"Ten minutes, perhaps. I said as you instructed that you were bathing and would be along shortly.\"\n\nTal tore off his remaining clothes and climbed swiftly into the tub. \"I can't very well show up covered in dust.\"\n\nHe washed rapidly and was soon drying himself with a large towel a minute later. Amafi tried to comb as much water as possible out of Tal's shoulder-length hair.\n\nStill feeling slightly damp, Tal said, \"This will have to do,\" and left the room.\n\nHe hurried along as best he could without drawing attention to himself. He reached the door to Lady Natalia's suite and knocked. The two guards on either side of the room ignored him, so he knew he was expected.\n\nA servant girl opened the door and admitted him. As Tal stepped into the apartment, the girl exited through the same door, leaving him alone. He found his way to the door to Natalia's bedchamber and opened it.\n\n\"You bastard,\" she said sweetly. \"You kept me waiting.\" She sat propped up by a mountain of pillows, covered to her shoulders by a snow-white sheet. Her bare shoulders and neck were bathed by the light of a single candle, as she had chosen to pin up her long black hair.\n\n\"I was in my bath,\" said Tal. He crossed the room and sat next to her.\n\nShe let the sheet drop as she reached out and pulled him toward her. \"Most men are not so fastidious.\"\n\n\"Any complaints?\" he asked just before she kissed him.\n\nAfter a lingering, deep kiss, she said, \"No, though I will admit I like your smell\u2014in moderation\u2014better than the soap you use. I shall have to send some I found in Rodez that I like.\"\n\n\"I'll be happy to use it.\"\n\n\"Now, shut up and take off those clothes.\"\n\n\"Yes, m'lady,\" said Tal with a grin.\n\nAs morning came, with the sun lingering just below the eastern horizon, Natalia stirred as Tal tried to disentangle himself from her. She woke and clutched at him. \"Don't go.\"\n\n\"I must. If your brother summons me, it would be better for everyone if the page found me in my quarters.\"\n\n\"Oh, bother,\" she said, pouting. At times Tal thought she really was a little girl.\n\nAs he dressed she lay on her back, staring at the canopy above the bed. \"I wish sometimes you were a prince or at least a powerful duke somewhere, Tal.\"\n\n\"Why?\"\n\n\"Because then my brother might consent to us marrying.\"\n\nTal felt an unexpected stab in his stomach at those words. He turned and said, \"Natalia...\"\n\nShe laughed. \"Don't look so panic-stricken, Tal.\" She rolled over and sat up, hugging a pillow in front of her. \"I'm not in love with you.\" She narrowed her eyes. \"I don't know if I could be in love with anyone. I think it's been bred out of me. And I know you're not in love with me. I don't think either of us is that sort.\n\n\"But you are great fun. If I must be married to a man I don't love, it might as well be to one whom I enjoy. You know so many things and have done so much for a man of your few years. And I think you might be...I don't know, something special.\"\n\n\"You flatter me, Natalia.\"\n\n\"Yes, I do, but you deserve it. You are the youngest man ever to be named Champion of the Masters' Court\u2014I had a clerk research it. The way you saved Kaspar from that bear. You speak many languages, know food and wine, and what else do you do? Play music?\"\n\n\"Poorly,\" Tal admitted as he pulled on his boots.\n\n\"What else?\"\n\n\"I paint a little.\"\n\n\"You must do my portrait!\" she said with glee. \"See, you are so many things most of the men in my life are not. You are not dull. I am never bored when you are around. Oh, do something truly great, Talwin Hawkins, so my brother will have to consent to our marriage. Go conquer a country or overthrow a dynasty for Kaspar.\"\n\nTal laughed. The girl's uncharacteristic romantic impulse amused him. \"Your brother might consent if I could lay a nation at his feet, but short of that, I suspect we must plan on going our separate ways in the future.\"\n\nAs he made ready to stand up, she lunged forward and threw her arms around his shoulders. \"Not for a long time, Tal. I may not be able to love, but if I could, it is you I would love, deeply and with all my heart.\"\n\nFor a brief, uncomfortable moment, Tal didn't know what to say. He had bedded many women in his time, but he didn't claim to understand them beyond that point. This was something he had never encountered: Natalia was unlike any woman he had known, and he wasn't sure if she was indulging herself in a fanciful moment, or if she were revealing a hint of something that lay buried deep within. He sought a facile way out of this uncomfortable moment and kissed her, then said, \"If a woman like you could love a man like me, deeply and with all her heart, that would be a truly remarkable thing. Even the gods would notice.\"\n\nShe looked at him and grinned. \"Well said. Now, before you flee, tell me, did you sleep with Princess Svetlana before you killed her?\"\n\nSuddenly Tal knew that here was the other side of Natalia, the cold, calculating, vicious side. \"M'lady?\"\n\nNatalia laughed. \"Not to worry, Tal. Kaspar has told me little, but I know enough to see clues and draw conclusions. You may leave me now.\"\n\nTal bowed and hurried out. The morning staff was busy in the citadel, hurrying about their business, less than an hour before the Duke's retinue would be up and asking for their morning meals.\n\nHe slipped into his own quarters and found Amafi already awake, with a change of clothing waiting should Tal require it. Tal motioned toward the tub. It was steaming, so Tal knew it had just been refilled. He smelled of Natalia and her perfume, and knew that would bring raised eyebrows should he get too close to the other members of the court today.\n\nAs he slipped into the water, he said to Amafi, \"Should I ever forget, please feel free to remind me that Natalia is every bit as dangerous in her own way as her brother.\"\n\nAmafi motioned for Tal to lean forward so he could scrub his master's back. \"No, Magnificence, she is more dangerous.\"\n\nTal couldn't think of any reason to argue.\n\nTal looked up as Amafi came into the room. He was covered in what appeared to be blood. \"Gods, what happened?\"\n\n\"Something extraordinary, Magnificence. Put on simple clothing, quickly.\"\n\nIt was almost midnight, and Tal had just returned from a late supper with Kaspar and some other members of the court. The meal had turned into an after-dinner bout of drinking and storytelling with no one but Natalia leaving the table for hours. She had excused herself, claiming fatigue, and with one quick glance had communicated her frustration to Tal. With an equally quick shrug and tilt of his head, he had responded that there was nothing that could be done, and he would have to visit her some other time.\n\nTal changed into a tunic and leggings he wore for exercising in the marshaling yard.\n\n\"The boots will not do,\" said Amafi.\n\n\"I have nothing plainer.\"\n\n\"Then come barefoot.\"\n\nAs Tal stood, Amafi came over with a handful of ashes from the fireplace. These he rubbed across Tal's face and into his hair. \"Magnificence, try to look like a lowly peasant, and perhaps we will both live through this night.\" Then he rubbed some blood off his tunic and onto Tal's tunic and face.\n\nTal followed and the former assassin led him straight to the wing of the citadel used by Leso Varen. As he neared the wizard's quarters, what he saw would have caused him to falter, had he not had a strong stomach.\n\nServants, all of them ashen-faced and many trying not to be sick, were carrying bodies out of the wizard's apartment. Mixed among the servants were faces Tal did not recognize, perhaps workers from the city. Someone shouted, \"You two!\" pointing at them. \"Fetch that tub in here and be quick about it.\"\n\nTal and Amafi grabbed up a large wooden tub filled with water mixed with something caustic. Even breathing the fumes made Tal's eyes water. Turning his head to one side, he helped his manservant haul the tub into the wizard's apartment.\n\nLeso Varen stood off to one side, studying a pile of parchments on a table before him. He would glance up every so often to watch the work, but his attention was focused on the writings.\n\nThe room they first entered was the very room in which Tal had been sworn to oath, and it was flanked by large doorways on either side. The doors on the left were open, and Tal and Amafi were directed to lug their burden into the adjoining room.\n\nTal set the tub down. For a moment he couldn't believe his eyes. He did not have the words to describe what he saw before him. The room was stone, without a tapestry or any other item of comfort to be seen. Shelves lined one wall, filled with books and scrolls. The wall opposite the door was adorned with a series of shackles hanging from chains, and from the abundance of blood splattered there and on the floor below them, it must be whence the bodies had come, Tal decided. The third wall revealed a solitary window. In front of that sat a small desk upon which a solitary inkwell and quill rested. To the immediate right of the door stood a large table covered with vials, jars, and boxes. The floor had a large drain in the middle, and blood was trickling toward it.\n\nTal didn't need to feel the hair on his arms and neck stand up to tell him that foul magic permeated this room. He remembered enough of his training from Sorcerer's Isle to have some idea of what was going on here. Dark spells of binding and powerful incantations designed to confound enemies, as well as many other arcane practices, all were made more puissant by human death and blood. This Leso Varen was a necromancer, a master of the magic of death, and he had undertaken some great spell recently. From the distracted expression he wore as he consulted his notes, Tal deduced things hadn't gone well for him.\n\nTal took up a brush and began scrubbing the floor, while Amafi worked on the walls. Tal used his task to memorize every detail he could about the place. He worked his way over toward the bookshelves, attempting to read titles if possible. Many of the volumes bore no lettering on the spines, while others revealed glyphs and markings he could not understand. But a dozen or more were readable, in the language of Kesh, Roldemish, the Isles, and a few other tongues he knew. He memorized them all, determined to make a copy of those titles against the day he reported back to the Conclave.\n\nSo intent was Tal on this that he almost didn't sense someone coming up behind him. As he lowered his head, he felt a hand upon his shoulder. He turned, keeping his eyes low in case it was someone who might recognize him and saw a pair of bare feet below a long dress with a filthy hem. He glanced up and saw a young woman holding a fresh bucket of water. In heavily accented Roldemish, she said, \"To clean.\"\n\nHe nodded, stepped away, and put his hand on the wall as his head swam. She didn't pay him a second glance as she threw the water on the floor, washing away the bloody mess and leaving a clean area behind.\n\nHe stood motionless as the girl walked away, taking the bucket to a larger tub of clean water. Amafi saw Tal standing and yanked hard on his sleeve. Whispering, he said, \"You're staring, Magnificence. Keep your head down!\"\n\nTal returned to scrubbing, all thoughts of recording titles of books driven from his mind. The work went on for another hour, and then he was ordered to carry the tub out of the room. Outside, he found a stairway leading down, and he and Amafi ducked down it. Halfway down a long corridor, he opened a hidden entrance to the servants' passages and led Amafi back to their quarters. The tub from that day was still full, and Tal said, \"We'll both have to use it, then you will have to empty it by the bucket. We can't have anyone seeing all this blood.\"\n\nAmafi said, \"Magnificence, what happened back there? You looked as if you had seen a ghost.\"\n\nTal looked up. \"Almost, Amafi. Almost.\" He pulled off his blood-soaked tunic and tossed it to his servant. \"Burn these,\" he instructed, taking off his filthy trousers. He sat in the tub and closed his eyes. But the face of the young woman hung in his mind's eye like a portrait burned into his memory. Every hair on her head, the smudges on her cheek, and the marks on her face\u2014bruises, some old, some new.\n\nBut he remembered her in a time when her face was dusted with freckles by the sun, and her honey-colored eyes narrowed as she regarded him in a way that made him want to die. He ducked his head under the water and washed his hair. As he came up spluttering, he covered his face with his hands, for he had seen a ghost. He knew that tall, slender body. He had seen her run with the other girls at Village Kulaam, back when Talwin Hawkins had been named Kielianapuna\u2014Little Red Squirrel\u2014and she had been called Eye of the Blue-Winged Teal.\n\nAmafi came and said, \"What is it, Magnificence?\"\n\nTal felt the urge to shout, I am not the last of my kind, but knew to do so would mean telling Amafi more than he wished to share with the former assassin. Finally he said, \"That girl in Leso Varen's room, with the blond hair.\"\n\n\"Yes, Magnificence?\"\n\n\"She...put me in mind of someone I have not seen for years.\"\n\n\"Ah,\" said Amafi as he began peeling off his bloodstained clothing. \"A startling resemblance.\"\n\n\"Very startling.\"\n\nThey exchanged places, and Tal dried off with a towel. As he got ready for bed\u2014knowing that sleep would probably not come\u2014he said, \"Tomorrow, while the Duke gives me my final instructions before we leave for Salador, I want you to find out what you can about who those people were who come to clear away the bodies. It must be someone the housecarl trusts to keep silent. Find out what you can.\"\n\n\"About the girl?\"\n\nTal considered. \"Not yet. For the time being, just find out where she is and who her master is.\"\n\n\"Yes, Magnificence.\"\n\nTal sat in front of the fireplace, trying to get warm, and discovered it took far longer than it should have.\n\n## Eleven\n\n## Salador\n\nThe carriage rolled down the street.\n\nTal and Amafi were heading to a house that had been rented through one of Kaspar's agents in Salador. He was not acting in any official capacity for the Duke on this journey. There were no envoys, no diplomatic tasks, no representing Olasko in the palace of the Duke of Salador. No one was to know he was Kaspar's agent, or of his installation as a court baron of Olasko. To everyone in Salador, he would continue to be Squire Tal Hawkins, returning to a city he had resided in years ago.\n\nHe had a plan, and he knew what was expected of him, and what his fate would be if he was caught or if he failed. Still, he forced himself to reexamine the plan again, for he always felt as if somehow he was missing something. For the first time since taking Kaspar's service, he felt uncertainty. Tal knew every detail of his plan, yet he was constantly distracted.\n\nAnd he had been since the night he had seen Eye of the Blue-Winged Teal in the citadel.\n\nAmafi had discovered only a little, that a trader named Bowart was the man called upon to occasionally haul away the dead from the citadel. He disposed of the bodies, and no one knew where. Amafi also discovered that he ran a gang of knackers, men who carried away dead animals, horses and cattle for the most part, that had died in traces or in the field. It was rumored he also had connections to the slave trade down in Kesh, and smugglers down in the Southern Islands.\n\nIf Eye of the Blue-Winged Teal had been sold to him by the raiders in Raven's party, then there might be others who had also survived. Tal understood why Eye of the Blue-Winged Teal might have been spared; she was a striking girl of rare beauty. He also understood why she might be reduced to the most menial service, for while she might survive rape, she would fight with every bit of strength she possessed, as would any woman of the Orosini, and she would never submit to working in a brothel. A slaver who had purchased her from Raven's gang for that reason would be sadly disappointed.\n\nThe frustration of knowing that she, and possibly others, had survived turned Tal's world on its ear. Since the day of the raid he had assumed he was the last of his people, for no word of any other Orosini had reached Kendrick's or any other place he had visited in the region. That would make sense if whoever survived had been immediately marched back to Olasko after the raids. But Tal had no way of knowing that, and he had based his entire existence since then on the notion that no one else among his people had lived past that day. No one to care about. No one to live for.\n\nHis course was clear, but for the first time since taking the road of vengeance he now had a reason to live. Until the moment he saw Eye of the Blue-Winged Teal, he didn't care if he survived as long as he avenged his people. Now he must survive. He must destroy Captain Havrevulen and Duke Kaspar, and survive so he could find Eye of the Blue-Winged Teal and any others who might have survived, and perhaps someday return to the mountains of home and rekindle the spark of the Orosini, no matter how faintly.\n\nAmafi sensed a change in Tal, and on several occasions had asked his master if something was amiss. Tal had deflected the questions with vague answers that he was concerned with Kaspar's orders.\n\nTal constantly reminded himself that no matter what had changed, one thing remained constant; to survive, he must do Kaspar's bidding until such time as Kaspar could be destroyed, and until then, Tal must be his loyal servant.\n\nThe carriage reached the house Tal was renting, and a footman opened its door. Tal exited with Amafi behind him, and Tal walked up to the house and knocked on the door.\n\nA girl opened it, and said, \"Yes, sir?\"\n\n\"I am Squire Hawkins.\"\n\nShe stepped aside. \"Welcome to your home, Squire. I am Magary.\"\n\nAs he entered, Tal said, \"My manservant is Amafi. He will be majordomo. Who else is here?\"\n\n\"The cook, sir. Well, he's not here, but he's on the staff. He is at the market; we just got word of your arrival yesterday from the owners of the house. I can make tea, if you care for some.\"\n\n\"That will be fine. Anyone else?\"\n\n\"No one else, sir. When the house is not occupied, I keep it clean, and Lucien cooks for the two of us. We never know quite what is needed until the tenant arrives.\"\n\nTal could see a drawing room in front and a hall that no doubt led to the kitchen. Another room's door could be seen on the right side of the hall, behind the drawing room. Tal asked, \"What's in there?\"\n\n\"The pantry, sir.\"\n\n\"No dining room?\"\n\n\"Upstairs, sir. It's a bit of an odd house, but it's a nice enough place, once you're used to it.\"\n\nTal nodded. \"I'll be upstairs. Have Amafi bring up our luggage, then bring the tea.\"\n\nTal went exploring. Within the space of a few minutes he found the girl's description apt. The small house had a lovely view of the central square of the city, directly across from the road that led up to the Duke of Salador's castle. At the front of the upper floor, his dining room had two floor-to-ceiling windows, which commanded that view. There were two bedrooms on the floor above, one slightly larger than the other. As he examined what would be his room, Tal realized why this house had been picked by Kaspar's agent in Salador. It had one unique quality: a small, inconspicuous door that led out to a tiny sitting area on the roof, a little deck surrounded by a low iron fence. It overlooked the city in the opposite direction from the Duke's castle, affording a clear view of the city rolling down to the harbor. There was a single tiny table and a pair of chairs. While in the shadow in late afternoon, during the summer it would be a lovely place to take a glass of wine at sunset.\n\nIt also would be a lovely way to slip in and out of the house without being seen. Tal went to the edge of the tiny deck and looked down. The wrought-iron fence was primarily there to keep someone from inadvertently stepping off. On the bottom of the fence, a series of very sharp spikes pointed downward, probably to keep curious thieves from climbing up and entering through the door. Tal had no doubt that a determined thief could easily circumnavigate the hazard, but he would be more likely to find an easier target than bother, especially if the local thieves knew the house was rented, which meant it contained nothing worth stealing most of the time.\n\nBut what intrigued Tal was how easy it would be to get across the narrow alley below to the house opposite, one that appeared conveniently abandoned, if the broken windows were any indication. A stout board of sufficient length and no fear of heights were all that was needed.\n\nTal would have Amafi look around for such a board, or secure one from a supplier of lumber.\n\nHe went back inside to find Amafi unpacking. \"Is the house sufficient to your needs, Magnificence?\"\n\n\"Yes.\"\n\n\"It has no tub, and the jakes are downstairs to the rear. But they've left a very nice pot for night soils.\"\n\nTal shrugged. He had got used to having a copious bathing tub in the room at Kaspar's citadel, but his home in Roldem had had only a tiny tub. That one was so small he had to sit with knees up to his chin in order to bathe, and it didn't hold enough water to stay hot for more than a few minutes.\n\n\"Find out where the nearest acceptable bathhouse is. I know a few closer to the harbor, from when I lived here before.\" For a moment he remembered his time in Salador, with Caleb and Pasko, perhaps the happiest time in his life after the destruction of his village. Perhaps some time in the next week he might revisit a few of their old haunts.\n\nThere was one gambling house he particularly liked, down by the fish market, which was a little rough compared to the others, but a friendly, honestly run place where he and Caleb had spent quite a few nights.\n\nHe wondered what Caleb was doing. And the others, Robert de Lyis, Pasko, Magnus, Pug, and Miranda...everyone who had taken a near-dead boy from the Orosini Mountains and turned him into what he was today, Baron of the Court Talwin Hawkins, anointed World's Greatest Swordsman, culinary and wine aficionado, musician, painter, linguist, dancer, and dandy. Bitterly he thought, And add to that list liar, spy, and assassin. And servant of his most hated enemy.\n\nThen he reflected, did he truly hate Kaspar? He hated Kaspar and Captain Havrevulen for what they had done. The Captain he felt no affinity for; given the type of man he was, he did little to earn affection. And his obvious jealousy over Lady Natalia's preference for Tal's company kept things cold between the two men. But Kaspar, Kaspar was a different matter.\n\nKaspar had qualities Tal found attractive; he was brilliant, with perhaps the most complex mind Tal had ever encountered. He had an unusual sense of humor and often took delight in the most mundane and trivial details of life. He was ruthless and without scruple, yet he was caring and generous to those who served him.\n\nTal would destroy Kaspar without hesitation, revenging the wrong done his people, but he now wondered how Kaspar had come to be this dangerous, ambitious man. Not for the first time, Tal wondered where Kaspar's crimes ended and Leso Varen's influences began.\n\nTal decided it was time to send a message to the Conclave. He found his writing instruments, in a leather carrying pouch, set out by Amafi on the table in his bedroom. He unrolled a piece of silken paper, very expensive, but durable and nearly impervious to water once the indelible ink had dried. He recorded on it what he had seen at the citadel, with as much detail as possible. He recounted every recognizable item on Varen's table, drew what he could remember of symbols he had seen, and listed the titles he recalled of the volumes on the bookshelves. He spent a short paragraph speculating on what influence Varen had over Kaspar. He kept the names of Varen and Kaspar out of the message, referring to them only as \"the magician\" and \"the nobleman,\" and at the end, he signed it simply \"Talon.\"\n\nHe folded the paper, sealed it with wax, but did not impress it with his ring. Then he addressed it to The Squire of Forest Deep. When Amafi returned, he informed Tal of a nearby bathhouse of sufficient quality to warrant Tal's patronage. Tal gave him the message, asking if he knew his way to the Vine and Cask. Amafi knew of the place, and Tal instructed him to go there and deliver the message to the owner without comment or waiting for a response, then to meet him at the bathhouse with a full change of clothing.\n\nAmafi ran off, and Tal went downstairs to interview Magary and the cook, who had returned from the market. Tal said, \"You must be Lucien.\"\n\nThe cook was a young man, just a few years older than the girl by the look of him, and was trying to look confident. \"Yes, sir.\"\n\n\"Well, you're going to have an easy time of things, I think. I don't dine at home much, and I rarely entertain. So, mostly you'll be cooking in the mornings, and perhaps making up a meal at midday.\"\n\n\"Very good, Squire.\"\n\nTal detected an accent. \"Where are you from?\"\n\n\"Bas-Tyra originally, sir. A small town called Genoui, not too far from the city.\"\n\n\"Ah,\" said Tal with delight. \"The food of Bas-Tyra is famous. What are your specialties?\"\n\nLucien launched into a list of dishes he favored, and Tal interrupted to ask him how he prepared one in particular. As Lucien started to describe the preparation, Tal asked questions, often offering alternative spices or herbs, and quickly the cook seemed to light up. \"You know your food, sir.\"\n\n\"I worked in a kitchen once,\" said Tal noncommittally. \"I am not what you would call a rich squire,\" he said when Lucien and Magary looked at him in surprise. Tal laughed. \"Poor squires have to eat, too.\"\n\nHe saw the way glances passed between them, so then he asked, \"Are you married?\"\n\nMagary was a pale girl with light brown hair, but her color changed to a deep red as she blushed. \"No, sir...not yet, but we would like to someday.\"\n\n\"I'll tell you what,\" said Tal. \"I was planning on dining out tonight, and for social reasons I must, but tomorrow why don't you prepare some of your specialties? I don't care if you make too much for me to eat\u2014you two and Amafi can finish off what I don't try, but I would like to see if you cook as well as you talk about cooking.\"\n\n\"You won't be disappointed, sir.\"\n\nTal said, \"Well, I'm off for a bath and massage. I'll expect to eat an hour after first light...wait, make that two hours. It may be a late night. By the way, where are your sleeping quarters?\"\n\n\"In the basement, sir. We have a tiny room we share, and there's a bed for your manservant there, as well.\"\n\n\"That won't be necessary. He's also my bodyguard and will sleep in the small room upstairs next to mine. You can keep your privacy.\"\n\nMagary looked relieved, and Lucian positively beamed. \"Yes, Squire!\"\n\nTal left the house and started his walk to the bathhouse. Looking around the city, he realized that he had missed Salador. What is becoming of me? he wondered. I am not sentimental by nature, yet now I feel as I've come back to a place that's dear to me.\n\nThen he realized the place wasn't dear to him, it was the memory of the time he had spent here that was dear. He and Caleb had studied together, got drunk together, and even whored together. He had learned about wine, food, and the arts in Salador. He had learned to play music and to dance, to paint, and to be charming and seduce women of quality. It had been the only time he had felt free of the dark urgency that was revenge, and he had not thought about his future, living only in the moment.\n\nNow he found he missed Caleb, and he longed to save Eye of the Blue-Winged Teal. And most surprising of all, he found he missed Natalia.\n\nThe meal was stupendous. He looked up at Lucien, and said, \"I've had better meals.\" The cook's face started to sag a little, but then Tal said, \"But not many. You do honor to your craft.\"\n\n\"Thank you, Squire.\"\n\nTal considered. He knew his tenure in Salador would be brief, despite the fact they were making it appear as if he was settling in. The weather was turning cold, and soon people would begin preparing for the Midwinter Festival. Duke Rodoski would be in the city in slightly more than a month. But he would like to do something to help this young couple.\n\n\"What are your long-term plans, Lucien?\"\n\nThe young man shrugged. \"Plans, sir? I don't know. I am rather fortunate to have this employment. There are more cooks than jobs in Salador these days. It would be nice to have steady work with someone who took advantage of my ability, sir, such as yourself,\" he finished up in a rush.\n\nTal laughed. \"Have you thought of perhaps finding someone to back you in establishing your own place?\"\n\n\"A tavern?\"\n\n\"In Roldem, private dining clubs are all the rage.\" Tal described Dawson's, The Metropol, and a few others. \"The very best cooks, or what you in Bas-Tyra would call g ran chefs, are men of stature, and very rich.\"\n\nMagary, who had been looking on, said, \"Oh, sir, that would be a wonderful thing.\"\n\n\"I'll be doing some entertaining. Let me see if I might find you a backer.\"\n\n\"Sir, that would be...beyond imagining,\" said Lucien.\n\n\"Well, just keep cooking like this, and we'll both be happy.\" Tal pushed himself away from the table. \"But I will say the pudding could have used a touch more ginger.\"\n\nLucien seemed ready to argue, but he caught himself in time. \"Perhaps you're right, Squire.\"\n\nTal laughed. \"The pudding was just fine. I was seeing if you could keep your mouth shut. Arguing with chefs is like trying to hold back the tide.\"\n\nLucien and Magary both laughed and looked embarrassed.\n\nTal said, \"That will be all for tonight.\" To Amafi, who had stood at his shoulder throughout the meal, he said, \"Grab a bite for yourself. It's quite good. Then meet me down at the club called Ruthia's Palace. It's time for Salador to remember me.\"\n\nHe had dined at a small tavern the night before, and gambled at an establishment close to the city square, but in neither place had he seen one person he knew from his previous tenure in Salador. He had introduced himself to the owners of both establishments, ensuring word of his return would eventually spread, but he decided he needed a more dramatic return. Ruthia's Palace was the most popular gaming hall in the city, and he was well-known there.\n\n\"Yes, Magnificence. I will follow as soon as I have eaten.\"\n\nTal headed out into the night, and the entire way to the gambling hall he wrestled with his emotions. Since that night in the citadel, everything had changed. Now he felt as if he had somehow been trapped within a box, made of thoughts and feelings, not of wood, but confining nevertheless.\n\nHe felt constantly on the verge of anger, so strong was his desire to walk away from what had become his reason for existence, the desire to revenge his people. Now he suddenly felt ensnared, caught by forces pulling him this way, then that. He ached for a moment at the thought of Eye of the Blue Winged Teal suffering one more day of hardship, and he longed for the simple joy a man like Lucien had at being told his work was good.\n\nHe stopped, leaning against the wall by a miller's shop, shuttered for the night, and felt as if he couldn't take another step. The pit of his stomach seemed to drop away, and his chest constricted. Suddenly, without warning, he wept. Pain he thought long forgotten came welling up from somewhere deep within; then anger at what the gods had visited upon him, then sadness for all he had lost. For nearly half an hour he stayed at this quiet place, ignoring the occasional passerby who cast him a glance, thinking him intoxicated or perhaps mad.\n\nThen he recognized the trap his own mind was setting for him. This way lay only destruction, he reminded himself. He could not leave Kaspar's service, nor recant his oath. He could only endure until such time as he was free, or he could die. But to survive while in Kaspar's service he must be as immovable as a mountain, as cold as ice, as hard as steel. Emotions could destroy him faster than the most dangerous swordsman.\n\nHe looked up, seeing a few stars peering from behind clouds as they swept along the coastline. He felt the breeze off the harbor, and its cold bite reminded him: he was only as weak as he let himself become. His feelings of sadness, anger, and remorse were all honestly earned, paid for with the blood of others, and he need not apologize to anyone, least of all himself for them. But they could not be embraced. They must be acknowledged, then let go; for to cling to them, to keep them alive in his heart, would be to doom himself and make meaningless everything he had done so far.\n\nIf he survived, and if he destroyed Kaspar, then he could wonder at what fate the gods would have for him for his dark deeds. If he survived, perhaps then he could find Eye of the Blue-Winged Teal and free her from her captivity. If he survived, perhaps he could find a true home in one of the cities he had known. If he survived, perhaps he could finance an eating establishment, with a young chef like Lucien. Perhaps he could find love again. Perhaps someday he could be a husband and father. If he survived.\n\nHe took a deep breath and drew himself upright. He must never let his feelings overwhelm him again in such a way. It was only through the kindness of fate it happened in so benign a spot. In the citadel or in any number of other places, it would have meant his death.\n\nStep by step, he resolved to grow stronger, to use every mental discipline he had learned to protect himself from himself. Remorse, anger, fear, and hate would only undo him, and he must remember that always.\n\nBy the time he reached Ruthia's Palace, he was back within himself, strong and ready, and had vowed that never again would he betray himself.\n\nRuthia, the Goddess of Luck, favored Tal again. He put down his cards with a smile and said, \"All cups, gentlemen.\"\n\nFive cards of the same suit was the best hand at the table, and Tal gathered in the gold coins on the table, while the other five players threw down their cards. Squire John Mowbry of the Duke of Salador's court was a young man, perhaps no more than seventeen or eighteen years of age. He shook his head and said, \"You must be an honorable man, Squire Hawkins, for with luck like yours, who needs to cheat?\"\n\nSuddenly those at the table went silent. Realizing he had come close to deadly insult, the young squire said, \"Apologies, sir. I was merely making a jest. Apparently a bad one.\"\n\nTal glanced at the boy and smiled. \"Not that bad, really,\" he said, then he laughed. \"Actually, now that I think of it, quite good.\"\n\nHe passed the cards to the young man. \"But you win the deal.\"\n\nThe young squire, obviously relieved that no insult had been taken, shuffled the cards.\n\n\"How long are you with us, Squire Hawkins?\" asked a trader named Ruben of Ravensburgh.\n\nTal shrugged. \"Indefinitely. I have traveled and find I like Salador very much. I studied here some years ago and enjoyed my stay. I am at liberty presently and decided to return here to see what the future holds.\"\n\nAnother man, an officer in the Duke's guard named Dumont, laughed, and said, \"And getting out of Roldem must have been good for your health.\" He had been one of Tal's regular gambling opponents when he had lived in Salador; he was, if not a friend, then an amiable acquaintance.\n\nTal feigned a wince at the remark, but then smiled, and said, \"There is that.\"\n\nSquire John's expression as he dealt the cards indicated that he didn't understand, and Dumont said, \"Our friend here managed to publicly humiliate Prince Matthew of Roldem in such a way that it was unlikely he'd ever be invited back to the palace for a gala.\"\n\n\"Really?\" said another man at the table, a shipper named Vestla. \"Tell us about it.\"\n\nTal picked up his cards, looked at them, then threw down his hand. \"Nothing to draw to.\" He sat back and said, \"I'd rather not.\"\n\nDumont said, \"What I heard was that our friend reduced the Prince to tears in public on the floor of the Masters' Court. Literally spanked him with the flat of his sword, he did.\"\n\nThe men at the table laughed and Dumont added, \"I've met the Prince once, and I'll wager not a few of those watching were silently saying 'bravo' to you, Squire, for humbling that lout.\"\n\nTal shrugged. \"I've been traveling. What's the news?\"\n\nThe others laughed as they made their bets. Dumont said, \"Well, enough. We'll drop the story of your bout with the Prince. As for news, not much. Old Duke Duncan rules wisely. His son Laurie is a chap who is well regarded by all, and will be a good ruler in his own right someday. We are at peace with Great Kesh, and last time I heard, the Western Realm was quiet, so it is a time for soldiers like myself to grow lazy and fat.\" He put down his cards and said, \"Three nines.\"\n\nNo one could beat the hand, so Dumont pulled in the coins. \"Oh, and Duke Rodoski of Roldem will be visiting for the Midwinter Festival.\"\n\nTal feigned surprise. \"Varian's coming to visit the Duke?\"\n\n\"An old friend?\" asked Ruben.\n\n\"An acquaintance from the Masters' Court.\"\n\n\"Given your contretemps in Roldem with the Prince,\" said Dumont, \"don't expect to be invited to the Duke's gala.\"\n\n\"I wouldn't, normally,\" said Tal, as the cards were dealt again.\n\n\"Don't underestimate yourself, Tal,\" said Dumont. \"When last we met you were merely a minor squire from the west. Very minor,\" he added, and the others laughed. \"But now you are Champion of the Masters' Court, and that is no mean thing.\"\n\nTal picked up his cards and organized them. The bet was made, and he replaced two of them. \"Well, perhaps some other time I'll earn the pleasure of an introduction to His Grace, Duke Duncan, but for the moment, I'm content to spend Midwinter's Day crawling from one tavern to the next in search of a convivial wench or two.\"\n\nThe others laughed. \"Well said.\" Tal won the hand, and Dumont declared, \"I must get back to the castle. I have duty in the morning.\" He glanced at Squire John.\n\nThe boy rose, saying, \"I as well. Good night, gentlemen.\"\n\nTal turned to the other three men. \"Shall we continue?\"\n\nRuben stood up. \"I've lost enough for one night, Tal. It was good to meet you.\"\n\nThe other players also left, and Tal rose. There was another game in the corner, with an open chair, but he felt he had played enough cards for the night. There were other games as well, dice and the wheel, but he felt he couldn't raise the enthusiasm for them. The goal of his visit had been achieved; while Dumont might mention him to only a few at the Duke's castle, young Squire John was almost certain to tell everyone he had gambled with the Champion of the Masters' Court.\n\nTal had drunk little that night, sipping at his drink and watching other players succumb to drunkenness. But he felt the need for one more before leaving. He glanced to the far corner of the room where Amafi stood silently, holding the same flagon of ale he had nursed throughout the night. Tal had insisted that when he was gambling, the bodyguard should keep his distance. Tal needed to know who watched him, and Amafi was his second set of eyes.\n\nTal ordered a brandy from Darkmoor, and sipped it. The pungent, bittersweet liquor warmed as it went down. As he stood silent, he felt the dark emotions that had overwhelmed him earlier that night rise up again, and he used every mental trick taught him at Sorcerer's Isle to fend them off. Then he pushed away his unfinished brandy and went to the door.\n\nOutside, he glanced around and judged that it was six hours or less to dawn. He walked slowly, waiting for Amafi to catch up with him.\n\nHe heard footsteps approaching rapidly from behind and turned. But instead of his manservant, he saw a figure in black clothing leaping at him, dagger drawn.\n\nTal's almost unnatural reflexes were all that saved him. He stepped aside just enough so that the blade missed, and he was borne down to the ground, grappling with his assailant.\n\nTal gripped the man's right hand with his left while he reached down to his own belt. The man's body kept Tal from reaching his dagger, so Tal reached up and clawed at the man's eyes.\n\nThe man pulled his head back, grunting in pain, then suddenly he stiffened, his eyes rolled up into his head, and he went limp.\n\nTal saw Amafi standing above the now-dead assassin. Amafi used the man's cloak to wipe his blade clean, and asked, \"Magnificence, are you all right?\"\n\n\"Fine, but feeling like a fool. I heard him behind me and assumed it was you.\"\n\n\"I saw him leave an unfinished drink at the gambling hall, Magnificence, as soon as you did, so I knew he was up to no good.\"\n\nTal knelt by the man and examined him. He was slender, with unremarkable features, wearing a black tunic, grey trousers, and cloak. He carried nothing to identify him; no purse and no jewelry, just a sword and dagger.\n\n\"Who was he?\" wondered Amafi.\n\nTal motioned for his manservant to accompany him. \"Let us away before someone else comes by. I do not want to spend the night talking to the Sheriff of Salador.\"\n\nAs they turned a corner and hurried away, Tal said, \"The important question isn't who he was, but rather, who sent him.\"\n\nAmafi said, \"You have enemies, Magnificence.\"\n\nTal nodded. \"I do.\"\n\nThey hurried back to the house, and every step of the way Tal realized he was feeling something new. He was feeling what it was like to be hunted.\n\n## Twelve\n\n## Betrayal\n\nTal lunged.\n\nHe struck his opponent easily, and the crowd in the galley applauded. He saluted his opponent, then the Master of the Floor.\n\nThe House of Blades was a modest establishment compared to the Masters' Court in Roldem. Instead of dominating an entire city block, it was a single building of some size, but it lacked the complex of rooms, had no bath, and offered few of the amenities seen in Roldem. It was not subsidized by the King of the Isles or the Duke of Salador, but rather had come about as a private club for noblemen seeking to hone their skills. While frontier nobles and garrison soldiers had ample opportunity to train under the watchful eye of a swordmaster, those nobles of the court in cities such as Salador were often left to their own devices when it came to the art of the blade. Membership was not inexpensive, but Tal, as Champion of the Masters' Court, had been invited as a guest and granted full privileges as long as he resided in Salador. It was a canny move, Tal conceded to Amafi when he got the invitation, for his attendance sparked a renewed interest in membership among the younger nobles and sons of wealthy commoners.\n\nAnd as had been the case in Roldem, many daughters of wealthy families and young girls of noble birth now found watching dueling practice to be a fascinating pastime. His first visit to Salador, while mastering the role of squire, Tal had been merely a young noble of promise. Now he was famous, or infamous if the story of his affront to Prince Matthew was known, and the dashing young squire from the west was considered among the more eligible of the young courtiers in the city.\n\nHe had made his one obligatory journey to the Duke's castle, a relic of ancient days, large and drafty, despite many attempts to refurbish and modernize the place. The present Duke, Duncan, a distant cousin to the King, was a bright-eyed man in his late sixties, who welcomed the young squire to the city and offered him any help he might need, all the while communicating that it would be in poor taste for Tal to ask for anything.\n\nThe Duke's son, Laurie, stood next to his father, quietly amused by the entire affair. Tal had caught a glimpse of the young man on a couple of occasions. Unlike some noble sons, he didn't appear to waste his time and energy on too much drinking, women, or gambling. On one occasion, Laurie had been escorting a young woman of unusual beauty\u2014later, Tal had discovered she was the daughter of a nobleman in service to the Duke of Krondor\u2014and the other time, he had been quietly gambling for modest stakes at one of the better establishments in the city, again with the same young woman at his side. The young lady was rumored to become the next Duchess of Salador. Tal had never seen Laurie touch a drink besides water. City gossip labeled the next Duke of Salador a modest young man of quick wit, ample skills, and a steady nature. The only remarkable quality he possessed was an unusual gift for music, as he played several instruments and sang with a strong, pleasant voice, talents inherited from his great-grandfather, according to city lore.\n\nTal wished that circumstances permitted him a better chance for acquainting himself with the young man, but it seemed unlikely. Laurie appeared the sort who would steer clear of notorious acquaintanceships.\n\nTal crossed to where Amafi waited with a towel and clean tunic, and said, \"Well done, Magnificence.\"\n\n\"Thank you, Amafi.\"\n\nIt had been almost a month since the attack outside Ruthia's Palace, and so far there had been no repeat of the attempt. Amafi had some contacts in the city and had tried to discover the name of the assailant, which might lead to discovering who paid him. So far he had discovered nothing.\n\nTal's life since then had been a constant cycle of working out at the House of Blades, dining at the better establishments in the city\u2014though he ate at home often, given Lucien's talent\u2014accepting invitations to various social gatherings and festivities, gambling, and spending time with a variety of charming ladies of rank.\n\nAs he paused to consider what to do next, leave for the day or try one more bout, a stir in the crowd heralded the arrival of someone else of note. Tal watched with interest as half a dozen ducal guards entered, followed by a retinue of courtiers, then Duke Varian Rodoski. For a brief instant, Tal felt self-conscious. He had considered the possibility that the Duke and he would encounter each other, but had not anticipated it might be in a location similar to the place of where Tal had humiliated the Duke's cousin, Prince Matthew.\n\nThe Duke was a young man, no more than thirty-five years of age, and darkly handsome; he had reputedly been quite the rogue with the ladies until his marriage to a noblewoman of Kesh seven years ago. An unfortunate riding accident had widowed the Duke two years previously, and he genuinely mourned the loss of his wife. Now, according to gossip, his only vice was an occasional gambling binge, wagering on horses or watching Guild League Football. Otherwise, he was a devoted father to his two children, a daughter of six and a son of four years. He was dressed for swordwork, wearing the traditional heavily padded jacket, tight leggings, and slippers, and he was carrying a rapier. At his side a servant held his dueling helm, a metal basket that protected the face and neck from accidental cuts.\n\nThe Duke caught sight of Tal and nodded; then as if thinking of something, he walked toward him. When he was a short distance away, he stuck out his hand in greeting. \"Squire. It's been a while.\"\n\nTal was taken off guard, but after a moment's hesitation, he took the Duke's hand, bowing slightly. \"Your Grace. Yes, it has.\"\n\nThe Duke had a face that looked untouched by guile or pretense. He leaned over to whisper, \"You know, not everyone in the family was angered by how you humbled Matthew. The only thing I wonder was why someone didn't do it sooner. He can be an unbearable prig one minute and an excruciating bore the next. He's as annoying as a fly in the pudding. Did him good to have his bottom thumped. His mother should have done so years ago.\" Then he paused, and smiled at Tal. \"Sir, would you care to engage me in a bout?\"\n\nTal smiled back. \"You're serious, Your Grace?\"\n\n\"As serious as a kick in the rump, Squire.\"\n\nTal nodded, grinning. \"It will be my honor, Your Grace.\"\n\nThe Duke said, \"Just don't thump me the way you did Matthew, and we'll get on famously.\"\n\n\"My word, Your Grace,\" said Tal.\n\nThey took to the floor and the crowd immediately started a low buzz of conversation. The two men squared off, and the Master of the Floor said, \"Gentlemen, first to three touches.\"\n\nThe match was almost predictable, given that Tal was a vastly superior swordsman to the Duke. But he refused to take several openings, and allowed the Duke to work on his technique. At last the match was over, and the Duke said, \"Well done, Squire. Your generosity is most appreciated.\"\n\nAs they walked to where servants waited to help them off with their padded jackets and provide towels, Tal answered, \"My pleasure, Your Grace. Besides the fact that I regret my intemperate outburst with your cousin, you are an experienced swordsman. Should your duties in office not have put such excessive demands on your time, I suspect you might have been one of the better opponents I would have faced at the Masters' Court.\"\n\n\"You're too kind, sir. I entered once, when I was young, and was ceded the thirty-second place,\" said the Duke as he toweled himself off. \"That was due to rank, I'm afraid, and they did me no service. I was humbled quickly by the first opponent I faced. I think it would have been better to let me struggle in the earlier, open competition.\"\n\n\"It is a better way to learn than being quickly ousted,\" agreed Tal as he handed his towel back to Amafi.\n\n\"If you are not hurrying off, perhaps you'd join me for a cup of wine across the street, Squire. There's something I wish to discuss with you.\"\n\nTal looked at Amafi, and said, \"Fetch my clothing.\" To the Duke he said, \"My honor, Your Grace.\"\n\n\"Say half an hour?\"\n\n\"I will be there.\"\n\nTal changed and found his way across the street to an inn called the Cutting Edge. It was a favorite of many of those who were members of the House of Blades. He found that a private room in the rear had been secured for the Duke's use, and had been there only a few minutes when Duke Varian arrived.\n\nThe Duke made small talk while the wine was served, then sent his servants outside. He inclined his head toward Amafi, and Tal nodded to Amafi that he was to wait outside, as well.\n\nWhen they were alone, Duke Rodoski said, \"So, did Kaspar send you here to kill me, Squire?\"\n\nTal kept his face immobile, then feigned shock. \"Your Grace, is this some sort of dark jest?\"\n\n\"Hardly,\" said Rodoski. He sipped his wine. \"Don't be so confoundedly proud of yourself, Talwin. Your master is not the only one with agents crawling over every port and city of significance in the region. Roldem has arrangements with several other nations to share information when it's mutually beneficial. Your visit with Prince Janosh was just a little too timely relative to the demise of Princess Svetlana. I'm not sure how you did it, but...\" He shrugged. \"While I had no enmity with her, I also don't particularly miss her.\"\n\n\"Why in the world would you presume I had a hand in it?\"\n\n\"Because it is exactly Kaspar's style, Squire. And because I know what Kaspar is really up to, and I suspect you do not.\"\n\nTal sat back, interested. He had studied Kaspar's ambition, and most of what he did made little sense in terms of a larger picture. The assassination of Princess Svetlana did make sense from a tactical point of view, since it secured a stable border for Kaspar as he turned his attentions elsewhere, but why Kaspar wanted Rodoski dead still made no sense to Tal.\n\n\"Let me draw you a map,\" said the Duke, sticking his finger in the wine. On the table he drew a rough outline of the Sea of Kingdoms, then a line from Roldem to Aranor. Then from Aranor to Opardum. \"It is only six short steps from Olasko to Roldem. Now do you understand?\"\n\nFor a moment, Tal didn't. What did the Duke mean by six short steps? Then it dawned on him. Softly he said, \"Kaspar means to be King of Roldem.\"\n\n\"You're a bit brighter than most,\" said Rodoski. \"Kaspar is a more than competent general, an extremely talented administrator, and a charismatic leader who can get idiots to die for him. He'd make a wonderful King of Roldem, except for the fact that I'm rather fond of my family\u2014even that idiot Matthew\u2014and along with seeing them stay alive, I also would like to see a ripe old age. Hence, I must frustrate Kaspar's plans.\"\n\nTal wanted to deflect attention from himself for a moment longer while he scrambled to devise a story to keep himself out of harm's way, if possible. \"If what you say is true, why all the military activity in the north? Kaspar wiped out the Orosini, brought Latagore to heel, and is moving against Farinda.\"\n\n\"Kaspar wants to put his army on the border of the Kingdom in a place where King Ryan has no choice but to respond by marching an army from Ran and Rodez up there to meet him. To protect Ran and Rodez, he will need to dispatch troops from Dolth; to protect Dolth, soldiers from Euper, and so on until the garrison from Salador is on the move.\n\n\"Kaspar won't need an army to seize control of Roldem. He'll have wrung concessions out of his cousin, Prince Phillip of Aranor, and he'll have disposed of the other six claimants to the throne before him. In short, he will arrive in Roldem with little opposition and a great deal of support, not only from agents within the King's court already loyal to him, but from others anxious for an orderly transition in government.\n\n\"King Ryan will quickly recognize the finality of things and acknowledge Kaspar's legitimate claim to the throne. He might even consent to marry the lovely Natalia as part of the bargain. The Isles recognition of Kaspar's reign will keep Kesh at bay.\n\n\"It's really quite a wonderful plan, except for the fact it will not be allowed to happen.\"\n\nTal sat back. Something didn't make sense to him. \"It sounds marvelous, very complex and subtle and the like, but it seems to me that if you were certain of this plot, you wouldn't be sitting here drinking wine with me, Your Grace. I'd be dead already.\"\n\nThe Duke knocked loudly on the table. The door flew open, and a pair of crossbow men entered with their weapons leveled at Tal. \"Don't try to draw your sword, Squire. You might just reach me, but I doubt it.\"\n\nOver the shoulders of the two guards, Tal could see Amafi being held tightly by two men, one with his hand clamped over the manservant's mouth, while another held a dagger at his throat. Tal sat back, slowly raising his hands above the table.\n\n\"You're right, Squire. If I wanted you dead, you'd be dead.\" He paused. \"You are a goat.\"\n\n\"Sir?\"\n\n\"To capture a tiger, you stake out a goat and wait. Don't you consider it odd that Kaspar would send you to this city, for this festival, so soon after your debacle with my cousin, and so soon after your visit to the court of Salmater? Could it be any more obvious?\"\n\n\"You still have no proof,\" said Tal.\n\nThe Duke laughed. \"I need none. If I wish, you'll be found floating in the harbor at dawn, and the strongest reaction that will come from Duke Duncan will possibility be a note of condolence to your cousin the Baron.\n\n\"But I will not kill you. I will send you back to Kaspar in chains and let him decide what do to with you. For you failed him utterly, Squire.\n\n\"You see, you were not supposed to kill me. I was supposed to kill you, while the real assassin found me after I was convinced I was safe.\"\n\n\"Real assassin?\"\n\nThe Duke snapped his fingers, and from outside a man was carried in. He had obviously been beaten to the point of insensibility and was hanging limply between two more guards. \"Do you recognize this man?\"\n\nTal struggled to put a name to the man, but couldn't. But he did look familiar.\n\n\"He's an officer in Kaspar's garrison.\"\n\n\"Prohaska!\" Tal whispered.\n\n\"So, you do know him.\"\n\nTal sat back. \"Not well, but I recognize him.\"\n\n\"Like yourself, he is a man of many guises. While in Salador, he was calling himself Coshenski, a trader from Olasko Gateway. Very influential friends got him an invitation to the Duke's gala on Midwinter's Day.\"\n\nTal said, \"You obviously have good agents in Olasko if you knew he was coming.\"\n\n\"Yes,\" agreed the Duke. \"But you were a gift.\"\n\n\"What do you mean?\" asked Tal.\n\nDuke Varian said, \"We were supposed to find and kill you, Talwin. You were given up to us so that I would be caught off guard when your compatriot Prohaska killed me at the gala.\"\n\n\"I was given up? By whom?\"\n\nRodoski laughed. \"You still don't see? You were given up by Kaspar. He uses people just like you use towels after a bath. Kaspar let our agents know you were coming to kill me. Kaspar wants you out of the way. The Lady Natalia is a little too fond of you, and you've already made enemies in his court by your rapid rise. Kaspar may even see you as a threat, for without heirs, if something happens to him and you wed his sister, who else is there to rule in Opardum? You were the goat. Do you see?\"\n\nIt all made sense to Tal. He sat back. \"If you know all this, why not move directly against Kaspar?\"\n\nVarian said, \"I need no proof to dump you in the harbor. And I need no proof to have someone slit Kaspar's throat in the dead of night. But we can't get anyone that close, for reasons you know all too well.\"\n\n\"Leso Varen.\"\n\n\"Yes. That evil wizard is too dangerous, so we're content to let Kaspar play his games, as long as they don't become too deadly. And we block him where we can. But one day he'll go too far\u2014and this attempt on me is as close to the limit as King Carol is willing to permit. When that day comes, we will sail our fleet to Opardum and unload soldiers from Kesh and let them destroy Kaspar.\"\n\nTal sat back. \"So why let me live?\"\n\n\"Because I need to send a message to Kaspar he can't ignore or pretend to misunderstand. I will have the body of Prohaska delivered to him and yourself bound up in chains, and the conclusion he comes to should be clear.\" The Duke stood up. \"And I'll leave you to Kaspar's tender mercies. The day may come when you wish I had killed you. Oh, if you do survive, understand that you will be killed on sight if you set foot on Roldem again.\" To the guards, he said, \"Take him.\"\n\nTal was grabbed by two soldiers who quickly disarmed him and bound his arms behind him. One stepped behind him and suddenly pain exploded behind his eyes, and he slipped into unconsciousness.\n\nTal awoke in the dark and quickly realized he was chained inside the hold of a ship. The rocking motion told him they were already out of the harbor and at sea. Amafi groaned next to him, and Tal said, \"Are you awake?\"\n\nAfter a moment came a choked groan, then Amafi said, \"I am here, Magnificence.\"\n\n\"We have been betrayed,\" said Tal.\n\n\"So it seems.\"\n\nTal tried to make himself as comfortable as he could, for he knew it would be a long, cold, wet journey. After some hours a sailor came down the companionway, bearing two bowls of food, a mix of boiled grain, dried fruit, and a piece of salted pork, mostly fat. \"Eat,\" he said, handing each man a bowl. \"It's all you get until tomorrow.\"\n\nTal took the food and began to eat. It tasted salty and bland, but it filled him and he knew he would need as much strength as he could muster.\n\nThe voyage passed slowly, a seemingly endless succession of days spent in rocking darkness, interrupted only by a daily visit by a sailor who brought the same meal. On the forty-first or -second day, Tal noticed they no longer got the salt pork.\n\nSome ten days later, the ship shuddered, and Tal realized they were making the final reach for Opardum. Before another day was out, they'd be hauled up before Kaspar.\n\nA thought ran through Tal's mind over and over again. He had been betrayed. The king of foxes had shown he was really a scorpion, and being true to his nature, he had stung.\n\nTal was freed of his obligation. He could now kill Kaspar without betraying his oath.\n\nIf he survived.\n\nThey had been taken straightaway to the castle. Tal had hoped perhaps he might be unchained and allowed to clean up before being dragged before Kaspar, but that hope proved to be in vain.\n\nHe was brought before Kaspar, who sat alone in his great hall, with only soldiers around him: no Lady Natalia, no courtiers. \"So, Baron Talwin,\" said Kaspar without preamble, \"you've failed.\"\n\nTal decided there was no benefit to feigning ignorance of events. \"As I was apparently destined to, Your Grace.\"\n\nKaspar laughed. \"Well, you obviously didn't get yourself killed, so I assume Duke Rodoski had other plans, such as rubbing my nose in my failure.\"\n\n\"Something like that. He did say you have now come as close to the line as King Carol will permit. One more infraction and a Roldemish fleet will be delivering companies of Keshian Dog Soldiers to Opardum.\"\n\n\"Oh, he said that, did he?\" Kaspar chuckled. \"Games within games, Baron. There is another level of play under way that even one so highly placed as Duke Varian is unaware of.\n\n\"Still,\" he added with a wave of his hand, \"that is a matter which no longer concerns you. You've failed me, Baron. You not only didn't kill Rodoski, as I ordered, you didn't have the good grace to get yourself killed in the attempt. So, in a sense, you've failed me twice, which is one more failure than I usually permit. Still, you've been an earnest young fellow and have given me some amusement. For that sake, I will have your death be quick and painless.\" To the guards he said, \"Take him away.\"\n\nAs the guards seized Tal's arms, Tal shouted, \"You owe me your life!\"\n\nKaspar sat back and motioned for the guards to stop. \"Damn me, but you're right,\" said Kaspar. He shook his head. \"Very well, I will not be bound in life by a debt not paid. I will give you your life, Squire\u2014I'm rescinding your office of baron\u2014but you will wish before I'm done I hadn't.\" He then looked at Amafi, and said, \"What am I to do with you?\"\n\nAmafi said, \"You could start by removing the chains, Your Grace.\"\n\nThe Duke motioned and guards freed him. After Amafi was out of his chains, he bowed and said, \"I hope the Squire's failure does not taint my service, Your Grace.\"\n\n\"No, not in the least, Amafi. You are the perfect tool. You do exactly what I bid you to do, no more, no less.\"\n\nTal looked at his manservant and said, \"You?\"\n\n\"Someone had to carry word to the Duke's agents in Salador that you were sent to kill him, Squire,\" said Kaspar. \"I certainly couldn't depend on Roldemish agents here to get word back to the Duke in time. Bribing your man to betray you was a far more elegant solution. I told him how to contact one of my agents in Salador, who in turn put him in touch with a member of Duke Duncan's staff, and from there it was but one step to Duke Rodoski.\"\n\nAmafi bowed toward Tal. \"As you yourself observed the first night we met, Magnificence, 'Until such time as you can successfully betray me without risk.' This was such a time.\"\n\n\"You will be rewarded, Amafi,\" said Kaspar. \"Now, go and get cleaned up.\"\n\nThe former assassin said, \"Yes, Your Grace, but may I caution you in one thing.\"\n\n\"What?\"\n\n\"I have served Talwin Hawkins long enough to know that despite his youth, he is an extremely dangerous man. You would do well to put aside your debt and have him killed.\"\n\n\"No,\" said Kaspar. \"I understand your caution, but I have my sense of honor, peculiar as it may be. He saved my life, so I can't ignore that debt.\" He paused, then said, \"But I will take your warning to heart. Now, leave us.\"\n\nAmafi bowed to the Duke and departed. To Tal, Kaspar said, \"I give you your life, but it will be spent in a place no man should endure, and few have for long. You are to live the rest of your life in the Fortress of Despair. If the gods are kind, you will die quickly there. But in my experience, the gods are rarely kind.\"\n\nTo the captain of the guards, he said, \"When he arrives, inform the commander of the fortress that this man is to be fed well and not tortured. Well, not tortured after he cuts off the prisoner's right hand.\"\n\nTal stood numbly for a moment upon hearing his fate; then suddenly without further word, he was dragged off by the soldiers. His last image of Kaspar was of the Duke sitting on his throne, an expression of satisfaction mixed with regret playing across his face.\n\n## Part Two\n\n## Soldier\n\nRevenge should have no bounds.\n\n\u2014William Shakespeare, Hamlet, Act IV, Scene viii\n\n## Thirteen\n\n## Prison\n\nTal stood on the deck.\n\nHe had been dragged to Opardum harbor. He had been off the ship from Salador less than half a day before he was chained in the hold of yet another ship.\n\nRather than forty or more days, this journey took only a week. Thoughts of escape had run through his mind and more than once he had tested his chains where they passed through a large iron ring fastened to a beam. After the first day, he had fallen into a mood of dejected misery. After a week, Tal had been roughly hauled up to the deck, where the ship's captain waited.\n\n\"There's your new home, Squire,\" he said in an oddly convivial tone, pointing to an island.\n\nTal looked where the captain indicated and felt even more hopeless. The Fortress of Despair was an old keep, six stories tall, which overlooked the narrow passage between this island and the mainland, merely three miles away. It stood bleak against a grey winter sky, as the wind cut icily though Tal's clothing.\n\n\"One of the Duke's ancestors built it,\" said the Captain. \"Then it was called Fortress Sentinel. When the City of the Guardian was built up, this place sort of fell into disuse, until one of the old dukes decided to make a prison out of it.\"\n\nA longboat was lowered, and Tal was forced to climb down a ladder to be yanked into the longboat by a couple of rough-handed seamen. As the boat was rowed toward the dock, the captain waved and cheerfully said, \"Enjoy your stay, Squire!\"\n\nTal sat in the boat, the winter sky as foreboding and dark as his mood. The salt spray that struck him in the face was frigid as it whipped off the spindrift. The boat rocked as the four rowers pulled to reach the docks as quickly as possible. The sooner they were done, the sooner they could be back on board the ship, back to a slightly warmer and drier berth.\n\nThree men stood waiting on the docks, wearing heavy cloaks. The boat drew up, and the sailors steadied it. They didn't even bother to tie off: two of them stood up and gripped the pilings, while another motioned for Tal to climb a short ladder. He did so, with one sailor following him, and when they both stood on the docks, the sailor said, \"Here's the writ, Governor.\"\n\nWithout thanks, the man took the paper, and without another word, the sailor was back down the ladder and the boat pushed off. The man who had been handed the paper looked at Tal and said, \"Come.\"\n\nThe other two men were armed guards, both looking little more than street thugs. Neither wore a uniform, and they carried large cudgels rather than swords. Tal had no doubt either man could and would quickly break his arm or leg with the clubs if he tried to escape. As he walked toward the fortress, he looked around and thought, Where would I escape to?\n\nAs if reading his thoughts, the Governor said, \"You can try to run; you look like a fast lad, so you might outrun Kyle and Anatoli here, but with them chains on, maybe not. If you did, you'd maybe find your way down to the beach up there on the north side of the island, but then where'd you go? Looks close, don't it? The mainland, I mean. Three miles, a bit more or less. But there's a current there wants to take you north, and there's sharks and other things. That's if the chains don't pull you down and you drown. But maybe you're a strong swimmer. If you made it to the beach, you're miles from food.\"\n\nThey reached an old drawbridge that looked to have been down for years. As they crossed over it, Tal looked down and saw a twenty-five-foot ravine filled with broken rocks at the bottom. \"So, maybe you're a hunter,\" said the Governor. \"Maybe you get by, even though it's winter. You build a fire and somehow don't freeze to death.\n\n\"Guess what?\" he said and turned, and for the first time Tal got a look at his face. The Governor of the prison had no left eye, just a closed lid, and a notch in the bridge of his nose, as if someone had cut him across it with a blade. His own teeth had been knocked out, and he wore some sort of contraption made of wood and teeth\u2014perhaps human or animal\u2014that would serve him for eating. He grinned, and said, \"The only civilization for hundreds of miles is the City of the Guardian, and it's a border city, so the guards look close at everyone coming in.\"\n\nThey reached the entrance to the old fortress, and the Governor stopped. \"Take a look around, lad. Look up.\"\n\nTal did so.\n\n\"It's the last time you'll be seeing the open sky, I'm thinking.\" He motioned, and the two guards escorted Tal up the steps into the old fortress.\n\nWhat had been the entrance hall was now bare, a huge room with a set of doors in each wall. They marched across the stone floor, worn featureless and smooth by centuries of feet trudging across it, and passed through another door. \"This used to be the great hall,\" said the Governor. \"Now we only use it for banquets.\"\n\nThe two guards laughed. \"Come along,\" said the Governor.\n\nThey led Tal to what must once have been the private apartment of the commander of the fortress. Now it was an office, containing a large table littered with food and empty wine cups as well as papers. A rat scurried off the table as the Governor waved his hand at it.\n\nTaking off his heavy cloak, the Governor tossed it across a chair. \"Let's see, now, what we have here,\" he said, unrolling the writ.\n\n\"Squire Talwin Hawkins, is it?\"\n\nTal said nothing.\n\n\"I'm Governor Zirga. Used to be a sergeant in the Duke's father's Household Guard. Got this,\" he said, pointing to his face, \"at the Battle of Karesh'kaar, when I was not much older than you. So as a reward, they give me this job. I get a week off a year to go to City of the Guardian and spend gold on whores and getting drunk. The rest of the time I care for you prisoners.\n\n\"So we understands one another. You don't cause trouble, and we'll get along fine. You've come here to die, more or less, and it's up to you how you fare between now and when we toss your ashes off the cliffs.\" He waved the papers at Tal and said, \"Says here you're to be treated well, which means a little more food and we'll put you up in the keep, instead of the dungeon below. Them down there dies right fast. Most go in less than two years. Up above, well, you've got a bit of sunlight and some better air\u2014though it do get bitter cold in the winter\u2014but in the summer you'll be glad for the breezes. But I've got a couple o' lads up there been with us fifteen, twenty years.\n\n\"So, we'll get you upstairs straightaway...as soon as we cut off your right arm.\"\n\nThe Governor motioned for the two guards, who seized Tal by either arm, lifting him slightly off his feet so he couldn't get purchase on the stones. They frog-marched him out of the door and across to another door, then down a long flight of stairs, half-carrying, half-dragging him along a narrow corridor.\n\n\"We don't have a proper chirurgery here, so we have to make do with the dungeon when it comes to cutting and the like,\" said the Governor. \"Occasionally one of the lads gets a cut or scrape that turns putrid, and I've got to do some cutting.\"\n\nThey passed a third guard, who was sitting on a stool next to a table, and the Governor said, \"Fetch some brandy.\"\n\nThe two guards who held Tal pulled him into a chamber that had obviously been used for torture in the past. \"From time to time the Duke sends us someone he wants really punished, so we bring them down here. Used to be we could do a lot with what was left over from the old days, but as you can see\"\u2014he pointed to a pile of rusty implements left on the filthy straw strewn on the floor\u2014\"we've fallen on harder times. Don't have that many good tools anymore. Just some pincers and knives and the like.\" He pointed to an iron ring in the ceiling. \"Used to have a dandy hook hanging there. I could hang a man on it just right and he'd be screaming for a couple of days. Last time I used it, damn thing broke off. I sent a request in for another one, but no one's bothered to do anything about it back in Opardum.\"\n\nThe guard with the brandy appeared, and the Governor said, \"Start a fire.\"\n\nThere was a large brazier that at one time must have been used for heating torture devices, and the guard quickly got a fire started with some dry straw and kindling. He fed wood into it until it started blazing brightly. \"Heat an iron,\" said the Governor. \"Can't have you bleeding to death, now, can we?\" he said to Tal.\n\nTal was motionless. He felt as if he wanted to lash out and fight, to run, but he knew the situation was hopeless. He knew that if he was to have any chance at all for survival, he must not fight. He must just endure.\n\nThe Governor took off his jacket, revealing a dirty white shirt underneath. He went to the wall and found what looked to be a large cleaver. He put it in the fire. \"We used to have coal. I could get the sword so hot I could ruin the temper of the steel if I wasn't careful. Just the thing. The trick is to sear the wound. Used to be, when I had coal, I could slice right though your arm and the metal would be so hot your stump would hardly bleed. Now, I make do with wood. If the hot blade doesn't do it, then we'll poke at where it's bleedin' with the iron.\"\n\nThe blade grew red after a few minutes in the flame, and the Governor nodded to the guard who wasn't holding Tal. He picked up a pair of bellows, like those a smith would use, and began pumping it, causing the wood to flare up and send a fountain of sparks spiraling upward.\n\nTal's mind was in turmoil. He was thinking up to this moment that somehow he could devise a way to escape. As the Governor said, he could outrun these two and make it to the north beach, swim to the coast...\n\nSuddenly his chain was yanked hard, tugging him off-balance, and he felt powerful arms wrapped around his waist. One guard held him while the other used the manacle to pull his arm straight, across a wooden table. With a swift motion, the Governor grabbed the sword out of the fire and in a single sweeping blow, severed Tal's right arm between the elbow and wrist.\n\nTal cried out in shock, and his head swam. The Governor looked at the wound, then took up the iron and seared a bleeding artery. Then he tossed the iron back into the fire. He picked up the bottle of brandy and took a long drink. \"This sort of work upsets me, Squire.\"\n\nTal could barely stand, and the pain that shot up his arm was excruciating. He felt faint, and the Governor said, \"I'd offer you a drink, but we can't give strong drink to the prisoners. Rules are rules.\" Then he poured some of the brandy over the charred stump of Tal's arm and said, \"But I did happen to discover, purely by accident one time, that if you pour a little brandy over the cut, it's less likely to fester.\" He nodded to the two guards. \"Take him away. North room, third floor.\"\n\nTal was dragged away by the two guards and fainted before they reached the first flight of stairs.\n\nTal lay in agony. The stump of his right arm throbbed constantly, and he was wracked with fever. His mind lapsed in and out of consciousness, and at times he was lost in dreams and visions.\n\nHe occasionally got lost in memory, thinking he was once again feverish in the wagon on its way to Kendrick's, after being found by Robert and Pasko. Other times he dreamed he was in his bed in Roldem or Salador, trying to wake up from a nightmare, knowing that once he was awake, he would be fine.\n\nOn other occasions he came wide-awake with a sudden start, his heart pounding, and then he would look around the cold room with the grey light and cold wind coming in through a high window. Then he would relapse into unconsciousness.\n\nAfter some period of time, he awoke, drenched in perspiration, but clearheaded. His right arm throbbed, and for a moment he could feel the fingers on his right had. He tried to stretch and move them, then saw there was only a bloody stump, encased in rags and some sort of unguent.\n\nHe looked around, trying to make sense of his surroundings. He had seen the room before, many times, but now it was as if he was seeing it for the first time.\n\nThe cell was fashioned from stone, containing no furnishings. His only items of comfort were a mattress filled with old straw and two heavy blankets. His bedding was sour with the smell of sweat and urine. He saw a single door, wooden, with a small viewing hole, locked from the other side. Opposite the door, at slightly more than his own height, a single window with two iron bars admitted daylight. In the far corner a hole in the floor, its edges crusted with filth, showed where he was to relieve himself.\n\nTal stood up, and his knees threatened to buckle. Reflexively he put out his right hand, and was betrayed by the memory of a hand no longer there. He stumbled and fell, his stump hitting the wall, and he cried out, then fell back to the mattress, his head swimming.\n\nHe lay gasping for breath, tears running down his face as his entire body echoed the agony he felt in his arm. Shock ran up his arm to his shoulder and up his neck. The entire right side of his body felt as if it was afire.\n\nHe forced himself to breathe slowly and attempted a meditation taught him at Sorcerer's Isle, one that would help him master pain. Slowly the pain moved farther away and became smaller, until it felt as if he had somehow put it in a box that he could hold away from himself.\n\nHe opened his eyes and stood up, this time carefully using his left hand to steady himself. His knees wobbled, but at last he got his balance. He looked around. There was nothing to see.\n\nHe staggered to the window and reached up. He tested the bars and found them deeply set in the rock. The one on the left he could twist a little in the socket drilled into the rock. He gripped it hard with his left hand and tried to pull himself up so that he could see, but the effort caused his entire body to hurt, so he decided that investigating the view could wait.\n\nAn hour after he had awakened, the door to his cell opened. A very dirty man with unkempt shoulder-length hair and a ragged beard entered, holding a bucket in front of him. He saw Tal and smiled. \"You're alive,\" he said. \"That's a bit of all right, in'it? Thems who's been cut don't usually survive, you know?\"\n\nTal said nothing, just looking at the man. He could hardly see any of his features, under the dirt and hair.\n\n\"I know how it is,\" he said, holding out his left arm, which also ended in a stump. \"Old Zirga cut it off when I got here, 'cause it was festerin'.\"\n\n\"Who are you?\"\n\n\"Name's Will. Thief by trade until I got caught.\" He set the bucket down.\n\n\"They let you come and go?\"\n\n\"Oh, they do with some of us which has been here a while. I'm here ten years next spring. They're a lazy lot, so they let us do some of the work if they think they can trust us not to cut their throats when they're drunk, and besides, there's not much to do around here, so fetchin' and carryin' a bit here and there is all right. Besides, I get a little extra food, and if they're not paying close attention, I can nick a bottle of wine or brandy every year or two.\n\n\"And you get to haul out the dead, which is a bit of all right.\"\n\n\"Hauling out the dead?\" said Tal, not believing his ears.\n\n\"It's a good time. You're outside for the afternoon, first burning the body, then digging up some ashes, then you carry it down to the cliffs over there above the north beach, and scatter them to the wind with a prayer. It's a nice little break from the ordinary, in'it?\"\n\nTal shook his head. \"What's in the bucket?\"\n\n\"That's your kit.\" Will reached in and pulled out a metal pan, then a wooden spoon. \"Me or one of the other lads will be by twice a day. You get porridge in the morning and a nice stew at night. Not much by way of variety, but it'll keep you alive. Zirga told me you was one of the specials, so you'll get more.\"\n\n\"Specials?\"\n\n\"It's a bit of a joke, actually,\" said Will, smiling and letting Tal see there was a face under the dirt and hair. \"Duke Kaspar gives orders for some extra food and an extra blanket, maybe even a coat, so the prisoner's around a long time, to 'enjoy the stay,' as Zirga says.\n\n\"Most of us are in the middle. We're just ordinary blokes, and if we don't make trouble, they feed us and don't beat us too often. We used to have this one guard, name of Jasper, he'd get crazy mean drunk and just beat someone to be doing it. Got drunk one night and fell off the cliff; broke his neck. No one misses him.\n\n\"Then the ones the Duke really hates are down in the dungeon. They don't last long down there, maybe a year, maybe two.\n\n\"You, you get some bread with your meals, and on special days, maybe something else. You never know. Depends on Zirga's moods.\"\n\n\"Does anyone ever leave?\"\n\n\"You mean like is anyone pardoned or serve out their sentence?\"\n\n\"Yes.\"\n\n\"No,\" said Will, shaking his head. \"We all come here to die.\" He sat down on his haunches, and added, \"Well, strictly speakin', if I can last another twenty years, then I should be freed. Of course, by then, I'll have to remind them my sentence was for thirty, and then I've got to hope someone here cares enough to send a message to Opardum, and that someone there can find a record of my trial. Then someone else has to review the trial record, and get a magistrate to sign an order to release me, and bother sending it back to Zirga or whoever's the Governor here in twenty years. So, you can see, I don't put much faith in it. Mostly because no one's lived thirty years in the Fortress of Despair.\"\n\n\"You seem uncommonly cheerful for a man condemned to live his life on this rock.\"\n\n\"Well, the ways I look at it, you got two choices: you can curl up and be miserable, or you can try to make the best of things. Me, I count it lucky they didn't hang me. They called me an incorrigible thief. I'd been caught three times. First time, I got sent to the work gang for a year, 'cause I was only a lad. Second time, I got thirty lashes and five years hard labor. This time, they could have hung me, but for whatever reason, they sent me here. I think it was 'cause the last time I got caught it was breakin' into the magistrate's home, and he thought hangin' was too good for me.\" He laughed. \"Besides, you never know what might happen. One day I might just wander down to the dock and find a boat there, or maybe those murderers up at Bardac's Holdfast will decide to attack and kill off all the guards, taking the prisoners with them to be pirates.\"\n\nTal found himself laughing, despite his pain. \"You're quite the optimist, aren't you?\"\n\n\"Me? Maybe, but what else can you do?\" He stood up. \"They say your name is Talwin Hawkins. That right?\"\n\n\"Call me Tal.\"\n\n\"Tal it is.\" He looked around. \"Well, I've got to head back to the kitchen and get the meal ready. You should be hungry by now.\"\n\n\"I could eat. How long has it been?\"\n\n\"They cut off your hand three days ago. Didn't know if you were going to make it or not. After I bring around the meal, let me take a look at your wound.\" He held up his own stump. \"I'm somethin' of an expert.\"\n\nTal nodded, and Will left. Tal leaned back against the stones and felt cold sucking the warmth right out of his body. He pulled his blanket around his shoulders, fumbling as he tried to do it with only one hand. At last he had it around him, and he settled in. He had nothing to do but wait for food.\n\nWill looked at the wound, and said, \"That's healing nicely.\" He rewrapped the bandage. \"I don't know what that muck is Zirga puts on the rags, but it works. Smells like a pig died under the house a month ago, but it keeps the wound from festerin', and that's what it's about, in'it?\"\n\nTal had eaten the stew, a watery broth with a few vegetables and a hint of flavor that suggested that meat had once touched the pot the broth was made in. He had also got half a loaf of a very coarse bread, which Will said was to last him the week. He said only the specials got bread every week.\n\nTal asked, \"So, how does someone become like you, someone the guards trust?\"\n\n\"Well, you got to not make trouble, and do what you're told. Sometimes we get turned out to work, but not often. If a storm hits really hard, we might have to go clean up debris, repair the dock, or fix leaks in the cook-house when it rains. If you do the work good and the guards like you, then you get out of your cell.\n\n\"If there's something special you can do, that helps.\"\n\n\"What do you mean?\"\n\n\"Zirga says he wishes they'd convict a smith so he could get some things around here repaired. We had a fellow claimed he was a smith, but he wasn't, so Zirga put him in the dungeon. Problem was, Zirga forgot he was down there, and the bloke starved before anyone remembered.\"\n\n\"What other things?\"\n\n\"I don't know. I'll ask. But even if you can do something they need, specials never get out of their cells.\"\n\nTal shrugged, trying to get comfortable and finding it almost impossible. \"Why didn't you say that to begin with?\"\n\n\"Well, you didn't ask me if you could get out of the cell; you asked how someone could get like me.\"\n\nTal laughed. \"You're right. I was just thinking you were wasting my time, but then that's the only thing I have anymore, time.\"\n\nWill turned to walk away. \"You've got that right, Tal. Still, you never know. Zirga doesn't always do things by the rules; he likes being in charge too much, and no one ever comes out here to check on him. So, I'll mention you to him. What can you do?\"\n\nTal thought. \"I used to play instruments.\" He held out his stump. \"I guess that's pointless.\" He said, \"I can cook.\"\n\n\"Cookin's pretty simple around here.\"\n\n\"So I've noticed,\" said Tal. \"But I was thinking maybe Zirga and the guards might like something a bit more tasty.\"\n\n\"Could be. I'll mention it to him. What else?\"\n\n\"I paint.\"\n\n\"Not much call for that, leastwise not so I'd notice. Haven't painted anything around here since I've been here, 'cept this one time we had to whitewash a fence out where they keep the pigs.\"\n\n\"I mean I paint portraits and landscapes.\" He looked at his severed arm. \"At least I used to before\u2014\"\n\n\"Oh, like them fancy pictures the swells have on their walls. I've seen 'em a time or two when I was boostin'.\"\n\n\"Yes, like that.\"\n\n\"Seems we got less call for that than whitewashin'.\"\n\nTal said, \"I used to play music, too, but...\" He waved the stump for emphasis.\n\n\"That's a shame, in'it?\" Will smiled. \"But I'll mention the cookin' to Zirga.\"\n\n\"Thanks.\"\n\nTal lay down when Will left, trying to keep his feelings under control. He felt like a caged animal, and he had seen trapped beasts throw themselves against the bars of their cages until they bloodied themselves. He knew that he could not escape as things stood, and that his only hope for getting off this island was to first get out of this cell. He would bide his time, for that he had in abundance.\n\nTal pulled hard, lifting his body up to the window. He had seen the view a dozen times in the last half hour, but he wasn't interested in another look at the frigid winterscape he could see once he pulled himself up. He was trying to regain some strength, and after a month of sitting in his cell, occasionally talking with Will, the boredom was threatening to take his sanity. The first time he tried to pull himself up by his left arm, he managed one quick peep out of the window before having to let himself down again.\n\nFrom his window he could see the north yard of the fortress. He couldn't see the livestock pen, but he could hear the pigs, sheep, and chickens. Occasionally a dog would bark. He could see what looked to be the old marshaling yard, now under a sheet of white snow, broken up with patches of grey and brown.\n\nOver the last month he had come to prize that little view of his world, a patch of snow-covered earth, a section of wall, and a cliff beyond. In the distance, he could see the sea when the weather lifted enough. Otherwise, it was a grey blanket beyond the cliffs.\n\nHe found the food monotonous and barely sufficient. He knew he had lost weight, because of the injury and simple fare, but he wasn't starving. The bread for all its coarseness was filling and had bits of nut and whole grain in it. The stew was little more than thin soup with a vegetable or two in it, but as Will said, occasionally there was a piece of meat as well. The porridge was merely filling.\n\nHe wished he could bathe, and realized how much he had come to enjoy being clean. As a child of the Orosini, he had gone most of the winter without bathing and thought nothing of it, but now he was a \"civilized\" man and enjoyed hot baths, massages, unguents, and oils.\n\nHe had asked Will if he would be given clean clothing, and was told that if someone in Opardum or City of the Guardian purchased clothing for him, and paid a bribe to the captain of the next ship that came bringing prisoners or supplies, then he could have them, as long as there was a bribe for Zirga included.\n\nRealizing that was more than unlikely, Tal knew he would have to do with what he had, unless someone died. Then he might get that man's clothing, said Will, if they didn't fit someone else the guards liked better.\n\nTal fought every day to keep despair at bay, for he knew that he would not give up and let death take him without a struggle. He had also wounded or trapped animals that stopped struggling, that just lay back and let the hunter take their lives. He would not be such an animal.\n\nHe would survive.\n\n## Fourteen\n\n## Cook\n\nTal awoke.\n\nSitting in the window was a bird. He moved slowly, so as not to startle the creature. He tried to identify what variety of bird it was, but couldn't. It looked somewhat like the mountain finch of his homeland, but the bill was different, longer and narrower, and the feathers had a slight white band on the wings the mountain finches lacked. He tried to get as close as he could, but when he approached the wall, the bird flew away.\n\nHe jumped and grabbed the bar and pulled himself up. He peered through the window and saw that the last of the ice and snow was gone. The breeze was cool, but not bitter. He let himself down.\n\nAnother spring had come.\n\nHe had now been in the Fortress of Despair for more than a year. He had come to accept that for an unknown time he would simply abide there.\n\nHe had developed a routine to keep from losing his sanity, one based upon three tenets: that despair was the first killer; that his mission in life to avenge his people would fail if he died; and that his mind must remain alert so that any opportunity for escape, even the smallest, would not go unnoticed.\n\nTo fill his hours he did mental exercises learned at Sorcerer's Isle, to remember things\u2014books he had read, chess matches played, conversations with other students and lectures by instructors. He could remember things as if he were reliving them, so for hours at a time he would be submerged in memory, experiencing again things he had already once lived.\n\nHe avoided the trap of becoming lost in those memories, though, choosing not to remember the loving arms of women, the thrill of the hunt, the pleasure of winning at cards. Those memories were a snare, an avoidance of the suffering he endured at the Fortress, no aid in preparing him to end his captivity.\n\nAnd to further avoid the lure of pointless memories, he forced himself to endure an hour a day of bleak observation, either of the stonework of his walls and floors, or through the window of his cell.\n\nHe ignored his own filth as best he could. He had convinced Will to bring him a little extra water when he was able, and Tal used that water to try to keep clean. It was a scant comfort, but it was comfort of a kind, and anything he could do to alleviate the unrelenting bleakness of his situation he did. Nakor had once said to him that joy in life often came from the small victories, the tiny triumphs, and while seizing pleasure out of a damp cloth and cold water seemed improbable, he took it.\n\nAs best he could, he sought to stay fit. The meager food and constant cold made it difficult. He knew he had lost a great deal of weight, but now that the weather was turning warmer, he felt renewed. He exercised within the confines of his cell, walking and running in place, pulling himself up by his one hand on the bars of his cell. He contrived ways to take the exercises he had learned from Nakor at Sorcerer's Isle and adapt them to his surroundings. He was not whole, and he was hardly strong, but he was as fit as he could manage under the existing conditions.\n\nHe maintained his regime and kept his mind agile. He tried to master patience, and he waited. Eventually, he knew\u2014in a month, a year, or perhaps ten\u2014something would happen. Something would change. And when that change came, he would be ready.\n\nAt the end of his second winter in the fortress, Tal had learned to use his damaged arm to the limit of its ability. He could do more than simply use it for balance when he exercised; he had contrived of ways to push, pull, and carry with it. He was sitting on his straw pallet one afternoon, when the door to his cell opened and Will walked in.\n\nWill was empty-handed, and Tal asked, \"It's not time for supper, and you're not carrying anything. Is this a social visit?\"\n\n\"I came to tell you supper will be late.\"\n\n\"Why?\"\n\n\"Charles the cook is dead.\"\n\n\"What happened?\" asked Tal, always anxious for anything that broke the monotony of his days. He scratched at his beard, which was now long enough to reach below his breastbone.\n\n\"Don't rightly know,\" said Will, sitting down on the floor. \"I carried out the porridge like usual this morning, then when I got back to the kitchen, I found old Charles lying facedown on the floor. I rolled him over and his eyes were wide-open, like he had been startled by something. His face was pale and his lips was blue. Very disturbing, if you don't mind me saying.\"\n\n\"So, who's taking his place?\"\n\n\"I don't know. But I assumed as long as it takes Zirga to figure out who's cooking, it'll be that much longer before supper is ready. Not to mention, even longer, if whoever's going to cook has to help burn Charles.\"\n\n\"Thank you for telling me.\"\n\n\"You're welcome.\"\n\nAs Will turned to leave, Tal said, \"Will?\"\n\n\"Yes,\" said Will over his shoulder.\n\n\"If it comes up, remind Zirga that I know how to cook.\"\n\nWill nodded. \"If it comes up, yes,\" he said, and left the cell.\n\nTal sat back. He wondered if this might be the opportunity he had been waiting for. Trying to keep anticipation to a minimum, he returned to his meditations, but just in case, he started recalling his cooking lessons with Leo at Kendrick's.\n\nSupper never came.\n\nThere weren't many prisoners in the fortress, apparently, for the next morning when the early meal didn't arrive, Tal heard only a small number of voices complaining. He waited.\n\nSome time in the mid-morning, Tal heard the latch to his cell move, then the door opened. Will entered, followed by Anatoli, one of the two guards who had met him at the dock, and after them came Zirga.\n\nTal stood up.\n\n\"You cook?\" asked Zirga.\n\n\"Yes,\" answered Tal.\n\n\"Come along, then,\" said Zirga.\n\nAnd so, Tal left his cell for the first time in more than a year. He walked down the long steps that led to the ground level of the keep, then followed Zirga and the others through the old main hall into the kitchen.\n\nThe place was a disaster. Someone had tried to boil up porridge and burned it. Zirga turned to him and said, \"We have a problem.\"\n\n\"Apparently,\" said Tal. \"You have no cook.\"\n\n\"Yes, and I have fourteen prisoners, three guards, and myself to feed.\"\n\n\"Cooking for eighteen people is no problem,\" said Tal.\n\n\"For you, perhaps, if what you say is true. But for Anatoli here, it is a problem.\"\n\nThe large guard looked up, embarrassed, but said nothing.\n\n\"He claimed he remembered how his mother made porridge, and we can see the result. So, needless to say, I have no wish to see him make stew for the prisoners or cook supper for the guards. Can you do this?\"\n\n\"I can, but I'll need help,\" said Tal.\n\n\"Why?\"\n\nTal held out his stump. \"There are things in the kitchen I could manage with one hand if I were cooking for myself alone. Cooking for eighteen? I will need help.\"\n\nZirga thought about it a moment, then said, \"I am breaking rules by allowing you out of your cell. Specials are never let out of their cells.\"\n\n\"But you need to eat,\" said Tal. \"And who else is to know?\"\n\n\"Yes, that is true. Very well. You may have these two to help.\" He waved at Will and Anatoli. \"What can you do?\"\n\nTal said, \"Give me a moment,\" and hurried over to the pantry. He took a quick inventory, and said, \"I can make a stew. Is there any meat?\"\n\nZirga said, \"In the summer house. Will will show you.\"\n\nAs the Governor turned to leave, Tal said, \"But I'll need to take a bath first.\"\n\nZirga turned. \"A bath? Why?\"\n\nTal held up his left hand, shoving fingernails black with filth right under Zirga's nose. \"Do you want this in your stew?\"\n\nZirga paused and looked at Tal, really studying him for the first time. Then he looked at Will and Anatoli. \"All of you, take a bath.\"\n\n\"We'll need clean clothing,\" said Tal.\n\n\"There's clothing in the armory. Anatoli will take you there.\"\n\nLess than two hours later, a fully revived Tal stood over two large pots of bubbling broth. He and the others had had to endure a cold bath, as there was no time to heat the water, but Tal didn't mind. As a child he had bathed in the streams of the Orosini Mountains in the early spring, when the water consisted of ice melt. Will had seemed less thrilled about being clean than Tal, but after a bath and fresh clothing, he looked like a different man. Will did have a face under the grime and hair. It was narrow and constantly set in a grin, with eyes that seemed always to squint.\n\nAnatoli looked like a large round egg with a head, arms, and legs. His muscle had all gone to fat, and Tal knew that he could easily best him in a sword fight, even using only his left hand. Tal suspected Kyle and Benson, the other two guards, were also limited in their fighting gifts. Big and powerful, perhaps, but not quick. And after five minutes of conversation with Anatoli, Tal was silently adding to himself, not very bright, either.\n\nTal had done a quick inventory of the springhouse, a cellar dug under the ground behind the keep, where meat and cheese were kept cool. It was still almost freezing down there, as the soil below the surface held the winter's cold well into the summer. Later in the summer, when stores were used up, they would slaughter an animal as needed; cattle were pastured in a small meadow on the east side of the island, along with sheep, and there were pigs penned up downwind from the keep.\n\nWith Anatoli and Will to help him, Tal felt almost as if he had two hands again. He found the thief to be dexterous, and they quickly adapted to each being one half of a pair of hands. Anatoli proved useful for simple tasks, such as washing vegetables and cleaning pots.\n\nTal found a box of jars of spices in the pantry, old but still useful. He knew that none had been used to flavor his meals since he had come to the Fortress, so even faded spices would be a welcome change.\n\nHe set water to boiling, then tossed in beef bones for stock, and added vegetables and chunks of diced beef. He also started boiling some turnips he had found that weren't too far gone, and set out some cheese and fruit. He showed Will and Anatoli how he wanted things placed on Zirga's table, where he ate with the three guards, and started organizing meals for the fourteen prisoners.\n\nThe meal was hastily prepared, but still it was the best meal seen in the keep in years, Tal wagered. While Zirga and the three guards ate, Tal got Will started on taking stew to the prisoners. He made sure each plate had a good-sized hunk of meat in it, and a healthy helping of potatoes, onions, carrots, and turnips. It took the better part of an hour to distribute the plates to the other twelve prisoners. When they were finished, Tal had seen every occupied cell in the fortress.\n\nHe now had a sense of the place's true size, how to navigate it, and where he could find the items necessary for his escape.\n\nZirga came into the kitchen while Tal and Will ate their supper at a small table. \"That was good,\" he said to Tal. \"I think you should cook until they send me someone to replace Charles. Now, stop eating and return to your cell.\"\n\nAnatoli approached Tal as if to escort him back, but Tal said, \"I can't.\"\n\n\"Why not?\" said Zirga, looking at Tal suspiciously. \"You can come back down here in the morning.\"\n\n\"But tonight I must bake bread. That takes most of the night.\" He pointed to a place on the floor by the ovens. \"I can sleep there while the bread is rising, then put it in the ovens so that it's ready in the morning.\"\n\nZirga thought about it, then shrugged. \"Well, it's not as if there's anywhere for you to go, is it?\"\n\nTal nodded, keeping a straight face.\n\nAs Zirga started to leave, Tal said, \"I'll need Will to help me.\"\n\nZirga looked over his shoulder. \"Fine. Keep him.\"\n\n\"And Anatoli first thing in the morning.\"\n\n\"All right, you can have him.\"\n\nIf the guard had any reaction to this, he kept it to himself. Zirga and Anatoli left, and Will said, \"How did you do that?\"\n\nTal shrugged, pointing to the pots they would have to clean before making the bread. \"Zirga forgot what good food tastes like.\"\n\n\"I did, too,\" said Will. \"That stew was the best I've ever had.\"\n\nTal smiled. \"I think you just don't remember. If I can get Zirga to order in some fresh spices and other things, I can keep us in this kitchen for as long as we need.\"\n\n\"Need?\" Will dropped his voice. \"What do you have in mind?\"\n\n\"Many things, my friend. Many things.\"\n\nThey started washing, with Will scrubbing out pots that Tal held still for him. Then he set about showing Will how to help him make dough. The kneading was the most difficult part, but after a few false starts, they got a rhythm going and got it done.\n\nTal started fires under the ovens, then let them burn down and banked the fires. He put away the iron poker and rolled out a ragged bedroll, big enough for the two men to share.\n\n\"Now we sleep,\" said Tal, \"and let the bread rise. At dawn, we put it in the ovens and start the porridge.\" After they were both lying down, Tal said, \"Tell me about the other prisoners.\"\n\n\"What do you want to know?\"\n\n\"Who they are. What crimes have they committed. What skills they might have.\"\n\nWill whispered. \"You're planning an escape!\"\n\nTal said, \"More.\"\n\n\"What?\"\n\n\"I'm building an army.\"\n\nWeeks went by, and when another prisoner was delivered, Zirga sent the boat back to the ship with a list of provisions Tal had drawn up, along with a request for a new cook. Tal was convinced he might get the provisions, but hoped the request for a cook would be ignored. After all, Zirga had requested that a new guard be assigned when the one Will had told him of, Jasper, had died, and yet after four years, no replacement had arrived.\n\nTal found the kitchen a haven. He quickly organized Will and Anatoli so that the preparation of meals became easy. He then started adding variety to the diet, startling Zirga one morning with a heap of pan bread and honey, with slabs of ham, rather than porridge. He interspersed cuts of beef, pork, or roasted chickens with the stews, which he also varied, including a fish stew after he had convinced Zirga and the guards to spend a day fishing off the docks.\n\nSubtly, he usurped command of the fortress, letting his natural leadership quietly assert itself, while Zirga unwittingly fell back into the role of sergeant, a man comfortable giving directions once tasks had been identified. Often the idea came in the form of a question, one couched in terms that made the answer obvious, and never let the former soldier suspect for a minute that he was following instructions. Zirga gladly took credit for every improvement in their daily lives, as if the ideas were his own, and Tal was happy to let him take the credit.\n\nQuietly, Tal got the two prisoners in the dungeon moved to better cells. One of them was a murderer, a powerful man who could pick up Anatoli and throw him across the courtyard if he took a mind. His name was Masterson. Tal had sneaked down to visit him and found him slightly deranged, a bully who was prone to violence. But when Tal promised him a better cell and food, Masterson agreed to do as Tal told him.\n\nThe other man was a political prisoner, the former Baron Visniya, who quickly agreed to whatever Tal's terms might be, against the chance of freedom and revenge on Duke Kaspar.\n\nTal held little hope that these men would prove reliable in the end, but for the moment, he wanted everyone who wasn't working for Kaspar on his side when the time came to move. He had a plan, but he was keeping it to himself, not even sharing the details with Will.\n\nThe former thief had become as faithful as a puppy. Besides his undying thanks for the improvement in his lot, he was now convinced that Tal was capable of anything he truly wished. But all Tal ever did was smile and merely say, \"Just keep your mind on today's business, Will.\"\n\nWeeks passed, and then another ship arrived, this time with provisions and a new cook. Zirga came to the docks, and when he saw that Tal was no longer needed in the kitchen, the Governor visibly wilted.\n\nTal was in the kitchen when the new cook was shown in. The cook looked around and said, \"This will do.\"\n\nTal glanced at Will, then started to leave. Zirga said, \"Where are you going?\"\n\n\"Back to my cell, Governor.\"\n\n\"Wait a minute.\" He turned to the cook. \"What is your name?\"\n\n\"Royce.\" He was a stocky man of middle years, and it looked as he had been drinking. His face was puffy, his jowls hung loosely, and there were dark circles underneath his eyes.\n\n\"Why are you here?\"\n\nThe cook blinked like an owl caught in lanternlight. \"What?\"\n\n\"Why are you here? What did you do to get yourself discharged from your last position?\"\n\nRoyce hesitated, and said, \"Well, I...\"\n\n\"Don't lie to me!\" shouted Zirga. \"You got drunk on the job, didn't you?\"\n\nThe man lowered his eyes and nodded. \"Yes, sir. I worked at an inn called the Tumbled Maiden and fell asleep while cooking a lamb on a spit. The fat caught fire and...the inn burned to the ground.\"\n\n\"Ha!\" said Zirga. \"I thought so.\" He pointed at Royce. \"I asked for a guard four years ago! So, you are now a guard.\" Then he pointed at Tal. \"You are still the cook until they send me one who won't burn the keep down.\"\n\nRoyce seemed about to protest, then thought better of it. He shrugged and looked at Zirga. \"What do I do?\"\n\n\"For the time being, you help out here in the kitchen. Anatoli, you come with me.\"\n\nTal smiled and said to Royce, \"You get to sleep over there.\" He pointed to the room that had been used by Charles, the previous cook. \"Put your belongings there. Then come back and wash vegetables.\"\n\n\"I can do that,\" said Royce as he picked up his bag and moved to the door.\n\nWill said, \"Well, he can't be any worse helping around here than Anatoli was.\"\n\nTal winced. \"Don't say that. Ruthia listens.\"\n\nWill nodded, making a good luck sign at mention of the Goddess of Luck.\n\nThe addition of Royce was a stroke of good fortune for Tal. Although he was a drunk, he was experienced in the kitchen and quickly adapted to a routine that freed up much of Tal's time.\n\nTal utilized this free time wandering the island. He did it by increments, letting Zirga find him outside in the old marshaling yard, inspecting the chickens or pigs; then a month later, when Zirga came upon Tal down in the tiny meadow on the lee side of the island, seeing how the cattle and sheep were doing, Zirga didn't object.\n\nBy the onset of Tal's third winter, he knew the island as well as he knew the mountains of home. He knew the fastest way to the north beach, where there was a stand of trees containing a hive of bees. He smoked the bees out and robbed their honey the way his grandfather had taught him, and Zirga was inclined to say nothing about his forays as long as the food continued to be wonderful.\n\nNone of the guards seemed to notice that Tal had moved two prisoners out of the dungeon, all assuming that Zirga had ordered it, and Zirga never bothered to inspect their quarters. And as far as Tal could see, Zirga assumed everyone was doing just fine until otherwise notified.\n\nTal had got to know every prisoner well. He had managed at one time or another to bring food personally to each of them. Between the information Will had already provided and his own discussions with the men, Tal had a good idea of what they were capable of.\n\nIt was an interesting mix, mostly political prisoners, which gave him a core of five men who were former nobles, like Visniya, men who were familiar with Kaspar's court or the administration of Olasko. These men Tal was determined to see safely home if possible. They would give him allies once he returned to Opardum, for they all had friends and families still at liberty.\n\nThe other thirteen men were common murderers, rapists, habitual thieves, and robbers, men who had been condemned to the Fortress of Despair because of some oddity in their case, or because a judge had wished them more suffering than a quick hanging would bring. These men were expendable to Tal, but at the start he would need strong and ruthless men if any of them were to survive.\n\nSo Tal was doing his best to keep everyone alive. He organized excuses to get prisoners out of their cells, such as the honey raid, or to clean away deadwood from the cattle meadow, or to chop firewood for the coming winter. Everyone got some exercise and much-needed sunshine and fresh air. He even convinced Zirga to allow the men to gather in the courtyard for a small celebration on Midsummer's Day, Banapis. Several men wept openly at the day spent outside and the food on the table.\n\nNone of these men would be fit for combat when he mounted his escape, and some would die along the way. But he was going to ensure they would survive as long as possible.\n\nOne night, as autumn approached, Will sat at the small table in the kitchen with Tal. He said, \"I talked to Donal today.\"\n\n\"How is he?\"\n\n\"The coughin' has stopped. He thanks you for that tea you sent 'im.\"\n\n\"It's an old family recipe,\" said Tal.\n\n\"You know, these men would die for you, Tal.\"\n\nTal nodded.\n\n\"You've given them hope.\"\n\nTal was silent, then said, \"I pray that's not a cruelty.\"\n\n\"Me, too.\" Will was silent as he chewed on a piece of ham. After he swallowed, he said, \"You remember when we first met?\"\n\nTal nodded.\n\n\"You said I was 'uncommonly cheerful for a man condemned to live his life on this rock.' Remember?\"\n\nTal nodded again.\n\n\"Back then, I had nothin' to lose. Now I find I'm not so happy, if'n you take my meaning.\"\n\n\"I do,\" said Tal. \"Now you feel as if you have something to lose.\"\n\n\"Ya,\" said Will. \"I feel like I got somethin' to lose.\"\n\n\"Hope.\"\n\n\"Hope,\" Will agreed. \"So, let me cut right to it. When we goin' to escape?\"\n\nTal was silent a moment, then said, \"Next spring. I don't know when exactly, but it'll be the day after the next ship puts in.\"\n\n\"We goin' to boost a ship?\"\n\n\"No,\" said Tal. \"The men here are fitter than they were when I got here, but they're no match for Zirga's four guards and a shipful of healthy sailors.\n\n\"But there's a reason I want to go the day after the next ship puts in, and I'll tell you about it when it's time.\"\n\n\"And that'll be...?\"\n\nTal grinned. \"The day the first ship puts in next spring.\"\n\nWill sighed, and resigned himself to having to wait another six months. After all, he'd already waited twelve years. What was another half year?\n\n## Fifteen\n\n## Escape\n\nTal watched.\n\nThe ship lay off the point and Zirga and two guards, Anatoli and Kyle as always, waited to see if a new prisoner was being delivered. Tal observed from the entrance to the keep, hanging back in the shadows. Will stood behind him, also watching.\n\nThe longboat rowed from the ship to the dock, and Tal saw a prisoner sitting in the center of the boat. As was the case when Tal arrived, the sailors were efficient in getting the prisoner off the boat and up the ladder. As was the case when Tal arrived, Zirga didn't bother reading the writ on the docks, but directed the prisoner to follow him up the hill to the keep.\n\nTal felt the hair on the back of his neck rise. There was something very familiar about the prisoner, about the way he moved and carried himself. Before the man's features became clear, Tal was stepping back and saying to Will, \"Follow me.\"\n\nWill hurried along as Tal returned to the kitchen. When they reached the kitchen, they found Royce asleep in a chair, head on the table, an empty brandy bottle lying next to him. One of Tal's discoveries was that the ancient wine cellar of whatever noble had built this keep was intact, and while most of the wine still down there was long past being drinkable, there was an ample supply of spirits that hadn't gone bad. Tal had also discovered that Royce was very manageable if Tal let him get drunk once or twice a week.\n\nTal looked around and Will softly said, \"What is it?\"\n\n\"The new prisoner, I know him,\" whispered Tal.\n\n\"Who is he?\"\n\nTal looked thoughtful. \"Someone I never expected to see again, unless I was running him through with my sword. He's Quentin Havrevulen, Duke Kaspar's Special Captain.\"\n\n\"You mean he was Kaspar's Special Captain.\"\n\n\"Apparently.\" Tal thought. \"Don't talk to him when you take him his first meal. Just deliver it and see how he acts. I need to know if he's really a prisoner here or if this is another of Kaspar's schemes.\"\n\n\"Why would the Duke exile his senior captain here?\"\n\n\"That's what I intend to find out,\" said Tal, \"but only when I'm ready.\"\n\n\"We still go tomorrow?\"\n\nTal had to decide quickly. Tal said, \"Yes. We go tomorrow, but tell no one. I know exactly what it is I wish to do, and I don't want anyone tipping our hand before it's time.\"\n\nWill nodded. \"I'll do exactly what you say, Tal.\"\n\nTal said, \"So, let's get back to making supper.\"\n\nWill said, \"With luck, our last one on this rock.\"\n\nRoyce finished his meal and yawned. \"Think I'll turn in.\"\n\nTal said nothing, but nodded. When Royce's door closed, Tal picked up his water cup and wooden spoon, put them on his plate, and carried them over to a big sink. Will followed suit. When they were as far away from Royce's door as possible, Tal said, \"What do you think of our new prisoner?\"\n\n\"If he's workin' for Kaspar, he missed his callin', Tal. He should'a been an actor. He's no agent; I'll wager my life on it. He's got that look.\"\n\nTal knew what Will meant. It was an expression of shock and disbelief, a sense that somehow a horrible mistake had been made. Only the hardened criminals didn't have it. Seven prisoners had arrived since Tal, although four had died, despite Tal's attempts to help. Three had simply not had the will to survive, and the fourth had suffered a gash on his hip that had turned putrid before it had been treated.\n\nZirga thought nothing of this, but to Tal every man lost was a lessening of his chance of survival. Still, he had a net gain of three men since he had formulated his plan, and those who had died would most likely have been among the first to fall after reaching the mainland.\n\nNow Tal wrestled with what to do with Havrevulen. He would eventually see the man dead, and nothing would please him more than to leave him here with Zirga and the guards, except the risk that somehow Quint would turn that to his advantage and find a way to gain Kaspar's forgiveness.\n\nEven the slightest possibility that Havrevulen might somehow survive forced Tal to one of two choices: either kill him outright before they fled the island or take him with them. There was no alternative but to talk to the man.\n\nTal waited until Zirga and the guards were asleep, then woke Will. \"One man at a time, have the prisoners come to the armory. Tell them to keep quiet until I get there.\"\n\n\"Where are you going?\"\n\n\"To speak with our newest guest.\"\n\nWill and Tal parted company on the first landing of the keep, as Will continued going upward and Tal found Quint's cell. Tal carried a kitchen knife under his tunic and made sure he could quickly reach it before he lifted the latch to Quint's cell door.\n\nQuint came awake as Tal entered. \"Who is it?\"\n\nTal stood in the gloom, his feature's hidden. \"Tal Hawkins,\" he said quietly.\n\nQuint rolled over and sat up on the straw pallet, his back against the wall. \"How'd you find me?\"\n\n\"You'll find things are lax around here, and if you know how, you can wrangle a few privileges.\"\n\n\"Hmm,\" said Quint noncommittally.\n\nTal said, \"What happened?\"\n\nQuint made a sound halfway between a grunt and laugh. \"Failure is what happened. You know Kaspar when it comes to failure.\"\n\nTal knelt, keeping his hand on the knife's handle. \"Tell me.\"\n\n\"Why?\"\n\n\"Because I'm curious, and because I might be able to help.\"\n\n\"Help? How?\"\n\n\"I run the kitchen. If nothing else, I can make sure you get enough to eat.\"\n\nQuint's expression was hard to read in the gloom, but Tal sensed he was considering this. \"What have I to lose?\" he said at last. \"I'm not going anywhere. All right, I'll tell you.\n\n\"Kaspar is not given to patience. After you didn't kill Duke Rodoski, I was sent on a mission, and I failed. Kaspar was not interested in my excuses, and here I am.\"\n\nTal was silent for a moment, as if thinking, then said, \"You were his senior officer, his Special Captain, Quint. You commanded his entire army. It must have been a critical mission.\"\n\n\"It was. I took a company of men dressed as bandits into the Mountains of Aranor. Intelligence told us that the Prince and his family were en route to their palace at Lake Shenan, to enjoy spring in the mountains. We were supposed to fall on the camp, overpower the guards, and kill the royal family.\"\n\n\"Why?\" said Tal in surprise. \"Phillip has always been Kaspar's lapdog, and Kaspar keeps him on a short leash. He's no threat. So why kill him?\"\n\nQuint shrugged, the gesture almost lost in the gloom. \"I don't know. Kaspar's been doing unpredictable things as long as I've been in his service, but lately...they border on the insane. He spends more and more time with that wizard and...I don't know.\n\n\"Somehow Aranor's men knew we were coming, or they just decided at the last moment to send out a much larger company of guards, but for whatever reason, while Prince Phillip was killed, Princess Alena fled to safety, to Opast, then on to the Isles. Now she and her sons are in Rillanon and both the Isles and Roldem are threatening Kaspar.\"\n\nTal was silent again. After he thought about it, he said, \"Kaspar must have a traitor in his service, if they knew it was his men behind the attack.\"\n\n\"I think so. Your man Amafi rose quickly after betraying you. Kaspar sent him out on one errand after another. At the start, I thought him a useful tool, but he is more than that.\"\n\n\"Much more than a tool. He's a practiced assassin.\"\n\n\"Kaspar's plan was simple at first: to put himself in line for the throne of Roldem, then engineer a tragedy that would end King Carol's life along with his entire family at once; a ship sinking while they were all aboard would have been ideal.\n\n\"But things began to go wrong, starting with your failure to kill Duke Rodoski.\"\n\nTal laughed. \"That was Kaspar's doing, didn't you know?\"\n\n\"No,\" said Quint quietly. \"I had no idea.\"\n\nTal explained how he was to have been sacrificed while Prohaska carried out the actual murder. When he had finished, Havrevulen said, \"We were told that you had been discovered and that you gave up Prohaska, and that's why Kaspar sent you here.\" Softly he added, \"Prohaska was a friend; I would have happily murdered you myself when I heard you betrayed him, Tal.\" He shook his head in the gloom. \"To find out it was Kaspar...\"\n\n\"Maybe not. In all of this, there's another hand at play.\"\n\n\"I see that now. In the last two years Kaspar has asked me to draw up plans for several contingencies. Each time, after reviewing them, he rejected my plans and adopted plans that can only be called...strange.\"\n\nTal considered his options. He had no desire to see Quint live one moment longer than necessary, but he also recognized him as a potential ally, if only for the short term. He had just arrived, so he hadn't suffered any debilitation from his imprisonment, and Tal knew he was a skilled swordsman, an experienced officer, and as cold-blooded as anyone he had met. He would be an asset during the escape. If he could be trusted.\n\nTal decided to explore a bit more.\n\n\"I suspect this Leso Varen's hands may be on this.\"\n\n\"Probably. Kaspar has been becoming increasingly dependent upon him, spending more and more time in that abattoir Varen calls home.\" Quint was quiet for a moment, then he said, \"I'm a soldier, Tal. I don't claim to be a...deep thinker. I'm a very good soldier, which is why I rose so high, but this is all beyond anything I have ever seen...it's beyond what I can imagine.\n\n\"I know we've never been...friends. I've sensed something between us since you first appeared. I even wondered if Campaneal's death in the Tournament of Champions was an accident or if you meant for him to die. And I never liked the way Natalia took to you.\n\n\"I guess what it is I'm trying to say is that fate has put us here together, so I see no reason for us to be at odds. After all, we're both going to be here a very long time, and neither of us needs more enemies.\"\n\nTal stood up. \"Not that long.\"\n\n\"What do you mean?\" asked Quint.\n\n\"Come with me,\" said Tal, pushing open the door.\n\nQuint followed him, and the two men moved quietly through the keep, past the guards' room, where Kyle lay sleeping on the floor, rather than sitting at his post. Once they were in the bowels of the keep, Tal said, \"Zirga counts on the island preventing our escape.\"\n\n\"You're planning an escape?\"\n\n\"No, we're escaping, right now.\"\n\nReaching the armory, Tal found all but three of the prisoners waiting, and a moment later, Will, Masterson, and a man named Jenkins appeared with a single lantern. Tal spoke in a whisper. \"I doubt anyone can hear us, but let's err on the side of caution.\"\n\n\"What are we doing?\" asked one man.\n\n\"Escaping. I will tell you my plan. There is no debate. If you come with me, you follow orders, without question. If you won't, you stay behind with Zirga and the guards. Is that understood?\"\n\nEvery man nodded or muttered agreement.\n\nTal said, \"Put on as much clothing as you can comfortably wear. You will be wet and cold before we are through.\" Tal turned up the wick on the lantern, and the room was illuminated. He pointed to a large pile of clothing in the corner.\n\nMost men threw off their filthy rags and put on two or three pairs of trousers, and multiple shirts. \"In those chests are boots. Try to find a pair that fits.\"\n\nIn less than ten minutes, the men stood dressed, and every man wore sturdy boots. Tal said, \"Weapons,\" and indicated the racks behind the men.\n\nAll the political prisoners, as well as Captain Quint, picked swords. The others picked cutlasses, falchions, and short swords. Masterson, the huge murderer, favored a large ax, and Tal considered he could probably cut a man in half with it.\n\nWill found a pair of shoulder belts with loops for daggers and put it on, then filled the loops with six or seven blades. Tal chose a rapier, and a baldric with scabbard he could set on his right hip. He said to Quint, \"I wish I had practiced more with my left hand back at Masters' Court.\"\n\nQuint chuckled. \"We're armed and outfitted, but how do we get off this rock?\"\n\nTal motioned for everyone to follow, and they quietly moved to the pantry. He pointed to a pile of bundles and whispered, \"Each man takes one.\"\n\nThey did so, and he led them back into the kitchen. \"Open them,\" he instructed softly.\n\nInside each bundle was flint, steel, twine, and other useful items, as well as a handful of jerked beef and hard-tack. Tal went to a barrel of apples and quickly tossed two to each man, then said, \"Will, get the waterskins.\" While Will did that, Tal quickly went through the stores and added another half a dozen food items to the men's bundles.\n\nMasterson said, \"Why all the skulking around? Why don't we just kill Zirga and the others?\"\n\n\"And risk injury? You want to be left behind with four corpses and a broken arm?\" Nobody spoke. \"Quint's the only man here fully fit. We're going to need every man if any of us are to have a chance.\"\n\nBaron Visniya asked, \"Shouldn't we carry more food?\"\n\n\"How far are we going?\" asked another.\n\nTal said, \"Silence!\" When they all stopped muttering, he said, \"Either follow orders or return to your cells. Questions are over.\"\n\nNo man said another word, and Tal motioned for one of the prisoners to help Will pass out the waterskins. \"Fill them outside at the well.\"\n\nThey followed him outside, and once the waterskins were filled, Tal led the group to the north beach. They went down a steep path, and when they reached sand, Tal motioned for them to keep close, lest anyone get lost in the darkness. All three moons were down, and Tal could barely find the small cave he had discovered two years ago.\n\nA few minutes later, he found it. \"Move those rocks,\" he said.\n\nSome of the men moved a few small boulders that were keeping a pile of driftwood in place, and when that was removed, the cave opening was revealed. It was shallow and low, and two men had to kneel to enter. A few feet back, they found long poles and shorter logs, along with bundles of ropes, a small cask of nails, and a hammer.\n\n\"What next?\" asked Havrevulen.\n\n\"Build a raft,\" said Tal, \"and we have less than four hours in which to do it.\"\n\nHe gave instructions, and the men laid out the logs that Tal had painstakingly cut and hauled down to the beach. He had scraped himself, dropped logs on his feet, fallen down the trail and earned bruises, twisted muscles and splinters, but over the past two years he had managed to cut down eight trees, strip them, and drag them down the trail from the woods above. The poles had proven far easier, since he had discovered them in storage in an abandoned warehouse near the outer wall. The wood was old, but still serviceable. Those he had got to the cave in a week.\n\nA few of the men lashed the poles on top of the logs, and when they had done that, a frame lay on the sands. Tal raised a single mast, held to the center by four interlocking boards, nailed fast to the two center logs. The sail was a bedsheet, folded over and sewn to form a triangle, tacked to the top of the mast. It could be pulled open at the bottom and tied to the rear pole.\n\n\"We can't all stand on this thing,\" said one of the men.\n\n\"We're not,\" said Tal. He said to Will, \"There's another pile of driftwood over there.\" He pointed in the dark. \"Take some men and move it.\"\n\nWill did as instructed and returned with large folded bundles of oil-treated canvas. It was laid on the left side of the raft. \"Put all your bundles into the canvas, along with your weapons.\" After this was done, Tal said, \"Tie it securely, then lash it to the poles.\"\n\nWhen the bundle was in place, Tal said, \"Here's the plan. It'll be a month and a half to three months before the next ship arrives. That gives us six to twelve weeks to get off the island and head to safety before Zirga can send word to Olasko we've escaped. If the ship goes straight to Opardum, that's another two weeks we're away from here.\n\n\"There's a strong current, and we're going to let it do some of our work for us pushing us north while we head for shore. Most of you are too weak to swim more than a few hundred yards, if that, but you can hang on, and the rest of us will kick. The wind will do a little of the work for us. We'll take turns pushing this raft toward the beaches. A man gets too weak to hang on, he can rest on the logs a bit. I reckon it'll take us a few hours to get to the mainland and carry us north while we're doing it. We should land five, maybe six miles north of here.\"\n\n\"Where are we going?\" asked Masterson.\n\n\"Karesh'kaar to start.\" Tal looked around, and said, \"In Bardac's Holdfast we'll be a company of mercenaries. After we get there, I will tell you what's next. I'll tell you this much now: some of you will not make it. Some of you will die in the attempt, but you were dead men in those cells anyway, so you will die free.\n\n\"For those who reach Karesh'kaar, I promise this much: if you want to quit and strike out on your own, I won't stop you. But if you stick with me, and if the gods favor us, one day we will be standing on the battlements of the citadel of Opardum, with Kaspar's head on a pike!\"\n\nThe men actually cheered, and Tal said, \"Get the paddles.\" He pointed to the cave.\n\nFour men returned with the roughly carved pieces of wood, barely recognizable as paddles. He had found four matching pieces of wood that he'd carved with a kitchen knife. \"They're not much,\" said Tal, \"but they are all we have. Now, get this raft in the water.\"\n\nThe men picked up the makeshift vessel and waded quickly into the sea. With the moons down, the breakers were rolling lightly, breaking at chest height. After getting completely soaked, Tal and Will stood at the mast, and Tal said, \"Four men will sit on each outer log, and take turns paddling. The rest of you will hang on to the rear of the raft and you must kick and push. We have less than an hour before sunrise. Zirga and the others will be up within an hour after that, and I want to make sure we are far enough away that they can't see us from the top of the keep.\" He detailed the eight strongest men, including Masterson and Quint, to paddle. The others hung on the back of the raft and let it carry them along until ordered to kick.\n\nThe current moved them northward, while the paddlers and kickers made slight headway toward the mainland. Except for Quint and Masterson, most of the men had almost no stamina; so at intervals, Tal had two men change places, coming out of the water to paddle, while those who had just paddled rested on the makeshift canvas deck. He hoped by rotating the duty more men might survive to reach the shore.\n\nThe progress was torturously slow, but when at last the sun rose over the eastern horizon, the keep was a distant dot to the southeast. Tal had better eyesight than most men, and he was convinced no one left at the keep would be able to see them from the roof.\n\nAt least that was his hope.\n\nZirga yawned as he left his quarters and scratched his backside. He saw Kyle standing at the door of the guards' room and knew instantly something was wrong. \"What is it? Did someone die during the night?\"\n\nKyle shook his head and said, \"No. It's the prisoners.\"\n\n\"What about them?\"\n\n\"They're gone.\"\n\n\"What do you mean, they're gone?\"\n\n\"None of them are in their cells.\"\n\n\"That's impossible.\" Zirga hurried to look in the cells himself, as if not trusting the guard's word. After a few minutes, he said, \"Someone's playing a game. Look in all the cells.\" He shouted, and in a few minutes Anatoli, Benson, and Royce also appeared, looking equally confused. Zirga told them to search the entire keep, and when they returned reporting no one was around, he shouted, \"Then search the island!\"\n\nThey took off, and Zirga headed up to the roof of the keep. He blinked at the rising sun and looked around in every direction. For a brief instant he thought he saw a speck to the northwest, just on the horizon, but after a moment, he saw only water and sky. Knowing what he would hear when his men returned, Zirga descended slowly and walked to the kitchen.\n\nAs he suspected, there were clear signs that the armory and pantry had been raided. He sat at the small table where Tal and Will ate every night and waited. Within an hour, the men returned, all reporting the same thing: no sign of the prisoners anywhere.\n\nZirga said, \"Who looked at the north beach?\"\n\nBenson, a portly man with almost no chin, said, \"I did, sir.\"\n\n\"What did you see?\"\n\n\"A beach, sir.\"\n\nZirga shook his head. \"You idiot! I meant did you see tracks or signs of a boat being dragged up on the sand?\"\n\n\"Not so's you'd notice, but then...I wasn't looking.\"\n\nZirga shook his head, and his expression was one of disbelief.\n\n\"I mean, I was lookin' for the men. You want me to go back and look for tracks?\"\n\nZirga said, \"No need. They're not on the island.\"\n\nAnatoli said, \"What'll we do?\"\n\nZirga took a deep breath and let out a long sigh. To Royce he said, \"Cook us something to eat.\" To the others he said, \"We wait.\"\n\n\"Wait? For what?\" asked Kyle.\n\n\"For the first ship to show up and take us away.\"\n\n\"Away? Where are we going?\" asked Royce as he moved toward the pantry.\n\n\"Anywhere but Opardum,\" said Zirga. \"When the Duke finds out we let seventeen prisoners just walk off this island, he'll send another governor and four new guards and we five will be the first new prisoners in this place.\"\n\n\"I wouldn't like that,\" said Anatoli.\n\nZirga just shook his head and covered his eyes. \"Bring me some brandy. That's a good lad.\"\n\nAnatoli did as he was told, and Zirga sat back, looking around the kitchen. \"I've got some gold put by, so maybe I can find something to do up in County Conar. I've got a cousin down in a village near the border of Salmater. He might have a place for me. Wherever I end up, lads, it's going to be far from here.\" He heaved a regretful sigh. \"But I'm really going to miss those meals.\"\n\nThe other three nodded and voiced agreement as Royce started to cook.\n\nBy midday Tal judged they had gone farther north than he had anticipated, and it was more difficult moving toward the mainland than Tal had anticipated. They seemed to get no closer to land no matter how hard they paddled. He could faintly see white water breaking on the shores, so he knew they were no more than two miles out, but for the last hour they didn't seem to have been closing.\n\nHe looked at the men in the water and saw that several were showing signs of succumbing to the cold water. He ordered the paddlers into the water, then motioned for Will to follow him into the sea. He then told those looking weakest to get out and try to get as dry as possible in the sun as fresh paddlers took up their positions. There was a breeze blowing, which would help them dry out, but to Tal's irritation, it was blowing to the northeast, so the primitive sail would be of no use to them.\n\nTal watched closely and saw that two of the men who had just come out of the water were in serious trouble. Their teeth were chattering uncontrollably and they could barely hang on as they crouched on the logs. \"Sit athwart and let your feet dangle, and keep your hands on the log, so you don't fall in,\" he instructed them. He knew that once their shirts dried they'd start feeling the heat of the sun, but it would be a close thing.\n\nHe gauged the progress they were making as best he could from in the water, but after nearly ten minutes, he thought, if anything, they were farther away. To those in the water with him, he said, \"Kick.\"\n\nHe put his one good hand around the pole before him, then started kicking as hard as he could. The others followed his example while the paddlers redoubled their effort. After a few minutes, he shouted, \"Are we getting closer?\"\n\n\"Yes,\" came the answer from one of the men sitting before the mast. \"I'd say we were. Keep it up.\"\n\nFor nearly half an hour the men in the water kicked, but except for Captain Quint, they were tiring quickly. Tal called out, \"Who feels fit to get in the water and kick?\"\n\nFour of the men who had been in the water an hour before indicated they were willing to trade places, and Tal organized a rotation of men in and out of the water. When it came time for him to climb out and rest, he could barely hoist himself up onto the logs without help. He huffed and took several deep breaths until he caught his wind, then he moved forward, scooting along on a log, until he could stand by the mast.\n\nHe saw they were making progress toward the mainland. \"Another hour!\" he yelled encouragingly, \"That's all it will take, and we'll be in the breakers!\"\n\nThat seemed to revive the men in the water a bit, and they redoubled their efforts. Tal looked around and considered himself fortunate. He had thought he might lose as many as four or five men getting to the mainland, but at the moment it looked as if all of them would get to shore.\n\nThen he saw the first shark fin cutting toward the raft.\n\n## Sixteen\n\n## Survival\n\nTal stared.\n\nIn mute horror he watched as the shark fin turned and moved in on the man at the far edge of the raft. Before he could cry a warning, the man's head vanished under the water, as if he had been grabbed by a giant hand and pulled under.\n\nA moment later he popped back to the surface, his eyes wide in surprise, not quite sure what had happened. Then he started to gasp, and a low cry came from his throat, rising in pitch to a terrified scream.\n\n\"Sharks!\" shouted one of the paddlers, pointing to the right of the raft, where more fins were cutting through the water. Tal counted, and three more were coming in from that side, as another joined the one that had struck the first swimmer.\n\nMen started shouting. Tal shouted back, \"Don't try to climb up! We'll all be swamped.\"\n\nHe glanced around and saw that the men were verging on mindless panic, so he screamed, \"Kick! Kick as hard as you can!\"\n\nSuddenly the water was foaming as men thrashed, trying to propel the raft toward the beach as quickly as possible. The man whom the shark had attacked made eye contact with Tal for moment, his mouth working, although no sound emerged. Then his eyes rolled up in his head, and he went under. When his body bobbed back to the surface, he upended, and both legs were missing.\n\nThen Tal saw the blunt nose of the shark as it rose up from the depths and struck the corpse, seizing it in its mouth and pulling it under.\n\n\"Kick, damn you!\" shouted Will.\n\nThe men who were sitting between the paddlers put their outside hand down in the water and paddled desperately, as if that little bit of effort would somehow help speed them. Tal scanned the waves in all directions, looking for another fin, and saw one coming in from the right. He shouted, \"Shark!\" and pointed. Then he told the paddler nearest to the monster, \"Hit it!\"\n\nThe man looked at the shark heading almost straight at him and reflexively tried to stand up. Shouting in panic, he lost his balance and fell over, right into the path of the shark.\n\n\"Get out!\" Tal cried.\n\nAnother shark came in fast behind the first, and the man was abruptly yanked downward, only to come up for a moment, trying to scream but making only gurgling noises as he choked on water, the sea around him churning white water and blood.\n\nTal leapt into the waves and with one stroke of his arm reached the paddle. He turned and kicked to bring himself back toward the raft. Holding his breath, he kicked twice more and felt hands pulling him out of the water.\n\n\"Are you mad?\" Baron Visniya cried.\n\n\"We need the paddle!\" Tal said, spitting out water.\n\nHe held it out, and Visniya took it, replacing the man who had fallen. \"If they come close,\" shouted Tal to those on the raft, \"hit them with the paddles!\" To the men frantically pushing the raft he yelled, \"If they get near you, kick them, hit them, gouge their eyes, do anything to make them leave you alone!\"\n\nTal glanced toward the coast and saw they had moved slightly closer, but their progress was still torturously slow. Clinging helplessly to the mast, he stood up and watched the sharks circle. Two or three of them darted in where the last two had pulled the paddler over, drawn by the blood.\n\nSuddenly a third man was pulled under, and the men on either side of him shouted and one tried to climb back on the raft. Captain Quint shoved him back in, shouting, \"Kick, damn you!\" then he jumped in next to him and replaced the man who had just been killed.\n\nWill whispered, \"Three men, Tal!\"\n\nA man sitting to the fore on the left side of the raft threw himself into the water and started swimming to the shore. Tal had seen enough good swimmers in his lifetime to recognize that this man was unpracticed. His strokes were frantic and uncoordinated, wasteful of energy, so he did not have much forward momentum and would tire rapidly. Tal said to Will, \"He should have taken his boots off.\"\n\nNo shark came near the man, seeming content for the moment to feed on the ones already taken, but halfway between the raft and the breakers the swimmer's head went under and didn't reappear.\n\nTal again judged their progress and saw they were now drawing closer to the breakers. The rise and fall of the raft was increasing as the combers rolled in to the shoreline. \"Kick harder!\" he shouted. \"We're almost there!\"\n\nThen the raft jerked as if it had hit a rock, and two men fell over on the right side. A second hard bump came from below, and Tal shouted, \"There's one underneath us!\" Both men were desperately trying to get back on the raft when one disappeared under the water before Tal's eyes. The other made it to the raft and climbed aboard, his paddle lost. The first man never reappeared, but the water turned dark with blood.\n\nTal shouted, \"Everyone, into the water!\"\n\nHe leapt in next to the men propelling the raft from behind, put his one good hand on the raft, and started kicking.\n\nWith less weight on the raft and more men pushing, the raft picked up speed. In a few minutes the surge of tide picked up the raft and moved it closer toward the mainland. Tal shouted, \"Swim for shore!\"\n\nTal had been a powerful swimmer as a boy, but he had never swum with just one arm. He struggled to keep some sort of rhythm and kicked as hard as he could.\n\nSuddenly his right foot touched something, and he reached down with his left and miraculously felt sand. The waves were breaking shallowly along the coast, no more than two or three feet high. He started to wade in and looked around. Men were still swimming behind him or wading through the surf towards the shore.\n\nBehind the others he saw Captain Quint and shouted, \"Grab the raft!\"\n\nThe Captain turned to see the raft riding in on the low breakers, and he shouted for the others to help him pull it ashore. The two nearest men ignored him, they were so frantic to be out of the water, but another turned and did as told, and soon others joined in and they were pulling the raft into the dry beach.\n\nMen fell weeping to the sand. Exhausted, weak, and frightened, they were nevertheless free.\n\nTal looked around and started counting.\n\nWhen he had done so, he knew the horrible fact: there were only eleven of them on the beach. One man had drowned himself and he had seen the sharks take four, so one more had been taken or drowned trying to reach the shore.\n\nBaron Visniya, Masterson the murderer, Captain Quint, Tal, and seven other men sat drenched on the sand. Then it hit Tal: Will wasn't there.\n\nHe looked out at the rolling water, listened to the sounds of breakers and the panting of the exhausted men. For a brief moment he expected to see Will pop out of the water and start walking toward them, but after a minute he acknowledged the truth: Will was gone.\n\nTal looked at the sky. It was an hour after noon. The journey from the island had taken seven hours and cost six lives, and they still had several hundred miles of trekking ahead of them before they reached civilization. The only solace at the moment for Tal was knowing that he was free, and that pursuit wouldn't commence for weeks, perhaps months. He could concentrate on moving at a steady pace, keeping the men alive, and getting to somewhere where he could begin to put his plan into effect.\n\nAfter taking one more look out to sea, he turned and said, \"Let's get the weapons and provisions off the raft. Then we need to find a campsite and start a fire.\"\n\nSlowly the men got to their feet and moved to carry out their leader's orders.\n\nJenkins lay still, his face a mask of agony as Tal cut at his leg with a knife. The snake he had just killed lay a few feet away, still writhing after Tal had cut off its head.\n\n\"Is he going to die, Tal?\" asked Quint.\n\n\"No, but he's going to wish he had before the poison runs its course.\"\n\nTal had cut above the fang marks and he now sucked out as much of the blood and poison as he could. Quint looked around. They were in a rocky lowland, ten miles inland from the sea, following a series of ravines that ran along a line of foothills that paralleled the coast. Filthy, tired men stood and watched as Tal worked on Jenkins's leg.\n\nQuint studied the sky, then the fallen man. \"All right,\" he said, \"That's it for today. Get some wood, and let's get a fire started.\"\n\nTal said nothing. Quint had let his natural habit of leadership come to the fore and had assumed the position of second-in-command and Tal didn't voice any objection. Order was welcome in this company.\n\nTal glanced from face to face as the men started to make camp, something in which they were well practiced. Eleven men had walked out of the surf and now, three weeks later, there were eight left in the company. Rafelson had fallen to his death as they climbed over a rather innocuous hill, stumbling and striking his head on a rock. Vilnewski had simply been found dead one morning under his cloak. Jacobo had died after being gored by a boar they had hunted. No one could stop the bleeding.\n\nThe men were weak and tired, and Tal had no idea how much longer they could endure the journey. He had a rough idea of where they were and realized at their present rate it would probably take them another month to reach the river that was the boundary between Olasko and Bardac's Holdfast. He thought Quint and Masterson had a good chance of making it to the end, and Baron Visniya had proven unexpectedly tough. Jenkins might make it if he survived the night with the snake's venom, but Tal was being optimistic. A healthy man would survive the snake bite, but Jenkins was far from healthy. They had lived on forage for three weeks, and were the worse for it. Sleeping outside didn't help, because even though it was spring, the nights this far north were not gentle.\n\nTal motioned for Quint to move closer to him and said quietly, \"We need shelter. We need to have a place to rest up for a week, maybe more, a place where we can hunt and bring in some stores and get the men stronger.\"\n\nQuint nodded in agreement. \"We're a month from Bardac's, at least,\" he said. \"Even if Jenkins hadn't found that snake, he's not likely to make it.\" He pointed toward three men who were looking for wood, but moving at a very slow pace. \"Donska, Whislia, and Stolinko are dead men within a week if we don't rest up.\" He glanced around. \"But where?\"\n\n\"A cave, maybe,\" said Tal. \"You get the men comfortable about the fire, and I'll see if I can find shelter. I'll be back before dark.\"\n\nTal returned two hours later, having found a cave up in a ravine. He told the men, \"We'll stay here one more night, without moving Jenkins, then we'll head up there tomorrow.\"\n\nAfter a meager meal of berries found along the way and the last of the dried boar meat, the men gathered close to the campfire and went to sleep. Jenkins groaned, and his breathing became ragged and shallow.\n\nTal watched the man's face, seeing the perspiration running off as he whimpered.\n\nQuint came over and softly asked, \"He going to make it?\"\n\n\"Maybe,\" said Tal. \"We'll know in the morning.\"\n\nQuint took Tal by the arm and moved him a little way from the others. \"Tal, you've said nothing about what we're going to do when we get to the border.\"\n\n\"I'm counting on you to get us across, Quint. You know the Olaskan military better than anyone. Some time or another you must have read a report or heard about a place we can cross, then circle around and get north of Karesh'kaar, so we can enter the city that way.\"\n\nQuint said, \"Maybe. I heard of some bogland south of the river, maybe forty miles inland, where no one patrols; it's too treacherous. But even if we do get across, once we're in Karesh'kaar, what then?\"\n\n\"We eat, we rest, we heal, then we start recruiting.\"\n\n\"I thought all that 'building an army' talk was just bravado.\"\n\n\"I'm serious. I plan on sacking Opardum's citadel with Kaspar in it.\"\n\nQuint laughed. \"Have you ever seen a mercenary company, let alone been in one?\"\n\nTal smiled. \"As a matter of fact, I have. Truth to tell, I was captain of a company.\"\n\n\"Really?\" said Quint. \"You never mentioned it.\"\n\n\"I didn't think Kaspar would appreciate hearing about it.\"\n\n\"Why?\n\nTal said, \"Because I'm the man who killed Raven and destroyed his company, blunting Kaspar's attack into the land of the Orodon.\"\n\nQuint said nothing for a long moment. Then he laughed. \"My first reaction was to throttle you, because Kaspar was as mad as a bull with a porcupine up his arse, but now that I think of it, good for you. I served with Raven once. He was an evil bastard if ever there was one. I am a soldier, but I've no love for war. That man enjoyed slaughter. I saw him kill babies.\"\n\nTal said nothing for a while, then asked, \"Why didn't you try to stop him?\"\n\n\"I'd have had to kill him. And I was there as a military liaison, just making sure Raven found the right targets, not a commander telling him how to do his work.\n\n\"I saw him butcher women, order archers to shoot at old men, saw him ride over children...\" Quint looked down for a moment as if the memories were uncomfortable. \"I saw him shoot down a boy, couldn't have been more than thirteen, fourteen. Poor lad was covered in blood, carrying a sword far too large for him, wobbly-legged, and half dead already. I just warned Raven in case the lad got close enough to maybe take a cut at him, but instead of knocking him down or riding away, the bastard shot him with a crossbow.\" He was silent for a bit, then added, \"Glad to hear you're the one who killed him, Tal. Makes me think you might have some hope of seeing this mad plan of yours work. But I have one question.\"\n\n\"What?\"\n\n\"Armies need gold. Last time I looked we weren't lugging any along with the supplies. How do you propose to get gold?\"\n\nTal said, \"Get us to Karesh'kaar, and I'll get us some gold.\"\n\n\"I'll do my best,\" said Quint. \"Why don't you turn in? I'll take the first watch.\"\n\n\"Wake me in two hours,\" said Tal. He found his own bundle, unrolled it, and lay for a while thinking of what Quint had said. He remembered the day Quint had mentioned, for he had been the boy Raven had shot with the crossbow. He could recall in detail the Captain's turning to Raven, while Lieutenant Campaneal sat on the other side, and Quint's mouth moving as he warned Raven of Tal's approach. And he well remembered the casual way in which Raven had raised his crossbow and shot him.\n\nTal rolled over. Liaison or not, Quint had still been there when his village had been destroyed. His distaste for Raven didn't change a thing. One day Quint was going to die at Tal's hands.\n\nBut before he fell into slumber, Tal wondered if it had been Quint who had saved Eye of the Blue-Winged Teal, and if there had been others saved as well.\n\nHe slept for two hours, was awakened by Quint, and then after two hours he woke Visniya and returned to sleep. In the morning he awoke and stretched, then looked across to the campfire. Jenkins was dead.\n\nThe cave had been their home for a week, and the men were slowly growing stronger. Tal had set snares around the area and caught enough rabbits and squirrels and one fat turkey that they were eating relatively well. He had found wild berries and a stand of plants he recognized from his homeland; the roots were edible and nourishing if slowly heated in water for a few hours. Lacking a pot, he contrived a way to cook them; he wrapped the tubers in leaves and put them in a pit, which he filled with heated rocks, steaming the roots by pouring water over the rocks. The process was tedious and had to be repeated many times, but the men welcomed the addition to their diets.\n\nTal felt stronger than he had since leaving the fortress, and he knew that in a few more days they would need to start the next leg of their journey. Quint came over to where Tal was sitting and asked, \"Do you think Kaspar will try to find us?\"\n\n\"You know him better than I do. What do you think?\"\n\n\"Depends.\" The old soldier had become gaunt since leaving the Fortress and now had a ragged beard and matted hair. \"He may be too busy with another of his mad plans to send soldiers after us, but he'll surely have his agents around the region keeping an eye out for us.\"\n\n\"He has agents in Karesh'kaar?\"\n\nQuint smiled. \"Everywhere. Some work directly for him, like you did, and others are just men who know that Kaspar pays well for certain information. There are a fair number of Olaskons living in Bardac's, and I've seen the reports. I don't know who's writing them, but Kaspar's got eyes everywhere.\"\n\n\"So what? Once we're out of Olasko, he can't arrest us.\"\n\n\"But he can kill us,\" said Quint. He laughed. \"My only pleasure these days is imagining him fuming when he hears we've escaped. It will annoy him no end not knowing where we are. Given his nature, he will assume we're sitting in some tavern right now, drinking, eating, and whoring, laughing at him and calling him a fool. Brooding is his downfall.\"\n\nTal didn't smile. \"I take no comfort from Kaspar getting distressed.\" He held out the stump of his right arm. \"He has this and many more things to answer for. You might be content to get away from him and find service elsewhere, Quint, but I mean to see him dead at the end of my sword.\" Tal's eyes became cold. \"And not until I've taken everything from him. First I destroy his power, then I take away his wealth, then I kill him.\"\n\nQuint said, \"Dreams are nice, Tal, but look where we are.\"\n\nTal looked around the rocky hills, which were broken only by stands of trees and brush. The afternoon wind was blowing, hot with the promise of summer to come, and birds could be heard in all directions. He looked back at Quint. \"Well, I didn't say I was going to do it today.\"\n\nQuint laughed. \"Very well.\"\n\nTal stood up. To the other men he said, \"I think after a couple more days of hunting we'll start moving north again. I'd like to sleep in a bed before another month goes past.\"\n\nThe men nodded, and Tal turned to Quint. \"I think I'll check the snares.\"\n\nQuint nodded and watched as Tal walked away, carrying a spear he had made from a sapling, a knife at his belt, his sword cast aside in his bedding for the time being. The former Captain shook his head. Tal looked nothing like the Champion of the Masters' Court, nor would he even if he had had both arms. But then, Quint considered, he looked nothing like the commander of the Armies of Olasko, either. He decided to head down to the lake they had passed on their way up to the cave and try his hand at fishing.\n\nFive ragged men waded through the bogs. Fetid pools covered in green slime were bounded by muddy flats. Trees with stunted branches dotted the landscape, small markers by which they judged their position as they moved north.\n\nTal, Quint, Masterson, Visniya, and a former nobleman, Stolinko, all who were left from the escape from the Fortress of Despair, waded through knee-deep water. Flies plagued them, and the day's heat beat down on them. Even after the cave's brief respite Donska and Whislia had deteriorated during the arduous journey, and they had also been lost.\n\n\"You'd think with this heat the damn place would dry up,\" said Masterson, his huge ax carried over his shoulder.\n\nQuint grunted something approximating a laugh.\n\nTal said, \"We're downhill from a big range of mountains.\" He stopped a moment, wiping his brow, then continued. \"It rains up there a lot, and this part of the countryside is like a bloody big bowl that doesn't drain quite as fast as it fills up, no matter what the weather's like.\" He pointed in the direction they were moving. \"But out there, somewhere, it is draining, and when we find a good-sized stream coming out of this mess, it'll lead us to the river.\"\n\nQuint nodded. \"If what I remember from the maps of the area is right, we should be hitting the river in a day or two.\"\n\n\"How are we getting across?\" asked Visniya.\n\n\"There are fords,\" said Quint. \"Quite a few, not well-known, but reports list them. When we get to the riverbank we turn downstream. We should find one in a couple of days.\"\n\n\"If a patrol doesn't find us first,\" said Stolinko. He was a dour man who didn't talk much. Tal wasn't quite sure what Stolinko had done to offend Kaspar, but he had turned out to be a tough, reliable type who did his share of work without complaint.\n\nQuint said, \"Our patrols don't come this far inland. No need.\" He waved his hand around. \"See any reason to guard this?\"\n\nThey were out of food, and there was nothing obviously edible in sight, so they staggered on, hoping to leave the bog soon. Around midafternoon, Tal said, \"I think we're heading into deeper water.\"\n\nThe others noticed that the water was up around their knees.\n\n\"The trees are thinning out,\" said Masterson.\n\nTal said to Quint. \"You've never been up here before?\"\n\n\"Not here. I've inspected the garrison at City of the Guardian and ridden a patrol inland, but nothing this far out.\"\n\n\"Wait here a minute,\" Tal said.\n\nHe circled around them for the better part of twenty minutes, then returned, and said, \"The water is moving that way.\" He pointed to the east.\n\n\"What does that mean?\" asked Visniya.\n\n\"It means the river is that way,\" said Tal. He headed off in the indicated direction.\n\nThey began hitting drier ground in an hour, and as sundown neared, they found the land rising ahead of them and to the right, and the bog draining off to the left, feeding what was clearly a wide but moving body of water. \"Let's camp up there for the night,\" said Tal, pointing to an elevation that should prove dry. \"Then tomorrow we'll follow this water and see where it leads us.\"\n\nThey made a cold camp, without even any food, so it was a tired and unhappy band that awoke the next morning and set off. As Tal had predicted, the water became a stream, which ran quickly downhill. Two hours after they had started, they came over a rise and saw the river.\n\nTal studied the landscape. \"I see no signs of anyone else being around here.\"\n\n\"We're too far east for patrols,\" said Quint. \"This is no-man's country. The army doesn't patrol because even the smugglers avoid it.\"\n\n\"Why?\" asked Stolinko.\n\nQuint said, \"No one knows. Rumors. Bands of inhuman monsters, or wild primitives who eat human flesh.\" He saw the expressions on his companions' faces and laughed. \"Those are stories. There are some people living around here\u2014the gods only know why they do\u2014but mostly no one comes here because this land is worthless.\" He pointed to the river. \"Across the river is Bardac's. There's a pretty little coastline over there, and a thousand square miles of land even a pig farmer couldn't use. Bogs worse than the one we just left, salt flats, pine barrens, marshes, who knows what else? Everything in Bardac's worth taking is within fifty miles of the coast. The only exception is the city of Qulak, which guards the pass leading into Aranor. You've got a road from Karesh'kaar to there and also from Bishop's Point up north on the coast. One road from Karesh'kaar to Traitor's Cove to Bishop's Point. So there you have it, four cities, three roads, and about a hundred jumped-up bandit chieftains calling themselves Baron this and Count that.\n\n\"Whenever someone tried to build anything this side of the river, bandits from across the river came down and took it. That's why everything worth talking about in Olasko is down south,\" said Quint.\n\n\"So you think we'll have no trouble getting across the river?\" asked Tal.\n\n\"Oh, getting across may be the least of our problems,\" said Quint. He looked at his companions. \"A band of seventeen men might have been enough to prevent us from getting jumped, but the first band of rogues or the first 'noble' we blunder into\"\u2014he shrugged\u2014\"they'll cut our throats first, then discover we have nothing worth stealing. The bastards won't even apologize afterward.\"\n\n\"Well, let's stop talking about it and get down there,\" said Masterson.\n\nTal nodded. \"Let's go.\"\n\nThey moved along the banks of the stream and discovered that the river was farther off than it looked. It was midday before they reached the banks just to the west of where the stream emptied into the river. Tal looked around. \"Look at the color.\"\n\n\"What about it?\" asked Masterson.\n\n\"The stream must be dumping silt here. It's shallow. I'm going to try to cross.\"\n\nTal waded into the water and found the river was running fast, but that it wasn't too deep. He moved out until he was nearly a third of the way across, and the water was only up to midthigh. He stopped and looked, watching the currents, the swirls and eddies, then he waved for the others to follow.\n\nThe water deepened and suddenly fell off to a channel on the side opposite where the stream flowed in. He started to swim. The men were underfed and weak with exhaustion and lack of food, but he reckoned that if a one-armed man carrying a sword and spear could get across, so could they.\n\nA few minutes after he had reached the far shore, Masterson came across, followed by the others.\n\nQuint looked around. \"My friends, welcome to Bardac's Holdfast.\"\n\n\"I'm glad that's behind us,\" Visniya muttered.\n\n\"Don't be so happy,\" Quint said. \"It's now that things get difficult.\"\n\n\"What do we do?\" asked Stolinko.\n\nTal looked at Quint and said, \"I think we go north, find the road, then turn east for Karesh'kaar.\"\n\n\"That would work if it wasn't for the fact that every bandit in the region uses that road. I think we find out where it is, then try to work our way west just in sight of it, but hopefully out of sight of anyone else. Any man not wearing the colors of a local noble is fair game for murder, robbery, slavers. There's law up here, but it's rough law, and it is usually a case of who has the most weapons.\"\n\n\"Sounds like my kind of place,\" declared Masterson, hefting his ax.\n\nDryly Stolinko said, \"At least one of us is happy.\"\n\n\"Well, the day's not getting any longer,\" said Tal, and he started hiking up the riverbank, heading north.\n\n\"Man, I'm going to go mad smelling that,\" said Masterson. The smell of cooking carried toward them on the breeze.\n\n\"Keep your voice down,\" whispered Tal.\n\nThey lay on their stomachs along a ridge as the sun set, overlooking the road leading to Karesh'kaar. Camped below was what appeared to be a slave caravan. About thirty young men and women were chained in a coffle and strung out along the side of the road, their chains secured at either end to a wagon. Six guards were posted, three at each wagon, along with a driver who tended the horses.\n\n\"What do you think's in those wagons?\" asked Visniya.\n\nTal whispered, \"Supplies, I'm guessing.\" He turned to Quint. \"Where are the slaves from?\"\n\n\"Who knows? If they're coming down from the mountains, they may be from a border raid into Aranor. Or they could be some poor bastards taken in a raid from one 'noble's' property by another 'noble.' The way things work up here, if you're more than a day's ride from your ruler's castle, you're fair game.\" He pointed to the wagon in the front. \"See that banner? Holmalee, a count of sorts, with a pretty big army. He's local to this area. That's why there's only six guards, instead of sixty. This close to Holmalee's castle, no one is going to muck about with his caravan.\"\n\n\"What are we going to do?\" asked Stolinko.\n\nTal looked at his four companions. They were on the verge of collapse. Quint judged them to be a day or two more from the city of Karesh'kaar, but Tal doubted they could make it through another half day without something to eat. It was three days since they had last eaten, and that had been nothing more than berries. It was five days since they had finished the last of the food they had carried with them.\n\nTal said, \"We wait until dark. Then we slip down and kill the guards.\"\n\nMasterson said, \"Wonderful.\"\n\nVisniya said, \"I don't know if I can fight.\"\n\nTal said, \"Don't worry. I'll take out one sentry, and if they have a second, Quint will take him out. If we don't alarm the slaves, we should be able to finish them off before they are awake.\"\n\nHe started moving down the incline, motioning for the others to follow. At the bottom of the rise, he led them into a stand of trees. \"We hide here just in case one of the guards is the fastidious type and comes over the rise to take a piss.\"\n\nThey settled in and waited for night to fall.\n\nTal crept down the hillside. The sentry was sitting with his back against a wagon wheel, his head nodding as his chin touched his chest. The two other guards were sleeping near the fire. The slaves were all asleep on the ground, and at the other end of the coffle another guard sat by the other wagon. His two companions appeared to be fast asleep.\n\nQuint was moving parallel to Tal, his task being to kill the sentry farthest from where they had come over the rise. The other three men would come out of the trees at the first hint of trouble.\n\nTal reached a point near his man, who suddenly started awake, perhaps sensing someone's approach. Tal slashed the man's throat before he could cry out, and his hands went up, a fountain of blood spurting through his fingers as he struggled in vain to hold back the blood. Then his eyes went glassy, and he fell over.\n\nTal quickly killed the two sleeping men.\n\nQuint's guard died silently, but one of the sleeping men awoke, crying out in alarm. Suddenly the slaves were awake, yelling, crying, and screaming, imagining that whatever new horror was about in the night would mean more suffering for them.\n\nMasterson and the others came running out of the copse and quickly overpowered the guards and suddenly only Tal's men and the slaves were alive. No one hesitated. There was still food by the fire, and all five men fell to ravenously.\n\nTal stood with a half-eaten chicken in his hand and saw several of the slaves were pulling on their chain, as if to rip it from the metal eyelet that fastened it to the wagon. \"Stop it!\" shouted Tal in the Opardum dialect of Roldemish. \"If you want to live, stop it.\"\n\nThe slaves stopped. Tal chewed and swallowed, convinced he had never tasted chicken this good in his life. He went over to inspect the slaves. There were close to twenty young women, none older than perhaps twenty years of age. All were very pretty. The men were all young as well, healthy and broad-shouldered; for slaves they appeared to be surprisingly well fed and fit.\n\nQuint came over, chewing some bread dripping with butter and honey. \"Who are you?\" he asked a young man standing next to Tal.\n\n\"My name is Jessie.\"\n\n\"Aranor?\"\n\n\"Yes. The village of Talabria.\"\n\n\"You all from Aranor?\"\n\n\"No,\" said one young woman. \"I am from a village near Qulak. My father sold me to pay taxes.\"\n\nQuint looked at several more slaves, then laughed. \"All heading for brothels, girls and boys alike.\"\n\n\"How do you know?\" asked Tal.\n\n\"Look at them. Clean them up, dress them, oil their hair, and rich merchants from Kesh will pay their weight in gold.\" He paused, then said to the nearest girl, \"Did any of these men have their way with you?\"\n\nShe lowered her eyes, and Tal was struck by how lovely she was. \"No, sir. The guards left us all alone.\"\n\nQuint said, \"That settles it. I'll bet most of these girls are virgins, and any guard touching them would get his head taken from his shoulders by their master.\" He shouted, \"Do you know who owns you?\"\n\nOne of the young men cried, \"No man owns me!\"\n\nQuint's grin spread. He walked over to the boy, who was no more than seventeen or eighteen, and slapped him on the shoulder. \"Bravely said, lad.\" Then he ran his hand down the boy's face and across his shoulders. \"And some rich Keshian wine trader will pay dearly to see that skin left unblemished. Otherwise, they'd have beaten any hint of defiance out of you.\"\n\nA girl said, \"These men worked for Count Holmalee. He is selling us to a slaver in the city named Janoski. I heard the guards talking.\"\n\nTal ate enough to kill most of the hunger pangs in his stomach and then said, \"Let's see what's in the wagons.\" As he had suspected, there were supplies for the slaves, including a cage full of live chickens.\n\nQuint inspected the other wagons. \"We got lucky,\" he declared.\n\n\"How?\"\n\n\"Count Holmalee and trader Janoski wanted this lot pretty for the auction block in Karesh'kaar. There's enough food here for three times the slaves. Each of these will bring four, five times as much on the block as the average house servant or field hand.\" He rubbed his chin. \"So, what do you propose to do with them?\"\n\nTal grinned. \"Free them. I told you, I'm starting an army.\" To the others he yelled, \"Find the key on those guards, and turn this bunch loose.\"\n\nThe slaves started talking excitedly among themselves. One girl shrieked, and Tal saw that Masterson was trying to paw her. \"Masterson!\" Tal shouted. \"Keep your hands to yourself. If she doesn't turn you into a eunuch, I will.\"\n\n\"She's a slave! And a damn pleasure slave, for that matter.\"\n\n\"No she's not,\" said Tal. \"She's free.\"\n\nAt that, the slaves all started talking at the same time.\n\nTal shouted, \"All of you shut up!\"\n\nThe talk quietened, and Tal said, \"I'm Tal Hawkins. I'm a mercenary captain.\" He took down the banner of Count Holmalee and threw it on the fire. \"I need an army, so here's your choice. You can leave now and take your chances on getting back home again. You know what it's like on the road, so you have an idea of the risks. Or you can stay with us. You'll be free soldiers, but you'll obey me. You'll get an equal share in any plunder, and you'll get paid when we don't fight.\" He looked at a particularly beautiful young girl with black eyes and raven tresses who stepped to the front. \"You women; there will be no camp followers in my army. No whores. Anyone who's with us fights. That includes women. If you don't know how to fight, we'll teach you. Now, you have until dawn to decide. Stay and fight, or leave on your own and take your chances.\"\n\nHe turned and went back to the fire to find out what else there was worth eating. He settled down with a block of hard cheese and some bread. Visniya had found a wine-skin and Tal took a deep drink before passing it on. With a mouth full of food, he said, \"After we eat, let's get rid of those bodies.\"\n\nQuint sat down next to him. \"One thing.\"\n\n\"What?\"\n\n\"You may not have the best fighters around, but damn me if you don't have the prettiest army I've ever seen.\"\n\nTal laughed.\n\n## Seventeen\n\n## Mercenaries\n\nThe guard stared.\n\nAs strange a band of mercenaries as he had ever seen was approaching the gate of Karesh'kaar. Tal had taken the arms and armor from the six dead guards and passed it among the thirty slaves. Some wore only a helm or a breastplate with just a dagger at their belt, while others carried a sword and wore no armor, but they all had something that made them look like soldiers. Every morning before breaking camp, Tal had had his men instruct the former slaves as to the rudiments of fighting. Some learned slowly, but they grew in confidence by the day.\n\nThe sergeant of the guard at the gate studied them as the two wagons and thirty-five mercenaries rolled through the gate. They wore an assortment of ragged clothing: some wore boots, while others wore only sandals, and the women wore shifts instead of tunics and trousers\u2014which hardly made them unique in the guard's experience\u2014but what was strangest was most of them were young and looked like pleasure slaves. Even odder was the leader, a one-armed man who looked as if he hadn't had a bath in months.\n\nThe guard questioned Tal briefly, then waved them into the city. Tal organized them in a small market square. \"Sell everything you can,\" he instructed Quint. The wagons contained mostly foodstuffs, but also an assortment of cookware and a small box of trade items. \"I'll have gold for us in a day or two, but we need a place to stay for the night. Find the cheapest nearby inn where these children won't get raped, have their throats cut, or get enslaved again, then send word to me where you are.\"\n\n\"Where are you going to be?\" asked Quint.\n\n\"At a different inn, the Anvil and Tong.\"\n\n\"Why don't we go there?\"\n\n\"I have my reasons. Find somewhere nearby, then send word.\" As Tal walked away, he looked over his shoulder and added, \"Oh, and have Masterson stand behind you when you dicker price for the horses and wagons. It should help.\"\n\nQuint nodded with a laugh and turned to oversee his charges.\n\nTal asked several times for directions and at last spotted an old, faded sign displaying a pair of tongs holding an anvil. He entered and saw that the inn was empty. For this time of the day he had expected one or two customers, but he was just as happy for the privacy. He went to the bar and waited. A moment later a young woman came out, and said, \"Can I get you something?\"\n\n\"I need to send a message,\" said Tal.\n\nThe girl looked surprised. \"Sir? I don't take your meaning?\"\n\n\"Then get someone who does,\" he said quietly. \"I need to send a message to the Squire of Forest Deep.\"\n\nThe girl nodded and left. In a few minutes, she returned with another woman, slightly older, behind her. The woman looked at him for a minute, then said, \"Mayami said something about a message, sir?\"\n\n\"I need to send a message to the Squire of Forest Deep.\"\n\nThe second woman turned to the girl and said, \"I'll take care of this. Go to the kitchen and wait there.\"\n\n\"Yes, ma'am.\"\n\nWhen the girl was gone, the woman said, \"Do you have the message?\"\n\n\"No. Give me something to write on and I'll pen one, or you can just tell Magnus or Nakor or Robert to use their arts and get here as soon as they can, tomorrow if possible, though tonight would be even better.\"\n\nThe woman studied Tal's face. \"I don't know what you're talking about, sir.\"\n\nTal laughed. \"You know exactly what I'm talking about. I know I'm different from what you remember: I'm down to skin and bone, look like hell, smell like a week-dead cat, and I've lost an arm, but you spent too many nights in my bed not to recognize me, Lela.\"\n\nHer eyes widened, and she said, \"Talon?\"\n\nWith tears threatening to well up and run down his face, Tal said, \"It's good to see an old friend, my love. Please, I need you to get word to Sorcerer's Isle as quickly as you can, then if you don't mind, I would love a mug of ale.\"\n\nShe stared at him, then put her hand on his. \"I'll take care of both.\"\n\nShe left him alone for only a few moments, then came back with a large pewter jack of ale. He drank it half empty in one gulp, then put it down. \"Last I saw of you was waiting tables at the Admiral Trask in Krondor, when Caleb and I came through.\"\n\n\"They move us around,\" said the girl Tal had known as Lela. \"It doesn't do to have people become too familiar with a face. Here I'm called Maryanna, Talon.\"\n\n\"And I'm known as Tal. I saw Alysandra in Opardum,\" said Tal.\n\n\"It's better if I don't know about that.\"\n\nTal sighed. \"I know. What you don't know, you can't betray.\"\n\nHe finished his drink and suddenly felt the hair on his arms and neck stand up.\n\nMagic.\n\nHe turned and from the back room a familiar figure emerged. A skinny man with a shoulder bag at his side entered the room.\n\nNakor looked at Tal and said, \"Got yourself in some kind of mess, I hear. What do you need?\"\n\nTal smiled. \"Gold, lots of it.\"\n\n\"Gold I can get. What else?\"\n\n\"Weapons, horses, whatever else I need to build an army.\"\n\n\"Sounds interesting.\" He turned to Maryanna. \"Give me an ale and get him another.\" He motioned for Tal to sit, and they occupied a table. \"What else?\"\n\n\"Clothing and supplies I can buy locally, but if you can, I'd like you to find a man up in Latagore named John Creed, and see if he can recruit for me and bring mercenaries south.\"\n\n\"So, what are you going to do with this army when you have it?\"\n\n\"I plan on sacking Opardum.\"\n\nNakor grinned and took a swig of ale. \"That sounds like fun. Others have tried it, but you might get lucky.\"\n\n\"I will if you and your friends will help.\"\n\n\"What do you need from us, besides the gold, of course?\"\n\n\"I need someone to keep Leso Varen out of the way.\"\n\nNakor shrugged. \"I'll have to talk to the others about that.\"\n\nTal told Nakor everything that had happened to him since his last visit from Magnus. He detailed his murder of Princess Svetlana and his failed attempt on Duke Rodoski. He told him of Amafi's betrayal and Kaspar's decision to sacrifice Tal.\n\nNakor shook his head. \"One thing I don't understand.\"\n\n\"What?\"\n\n\"Kaspar is nobody's fool, yet many of these things you've talked about are...mad. He's alienated every potential ally, and he's ensured that he will probably never get another opportunity to get at any member of Roldem's royal family. Even though no one can prove anything, they know. Even if he's there on a state visit and everyone's standing around with those painful smiles\"\u2014Nakor grimaced with his teeth clenched to demonstrate\u2014\"they're going to watch him every minute. No one will trust him ever again. What is he up to?\"\n\n\"I have no idea,\" said Tal. \"I just thought it was a mater of Kaspar's vanity.\"\n\n\"Kaspar's arrogant,\" said Nakor, \"but he's not vain. He's earned his reputation as dangerous.\" He was silent for a minute. \"Whatever we think he's doing, we can almost be certain he's doing something else. If you're cheating a man at cards, you draw his attention to the one place you don't mind him watching carefully, so you can do what you wish where you wish to do it.\"\n\n\"That almost makes sense.\"\n\nNakor grinned. \"Kaspar is blundering about trying to kill people because that's what he wants us to watch. So, where does he not want us to look?\"\n\nTal shook his head. \"He's got agents running around everywhere, Nakor. He's got them trying to kill people. He looks as if he doesn't care if he starts a war. The only place I've seen where he doesn't want anyone looking around is that part of the citadel where Leso Varen resides.\"\n\nNakor nodded. \"Then that's where we will have to look, my friend.\"\n\n\"Well, you'll have to do something about the wizard. I've been in his quarters twice, and neither time left me confident that I can walk in there and engage in him in polite conversation, let alone a duel. I suspect he'd reduce me to smoking ash or turn me into a toad or something else before I got within a sword's thrust of him.\"\n\n\"You'd be surprised,\" said Nakor. \"He's a very powerful magician, but sometimes such men are vulnerable to very simple things. I will have to see what we can do about him.\"\n\nTal knew he would have to discuss it with Pug, Miranda, and the other senior members of the Conclave. \"I understand. But I think Kaspar may be involved in some very black arts.\"\n\n\"Oh, we know he is. That message you sent was extremely useful. It confirmed some things we already suspected.\" Nakor sat back. \"Leso Varen is a very bad man, and he's trying some particularly evil magic these days. Pug will tell you about him if you live long enough to see him again. But they have crossed paths before, and Varen opposes everything Pug and the Conclave stand for.\"\n\n\"Am I working for you again?\"\n\n\"In a manner of speaking, you always were. But yes, you are, especially if we start giving you gold, my friend.\"\n\nTal nodded. \"Understood, but I mean to have Kaspar's head on a pike, Nakor.\"\n\nNakor stood. \"I'd better get back. Anything else?\"\n\nWith a wry smile, Tal held out his right arm, showing the stump. \"Can you fix this?\"\n\nNakor shook his head. \"No.\" Then he smiled. \"But I know someone who can.\" He walked back to the door to the kitchen and said, \"Be here tomorrow at the same time. I'll have your gold and some answers for you.\"\n\nHe left Tal alone again with Maryanna. She came over with a pitcher of ale and refilled his jack. \"You look like you could use a bath.\" Then she wrinkled her nose. \"Or a couple of them.\"\n\n\"Do you have any old clothing?\" Tal asked.\n\n\"Maybe,\" she said. \"Wait here, and I'll have Mayami heat some water, and you can bathe in my room.\" She moved toward the kitchen. \"You stay here and I'll send her to get you when the bath is hot. Want something to eat?\"\n\n\"Whatever you have.\"\n\nShe returned in a few minutes with a plate of fruit, cheese, and some bread. Tal had eaten most of it by the time the girl returned to lead him to the tub.\n\nAs he settled back in the hot water, the door opened and Maryanna entered. She held out a small jar. \"Thought you might like this.\" She poured a bit of the liquid on her hand and started rubbing his back. He caught the scent of lilacs.\n\nThere came a knock at the door and Mayami entered, saying, \"There's a man here, sir. He said to tell you your men are bedding down at the Green Wagon Wheel.\"\n\nTal thanked her and she closed the door. Maryanna said, \"You're all skin and bones. What happened to you?\"\n\n\"A bit more than three years in prison, where Duke Kaspar had them cut off my right arm, and a couple of months hiking overland from Olasko to here. Other than that, not much.\"\n\nShe laughed. \"You still have that sense of humor, don't you?\"\n\n\"What sense of humor?\" He looked over his shoulder. \"I don't remember being particularly funny when we were at Kendrick's.\"\n\n\"Oh, you were funny,\" said the girl once known as Lela. \"You just weren't intentionally funny.\"\n\nHe turned and grabbed her, pulling her into the small tub with him. She shrieked and laughed as he got her dress soaked. \"Talon!\"\n\n\"It's Tal,\" he said, then kissed her passionately.\n\nShe returned the kiss, then pushed away a little. \"Three years in prison?\"\n\n\"Yes,\" he said.\n\n\"Oh, you poor dear,\" she cooed as she started to unfasten her blouse.\n\nTal wanted to scratch his right arm in the worst way. True to his word, a few days after first meeting with Tal, Nakor had taken him to see a priest on an island somewhere. All Tal knew was that one moment he was standing with him in the Anvil and Tong, and the next they were on a beach in front of an ancient temple at the dead of night. Nakor spoke to the priest waiting there in a language Tal had never heard before and the priest had nodded, then examined Tal's wounded arm.\n\nTal got the gist of it even though he didn't understand a word. This priest owed Nakor a favor, and Nakor sweetened the deal with a pouch of gold. Tal was made to lie on a table surrounded by candles in a room hung with tapestries bearing arcane designs. Tal had no idea which god or goddess this temple venerated, because there was not a single familiar icon or image anywhere.\n\nThe priest rubbed something on the stump of his arm and intoned several different prayers, then had Tal drink a noxious-tasting beverage. Then suddenly they were back at the Anvil and Tong.\n\nDays went by with no apparent change in the arm. Tal busied himself with training his recruits and building his army. The gold secured them an abandoned farmhouse half an hour's ride out of the city that they'd use as a base. He bought horses, weapons, supplies, and clothing.\n\nWithin a week it was clear which of the freed slaves would make soldiers and which were useless as soldiers. Four of the girls and two of the boys were given menial tasks around the property, while the remaining twenty-four continued to train with weapons.\n\nTal had cautioned Masterson about leaving the girls alone, unless they invited his attention, and sent him to the city a couple of days a week to get drunk and spend time with the whores. Since arriving at the farm, Tal had established his chain of command. Quint was his deputy, while Baron Visniya was his intelligence officer. Within a few days, Visniya had messages on their way to contacts of his in Opardum. These were people he trusted, he told Tal, and he kept the language of the message circumspect enough that if Kaspar's agents intercepted them, they would discover nothing useful. They would wait for replies before attempting to develop any intelligence about Opardum. Stolinko turned out to be an adept quartermaster and a natural-born trader, so he often went to town to buy supplies.\n\nOne morning Tal stood out on the porch of the farmhouse, watching Visniya teach the former slaves how to ride a horse. He absently started scratching at his stump, then pulled his hand away. It was tender.\n\nHe went inside and sat down at the table they used for meetings and started unwinding the bandage from around the stump. When he got it clear he looked at his severed arm and saw that a lot of the skin was flaking off. He picked at it a little and then noticed little bumps at the point of the stump. He examined it closely, wondering if Nakor's priest friend had somehow given him something that was making it fester. He got as close as he could without crossing his eyes and saw that there were five distinct protuberances coming up.\n\nHe studied it for a long minute, then gave up and washed the stump. The soothing bath seemed to help the itching, but did nothing to alleviate the return of the sensations he had experienced for a long time after his arm had been severed, the impression of having fingers and a hand, and the feeling of \"connection\" that he should somehow be able to use those digits. He shrugged and returned to his work.\n\nWithin a few weeks he would start actively recruiting mercenaries. He had inquired about the difficulties he faced in building a private army and had been told that he could do pretty much anything outside the city as long as local officials were bribed. The power in the region was divided equally between the Lord Mayor of the city and his ruling council and the local Baron, Lord Reslaz. An independent navy, funded by everyone along the coast with an interest in keeping their own ships afloat, was based out of Traitor's Cove. When it came time to secure transport for his army, Tal would have to talk to them; they had an office and a representative in Karesh'kaar.\n\nTal had introduced himself to the Lord Mayor and offered him a sizable gift. He had done the same with Lord Reslaz. By the time he had left the Baron's castle, they had consumed a great deal of wine and Reslaz had let Tal know that if he was looking for allies in some great undertaking, Tal could count on his support, for a reasonable split of any booty.\n\nTal was sitting at the table pondering the situation when Quint entered and said, \"You look lost.\"\n\n\"I was just thinking. We've landed in a nation of pirates.\"\n\nQuint pulled up a chair and sat down. \"There are moments when Kaspar's desire to bring order to the region looks attractive.\"\n\n\"It's how he wishes to bring order I object to,\" said Tal. \"He regards people as disposable.\"\n\n\"He wasn't always like that, you know,\" said Quint. \"I'm not trying to make excuses for him. He was always a hard man, even when he was little more than a boy; he could be beaten bloody by older boys in a game of ball and want to get right back in to give as good as he got. But he was never murderous.\" Quint reached over for a pear from the nearby counter and took a bite. \"I mean, if he had an enemy, he could be ruthless, but that was only with enemies. Now he just doesn't care who gets hurt.\" Quint shrugged. \"I think it's Varen. I think he's the cause of Kaspar's change.\"\n\n\"Whatever, he's got to be stopped.\"\n\n\"You'll need more than that bunch of babies out in the pasture learning to ride.\"\n\nTal laughed. \"I know. I'm keeping them around mostly because I don't know what else to do with them. I can't get them back home, and I won't sell them, and I would like to have at least a dozen or so men with swords walking around when I start to recruit.\"\n\n\"When will that be?\"\n\n\"A couple more weeks. I'm waiting for a message from up north.\"\n\n\"From whom?\"\n\n\"An old comrade in arms. Man by the name of John Creed. He helped me in that business with Raven. He's smart, tough, and knows mercenaries; he'll get us men who won't run at the first sign of trouble.\"\n\n\"I don't know, Tal,\" said Quint. \"You're going to need more than just a few mercenary companies. You're going to need a real army, and I mean support, food, weapons, chirurgeons, porters, boys for the luggage, commissaries, engineers. You're going to need horse, siege machines, and that doesn't even start to touch on what to do about that evil bastard Leso Varen.\"\n\nTal said, \"You're wrong. I'm only going to need a crack company of maybe three hundred mercenaries, handpicked and ready to ride at my command. The others, the engineers, the support, all that, will be provided by others.\"\n\n\"Who?\"\n\nTal shrugged. \"Roldem and the Isles.\" He shrugged again. \"Maybe Kesh, Miskalon, Roskalon, some others might want to get involved to.\" He hiked his left thumb over his shoulder, in the general direction of Lord Reslaz's castle. \"And we have no shortage of volunteers to help sack Olasko right around here.\"\n\n\"Finding people to take booty is one thing; finding those will fight before there's booty to take, that's another. Remember, I built up Kaspar's army for the past eleven years. It's the best force in the region.\"\n\n\"I know, and I'm counting on you to help me take it apart.\"\n\n\"That won't be easy, either in the doing or for me: a lot of those lads are friends, and others I've trained.\"\n\n\"How many of those men would die for Kaspar?\"\n\nQuint shrugged. \"I know a lot who would stand with me until the end.\"\n\nTal nodded. \"But how many would willingly stand against you? For Kaspar? Look, if facing men you've trained and served with is too difficult, you know that at any time you're free to leave, Quint.\"\n\nThe old soldier shrugged. \"Got nothing better to do for the time being, so I might as well stay.\"\n\n\"Good,\" said Tal, standing up. \"I'm going to head into the city and visit a friend.\"\n\nQuint grinned. \"A lady friend?\"\n\n\"Just so,\" said Tal as he departed. Over his shoulder he said, \"Don't bother waiting up for me.\"\n\nWeeks passed, and Tal saw the very best of the freed slaves turn into soldiers before his eyes. Twelve of them, seven women and five men, had turned into decent riders, adept with the sword and bow and able to take orders. The only thing he didn't know was how they would react when blood started flowing. Two gave up on trying to serve and arranged passage to the east on caravans, hoping to return safely home. The others were put to work in support capacities.\n\nTal noticed that several of the girls were establishing alliances with particular men and hoped he didn't regret including women in his army. Jealousy could tear apart his little force before it ever became a coherent company. Still, what else could he do? Turn them over to a brothel-keeper?\n\nHis arm was starting to drive him to distraction. Two nights ago he had taken off the bandage to bathe the stump again and found it transformed. The five little bumps had lengthened and what appeared to be a tiny hand was growing on the end of his stump. It didn't look so much like a baby's hand as it did a tiny replica of his own before it had been severed. He wondered how long it would take to grow to full size, if it ever did. Given Nakor's quirky nature, discovering the priest did a half-baked job wouldn't surprise Tal.\n\nBy the end of the second month at the farm, Tal had recruited a core of seasoned fighters. He had decided to hire only the very best, both in terms of experience and reliability. He wanted a cadre of men around him he could rely upon, and knew that if things turned sour in battle, many mercenaries would throw down their weapons rather than fight to the death. He also knew that if his core fighters were the sort of men who could be counted on to fight until the end, those around them might be more resolute in the face of adversity.\n\nIt was midsummer, a week before the festival of Banapis, when one of the young former slaves ran into the farmhouse shouting, \"Captain! Riders to the north.\"\n\nTal stood up from the table where he had been reading messages and went outside. He looked northward and saw that a large company of riders was indeed approaching. By the time he could make out any details, he saw there were close to two hundred in the party. \"Get everyone ready,\" said Tal.\n\nThe youngster ran off and spread the word. As the company approached, Quint came to stand at Tal's side. \"Trouble?\"\n\n\"If they keep riding in a file, no. If they spread out, they're going to hit us.\"\n\nThe column stayed in a file, and at last the lead rider could clearly be seen. Tal put his sword away and said, \"It's all right. It's a friend.\"\n\nTal walked forward and waved his left hand. The lead rider urged his horse forward to a trot. He was a brawny man with a drooping mustache and an oft-broken nose. When they reached one another, the rider reined in and said, \"Tal Hawkins!\"\n\n\"John Creed,\" Tal answered. \"You got my message.\"\n\nCreed got down from his horse. \"Indeed. Though I'll tell you it was delivered by the most irritating little man I've ever met.\" They embraced, and Creed asked, \"What happened to your arm?\"\n\n\"Long story.\"\n\n\"Well, your man said you were down here looking to build an army and could I bring some bullyboys from the north. I've got two hundred of the best I could find.\" He motioned for his men to dismount, and they did.\n\nTal turned to his own people, and shouted, \"Help them get those horses cared for!\"\n\nA dozen of his young mercenaries ran forward and started directing Creed's men toward a large pasture area. Tal introduced Creed to Quint and said, \"What did you mean, the messenger was irritating?\"\n\n\"He was a funny little fellow, looked almost like he might have been a monk or priest, but he was a demon with a deck of cards. Took most of my gold before he left.\"\n\n\"Nakor,\" said Tal, shaking his head. \"Well, gold is the least of my problems.\"\n\nCreed said, \"Given how well you paid last time, I had no trouble getting this lot to come along. I hope that's enough for you.\"\n\n\"It's a start,\" said Tal as they entered the farmhouse. \"Before I've finished, I'm going to need a thousand more, perhaps two thousand.\"\n\n\"What are you thinking of?\"\n\n\"I'm going to sack Opardum,\" said Tal.\n\nCreed stopped and stared at Tal, an expression of bewilderment on his face. \"You don't think small, do you?\"\n\n\"As I said, it's a long story,\" said Tal. \"I'll explain over a drink. Wine? Ale?\"\n\n\"Whatever's close.\"\n\nThey sat at the table, and Tal fetched a wine bottle. He poured drinks for himself, Quint, and Creed, and said, \"Kaspar's got out of control, and there are two, perhaps three nations ready to jump him any day now. When that happens, I plan on being there for the kill.\"\n\n\"Well, that's all well and good,\" said Creed after taking a drink, \"but revenge doesn't pay the bills.\"\n\n\"Same as last time. Pay while you're waiting and booty when the fighting's over.\"\n\n\"That's enough,\" said Creed. \"I can get more men if you need them.\"\n\n\"Send messengers. I want them here by the end of summer.\"\n\n\"I can do that.\"\n\n\"How many men?\" asked Quint.\n\n\"A hundred or so down in Inaska; that's where I was born, and I've still got friends there. Another two or three hundred from along the borders of the disputed lands. I can have them meet up at Olasko Gateway and sail here from Opardum. As long as no one there knows what the coming fight is, they should have no trouble passing through.\"\n\n\"It might be a good way to get some intelligence about what Kaspar is doing, too,\" opined Quint.\n\n\"Is there one man in the area you can trust?\" Tal asked Creed.\n\n\"I'll see if I can find an old comrade of mine, Daniel Toskova. He's smart and will keep his mouth shut. If I can get word to him, he'll have a thing or two to tell. Last I heard he was up in Far Reaches. Getting word to him will be the trick.\"\n\n\"Leave that to me,\" said Tal. \"I can get messages out there.\"\n\nCreed said, \"So what is the plan?\"\n\n\"I want at least five hundred swords here before we leave, and I'd like to have made contact with two or three reliable companies we can join up with for the assault.\"\n\n\"That's a full battalion,\" said Quint. \"The logistics will be a nightmare if you're out in the field for more than a week or two.\"\n\nTal said, \"I don't plan on being out in the field that long. I plan on no more than a week from the time we touch down on Olaskan soil until we're inside the citadel.\"\n\n\"How so?\" asked Creed.\n\nTal said, \"Because I know a way into the citadel that even Kaspar has no idea exists.\"\n\nQuint said, \"I've been over every inch of the citadel, and I know every door and passageway. There is no such entrance.\"\n\nTal said, \"With due respect, you're wrong. And if you were still commanding today, you'd not have a hint how we got in while my men were storming the walls from the inside in support of those who were scaling the walls.\"\n\n\"You'll have to tell me about this one,\" said Quint.\n\n\"In due time. First I have some errands to run.\" To Creed he said, \"Give me a list of mercenary captains you trust and where I might find them, and if they can be reached, we'll have word to them by the end of this week.\"\n\n\"What? Are you using magic?\"\n\n\"In a word, yes,\" said Tal. To Quint he said, \"Make John here our third in command, then start getting his men into shape.\"\n\n\"Where are you going to be?\" asked Quint.\n\nTal grinned. \"After I finish sending the messages, I've got to take a short trip.\"\n\n\"Why? What are you going to do?\" asked Creed.\n\nTal said, \"Why, I've got to go and start a war.\"\n\n## Eighteen\n\n## Deception\n\nTal waited.\n\nThe tension in the court was palpable. That this was no conventional audience was made evident by the company of royal household guards lining the walls, and the dozen crossbowmen in the galleries on either side of the hall and above the throne.\n\nKing Ryan of the Isles sat motionless, his dress casual, for this meeting had been hastily called. To Tal's right stood a man in black robes, who despite his short stature exuded power. Pug, the legendary Black Sorcerer and distant relative to the royal family by adoption, waited.\n\nThe King motioned for the two men to approach and they did, until a line of soldiers stepped before them, halting their progress.\n\nThe King looked at the two men and said at last, \"My father warned me you might appear someday, Pug. From what he said, I take it your parting with him was less than convivial.\"\n\nPug smiled. \"That's an understatement, Majesty.\"\n\n\"As he recounted things, you renounced your allegiance to the Isles, gave up your hereditary titles, and said some fairly unflattering things to him.\"\n\n\"Again, an understatement, Your Majesty.\" Pug paused, then said, \"In his youth, King Patrick was not the patient and reflective man you knew in later years. He was given to hot temper and rash judgment. I acted out of altruistic motives; I didn't wish to see him plunge the Isles into a war with Great Kesh mere months after having seen half the Western Realm devastated by the armies of the Emerald Queen.\"\n\n\"Yes,\" said the King. \"That's something along the lines of what I heard. Nevertheless, your renunciation of your titles is considered treason by some. So, let's put this aside for the time being and get to the point. Why are you here?\" Then he pointed at Tal. \"And why have you brought this assassin into my court?\"\n\n\"Because Talwin Hawkins was a young man put at risk, then sacrificed by Duke Kaspar of Olasko for Kaspar's own personal gains. He was duped, then betrayed, and by way of atonement, he wishes to warn Your Majesty of a grave threat to the Isles. I'm here on his behalf to vouch for him, and to reassure Your Majesty that what he will tell you is true.\"\n\nTal bowed awkwardly, somewhat hampered by the sling holding his regenerating arm. He straightened and said, \"Majesty, I am certain your own agents have kept you apprised of Kaspar's seemingly endless plots and intrigues. As you know, he was behind the death of Princess Svetlana of Salmater, and because of this has managed to convince the Prince to acknowledge Kaspar as his liege lord.\"\n\n\"I had not heard of that arrangement,\" said the King.\n\nTal motioned to a guardsman, then to Pasko, who had come along with Pug from Sorcerer's Isle. Pasko handed the guard a parchment. \"This is a sealed copy, gained at much risk from Kaspar's own archives, stipulating the conditions of the relationship under which Salmater and Olasko now exist.\"\n\nThe King took the document from the guard. \"How do I know this is authentic?\"\n\n\"I'll vouch for its authenticity, Majesty,\" said Pug.\n\n\"And how did you come by this?\"\n\nTal answered. \"There are those still within Kaspar's court who are sympathetic to former victims of his tyranny. If Your Majesty is familiar with Baron Visniya and Baron Stolinko of Olasko, you should know that they were imprisoned with me for a while by Kaspar's personal order. They and other nobles have been murdered or imprisoned for imagined infractions, or for the personal gain of others in Kaspar's service. Those wrongly imprisoned men still have friends within the court, friends who will undertake to keep us abreast of any conditions that may bear upon our coming assault on Opardum.\"\n\n\"You mean to attack Opardum?\" said the King. \"I admire your candor, young Hawkins. And your courage. Might you enlighten me as to where you have found an army to lead into such a battle?\"\n\n\"Majesty, I will have three thousand dedicated soldiers at my command by the first week of autumn.\"\n\n\"A significant force for raiding a border outpost or even sacking a minor garrison, but to take Opardum you will need\"\u2014he glanced at the Knight-Marshal, Lord Lawrence Malcolm, who mouthed a figure\u2014\"twenty thousand or more. Attacking by sea and land, if I'm right.\" He glanced again at his military advisor, who nodded.\n\n\"That would be true, Majesty, in a conventional assault. But my three thousand will be attacking Opardum from the rear.\"\n\nThe King laughed. \"The rear? Correct me if I'm wrong, young sir, but the citadel at Opardum is hard against a cliff face, and if I also remember correctly, there's no way to get above it.\"\n\n\"True, but there is a way in, Majesty. And that is where my army will attack.\"\n\nThe King seemed to be growing impatient. \"Well, then, that's splendid. I wish you well in your endeavor. Some nearby nations are bad neighbors, but Kaspar is something of a bully, and I will not shed a tear to see him gone. But what has this to do with the Isles?\"\n\n\"I need a diversion.\"\n\nThe King sat speechless for a full minute, then he said, \"You need a diversion?\"\n\n\"Sire, I can show you a course from within the Southern Islands, avoiding Inaska entirely, and you can land an army that would threaten either Opardum or Olasko Gateway. Kaspar would be forced to leave soldiers in Olasko Gateway, rather than bring them up for support.\"\n\n\"Or he could march armies from both cities and crush my forces between them!\"\n\n\"He'll be too busy to risk it, Majesty.\"\n\n\"Why?\"\n\n\"Because the King of Roldem will have a fleet at anchor off Opardum, loaded with several thousand Keshian Dog Soldiers.\"\n\n\"Kesh!\" the King almost yelled. \"What has Kesh to do with Kaspar?\"\n\n\"Kaspar has been found out in the murder of Prince Phillip of Aranor.\"\n\n\"That's hardly news, Squire, since Princess Alena is guesting here in Rillanon. We have dispatched strong messages to Kaspar on this subject, and expect he will see to her return and assure us that a regent will rule until the Prince is of an age to take the throne.\"\n\n\"With respect, Majesty, that is hardly likely to happen with Kaspar in Olasko. The King of Roldem also realizes this, and he also knows that Kaspar removed Phillip, just as he attempted to remove Duke Rodoski, to put himself closer to King Carol's throne. Kaspar means to see himself King of Roldem, Majesty.\"\n\n\"So it seems, but it also hardly seems likely.\"\n\n\"It will be very likely if Kaspar marches his army to Farinda and puts ten thousand men and horses on your border, sire. You will have no option but to march your forces up to meet him there. Meanwhile, he will be in Roldem being crowned.\"\n\n\"And how will he accomplish this? By magic?\"\n\nPug stepped forward. \"Precisely, Majesty. And that is why you must act in concert with us in this matter, for if you do not, then I will wager that Kaspar will be sitting upon the throne of Roldem before year's end, and moreover, he will not be content to stay there. He will move again, first against the other Eastern Kingdoms, bringing Miskalon, Roskalon, and the others into line with Salmater, forming up principalities and duchies loyal to King Kaspar of Roldem, and then he'll move against Rillanon.\"\n\nThe King was quiet for a moment. Then he said, \"You paint a bleak portrait, gentlemen. Very well, I will hear more. You will meet with my council after the midday meal and present all your evidence. But I warn you, if it is not persuasive, you will be departing this palace instantly. Neither of you is trusted here, sirs, and you must show us a great deal before trust will be forthcoming. Now, your comfort will be seen to, and we will meet again this afternoon.\"\n\nPug, Tal, and Pasko bowed and departed. Outside in the corridor, Tal turned to Pug and said, \"So, that's the first step.\"\n\nPug said, \"With many more steps to follow.\"\n\nThey followed a page who had been sent to show them to guest quarters, where they might eat and freshen up before the afternoon meeting with the King and his council.\n\nInside the room they found a large table set with refreshments and two day couches large enough to nap upon if they so desired. A servant there waited to act upon their every request, but Pug turned to him and said, \"Leave us.\"\n\nThe servant bowed and left them alone. Pug closed his eyes, waved his hands, then declared, \"We are safe from being overheard by magic.\" To Pasko he said, \"Wait outside the door and see we are not overheard by more mundane means.\" Pasko nodded and left the room.\n\nTal poured a goblet of wine and inclined his head toward Pug, asking if he wished one. \"Water will do,\" Pug replied.\n\nTal poured water for Pug, handed it to him, then picked up the wine in his left hand. He flexed the small fingers on his right hand, under the bandages, and wondered again at the magic used. Every movement hurt, but at the same time, it felt wonderful to have true sensation back there. He knew the pain would fade; Nakor had reassured him that it would lessen in time, and that exercise would hasten the healing. He knew one thing: when he faced Kaspar it would be with his sword in his right hand.\n\nTal said, \"So, then, it begins.\"\n\n\"Yes,\" said the sorcerer. \"We will have the Isles' support before the day is out.\"\n\nTal sat in a chair and put his feet up on another. Pug sat on one of the day couches. Tal asked, \"Is there even a shred of truth in what we told the King?\"\n\n\"Truth is a negotiable concept, I've learned over the years.\"\n\n\"Do I have even an inkling of what is really at play here?\"\n\nPug said, \"I don't know if any of us does, or if we're capable of truly understanding.\" He was silent for a moment, then added, \"You've been through a lot, Tal. You're not yet thirty years of age, but you've suffered more than most men do in two lifetimes. When this is over, if we survive, I will tell you as much as I can.\"\n\n\"If we survive?\"\n\n\"Your plan sounds brilliant on the surface, but there are forces involved far beyond you and Kaspar, or even the Conclave and Leso Varen. The Conclave will do its part in shielding you from Varen's powers. If we are correct in our surmise as to what he is trying to accomplish, most of his energies will be directed elsewhere, and if that is the case, he will be vulnerable. Even so, he will be the most dangerous player in this game, for while I am his equal in power, he has no scruples and will think nothing of destroying everything around him rather than face defeat.\"\n\nTal said, \"You're filling me with optimism.\"\n\nPug laughed. \"It's all a risk. But then, all life is a risk.\"\n\n\"This is true,\" said Tal, sipping his wine. \"So, once we convince King Ryan, what next?\"\n\nPug smiled. \"The hard part. Convincing King Carol and the Keshian Ambassador.\"\n\nTal shook his head. \"You'd better speak fast then, Pug, for I've the death mark on me should I set foot on Roldemish soil again.\"\n\nPug said, \"I'll speak very fast.\"\n\nTal sat back, thinking. He knew the plan was bold, reckless, even mad, but it was their only hope for a decisive and sudden victory over Kaspar.\n\nHowever, the prospect of finally destroying Olasko didn't fill him with keen anticipation. Instead, he felt only a dull hollowness. He sipped his wine.\n\nA delegation of Roldem's officials, as well as a full honor guard, waited at the dockside as the King of the Isles' ship was made fast at the quay. As the gangplank was run out, the officials stepped forward, ready to receive the unannounced royal visitor, for at the top of the mainmast of the ship, the pinion of the royal house of the Isles flew, telling the world that a member of the royal family was aboard.\n\nInstead of a richly dressed noble, however, a short man in a dark robe walked down the gangplank, followed by a figure all too familiar to many of those in attendance, carrying a single canvas travel bag.\n\nThe Chancellor of the King's House stepped forward. \"What is the meaning of this?\" He pointed at Tal and said, \"Place that man under arrest.\"\n\nPug held up his hand. \"That man is under the protection of the King of the Isles, and is a member of this delegation.\"\n\n\"And who are you, sir?\"\n\nPug said, \"I am called Pug, known as the Black Sorcerer by some, and am representing King Ryan.\"\n\n\"But the royal banner flies upon the mast!\"\n\nPug said, \"I'm embarrassed to admit I imposed upon the King to permit this, though I am a member of the royal family by adoption, albeit a distant one. My name is recorded in the archives of the house of conDoin; I was adopted by Duke Borric, great-grandfather to King Ryan.\"\n\nThe Chancellor seemed totally confused by all this. \"Your credentials, sir?\"\n\nPug held out an ornate bundle of papers, all drawn up hastily, but with attention to detail, by the scribes in King Ryan's service. They were affixed with all the appropriate seals, and they named Duke Pug of Stardock and Squire Talwin Hawkins as ambassadors extraordinaire to the Court of King Carol and to the Court of the Emperor of Great Kesh and outlined that the two emissaries had a great degree of latitude in binding the Isles to any number of agreements.\n\n\"All this seems in order...Your Grace.\" With a dark look at Tal, the Chancellor said, \"Please come with me, gentlemen.\"\n\nAs they approached a carriage, Tal threw his bag up to a coachman and followed Pug inside. The Chancellor got in after them, saying, \"Your luggage will be brought up to the palace.\"\n\nTal said, \"I just handed up our luggage, sir.\"\n\n\"You're not staying long then, sir?\"\n\nTal grinned. \"If we are here more than two days, I will be surprised.\"\n\nThe Chancellor looked at Pug and said, \"Pardon my frankness, Your Grace\"\u2014then he looked at Tal\u2014\"but if the Squire here leaves this island alive, I will be surprised.\"\n\nTal shrugged. \"We'll let the King decide that.\"\n\nThey rode in silence the rest of the way to the palace.\n\nDuke Rodoski could barely contain his anger. The King had listened to everything Pug had said, then like King Ryan, King Carol had insisted on a full presentation before his privy council and the Ambassador of the Empire of Great Kesh. The Duke had almost drawn his sword on entering the hall and seeing Tal sitting there.\n\n\"You will behave yourself, sir!\" commanded the King. \"These men are here under the banner of the Isles, and will be treated with diplomatic courtesy.\"\n\nThe Duke had shot back, \"Whatever they have to say will be lies, cousin!\"\n\n\"Sit down, sir!\" the King roared.\n\nDuke Rodoski did as he was told, but his suspicion was openly displayed.\n\nPug waited as the King called his councilors to order.\n\nThe Chancellor addressed the King and his council. \"Majesty, my lords, this...oddly dressed gentleman is Pug, Duke of Stardock and cousin to King Ryan. I have asked him to repeat to you what he told me earlier today. Your Grace?\"\n\nPug stood up, and said, \"First I would like to make clear that the title of Duke is a courtesy only; I renounced my allegiance to the Isles back when Ryan's father, Patrick, was Prince of Krondor. I am cousin to the King, but a very distant one.\n\n\"Second, I caution you that what I am about to say to you will stretch your belief to its limit. You will hear things that will leave you wondering if I am bereft of all reason, but I will tell you now, my lords, I am very sane, and what I tell you is not wild imagining.\"\n\n\"In your archives, I am sure, will be certain reports gathered by your agents back during the reign of Rodric IV of the Isles. The fact of the Riftwar, the invasion of our world by the Tsurani, is not in question; it is historic fact, but behind that fact lies a tale far more incredible than what is known.\n\n\"The war was the result of a manipulation of incredible scale that pitted two worlds against each other, and toward only one end: the use of an ancient artifact hidden under the city of Sethanon, an artifact known as the Lifestone.\" He looked at King Carol. \"I would be very surprised if any of this is recorded in your archives, Majesty. Of those who survived the battle of Sethanon, when the armies of the Brotherhood of the Dark Path marched south under the banner of the false prophet, Murmandamus, the only living beings who knew the truth were myself, Tomas\u2014consort to the Elf Queen Aglaranna\u2014Prince Arutha, and later King Lyam, and two Tsurani magicians, now long dead.\n\n\"Twice more the Lifestone was threatened, first by Delekhan, another moredhel chieftain, and then by the armies of the Emerald Queen.\"\n\n\"What is this Lifestone?\" asked Rodoski. \"Why is it so important that wars are fought over it?\"\n\n\"It was an ancient thing, created by a race that lived on this world before the coming of man, the Valheru, and it was supposed to be a weapon to be used against the gods. Murmandamus, Delekhan, and the Emerald Queen all wished to use it to rule the world.\"\n\n\"Are you claiming that Kaspar of Olasko is going to seize this Lifestone?\" asked King Carol.\n\n\"No,\" said Pug. \"The stone was...destroyed years ago. It no longer poses a threat.\" He thought better of trying to explain to them that the stone had been used by Tomas's son Calis to free trapped life-essences, helping partially to restore an ancient balance between good and evil.\n\nThe Keshian Ambassador said, \"I believe we have some mention of this in our archives, Your Grace.\"\n\nPug smiled. \"No doubt. There was a force of Dog Soldiers under the command of Lord Hazara-Khan involved in the first battle of Sethanon. I don't imagine he neglected to report everything he saw.\"\n\n\"I find it incredible to believe you were there and that you knew him,\" said the Ambassador. \"That was more than a century ago.\"\n\n\"I age well,\" said Pug dryly. \"Now, to the point under discussion. Kaspar of Olasko has been wreaking havoc over the region for the last ten years now, including the murder of the Princess of Salmater and the Prince of Aranor, as well as a planned assassination of every member of the Royal House of Roldem.\"\n\nRodoski could not restrain himself. His hand shot out, and he pointed an accusing finger at Tal. \"And that man was instrumental in it. He killed Svetlana of Salmater and was going to be involved in my assassination.\"\n\nPug shrugged. \"An attempt you easily avoided, Your Grace, which brings me to this point. Kaspar's ambitions are naked and without subtlety. He seems not to care that the world knows he wishes to sit upon the throne of Roldem. And perhaps the Isles as well someday.\n\n\"But Kaspar is not a stupid man, so you must ask yourself, why so blatant a series of moves? Why show such disregard for disguising his ambitions and contempt for your reaction to his moves?\"\n\nRodoski sat back. Tal could tell that even the angry duke was intrigued by the question.\n\n\"The answer,\" said Pug, \"is the reason King Carol must exercise the mutual defense agreement he has with Great Kesh. The Ambassador must urge the Emperor to call north those garrisons on the eastern seaboard of the Empire, and quickly. The Roldemish navy must go to those ports, then transport those soldiers to anchor off Opardum.\n\n\"King Ryan will send an army up to threaten Olasko Gateway, and Squire Hawkins will lead a force into the citadel itself. All of this must be completed before winter comes, for Kaspar is readying himself to make his true move on Midwinter's Night. In the citadel at Opardum, in a wing of the building where few are permitted, resides a man known as Leso Varen. He is a mage of great power and black arts. He serves forces of evil and chaos that seek to obliterate all laws and covenants, traditions and social contracts, all that makes men lawful and peaceful. I cannot stress strongly enough the concept you must accept, that these powers dwarf your normal notion of what good and evil entail. If you're sane men, I think it impossible for you to envision the degree of horror that awaits this world if this man Leso Varen isn't stopped.\"\n\n\"So you need all the eastern garrisons of Kesh and the Roldemish navy to destroy this one man?\" asked the Keshian Ambassador.\n\nPug said, \"In a nutshell, yes.\"\n\nThe King said, \"While we waited for the council, we consulted our archives regarding you, Duke Pug. If what I read is to be believed, you yourself are a magician of great power. Your age alone gives me cause to think these reports are true.\n\n\"That being the case, why have you not sought out and destroyed this Leso Varen?\"\n\nPug smiled, and there was pain in the smile. \"I've faced this man before, Your Majesty. He has used several different names along the way, but I recognize the stink of his black arts the way you know a skunk by its smell. He is not an easy man to kill. Trust me when I tell you I have tried.\" His voice lowered and his eyes became reflective for a moment as he said, \"Once...I thought him dead, but obviously I was wrong.\"\n\n\"Very well,\" said Duke Rodoski. \"You've painted a bleak picture of this man's powers, and told us a story of something dangerous that was destroyed years ago. Would you like to tie this up so that we understand it?\"\n\nPug said, \"It is my belief that Leso Varen is in the process of creating another Lifestone. And that he means to use it on the darkest night of the year, Midwinter's Night.\"\n\nThe King sat back. \"Another Lifestone? What exactly will that do?\"\n\nPug said, \"Sire, it is something that can be utilized in any number of ways, some for good in the right hands. But I will wager my life and the lives of everyone I have ever loved that in Varen's hands it will be used for evil.\n\n\"A new Lifestone will allow him to wage war on a scale not seen since the invasion of the Isles by the Emerald Queen's army.\" This was something of an avoidance, for only a handful of men ever knew the truth: that the Emerald Queen had been murdered and replaced by a demon in disguise. That detail would only have confused the members of the King's court. After a pause, Pug continued, \"With each death in its proximity, the Lifestone becomes more powerful. It doesn't matter who dies or on which side they fight. If Varen stands near the vanguard of Kaspar's army, he will be more powerful at the end of a battle than he was at the start. And each battle will give him more strength.\n\n\"Ultimately he will hold in his hand a weapon that will afford him the power to rule the world, and more: the power to challenge the gods themselves.\n\n\"Then war will rage in heaven, and the very ground beneath your feet will be char and ash.\"\n\n\"I can scarcely believe it,\" said the King.\n\nPug waved his hand, and Pasko stepped forward, holding a pile of old documents. \"These are from the archives at Rillanon. King Ryan permitted me to remove these. Here I give you every official document on file, including one by Prince Arutha's own hand and several by me, detailing all I have said, or at least as much as was known at the time of the Riftwar. Also, there are reports from the Serpentwar, including a report made by Eric von Darkmoor. Each is authenticated and vouched for by the Royal Archivist.\n\n\"Beyond what I have given you, I have told you all we know.\"\n\n\"Who will bear the cost of this?\" asked the Keshian Ambassador. \"Not just in gold, but in suffering and lives?\"\n\n\"Your Excellency,\" Pug said, \"I will make you the same offer I made to King Ryan. I will underwrite the cost of your efforts. Gold I can get. But procuring brave men willing to risk all to free the world from a coming horror no man can truly imagine, that is beyond my powers.\n\n\"My lords, Majesty, if we do not act now, by Midwinter's Night this world will begin a slide into darkness beyond comprehension. You must take this decision, if not for yourselves, then for your children, and the children they will someday bear.\"\n\nPug looked from face to face, and Tal felt the prickly sensation that he had come to associate with the use of magic. He knew that what Pug did was subtle, for anything too overt would risk a backlash. He was using a spell to calm them, to make them feel at ease with the coming decision, and to put aside their suspicion.\n\nThe King said, \"If you gentlemen will withdraw to the quarters set aside for you, we shall discuss this matter.\" He looked at the pile of documents Pasko had passed along and added, \"It may take us some time to read all these. I will have supper sent to your quarters, and we will resume our meeting in the morning.\"\n\nPug, Tal, and Pasko bowed, and the three men left the King's hall. A page escorted them to modest quarters, and when they were alone, Tal glanced at Pasko. \"Not as nice as the rooms given to me when I fought for the Championship of the Masters' Court.\"\n\nPasko said, \"They liked you better then. You hadn't tried to kill anyone in the royal family then.\"\n\nPug said, \"This is more problematic than it was in the Isles.\" There came a knock at the door, and Pug waved permission for Pasko to answer. When Pasko opened the door, servants entered carrying trays of refreshments and wine. After they had left and the door was again closed, Pasko set about preparing a light meal for Pug and Tal.\n\nPug said, \"I think we shall convince them, but it may take a lot more discussion.\"\n\nTal sighed. He was anxious to be back with his mercenaries. He trusted John Creed, and despite his desire to avenge his people, had come to trust Quint and the others. But it was still a mercenary army, and trouble could erupt at any moment. And Bardac's Holdfast was not a good place for there to be problems among his men.\n\nTal finally said to Pug, \"What next?\"\n\n\"We wait,\" said Pug. \"Which is the hardest thing of all.\"\n\nPasko nodded. \"I will arrange for baths, gentlemen, while you enjoy this repast, and I speak to the staff to see to an early supper.\"\n\nPug rose. \"None for me. I will dine with my wife tonight, and return before dawn.\" With a wave of his hand he vanished.\n\nTal glanced at Pasko. \"Just like Magnus. I hate it when they do that.\"\n\nPasko nodded.\n\n## Nineteen\n\n## Assault\n\nThe wind cut like a blade.\n\nTal sat huddled under his great cloak, squeezing a ball with his right hand. Nakor had been the one who had given him the ball, made from some strange black material. It didn't bounce well and was heavy, but it yielded just enough to give Tal's hand serious exercise. The constant pain had dwindled to an occasional twinge or itch, or he got a throbbing dull pain afterward if he exercised too much.\n\nBut his arm was fully restored, and he had been using his hand in sword practice for a month. At first he could barely hold a sword for more than a few minutes, and at times the pain brought him close to tears, but he persevered. Now he barely noticed the discomfort unless he paused to think about it. And at the moment, he was too busy thinking about what was occurring before him to think about his hand.\n\nUp a narrow trail, riding single file, three thousand mercenaries made their way onto the plateau. For hours they had been riding, and once they reached the top, they spread out, making cold camp. Still miles behind the citadel, Tal would not risk a hundred campfires. Kaspar's full attention was directed to the fleet off his harbor and the army approaching from the east along the river, but the citadel was downwind from the plateau and smoke from that many fires would travel for miles.\n\nThe Isles' army should be fully in place by now. Tal had convinced King Ryan he could move his army by boat up the route mapped by the agents of Salmater Tal had captured for Kaspar, then land on the north shore of the river, placing a force of five thousand men between Olasko Gateway and Opardum.\n\nTal felt tremendous impatience, for he knew he was close now to his final accounting with Kaspar. He wished for a moment that the Conclave could use its arts to magic his army inside the caves, rather than wait for engineers to construct a new bridge across the bottom of the ravine. But he knew that was impossible. Pug had warned Tal that Leso Varen would detect any spell used within miles of the citadel. He must think until the very last instant that the attack was conventional, for forewarning would doom this attempt to failure. Even if Kaspar was taken, Varen was the true target, and he must not escape. While Tal wanted Kaspar dead, he knew that his first objective had to be the magician's rooms, for there he would find the wards that protected the sorcerer from Pug and the others, and there Tal would have to destroy them before Varen killed him, else all would fail. Kaspar would endure, the dark magic of Leso Varen would go unchecked, and Tal's entire life would prove futile and pointless.\n\nTal had sent two of his best scouts forward with the engineers. He had given them clear directions to follow. Once the bridge was up, they were to cross over, climb the long path, then wait inside the first large gallery, where he would take over and lead the soldiers through the maze of tunnels that led to the one cave big enough to hold his forces. From there it was a short march to the abandoned cellar in the citadel that would prove Kaspar's undoing.\n\nTal regarded his army as they filed past, making their way to campsites where they would unsaddle their mounts and leave them in the care of lackeys. They were a mix of veterans recruited by John Creed and recruits from farms and villages near Karesh'kaar, young men and a few women who felt they had no future in Bardac's. Tal had promised everyone who fought that after the war they would be permitted to settle in Olasko...assuming they won, of course. Tal watched as the last of the riders crested the rise and moved off to find a place to rest. Pack animals brought up the rear, and as they came into sight, Tal rode to the most forward camp.\n\nQuint Havrevulen, John Creed, and the Barons Visniya and Stolinko waited. They had been over the plan a hundred times, but Tal said, \"Once more. Report.\"\n\nQuint said, \"Signals from our scouts to the rear show all is clear, and no one suspects we are here.\"\n\nCreed said, \"Everyone knows his job, Tal.\"\n\nTal said, \"It's in my nature to worry at this point.\"\n\nVisniya said, \"When the Keshians land, they'll find key defenses have been left unattended, or orders are confused. We have friends who will ensure the outer city defense is token at best.\"\n\nStolinko said, \"It was never much anyway, given the layout of the city. By sundown tomorrow, Kaspar's forces will either be in full retreat in the city or already behind the walls of the citadel.\"\n\nTal nodded. It would take a full day to reach the citadel's basement by the tunnels he had mapped. \"Then at dawn in two days' time, we take the citadel.\"\n\nThere was something bothering him: he knew that he would have preferred to wait until all his men were in place before assaulting the citadel from within. There simply wasn't enough room in the caves or basements for that. He had to lead two hundred men up a flight of stairs and hope that they reached the top landing before any alarm was sounded, and could hold a key corridor long enough to allow the balance of his forces to start feeding into the citadel.\n\nIf he or his men were trapped on that stairway, a squad of six men with swords and crossbows could hold them there for a week.\n\nTal gave his horse to a lackey, then squatted where the others sat. He pulled the glove on his right hand off and flexed it. \"If I hadn't see that stump,\" said Quint, \"I wouldn't have believed your hand had ever been cut from you.\"\n\nLooking at his fingers as he flexed them, Tal said, \"It helps to have friends who know 'tricks.' \"\n\n\"Well,\" said the dour Stolinko, \"I hope you have some more good ones for the next two days.\"\n\nJohn Creed said, \"From what Tal's told us, I don't think we're going to need tricks. This looks to be a straight-up fight, and whoever has the greatest will wins.\"\n\nNo one said anything after that.\n\nFor hours they crept through the darkness. Every tenth solder carried a torch. Tal's ability to remember details of the route after more than four years since his last visit saved them time and lives. There were treacherous falls and dead-end passages all through this region. His nocturnal explorations in his first months of service to Kaspar were serving them all well.\n\nThe caves were dry at this time of year, and mostly of bare rock, though occasionally a vein of hard-packed earth was exposed between rock faces. Lichen in the lower chambers gave way to dry granite walls and dusty floors as they rose to the surface. Everything smelled musty.\n\nTal paused in the last gallery of any size before reaching the outer limits of the citadel. He beckoned to a young woman, one of the freed slaves from earlier that year, and said, \"Pass the word back. We rest for an hour. I'm going ahead to scout.\"\n\nShe turned and passed the word, and Tal took a torch, lit it from one already burning, and moved on. He turned a corner and vanished down a tunnel.\n\nEverything was as he remembered it, and he quickly found his way to the narrow passage that led to a storage area, which had been abandoned long ago. The only footprints on the ground in the dust were his own, grown faint after more than four years.\n\nAt the far end of this cave was a single door, and Tal inspected it closely before attempting to open it. It was stiff and moved slowly, but he took his time, and when it was barely wide enough to admit him, he slipped through.\n\nHe entered a room. He was in the citadel proper. Three walls had been chiseled out of the rock, but the far wall was made from mortar-set stones around a door. He opened the door in that wall and looked down a deserted hallway.\n\nTal quickly inspected the route and reached the last door he would open, for after this room came a part of the stronghold that might be in use: a short auxiliary pantry that led to the stairs he would have to use to get into the heart of the citadel. This was the pantry farthest off the kitchen, and while it was rarely occupied, occasionally someone came down to refill salt cellars from the large barrels kept there. He took out a red rag and a heavy tack, and pinned the rag to the door.\n\nHe then started backtracking, putting rags on every door his forces would pass through.\n\nAt one junction, he put up two rags, one red, one blue, and then moved off in a different direction. An hour later a second path had been marked in blue.\n\nBy the time he returned to where the vanguard of his army waited, three routes up into the citadel would be marked. John Creed would lead a force up along the yellow path, into the marshaling yard via a postern gate entrance, opening into the bailey between the outer walls and the citadel itself. His job would be to attack the wall from inside, in support of the Keshian soldiers attacking from the city.\n\nQuint Havrevulen would lead the second column, coming up along the blue path, directly into the armory, attacking the main strength of the forces inside the citadel. He would most likely be the first of the three of them to face the main strength of Kaspar's forces.\n\nTal's task was the most dangerous, for he was to lead an assault along the red path into Leso Varen's apartments. He knew it earned him a good chance of a quick and messy death. He had argued with himself over this choice, but felt he could not order any other man to do it. Additionally, he now realized that with victory in sight, he no longer cared. All he felt was cold inside. For years he had anticipated the day when he would crush Kaspar and let him know why he was being destroyed. The thought of revenge on his enemies no longer gave him comfort. In fact, it felt just the opposite. Vengeance had started to lose its appeal after the death of Raven.\n\nYears spent in anticipation of this moment now seemed somehow wasted. In the short time before committing himself to an all-or-nothing gamble, he wished more than anything that he could just walk away. He thought of all he had lost, all he had let go in the past without thought because of his determination to punish Kaspar.\n\nNow he wondered what use it would be. For Kaspar's death would not bring back his father, Elk's Call at Dawn, or his mother, Whisper of the Night Wind. His brother, Hand of the Sun, and his little sister Miliana would remain dead. The only time he would hear the voice of his grandfather, Laughter in His Eyes, would be in his memory. Nothing would change. No farmer outside Krondor would suddenly stand up in wonder and say, \"A wrong has been righted.\" No boot-maker in Roldem would look up from his bench and say, \"A people has been avenged.\"\n\nIf he could just expunge Kaspar with a thought, he would gladly turn away from the slaughter to come. Hundreds, perhaps thousands, of men and women were about to die, and not one in a thousand would have an inkling of why their lives were ending. Not one of them would understand that they were dying because a boy had survived the obliteration of his people and an ambitious man had made a pact with an evil magician.\n\nTal sighed. Try as he might, he could not hate Kaspar or Quint any more than he could hate a bear for acting like a bear. They were creatures of their own nature. With Kaspar, that meant he was sick with ambition and devoid of scruples. With Quint, it meant he followed orders blindly and did as he was told, no matter how repugnant and without morality those orders might be.\n\nYet now Tal was using one of those men's natures to help destroy the other. He found the irony far from amusing.\n\nHe returned to the vanguard and found that his officers had all made their way to the front. Quint said, \"We're all in place and ready.\"\n\nTal sat on the stones. \"So, now we wait.\"\n\nThe cellar was empty, and Tal motioned his men to follow to the far end. He pushed open the door and in the distance could hear faint noises. Nothing very distinct, but he knew it was the echoes of men and women in the citadel rushing to whatever place was appointed them during battle. Soldiers would man their posts, while servants would hurry to prepare everything required to withstand the assault: food, blankets, water, sand to fight fires, and bandages and unguents for the wounded.\n\nTal motioned, and the first group moved up the narrow stairway. He peered through the door and saw that the corridor was empty. He pushed it open and held it aside as the first twenty men raced up the stairs, ten going to the right and ten to the left. They were ordered to hurry to the far end of the hall and hold until a full company was in place.\n\nAfter the first score of mercenaries were in place, the others came up like a steady stream, one man after another, and when a full fifty were in position Tal signaled. Both companies hurried off to their specified destinations. Each band had one mission: to find a particular place in the lower citadel and hold it. They would barricade the intersections between halls\u2014using tables, chairs or anything else they could find\u2014then hold those positions using longbows and crossbows until Tal had reached his objective. They would be protecting the flanks of those fighters sent into the lair of the magician.\n\nTal motioned for those behind him to move as silently as possible. He had hand-picked twenty-five of the toughest men in the army, led by the huge murderer, Masterson, who still carried the massive ax he had taken from the Fortress of Despair. Tal knew that if need be, he could chop through an oak door with it in moments.\n\nTal turned the corner, headed down a short corridor, then up a flight of stairs. At the top he was confronted by stairs leading back down again, while two other flights went up on either side. Companies following his own would head up those stairs with orders to attack any units of Kaspar's men they sighted. Tal led his twenty-five men down the central set of stairs toward Leso Varen's quarters.\n\nHe hurried down the corridor that led into the wizard's first room, and as he neared the door, he felt the hair on his arms and neck stand up. He halted and without hesitation shouted, \"Back!\"\n\nThose behind him hesitated for a moment, then the retreat began, just as a shrieking sound of unbearable volume split the air. Men covered their ears and howled in pain. Tal, who was closest to the door, suffered the worst. His legs wobbled and threatened to buckle as he staggered backward.\n\nWhen he reached the far end of the corridor, the sound stopped. Tal shook his head to clear his vision. Without a word, he signaled to Masterson to tear down the door. Masterson nodded, rage etched upon his face, and charged the door.\n\nIf Varen had expected Tal and the others to have fled or to be lying stunned in the hallway, he was mistaken. Masterson's massive ax struck the wood to the center of the hasp and shattered it, sending splinters flying. He struck it three more times and the planks fell away. With a kick of one huge foot, he smashed the wood between hinges and lock plate, and the door fell open. He charged in with Tal only steps behind him.\n\nTwenty-five men entered the room with Tal. At the far end the magician, Leso Varen, stood alone. The slender magic-user looked more annoyed than fearful, and all he said was, \"This really is just too much.\"\n\nThen he waved his hand, and abruptly Tal was engulfed in pain. He could barely stand, and his sword fell from fingers that refused to obey him. Other men writhed on the floor or fell to their hands and knees, vomiting.\n\nTal saw men falling unconscious on all sides. Only Masterson seemed able to keep his feet, and the large man staggered with each step. Seeing that the huge fighter was somehow resisting his magic, Varen sighed as if he was out of patience. He picked up what looked to be a slender wand of dark wood, pointed it at the ax-wielding man, and spoke a few words.\n\nFlames surrounded Masterson's head and shoulders, and he howled in agony, letting the ax fall. He went to his knees slapping uselessly at the flames, which were tinged an evil green color, and which filled the room with an oily smoke and the stench of burning flesh.\n\nTal struggled to move forward, although every one of his muscles tried to contract in spasm. He could not will his fingers to close around his sword where it lay near his open hand. In a desperate act of will he drew the dagger from his belt, mustered his remaining strength, and hurled it at the magician.\n\nIt flew true, but Varen merely stood still and the blade halted inches from him, falling to the floor with a clatter as if hitting an invisible wall. Then he walked to stand over Tal and looked down on him.\n\n\"Talwin Hawkins, isn't it? I am surprised,\" he said softly, his voice just loud enough to cut through the moans and weeping of the other men in the room. He glanced at Tal's right arm and said, \"I thought they were going to chop that off you.\" He sighed. \"That's the problem with Kaspar's people. You just can't rely upon them to attend to details. First you were supposed to die in Salador and didn't have the grace to do that, then you turn up here unexpectedly with an army...it's all very annoying, Talwin!\" He glanced around the room. \"If Kaspar can't keep this city of his, I'm going to have to move...again! That is really upsetting.\" He leaned over so that his face was only inches from Tal's as the young man fought to stay sitting upright, refusing to fall to the floor. \"You're quite a stubborn boy, aren't you?\" asked Varen. He gently pushed Tal to the right, and Tal promptly fell over.\n\n\"I don't suppose this is all your fault; after all, you can't just whistle up a Keshian army...not to mention that bunch down on the river from the Isles. I'd love to know how you contrived to get Ryan and Carol to agree on anything, but time is limited, so I just can't spare a moment to chat.\" Leso Varen walked away and looked out of the window. \"Now, that doesn't look good. Keshians on the wall and a troop of men I don't recognize opening the gate to the bailey. This just won't do.\"\n\nHe opened the window and directed his wand out of it. Tal could feel him discharging his magic at those below. But Tal noticed that each time Varen did so, the pain he was experiencing lessened slightly. His vision no longer threatened to fail him, and he could move a little.\n\nAfter a few moments of raining burning terror down on those below, Varen turned to Tal again. \"Well, as much fun as this has been, it's time for you to die,\" he said. He put away his wand and took a dagger out of his robe. With purposeful steps he crossed the floor, heading directly for Tal.\n\nCreed's men were on the walls before the Olaskan defenders realized they had been taken from the rear. The Keshians had come through the city like a prairie fire in summer, and those Olasko soldiers who had been ordered to retreat in order had hit the gate in full flight.\n\nMen on the walls with their eyes on Keshian Dog Soldiers carrying scaling ladders and siege turtles suddenly found enemies on the wall beside them, with others hurrying up the stone stairs to the battlements. Archers who should have been raining fletched death down on the Keshians were instead struggling in hand-to-hand combat with armed invaders.\n\nCreed looked around and nodded in satisfaction as his flying company reached the gate, overpowering the squad there and began opening it to admit the Keshians.\n\nJust then an explosion of fire struck to the right of the gate, sending men on both sides flying through the air. A second, then a third detonation of energy caused men to duck for cover or just turn and run. Creed spun to see a man in a robe look down for a moment, then turn away.\n\nWhatever the magician thought he was doing, he created more confusion, which aided the invaders. Creed shouted orders for his company to finish opening the gate, and once he saw it thrown open, he knew this part of the fight would be over in less than another half hour. Seeing the state of the struggle up on the wall, Creed began directing soldiers still coming out of the tunnels toward a pair of doors at the base of the citadel. So fast had the attack been that they still stood open. He could send his soldiers inside to support Quint's and Tal's forces.\n\nHe glanced up at the citadel and wondered how the fighting there fared. With the Keshians inside the walls, the battle was decided; Kaspar's army would be defeated\u2014he saluted Tal's ingenuity and hoped the lad lived long enough to see the end of it.\n\nAs Keshian soldiers hurried through the gate carrying scaling ladders, Creed waved over to the captain in command of the Keshian assault forces. \"We're inside already!\" yelled Creed, pointing to the gates. \"Set your scaling ladders there and there\"\u2014he pointed to two spots\u2014\"and we'll shred their forces from both sides.\"\n\nThe captain acknowledged the suggestion and sent his men to the indicated locations. Creed took one last look around to ensure that everything was going as planned and saw with satisfaction that Olaskan soldiers were throwing down their weapons and begging quarter up on the wall.\n\nCreed motioned for a squad held in reserve to follow him inside the citadel. He hoped Captain Quint was having as easy a time as he had.\n\nCaptain Quint Havrevulen knelt behind a makeshift barricade\u2014an overturned table in the soldiers' mess. He and his men had entered the armory, only to discover that the Duke's ready company of reserves had been billeted in the mess so they could be easily dispatched to any part of the citadel.\n\nUnfortunately for Quint, he could not get enough men through the door to mount a sustained assault. Twice he had led a dozen or so men out from the large pantry from which they accessed the mess, only to be driven back. Now they had archers on the balcony above the mess, and any man of Quint's who moved was likely to be sprouting arrows.\n\nThe only thing that had kept the invaders from being overwhelmed was the breastwork of tables they had erected, for every soldier of Olasko who tried to come over it was killed. A mercenary next to Quint winced visibly every time a shaft struck the wood or the wall behind him. \"We going to find a way out of this, Captain?\" he asked.\n\n\"Damn me if I know,\" answered Quint. \"But I'm getting pretty bored just sitting here.\" He glanced around. \"Here, help me push this table farther out.\" He motioned to another pair of men to help him. They moved the table forward about four feet, and Quint signaled for some other men to do likewise with the tables on either side. Soon they had enough room for an additional dozen men to crawl out of the pantry and prepare for another assault.\n\nJust as Quint was getting ready to charge, a voice shouted out, \"You dogs ready to surrender?\"\n\nQuint shouted back, \"Who died and put you in charge, Alexi?\"\n\nThere was a moment of silence, then the voice said, \"Quint? Is that you?\"\n\n\"None other,\" shouted Quint.\n\n\"We thought you'd be dead by now.\"\n\n\"Sorry to disappoint you, but I had other plans.\"\n\n\"The Duke will reward me greatly if I bring him your head, my captain.\"\n\n\"All you have to do is come get it,\" shouted the former Special Captain of the Olaskon army. When no answer was forthcoming, he added, \"Or perhaps you'd like to talk about things first?\"\n\n\"What do you have in mind?\"\n\n\"Parley.\"\n\nAgain there was silence, then the officer named Alexi said, \"I can hear you just fine from here. Speak your mind.\"\n\n\"A couple of thousand Keshian Dog Soldiers should be through your gates by now, Alexi. There are two other companies of mercenaries already in the citadel and more coming though from tunnels back behind you every minute. You may have us bottled up here, but I'll warrant if you send runners, you'll find that other units are hard pressed on all fronts. You can't win. But if you call a halt to the fighting, you and your men can live.\"\n\n\"And if I call a halt to the fighting and you're telling tales, the Duke will have my guts for garters.\"\n\n\"Send runners. Ask for intelligence. I can wait.\" Quint grinned at the soldiers nearby. \"I'm not in a hurry as long as my side's winning.\"\n\nThere was a very long silence, then the officer named Alexi said, \"You're a lot of things, Captain Quint, but you've never been a liar. What terms are you offering?\"\n\n\"We've no issue with men who are only following orders. Put down your weapons and you'll be paroled. I don't know who's going to be running things after this is over, but whoever it is, he'll need soldiers to keep the peace in Olasko. There you have it. Wait, and when the other companies start breaking down the doors at your back, we'll come over these damn tables. If you surrender now, everyone gets to live another day. We can even sit down and have an ale together when the dust settles. What'll it be?\"\n\n\"I'll send runners, Quint, and I'll tell my men not to shoot as long as you stay down behind those tables. Agreed?\"\n\n\"Agreed!\" Quint put his sword away, indicating to his men that they could relax and lie down for a while without worry. \"This may work out well,\" he whispered. He ventured a look and saw that the bowmen had put their bows down and were leaning on them, while the crossbowmen had lowered their weapons. He sat back. \"Hope things are going this well elsewhere,\" he said.\n\n## Twenty\n\n## Resolution\n\nTal watched.\n\nLeso Varen approached slowly, the dagger hanging loosely in his grip. Tal felt pain in every part of his body, but it was manageable, less than he had endured after his rescue by Pasko and Robert, less than when he had been attacked by the death-dancers, less than when his arm had been cut off. He focused on that, that he had endured more pain and lived.\n\nHe drew strength from within and waited, for he knew he would get only one opportunity to strike at the magician. Tal let his head loll as if he had no strength to raise it.\n\nVaren ignored the other soldiers nearby. When he got close, he said, \"Talwin, I am impressed. You're far more resilient than I would have thought.\n\n\"You know, I told Kaspar I thought there was something odd about you when I examined you on the night you took oath. It wasn't that you revealed duplicity, but rather that you were...without any sort of doubt. I suspected you had been trained somehow, but had you been a magic-user, you would not have lived more than a minute once you were inside this room.\" He gestured. \"I've placed wards everywhere.\" He sighed, as if over-tasked. \"I have enemies, you know.\" He waved his hand at a far wall and it shimmered, then faded away. It had been an illusion, and Tal saw that the room was a full ten feet longer than he had thought. A figure hung from chains on the far wall, naked and bloody. Tal knew instantly who it was: Alysandra. He couldn't tell if she was alive or not, and it took all of his concentration to ready himself for one last attempt to defend himself. Varen said, \"Our lovely Lady Rowena tried to kill me.\" His voice rose to a near shriek. \"She tried to kill me!\"\n\nHe turned his back on Tal and hurried to where the limp form hung. \"She thought to seduce me!\" He laughed, then turned to face Tal and spoke quickly. \"Look, I enjoy a tumble as much as the next man, but there are times when such things are merely a distraction. Besides, the energies are all wrong for what I'm doing these days. It's terribly life-affirming and generative and all that, but right now, my efforts are entirely concentrated in the opposite direction, if you take my meaning. So, rather than some fun between the sheets\u2014and a dagger in my back\u2014I thought she could contribute to my work in a good way\u2014or bad, from her point of view.\" He laughed, and Tal knew that by any measure the man was completely mad.\n\nVaren reached up and gripped her chin. \"A little life left in there yet, isn't there, my dear?\" He regarded her intently. \"Slow death is the best death...for me. Right now, I imagine it's pretty miserable being you.\" He laughed and let her chin drop. Then he started walking back toward Tal. \"It wouldn't surprise me to discover you both work for an old enemy of mine. Sad to say, I haven't time to put you on the wall and find out. But even if you don't, you've been a serious nuisance, Talwin. Bringing an army, sacking the city, all that noise.\" His eyes widened, and he nodded enthusiastically. \"I do enjoy the screaming and the blood, though. That's a nice touch.\" He reached Tal and knelt beside him. \"Now, it's been lovely seeing you again, but I must put an end to our time together. I fear Kaspar is about to lose his city, and that being the case, I must depart for a new home.\" He smiled. \"Goodbye.\" Then he reached out with his dagger, as Tal had expected, and started to slice down on Tal's exposed neck. Tal used every ounce of strength he possessed to slash upward with the dagger he had pulled from his belt, and block Leso's move. Varen was a powerful magician, but in the use of a blade he might as well have been a baby compared to Tal. Varen's blade flew from his hand and went clattering across the floor.\n\nTal then slashed out again, only to find his blade deflected from Varen's skin by some sort of arcane armor. But the blow caused the magician to fall backward, landing hard on his rump, and suddenly the pain wracking Tal's body ceased.\n\nTaking a deep breath, Tal rose to his feet. \"So, steel can't touch you?\"\n\n\"I'm afraid not,\" said Varen, his eyes narrowing. He scrambled to his feet. \"You know, this is no longer amusing. Please die now!\"\n\nHe put out his hand and Tal could feel energies building. Only once or twice had he witnessed Pug or Magnus gathering power, and the results were usually spectacular. Tal had no doubt that if he let the mage finish his incantation, he would not enjoy the results.\n\nIn the remaining seconds he had, he knew his sword would be as useless as his dagger. He felt a lump in his tunic and snatched out the hard ball Nakor had given him. In a desperate move to interrupt the magician's concentration, he drew his arm back and threw the ball as hard as he could.\n\nThe ball passed through whatever energy-armor Varen possessed and struck him hard in the throat. The incantation was disrupted, and Tal felt the power in the room fade.\n\nThe magician's eyes went round as he grabbed his throat. He fought for air, but Tal could see he couldn't breathe. He took two steps toward the mage, and Varen fell to his knees, his face turning red and the veins on his head starting to stand out.\n\nA voice from behind said, \"I think you crushed his windpipe.\"\n\nTal looked and saw one of the soldiers rising to his feet. Tal pointed at a large clay object next to the door, hexagonal in shape and covered in mystic writings. \"See that,\" he said. \"Break it. Look around these rooms and you'll find more. Break them all.\"\n\nTal walked over to the quivering magician and looked down at him. \"Hell of a way to die, isn't it?\" he said. Then he knelt, pulled Varen upright, moved behind him, and put his arms on either side of his head. With one quick jerk, he broke the dark mage's neck. Leso Varen's body crumpled to the floor.\n\nThen Tal rose and went over to the unconscious figure on the wall. He unfastened the shackles and took Alysandra down gently. He looked at the face of the woman he had once thought he loved. Stunning beauty was now terribly scarred, for Varen's use of the dagger had not been kind. Tal took his cloak off and wrapped it around her. Calling to one of the soldiers nearby, he said, \"Take her to the rear and see if the chirurgeon can save her.\" The soldier cradled the girl in his arms and carried her out of the door.\n\nWhen the last ward was smashed, the air suddenly sizzled with energy and three men materialized in the room. Pug, Magnus, and Nakor looked down at the dead mage. Nakor said, \"You did better than I thought you would.\"\n\nPug said, \"Get everyone out of this room, Tal. There are things here that only we three are equipped to confront.\" He looked down. \"Just because this body is dead doesn't mean the magic doesn't linger. There may be traps still.\"\n\nTal turned and ordered his soldiers out of the room.\n\nMagnus nodded. \"Nakor's right. You did well.\"\n\nPug said, \"How goes the rest of the fight?\"\n\nTal shrugged. \"I don't know. I've received no word from Creed or Quint, but now that this...man is dead, I plan on seeing this thing ended.\"\n\nAs he turned to leave, Pug grabbed his arm. Looking Tal in the eyes, he said, \"Before you find Kaspar, remember this: you've been harshly used all your life, Tal, by the Conclave as well as by Kaspar. Would I have given you up to kill this enemy of mine?\" He pointed to Varen's corpse. \"A hundred times over, my friend.\" For a moment pain passed behind Pug's eyes. \"You would not be the first of those I cared about to die.\" His hand tightened a little on Tal's arm. \"The Conclave will ask nothing more of you: from now on your life is your own to do with what you will. In any way we can we will help, with gold, land, pardons from the Isles and Roldem. Ask what you will, and if we can do it, we will.\n\n\"But one thing above all you must understand. You are at a crossroads, and from this moment forward who you will be is in your own hands. Decide what sort of man you wish to be...then act.\"\n\nTal nodded. \"Right now I have but one goal, Pug. I will find Kaspar, then after I end his life, I'll worry about the rest of mine.\"\n\nWithout another word, he picked up his sword and followed his mercenaries down the hall and away from the magician's lair.\n\nTal shouted orders and swung his sword. His company had encountered a roomful of Olaskan soldiers who appeared determined to defend that part of the citadel with their lives. The room-to-room fighting was bloody and unforgiving. Tal passed few wounded, but a great many dead on both sides.\n\nHe had been fighting for two hours, the pain he suffered at the hands of the magician now forgotten. He had cleared half a dozen rooms since leaving the magician's wing. Runners had come telling him the outer bailey and the lower rooms of the citadel were secured, and that men were being detailed to guard Olaskan prisoners. But the closer he got to Kaspar's throne room, the fiercer was the defense.\n\nThe fighting went on for the rest of the day, and twice he had to withdraw and take water and food. His arms felt as if they had iron weights tied to them, but he kept coming back to lead his men.\n\nAfter hours of fighting, Tal realized they had surrounded the throne room, and he quickly sent runners to ensure that the doors were secure. He motioned for a dozen men to follow him, for he knew there were other, less obvious, ways out of that room.\n\nHe found an entrance to the servants' passages and almost died when he opened the door. Only his exceptional reflexes allowed him to block the sword thrust that greeted his tripping the latch.\n\n\"Pikes!\" he shouted and men with pole-arms raced forward. They lowered their weapons and drove the defenders back down the narrow passage, and Tal and his men followed.\n\nThere had been half a dozen men in the passage, and they turned and fled after two were struck down by the pikes. Tal hurried after them but stopped running when he realized they had found the servants' entrance to the throne room.\n\nA peephole had been drilled in the door and covered by a simple piece of metal on a screw. It had been put there so that servants wouldn't interrupt the Duke when he was conducting formal court.\n\nTal peered through and saw Kaspar standing in the middle of the room, directing his defenders. He was wearing his black armor and bellowing commands, looking as much like a bear at bay as the one Tal had killed protecting him those years past.\n\nTal judged he could possibly reach Kaspar before the Duke recognized he was in the room, but he couldn't be certain. Better to wait for a few minutes and see how the assault on the three entrances went. Tal knew he could spare more soldiers than Kaspar, for by what Tal could see, he had less than a full company in the room.\n\nFrom outside came a voice, speaking Roldemish but in a heavy accent\u2014a Keshian commander. \"Will you accept quarter?\"\n\nKaspar laughed. \"Never!\"\n\nTal hated to see men die needlessly. The outcome was no longer in doubt. Kaspar had been totally routed in less than a day. But there was no need for more men to die. He turned and said, \"Send word back that I want as many men as possible through here. When I open the door, I will go straight in.\" To the man behind him he said, \"Go right,\" then to the second man behind him he added, \"and you go left. Each man right, then left. Flood the room and draw the defenders away from the doors. Let's end this!\"\n\nTal waited as word was passed, then he flipped the latch and charged into the room. For a moment he moved without being noticed, then something seen out of the corner of Kaspar's eye must have alerted him, for he turned just in time to raise his sword and take Tal's attack.\n\nThose near the Duke turned to defend him, but they were quickly engaged by other mercenaries who ran from the servants' passage. Tal swung a looping overhand blow, then turned it at the last, almost taking Kaspar's arm off at the shoulder. The big man dodged aside at the last second, his eyes widening in recognition. \"Tal!\" He slashed back, forcing Tal to give ground. \"And with both arms. That must be a tale to tell.\" He lashed out in a furious combination, which lacked finesse but was effective.\n\nTal could not risk taking his eyes off Kaspar, so determined was the Duke to defeat him, but he could sense the rhythm of the fight changing. With his own men attacking from behind, those defending the doors were being overwhelmed.\n\nKaspar cut and parried, his face a mask of concentration, oblivious to everything else around him as he sought to kill Tal. Tal knew that he was by far the better swordsman, but he was fatigued, still in pain, and his right hand had not recovered completely. One mistake on his part was all Kaspar needed.\n\nAll around the two combatants the din of weapons diminished as swords hit the floor and men ceased fighting. After a few minutes, the only sounds in the room were the groans of the wounded and the clang of Tal's and Kaspar's blades ringing together as they clashed.\n\nKaspar's face was flushed, and his cheeks bulged as he puffed hard, trying to keep his wind. Tal felt his own body ache with the need to end this; but Kaspar was giving him no clear-cut opening.\n\nThen Kaspar stepped the wrong way, and for an instant his toe touched the leg of a corpse lying on the floor. He stumbled, and Tal was upon him like a cat on a mouse.\n\nTal got inside Kaspar's guard and engaged his blade with his own, and with one twisting move had the sword out of Kaspar's hand. The next moment Kaspar was motionless, Tal's sword point at his throat.\n\nKaspar braced himself for the death stroke, but Tal just kept his sword pressing that vulnerable skin. Then he said, \"Bind him!\"\n\nAt this point, John Creed came into the room. \"You did it!\"\n\n\"We did it,\" said Tal. He looked around the chamber. \"And a lot of men paid for the victory with their lives.\"\n\nCreed said, \"So, why didn't you finish him?\"\n\nTal walked up to look Kaspar in the eyes as two soldiers bound the Duke's wrists behind his back. \"That would have been too quick,\" said Tal. \"I want him to fully understand what he's lost, what's been taken away from him.\" He put up his sword. \"Besides, I can hang him tomorrow as easily as cut his throat today.\"\n\nLooking around the room, he said, \"Make sure everyone knows the citadel is ours. Then pass the word to stop fighting.\"\n\nThe Keshian commander of the forces that had been attacking the room approached. \"Captain, we will withdraw as we agreed. The citadel is yours.\"\n\nTal said, \"Thank you, and thank your emperor. I don't suppose there's much hope of controlling the looting on the way back to the harbor?\"\n\nThe Captain shrugged. \"Booty is part of war, is it not?\" He bowed his head and shouted his orders, and the Keshian Dog Soldiers began withdrawing.\n\nAfter the Keshians were gone, Creed said, \"If there's anything of value left in the city when those boys are gone, our lads will be surprised.\"\n\nTal smiled. \"There's enough in the citadel to make every man here feel rich. We'll get to that tomorrow. Tend to the wounded, and get the staff in the kitchen to start cooking. If everyone else is as hungry as I am, we're going to eat the entire stores in one day.\"\n\nCreed nodded and started conveying Tal's orders. Tal glanced around the room, then said to the two guards who held Kaspar, \"Keep him here for the time being, but everyone else is to be taken down to the marshaling yard and put under guard.\"\n\nTal sheathed his sword and made his way out of Kaspar's throne room and hurried to Kaspar's family apartment, ignoring the looks he got from frightened servants. When he reached Natalia's door he found a squad of guards waiting. He looked at them and said, \"It's over. Kaspar is taken. Throw down your weapons, or I will come back with fifty men. No harm will come to your lady.\"\n\nThe men glanced at one another, then slowly put down their swords. \"Go down to the marshaling yard and wait; you'll be given parole in the morning.\"\n\nThe guards left slowly, and when they were gone, Tal opened the door to Natalia's apartment. A blur of motion caused him to duck, and a dagger bounced harmlessly off the wall. Tal called out, \"Please don't throw anything else, Natalia!\"\n\nHe looked to the far corner of the room, where Kaspar's sister waited, another dagger in her hand. \"Tal!\" she cried, her voice revealing a mixture of relief, happiness, and uncertainty. \"Kaspar said you were imprisoned.\" Then she saw his right hand and added, \"And maimed.\"\n\nTal walked slowly toward her. \"I managed to survive it all.\"\n\n\"What now?\" she said. \"Is Kaspar dead?\"\n\n\"No, he's my prisoner,\" said Tal.\n\n\"Your prisoner? I thought we were being attacked by Kesh and Roldem.\"\n\n\"You were, but in support of my attack on the citadel.\" He sat on the bed, and motioned for her to come closer. She approached slowly and he took her hand. \"It's a very long story, and I'll tell it to you, but I have many things to do before we can discuss those details. Right now I wish to tell you that you are safe. No harm will come to you, and I will ensure that your status here is respected.\"\n\n\"As what?\" said Natalia. \"Am I your trophy, Tal?\"\n\nHe smiled. \"You would be a very special one, I'll admit.\" He stood up and took her other hand in his left, and said, \"I would be lying if I said I had no feelings for you, Natalia, but I would also be lying if I told you I loved you with all my heart.\n\n\"Moreover, your future is now even less your own than it was before Kaspar was taken. For then you were but a tool for his diplomacy. Now you are much more.\"\n\n\"What do you mean?\"\n\nTal said, \"You are heir to Olasko. Your brother's removal leaves a deadly political vacuum in the region. Kesh will ensure that the Isles don't try to claim your nation, and the Isles will keep Kesh and Roldem at bay, but others nearby may see this as an opportunity to install their own vassals on Kaspar's throne. That can't be allowed.\"\n\nNatalia nodded. \"I understand.\" She looked at Tal. \"What of my brother? Is he to die?\"\n\nTal said, \"Only a few people know this of me: I was born in the mountains of the Orosini. Kaspar's orders destroyed my race. I am perhaps the only male survivor, and the day I knew I would live, I vowed to have vengeance for my people.\"\n\nNatalia said nothing, but her face grew pale and drawn. \"I would like to be alone now if you don't mind, Tal.\"\n\nHe bowed and left. When he got outside he saw that a pair of his own soldiers had replaced the Olaskons who had surrendered. \"Guard this door and protect the lady inside. I'll have someone relieve you after a while.\"\n\nThey nodded and took up position on either side of the door.\n\nTal moved quickly along the hallway, back toward the throne room. There was much to be done yet, but the thing he felt the most need for was a meal. Then perhaps a hot bath. For whatever decisions needed to be made, they didn't need to be made until the next morning.\n\nThe day wore on, and before Tal knew it, evening was falling. The entire early part of the day had been devoted to disarming Opardum's garrison, paroling the soldiers, and directing them to billets outside the citadel. Natalia would need them back soon, but some of those who had served her brother would not be invited to reenlist.\n\nAdministration of the government was given over to Barons Visniya and Stolinko, who between them could take care of the short-term needs of the city and surrounding countryside.\n\nAnd a great deal of need was evident, for while the invasion of the city had been completed swiftly, it had been harsh. As Tal had suspected, the retreating Keshians had taken anything of value they could find, and burned many buildings out of spite when they found nothing. Still, Tal instructed the barons to establish a curfew and enlist some men into a provost to protect the citizens from any further looting and violence.\n\nA message from one of the chirurgeons informed him that Alysandra would live, but it had been a close thing. Tal sent a message to the magician's room to Pug conveying the good news.\n\nAs the day wore on, Tal found himself becoming more anxious. He had won, a victory that seemed easy if one considered only the military costs. Tal knew what price he had paid over the years to achieve this victory. And his tasks were not over yet. There were still two men alive\u2014one now an ally\u2014who were responsible for the destruction of his nation.\n\nThe one thing that really vexed him was Amafi. The traitorous servant had somehow managed to escape during the battle. He had given a clear description of the man to many of his officers, but Amafi was not among the dead or captured. Those prisoners who knew him said that he had vanished from Kaspar's side only a few minutes before the final assault on the throne room had begun.\n\nTal cursed himself for a fool, for Amafi must have used the same servants' passages to escape that Tal had used to take the citadel. Someday, he knew, if he had the chance, he would find Amafi and make him pay the price for his betrayal.\n\nHe had eaten his midday meal apart from the others, for he had to decide in his own heart what to do before he could discuss it with anyone else. He knew that Creed would follow his orders, and should he order Quint's arrest, the former captain would be in chains in minutes.\n\nHe had seen Pug only once, and Nakor twice, and both men seemed immensely disturbed by what they had found in Varen's apartments. They did not talk about it, but made it clear that, for them, some matter of great importance was still unresolved.\n\nTal put aside speculation, knowing they would apprise him of the problem when the time was right. Currently, he had enough problems of his own deal with.\n\nVisniya approached him as the afternoon session began. \"I received a message from the representative of Roldem, Tal. They have a few demands and some suggestions, which are really just politely worded demands.\"\n\n\"What?\"\n\n\"They want recompense for their fleet being used by the Keshians, which is to say, they're upset Kesh got to loot the city and they didn't. We have ample gold in Kaspar's treasury. The battle went so quickly even the men who were guarding it didn't think to grab the gold and run.\n\n\"But we'll also need that gold to rebuild.\"\n\nTal said, \"I will bow to your decision; it's your city, not mine. But my inclination is to rebuild now and pay debts later.\"\n\nVisniya nodded. \"I agree. If we pay Roldem their blood money, we'll have to tax the people when they can least afford it.\"\n\n\"What news from the Isles?\"\n\n\"Nothing currently, but I expect a list of their demands to be delivered at any moment,\" said Stolinko dryly.\n\nTal went to the table where the others on his ad hoc council waited. \"What next?\" he said.\n\nStolinko said, \"Some of the men are asking, Tal. Are you to be the new Duke?\"\n\nTal laughed. \"Wouldn't that put a bee in the ear of the King of Roldem? He'd turn that fleet around and bring those Keshian soldiers back to turn me out of here.\" He shook his head. \"No, I have other plans.\"\n\n\"Then who will rule?\"\n\nTal said, \"Natalia is the logical choice.\"\n\n\"But can she hold Olasko?\" asked Visniya. \"There are any number of nobles, here and among our neighbors, who would be on the march the moment our mercenaries left if she's put on the throne alone.\"\n\n\"I can't very well force her to wed someone just to ensure regional stability,\" said Tal.\n\n\"Why not?\" asked Stolinko. \"It's been done before.\"\n\nTal thought on it, and said, \"Send for Captain Quint and the Lady Natalia.\"\n\nHe waited in silence, framing what he would say, and then when they both were in his presence, he said, \"I have a pair of problems that need to be addressed.\"\n\nQuint glanced at the Lady Natalia and bowed slightly. She ignored him.\n\n\"Quint,\" began Tal, \"I have a problem. First, I must confess that I have lied to you in the past.\"\n\nQuint shrugged and said, \"In this court it would have been more remarkable if you hadn't.\"\n\n\"Do you remember the story you told me about the boy Raven killed?\"\n\nQuint nodded.\n\n\"Well, that boy didn't die, Quint. I was that boy.\"\n\nQuint's eyebrows raised as if he had difficulty believing his ears. \"You?\"\n\n\"To the best of my knowledge, I am the last Orosini male alive.\"\n\nQuint looked uncomfortable. \"You were plotting Kaspar's overthrow all along?\"\n\nTal nodded, and saw Natalia's eyes flash, though she said nothing. Still, Tal had a fair notion of what she thought, for they had been lovers, and she now must wonder how much of what he had said to her were lies, too.\n\nQuint studied Tal's face for a long moment, then he un-buckled his sword belt and let it fall. \"Tal, you saved my life by getting me off that rock, and you kept us alive all the way from the Fortress of Despair through the wilderness to Bardac's Holdfast. If my death is the price for the freedom I've had this last year, so be it. I won't fight you.\" Then he chuckled. \"Not that I could beat you, anyway, with a sword.\"\n\nTal said, \"I have given something said to me last night a great deal of thought. I am at a crossroads, and I must decide what the rest of my life will be.\n\n\"I am going to spare your life, Quint. For you have only been a good servant, albeit to a bad master.\" He looked at Natalia, and said, \"And you had no choice in who your brother was. I know you well enough to realize that you had no part in his murderous schemes.\"\n\nShe said nothing.\n\n\"Here is what must be done,\" said Tal. \"Natalia, you must rule in Opardum, as Duchess of Olasko. But the region must be stabilized. You must swear fealty to Aranor, from this day forward. Aranor and Olasko will be provinces of Roldem, and never again will either have any claim on Roldem's throne.\"\n\nVisniya leaned over and said softly, \"You can ignore Roldem's demands for quite a while after that gesture.\"\n\n\"But you'll need a strong hand to defend this realm,\" Tal continued, \"so I'm recommending you return command of your armies to Special Captain Quint, and name him along with my lords Visniya and Stolinko as a council of three to advise you until you decide whom you should wed. Put no fool or ambitious man on the throne beside you, m'lady, and good will come of this.\"\n\nShe bowed, looking somewhat relieved. She turned to Quint and said, \"Captain, I would be pleased if you would return to the service of your nation. I need you far more than my brother ever did.\"\n\nQuint bowed.\n\nPug, Magnus, and Nakor entered the room and took up positions behind Tal and his captains. Tal looked at them and nodded. Pug leaned forward and whispered to him, \"Alysandra will live. We've taken her back to Sorcerer's Isle. We can heal her flesh wounds, but as for the other things Varen did to her?\" He shrugged. Louder, he said, \"Finish this. We will talk afterward.\"\n\nTal glanced around the room and declared, \"Bring in the prisoner.\"\n\nA short while later, Kaspar was brought into the room. He had been stripped of his armor and wore only a black tunic and leggings. His feet were bare: Tal assumed that an enterprising soldier had discovered his feet were the same size as the Duke's.\n\nKaspar's wrists were in manacles and he was hobbled with leg irons, but he still appeared defiant. When he finally stopped in front of Tal, the younger man said, \"Kaspar, what have you to say?\"\n\nKaspar laughed. \"You won and I lost. What else is there to say?\"\n\n\"You've ordered the destruction of innocents and have murdered out of naked ambition. You've caused suffering you cannot begin to imagine. If I could contrive a way to have you live your life understanding that pain every day, I would. But alive you are a danger, so I must order you be hanged.\"\n\n\"For revenge?\" asked Kaspar. \"Disguised as justice, it's still revenge, Tal.\"\n\nTal sat back. \"I'm sick of killing, Kaspar. But there is no other way.\"\n\nFrom behind him, Pug said, \"Perhaps there is.\"\n\nTal looked over his shoulder and the magician stepped closer. \"If you mean what you say, if you wish for Kaspar to be in a place where he can dwell on his crimes, yet not be a threat to anyone here, would you spare his life?\"\n\n\"How can I?\" said Tal. \"Too many people have suffered at his hands. Why should I spare his life?\"\n\nPug whispered, \"Because you won't be saving his life, Talon. You'll be saving your own. You haven't begun to deal with those things you've had to do, and when ghosts trouble you in the dark of the night, this one act of forgiveness may be the difference between your survival and your destruction.\"\n\nTal felt a weight lift off his chest, and tears began to well up in his eyes. Fatigue and years of suffering threatened to overwhelm him. He remembered his family, laughing and alive, and knew that they would live on in his heart if he made room for them by casting out the hatred and anger. He thought of the things he had done, the people who had suffered and died at his hands, simply to reach this moment. What made him that different from Kaspar? He had no easy answer. At last he said, \"Kaspar, I forgive you the wrongs done to me and my people. Dwell on that wherever you go. Do with him what you will, Pug.\"\n\nPug went over to Magnus and whispered in his ear. They conferred for a long time, then Magnus nodded. He walked around the table and put his hand on Kaspar's shoulder; then they both vanished, a slight puff of air being the only sign of their departure.\n\nTal rose up. \"For this day, our business here is done.\"\n\nThose in the court moved away, and Tal turned to Quint, Visniya, and Stolinko. \"Gentlemen, the fate of this nation is in your hands,\" he said solemnly. \"Treat her gently.\"\n\nThen he walked over to where Natalia waited. \"I hope you can find some happiness in the future, m'lady.\"\n\nShe smiled at him sadly. \"And I hope that someday you find peace, Squire.\"\n\nTal kissed her lightly on the cheek and turned away. He came to stand before Nakor and Pug, and said, \"What are you doing with Kaspar?\"\n\n\"I'll explain later,\" said Pug.\n\nNakor said, \"I heard from the soldiers how you killed Varen. Very clever, throwing the ball at him.\" He grinned. \"Wish I had thought of that.\"\n\n\"Actually, that merely broke his concentration and cut off his wind. I killed him by breaking his neck.\" He looked at Pug. \"Was it worth it? Did you find whatever it was that you feared Varen was doing?\"\n\nPug looked unhappy. \"It wasn't the story we told the two kings. But it was something almost as bad.\" Lowering his voice, Pug said, \"Varen was trying to open a rift.\"\n\n\"Rift?\"\n\n\"A gate between two different places,\" said Nakor. \"I'll explain it in detail later, if you must know. But it's the sort of magic gateway the Tsurani used to invade\u2014\"\n\nTal said, \"I know what a rift is, Nakor. I read the books, remember? I'm just surprised that's what he was up to.\"\n\n\"As are we,\" said Pug. \"I know more about rifts than any man alive, or so I thought. This thing Varen made is unlike any rift I've encountered. He used black arts and the lives of innocents to construct his device, and it appears to have been recently engaged.\"\n\n\"You mean there's a rift here in the citadel?\"\n\n\"No, Tal,\" said Nakor. Then his voice became somber. \"But we fear there may be one forming out there somewhere.\"\n\n\"But where?\" asked Tal.\n\nPug said, \"Only Varen knew.\"\n\nTal sighed. \"I am glad I am not a magician. My problems seem simple compared to yours.\"\n\nPug said, \"We have resources. We'll keep people here studying Varen's work. We'll find out what he was doing.\" He smiled. \"You look done in. Go get something to eat, then go to bed.\"\n\n\"No,\" said Tal. \"I have one task left, and it cannot wait any longer.\" Without explaining, he turned and walked out of the throne room of Olasko.\n\nNakor said, \"He could have been Duke. Natalia would have married him.\"\n\nPug shook his head. \"No, he's looking for peace, not power.\"\n\n\"Do you think he'll find it?\"\n\nPug put his hand on his old friend's shoulder. \"When he chose to let Quint and Kaspar live, I think he started on his way to it.\" He smiled. \"Come. Tal may not be hungry, but I am.\"\n\nThey left the hall.\n\nThe pounding on the door was insistent, and the man whose business it was stood up fearfully. The city had been filled with rampaging Keshian soldiers until dawn, then civilian looters had followed. He had held his own with a large meat cleaver and the looters left him alone, as much because he had nothing worth stealing in his shop as because of his weapon.\n\nBut the voice that came from outside sounded as if it would not be easily scared away. \"Open up, or I'll kick this door down!\"\n\nThe man shouted, \"I've got a weapon!\"\n\n\"Then open the door, because if you make me kick the door in, I'll make you eat that weapon.\"\n\nClearly, the intruder wasn't going to leave. At last the knacker called Bowart opened the door. A soldier entered, his sword at his side. He took one look at the podgy man who stood holding the huge cleaver and said, \"Don't hurt yourself with that. I'm looking for a girl.\"\n\n\"We ain't go no girls here,\" said the proprietor. \"We're a gang of knackers. This ain't no brothel.\"\n\nTal pushed past the man. \"Where are your slaves?\"\n\nBowart pointed to the back door and Tal pushed it open. He walked across a large yard that reeked of dead animal flesh and old blood. There was a shack at the back. He moved to the door and stepped inside. A dozen beds lined the walls, and a single table sat in the center of the room.\n\nEyes wide from fear of marauders regarded him. A single candle burned on the table. Tal picked it up and went from bed to bed, searching the faces. At last he found the woman he sought.\n\nIn the language of his people he said, \"Eye of the Blue-Winged Teal, I am called Talon of the Silver Hawk. You knew me as the boy Kielianapuna.\"\n\nShe blinked as if confronted by a vision. Softly she said, \"Kieli?\"\n\nHe nodded, extending his hand. \"I have come to take you from this place if you will go with me.\"\n\nShe slowly rose and took his hand. \"Anywhere but here.\" She studied his face, and recognition came into her eyes. \"You are Kieli,\" she said softly, and behind the pain in her eyes he saw hope. Gripping his hand tightly, she said softly, \"I have a son.\" She inclined her head to the next bed, where a boy of perhaps four or five years slept. \"His father was a soldier, but I don't know which one, as many men had me after I was taken.\"\n\nTal gripped her hands and looked at the boy. He was fair-haired, like his mother, and beautiful in sleep. With emotion thick in his voice Tal said, \"I will be his father.\"\n\nShe squeezed his hand tightly. Softly he said, \"We can never be what we were, Teal. Our world has been taken from us, but we can be together and teach our son what we know of our ways. Our people will not be forgotten.\"\n\nShe nodded, her eyes gleaming with emotion as tears began to run down her cheeks.\n\nHe asked, \"Are there others besides you from our village or the other villages?\"\n\nShe said, \"I don't know. There were a few taken with me, but all of us were sold.\"\n\n\"We shall abide here a while, then,\" he said, \"and we shall look for them. And if we find them, then we shall give them a home.\"\n\nHe let go of her hand and gently picked up the sleeping boy. Cradling him, Tal said, \"I do not know what it is we will become, Teal\u2014Orosini or something else\u2014but we will discover that together.\" Holding the boy in his right arm, he extended his left. She took his hand, and he led her into the night, into an unknown future.\n\n## Epilogue\n\n## Retribution\n\nTwo men appeared.\n\nIt was just after dawn, when a moment before it had been just after nightfall. Kaspar felt disoriented for a moment, but Magnus pushed him away.\n\nKaspar stumbled and fell, then quickly got to his feet. \"What is this?\"\n\nMagnus said, \"You are on the other side of the world, Kaspar. This is the land known as Novindus. Here not one living soul has heard of Olasko, let alone of its duke. No one here even speaks your language.\n\n\"Here you have no servants, no army, no subjects, no allies; you have neither power nor wealth. You are at the mercy of others as others have been at your mercy for most of your life. Tal Hawkins wished you to dwell on your errors, to contemplate your sins and what you have lost. Here you may do that every day of your life, however much of it you have remaining.\"\n\nKaspar's jaw set firmly. \"This is not the end of it, magician. I will find a way back, and I will regain that which has been taken from me.\"\n\nMagnus said, \"I wish you good fortune, Kaspar of Olasko.\" He waved his hand, and the shackles and manacles fell away. \"I leave you with your wits, your strength, and your talents, for they are all you need, if you learn humility.\" He pointed off to the east, where a faint haze of dust could be seen on the horizon. \"Those are nomads, Kaspar. Men who will either kill you or enslave you, depending on their mood. I suggest you find a hiding place and consider this your first opportunity to learn.\"\n\nThe Magnus vanished, leaving the former Duke of Olasko alone on a dirt road, halfway around the world from home, with enemies advancing.\n\nKaspar looked around and saw a small copse of trees on a distant hill. If he started running immediately, he might be able to hide before the nomads caught sight of him.\n\nHe looked at the rising sun and felt a fresh breeze blowing. There was no familiar hint of sea salt, something he had grown to take for granted in Opardum, and the air was dry.\n\nHis skin prickled in anticipation, for he had been plucked from abject failure to a new beginning. His head swam with images, and he knew that somehow he had been used by forces he didn't understand. When Leso Varen had died, it was as if a nagging ache in the base of his skull had ceased. He didn't know what that meant, but he knew he felt oddly good. Despite being thrown in a cell in his own dungeon, he had slept well, and when he had been taken from there, he had expected to die.\n\nNow he was here, wherever here was, free to make his own way. He glanced around. Not much of a world to conquer from what he could see, but Kaspar expected there were better places somewhere around here. Either way, he couldn't start any sooner. He picked up his chains and hefted them, swinging them as a weapon as the riders came into view.\n\nHe grinned.\n\n## Acknowledgments\n\nIt has become a tradition that I begin each acknowledgment with a heartfelt \"thank you\" to the original creators of Midkemia, and this book is no different. So, again, I acknowledge my never-ending debt to Steve, Jon, Anita, Steve, Bob, Rich, Tim, Ethan, April, and Conan. As I explain at every opportunity, yours are the \"other voices\" that permeate my work.\n\nTo Jonathan Matson of the Harold Matson Company, Abner Stein of the Abner Stein agency, Nicki Kennedy of Intercontinental Literary Agency, and the folks at Tuttle-Mori Agency for taking care of the franchise around the world.\n\nTo Jennifer Brehl and Jane Johnson for being amazing: they know how to make a writer look better.\n\nTo Ralph Askren for the great maps.\n\nTo so many friends for keeping me upright and sane over the last few years.\n\nTo the members of the Feist Fans Mailing List at Cornell University who are not shy about telling me what they like and dislike but who have also become virtual friends, and a few who've become more than virtual. Thanks for keeping things interesting.\n\nTo Jennifer, Roseanna, Rebecca, Milisa, and Heather for keeping things lively.\n\nTo Jamie Ann for keeping things interesting and lively.\n\nTo my mother, for so many reasons, and my children, for even more reasons.\n\nAnd last, but certainly not least of all, you, the readers, for keeping me working at a craft I love.\n\n## About the Author\n\nRaymond E. Feist's novels include Magician; Silverthorn; Faerie Tale; Prince of the Blood; and The King's Buccaneer; as well as his New York Times-bestselling Serpentwar Saga: Shadow of a Dark Queen; Rise of a Merchant Prince; Rage of a Demon King; and Shards of a Broken Crown; and The Riftwar Legacy: Krondor: The Betrayal; Krondor: The Assassins; Krondor: Tear of the Gods. He is the creator of the immensely popular computer games \"Betrayal at Krondor\" and \"Return to Krondor.\" Mr. Feist lives in Southern California.\n\n## Also by Raymond E. Feist\n\nTALON OF THE SILVER HAWK\n\nMAGICIAN\n\nSILVERTHORN\n\nA DARKNESS AT SETHANON\n\nFAERIE TALE\n\nPRINCE OF THE BLOOD\n\nTHE KING'S BUCCANEER\n\nSHADOW OF A DARK QUEEN\n\nRISE OF A MERCHANT PRINCE\n\nRAGE OF A DEMON KING\n\nSHARDS OF A BROKEN CROWN\n\nKRONDOR: TEAR OF THE GODS\n\nKRONDOR: THE BETRAYAL\n\nKRONDOR: THE ASSASSINS\n\n### With Janny Wurts\n\nDAUGHTER OF EMPIRE\n\nSERVANT OF EMPIRE\n\nMISTRESS OF EMPIRE\nCredits\n\nJacket design by Richard L. Aquan\n\nJacket illustration by Paul Robinson\nThis book is a work of fiction. The characters, incidents, and dialogue are drawn from the author's imagination and are not to be construed as real. Any resemblance to actual events or persons, living or dead, is entirely coincidental.\n\nKING OF FOXES. Copyright \u00a9 2004 by Raymond E. Feist. All rights reserved under International and Pan-American Copyright Conventions. By payment of the required fees, you have been granted the non-exclusive, non-transferable right to access and read the text of this e-book on-screen. No part of this text may be reproduced, transmitted, down-loaded, decompiled, reverse engineered, or stored in or introduced into any information storage and retrieval system, in any form or by any means, whether electronic or mechanical, now known or hereinafter invented, without the express written permission of HarperCollins e-books.\n\nePub edition March 2004 ISBN 9780061746215\n\nFIRST EDITION\n\n10 9 8 7 6 5 4 3 2 1\n\n## About the Publisher\n\nAustralia\n\nHarperCollins Publishers (Australia) Pty. Ltd.\n\n25 Ryde Road (PO Box 321)\n\nPymble, NSW 2073, Australia\n\nhttp:\/\/www.harpercollinsebooks.com.au\n\nCanada\n\nHarperCollins Publishers Ltd.\n\n55 Avenue Road, Suite 2900\n\nToronto, ON, M5R, 3L2, Canada\n\nhttp:\/\/www.harpercollinsebooks.ca\n\nNew Zealand\n\nHarperCollins Publishers (New Zealand) Limited\n\nP.O. Box 1\n\nAuckland, New Zealand\n\nhttp:\/\/www.harpercollinsebooks.co.nz\n\nUnited Kingdom\n\nHarperCollins Publishers Ltd.\n\n77-85 Fulham Palace Road\n\nLondon, W6 8JB, UK\n\nhttp:\/\/www.harpercollinsebooks.co.uk\n\nUnited States\n\nHarperCollins Publishers Inc.\n\n10 East 53rd Street\n\nNew York, NY 10022\n\nhttp:\/\/www.harpercollinsebooks.com\n","meta":{"redpajama_set_name":"RedPajamaBook"}} +{"text":" \nALSO BY JEFFREY EUGENIDES\n\n_The Marriage Plot_\n\n_My Mistress's Sparrow Is Dead_ (editor)\n\n_Middlesex_\n\n_The Virgin Suicides_\n\nPUBLISHED BY ALFRED A. KNOPF CANADA\n\nCopyright \u00a9 2017 Jeffrey Eugenides\n\nPublished by arrangement with Farrar, Straus and Giroux, New York, USA\n\nAll rights reserved under International and Pan-American Copyright Conventions. No part of this book may be reproduced in any form or by any electronic or mechanical means, including information storage and retrieval systems, without permission in writing from the publisher, except by a reviewer, who may quote brief passages in a review. Published in 2017 by Alfred A. Knopf Canada, a division of Penguin Random House Canada Limited, and simultaneously in the United States of America by Farrar, Strauss and Giroux, a division of Macmillan, New York. Distributed in Canada by Penguin Random House Canada Limited, Toronto.\n\nwww.penguinrandomhouse.ca\n\nAlfred A. Knopf Canada and colophon are registered trademarks.\n\nLibrary and Archives Canada Cataloguing in Publication\n\nEugenides, Jeffrey, author\n\nFresh complaint \/ Jeffrey Eugenides.\n\nShort stories.\n\nISBN 9780307401892\n\neBook ISBN 9780307401915\n\nI. Title.\n\nPS3555.U34F74 2017 813'.54 C2017-900886-2\n\nCover design adapted from an original by Heike Schuessler\n\nv4.1\n\na\n_**In memory of my mother, Wanda Eugenides (1926\u20132017), and of my nephew, Brenner Eugenides (1985\u20132012)**_\n\n# Contents\n\n_Cover_\n\n_Also by Jeffrey Eugenides_\n\n_Title Page_\n\n_Copyright_\n\n_Dedication_\n\nComplainers\n\nAir Mail\n\nBaster\n\nEarly Music\n\nTimeshare\n\nFind the Bad Guy\n\nThe Oracular Vulva\n\nCapricious Gardens\n\nGreat Experiment\n\nFresh Complaint\n\n_Acknowledgments_\n\n# COMPLAINERS\n\nComing up the drive in the rental car, Cathy sees the sign and has to laugh. \"Wyndham Falls. Gracious Retirement Living.\"\n\nNot exactly how Della has described it.\n\nThe building comes into view next. The main entrance looks nice enough. It's big and glassy, with white benches outside and an air of medical orderliness. But the garden apartments set back on the property are small and shabby. Tiny porches, like animal pens. The sense, outside the curtained windows and weather-beaten doors, of lonely lives within.\n\nWhen she gets out of the car, the air feels ten degrees warmer than it did outside the airport that morning, in Detroit. The January sky is a nearly cloudless blue. No sign of the blizzard Clark's been warning her about, trying to persuade her to stay home and take care of him. \"Why don't you go next week?\" he said. \"She'll keep.\"\n\nCathy's halfway to the front entrance when she remembers Della's present and doubles back to the car to get it. Taking it out of her suitcase, she's pleased once again by her gift-wrapping job. The paper is a thick, pulpy, unbleached kind that counterfeits birch bark. (She had to go to three different stationery stores to find something she liked.) Instead of sticking on a gaudy bow Cathy clipped sprigs from her Christmas tree\u2014which they were about to put at the curb\u2014and fashioned a garland. Now the present looks handmade and organic, like an offering in a Native American ceremony, something given not to a person but to the earth.\n\nWhat's inside is completely unoriginal. It's what Cathy always gives Della: a book.\n\nBut it's more than that this time. A kind of medicine.\n\n\u2014\n\nEver since moving down to Connecticut Della has complained that she can't read anymore. \"I just don't seem to be able to stick with a book lately,\" is how she puts it on the phone. She doesn't say why. They both know why.\n\nOne afternoon last August, during Cathy's yearly visit to Contoocook, where Della was still living at the time, Della mentioned that her doctor had been sending her for tests. It was just after five, the sun falling behind the pine trees. To get away from the paint fumes they were having their margaritas on the screened-in porch.\n\n\"What kind of tests?\"\n\n\"All kinds of stupid tests,\" Della said, making a face. \"For instance, this therapist she's been sending me to\u2014she _calls_ herself a therapist but she doesn't look more than twenty-five\u2014she'll make me draw hands on clocks. Like I'm back in kindergarten. Or she'll show me a bunch of pictures and tell me to remember them. But then she'll start talking about other things, see. Trying to distract me. Then later on she'll ask what was in the pictures.\"\n\nCathy looked at Della's face in the shadowy light. At eighty-eight Della is still a lively, pretty woman, her white hair cut in a simple style that reminds Cathy of a powdered wig. She talks to herself sometimes, or stares into space, but no more than anyone who spends so much time alone.\n\n\"How did you do?\"\n\n\"Not too swell.\"\n\nThe day before, driving back from the hardware store, in nearby Concord, Della had fretted about the shade of paint they chose. Was it bright enough? Maybe they should take it back. It didn't look as cheerful as it had on the paint sample in the store. Oh, what a waste of money! Finally, Cathy said, \"Della, you're getting anxious again.\"\n\nThat was all it took. Della's expression eased as if sprinkled with fairy dust. \"I know I am,\" she said. \"You have to tell me when I get like that.\"\n\nOn the porch, Cathy sipped her drink and said, \"I wouldn't worry about it, Della. Tests like that would make anybody nervous.\"\n\nA few days later Cathy went back to Detroit. She didn't hear any more about the tests. Then, in September, Della called to say that Dr. Sutton had arranged a house call and had asked Bennett, Della's oldest son, to be in attendance. \"If she wants Bennett to drive on up here,\" Della said, \"it's probably bad news.\"\n\nThe day of the meeting\u2014a Monday\u2014Cathy waited for Della to call. When she finally did, her voice sounded excited, almost giddy. Cathy assumed the doctor had granted her a clean bill of health. But Della didn't mention the test results. Instead, in a mood of almost delirious happiness, she said, \"Dr. Sutton couldn't get over how cute we've got my house looking! I told her what a wreck it was when I moved in, and how you and I have a project every time you visit, and she couldn't believe it. She thought it was just darling!\"\n\nMaybe Della couldn't face the news, or had already forgotten it. Either way, Cathy felt afraid for her.\n\nIt was left for Bennett to get on and tell her the medical details. These he delivered in a dry, matter-of-fact tone. Bennett works for an insurance company, in Hartford, calculating the probabilities of illness and death on a daily basis, and this was maybe the reason. \"The doctor says my mom can't drive anymore. Or use the stove. She's going to put her on some medicine, supposed to stabilize her. For a while. But, basically, the upshot is she can't live on her own.\"\n\n\"I was just out there last month and your mom seemed fine,\" Cathy said. \"She just gets anxious, that's all.\"\n\nThere was a pause before Bennett said, \"Yeah, well. Anxiety's part of the whole deal.\"\n\n\u2014\n\nWhat could Cathy do from her position? She was not only out in the Midwest but a kind of oddity or interloper in Della's life. Cathy and Della have known each other for forty years. They met when they both worked at the College of Nursing. Cathy was thirty at the time, recently divorced. She'd moved back in with her parents so that her mother could look after Mike and John while she was at work. Della was in her fifties, a suburban mother who lived in a fancy house near the lake. She'd gone back to work not because she was desperate for money\u2014like Cathy\u2014but because she had nothing to do. Her two oldest boys had already left home. The youngest, Robbie, was in high school.\n\nNormally they wouldn't have come in contact at the college. Cathy worked downstairs, in the bursar's office, while Della was the executive secretary to the dean. But one day in the cafeteria Cathy overheard Della talking about Weight Watchers, raving about how easy the program was to stick to, how you didn't have to starve.\n\nCathy had just begun to date again. Another way of putting it was she was sleeping around. In the wake of her divorce she'd been seized by a desperation to make up for lost time. She was as reckless as a teenager, doing it with men she barely knew, in the backseats of cars, or on the floors of carpeted vans, while parked on city streets outside houses where good Christian families lay peacefully sleeping. In addition to the sporadic pleasures she took from these men, Cathy was seeking some kind of self-correction, as if the men's butting and thrusting might knock some sense into her, enough to keep her from marrying anyone like her ex-husband ever again.\n\nComing home after midnight from one of these encounters, Cathy took a shower. After getting out, she stood before the bathroom mirror, appraising herself with the same objective eye she later brought to renovating houses. What could be fixed? What camouflaged? What did you have to live with and ignore?\n\nShe started going to Weight Watchers. Della drove her to the meetings. Small and pert, with frosted hair, large glasses with translucent pinkish frames, and a shiny rayon blouse, Della sat on a pillow to see over the wheel of her Cadillac. She wore corny pins in the shape of bumblebees or dachshunds, and drenched herself in perfume. It was some departmentstore brand, floral and cloying, engineered to mask a woman's natural smell rather than accentuate it like the body oils Cathy dabbed on her pressure points. She pictured Della spritzing perfume from an atomizer and then prancing around in the mist.\n\nAfter they'd both lost a few pounds, they splurged, once a week, on drinks and dinner. Della brought her calorie counter in her purse to make sure they didn't go too wild. That was how they discovered margaritas. \"Hey, you know what's lo-cal?\" Della said. \"Tequila. Only eighty-five calories an ounce.\" They tried not to think about the sugar in the mix.\n\nDella was only five years younger than Cathy's mom. They shared many opinions about sex and marriage, but it was easier to listen to these outdated edicts coming from the mouth of someone who didn't presume ownership over your body. Also, the ways Della differed from Cathy's mother made it clear that her mom wasn't the moral arbiter she'd always been in Cathy's head, but just a personality.\n\nIt turned out that Cathy and Della had a lot in common. They both liked crafts: decoupage, basket weaving, antiquing\u2014whatever. And they loved to read. They lent library books to each other and after a while took out the same books so they could read and discuss them simultaneously. They didn't consider themselves intellectuals but they knew good writing from bad. Most of all, they liked a good story. They remembered the plots of books more often than their titles or authors.\n\nCathy avoided going to Della's house, in Grosse Pointe. She didn't want to subject herself to the shag carpeting or pastel drapes, or run into Della's Republican husband. She never invited Della over to her parents' house, either. It was better if they met on neutral ground, where no one could remind them of their incongruity.\n\nOne night, two years after they met, Cathy took Della to a party some women friends were having. One of them had attended a talk by Krishnamurti, and everyone sat on the floor, on throw pillows, listening to her report. A joint started going around.\n\nUh-oh, Cathy thought, when it reached Della. But to her surprise Della inhaled, and passed the joint on.\n\n\"Well, if that doesn't beat all,\" Della said, afterward. \"Now you got me smoking pot.\"\n\n\"Sorry,\" Cathy said, laughing. \"But\u2014did you get a buzz?\"\n\n\"No, I did not. And I'm glad I didn't. If Dick knew I was smoking marijuana, he'd hit the roof.\"\n\nShe was smiling, though. Happy to have a secret.\n\nThey had others. A few years after Cathy married Clark, she got fed up and moved out. Checked into a motel, on Eight Mile. \"If Clark calls, don't tell him where I am,\" she told Della. And Della didn't. She just brought Cathy food every night for a week and listened to her rail until she got it out of her system. Enough, at least, to reconcile.\n\n\u2014\n\n\"A present? For me?\"\n\nDella, still full of girlish excitement, gazes wide-eyed at the package Cathy holds out to her. She is sitting in a blue armchair by the window, the only chair, in fact, in the small, cluttered studio apartment. Cathy is perched awkwardly on the nearby daybed. The room is dim because the venetian blinds are down.\n\n\"It's a surprise,\" Cathy says, forcing a smile.\n\nShe'd been under the impression, from Bennett, that Wyndham Falls was an assisted-living facility. The website makes mention of \"emergency services\" and \"visiting angels.\" But from the brochure Cathy picked up in the lobby, on her way in, she sees that Wyndham advertises itself as a \"55+ retirement community.\" In addition to the many elderly tenants who negotiate the corridors behind aluminum walkers, there are younger war veterans, with beards, vests, and caps, scooting around in electric wheelchairs. There's no nursing staff. It's cheaper than assisted living and the benefits are minimal: prepared meals in the dining room, linen service once a week. That's it.\n\nAs for Della, she appears unchanged from the last time Cathy saw her, in August. In preparation for the visit she has put on a clean denim jumper and a yellow top, and applied lipstick and makeup in the right places and amounts. The only difference is that Della uses a walker herself now. A week after she moved in, she slipped and hit her head on the pavement outside the entrance. Knocked out cold. When she came to, a big, handsome paramedic with blue eyes was staring down at her. Della gazed up at him and asked, \"Did I die and go to heaven?\"\n\nAt the hospital, they gave Della an MRI to check for bleeding in the brain. Then a young doctor came in to examine her for other injuries. \"So there I am,\" Della told Cathy over the phone. \"Eighty-eight years old and this young doctor is checking over every inch of me. And I mean every inch. I told him, 'I don't know how much they're paying you, but it isn't enough.' \"\n\nThese displays of humor confirm what Cathy has felt all along, that a lot of Della's mental confusion is emotional in origin. Doctors love to hand out diagnoses and pills without paying attention to the human person right in front of them.\n\nAs for Della, she has never named her diagnosis. Instead she calls it \"my malady,\" or \"this thing I've got.\" One time she said, \"I can never remember the name for what it is I have. It's that thing you get when you're old. That thing you most don't want to have. That's what I've got.\"\n\nAnother time she said, \"It's not Alzheimer's but the next one down.\"\n\nCathy isn't surprised that Della represses the terminology. _Dementia_ isn't a nice word. It sounds violent, invasive, like having a demon scooping out pieces of your brain, which, in fact, is just what it is.\n\nNow she looks at Della's walker in the corner, a hideous magenta contraption with a black leatherette seat. Boxes protrude from under the daybed. There are dishes piled in the sink of the tiny efficiency kitchen. Nothing drastic. But Della has always kept the tidiest of houses, and the disarray is troubling.\n\nCathy's glad she brought the present.\n\n\"Aren't you going to open it?\" she asks.\n\nDella looks down at the gift as though it has just materialized in her hands. \"Oh, right.\" She turns the package over. Examines its underside. Her smile is uncertain. It's as though she knows that smiling is required at this moment but isn't sure why.\n\n\"Look at this gift-wrapping!\" she says, finally. \"It's just precious. I'm going to be careful not to tear it. Maybe I can reuse it.\"\n\n\"You can tear it. I don't mind.\"\n\n\"No, no,\" Della insists. \"I want to save this nice paper.\"\n\nHer old spotted hands work at the wrapping paper until it comes unstuck. The book falls into her lap.\n\nNo recognition.\n\nThat doesn't mean anything, necessarily. The publishers have put out a new edition. The original cover, with the illustration of the two women sitting cross-legged in a wigwam, has been replaced by a color photograph of snowcapped mountains, and jazzier type.\n\nA second later, Della exclaims, \"Oh, hey! Our favorite!\"\n\n\"Not only that,\" Cathy says, pointing at the cover. \"Look. 'Twentieth-Anniversary Edition! Two Million Sold!' Can you believe it?\"\n\n\"Well, we always knew it was a good book.\"\n\n\"We sure did. People should listen to us.\" In a softer voice Cathy says, \"I thought it might get you back to reading, Della. Since you know it so well.\"\n\n\"Hey, right. Sort of prime the pump. The last book you sent me, that _Room_? I've been reading that for two months now and haven't gotten further than twenty pages.\"\n\n\"That book's a little intense.\"\n\n\"It's all about someone stuck in a room! Hits a little close to home.\"\n\nCathy laughs. But Della isn't entirely joking and this gives Cathy an opportunity. Sliding off the daybed, she gesticulates at the walls, groaning, \"Couldn't Bennett and Robbie get you a better place than this?\"\n\n\"They probably could,\" Della says. \"But they _say_ they can't. Robbie's got alimony and child support. And as far as Bennett goes, that Joanne probably doesn't want him spending any money on me. She never liked me.\"\n\nCathy sticks her head in the bathroom. It's not as bad as she expects, nothing dirty or embarrassing. But the rubberized shower curtain looks like something in an asylum. That's something they can fix right away.\n\n\"I've got an idea.\" Cathy turns back to Della. \"Did you bring your family photos?\"\n\n\"I sure did. I told Bennett I wasn't going anywhere without my photo albums. As it is, he made me leave all my good furniture behind, so the house will sell. But do you know what? So far not a single person has even come through.\"\n\nIf Cathy is listening, she doesn't show it. She goes to the window and yanks up the blinds. \"We can start by brightening things up a little in here. Get some pictures on the walls. Make this place look like somewhere you live.\"\n\n\"That would be good. If this place wasn't so pitiful-looking, I think I might feel better about being here. It's almost like being\u2014incarcerated.\" Della shakes her head. \"Some of the people in this place are sort of on the edge, too.\"\n\n\"They're edgy, huh?\"\n\n\" _Real_ edgy,\" Della says, laughing. \"You have to be careful who you sit next to at lunch.\"\n\n\u2014\n\nAfter Cathy leaves, Della watches the parking lot from her chair. Clouds are massing in the distance. Cathy said the storm won't get here until Monday, after she's gone, but Della, feeling apprehensive, reaches for the remote.\n\nShe points it at the TV and presses the button. Nothing happens. \"This new TV Bennett got me isn't worth a toot,\" she says, as though Cathy, or someone, is still there to listen. \"You have to turn on the TV and then this other box underneath. But even when I manage to get the darn TV on, I can never find any of my good shows.\"\n\nShe has put down the remote just as Cathy emerges from the building, on the way to her car. Della follows her progress with perplexed fascination. Part of why she discouraged Cathy from coming out now wasn't about the weather. It's that Della isn't sure she's up to this visit. Since her fall and the hospital stay, she hasn't felt too good. Sort of punky. Going around with Cathy, getting caught up in a whirlwind of activity, might be more than she can handle.\n\nOn the other hand, it would be nice to brighten up her apartment. Looking at the drab walls, Della tries to imagine them teeming with beloved, meaningful faces.\n\nAnd then a period ensues where nothing seems to happen, nothing in the present, anyway. These interludes descend on Della more and more often lately. She'll be looking for her address book, or making herself coffee, when suddenly she'll be yanked back into the presence of people and objects she hasn't thought about for years. These memories unsettle her not because they bring up unpleasant things (though they often do) but because their vividness so surpasses her day-to-day life that they make it feel as faded as an old blouse put through the wash too many times. One memory that keeps coming back lately is of that coal bin she had to sleep in as a child. This was after they moved up to Detroit from Paducah, and after her father ran off. Della, her mom, and her brother were living in a boardinghouse. Her mom and Glenn got regular rooms, in the upstairs, but Della had to sleep in the basement. You couldn't even get to her room from inside the house. You had to go out to the backyard and lift doors that led down to the cellar. The landlady had whitewashed the room and put in a bed and some pillows made from flour sacks. But that didn't fool Della. The door was made of metal, and there weren't any windows. It was black as pitch down there. Oh, did I ever hate going down into that coal bin every night! It was like walking right down into a crypt!\n\nBut I never complained. Just did what I was told.\n\nDella's little house, in Contoocook, was the only place that was ever hers alone. Of course, at her age, it was getting to be a headache. Making it up her hill in the winter, or finding someone to shovel the snow off her roof so it didn't cave in and bury her alive. Maybe Dr. Sutton, Bennett, and Robbie are right. Maybe she's better off in this place.\n\nWhen she looks out the window again Cathy's car is nowhere to be seen. So Della picks up the book Cathy brought her. The blue mountains on the cover still baffle her. But the title's the same: _Two Old Women: An Alaska Legend of Betrayal, Courage and Survival_. She opens the book and flips through it, stopping every so often to admire the drawings.\n\nThen she goes back to page one. Focuses her eyes on the words and tracks them across the page. One sentence. Two. Then a whole paragraph. Since her last reading, she's forgotten enough of the book that the story seems new again, yet familiar. Welcoming. But it's mostly the act itself that brings relief, the self-forgetfulness, the diving and plunging into other lives.\n\n\u2014\n\nLike so many books Della has read over the years, _Two Old Women_ came recommended by Cathy. After she left the College of Nursing, Cathy went to work at a bookstore. She was remarried by then and had moved with Clark into an old farmhouse that she spent the next ten years fixing up.\n\nDella memorized Cathy's schedule and stopped in during her shifts, especially on Thursday evenings when customers were few and Cathy had time to talk.\n\nThat was the reason Della chose a Thursday to tell Cathy her news.\n\n\"Go on, I'm listening,\" Cathy said. She was pushing a cart of books around the store, restocking, while Della sat in an armchair in the poetry section. Cathy had offered to make tea but Della said, \"I'd just as soon have a beer.\" Cathy had found one in the office refrigerator, left over from a book signing. It was after seven on an April night and the store was empty.\n\nDella started telling Cathy how strangely her husband had been acting. She said she didn't know what had got into him. \"For instance, a few weeks ago, Dick gets out of bed in the middle of the night. Next thing I know, I heard his car backing down the drive. I thought to myself, 'Well, maybe this is it. Maybe he's had enough and that's the last I'll see of him.' \"\n\n\"But he came back,\" Cathy said, placing a book on a shelf.\n\n\"Yeah. About an hour later. I came downstairs and there he was. He was down on his knees, on the carpet, and he's got all these road maps spread out all over.\"\n\nWhen Della asked her husband what on earth he was doing, Dick said that he was scouting for investment opportunities in Florida. Beachfront properties in undervalued areas that were reachable by direct flights from major cities. \"I told him, 'We've got enough money already. You can just retire and we'll be fine. Why do you want to go and take a risk like that now?' And do you know what he said to me? He said, ' _Retirement_ isn't in my vocabulary.' \"\n\nCathy disappeared into the self-help section. Della was too engrossed in telling her story to get up and follow. She hung her head dejectedly, staring at the floor. Her tone was full of wonder and outrage at the ideas men latched on to, especially as they got older. They were like fits of insanity, except that the husbands experienced these derangements as bolts of insight. \"I just had an idea!\" Dick was always saying. They could be doing anything, having dinner, going to a movie, when inspiration struck and he stopped dead in his tracks to announce, \"Hey, I just had a thought.\" Then he stood motionless, a finger to his chin, calculating, scheming.\n\nHis latest idea involved a resort near the Everglades. In the Polaroid he showed Della, the resort appeared as a charming but dilapidated hunting lodge surrounded by live oaks. What was different this time was that Dick had already acted on his idea. Without telling Della, he'd taken a mortgage on the place and used a chunk of their retirement savings as a down payment.\n\n\"We are now the proud owners of our own resort in the Florida Everglades!\" he announced.\n\nAs much as it pained Della to tell Cathy this, it gave her pleasure as well. She held her beer bottle in both hands. The bookstore was quiet, the sky dark outside, the surrounding shops all closed for the night. It felt like they owned the place.\n\n\"So now we're stuck with this doggone old resort,\" Della said. \"Dick wants to convert it into condos. To do that, he says he has to move down to Florida. And as usual he wants to drag me with him.\"\n\nCathy re-emerged with the cart. Della expected to find a look of sympathy on her face but instead Cathy's mouth was tight.\n\n\"So you're moving?\" she said coldly.\n\n\"I have to. He's making me.\"\n\n\"Nobody's making you.\"\n\nThis was spoken in Cathy's recently acquired know-it-all tone. As if she'd read the entire self-help section and could now dispense psychological insight and marital advice.\n\n\"What do you mean, no one's making me? Dick is.\"\n\n\"What about your job?\"\n\n\"I'll have to quit. I don't want to, I like working. But\u2014\"\n\n\"But you'll give in as usual.\"\n\nThis remark seemed not just unkind but unjust. What did Cathy expect Della to do? Divorce her husband after forty years of marriage? Get her own apartment and start dating strange men, the way Cathy was doing when they first met?\n\n\"You want to quit your job and go off to Florida, fine,\" Cathy said. \"But I _have_ a job. And if you don't mind, I've got some things to do before closing up.\"\n\n\u2014\n\nThey had never had a fight before. In the following weeks, every time Della considered calling Cathy she found that she was too angry to do so. Who was Cathy to tell her how to run her marriage? She and Clark were at each other's throats half the time.\n\nA month later, just as Della was packing up the last boxes for the movers, Cathy appeared at her house.\n\n\"Are you mad at me?\" Cathy said when Della opened the door.\n\n\"Well, you _do_ sometimes think you know everything.\"\n\nThat was maybe too mean, because Cathy burst out crying. She hunched forward and wailed in a pitiful voice, \"I'm going to miss you, Della!\"\n\nTears were streaming down her face. She opened her arms as if for a hug. Della didn't approve of the first of these responses and she was hesitant about the second. \"Now quit that,\" she said. \"You're liable to start me crying, too.\"\n\nCathy's blubbering only got worse.\n\nAlarmed, Della said, \"We can still talk on the phone, Cathy. And write letters. And visit. You can come stay in our 'resort.' It's probably full of snakes and alligators but you're welcome.\"\n\nCathy didn't laugh. Through her tears, she said, \"Dick won't want me to visit. He hates me.\"\n\n\"He doesn't hate you.\"\n\n\"Well, I hate him! He treats you like crap, Della. I'm sorry but that's the truth. And now he's making you quit your job and go down to Florida? To do what?\"\n\n\"That's enough of that,\" Della said.\n\n\"OK! OK! I'm just so _frustrated_!\"\n\nNevertheless, Cathy was calming down. After a moment, she said, \"I brought you something.\" She opened her purse. \"This came into the store the other day. From a little publisher out in Alaska. We didn't order it but I started reading it and I couldn't put it down. I don't want to give the story away, but, well\u2014it just seems really appropriate! You'll see when you read it.\" She was looking into Della's eyes. \"Sometimes books come into your life for a reason, Della. It's really strange.\"\n\nDella never knew what to do when Cathy got mystical on her. She sometimes claimed the moon affected her moods, and she invested coincidences with special meanings. On that day, Della thanked Cathy for the book and managed not to cry when they finally did hug goodbye.\n\nThe book had a drawing on the cover. Two Indians sitting in a tepee. Cathy was into all that kind of stuff, too, lately, stories about Native Americans or slave uprisings in Haiti, stories with ghosts or magical occurrences. Della liked some better than others.\n\nShe packed the book in a box of odds and ends that hadn't been taped shut yet.\n\nAnd then what happened to it? She shipped the box down to Florida with all the others. It turned out there wasn't room for all their belongings in their one-bedroom at the hunting lodge, so they had to put them in storage. The resort went bust a year later. Soon Dick made Della move to Miami, and then to Daytona, and finally up to Hilton Head as he tried to make a go of other ventures. Only after he died, while Della was going through the bankruptcy, was she forced to open up the storage facility and sell off their furniture. Going through the boxes she'd shipped to Florida almost a decade before, she cut open the box of odds and ends and _Two Old Women_ fell out.\n\n\u2014\n\nThe book is a retelling of an old Athabascan legend, which the author, Velma Wallis, heard growing up as a child. A legend handed down \"from mothers to daughters\" that told the story of the two old women of the title, Ch'idzigyaak and Sa', who are left behind by their tribe during a time of famine.\n\nLeft behind to die, in other words. As was the custom.\n\nExcept the two old women don't die. Out in the woods, they get to talking. Didn't they used to know how to hunt and fish and forage for food? Couldn't they do that again? And so that's what they do, they relearn everything they knew as younger people, they hunt for prey and they go ice-fishing, and at one point they hide out from cannibals who pass through the territory. All kinds of stuff.\n\nOne drawing in the book showed the two women trekking across the Alaskan tundra. In hooded parkas and sealskin boots, they drag sleds behind them, the woman in front slightly less stooped than the other. The caption read: _Our tribes have gone in search of food, in the land our grandfathers told us about, far over the mountains. But we have been judged unfit to follow them, because we walk with sticks, and are slow._\n\nCertain passages stood out, like one with Ch'idzigyaak speaking:\n\n_\"I know that you are sure of our survival. You are younger.\" She could not help but smile bitterly at her remark, for just yesterday they both had been judged too old to live with the young._\n\n\"It's just like the two of us,\" Della said, when she finally read the book and called Cathy. \"One's younger than the other, but they're both in the same fix.\"\n\nIt started out as a joke. It was amusing to compare their own situations, in suburban Detroit and rural New Hampshire, with the existential plight of the old Inuit women. But the correspondences felt real, too. Della moved to Contoocook to be closer to Robbie but, two years later, Robbie moved to New York, leaving her stranded in the woods. Cathy's bookstore closed. She started a pie-baking business out of her home. Clark retired and spent all day in front of the TV, entranced by pretty weather ladies on the news. Buxom, in snug, brightly colored dresses, they undulated before the weather maps, as though mimicking the storm fronts. All four of Cathy's sons had left Detroit. They lived far away, on the other side of the mountains.\n\nThere was one illustration in the book that Della and Cathy particularly liked. It showed Ch'idzigyaak in the act of throwing a hatchet, while Sa' looked on. The caption read, _Perhaps if we see a squirrel, we can kill it with our hatchets, as we did when we were young._\n\nThat became their motto. Whenever one of them was feeling downhearted, or needed to deal with a problem, the other would call and say, \"It's hatchet time.\"\n\nTake charge, they meant. Don't mope.\n\nThat was another quality they shared with the Inuit women. The tribe didn't leave Ch'idzigyaak and Sa' behind only because they were old. It was also because they were complainers. Always moaning about their aches and pains.\n\nHusbands were often of the opinion that wives complained too much. But that was a complaint in itself. A way men had of shutting women up. Still, Della and Cathy knew that some of their unhappiness was their own fault. They let things fester, got into black moods, sulked. Even if their husbands asked what was wrong, they wouldn't say. Their victimization felt too pleasurable. Relief would require no longer being themselves.\n\nWhat was it about complaining that felt so good? You and your fellow sufferer emerging from a thorough session as if from a spa bath, refreshed and tingling?\n\nOver the years Della and Cathy have forgotten about _Two Old Women_ for long stretches. Then one of them will reread it, regain her enthusiasm, and get the other to reread it, too. The book isn't in the same category as the detective stories and mysteries they consume. It's closer to a manual for living. The book _inspires_ them. They won't stand to hear it maligned by their snobby sons. But now there's no need to defend it. Two million copies sold! Anniversary editions! Proof enough of their sound judgment.\n\n\u2014\n\nWhen Cathy arrives at Wyndham Falls the next morning, she can feel snow in the air. The temperature has dropped and there's that stillness, no wind, all the birds in hiding.\n\nShe used to love such ominous quiet, as a girl, in Michigan. It promised school cancellations, time at home with her mother, the building of snow forts on the lawn. Even now, at seventy, big storms excite her. But her expectation now has a dark wish at its center, a desire for self-annihilation, almost, or cleansing. Sometimes, thinking about climate change, the world ending in cataclysms, Cathy says to herself, \"Oh, just get it over with. We deserve it. Wipe the slate clean and start over.\"\n\nDella is dressed and ready to go. Cathy tells her she looks nice but can't refrain from adding, \"You have to tell the hairdresser not to use cr\u00e8me rinse, Della. Your hair's too fine. Cr\u00e8me rinse flattens it down.\"\n\n\" _You_ try telling that lady anything,\" Della says, as she pushes her walker down the hall. \"She doesn't listen.\"\n\n\"Then get Bennett to take you to a salon.\"\n\n\"Oh, sure. Fat chance.\"\n\nAs they come outside, Cathy makes a note to e-mail Bennett. He might not understand how a little thing like that\u2014getting her hair done\u2014can lift a woman's spirits.\n\nIt's slow going with Della's walker. She has to navigate along the sidewalk and down the curb to the parking lot. At the car, Cathy helps her into the passenger seat and then takes the walker around to put it in the trunk. It takes a while to figure out how to collapse it and flip up the seat.\n\nA minute later, they're on their way. Della leans forward in her seat, alertly scanning the road and giving Cathy directions.\n\n\"You know your way around already,\" Cathy says approvingly.\n\n\"Yeah,\" Della says. \"Maybe those pills are working.\"\n\nCathy would prefer to get the frames somewhere nice, a Pottery Barn or Crate & Barrel, but Della directs her to a Goodwill in a nearby strip mall. In the parking lot, Cathy performs the same operation in reverse, unfolding the walker and bringing it around so that Della can hoist herself to her feet. Once she gets going, she moves at a good clip.\n\nBy the time they get inside the store, it's like old times. They move through the shiny-floored, fluorescently lit space as eagle-eyed as if on a scavenger hunt. Seeing a section of glassware, Della says, \"Hey, I need some good new drinking glasses,\" and they divert their operation.\n\nThe picture frames are way in the back of the store. Halfway there, the linoleum gives way to bare concrete. \"I have to be careful about the floor in here,\" Della says. \"It's sort of lippity.\"\n\nCathy takes her arm. When they reach the aisle, she says, \"Just stay here, Della. Let me look.\"\n\nAs usual with secondhand merchandise, the problem is finding a matching set.\n\nNothing's organized. Cathy flips through frame after frame, all of different sizes and styles. After a minute, she finds a set of matching simple black wooden frames. She's pulling them out when she hears a sound behind her. Not a cry, exactly. Just an intake of breath. She turns to see Della with a look of surprise on her face. She has reached out to take a look at something\u2014Cathy doesn't know what\u2014and let her hand slip off the handle of her walker.\n\nOnce, years ago, when Della and Dick had the sailboat, Della almost drowned. The boat was moored at the time and Della slipped trying to climb aboard, sinking down into the murky green water of the marina. \"I never learned to swim, you know,\" she told Cathy. \"But I wasn't scared. It was sort of peaceful down there. Somehow I managed to claw my way to the surface. Dick was hollering for the dock boy and finally he came and grabbed hold of me.\"\n\nDella's face looks the way Cathy imagined it then, under the water. Mildly astonished. Serene. As though forces beyond her control have taken charge and there's no sense resisting.\n\nThis time, wonderment fails to save her. Della falls sideways, into the shelving. The metal edge shaves the skin off her arm with a rasping sound like a meat slicer. Della's temple strikes the shelf next. Cathy shouts. Glass shatters.\n\n\u2014\n\nThey keep Della at the hospital overnight. Perform an MRI to check for bleeding in the brain, X-ray her hip, apply a damp chamois bandage over her abraded arm, which will have to stay on for a week before they remove it to see if the skin will heal or not. At her age, it's fifty-fifty.\n\nAll this is related to them by a Dr. Mehta, a young woman of such absurd glamour that she might play a doctor in a medical drama on TV. Two strands of pearls twine around her fluted throat. Her gray knit dress falls loosely over a curvaceous figure. Her only defect is her spindly calves, but she camouflages these with a pair of daring diamond-patterned stockings, and gray high heels that match her dress exactly. Dr. Mehta represents something Cathy isn't quite prepared for, a younger generation of women surpassing her own not only in professional achievement but in the formerly retrograde department of self-beautification. Dr. Mehta has an engagement ring, too, with a sizeable diamond. Marrying some other doctor, probably, combining fat salaries.\n\n\"What if the skin doesn't heal?\" Cathy asks.\n\n\"Then she'll have to keep the bandage on.\"\n\n\"Forever?\"\n\n\"Let's just wait and see how it looks in a week,\" Dr. Mehta says.\n\nAll this has taken hours. It's seven in the evening. Aside from the arm bandage, Della has the beginning of a black eye.\n\nAt eight thirty, the decision is made to keep Della overnight for observation.\n\n\"You mean I can't go home?\" Della asks Dr. Mehta. She sounds forlorn.\n\n\"Not yet. We need to keep an eye on you.\"\n\nCathy elects to stay in the room with Della through the night. The lime-green couch converts into a bed. The nurse promises to bring her a sheet and blanket.\n\n\u2014\n\nCathy is in the cafeteria, soothing herself with chocolate pudding, when Della's sons appear.\n\nYears ago, her son Mike got Cathy to watch a sci-fi movie about assassins who return to Earth from the future. It was the usual mayhem and preposterousness, but Mike, who was in college at the time, claimed that the movie's acrobatic fight scenes were infused with profound philosophical meaning. _Cartesian_ was the word he used.\n\nCathy didn't get it. Nevertheless, it's of that movie she thinks, now, as Bennett and Robbie enter the room. Their pale, unsmiling faces and dark suits make them look inconspicuous and ominous at once, like agents of a universal conspiracy.\n\nTargeting her.\n\n\"It was all my fault,\" Cathy says as they reach her table. \"I wasn't watching her.\"\n\n\"Don't blame yourself,\" Bennett says.\n\nThis seems a mark of kindness, until he adds, \"She's old. She falls. It's just part of the whole deal.\"\n\n\"It's a result of the ataxia,\" Robbie says.\n\nCathy isn't interested in what _ataxia_ means. Another diagnosis. \"She was doing fine right up until she fell,\" she says. \"We were having a good time. Then I turned my back for a second and\u2014wham.\"\n\n\"That's all it takes,\" Bennett said. \"It's impossible to prevent it.\"\n\n\"The medicine she's taking, the Aricept?\" Robbie says. \"It's not much more than a palliative treatment. The benefits, if any, taper off after a year or two.\"\n\n\"Your mom's eighty-eight. Two years might be enough.\"\n\nThe implication of this hangs in the air until Bennett says, \"Except she keeps falling. And ending up in the hospital.\"\n\n\"We're going to have to move her,\" Robbie says in a slightly louder, strained tone. \"Wyndham's not safe for her. She needs more supervision.\"\n\nRobbie and Bennett are not Cathy's children. They're older, and not as attractive. She feels no connection to them, no maternal warmth or love. And yet they remind her of her sons in ways she'd rather not think about.\n\nNeither of them has offered to have Della come live with him. Robbie travels too much, he says. Bennett's house has too many stairs. But it isn't their selfishness that bothers Cathy the most. It's how they stand before her now, infused\u2014bloated\u2014with rationality. They want to get this problem solved quickly and decisively, with minimum effort. By taking emotion out of the equation they've convinced themselves that they're acting prudently, even though their wish to settle the situation arises from nothing _but_ emotions\u2014fear, mainly, but also guilt, and irritation.\n\nAnd who is Cathy to them? Their mom's old friend. The one who worked in the bookstore. The one who got her stoned.\n\nCathy turns away to look across the cafeteria, filling up now with medical staff coming in on their dinner break. She feels tired.\n\n\"OK,\" she says. \"But don't tell her now. Let's wait.\"\n\n\u2014\n\nThe machines click and whir through the night. Every so often an alarm sounds on the monitors, waking Cathy up. Each time a nurse appears, never the same one, and presses a button to silence it. The alarm means nothing, apparently.\n\nIt's freezing in the room. The ventilation system blows straight down on her. The blanket she's been given is as thin as paper toweling.\n\nA friend of Cathy's in Detroit, a woman who has seen a therapist regularly for the past thirty years, recently passed on advice the therapist had given her. Pay no attention to the terrors that visit you in the night. The psyche is at its lowest ebb then, unable to defend itself. The desolation that envelops you feels like truth, but isn't. It's just mental fatigue masquerading as insight.\n\nCathy reminds herself of this as she lies sleepless on the slab of mattress. Her impotence in helping Della has filled her mind with nihilistic thoughts. Cold, clear recognitions, lacerating in their strictness. She has never known who Clark is. Theirs is a marriage devoid of intimacy. If Mike, John, Chris, and Palmer weren't her children, they would be people of whom she disapproves. She has spent her life catering to people who disappear, like the bookstore she used to work in.\n\nSleep finally comes. When Cathy wakes the next morning, feeling stiff, she is relieved to see that the therapist was right. The sun is up and the universe isn't so bleak. Yet some darkness must remain. Because she's made her decision. The idea of it burns inside her. It's neither nice nor kind. Such a novel feeling that she doesn't know what to call it.\n\nCathy is sitting next to Della's bed when Della opens her eyes. She doesn't tell her about the nursing home. She only says, \"Good morning, Della. Hey, guess what time it is?\"\n\nDella blinks, still groggy from sleep. And Cathy answers, \"It's hatchet time.\"\n\n\u2014\n\nIt begins snowing as they cross the Massachusetts state line. They're about two hours from Contoocook, the GPS a beacon in the sudden loss of visibility.\n\nClark will see this on the Weather Channel. He'll call or text her, concerned about her flight being canceled.\n\nPoor guy has no idea.\n\nNow that they're in the car, with the wipers and the defroster going, it appears that Della doesn't quite grasp the situation. She keeps asking Cathy the same questions.\n\n\"So how will we get in the house?\"\n\n\"You said Gertie has a key.\"\n\n\"Oh, right. I forgot. So we can get the key from Gertie and get into the house. It'll be cold as the dickens in there. We were keeping it at about fifty to save on oil. Just warm enough to keep the pipes from freezing.\"\n\n\"We'll warm it up when we get there.\"\n\n\"And then I'm going to stay there?\"\n\n\"We both will. Until we get things sorted out. We can get one of those home health aides. And Meals on Wheels.\"\n\n\"That sounds expensive.\"\n\n\"Not always. We'll look into it.\"\n\nRepeating this information helps Cathy to believe in it. Tomorrow, she'll call Clark and tell him that she's going to stay with Della for a month, maybe more, maybe less. He won't like it, but he'll cope. She'll make it up to him somehow.\n\nBennett and Robbie present a greater problem. Already she has three messages from Bennett and one from Robbie on her phone, plus voice mails asking where she and Della are.\n\nIt was easier than Cathy expected to sneak Della out of the hospital. Her IV had been taken out, luckily. Cathy just walked her down the hall, as though for exercise, then headed for the elevator. All the way to the car she kept expecting an alarm to sound, security guards to come running. But nothing happened.\n\nThe snow is sticking to trees but not the highway yet. Cathy exits the slow lane when traffic gets light. She exceeds the speed limit, eager to get where they're going before nightfall.\n\n\"Bennett and Robbie aren't going to like this,\" Della says, looking out at the churning snow. \"They think I'm too stupid to live on my own now. Which I probably am.\"\n\n\"You won't be alone,\" Cathy says. \"I'll stay with you until we get things sorted out.\"\n\n\"I don't know if dementia is the kind of thing you _can_ sort out.\"\n\nJust like that: the malady named and identified. Cathy looks at Della to see if she's aware of this change, but her expression is merely resigned.\n\nBy the time they reach Contoocook, the snow is deep enough that they fear they won't make it up the drive. Cathy takes the slope at a good speed and, after a slight skid, powers to the top. Della cheers. Their return has begun on a note of triumph.\n\n\"We'll have to get groceries in the morning,\" Cathy says. \"It's snowing too hard to go now.\"\n\nThe following morning, however, snow is still coming down. It continues throughout the day, while Cathy's voice mail fills with more calls from Robbie and Bennett. She doesn't dare answer them.\n\nOnce, early in her friendship with Della, Cathy forgot to leave dinner in the fridge for Clark to heat up. When she came home later that night, he got on her right away. \"What is it with the two of you?\" Clark said. \"Christ. Like a couple of lezzies.\"\n\nIt wasn't that. Not an overflow of forbidden desire. Just a way of compensating for areas of life that produced less contentment than advertised. Marriage, certainly. Motherhood more often than they liked to admit.\n\nThere's a ladies' group Cathy has read about in the newspapers, a kind of late-life women's movement. The members, middle-aged and older, dress up to the nines and wear elaborate, brightly colored hats\u2014pink or purple, she can't remember which. The group is known for these hats, in which its members swoop down on restaurants and fill entire sections. No men allowed. The women dress up for one another, to hell with everyone else. Cathy thinks this sounds like fun. When she's asked Della about it, Della says, \"I'm not dressing up and putting on some stupid hat just to have dinner with a bunch of people I probably don't even want to talk to. Besides, I don't have any good clothes anymore.\"\n\nCathy might do it alone. After she gets Della settled. When she's back in Detroit.\n\nIn the freezer, Cathy finds some bagels, which she defrosts in the microwave. There are also frozen dinners, and coffee. They can drink it black.\n\n\u2014\n\nHer face is still pretty banged up but otherwise Della feels fine. She is happy to be out of the hospital. It was impossible to sleep in that place, with all the noise and commotion, people coming in to check on you all the time or to wheel you down for some test.\n\nEither that or no one came to help you at all, even if you buzzed and buzzed.\n\nHeading off into a snowstorm seemed crazy, but it was lucky they left when they did. If they'd waited another day, they would never have made it to Contoocook. Her hill was slippery by the time they arrived. Snow covered the walk and back steps. But then they were inside the house and the heat was on and it felt cozy with the snow falling at every window, like confetti.\n\nOn TV the weather people are in a state, reporting on the blizzard. Boston and Providence are shut down. Sea waves have swept ashore and frozen solid, encasing houses in ice.\n\nThey are snowed in for a week. The drifts rise halfway up the back door. Even if they could get to the car, there's no way to get down the drive. Cathy has had to call the rental agency and extend her lease, which Della feels bad about. She has offered to pay but Cathy won't let her.\n\nOn their third day as shut-ins, Cathy jumps up from the couch and says, \"The tequila! Don't we still have some of that?\" In the cupboard above the stove she finds a bottle of tequila and another, half full, of margarita mix.\n\n\"Now we can survive for sure,\" Cathy says, brandishing the bottle. They both laugh.\n\nEvery evening around six, just before they turn on Brian Williams, they make frozen margaritas in the blender. Della wonders if drinking alcohol is a good idea with her malady. On the other hand, who's going to tell on her?\n\n\"Not me,\" Cathy says. \"I'm your enabler.\"\n\nSome days it snows again, which makes Della jumble up the time. She'll think that the blizzard is still going on and that she's just returned from the hospital.\n\nOne day she looks at her calendar and sees it is February. A month has gone by. In the bathroom mirror her black eye is gone, just a smear of yellow at the corner remains.\n\nEvery day Della reads a little of her book. It seems to her that she is performing this task more or less competently. Her eyes move over the words, which in turn sound in her head, and give rise to pictures. The story is as engrossing and swift as she remembers. Sometimes she can't tell if she is rereading the book or just remembering passages from having read them so often. But she decides the difference doesn't matter much.\n\n\"Now we really _are_ like those two old women,\" Della says one day to Cathy.\n\n\"I'm still the younger one, though. Don't forget that.\"\n\n\"Right. You're _young_ old and I'm just plain _old_ old.\"\n\nThey don't need to hunt or forage for food. Della's neighbor Gertie, who was a minister's wife, treks up from her house to bring them bread, milk, and eggs from the Market Basket. Lyle, who lives behind Della, crosses the snowy yard to bring other supplies. The power stays on. That's the main thing.\n\nAt some point Lyle, who has a side job plowing people out during the winter, gets around to plowing Della's drive, and after that Cathy takes the rental car to get groceries.\n\nPeople start coming to the house. A male physical therapist who makes Della do balance exercises and is very strict with her. A visiting nurse who takes her vitals. A girl from the area who cooks simple meals on nights when Della doesn't use the microwave.\n\nCathy is gone by that point. Bennett is there instead. He comes up on the weekends and stays through Sunday night, getting up early to drive to work on Monday morning. A few months later, when Della gets bronchitis and wakes up unable to breathe, and is again taken to the hospital by EMS, it is Robbie who comes up, from New York, to stay for a week until she's feeling better.\n\nSometimes Robbie brings his girlfriend, a Canadian gal from Montreal who breeds dogs for a living. Della doesn't ask much about this woman, though she is friendly to her face. Robbie's private life isn't her concern anymore. She won't be around long enough for it to matter.\n\nShe picks up _Two Old Women_ from time to time to read a little more, but she never seems to get through the whole thing. That doesn't matter either. She knows how the book ends. The two old women survive through the harsh winter, and when their tribe comes back, still all starving, the two women teach them what they've learned. And from that time on those particular Indians never leave their old people behind anymore.\n\nA lot of the time Della is alone in the house. The people who come to help her have left for the day, or it's their day off, and Bennett is busy. It's winter again. Two years have passed. She's almost ninety. She doesn't seem to be getting any stupider, or only a little bit. Not enough to notice.\n\nOne day, it snows again. Stopping at the window, Della is possessed by an urge to go outside and move into it. As far as her old feet will take her. She wouldn't even need her walker. Wouldn't need anything. Looking at the snow, blowing around beyond the window glass, Della has the feeling that she's peering into her own brain. Her thoughts are like that now, constantly circulating, moving from one place to another, just a whole big whiteout inside her head. Going out in the snow, disappearing into it, wouldn't be anything new to her. It would be like the outside meeting the inside. The two of them merging. Everything white. Just walk on out. Keep going. Maybe she'd meet someone out there, maybe she wouldn't. A friend.\n\n2017\n\n# AIR MAIL\n\nThrough the bamboo Mitchell watched the German woman, his fellow invalid, making another trip to the outhouse. She came out onto the porch of her hut, holding a hand over her eyes\u2014it was murderously sunny out\u2014while her other, somnambulistic hand searched for the beach towel hanging over the railing. Finding it, she draped the towel loosely, only just extenuatingly, over her otherwise unclothed body, and staggered out into the sun. She came right by Mitchell's hut. Through the slats her skin looked a sickly, chicken-soup color. She was wearing only one flip-flop. Every few steps she had to stop and lift her bare foot out of the blazing sand. Then she rested, flamingo style, breathing hard. She looked as if she might collapse. But she didn't. She made it across the sand to the edge of the scrubby jungle. When she reached the outhouse, she opened the door and peered into the darkness. Then she consigned herself to it.\n\nMitchell dropped his head back to the floor. He was lying on a straw mat, with a plaid L.L.Bean bathing suit for a pillow. It was cool in the hut and he didn't want to get up himself. Unfortunately, his stomach was erupting. All night his insides had been quiet, but that morning Larry had persuaded him to eat an egg, and now the amoebas had something to feed on. \"I told you I didn't want an egg,\" he said now, and only then remembered that Larry wasn't there. Larry was off down the beach, partying with the Australians.\n\nSo as not to get angry, Mitchell closed his eyes and took a series of deep breaths. After only a few, the ringing started up. He listened, breathing in and out, trying to pay attention to nothing else. When the ringing got even louder, he rose on one elbow and searched for the letter he was writing to his parents. The most recent letter. He found it tucked into Ephesians, in his pocket New Testament. The front of the aerogram was already covered with handwriting. Without bothering to reread what he'd written, he grabbed the ballpoint pen\u2014wedged at the ready in the bamboo\u2014and began:\n\n_Do you remember my old English teacher, Mr. Dudar? When I was in tenth grade, he came down with cancer of the esophagus. It turned out he was a Christian Scientist, which we never knew. He refused to have chemotherapy even. And guess what happened? Absolute and total remission._\n\nThe tin door of the outhouse rattled shut and the German woman emerged into the sun again. Her towel had a wet stain. Mitchell put down his letter and crawled to the door of his hut. As soon as he stuck out his head, he could feel the heat. The sky was the filtered blue of a souvenir postcard, the ocean one shade darker. The white sand was like a tanning reflector. He squinted at the silhouette hobbling toward him.\n\n\"How are you feeling?\"\n\nThe German woman didn't answer until she reached a stripe of shade between the huts. She lifted her foot and scowled at it. \"When I go, it is just brown water.\"\n\n\"It'll go away. Just keep fasting.\"\n\n\"I am fasting three days now.\"\n\n\"You have to starve the amoebas out.\"\n\n\" _Ja_ , but I think the amoebas are maybe starving me out.\" Except for the towel she was still naked, but naked like a sick person. Mitchell didn't feel anything. She waved and started walking away.\n\nWhen she was gone, he crawled back into his hut and lay on the mat again. He picked up the pen and wrote, _Mohandas K. Gandhi used to sleep with his grandnieces, one on either side, to test his vow of chastity\u2014i.e., saints are always fanatics._\n\nHe laid his head on the bathing suit and closed his eyes. In a moment, the ringing started again.\n\n\u2014\n\nIt was interrupted some time later by the floor shaking. The bamboo bounced under Mitchell's head and he sat up. In the doorway, his traveling companion's face hung like a harvest moon. Larry was wearing a Burmese lungi and an Indian silk scarf. His chest, hairier than you expected on a little guy, was bare, and sunburned as pink as his face. His scarf had metallic gold and silver threads and was thrown dramatically over one shoulder. He was smoking a bidi, half bent over, looking at Mitchell.\n\n\"Diarrhea update,\" he said.\n\n\"I'm fine.\"\n\n\"You're fine?\"\n\n\"I'm OK.\"\n\nLarry seemed disappointed. The pinkish, sunburned skin on his forehead wrinkled. He held up a small glass bottle. \"I brought you some pills. For the shits.\"\n\n\"Pills plug you up,\" Mitchell said. \"Then the amoebas stay in you.\"\n\n\"Gwendolyn gave them to me. You should try them. Fasting would have worked by now. It's been what? Almost a week?\"\n\n\"Fasting doesn't include being force-fed eggs.\"\n\n\"One egg,\" said Larry, waving this away.\n\n\"I was all right before I ate that egg. Now my stomach hurts.\"\n\n\"I thought you said you were fine.\"\n\n\"I am fine,\" said Mitchell, and his stomach erupted. He felt a series of pops in his lower abdomen, followed by an easing, as of liquid being siphoned off; then from his bowels came the familiar insistent pressure. He turned his head away, closing his eyes, and began to breathe deeply again.\n\nLarry took a few more drags on the bidi and said, \"You don't look so good to me.\"\n\n\"You,\" said Mitchell, still with his eyes closed, \"are stoned.\"\n\n\"You betcha\" was Larry's response. \"Which reminds me. We ran out of papers.\" He stepped over Mitchell, and the array of aerograms, finished and unfinished, and the tiny New Testament, into his\u2014that is, Larry's\u2014half of the hut. He crouched and began searching through his bag. Larry's bag was made of a rainbow-colored burlap. So far, it had never passed through customs without being exhaustively searched. It was the kind of bag that announced, \"I am carrying drugs.\" Larry found his chillum, removed the stone bowl, and knocked out the ashes.\n\n\"Don't do that on the floor.\"\n\n\"Relax. They fall right through.\" He rubbed his fingers back and forth. \"See? All tidy.\"\n\nHe put the chillum to his mouth to make sure that it was drawing. As he did so he looked sideways at Mitchell. \"Do you think you'll be able to travel soon?\"\n\n\"I think so.\"\n\n\"Because we should probably be getting back to Bangkok. I mean, eventually. I'm up for Bali. You up?\"\n\n\"As soon as I'm up,\" said Mitchell.\n\nLarry nodded, once, as though satisfied. He removed the chillum from his mouth and reinserted the bidi. He stood, hunching over beneath the roof, and stared at the floor.\n\n\"The mail boat comes tomorrow.\"\n\n\"What?\"\n\n\"The mail boat. For your letters.\" Larry pushed a few around with his foot. \"You want me to mail them for you? You have to go down to the beach.\"\n\n\"I can do it. I'll be up tomorrow.\"\n\nLarry raised one eyebrow but said nothing. Then he started for the door. \"I'll leave these pills in case you change your mind.\"\n\nAs soon as he was gone, Mitchell got up. There was no putting it off any longer. He retied his lungi and stepped out on the porch, covering his eyes. He kicked around for his flip-flops. Beyond, he was aware of the beach and the shuffling waves. He came down the steps and started walking. He didn't look up. He saw only his feet and the sand rolling past. The German woman's footprints were still visible, along with pieces of litter, shredded packages of Nescaf\u00e9 or balled-up paper napkins that blew from the cook tent. He could smell fish grilling. It didn't make him hungry.\n\nThe outhouse was a shack of corrugated tin. Outside sat a rusted oil drum of water and a small plastic bucket. Mitchell filled the bucket and took it inside. Before closing the door, while there was still light to see, he positioned his feet on the platform to either side of the hole. Then he closed the door and everything became dark. He undid his lungi and pulled it up, hanging the fabric around his neck. Using Asian toilets had made him limber: he could squat for ten minutes without strain. As for the smell, he hardly noticed it anymore. He held the door closed so that no one would barge in on him.\n\nThe sheer volume of liquid that rushed out of him still surprised him, but it always came as a relief. He imagined the amoebas being swept away in the flood, swirling down the drain of himself and out of his body. The dysentery had made him intimate with his insides; he had a clear sense of his stomach, of his colon; he felt the smooth muscular piping that constituted him. The combustion began high in his intestines. Then it worked its way along, like an egg swallowed by a snake, expanding, stretching the tissue, until, with a series of shudders, it dropped, and he exploded into water.\n\n\u2014\n\nHe'd been sick not for a week but for thirteen days. He hadn't said anything to Larry at first. One morning in a guesthouse in Bangkok, Mitchell had awoken with a queasy stomach. Once up and out of his mosquito netting, though, he'd felt better. Then that night after dinner, there'd come a series of taps, like fingers drumming on the inside of his abdomen. The next morning the diarrhea started. That was no big deal. He'd had it before in India, but it had gone away after a few days. This didn't. Instead, it got worse, sending him to the bathroom a few times after every meal. Soon he started to feel fatigued. He got dizzy when he stood up. His stomach burned after eating. But he kept on traveling. He didn't think it was anything serious. From Bangkok, he and Larry took a bus to the coast, where they boarded a ferry to the island. The boat puttered into the small cove, shutting off its engine in the shallow water. They had to wade to shore. Just that\u2014jumping in\u2014had confirmed something. The sloshing of the sea mimicked the sloshing in Mitchell's gut. As soon as they got settled, Mitchell had begun to fast. For a week now he'd consumed nothing but black tea, leaving the hut only for the outhouse. Coming out one day, he'd run into the German woman and had persuaded her to start fasting, too. Otherwise, he lay on his mat, thinking and writing letters home.\n\n_Greetings from paradise. Larry and I are currently staying on a tropical island in the Gulf of Siam (check the world atlas). We have our own hut right on the beach, for which we pay the princely sum of five dollars per night. This island hasn't been discovered yet so there's almost nobody here._ He went on, describing the island (or as much as he could glimpse through the bamboo), but soon returned to more important preoccupations. _Eastern religion teaches that all matter is illusory. That includes everything, our house, every one of Dad's suits, even Mom's plant hangers\u2014all_ maya, _according to the Buddha. That category also includes, of course, the body. One of the reasons I decided to take this grand tour was that our frame of reference back in Detroit seemed a little cramped. And there are a few things I've come to believe in. And to test. One of which is that we can control our bodies with our minds. They have monks in Tibet who can mentally regulate their physiologies. They play a game called \"melting snowballs.\" They put a snowball in one hand and then meditate, sending all their internal heat to that hand. The one who melts the snowball fastest wins._\n\nFrom time to time, he stopped writing to sit with his eyes closed, as though waiting for inspiration. And that was exactly how he'd been sitting two months earlier\u2014eyes closed, spine straight, head lifted, nose somehow alert\u2014when the ringing started. It had happened in a pale green Indian hotel room in Mahabalipuram. Mitchell had been sitting on his bed, in the half-lotus position. His inflexible left, Western knee stuck way up in the air. Larry was off exploring the streets. Mitchell was all alone. He hadn't even been waiting for anything to happen. He was just sitting there, trying to meditate, his mind wandering to all sorts of things. For instance, he was thinking about his old girlfriend, Christine Woodhouse, and her amazing red pubic hair, which he'd never get to see again. He was thinking about food. He was hoping they had something in this town besides _idli sambar._ Every so often he'd become aware of how much his mind was wandering, and then he'd try to direct it back to his breathing. Then, sometime in the middle of all this, when he least expected it, when he'd stopped even trying or waiting for anything to happen (which was exactly when all the mystics _said_ it would happen), Mitchell's ears had begun to ring. Very softly. It wasn't an unfamiliar ringing. In fact, he recognized it. He could remember standing in the front yard one day as a little kid and suddenly hearing this ringing in his ears, and asking his older brothers, \"Do you hear that ringing?\" They said they didn't but knew what he was talking about. In the pale green hotel room, after almost twenty years, Mitchell heard it again. He thought maybe this ringing was what they meant by the Cosmic Om. Or the music of the spheres. He kept trying to hear it after that. Wherever he went, he listened for the ringing, and after a while he got pretty good at hearing it. He heard it in the middle of Sudder Street in Calcutta, with cabs honking and street urchins shouting for baksheesh. He heard it on the train up to Chiang Mai. It was the sound of the universal energy, of all the atoms linking up to create the colors before his eyes. It had been right there the whole time. All he had to do was wake up and listen to it.\n\nHe wrote home, at first tentatively, then with growing confidence, about what was happening to him. _The energy flow of the universe is capable of being appercepted. We are, each of us, finely tuned radios. We just have to blow the dust off our tubes._ He sent his parents a few letters each week. He sent letters to his brothers, too. And to his friends. Whatever he was thinking, he wrote down. He didn't consider people's reactions. He was seized by a need to analyze his intuitions, to describe what he saw and felt. _Dear Mom and Dad, I watched a woman being cremated this afternoon. You can tell if it's a woman by the color of the shroud. Hers was red. It burned off first. Then her skin did. While I was watching, her intestines filled up with hot gas, like a great big balloon. They got bigger and bigger until they finally popped. Then all this fluid came out. I tried to find something similar on a postcard for you but no such luck._\n\nOr else: _Dear Petie, Does it ever occur to you that this world of earwax remover and embarrassing jock itch might not be the whole megillah? Sometimes it looks that way to me. Blake believed in angelic recitation. And who knows? His poems back him up. Sometimes at night, though, when the moon gets that very pale thing going, I swear I feel a flutter of wings against the three-day growth on my cheeks._\n\nMitchell had called home only once, from Calcutta. The connection had been bad. It was the first time Mitchell and his parents had experienced the transatlantic delay. His father answered. Mitchell said hello, hearing nothing until his last syllable, the o, echoed in his ears. After that, the static changed registers, and his father's voice came through. Traveling over half the globe, it lost some of its characteristic force. \"Now listen, your mother and I want you to get on a plane and get yourself back home.\"\n\n\"I just got to India.\"\n\n\"You've been gone six months. That's long enough. We don't care what it costs. Use that credit card we gave you and buy yourself a ticket back home.\"\n\n\"I'll be home in two months or so.\"\n\n\"What the hell are you doing over there?\" his father shouted, as best he could, against the satellite. \"What is this about dead bodies in the Ganges? You're liable to come down with some disease.\"\n\n\"No, I won't. I feel fine.\"\n\n\"Well, your mother doesn't feel fine. She's worried half to death.\"\n\n\"Dad, this is the best part of the trip so far. Europe was great and everything, but it's still the West.\"\n\n\"And what's wrong with the West?\"\n\n\"Nothing. Only it's more exciting to get away from your own culture.\"\n\n\"Speak to your mother,\" his father said.\n\nAnd then his mother's voice, almost a whimper, had come over the line. \"Mitchell, are you OK?\"\n\n\"I'm fine.\"\n\n\"We're worried about you.\"\n\n\"Don't worry. I'm _fine._ \"\n\n\"You don't sound right in your letters. What's going on with you?\"\n\nMitchell wondered if he could tell her. But there was no way to say it. You couldn't say, I've found the truth. People didn't like that.\n\n\"You sound like one of those Hare Krishnas.\"\n\n\"I haven't joined up yet, Mom. So far, all I've done is shave my head.\"\n\n\"You shaved your head, Mitchell!\"\n\n\"No,\" he told her; though in fact it was true: he had shaved his head.\n\nThen his father was back on the line. His voice was strictly business now, a gutter voice Mitchell hadn't heard before. \"Listen, stop cocking around over there in India and get your butt back home. Six months is enough traveling. We gave you that credit card for emergencies and we want you...\" Just then, a divine stroke, the line had gone dead. Mitchell had been left holding the receiver, with a queue of Bengalis waiting behind him. He'd decided to let them have their turns. He hung up the receiver, thinking that he shouldn't call home again. They couldn't possibly understand what he was going through or what this marvelous place had taught him. He'd tone down his letters, too. From now on, he'd stick to scenery.\n\nBut, of course, he hadn't. No more than five days had passed before he was writing home again, describing the incorruptible body of Saint Francis Xavier and how it had been carried through the streets of Goa for four hundred years until an overzealous pilgrim had bitten off the saint's finger. Mitchell couldn't help himself. Everything he saw\u2014the fantastical banyan trees, the painted cows\u2014made him start writing, and after he described the sights, he talked about their effect on him, and from the colors of the visible world he moved straightaway into the darkness and ringing of the invisible. When he got sick, he'd written home about that, too. _Dear Mom and Dad, I think I have a touch of amoebic dysentery._ He'd gone on to describe the symptoms, the remedies the other travelers used. _Everybody gets it sooner or later. I'm just going to fast and meditate until I get better. I've lost a little weight, but not much. Soon as I'm better, Larry and I are off to Bali._\n\nHe was right about one thing: sooner or later, everybody did get it. Besides his German neighbor, two other travelers on the island had been suffering from stomach complaints. One, a Frenchman, laid low by a salad, had taken to his hut, from which he'd groaned and called for help like a dying emperor. But just yesterday Mitchell had seen him restored to health, rising out of the shallow bay with a parrotfish impaled on the end of his spear gun. The other victim had been a Swedish woman. Mitchell had last seen her being carried out, limp and exhausted, to the ferry. The Thai boatmen had pulled her aboard with the empty soda bottles and fuel containers. They were used to the sight of languishing foreigners. As soon as they'd stowed the woman on deck, they'd started smiling and waving. Then the boat had kicked into reverse, taking the woman back to the clinic on the mainland.\n\nIf it came to that, Mitchell knew he could always be evacuated. He didn't, however, expect it to come to that. Once he'd gotten the egg out of his system, he felt better. The pain in his stomach went away. Four or five times a day he had Larry bring him black tea. He refused to give the amoebas so much as a drop of milk to feed on. Contrary to what he would've expected, his mental energy didn't diminish but actually increased. _It's incredible how much energy is taken up with the act of digestion. Rather than being some weird penance, fasting is actually a very sane and scientific method of quieting the body, of turning the body_ off. _And when the body turns off, the mind turns on. The Sanskrit for this is_ moksa, _which means total liberation from the body._\n\nThe strange thing was that here, in the hut, verifiably sick, Mitchell had never felt so good, so tranquil, or so brilliant in his life. He felt secure and watched over in a way he couldn't explain. He felt _happy._ This wasn't the case with the German woman. She looked worse and worse. She hardly spoke when they passed now. Her skin was paler, splotchier. After a while Mitchell stopped encouraging her to keep fasting. He lay on his back, with the bathing suit over his eyes now, and paid no attention to her trips to the outhouse. He listened instead to the sounds of the island, people swimming and shouting on the beach, somebody learning to play a wooden flute a few huts down. Waves lapped, and occasionally a dead palm leaf or coconut fell to the ground. At night, the wild dogs began howling in the jungle. When he went to the outhouse, Mitchell could hear them moving around outside, coming up and sniffing him, the flow of his waste, through the holes in the walls. Most people banged flashlights against the tin door to scare the dogs away. Mitchell didn't even bring a flashlight along. He stood listening to the dogs gather in the vegetation. With sharp muzzles they pushed stalks aside until their red eyes appeared in the moonlight. Mitchell faced them down, serenely. He spread out his arms, offering himself, and when they didn't attack, he turned and walked back to his hut.\n\nOne night as he was coming back, he heard an Australian voice say, \"Here comes the patient now.\" He looked up to see Larry and an older woman sitting on the porch of the hut. Larry was rolling a joint on his _Let's Go: Asia._ The woman was smoking a cigarette and looking straight at Mitchell. \"Hello, Mitchell, I'm Gwendolyn,\" she said. \"I hear you've been sick.\"\n\n\"Somewhat.\"\n\n\"Larry says you haven't been taking the pills I sent over.\"\n\nMitchell didn't answer right away. He hadn't talked to another human being all day. Or for a couple of days. He had to get reacclimated. Solitude had sensitized him to the roughness of other people. Gwendolyn's loud whiskey baritone, for instance, seemed to rake right across his chest. She was wearing some kind of batik headdress that looked like a bandage. Lots of tribal jewelry, too, bones and shells, hanging around her neck and from her wrists. In the middle of all this was her pinched, oversunned face, with the red coil of the cigarette in the center blinking on and off. Larry was just a halo of blond hair in the moonlight.\n\n\"I had a terrible case of the trots myself,\" Gwendolyn continued. \"Truly epic. In Irian Jaya. Those pills were a godsend.\"\n\nLarry gave a finishing lick to the joint and lit it. He inhaled, looking up at Mitchell, then said in a smoke-tightened voice, \"We're here to make you take your medicine.\"\n\n\"That's right. Fasting is all well and good, but after\u2014what has it been?\"\n\n\"Two weeks almost.\"\n\n\"After two weeks, it's time to stop.\" She looked stern, but then the joint came her way, and she said, \"Oh, lovely.\" She took a hit, held it, smiled at both of them, and then launched into a fit of coughing. It went on for about thirty seconds. Finally she drank some beer, holding her hand over her chest. Then she resumed smoking her cigarette.\n\nMitchell was looking at a big stripe of moon on the ocean. Suddenly he said, \"You just got divorced. Is why you're taking this trip.\"\n\nGwendolyn stiffened. \"Almost right. Not divorced but separated. Is it that obvious?\"\n\n\"You're a hairdresser,\" Mitchell said, still looking out to sea.\n\n\"You didn't tell me your friend was a clairvoyant, Larry.\"\n\n\"I must have told him. Did I tell you?\"\n\nMitchell didn't answer.\n\n\"Well, Mr. Nostradamus, I have a prediction for you. If you don't take those pills right now, you are going to be hauled away on the ferry _one very sick boy._ You don't want that, do you?\"\n\nMitchell looked into Gwendolyn's eyes for the first time. He was struck by the irony: she thought _he_ was the sick one. Whereas it looked to him the other way around. Already she was lighting another cigarette. She was forty-three years old, getting stoned on an island off the coast of Thailand while wearing a piece of coral reef in each earlobe. Her unhappiness rose off her like a wind. It wasn't that he was clairvoyant. It was just obvious.\n\nShe looked away. \"Larry, where are my pills now?\"\n\n\"Inside the hut.\"\n\n\"Could you get them for me?\"\n\nLarry turned on his flashlight and bent through the doorway. The beam crossed the floor. \"You still haven't mailed your letters.\"\n\n\"I forgot. Soon as I finish them, I feel like I've sent them already.\"\n\nLarry reappeared with the bottle of pills and announced, \"It's starting to smell in there.\" He handed the bottle to Gwendolyn.\n\n\"All right, you stubborn man, open up.\"\n\nShe held out a pill.\n\n\"That's OK. Really. I'm fine.\"\n\n\"Take your medicine,\" Gwendolyn said.\n\n\"Come on, Mitch, you look like shit. Do it. Take a goddamn pill.\"\n\nFor a moment there was silence, as they stared at him. Mitchell wanted to explain his position, but it was pretty obvious that no amount of explanation would convince them that what he was doing made any sense. Everything he thought to say didn't quite cover it. Everything he thought to say cheapened how he felt. So he decided on the course of least resistance. He opened his mouth.\n\n\"Your tongue is bright yellow,\" Gwendolyn said. \"I've never seen such a yellow except on a bird. Go on. Wash it down with a little beer.\" She handed him her bottle.\n\n\"Bravo. Now take these four times a day for a week. Larry, I'm leaving you in charge of seeing that he does it.\"\n\n\"I think I need to go to sleep now,\" Mitchell said.\n\n\"All right,\" said Gwendolyn. \"We'll move the party down to my hut.\"\n\nWhen they were gone, Mitchell crawled back inside and lay down. Without otherwise moving, he spat out the pill, which he'd kept under his tongue. It clattered against the bamboo, then fell through to the sand underneath. Just like Jack Nicholson in _Cuckoo's Nest,_ he thought, smiling to himself, but was too genuinely exhausted to write it down.\n\n\u2014\n\nWith the bathing suit over his eyes, the days were more perfect, more obliterated. He slept in snatches, whenever he felt like it, and stopped paying attention to time. The rhythms of the island reached him: the sleep-thickened voices of people breakfasting on banana pancakes and coffee; later, shouts on the beach; and in the evening, the grill smoking, and the Chinese cook scraping her wok with a long metal spatula. Beer bottles popped open; the cook tent filled with voices; then the various small parties bloomed in neighboring huts. At some point Larry would come back, smelling of beer, smoke, and suntan lotion. Mitchell would pretend to be asleep. Sometimes he was awake all night while Larry slept. Through his back, he could feel the floor, then the island itself, then the circulation of the ocean. The moon became full and, on rising, lit up the hut. Mitchell got up and walked down to the silver edge of the water. He waded out and floated on his back, staring up at the moon and the stars. The bay was a warm bath; the island floated in it, too. He closed his eyes and concentrated on his breathing. After a while, he felt all sense of outside and inside disappearing. He wasn't breathing so much as _being_ breathed. The state would last only a few seconds, then he'd come out, then he'd get it again.\n\nHis skin began to taste of salt. The wind carried it through the bamboo, coating him as he lay on his back, or blew over him as he made his way to the outhouse. While he squatted, he sucked the salt from his bare shoulders. It was his only food. Sometimes he had an urge to go into the cook tent and order an entire grilled fish or a stack of pancakes. But stabs of hunger were rare, and in their wake he felt only a deeper, more complete peace. The floods continued to rush out of him, with less violence now but rawly, as though from a wound. He opened the drum and filled the water bucket, washed himself with his left hand. A few times he fell asleep, crouching over the hole, and came awake only when someone knocked on the metal door.\n\nHe wrote more letters. _Did I ever tell you about the leper mother and son I saw in Bangalore? I was coming down this street and there they were, crouching by the curb. I was pretty used to seeing lepers by this point, but not ones like this. They were almost all the way gone. Their fingers weren't even stubs anymore. Their hands were just balls at the ends of their arms. And their faces were sliding off, as if they were made of wax and were melting. The mother's left eye was all filmy and gray and stared up at the sky. But when I gave her 50 paise she looked at me with her good eye and it was full of intelligence. She touched her arm-knobs together, to thank me. Right then my coin hit the cup, and her son, who couldn't see, said \"Atcha.\" He smiled, I think, though it was hard to tell because of his disfigurement. But what happened right then was this: I saw that they were people, not beggars or unfortunates\u2014just a mother and her kid. I could see them back before they got leprosy, back when they used to just go out for a walk. And then I had another revelation. I had a hunch that the kid was a nut for mango lassi. And this seemed a very profound revelation to me at the time. It was as big a revelation as I think I ever need or deserve. When my coin hit the cup and the boy said, \"Atcha,\" I just knew that he was thinking about a nice cold mango lassi._ Mitchell put down his pen, remembering. Then he went outside to watch the sunset. He sat on the porch cross-legged. His left knee no longer stuck up. When he closed his eyes, the ringing began at once, louder, more intimate, more ravishing than ever.\n\n\u2014\n\nSo much seemed funny viewed from this distance. His worries about choosing a major. His refusal to leave his dorm room when afflicted with glaring facial pimples. Even the searing despair of the time he'd called Christine Woodhouse's room and she hadn't come in all night was sort of funny now. You could waste your life. He _had,_ pretty much, until the day he'd boarded that airplane with Larry, inoculated against typhus and cholera, and had escaped. Only now, with no one watching, could Mitchell find out who he was. It was as though riding in all those buses, over all those bumps, had dislodged his old self bit by bit, so that it just rose up one day and vaporized into the Indian air. He didn't want to go back to the world of college and clove cigarettes. He was lying on his back, waiting for the moment when the body touched against enlightenment, or when nothing happened at all, which would be the same thing.\n\nMeanwhile, next door, the German woman was on the move again. Mitchell heard her rustling around. She came down her steps, but instead of heading for the outhouse, she climbed the steps to Mitchell's hut. He removed the bathing suit from his eyes.\n\n\"I am going to the clinic. In the boat.\"\n\n\"I figured you might.\"\n\n\"I am going to get an injection. Stay one night. Then come back.\" She paused a moment. \"You want to come with me? Get an injection?\"\n\n\"No, thanks.\"\n\n\"Why not?\"\n\n\"Because I'm better. I'm feeling a lot better.\"\n\n\"Come to the clinic. To be safe. We go together.\"\n\n\"I'm fine.\" He stood up, smiling, to indicate this. Out in the bay, the boat blew its horn.\n\nMitchell came out onto the porch to send her off. \"I'll see you when you get back,\" he said. The German woman waded out to the boat and climbed aboard. She stood on deck, not waving, but looking in his direction. Mitchell watched her recede, growing smaller and smaller. When she disappeared at last, he realized that he'd been telling the truth: he _was_ better.\n\nHis stomach was quiet. He put a hand over his belly, as though to register what was inside. His stomach felt hollowed out. And he wasn't dizzy anymore. He had to find a whole new aerogram, and in the light from the sunset he wrote, _On this day in I think November, I would like to announce that the gastrointestinal system of Mitchell B. Grammaticus has hereby been cured by purely spiritual means. I want especially to thank my greatest supporter, who stuck with me through it all, Mary Baker Eddy. The next solid shit I take is really for her._ He was still writing when Larry came in.\n\n\"Wow. You're awake.\"\n\n\"I'm better.\"\n\n\"You are?\"\n\n\"And guess what else?\"\n\n\"What?\"\n\nMitchell put down his pen and gave Larry a big smile. \"I'm really hungry.\"\n\n\u2014\n\nEveryone on the island had heard about Mitchell's Gandhian fast by this point. His arrival in the cook tent brought applause and cheers. Also gasps from some of the women, who couldn't bear to see how skinny he was. They got all maternal and made him sit down and felt his forehead for lingering fever. The tent was full of picnic tables, the counters stacked with pineapples and watermelons, beans, onions, potatoes, and lettuce. Long blue fish lay on chopping blocks. Coffee thermoses lined one wall, full of hot water or tea, and in the back was another room containing a crib and the Chinese cook's baby. Mitchell looked around at all the new faces. The dirt under the picnic table felt surprisingly cool against his bare feet.\n\nThe medical advice started up right away. Most people had fasted for a day or two during their Asian travels, after which they'd gone back to eating full meals. But Mitchell's fast had been so prolonged that one American traveler, a former medical student, said it was dangerous for Mitchell to eat too much too quickly. He advised having only liquids at first. The Chinese cook scoffed at this idea. After taking one look at Mitchell, she sent out a sea bass, a plate of fried rice, and an onion omelet. Most everyone else advocated pure gluttony, too. Mitchell struck a compromise. First he drank a glass of papaya juice. He waited a few minutes and then began, slowly, to eat the fried rice. After that, still feeling fine, he moved cautiously to the sea bass. After every few bites, the former medical student said, \"OK, that's enough,\" but this was greeted by a chorus of other people saying, \"Look at him. He's a skeleton. Go on, eat. Eat!\"\n\nIt was nice to be around people again. Mitchell hadn't become quite as ascetic as he'd thought. He missed socializing. All the girls were wearing sarongs. They had truly accomplished suntans and fetching accents. They kept touching Mitchell, patting his ribs or encircling his wrists with their fingers. \"I'd die for cheekbones like yours,\" one girl said. Then she made him eat some fried bananas.\n\nNight fell. Somebody announced a party in hut number six. Before Mitchell knew what was happening, two Dutch girls were escorting him down the beach. They waited tables in Amsterdam five months of the year and spent the rest traveling. Apparently, Mitchell looked exactly like a Van Honthorst Christ in the Rijksmuseum. The Dutch girls found the resemblance both awe-inspiring and hilarious. Mitchell wondered if he'd made a mistake by staying in the hut so much. A kind of tribal life had sprouted up here on the island. No wonder Larry had been having such a good time. Everyone was so friendly. It wasn't even sexual so much as just warm and intimate. One of the Dutch girls had a nasty rash on her back. She turned around to show him.\n\nThe moon was rising over the bay, casting a long swath of light to shore. It lit up the trunks of palm trees and gave the sand a lunar phosphorescence. Everything had a bluish tint except for the orange, glowing huts. Mitchell felt the air rinsing his face and flowing through his legs as he walked behind Larry. There was a lightness inside him, a helium balloon around his heart. There was nothing a person needed beyond this beach.\n\nHe called out, \"Hey, Larry.\"\n\n\"What?\"\n\n\"We've gone everywhere, man.\"\n\n\"Not everywhere. Next stop Bali.\"\n\n\"Then home. After Bali, home. Before my parents have a nervous breakdown.\"\n\nHe stopped walking and held the Dutch girls back. He thought he heard the ringing\u2014louder than ever\u2014but then realized that it was just the music coming from hut number six. Right out front, people were sitting in a circle in the sand. They made room for Mitchell and the new arrivals.\n\n\"What do you say, doctor? Can we give him a beer?\"\n\n\"Very funny,\" the medical student said. \"I suggest one. No more.\"\n\nIn due course, the beer was passed along the fire brigade and into Mitchell's hands. Then the person to Mitchell's right put her hand on his knee. It was Gwendolyn. He hadn't recognized her in the darkness. She took a long drag on her cigarette. She turned her face away, to exhale primarily, but also with the suggestion of hurt feelings, and said, \"You haven't thanked me.\"\n\n\"For what?\"\n\n\"For the pills.\"\n\n\"Oh, right. That was really thoughtful of you.\"\n\nShe smiled for a few seconds and then started coughing. It was a smoker's cough, deep-seated and guttural. She tried to suppress it by leaning forward and covering her mouth, but the coughing only grew more violent, as if ripping holes in her lungs. When it finally subsided, Gwendolyn wiped her eyes. \"Oh, I'm dying.\" She looked around the circle of people. Everyone was talking and laughing. \"Nobody cares.\"\n\nAll this time Mitchell had been examining Gwendolyn closely. It seemed clear to him that if she didn't have cancer already, she was going to get it soon.\n\n\"Do you want to know how I knew you were separated?\" he said.\n\n\"Well, I think I might.\"\n\n\"It's because of this glow you have. Women who get divorced or separated always have this glow. I've noticed it before. It's like they get younger.\"\n\n\"Really?\"\n\n\"Yes, indeed,\" said Mitchell.\n\nGwendolyn smiled. \"I am feeling rather restored.\"\n\nMitchell held out his beer and they clinked bottles.\n\n\"Cheers,\" she said.\n\n\"Cheers.\" He took a sip of beer. It tasted like the best beer he'd ever had. He felt ecstatically happy, suddenly. They weren't sitting around a campfire, but it felt like that, everyone glowing and centrally warmed. Mitchell squinted at the different faces in the circle and then looked out at the bay. He was thinking about his trip. He tried to remember all the places he and Larry had gone, the smelly pensions, the baroque cities, the hill stations. If he didn't think about any single place, he could sense them all, kaleidoscopically shifting around inside his head. He felt complete and satisfied. At some point the ringing had started up again; he was concentrating on that, too, so that at first he didn't notice the twinge in his intestines. Then, from far off, piercing his consciousness, came another twinge, still so delicate that he might have imagined it. In another moment it came again, more insistently. He felt a valve open inside him, and a trickle of hot liquid, like acid, begin burning its way toward the outside. He wasn't alarmed. He felt too good. He just stood up again and said, \"I'm going down to the water a minute.\"\n\n\"I'll go with you,\" said Larry.\n\nThe moon was higher now. As they approached, it lit the bay up like a mirror. Away from the music, Mitchell could hear the wild dogs barking in the jungle. He led Larry straight down to the water's edge. Then, without pausing, he let his lungi drop and stepped out of it. He waded into the sea.\n\n\"Skinny-dip?\"\n\nMitchell didn't answer.\n\n\"What's the water temp?\"\n\n\"Cold,\" said Mitchell, though this wasn't true: the water was warm. It was just that he wanted to be alone in it. He waded out until the water was waist deep. Cupping both hands, he sprinkled water over his face. Then he dropped into the water and began to float on his back.\n\nHis ears plugged up. He heard water rushing, then the silence of the sea, then the ringing again. It was clearer than ever. It wasn't a ringing so much as a beacon penetrating his body.\n\nHe lifted his head and said, \"Larry.\"\n\n\"What?\"\n\n\"Thanks for taking care of me.\"\n\n\"No problem.\"\n\nNow that he was in the water, he felt better again. He sensed the pull of the tide out in the bay, retreating with the night wind and the rising moon. A small hot stream came out of him, and he paddled away from it and continued to float. He stared up at the sky. He didn't have his pen or aerograms with him, so he began to dictate silently: _Dear Mom and Dad, The earth itself is all the evidence we need. Its rhythms, its perpetual regeneration, the rising and falling of the moon, the tide flowing in to land and out again to the sea, all this is a lesson for that very slow learner, the human race. The earth keeps repeating the drill, over and over, until we get it right._\n\n\"Nobody would believe this place,\" Larry said on the beach. \"It's a total fucking paradise.\"\n\nThe ringing grew louder. A minute passed, or a few minutes. Finally he heard Larry say, \"Hey, Mitch, I'm going back to the party now. You OK?\" He sounded far away.\n\nMitchell stretched out his arms, which allowed him to float a little higher in the water. He couldn't tell if Larry had gone or not. He was looking at the moon. He'd begun to notice something about the moon that he'd never noticed before. He could make out the wavelengths of the moonlight. He'd managed to slow his mind down enough to perceive that. The moonlight would speed up a second, growing brighter, then it would slow down, becoming dim. It _pulsed._ The moonlight was a kind of ringing itself. He lay undulating in the warm water, observing the correspondence of moonlight and ringing, how they increased together, diminished together. After a while, he began to be aware that he, too, was like that. His blood pulsed with the moonlight, with the ringing. Something was coming out of him, far away. He felt his insides emptying out. The sensation of water leaving him was no longer painful or explosive; it had become a steady flow of his essence into nature. In the next second, Mitchell felt as though he were dropping through the water, and then he had no sense of himself at all. He wasn't the one looking at the moon or hearing the ringing. And yet he was aware of them. For a moment, he thought he should send word to his parents, to tell them not to worry. He'd found the paradise beyond the island. He was trying to gather himself to dictate this last message, but soon he realized that there was nothing left of him to do it\u2014nothing at all\u2014no person left to hold a pen or to send word to the people he loved, who would never understand.\n\n1996\n\n# BASTER\n\nThe recipe came in the mail:\n\nMix semen of three men.\n\nStir vigorously.\n\nFill turkey baster.\n\nRecline.\n\nInsert nozzle.\n\nSqueeze.\n\nINGREDIENTS:\n\n1 pinch Stu Wadsworth\n\n1 pinch Jim Freeson\n\n1 pinch Wally Mars\n\nThere was no return address but Tomasina knew who had sent it: Diane, her best friend and, recently, fertility specialist. Ever since Tomasina's latest catastrophic breakup, Diane had been promoting what they referred to as Plan B. Plan A they'd been working on for some time. It involved love and a wedding. They'd been working on Plan A for a good eight years. But in the final analysis\u2014and this was Diane's whole point\u2014Plan A had proved much too idealistic. So now they were giving Plan B a look.\n\nPlan B was more devious and inspired, less romantic, more solitary, sadder, but braver, too. It stipulated borrowing a man with decent teeth, body, and brains, free of the major diseases, who was willing to heat himself up with private fantasies (they didn't have to include Tomasina) in order to bring off the tiny sputter that was indispensable to the grand achievement of having a baby. Like twin Schwarzkopfs, the two friends noted how the battlefield had changed of late: the reduction in their artillery (they'd both just turned forty); the increasing guerrilla tactics of the enemy (men didn't even come out into the open anymore); and the complete dissolution of the code of honor. The last man who'd got Tomasina pregnant\u2014not the boutique investment banker, the one before him, the Alexander Technique instructor\u2014hadn't even gone through the motions of proposing marriage. His idea of honor had been to split the cost of the abortion. There was no sense denying it: the finest soldiers had quit the field, joining the peace of marriage. What was left was a ragtag gang of adulterers and losers, hit-and-run types, village-burners. Tomasina had to give up the idea of meeting someone she could spend her life with. Instead, she had to give birth to someone who would spend life with her.\n\nBut it wasn't until she received the recipe that Tomasina realized she was desperate enough to go ahead. She knew it before she'd even stopped laughing. She knew it when she found herself thinking, Stu Wadsworth I could maybe see. But Wally Mars?\n\n\u2014\n\nTomasina\u2014I repeat, like a ticking clock\u2014was forty. She had pretty much everything she wanted in life. She had a great job as an assistant producer of _CBS Evening News with Dan Rather._ She had a terrific, adult-size apartment on Hudson Street. She had good looks, mostly intact. Her breasts weren't untouched by time, but they were holding their own. And she had new teeth. She had a set of gleaming new bonded teeth. They'd whistled at first, before she got used to them, but now they were fine. She had biceps. She had an IRA kicked up to $175,000. But she didn't have a baby. Not having a husband she could take. Not having a husband was, in some respects, preferable. But she wanted a baby.\n\n\"After thirty-five,\" the magazine said, \"a woman begins to have trouble conceiving.\" Tomasina couldn't believe it. Just when she'd got her head on straight, her body started falling apart. Nature didn't give a damn about her maturity level. Nature wanted her to marry her college boyfriend. In fact, from a purely reproductive standpoint, nature would have preferred that she marry her _high school_ boyfriend. While Tomasina had been going about her life, she hadn't noticed it: the eggs pitching themselves into oblivion, month by month. She saw it all now. While she canvassed for RIPIRG in college, her uterine walls had been thinning. While she got her journalism degree, her ovaries had cut estrogen production. And while she slept with as many men as she wanted, her fallopian tubes had begun to narrow, to clog. During her twenties. That extended period of American childhood. The time when, educated and employed, she could finally have some fun. Tomasina once had five orgasms with a cabdriver named Ignacio Veranes while parked on Gansevoort Street. He had a bent, European-style penis and smelled like machine oil. Tomasina was twenty-five at the time. She wouldn't do it again, but she was glad she'd done it then. So as not to have regrets. But in eliminating some regrets you create others. She'd only been in her twenties. She'd been playing around was all. But the twenties become the thirties, and a few failed relationships put you at thirty-five, when one day you pick up _Mirabella_ and read, \"After thirty-five, a woman's fertility begins to decrease. With each year, the proportion of miscarriages and birth defects rises.\"\n\nIt had risen for five years now. Tomasina was forty years, one month, and fourteen days old. And panicked, and sometimes not panicked. Sometimes perfectly calm and accepting about the whole thing.\n\nShe thought about them, the little children she never had. They were lined at the windows of a ghostly school bus, faces pressed against the glass, huge-eyed, moist-lashed. They looked out, calling, \"We understand. It wasn't the right time. We understand. We _do_.\"\n\nThe bus shuddered away, and she saw the driver. He raised one bony hand to the gearshift, turning to Tomasina as his face split open in a smile.\n\nThe magazine also said that miscarriages happened all the time, without a woman's even noticing. Tiny blastulas scraped against the womb's walls and, finding no purchase, hurtled downward through the plumbing, human and otherwise. Maybe they stayed alive in the toilet bowl for a few seconds, like goldfish. She didn't know. But with three abortions, one official miscarriage, and who knows how many unofficial ones, Tomasina's school bus was full. When she awoke at night, she saw it slowly pulling away from the curb, and she heard the noise of the children packed in their seats, that cry of children indistinguishable between laughter and scream.\n\n\u2014\n\nEveryone knows that men objectify women. But none of our sizing up of breasts and legs can compare with the coldblooded calculation of a woman in the market for semen. Tomasina was a little taken aback by it herself, and yet she couldn't help it: once she made her decision, she began to see men as walking spermatozoa. At parties, over glasses of Barolo (soon to be giving it up, she drank like a fish), Tomasina examined the specimens who came out of the kitchen, or loitered in the hallways, or held forth from the armchairs. And sometimes, her eyes misting, she felt that she could discern the quality of each man's genetic material. Some semen auras glowed with charity; others were torn with enticing holes of savagery; still others flickered and dimmed with substandard voltage. Tomasina could ascertain health by a guy's smell or complexion. Once, to amuse Diane, she'd ordered every male party guest to stick out his tongue. The men had obliged, asking no questions. Men always oblige. Men _like_ being objectified. They thought that their tongues were being inspected for nimbleness, toward the prospect of oral abilities. \"Open up and say ah,\" Tomasina kept commanding, all night long. And the tongues unfurled for display. Some had yellow spots or irritated taste buds, others were blue as spoiled beef. Some performed lewd acrobatics, flicking up and down or curling upward to reveal spikes depending from their undersides like the armor of deep-sea fish. And then there were two or three that looked perfect, opalescent as oysters and enticingly plump. These were the tongues of the married men, who'd already donated their semen\u2014in abundance\u2014to the lucky women taxing the sofa cushions across the room. The wives and mothers who were nursing other complaints by now, of insufficient sleep and stalled careers\u2014complaints that to Tomasina were desperate wishes.\n\n\u2014\n\nAt this point, I should introduce myself. I'm Wally Mars. I'm an old friend of Tomasina's. Actually, I'm an old boyfriend. We went out for three months and seven days in the spring of 1985. At the time, most of Tomasina's friends were surprised that she was dating me. They said what she did when she saw my name on the ingredient list. They said, \"Wally Mars?\" I was considered too short (I'm only five feet four), and not athletic enough. Tomasina loved me, though. She was crazy about me for a while. Some dark hook in our brains, which no one could see, linked us up. She used to sit across the table, tapping it and saying, \"What else?\" She liked to hear me talk.\n\nShe still did. Every few weeks she called to invite me to lunch. And I always went. At the time all this happened, we made a date for a Friday. When I got to the restaurant, Tomasina was already there. I stood behind the hostess station for a moment, looking at her from a distance and getting ready. She was lounging back in her chair, sucking the life out of the first of the three cigarettes she allowed herself at lunch. Above her head, on a ledge, an enormous flower arrangement exploded into bloom. Have you noticed? Flowers have gone multicultural, too. Not a single rose, tulip, or daffodil lifted its head from the vase. Instead, jungle flora erupted: Amazonian orchids, Sumatran flytraps. The jaws of one flytrap trembled, stimulated by Tomasina's perfume. Her hair was thrown back over her bare shoulders. She wasn't wearing a top\u2014no, she was. It was flesh-colored and skintight. Tomasina doesn't exactly dress corporate, unless you could call a brothel a kind of corporation. What she has to display was on display. (It was on display every morning for Dan Rather, who had a variety of nicknames for Tomasina, all relating to Tabasco sauce.) Somehow, though, Tomasina got away with her chorus-girl outfits. She toned them down with her maternal attributes: her homemade lasagna, her hugs and kisses, her cold remedies.\n\nAt the table, I received both a hug and a kiss. \"Hi, hon!\" she said, and pressed herself against me. Her face was all lit up. Her left ear, inches from my cheek, was a flaming pink. I could feel its heat. She pulled away and we looked at each other.\n\n\"So,\" I said. \"Big news.\"\n\n\"I'm going to do it, Wally. I'm going to have a baby.\"\n\nWe sat down. Tomasina took a drag on her cigarette, then funneled her lips to the side, expelling smoke.\n\n\"I just figured, Fuck it,\" she said. \"I'm forty. I'm an adult. I can do this.\" I wasn't used to her new teeth. Every time she opened her mouth it was like a flashbulb going off. They looked good, though, her new teeth. \"I don't care what people think. People either get it or they don't. I'm not going to raise it all by myself: my sister's going to help. And Diane. You can babysit, too, Wally, if you want.\"\n\n\"Me?\"\n\n\"You can be an uncle.\" She reached across the table and squeezed my hand. I squeezed back.\n\n\"I hear you've got a list of candidates on a recipe,\" I said.\n\n\"What?\"\n\n\"Diane told me she sent you a recipe.\"\n\n\"Oh, that.\" She inhaled. Her cheeks hollowed out.\n\n\"And I was on it or something?\"\n\n\"Old boyfriends.\" Tomasina exhaled upward. \"All my old boyfriends.\"\n\nJust then the waiter arrived to take our drink order.\n\nTomasina was still gazing up at her spreading smoke. \"Martini up very dry two olives,\" she said. Then she looked at the waiter. She kept looking. \"It's Friday,\" she explained. She ran her hand through her hair, flipping it back. The waiter smiled.\n\n\"I'll have a martini, too,\" I said. The waiter turned and looked at me. His eyebrows rose and then he turned back to Tomasina. He smiled again and went off.\n\nAs soon as he was gone, Tomasina leaned across the table to whisper in my ear. I leaned, too. Our foreheads touched. And then she said, \"What about him?\"\n\n\"Who?\"\n\n_\"Him.\"_\n\nShe indicated with her head. Across the restaurant, the waiter's tensed buns retreated, dipping and weaving.\n\n\"He's a waiter.\"\n\n\"I'm not going to marry him, Wally. I just want his sperm.\"\n\n\"Maybe he'll bring some out as a side dish.\"\n\nTomasina sat back, stubbing out her cigarette. She pondered me from a distance, then reached for cigarette number two. \"Are you going to get all hostile again?\"\n\n\"I'm not being hostile.\"\n\n\"Yes, you are. You were hostile when I told you about this and you're acting hostile now.\"\n\n\"I just don't know why you want to pick the waiter.\"\n\nShe shrugged. \"He's cute.\"\n\n\"You can do better.\"\n\n\"Where?\"\n\n\"I don't know. A lot of places.\" I picked up my soup spoon. I saw my face in it, tiny and distorted. \"Go to a sperm bank. Get a Nobel Prize winner.\"\n\n\"I don't just want smart. Brains aren't everything.\" Tomasina squinted, sucking in smoke, then looked off dreamily. \"I want the whole package.\"\n\nI didn't say anything for a minute. I picked up my menu. I read the words _Fricass\u00e9e de Lapereau_ nine times. What was bothering me was this: the state of nature. It was becoming clear to me\u2014clearer than ever\u2014what my status was in the state of nature: it was low. It was somewhere around hyena. This wasn't the case, as far as I knew, back in civilization. I'm a catch, pragmatically speaking. I make a lot of money, for one thing. My IRA is pumped up to $254,000. But money doesn't count, apparently, in the selection of semen. The waiter's tight buns counted for more.\n\n\"You're against the idea, aren't you?\" Tomasina said.\n\n\"I'm not against it. I just think, if you're going to have a baby, it's best if you do it with somebody else. Who you're in love with.\" I looked up at her. \"And who loves you.\"\n\n\"That'd be great. But it's not happening.\"\n\n\"How do you know?\" I said. \"You might fall in love with somebody tomorrow. You might fall in love with somebody six months from now.\" I looked away, scratching my cheek. \"Maybe you've already met the love of your life and don't even know it.\" Then I looked back into her eyes. \"And then you realize it. And it's too late. There you are. With some stranger's baby.\"\n\nTomasina was shaking her head. \"I'm forty, Wally. I don't have much time.\"\n\n\"I'm forty, too,\" I said. \"What about me?\"\n\nShe looked at me closely, as though detecting something in my tone, then dismissed it with a wave. \"You're a man. You've got time.\"\n\n\u2014\n\nAfter lunch, I walked the streets. The restaurant's glass door launched me into the gathering Friday evening. It was four thirty and already getting dark in the caverns of Manhattan. From a striped chimney buried in the asphalt, steam shot up into the air. A few tourists were standing around it, making low Swedish sounds, amazed by our volcanic streets. I stopped to watch the steam, too. I was thinking about exhaust, anyway, smoke and exhaust. That school bus of Tomasina's? Looking out one window was my kid's face. Our kid's. We'd been going out three months when Tomasina got pregnant. She went home to New Jersey to discuss it with her parents and returned three days later, having had an abortion. We broke up shortly after that. So I sometimes thought of him, or her, my only actual, snuffed-out offspring. I thought about him right then. What would the kid have looked like? Like me, with buggy eyes and potato nose? Or like Tomasina? Like her, I decided. With any luck, the kid would look like her.\n\n\u2014\n\nFor the next few weeks I didn't hear anything more. I tried to put the whole subject out of my mind. But the city wouldn't let me. Instead, the city began filling with babies. I saw them in elevators and lobbies and out on the sidewalk. I saw them straitjacketed into car seats, drooling and ranting. I saw babies in the park, on leashes. I saw them on the subway, gazing at me with sweet, gummy eyes over the shoulders of Dominican nannies. New York was no place to be having babies. So why was everybody having them? Every fifth person on the street toted a pouch containing a bonneted larva. They looked like they needed to go back inside the womb.\n\nMostly you saw them with their mothers. I always wondered who the fathers were. What did they look like? How big were they? Why did they have a kid and I didn't? One night I saw a whole Mexican family camping out in a subway car. Two small children tugged at the mother's sweatpants while the most recent arrival, a caterpillar wrapped in a leaf, suckled at the wineskin of her breast. And across from them, holding the bedding and the diaper bag, the progenitor sat with open legs. No more than thirty, small, squat, paint-spattered, with the broad flat face of an Aztec. An ancient face, a face of stone, passed down through the centuries into those overalls, this hurtling train, this moment.\n\nThe invitation came five days later. It sat quietly in my mailbox amid bills and catalogues. I noticed Tomasina's return address and ripped the envelope open. On the front of the invitation a champagne bottle foamed out the words:\n\nInside, cheerful green type announced, \"On Saturday, April 13, Come Celebrate Life!\"\n\nThe date, I learned afterward, had been figured precisely. Tomasina had used a basal thermometer to determine her times of ovulation. Every morning before getting out of bed, she took her resting temperature and plotted the results on a graph. She also inspected her underpants on a daily basis. A clear, albumeny discharge meant that her egg had dropped. She had a calendar on the refrigerator, studded with red stars. She was leaving nothing to chance.\n\nI thought of canceling. I toyed with fictitious business trips and tropical diseases. I didn't want to go. I didn't want there to be parties like this. I asked myself if I was jealous or just conservative and decided both. And then, of course, in the end, I did go. I went to keep from sitting at home thinking about it.\n\n\u2014\n\nTomasina had lived in the same apartment for eleven years. But when I got there that night it looked completely different. The familiar speckled pink carpeting, like a runner of olive loaf, led up from the lobby, past the same dying plant on the landing, to the yellow door that used to open to my key. The same mezuzah, forgotten by the previous tenants, was still tacked over the threshold. According to the brass marker, 2-A, this was still the same high-priced one-bedroom I'd spent ninety-eight consecutive nights in almost ten years ago. But when I knocked and then pushed open the door I didn't recognize it. The only light came from candles scattered around the living room. While my eyes adjusted, I groped my way along the wall to the closet\u2014it was right where it used to be\u2014and hung up my coat. There was a candle burning on a nearby chest, and, taking a closer look, I began to get some idea of the direction Tomasina and Diane had gone with the party decorations. Though inhumanly large, the candle was nevertheless an exact replica of the male member in proud erection, the detailing almost hyperrealistic, right down to the tributaries of veins and the sandbar of the scrotum. The phallus's fiery tip illuminated two other objects on the table: a clay facsimile of an ancient Canaanite fertility goddess of the type sold at feminist bookstores and New Age emporiums, her womb domed, her breasts bursting; and a package of Love incense, bearing the silhouette of an entwined couple.\n\nI stood there as my pupils dilated. Slowly the room bodied forth. There were a lot of people, maybe as many as seventy-five. It looked like a Halloween party. Women who all year secretly wanted to dress sexy _had_ dressed sexy. They wore low-cut bunny tops or witchy gowns with slits up the sides. Quite a few were stroking the candles provocatively or fooling around with the hot wax. But they weren't young. Nobody was young. The men looked the way men have generally looked for the past twenty years: under threat yet agreeable. They looked like me.\n\nChampagne bottles were going off, just like on the invitation. After every pop a woman shouted, \"Ooops, I'm pregnant!\" and everyone laughed. Then I did recognize something: the music. It was Jackson Browne. One of the things I used to find endearing about Tomasina was her antiquated and sentimental record collection. She still had it. I could remember dancing to this very album with her. Late one night, we just took off our clothes and started dancing all alone. It was one of those spontaneous living-room dances you have at the beginning of a relationship. On a hemp rug we twirled each other around, naked and graceless in secret, and it never happened again. I stood there, remembering, until someone came up from behind.\n\n\"Hey, Wally.\"\n\nI squinted. It was Diane.\n\n\"Just tell me,\" I said, \"that we don't have to watch.\"\n\n\"Relax. It's totally PG. Tomasina's going to do it later. After everybody's gone.\"\n\n\"I can't stay long,\" I said, looking around the room.\n\n\"You should see the baster we got. Four ninety-five, on sale at Macy's basement.\"\n\n\"I'm meeting someone later for a drink.\"\n\n\"We got the donor cup there, too. We couldn't find anything with a lid. So we ended up getting this plastic toddler's cup. Roland already filled it up.\"\n\nSomething was in my throat. I swallowed.\n\n\"Roland?\"\n\n\"He came early. We gave him a choice between a _Hustler_ and a _Penthouse._ \"\n\n\"I'll be careful what I drink from the refrigerator.\"\n\n\"It isn't in the refrigerator. It's under the sink, in the bathroom. I was worried somebody _would_ drink it.\"\n\n\"Don't you have to freeze it?\"\n\n\"We're using it in an hour. It keeps.\"\n\nI nodded, for some reason. I was beginning to be able to see clearly now. I could see all the family photographs on the mantel. Tomasina and her dad. Tomasina and her mom. The whole Genovese clan up in an oak tree. And then I said, \"Call me old-fashioned but...\" and trailed off.\n\n\"Relax, Wally. Have some champagne. It's a _party._ \"\n\nThe bar had a bartender. I waved off the champagne and asked for a glass of scotch, straight. While I waited, I scanned the room for Tomasina. Out loud, though pretty quietly, I said, with bracing sarcasm, \"Roland.\" That was just the kind of name it would have to be. Someone out of a medieval epic. \"The Sperm of Roland.\" I was getting whatever enjoyment I could out of this when suddenly I heard a deep voice somewhere above me say, \"Were you talking to me?\" I looked up, not into the sun, exactly, but into its anthropomorphic representation. He was both blond and orange, _and_ large, and the candle behind him on the bookshelf lit up his mane like a halo.\n\n\"Have we met? I'm Roland DeMarchelier.\"\n\n\"I'm Wally Mars,\" I said. \"I thought that might be you. Diane pointed you out to me.\"\n\n\"Everybody's pointing me out. I feel like some kind of prize hog,\" he said, smiling. \"My wife just informed me that we're leaving. I managed to negotiate for one more drink.\"\n\n\"You're married?\"\n\n\"Seven years.\"\n\n\"And she doesn't mind?\"\n\n\"Well, she didn't. Right now I'm not so sure.\"\n\nWhat can I say about his face? It was open. It was a face used to being looked at, looked into, without flinching. His skin was a healthy apricot color. His eyebrows, also apricot, were shaggy like an old poet's. They saved his face from being too boyish. It was this face Tomasina had looked at. She'd looked at it and said, \"You're hired.\"\n\n\"My wife and I have two kids. We had trouble getting pregnant the first time, though. So we know how it can be. The anxiety and the timing and everything.\"\n\n\"Your wife must be a very open-minded woman,\" I said. Roland narrowed his eyes, making a sincerity check\u2014he wasn't stupid, obviously (Tomasina had probably unearthed his SAT scores). Then he gave me the benefit of the doubt. \"She says she's flattered. I know I am.\"\n\n\"I used to go out with Tomasina,\" I said. \"We used to live together.\"\n\n\"Really?\"\n\n\"We're just friends now.\"\n\n\"It's good when that happens.\"\n\n\"She wasn't thinking about babies back when we went out,\" I said.\n\n\"That's how it goes. You think you have all the time in the world. Then boom. You find you don't.\"\n\n\"Things might have been different,\" I said. Roland looked at me again, not sure how to take my comment, and then gazed across the room. He smiled at someone and held up his drink. Then he was back to me. \"That didn't work. My wife wants to go.\" He set down his glass and turned to leave. \"Nice to meet you, Wally.\"\n\n\"Keep on plugging,\" I said, but he didn't hear me, or pretended not to.\n\nI'd already finished my drink, so I got a refill. Then I went in search of Tomasina. I shouldered my way across the room and squeezed down the hall. I stood up straight, showing off my suit. A few women looked at me, then away. Tomasina's bedroom door was closed, but I still felt entitled to open it.\n\nShe was standing by the window, smoking and looking out. She didn't hear me come in, and I didn't say anything. I just stood there, looking at her. What kind of dress should a girl wear to her Insemination Party? Answer: The one Tomasina had on. This wasn't skimpy, technically. It began at her neck and ended at her ankles. Between those two points, however, an assortment of peepholes had been ingeniously razored into the fabric, revealing a patch of thigh here, a glazed hip bone there; up above, the white sideswell of a breast. It made you think of secret orifices and dark canals. I counted the shining patches of skin. I had two hearts, one up, one down, both pumping.\n\nAnd then I said, \"I just saw Secretariat.\"\n\nShe swung around. She smiled, though not quite convincingly. \"Isn't he gorgeous?\"\n\n\"I still think you should have gone with Isaac Asimov.\" She came over and we kissed cheeks. I kissed hers, anyway. Tomasina kissed mostly air. She kissed my semen aura.\n\n\"Diane says I should forget the baster and just sleep with him.\"\n\n\"He's married.\"\n\n\"They all are.\" She paused. \"You know what I mean.\"\n\nI made no sign that I did. \"What are you doing in here?\"\n\nShe took two rapid-fire puffs on her cigarette, as though to fortify herself. Then she answered, \"Freaking out.\"\n\n\"What's the matter?\"\n\nShe covered her face with her hand. \"This is _depressing,_ Wally. This isn't how I wanted to have a baby. I thought this party would make it fun, but it's just depressing.\" She dropped her hand and looked into my eyes. \"Do you think I'm crazy? You do, don't you?\"\n\nHer eyebrows went up, pleading. Did I tell you about Tomasina's freckle? She has this freckle on her lower lip like a piece of chocolate. Everybody's always trying to wipe it off.\n\n\"I don't think you're crazy, Tom,\" I said.\n\n\"You don't?\"\n\n\"No.\"\n\n\"Because I trust you, Wally. You're mean, so I trust you.\"\n\n\"What do you mean I'm mean?\"\n\n\"Not _bad_ mean. Good mean. I'm not crazy?\"\n\n\"You want to have a baby. It's natural.\"\n\nSuddenly Tomasina leaned forward and rested her head on my chest. She had to lean down to do it. She closed her eyes and let out a long sigh. I put my hand on her back. My fingers found a peephole and I stroked her bare skin. In a warm, thoroughly grateful voice, she said, \"You get it, Wally. You totally get it.\"\n\nShe stood up and smiled. She looked down at her dress, adjusting it so that her navel showed, and then took my arm.\n\n\"Come on,\" she said. \"Let's go back to the party.\"\n\nI didn't expect what happened next. When we came out, everybody cheered. Tomasina held on to my arm and we started waving to the crowd like a couple of royals. For a minute I forgot about the purpose of the party. I just stood arm in arm with Tomasina and accepted the applause. When the cheers died down, I noticed that Jackson Browne was still playing. I leaned over and whispered to Tomasina, \"Remember dancing to this song!\"\n\n\"Did we dance to this?\"\n\n\"You don't remember?\"\n\n\"I've had this album forever. I've probably danced to it a thousand times.\" She broke off. She let go of my arm.\n\nMy glass was empty again.\n\n\"Can I ask you something, Tomasina?\"\n\n\"What?\"\n\n\"Do you ever think about you and me?\"\n\n\"Wally, don't.\" She turned away and looked at the floor. After a moment, in a reedy, nervous voice, she said, \"I was really screwed up back then. I don't think I could have stayed with anybody.\"\n\nI nodded. I swallowed. I told myself not to say the next thing. I looked over at the fireplace, as though it interested me, and then I said it: \"Do you ever think about our kid?\"\n\nThe only sign that she'd heard me was a twitch next to her left eye. She took a deep breath, let it out. \"That was a long time ago.\"\n\n\"I know. It's just that when I see you going to all this trouble I think it could be different sometimes.\"\n\n\"I don't think so, Wally.\" She picked a piece of lint off the shoulder of my jacket, frowning. Then she tossed it away. \"God! Sometimes I wish I was Benazir Bhutto or somebody.\"\n\n\"You want to be prime minister of Pakistan?\"\n\n\"I want a nice, simple, arranged marriage. Then after my husband and I sleep together he can go off and play polo.\"\n\n\"You'd like that?\"\n\n\"Of course not. That would be horrible.\" A tress fell into her eyes and she backhanded it into place. She looked around the room. Then she straightened up and said, \"I should mingle.\"\n\nI held up my glass. \"Be fruitful and multiply,\" I said. And Tomasina squeezed my arm and was gone.\n\nI stayed where I was, drinking from my empty glass to have something to do. I looked around the room for any women I hadn't met. There weren't any. Over at the bar, I switched to champagne. I had the bartender fill my glass three times. Her name was Julie and she was majoring in art history at Columbia University. While I was standing there, Diane stepped into the middle of the room and clinked her glass. Other people followed and the room got quiet.\n\n\"First of all,\" Diane began, \"before we kick everyone out of here, I'd like to make a toast to tonight's oh-so-generous donor, Roland. We conducted a nationwide search and, let me tell you, the auditions were _grueling._ \" Everybody laughed. Somebody shouted, \"Roland left.\"\n\n\"He left? Well, we'll toast his semen. We've still got that.\" More laughter, a few drunken cheers. Some people, men and women both now, were picking up the candles and waving them around.\n\n\"And, finally,\" Diane went on, \"finally, I'd like to toast our soon-to-be-expecting\u2014knock on wood\u2014mother. Her courage in seizing the means of production is an inspiration to us all.\" They were pulling Tomasina out onto the floor now. People were hooting. Tomasina's hair was falling down. She was flushed and smiling. I tapped Julie on the arm, extending my glass. Everyone was looking at Tomasina when I turned and slipped into the bathroom.\n\nAfter shutting the door, I did something I don't usually do. I stood and looked at myself in the mirror. I stopped doing that, for any prolonged period, at least twenty years ago. Staring into mirrors was best at around thirteen. But that night I did it again. In Tomasina's bathroom, where we'd once showered and flossed together, in that cheerful, brightly tiled grotto, I presented myself to myself. You know what I was thinking? I was thinking about nature. I was thinking about hyenas again. The hyena, I remembered, is a fierce predator. Hyenas even attack lions on occasion. They aren't much to look at, hyenas, but they do OK for themselves. And so I lifted my glass. I lifted my glass and toasted myself: \"Be fruitful and multiply.\"\n\nThe cup was right where Diane had said it would be. Roland had placed it, with priestly care, on top of a bag of cotton balls. The toddler cup sat enthroned on a little cloud. I opened it and inspected his offering. It barely covered the bottom of the cup, a yellowish scum. It looked like rubber cement. It's terrible, when you think about it. It's terrible that women need this stuff. It's so paltry. It must make them crazy, having everything they need to create life but this one meager leaven. I rinsed Roland's out under the faucet. Then I checked to see that the door was locked. I didn't want anybody to burst in on me.\n\n\u2022\n\nThat was ten months ago. Shortly after, Tomasina got pregnant. She swelled to immense proportions. I was away on business when she gave birth in the care of a midwife at St. Vincent's. But I was back in time to receive the announcement:\n\n> _**Tomasina Genovese proudly announces**_\n> \n> _**the birth of her son,**_\n> \n> _**Joseph Mario Genovese,**_\n> \n> _**on January 15, 1996.**_\n> \n> _**5 lbs. 3 oz.**_\n\nThe small size alone was enough to clinch it. Nevertheless, bringing a Tiffany spoon to the little heir the other day, I settled the question as I looked down into his crib. The potato nose. The buggy eyes. I'd waited ten years to see that face at the school-bus window. Now that I did, I could only wave goodbye.\n\n1995\n\n# EARLY MUSIC\n\nAs soon as he came in the front door, Rodney went straight to the music room. That was what he called it, wryly but not without some hope: the music room. It was a small, dogleg-shaped fourth bedroom that had been created when the building was cut up into apartments. It qualified as a music room because it contained his clavichord.\n\nThere it stood on the unswept floor: Rodney's clavichord. It was apple green with gold trim and bore a scene of geometric gardens on the inside of its lifted lid. Modeled on the Bodechtel clavichords built in the 1790s, Rodney's had come from the Early Music Shop, in Edinburgh, three years ago. Still, resting there majestically in the dim light\u2014it was winter in Chicago\u2014the clavichord looked as though it had been waiting for Rodney to play it not only for the nine and a half hours since he'd left for work but for a couple of centuries at least.\n\nYou didn't need that big a room for a clavichord. A clavichord wasn't a piano. Spinets, virginals, fortepianos, clavichords, and even harpsichords were relatively small instruments. The eighteenth-century musicians who'd played them were small. Rodney was big, however\u2014six feet three. He sat down gently on the narrow bench. Carefully he slid his knees under the keyboard. With closed eyes he began to play from memory a Sweelinck prelude.\n\nEarly music is rational, mathematical, a little bit stiff, and so was Rodney. He'd been that way long before he'd ever seen a clavichord or written a doctoral dissertation (unfinished) on temperament systems during the German Reformation. But Rodney's immersion in the work of Bach p\u00e8re et fils had only fortified his native inclinations. The other piece of furniture in the music room was a small teak desk. In its drawers and pigeonholes were the super-organized files Rodney kept: health-insurance records; alphabetized appliance manuals along with warranties; the twins' immunization histories, birth certificates, and Social Security cards; plus three years' worth of monthly budgets stipulating household expenses down to the maximum allowed for heating (Rodney kept the apartment a bracing 58 degrees). A little cold weather was good for you. Cold weather was like Bach: it sorted the mind. On top of the desk was this month's folder, marked \"FEB '05.\" It contained three credit-card statements with horrendous running balances and the ongoing correspondence from the collection agency that was dunning Rodney for defaulting on his monthly payments to the Early Music Shop.\n\nHis back was straight as he played; his face twitched. Behind closed eyelids, his eyeballs fluttered in time with the quick notes.\n\nAnd then the door swung open and Imogene, who was six, shouted in her longshoreman's voice:\n\n\"Daddy! Dinner!\"\n\nHaving completed this task, she slammed the door shut again. Rodney stopped. Looking at his watch, he saw that he'd been playing\u2014practicing\u2014for exactly four minutes.\n\n\u2022\n\nThe house Rodney grew up in had been neat and tidy. They used to do that in those days. They used to house-clean. They, of course, meant she: a mother. All those years of vacuumed carpets and spick-and-span kitchens, of shirts that miraculously picked themselves up off the floor only to reappear freshly laundered in the dresser drawer\u2014the whole functioning efficiency that used to be a house was no more. Women had given all that up when they went to work.\n\nOr even when they didn't. Rebecca, Rodney's wife, didn't work outside the home. She worked in the apartment, in a back bedroom. She didn't call it a bedroom. She called it an office. Rodney had a music room in which he played little music. Rebecca had an office in which she did little business. But she was there a lot, all day, while Rodney was at work at a real office in the city.\n\nAs he came out of the sanctuary of the music room, Rodney stepped around the cardboard boxes and rolls of bubble wrap and stray toys crowding the hall. He turned sideways to squeeze by the squad of winter coats hanging on the wall above crusty boots and single mittens. Moving into the living room, he stepped on something that felt like a mitten. But it wasn't. It was a stuffed mouse. Sighing, Rodney picked it up. A little bigger than a real mouse, this particular mouse was baby blue in color and wore a black beret. It appeared to have a cleft palate.\n\n\"You're supposed to be cute,\" Rodney said to the mouse. \"Exert yourself.\"\n\nThe mice were what Rebecca did. They were part of a line called Mice 'n' Warm\u2122, which included, at present, four \"characters\": Modernist Mouse, Boho Mouse, Surfer-Realist Mouse, and Flower-Power Mouse. Each artistic rodent was filled with aromatic pellets and was irresistibly squeezable. The selling point (still mainly theoretical) was that you could put these mice in the microwave and they would come out muffin-warm and smelling like potpourri.\n\nRodney carried the mouse in cupped hands, like an injured thing, into the kitchen.\n\n\"Escapee,\" he said, by way of greeting.\n\nRebecca looked up from the sink, where she was straining pasta, and frowned. \"Throw that in the trash,\" she said. \"It's a reject.\"\n\nFrom the twins at the table came a cry of alarm. They didn't like the mice to meet untimely ends. Springing up, they rushed their father with clutching hands.\n\nRodney held Boho Mouse higher.\n\nImmy, who had Rebecca's sharp chin along with her clear-eyed determination, climbed up on a chair. Tallulah, always the more instinctive and feral of the two, just grabbed Rodney's arm and started walking up his leg.\n\nWhile this assault was under way, Rodney said to Rebecca, \"Let me guess. It's the mouth.\"\n\n\"It's the mouth,\" Rebecca said. \"And the smell. Smell it.\"\n\nIn order to do so, Rodney had to turn and pop the mouse into the microwave, hitting the warm-up button.\n\nAfter twenty seconds, he took the warm mouse out and held it to his nose.\n\n\"It's not that bad,\" he said. \"But I see what you mean. A little more armpit than would be ideal.\"\n\n\"It's supposed to be musk.\"\n\n\"On the other hand,\" said Rodney, \"B.O. is perfect for a bohemian.\"\n\n\"I've got five kilos of musk-scented pellets,\" moaned Rebecca, \"which are now useless.\"\n\nRodney crossed the kitchen and stepped on the trash-can pedal, raising the lid. He tossed the mouse in and let the trash can close. It felt good to toss the mouse. He wanted to do it again.\n\n\u2022\n\nIt had probably not been a wise move to buy the clavichord. For one thing, it cost a small fortune. And they didn't have a fortune of any size to spend. Also, Rodney had stopped playing professionally ten years earlier. After the twins were born, he'd stopped playing altogether. To drive all the way down to Hyde Park from Logan Square, and then to drive around and around looking for a place to park (Hyde Park, went the joke, you can't hide and you can't park), and then to unpeel his U. of Chicago ID from his wallet, holding a thumb over the ridiculously out-of-date photo while waving it at the security guard, in order to gain admittance to practice room 113, where for an hour, on the battered but not untuneful university clavichord, Rodney would work through a few bourr\u00e9es and roundelays, just to keep a hand in\u2014all that became too difficult after the kids were born. Back in the days when Rodney and Rebecca had both been pursuing a Ph.D. (back when they were childless and super-focused and surviving on yogurt and brewer's yeast), Rodney had spent three or four hours a day playing the department clavichord. The harpsichord next door had been in great demand. But the clavichord was always free. This was because it was a pedal clavichord, that rare beast, and no one liked to play it. It was a speculative replica of an early-eighteenth-century clavichord, and the pedal unit (which some lead-footed student had stomped on pretty thoroughly) was a little funky. But Rodney got used to it, and from then on the clavichord was like Rodney's own personal instrument, until he dropped out of the program and became a father and took a job on the North Side giving piano lessons at the Old Town School of Folk Music.\n\nThe thing about early music was nobody knew quite what it had sounded like. Disputes about how to tune a harpsichord or clavichord constituted a good part of the discipline. The question was \"How had Bach tuned _his_ harpsichord?\" And nobody knew. People argued about what Johann Sebastian had meant by _wohltemperiert._ They tuned their instruments in a historically likely manner and studied the hand-drawn schematics on the title pages of various Bach compositions.\n\nRodney had intended to settle this question in his dissertation. He was going to figure out, once and for all, exactly how Bach had tuned his harpsichord, how his music had sounded at the time, and, therefore, _how it should be played now._ To do this, he would have to go to Germany. He would have to go, in fact, to East Germany (Leipzig) in order to examine the actual harpsichord on which Bach himself had composed and onto whose keyboard (so it was rumored) the Master had written his preferred markings. In the fall of 1987, with the help of a doctoral grant\u2014and with Rebecca on a _Stiftung_ at the Freie Universit\u00e4t\u2014Rodney had set off for West Berlin. They lived in a two-room sublet near Savignyplatz featuring a sit-down shower and a toilet with a shelf. The leaseholder was a guy named Frank, from Montana, who'd come to Berlin to build sets for experimental theater. A married professor had also used the place to entertain his girlfriends. In the flannel-sheeted bed where Rebecca and Rodney had sex, they encountered miscellaneous pubic hairs. The professor's shaving equipment remained in the tiny, malodorous bathroom. On the toilet shelf their feces landed high and dry, ready for inspection. It would have been unbearable if they hadn't been twenty-six and poor and in love. Rodney and Rebecca washed the sheets and hung them out to dry on the balcony. They got used to the dinky tub. They continued to complain about, and be entirely grossed out by, the shelf.\n\nWest Berlin wasn't what Rodney had expected. It was nothing like early music. West Berlin was completely irrational and unmathematical, not stiff but loose. It was full of war widows, draft dodgers, squatters, anarchists. Rodney didn't like the cigarette smoke. The beer made him feel bloated. So he escaped, going as often as he could to the Philharmonie or the Deutsche Oper.\n\nRebecca had fared better. She'd become friendly with the people in the _Wohngemeinschaft_ one floor above them. Wearing soft-soled Maoist shoes or ankle bracelets or ironic monocles, the six young Germans pooled their money, swapped partners, and held deep-throated conversations about Kantian ethics as it applied to traffic disputes. Every few months, one or another of them disappeared to Tunisia or India or returned to Hamburg to enter the family export business. At Rebecca's urging, Rodney politely attended their parties, but he always felt too scrubbed in their company, too apolitical, too blithely American.\n\nIn October, when he went to the East German Embassy to pick up his academic visa, Rodney was told that his request had been denied. The minor diplomat who relayed this news wasn't an Eastern Bloc functionary but a kind-looking, balding, nervous man, who seemed genuinely sorry. He himself was from Leipzig, he said, and as a child had attended the Thomaskirche, where Bach had been the director of choir and music. Rodney appealed to the American Embassy, in Bonn, but they were powerless to help. He made a frantic call to his advisor, Professor Breskin, back in Chicago, who was going through a divorce and was less than compassionate. In a sardonic voice he'd said, \"Got any other dissertation ideas?\"\n\nThe lindens along the Ku'damm lost their leaves. In Rodney's opinion, the leaves had never turned orange enough, red enough, to die. But this was how autumn was handled in Prussia. Winter, too, never quite got to be winter: rain, gray skies, scant snow\u2014just a dampness that worked its way into Rodney's bones as he walked from church concert to church concert. He had six months left in Berlin and no idea how to fill them.\n\nAnd then, in early spring, a wonderful thing had happened. Lisa Turner, the cultural attach\u00e9 at the American Embassy, invited Rodney to tour Germany, playing Bach, as part of a _Deutsche-Amerikanische Freundschaft_ program. For a month and a half, Rodney traveled through mostly small towns in Swabia, North Rhine\u2013Westphalia, and Bavaria, putting on concerts in local halls. He stayed in dollhouse-size hotel rooms full of dollhouse knickknacks; he slept on single beds under wonderfully soft duvets. Lisa Turner accompanied him, seeing to Rodney's every need and taking particular care of his traveling companion. This wasn't Rebecca. Rebecca had stayed in Berlin to write the first draft of her thesis. Rodney's companion was a clavichord, made by Hass in 1761 and, then and now, the single most beautiful, expressive, and finicky clavichord Rodney's trembling, delighted hands had ever touched.\n\nRodney wasn't famous. But the Hass clavichord was. In Munich, three separate newspaper photographers had shown up before the concert at the Rathaus to take a picture of the clavichord. Rodney stood behind it, a mere retainer.\n\nThat the audiences who came to see Rodney weren't large, that the universally retired members of these audiences were permanently stone-faced from years and years of faithfully enduring high culture, that fifteen minutes into a piece by Scheidemann a third of the audience would be asleep, their mouths open as though singing along or sustaining one long complaint\u2014none of that bothered Rodney. He was getting paid, which had never happened before. The halls that Lisa Turner optimistically rented were two- or three-hundred-seat places. With twenty-five or sixteen or (in Heidelberg) three people in attendance, Rodney had the feeling that he was alone, playing for himself. He tried to hear the notes the Master had played more than two hundred years earlier, to catch them on the wind of the moment and reproduce them. It was like bringing Bach back to life and going back in time simultaneously. This was what Rodney thought about as he played in those cavernous, echoing halls.\n\nThe Hass clavichord wasn't as thrilled as Rodney. The clavichord complained a lot. It didn't want to go back to 1761. It had done its work and wanted to rest, to retire, like the audience. The tangents broke and had to be repaired. A new key went dead every night.\n\nStill, the early music rang out, prim and lurching and undeniably antique, and Rodney, its medium, like a man on a flying horse, maintained his balance on the stool. The keyboard rose and fell, thumped, and the music whirled on.\n\nWhen he returned to Berlin in late May, Rodney found he had less enthusiasm for strict musicology. He wasn't sure anymore if he even wanted to be an academic. Instead of getting a Ph.D., he toyed with the idea of enrolling at the Royal Academy of Music, in London, and pursuing a performing career.\n\nWest Berlin, meanwhile, had been undoing and remaking Rebecca. In that walled, subsidized half-city, no one seemed to have a job. The comrades in the _Wohngemeinschaft_ spent their time nurturing the sad orange trees on their concrete balcony. Volunteering at the Schwarzfahrer Theater, Rebecca played electrified accompaniment, half Kraftwerk, half Kurt Weill, for the antic, antinuclear goings-on onstage. Up late at night, sleeping ever later in the morning, she made little progress on her examination of Johann Georg Sulzer's _Allgemeine Theorie der sch\u00f6nen K\u00fcnste_ as it related to theoretical concepts of music listening in eighteenth-century Germany. To be specific, while Rodney was away Rebecca had managed to write five pages.\n\nThey had a wonderful year in Berlin, Rodney and Rebecca. But their doctoral research led them to the inescapable conclusion that they didn't want to be doctors of anything.\n\nThey moved back to Chicago and drifted. Rodney joined an early-keyboard group that gave intermittent concerts. Rebecca took up painting. They moved to Bucktown and, a year later, to Logan Square. They lived on next to nothing. They lived like Boho Mouse.\n\nRodney's fortieth birthday found him with the flu. He got out of bed with a fever of 103, called the school to cancel his lessons, then got back into bed.\n\nIn the afternoon, Rebecca and the girls brought in a weird-looking birthday cake. Through gummed-up eyelids, Rodney saw the lemon sponge cake of the soundboard, the marzipan of the keys, and the chocolate slab of the lid supported by a peppermint stick.\n\nRebecca's gift was a plane ticket to Edinburgh and a down payment made out to the Early Music Shop. \"Do it,\" she said. \"Just do it. You need it. We'll work it out. The mice are starting to sell.\"\n\n\u2014\n\nThat was three years ago. Now they were gathered around the gimpy-legged secondhand kitchen table, and Rebecca warned Rodney, \"Don't answer the phone.\"\n\nThe twins were eating their usual naked pasta. The grown-ups, those gourmands, pasta with sauce.\n\n\"They called six times today.\"\n\n\"Who called?\" asked Immy.\n\n\"Nobody,\" said Rebecca.\n\n\"The woman?\" Rodney asked. \"Darlene?\"\n\n\"No. Somebody new. A man.\"\n\nThat didn't sound good. Darlene was almost family at this point. Considering all the letters she had sent, in ever-bolder typefaces, and all the phone calls she'd made, politely asking for money, then demanding money, and finally making threats\u2014considering the persistent entitlement, Darlene was like an alcoholic sister or a cousin with a gambling addiction. Except that in this case she held the moral high ground. Darlene wasn't the one who owed $27,000 compounding at an interest rate of 18 percent.\n\nDarlene, when she called, called from within the call-center honeycomb; in the background you could hear the buzz of numberless other worker bees. The job was to collect pollen. In that effort, they were beating their wings and, if need be, raising their stingers. Because he was a musician, Rodney heard all this acutely. Sometimes he drifted off and forgot all about the angry bee that was after him.\n\nDarlene had ways of regaining his attention. Unlike a trolling telemarketer, she didn't make mistakes. She didn't mispronounce Rodney's name or mess up his address: she knew these by heart. Since it was easier to resist a stranger, the first time Darlene had called she'd introduced herself. She'd stated her mission and made it clear that she wasn't going away until she achieved it.\n\nNow she had gone away.\n\n\"A man?\" Rodney said.\n\nRebecca nodded. \"A not very nice man.\"\n\nImmy brandished her fork. \"You said nobody called. How can a man be nobody?\"\n\n\"I meant nobody you know, honey. Nobody you have to worry about.\"\n\nJust then the cordless phone rang and Rebecca said, \"Don't answer it.\"\n\nRodney took his napkin (which was in fact a paper towel) and folded it in his lap. In an elevated tone, he said for the girls' benefit, \"People shouldn't call during dinner. It's impolite.\"\n\nFor the first two years, Rodney had kept up with the payments. But then he'd quit teaching at the Old Town School of Folk Music and had tried to go out on his own. Students came directly to his apartment, where he taught them on the clavichord (it was perfect preparation for the piano, he told their parents). For a while, Rodney made about twice as much as he'd been making before, but then the students began to drop out. No one liked the clavichord. It sounded weird, the kids said. Only a girl would play it, one boy said. In a panic, Rodney started renting a rehearsal room with a piano and holding lessons there, but soon he was making less than he'd made at Old Town. That was when he'd quit being a music teacher and taken his present job as a patients' records associate at an HMO.\n\nBy then, however, he'd defaulted on his payments to the Early Music Shop. The interest rate rose and then (fine print in the loan agreement) skyrocketed. After that, he could never catch up.\n\nDarlene had threatened him with repossession, but so far it hadn't happened. And so Rodney continued to play the clavichord fifteen minutes in the morning and fifteen minutes at night.\n\n\"Some good news, though,\" Rebecca said, after the phone had stopped ringing. \"I got a new client today.\"\n\n\"Great. Who?\"\n\n\"Stationery store out in Des Plaines.\"\n\n\"How many mice they want?\"\n\n\"Twenty. To start.\"\n\nRodney, who was capable of keeping straight the 1\/6 comma fifths of Bach's keyboard bearing (F-C-G-D-A-E) from the pure fifths (E-B-F#-C#) and the devilish 1\/12 comma fifths (C#-G#-D#-A#), had no trouble performing the following calculations in his head: Each Mice 'n' Warm mouse sold for $15. Rebecca's take was 40 percent. That came to $6 per mouse. Since each mouse cost roughly $3.50 to make, the profit on one mouse was $2.50. Times twenty came to fifty bucks.\n\nHe did another calculation: $27,000 divided by $2.50 came to 10,800. The stationery store wanted twenty mice to start. Rebecca would have to sell more than ten thousand to pay off the clavichord.\n\nWith lusterless eyes Rodney looked across the table at his wife.\n\nThere were lots of women with actual jobs around. Rebecca just didn't happen to be one of them. But whatever a woman did nowadays was called a job. A man sewing together stuffed mice was considered, at best, a poor provider, at worst, a loser. Whereas a woman with a master's and a near-Ph.D. in musicology who hand-stitched microwavable, sweet-smelling rodents was now considered (especially by her married female friends) an entrepreneur.\n\nOf course, because of Rebecca's \"job,\" she couldn't take care of the twins full-time. They were forced to hire a babysitter, whose weekly salary came to more than Rebecca brought in by selling the Mice 'n' Warm mice (which was why they could pay only the minimum amount on their credit cards, driving them even further into debt). Rebecca had offered many times to give up the mice and get a job that paid a steady salary. But Rodney, who knew what it was to love a useless thing, always said, \"Give it another few years.\"\n\nWhy was what Rodney did a job and what Rebecca did not a job? First of all, Rodney made money. Second, he had to warp his personality to suit his employer. Third, he disliked it. That was a sure sign that it was a job.\n\n\"Fifty dollars,\" he said.\n\n\"What?\"\n\n\"That's the profit on twenty mice. Before taxes.\"\n\n\"Fifty dollars!\" cried Tallulah. \"That's a lot!\"\n\n\"It's just one account,\" Rebecca said.\n\nRodney felt like asking how many accounts she had _total._ He felt like asking for a monthly report showing liabilities and receivables. He was sure Rebecca had detailed financial information scrawled on the back of an envelope somewhere. But he didn't say anything, because the girls were there. He just got up and started to clear the table. \"I've got to do the dishes,\" he said, as though it were news.\n\nRebecca herded the girls into the living room and sat them down before a rented DVD. Typically she used the half hour after dinner to phone her suppliers in China, where it was now tomorrow morning, or to call her mother, a sciatica sufferer. Alone at the kitchen sink, Rodney scraped plates and rinsed kefir-coated glasses. He fed the dragonlike disposal in its lair. A real musician would have had his hands insured. But what would it matter if Rodney stuck his fingers straight down the drain into the churning blades?\n\nThe smart thing to do would be to take out insurance first and _then_ stick his hand down the disposal. That way he could pay off the clavichord and sit at it every night playing with his bandaged stump.\n\nMaybe if he'd stayed in Berlin, if he'd gone to the Royal Academy, if he hadn't got married and had kids, maybe Rodney would still be playing music. He might be an internationally known performer, like Menno van Delft or Pierre Goy.\n\nOpening the dishwasher, Rodney saw that it was full of standing water. The outflow tube had been improperly installed; the landlord had promised to fix it but never did. Rodney stared at the rust-colored tide for a while, as though he were a plumber and knew what to do, but in the end he filled the soap container, shut the door, and turned the dishwasher on.\n\nThe living room was empty by the time he came out. The DVD control screen played on the television, the loop of theme music repeating itself over and over. Rodney switched it off. He went down the hallway toward the bedrooms. The water was running in the bathtub and he could hear Rebecca's voice coaxing the twins in. He listened for his daughters' voices. This was the new music and he wanted to hear it, just for a minute, but the water was too loud.\n\nOn nights when Rebecca gave the girls a bath, it fell to Rodney to read them their bedtime story. He was on his way down the hallway to their room when he reached Rebecca's office. And here he did something he didn't normally do: he stopped. In general, when passing by Rebecca's office, Rodney made a habit of staring at the floor. It was better for his emotional equilibrium to let whatever went on in there go on without his seeing it. But tonight he turned and stared at the door. And then, raising his uninsured right hand, he pushed the door open.\n\nFrom the back wall, massing around the long worktables and bumping up against the sewing machine, a huge raft of fabric bolts in pastel hues was making its way downstream across the floor. The logjam carried with it ribbon spools, leaking bags of perfumed pellets, stickpins, buttons. Balancing on the logs, some with the jaunty stance of lumberjacks, others terrified and clingy like flood victims, the four varieties of Mice 'n' Warm mice rode toward the falls of the marketplace.\n\nRodney stared at their little faces looking up with pitiful appeal or savoir-faire. He stared for as long as he could bear it, which was about ten seconds. Then he turned and walked in hard shoes back down the hallway. He passed the bathroom without stopping to listen for Immy's and Lula's voices and he continued into the music room, where he shut the door behind him. After seating himself at the clavichord, he took a deep breath and began to play one part of a keyboard duet in E-flat by M\u00fcthel.\n\nIt was a difficult piece. Johann Gottfried M\u00fcthel, Bach's last pupil, was a difficult composer. He'd studied with Bach for only three months. And then he'd gone off to Riga to disappear into the Baltic twilight of his genius. Hardly anybody knew who M\u00fcthel was anymore. Except for clavichordists. For clavichordists, playing M\u00fcthel was a supreme achievement.\n\nRodney got off to a good start.\n\nTen minutes into the duet, Rebecca stuck her head in the door.\n\n\"The girls are ready for their story,\" she said.\n\nRodney kept playing.\n\nRebecca said it louder and Rodney stopped.\n\n\"You do it,\" he said.\n\n\"I have to make some calls.\"\n\nWith his right hand, Rodney played an E-flat scale. \"I'm practicing,\" he said. He stared at his hand, as though he were a student learning to play scales for the first time, and he didn't stop staring until Rebecca had withdrawn her head from the doorway. Then Rodney got up and shut the door semi-violently. He came back to the clavichord and started the piece from the beginning.\n\nM\u00fcthel hadn't written much. He composed only when the spirit moved him. That was like Rodney. Rodney played only when the spirit moved him.\n\nIt moved him now, tonight. For the next two hours, Rodney played the M\u00fcthel piece over and over.\n\nHe was playing well, with a lot of feeling. But he was also making mistakes. He soldiered on. Then, to make himself feel better, he finished off with Bach's French Suite in D minor, a piece he'd been playing for years and knew by heart.\n\nBefore long he was flushed and sweating. It felt good to play with such concentration and vigor again, and when he finally stopped, with the bell-like notes still ringing in his ears and off the low ceiling of the room, Rodney lowered his head and closed his eyes. He was remembering that month and a half, at twenty-six, when he'd played ecstatically and invisibly in empty West German concert halls. Behind him on the desk the phone rang, and Rodney swiveled and picked it up.\n\n\"Hello?\"\n\n\"Good evening, am I speaking with Rodney Webber?\"\n\nRodney realized his mistake. But he said, \"This is he.\"\n\n\"My name is James Norris and I'm with Reeves Collection. I know you're familiar with our organization.\"\n\nIf you hung up, they called again. If you changed your phone number, they got the new one. The only hope was to make a deal, to stall, to make promises and buy some time.\n\n\"I'm afraid I'm well acquainted with your organization.\" Rodney was trying for the right tone, light but not insouciant or disrespectful.\n\n\"Formerly I believe you've been dealing with Ms. Darlene Jackson. She's been the person assigned to your case. Up until now. Now I'm in charge and I hope we can work something out.\"\n\n\"I hope so, too,\" said Rodney.\n\n\"Mr. Webber, I come in when things get complicated and I try to make them simple. Ms. Jackson offered you various payment plans, I see.\"\n\n\"I sent a thousand dollars in December.\"\n\n\"Yes, you did. And that was a start. But, according to our records, you had agreed to send two thousand.\"\n\n\"I couldn't get that much. It was Christmas.\"\n\n\"Mr. Webber, let's keep things simple. You stopped meeting your payments to our client, the Early Music Shop, over a year ago. So Christmas doesn't really have a whole lot to do with it, does it?\"\n\nRodney hadn't enjoyed his conversations with Darlene. But now he saw that Darlene had been reasonable, pliable, in a way that this guy James wasn't. There was a quality in James's voice that wasn't so much menacing as obdurate: a stone wall of a voice.\n\n\"Your account is in arrears over payments for a musical instrument, is that right? What kind of instrument is it?\"\n\n\"A clavichord.\"\n\n\"I'm not familiar with that instrument.\"\n\n\"I wouldn't expect you to be.\"\n\nThe man chuckled, taking no offense.\n\n\"Lucky for me, that's not my job, knowing about ancient instruments.\"\n\n\"A clavichord is a precursor to the piano,\" Rodney said. \"Except it's played by tangents instead of hammers. My clavichord\u2014\"\n\n\"You see that right there, Mr. Webber? That's incorrect. It's not yours. The instrument still belongs to the Early Music Shop out of Edinburgh. You only have it on loan from them. Until you pay off that loan.\"\n\n\"I thought you might like to know the provenance,\" said Rodney. How had his diction got way up here, to these heights? Nothing complex: he just wanted to put James Norris of Reeves Collection in his place. Next Rodney heard himself say, \"It's a copy, by Verwolf, of a style of clavichord made by a man named Bodechtel in 1790.\"\n\nJames said, \"Let me get to my point.\"\n\nBut Rodney didn't let him. \"This is what I do,\" Rodney said, and his voice sounded tight and strained, overtuned. \"This is what I do. I'm a clavichordist. I need the instrument to make my living. If you take it back, I'll never be able to pay you back. Or pay the Early Music Shop.\"\n\n\"You can keep your clavichord. I'd be happy to let you keep it. All you have to do is pay for it, in full, by five p.m. tomorrow, with a certified check or wire transfer from your bank, and you can go on playing your clavichord for as long as you like.\"\n\nRodney's laugh was bitter. \"Obviously I can't do that.\"\n\n\"Then by five p.m. tomorrow we're going to unfortunately have to come out and repossess the instrument.\"\n\n\"I can't get that much by tomorrow.\"\n\n\"This is the end of the line, Rodney.\"\n\n\"There's got to be some way\u2014\"\n\n\"Only one way, Rodney. Payment in full.\"\n\nClumsily, furiously, his hand like a brick trying to throw a brick, Rodney slammed down the phone.\n\nFor a moment he didn't move. Then he swiveled back around and placed his hands on the clavichord.\n\nHe might have been feeling for a heartbeat. He ran his fingers over the gold ornamentation and the tops of the frigid keys. It wasn't the most beautiful or distinguished clavichord he'd ever played. It couldn't compare to the Hass, but it was his, or it had been, and it was lovely and rapturous-sounding enough. Rodney would never have got it if Rebecca hadn't sent him to Edinburgh. He would never have known how deeply depressed he'd been or how happy the clavichord, for a time, would make him.\n\nHis right hand was playing the M\u00fcthel again.\n\nRodney knew he'd never been a first-rate musicologist. At best, he was a mediocre, if sincere, performer. With fifteen minutes' practice in the morning and fifteen minutes in the evening, he wasn't going to get any better.\n\nThere'd always been something a little pathetic about being a clavichordist. Rodney knew that. The M\u00fcthel he was playing, however, mistakes and all, still seemed beautiful, maybe more so for its obsolescence. He played for another minute. Then he placed his hands on the warm wood of the clavichord and, leaning forward, stared at the painted garden inside the lid.\n\nIt was after ten when he came out of the music room. The apartment was quiet and dark. Entering the bedroom, Rodney didn't turn on the light, so as not to wake Rebecca. He undressed in the dark, feeling in the closet for a hanger.\n\nIn his underwear he shuffled to his side of the bed and crawled in. On one elbow he leaned over to see if Rebecca was awake. But then he realized that her side of the bed was empty. She was still in her office, working.\n\nRodney collapsed onto his back. He lay immobile. There was a pillow underneath him, in the wrong spot, but he didn't have the energy to roll over and tug it out.\n\nHis situation wasn't really so different from anybody else's. He'd only got to the end of the road a little earlier. But it was the same for the rock stars and for the jazz musicians, for the novelists and the poets (definitely for the poets); it was the same for the business executives, the biologists, the computer programmers, the accountants, the flower arrangers. Artist or nonartist, academic or nonacademic, Menno van Delft or Rodney Webber, even for Darlene and James of the Reeves Collection Agency: it didn't matter. No one knew what the original music sounded like. You had to make an educated guess and do the best you could. For whatever you played there was no indisputable tuning or handwritten schematic, and the visa you needed in order to see the Master's keyboard was always denied. Sometimes you thought you heard the music, especially when you were young, and then you spent the rest of your life trying to reproduce the sound.\n\nEverybody's life was early music.\n\nHe was still awake a half hour later, when Rebecca came in.\n\n\"Can I turn on the light?\" she asked.\n\n\"No,\" said Rodney.\n\nShe paused and said, \"You practiced a long time.\"\n\n\"Practice makes perfect.\"\n\n\"Who called? Someone called.\"\n\nRodney said nothing.\n\n\"You didn't answer, did you? They've been calling later and later.\"\n\n\"I was practicing. I didn't answer.\"\n\nRebecca sat on the edge of the bed. She tossed something in Rodney's direction. He picked it up and squinted at it. The beret, the cleft palate. Boho Mouse.\n\n\"I'm going to quit,\" Rebecca said.\n\n\"What?\"\n\n\"The mice. I'm giving up.\" She stood and began to undress, dropping clothes on the floor. \"I should have finished my dissertation. I could have been a musicology professor. Now all I am is Mommy. Mommy, Mommy, Mommy. A mommy who makes stuffed animals.\" She went into the bathroom. Rodney heard her brushing her teeth, washing her face. She came out again and got into bed.\n\nAfter a long silence, Rodney said, \"You can't give up.\"\n\n\"Why not? You've always wanted me to.\"\n\n\"I changed my mind.\"\n\n\"Why?\"\n\nRodney swallowed. \"These mice are our only hope.\"\n\n\"You know what I did tonight?\" Rebecca said. \"First I took the mouse out of the trash. Then I unpicked the stitches and took out the musk pellets. And then I filled it with cinnamon pellets and stitched it back up. That's how I spent my evening.\"\n\nRodney held the mouse to his nose.\n\n\"Smells good,\" he said. \"These mice are destined for greatness. You're going to make us a million bucks.\"\n\n\"If I make a million bucks,\" Rebecca said, \"I'll pay off your clavichord.\"\n\n\"Deal,\" said Rodney.\n\n\"And you can quit your job and get back to playing music full-time.\" She rolled over and kissed his cheek, then rolled back and adjusted her pillows and blankets.\n\nRodney kept the stuffed mouse against his nose, inhaling its spicy aroma. He kept smelling the mouse even after Rebecca had fallen asleep. If the microwave had been nearby, Rodney would have fired up Boho Mouse to reconstitute its bouquet. But the microwave was down the hall, in the shabby kitchen, and so he just lay there, smelling the mouse, which by now was cold and almost scentless.\n\n2005\n\n# TIMESHARE\n\nMy father is showing me around his new motel. I shouldn't call it a motel after everything he's explained to me but I still do. What it is, what it's going to be, my father says, is a timeshare resort. As he, my mother, and I walk down the dim hallway (some of the bulbs have burned out), my father informs me of the recent improvements. \"We put in a new oceanfront patio,\" he says. \"I had a landscape architect come in, but he wanted to charge me an arm and a leg. So I designed it myself.\"\n\nMost of the units haven't been renovated yet. The place was a wreck when my father borrowed the money to buy it, and from what my mother tells me, it looks a lot better now. They've repainted, for one thing, and put on a new roof. Each room will have a kitchen installed. At present, however, only a few rooms are occupied. Some units don't even have doors. Walking by, I can see painting tarps and broken air conditioners lying on the floors. Water-stained carpeting curls back from the edges of the rooms. Some walls have holes in them the size of a fist, evidence of the college kids who used to stay here during spring break. My father plans to install new carpeting, and to refuse to rent to students. \"Or if I do,\" he says, \"I'll charge a big deposit, like three hundred bucks. And I'll hire a security guard for a couple of weeks. But the idea is to make this place a more upscale kind of place. As far as the college kids go, piss on 'em.\"\n\nThe foreman of this renewal is Buddy. My father found him out on the highway, where day workers line up in the morning. He's a little guy with a red face and makes, for his labor, five dollars an hour. \"Wages are a lot lower down here in Florida,\" my father explains to me. My mother is surprised at how strong Buddy is for his size. Just yesterday, she saw him carrying a stack of cinder blocks to the Dumpster. \"He's like a little Hercules,\" she says. We come to the end of the hallway and enter the stairwell. When I take hold of the aluminum banister, it nearly rips out of the wall. Every place in Florida has these same walls.\n\n\"What's that smell?\" I ask.\n\nAbove me, hunched over, my father says nothing, climbing.\n\n\"Did you check the land before you bought this place?\" I ask. \"Maybe it's built over a toxic dump.\"\n\n\"That's Florida,\" says my mother. \"It smells that way down here.\"\n\nAt the top of the stairs, a thin green runner extends down another darkened hallway. As my father leads the way, my mother nudges me, and I see what she's been talking about: he's walking lopsided, compensating for his bad back. She's been after him to see a doctor but he never does. Every so often, his back goes out and he spends a day soaking in the bathtub (the tub in room 308, where my parents are staying temporarily). We pass a maid's cart, loaded with cleaning fluids, mops, and wet rags. In an open doorway, the maid stands, looking out, a big black woman in blue jeans and a smock. My father doesn't say anything to her. My mother says hello brightly and the maid nods.\n\nAt its middle, the hallway gives onto a small balcony. As soon as we step out, my father announces, \"There it is!\" I think he means the ocean, which I see for the first time, storm-colored and uplifting, but then it hits me that my father never points out scenery. He's referring to the patio. Red-tiled, with a blue swimming pool, white deck chairs, and two palm trees, the patio looks as though it belongs to an actual seaside resort. It's empty but, for the moment, I begin to see the place through my father's eyes\u2014peopled and restored, a going concern. Buddy appears down below, holding a paint can. \"Hey, Buddy,\" my father calls down, \"that tree still looks brown. Have you had it checked?\"\n\n\"I had the guy out.\"\n\n\"We don't want it to die.\"\n\n\"The guy just came and looked at it.\"\n\nWe look at the tree. The taller palms were too expensive, my father says. \"This one's a different variety.\"\n\n\"I like the other kind,\" I say.\n\n\"The royal palms? You like those? Well, then, after we get going, we'll get some.\"\n\nWe're quiet for a while, gazing over the patio and the purple sea. \"This place is going to get all fixed up and we're going to make a million dollars!\" my mother says.\n\n\"Knock on wood,\" says my father.\n\n\u2014\n\nFive years ago, my father actually made a million. He'd just turned sixty and, after working all his life as a mortgage banker, went into business for himself. He bought a condominium complex in Fort Lauderdale, resold it, and made a big profit. Then he did the same thing in Miami. At that point, he had enough to retire on but he didn't want to. Instead, he bought a new Cadillac and a fifty-foot powerboat. He bought a twin-engine airplane and learned to fly it. And then he flew around the country, buying real estate, flew to California, to the Bahamas, over the ocean. He was his own boss and his temper improved. Later, the reversals began. One of his developments in North Carolina, a ski resort, went bankrupt. It turned out his partner had embezzled $100,000. My father had to take him to court, which cost more money. Meanwhile, a savings and loan sued my father for selling it mortgages that defaulted. More legal fees piled up. The million dollars ran out fast and, as it began to disappear, my father tried a variety of schemes to get it back. He bought a company that made \"manufactured homes.\" They were like mobile homes, he told me, only more substantial. They were prefabricated, could be plunked down anywhere but, once set up, looked like real houses. In the present economic situation, people needed cheap housing. Manufactured homes were selling like hotcakes.\n\nMy father took me to see the first one on its lot. It was Christmas, two years ago, when my parents still had their condominium. We'd just finished opening our presents when my father said that he wanted to take me for a little drive. Soon we were on the highway. We left the part of Florida I knew, the Florida of beaches, high-rises, and developed communities, and entered a poorer, more rural area. Spanish moss hung from the trees and the unpainted houses were made of wood. The drive took about two hours. Finally, in the distance, we saw the onion bulb of a water tower with OCALA painted on the side. We entered the town, passing rows of neat houses, and then we came to the end and kept on going. \"I thought you said it was in Ocala,\" I said.\n\n\"It's a little farther out,\" said my father.\n\nCountryside began again. We drove into it. After about fifteen miles, we came to a dirt road. The road led into an open, grassless field, without any trees. Toward the back, in a muddy area, stood the manufactured house.\n\nIt was true it didn't look like a mobile home. Instead of being long and skinny, the house was rectangular, and fairly wide. It came in three or four different pieces that were screwed together, and then a traditional-looking roof was put in place on top. We got out of the car and walked on bricks to get closer. Because the county was just now installing sewer lines out this far, the ground in front of the house\u2014\"the yard,\" my father called it\u2014was dug up. Right in front of the house, three small shrubs had been planted in the mud. My father inspected them, then waved his hand over the field. \"This is all going to be filled in with grass,\" he said. The front door was a foot and a half off the ground. There wasn't a porch yet but there would be. My father opened the door and we went inside. When I shut the door behind me, the wall rattled like a theater set. I knocked on the wall, to see what it was made of, and heard a hollow, tinny sound. When I turned around, my father was standing in the middle of the living room, grinning. His right index finger pointed up in the air. \"Get a load of this,\" he said. \"This is what they call a 'cathedral ceiling.' Ten feet high. Lotta headroom, boy.\"\n\nDespite the hard times, nobody bought a manufactured home, and my father, writing off the loss, went on to other things. Soon I began getting incorporation forms from him, naming me vice president of Baron Development Corporation, or the Atlantic Glass Company, or Fidelity Mini-Storage Inc. The profits from these companies, he assured, would one day come to me. The only thing that _did_ come, however, was a man with an artificial leg. My doorbell rang one morning and I buzzed him in. In the next moment, I heard him clumping up the stairs. From above, I could see the blond stubble on his bald head and could hear his labored breathing. I took him for a deliveryman. When he got to the top of the stairs, he asked if I was vice president of Duke Development. I said I guessed that I was. He handed me a summons.\n\nIt had to do with some legal flap. I lost track after a while. Meanwhile, I learned from my brother that my parents were living off savings, my father's IRA, and credit from the banks. Finally, he found this place, Palm Bay Resort, a ruin by the sea, and convinced another savings and loan to lend him the money to get it running again. He'd provide the labor and know-how and, when people started coming, he'd pay off the S&L and the place would be his.\n\n\u2014\n\nAfter we look at the patio, my father wants to show me the model. \"We've got a nice little model,\" he says. \"Everyone who's seen it has been very favorably impressed.\" We come down the dark hallway again, down the stairs, and along the first-floor corridor. My father has a master key and lets us in a door marked 103. The hall light doesn't work, so we file through the dark living room to the bedroom. As soon as my father flips on the light, a strange feeling takes hold of me. I feel as though I've been here before, in this room, and then I realize what it is: the room is my parents' old bedroom. They've moved in the furniture from their old condo: the peacock bedspread, the Chinese dressers and matching headboard, the gold lamps. The furniture, which once filled a much bigger space, looks squeezed together in this small room. \"This is all your old stuff,\" I say.\n\n\"Goes nice in here, don't you think?\" my father asks.\n\n\"What are you using for a bedspread now?\"\n\n\"We've got twin beds in our unit,\" my mother says. \"This wouldn't have fit anyway. We've just got regular bedspreads now. Like in the other rooms. Hotel supply. They're OK.\"\n\n\"Come and see the living room,\" my father tells me, and I follow him through the door. After some fumbling, he finds a light that works. The furniture in here is all new and doesn't remind me of anything. A painting of driftwood on the beach hangs on the wall. \"How do you like that painting? We got fifty of them from this warehouse. Five bucks a pop. And they're all different. Some have starfish, some seashells. All in a maritime motif. They're signed oil paintings.\" He walks to the wall and, taking off his glasses, makes out the signature: \"Cesar Amarollo! Boy, that's better than Picasso.\" He turns his back to me, smiling, happy about this place.\n\n\u2014\n\nI'm down here to stay a couple of weeks, maybe even a month. I won't go into why. My father gave me unit 207, right on the ocean. He calls the rooms \"units\" to differentiate them from the motel rooms they used to be. Mine has a little kitchen. And a balcony. From it, I can see cars driving along the beach, a pretty steady stream. This is the only place in Florida, my father tells me, where you can drive on the beach.\n\nThe motel gleams in the sun. Somebody is pounding somewhere. A couple of days ago, my father started offering complimentary suntan lotion to anyone who stays the night. He's advertising this on the marquee out front but, so far, no one has stopped. Only a few families are here right now, mostly old couples. There's one woman in a motorized wheelchair. In the morning, she rides out to the pool and sits, and then her husband appears, a washed-out guy in a bathing suit and flannel shirt. \"We don't tan anymore,\" she tells me. \"After a certain age, you just don't tan. Look at Kurt. We've been out here all week and that's all the tan he is.\" Sometimes, too, Judy, who works in the office, comes out to sunbathe during her lunch hour. My father gives her a free room to stay in, up on the third floor, as part of her salary. She's from Ohio and wears her hair in a long braided ponytail, like a girl in fifth grade.\n\nAt night, in her hotel-supply bed, my mother has been having prophetic dreams. She dreamed that the roof sprung a leak two days before it did so. She dreamed that the skinny maid would quit and, next day, the skinny maid did. She dreamed that someone broke his neck diving into the empty swimming pool (instead, the filter broke, and the pool had to be emptied to fix it, which she says counts). She tells me all this by the swimming pool. I'm in it; she's dangling her feet in the water. My mother doesn't know how to swim. The last time I saw her in a bathing suit I was five years old. She's the burning, freckled type, braving the sun in her straw hat only to talk to me, to confess this strange phenomenon. I feel as though she's picking me up after swimming lessons. My throat tastes of chlorine. But then I look down and see the hair on my chest, grotesquely black against my white skin, and I remember that I'm old, too.\n\nWhatever improvements are being made today are being made on the far side of the building. Coming down to the pool, I saw Buddy going into a room, carrying a wrench. Out here, we're alone, and my mother tells me that it's all due to rootlessness. \"I wouldn't be dreaming these things if I had a decent house of my own. I'm not some kind of gypsy. It's just all this traipsing around. First we lived in that motel in Hilton Head. Then that condo in Vero. Then that recording studio your father bought, without any windows, which just about killed me. And now this. All my things are in storage. I dream about them, too. My couches, my good dishes, all our old family photos. I dream of them packed away almost every night.\"\n\n\"What happens to them?\"\n\n\"Nothing. Just that nobody ever comes to get them.\"\n\n\u2022\n\nThere are a number of medical procedures that my parents are planning to have done when things get better. For some time now, my mother has wanted a face-lift. When my parents were flush, she actually went to a plastic surgeon who took photographs of her face and diagrammed her bone structure. It's not a matter of simply pulling the loose skin up, apparently. Certain facial bones need shoring up as well. My mother's upper palate has slowly receded over the years. Her bite has become misaligned. Dental surgery is needed to resurrect the skull over which the skin will be tightened. She had the first of these procedures scheduled about the time my father caught his partner embezzling. In the trouble afterward, she had to put the idea on hold.\n\nMy father, too, has put off two operations. The first is disk surgery to help the pain in his lower back. The second is prostate surgery to lessen the blockage to his urethra and increase the flow of his urine. His delay in the latter case is not motivated purely by financial considerations. \"They go up there with that Roto-Rooter and it hurts like hell,\" he told me. \"Plus, you can end up incontinent.\" Instead, he has elected to go to the bathroom fifteen to twenty times a day, no trip being completely satisfying. During the breaks in my mother's prophetic dreams, she hears my father getting up again and again. \"Your father's stream isn't exactly magnificent anymore,\" she told me. \"You live with someone, you know.\"\n\nAs for me, I need a new pair of shoes. A sensible pair. A pair suited to the tropics. Stupidly, I wore a pair of old black wingtips down here, the right shoe of which has a hole in the bottom. I need a pair of flip-flops. Every night, when I go out to the bars in my father's Cadillac (the boat is gone, the plane is gone, but we still have the yellow \"Florida Special\" with the white vinyl top), I pass souvenir shops, their windows crammed with T-shirts, seashells, sunhats, coconuts with painted faces. Every time, I think about stopping to get flip-flops, but I haven't yet.\n\n\u2014\n\nOne morning, I come down to find the office in chaos. Judy, the secretary, is sitting at her desk, chewing the end of her ponytail. \"Your father had to fire Buddy,\" she says. But before she can tell me anything more, one of the guests comes in, complaining about a leak. \"It's right over the bed,\" the man says. \"How do you expect me to pay for a room with a leak over the bed? We had to sleep on the floor! I came down to the office last night to get another room but there was no one here.\"\n\nJust then my father comes in with the tree surgeon. \"I thought you told me this type of palm tree was hardy.\"\n\n\"It is.\"\n\n\"Then what's the matter with it?\"\n\n\"It's not in the right kind of soil.\"\n\n\"You never told me to change the soil,\" my father says, his voice rising.\n\n\"It's not only the soil,\" the tree surgeon says. \"Trees are like people. They get sick. I can't tell you why. It might have needed more water.\"\n\n\"We watered it!\" my father says, shouting now. \"I had the guy water it every goddamn day! And now you tell me it's dead?\" The man doesn't reply. My father sees me. \"Hey there, buddy!\" he says heartily. \"Be with you in a minute.\"\n\nThe man with the leak begins explaining his trouble to my father. In the middle, my father stops him. Pointing at the tree surgeon, he says, \"Judy, pay this bastard.\" Then he goes back to listening to the man's story. When the man finishes, my father offers him his money back and a free room for the night.\n\nTen minutes later, in the car, I learn the outlandish story. My father fired Buddy for drinking on the job. \"But wait'll you hear _how_ he was drinking,\" he says. Early that morning, he saw Buddy lying on the floor of unit 106, under the air conditioner. \"He was supposed to be fixing it. All morning, I kept passing by, and every time I'd see Buddy lying under that air conditioner. I thought to myself, Jeez. But then this goddamn crook of a tree surgeon shows up. And he tells me that the goddamn tree he's supposed to be curing is dead, and I forgot all about Buddy. We go out to look at the tree and the guy's giving me all this bullshit\u2014the climate this, the climate that\u2014until finally I tell him I'm going to go call the nursery. So I come back to the office. And I pass 106 again. And there's Buddy still lying on the floor.\"\n\nWhen my father got to him, Buddy was resting comfortably on his back, his eyes closed and the air-conditioner coil in his mouth. \"I guess that coolant's got alcohol in it,\" my father said. All Buddy had to do was disconnect the coil, bend it with a pair of pliers, and take a drink. This last time he'd sipped too long, however, and had passed out. \"I should have known something was up,\" my father says. \"For the past week all he's been doing is fixing the air conditioners.\"\n\nAfter calling an ambulance (Buddy remained unconscious as he was carried away), my father called the nursery. They wouldn't refund his money or replace the palm tree. What was more, it had rained during the night and no one had to tell him about leaks. His own roof had leaked in the bathroom. The new roof, which had cost a considerable sum, hadn't been installed properly. At a minimum, someone was going to have to retar it. \"I need a guy to go up there and lay down some tar along the edges. It's the edges, see, where the water gets in. That way, maybe I can save a couple of bucks.\" While my father tells me all this, we drive out along A1A. It's about ten in the morning by this point and the drifters are scattered along the shoulder, looking for day work. You can spot them by their dark tans. My father passes the first few, his reasons for rejecting them unclear to me at first. Then he spots a white man in his early thirties, wearing green pants and a Disney World T-shirt. He's standing in the sun, eating a raw cauliflower. My father pulls the Cadillac up alongside him. He touches his electronic console and the passenger window hums open. Outside, the man blinks, trying to adjust his eyes to see into the car's dark, cool interior.\n\n\u2014\n\nAt night, after my parents go to sleep, I drive along the strip into town. Unlike most of the places my parents have wound up, Daytona Beach has a working-class feel. Fewer old people, more bikers. In the bar I've been going to, they have a real live shark. Three feet long, it swims in an aquarium above the stacked bottles. The shark has just enough room in its tank to turn around and swim back the other way. I don't know what effect the lights have on the animal. The dancers wear bikinis, some of which sparkle like fish scales. They circulate through the gloom like mermaids, as the shark butts its head against the glass.\n\nI've been in here three times already, long enough to know that I look, to the girls, like an art student, that under state law the girls cannot show their breasts and so must glue wing-shaped appliqu\u00e9s over them. I've asked what kind of glue they use (\"Elmer's\"), how they get it off (\"just a little warm water\"), and what their boyfriends think of it (they don't mind the money). For $10, a girl will take you by the hand, past the other tables where men sit mostly alone, into the back where it's even darker. She'll sit you down on a padded bench and rub against you for the duration of two whole songs. Sometimes, she'll take your hands and will ask, \"Don't you know how to dance?\"\n\n\"I'm dancing,\" you'll say, even though you're sitting down.\n\nAt three in the morning, I drive back, listening to a country-and-western station to remind myself that I'm far from home. I'm usually drunk by this point but the trip isn't long, a mile at most, an easy cruise past the other waterfront real estate, the big hotels and the smaller ones, the motor lodges with their various themes. One's called Viking Lodge. To check in, you drive under a Norse galley, which serves as a carport.\n\nSpring break's more than a month away. Most of the hotels are less than half full. Many have gone out of business, especially those farther out from town. The motel next to ours is still open. It has a Polynesian theme. There's a bar under a grass hut by the swimming pool. Our place has a fancier feel. Out front, a white gravel walkway leads up to two miniature orange trees flanking the front door. My father thought it was worth it to spend money on the entrance, seeing as that was people's first impression. Right inside, to the left of the plushly carpeted lobby, is the sales office. Bob McHugh, the salesman, has a blueprint of the resort on the wall, showing available units and timeshare weeks. Right now, though, most people coming in are just looking for a place to spend the night. Generally, they drive into the parking lot at the side of the building and talk to Judy in the business office.\n\nIt rained again while I was in the bar. When I drive into our parking lot and get out, I can hear water dripping off the roof of the motel. There's a light burning in Judy's room. I consider going up to knock on her door. Hi, it's the boss's son! While I'm standing there, though, listening to the dripping water and plotting my next move, her light goes off. And with it, it seems, every light around. My father's timeshare resort plunges into darkness. I reach out to put my hand on the hood of the Cadillac, to reassure myself with its warmth, and, for a moment, try to picture in my mind the way up, where the stairs begin, how many floors to climb, how many doors to pass before I get to my room.\n\n\u2014\n\n\"Come on,\" my father says. \"I want to show you something.\"\n\nHe's wearing tennis shorts and has a racquetball racquet in his hand. Last week, Jerry, the current handyman (the one who replaced Buddy didn't show up one morning), finally moved the extra beds and draperies out of the racquetball court. My father had the floor painted and challenged me to a game. But, with the bad ventilation, the humidity made the floor slippery, and we had to quit after four points. My father didn't want to break his hip.\n\nHe had Jerry drag an old dehumidifier in from the office and this morning they played a few games.\n\n\"How's the floor?\" I ask.\n\n\"Still a little slippy. That dehumidifier isn't worth a toot.\"\n\nSo it isn't to show me the new, dry racquetball court that my father has come to get me. It's something, his expression tells me, more significant. Leaning to one side (the exercise hasn't helped his back any), he leads me up to the third floor, then up another, smaller stairway that I haven't noticed before. This one leads straight to the roof. When we get to the top, I see that there's another building up here. It's pretty big, like a bunker, but with windows all around.\n\n\"You didn't know about this, did you?\" my father says. \"This is the penthouse. Your mother and I are going to move in up here soon as it's ready.\"\n\nThe penthouse has a red front door and a welcome mat. It sits in the middle of the tarred roof, which extends in every direction. From up here, all the neighboring buildings disappear, leaving only sky and ocean. Beside the penthouse, my father has set up a small hibachi. \"We can have a cookout tonight,\" he says.\n\nInside, my mother is cleaning the windows. She wears the same yellow rubber gloves as when she used to clean the windows of our house back in the Detroit suburbs. Only two rooms in the penthouse are habitable at present. The third has been used as a storeroom and still contains a puzzle of chairs and tables stacked on top of one another. In the main room, a telephone has been installed beside a green vinyl chair. One of the warehouse paintings has been hung on the wall, a still life with seashells and coral.\n\nThe sun sets. We have our cookout, sitting in folding chairs on the roof.\n\n\"This is going to be nice up here,\" my mother says. \"It's like being right in the middle of the sky.\"\n\n\"What I like,\" my father says, \"is you can't see anybody. Private ocean view, right on the premises. A house this big on the water'd cost you an arm and a leg.\n\n\"Soon as we get this place paid off,\" he continues, \"this penthouse will be ours. We can keep it in the family, down through the generations. Whenever you want to come and stay in your very own Florida penthouse, you can.\"\n\n\"Great,\" I say, and mean it. For the first time, the motel exerts an attraction for me. The unexpected liberation of the roof, the salty decay of the oceanfront, the pleasant absurdity of America, all come together so that I can imagine myself bringing friends and women up to this roof in years to come.\n\nWhen it's finally dark, we go inside. My parents aren't sleeping up here yet but we don't want to leave. My mother turns on the lamps.\n\nI go over to her and put my hands on her shoulders.\n\n\"What did you dream last night?\" I ask.\n\nShe looks at me, into my eyes. While she does this, she's not so much my mother as just a fellow human being, with troubles and a sense of humor. \"You don't want to know,\" she says.\n\nI go into the bedroom to check it out. The furniture has that motel look but, on the bureau, my mother has set up a photograph of me and my brothers. There's a mirror on the back of the bathroom door, which is open. In the mirror, I see my father. He's urinating. Or trying to. He's standing in front of the toilet, staring down with a blank look. He's concentrating on some problem I've never had to concentrate on, something I know is coming my way, but I can't imagine what it is. He raises his hand in the air and makes a fist. Then, as though he's been doing it for years, he begins to pound on his stomach, over where his bladder is. He doesn't see me watching. He keeps pounding, his hand making a dull thud. Finally, as though he's heard a signal, he stops. There's a moment of silence before his stream hits the water.\n\nMy mother is still in the living room when I come out. Over her head, the seashell painting is crooked, I notice. I think about fixing it, then think the hell with it. I go out onto the roof. It's dark now, but I can hear the ocean. I look down the beach, at the other high-rises lit up, the Hilton, the Ramada. When I go to the roof's edge, I can see the motel next door. Red lights glow in the tropical grass-hut bar. Beneath me, and to the side, though, the windows of our own motel are black. I squint down at the patio but can't see anything. The roof still has puddles from last night's storm and, when I step, I feel water gush up my shoe. The hole is getting bigger. I don't stay out long, just long enough to feel the world. When I turn back, I see that my father has come out into the living room again. He's on the phone, arguing with someone, or laughing, and working on my inheritance.\n\n1997\n\n# FIND THE BAD GUY\n\nWe've owned this house for\u2014what\u2014twelve years now, I reckon. Bought it from an elderly couple, the De Rougemonts, whose aroma you can still detect around the place, in the master especially, and in the home office, where the old buzzard napped on summer days, and a little bit in the kitchen, still.\n\nI remember going into people's houses as a kid and thinking, Can't they smell how they smell? Some houses were worse than others. The Pruitts next door had a greasy, chuck-wagon odor, tolerable enough. The Willots, who ran that fencing academy in their rec room, smelled like skunk cabbage. You could never mention the smells to your friends, because they were part of it, too. Was it hygiene? Or was it, you know, glandular, and the way each family smelled had to do with bodily functions deep inside their bodies? The whole thing sort of turned your stomach, the more you thought about it.\n\nNow _I_ live in an old house that probably smells funny to outsiders.\n\nOr used to live. At the present time, I'm in my front yard, hiding out between the stucco wall and the traveler palms.\n\nThere's a light burning up in Meg's room. She's my sugar pie. She's thirteen. From my vantage point I can't make out Lucas's bedroom, but as a rule Lucas prefers to do his homework downstairs, in the great room. If I were to sidle up to the house, I'd more than likely spy Lucas in his school V-neck and necktie, armed for success: graphing calculator (check), St. Boniface iPad (check), Latin Quizlet (check), bowl of Goldfish (check). But I can't go up there now on account of it would violate the restraining order.\n\nI'm not supposed to come any closer than fifty feet to my lovely wife, Johanna. It's an emergency TRO (meaning temporary), issued at night, with a judge presiding. My lawyer, Mike Peekskill, is in the process of having it revoked. In the meantime, guess what? Yours truly, Charlie D., still has the landscape architect's plans from when Johanna and I were thinking of replacing these palms with something less jungly and prone to pests. So I happen to know for certain that the distance from the house to the stucco wall is sixty-three feet. Right now, I reckon I'm about sixty or sixty-one, here in the vegetation. And, anyway, nobody can see me, because it's February and already dark in these parts.\n\nIt's Thursday, so where's Bryce? Right. Trumpet lessons with Mr. Talawatamy. Johanna'll be going to pick him up soon. Can't stay here long.\n\nIf I were to leave my hideout and mosey around the side of the house, I'd see the guest room, where I used to retreat when Johanna and I were fighting real bad, and where, last spring, after Johanna got promoted at Hyundai, I commenced to putting the blocks to the babysitter, Cheyenne.\n\nAnd if I kept going all the way into the backyard I'd come face-to-face with the glass door I shattered when I threw that lawn gnome through it. Drunk at the time, of course.\n\nYessir. Plenty of ammunition for Johanna to play Find the Bad Guy at couples counseling.\n\nIt's not _cold_ cold out, but it is for Houston. When I reach down to take my phone out of my boot, my hip twinges. Touch of arthritis.\n\nI'm getting my phone to play Words with Friends. I started playing it over at the station, just to pass the time, but then I found out Meg was playing it, too, so I sent her a game invite.\n\nIn _mrsbieber vs. radiocowboy_ I see that mrsbieber has just played _poop._ (She's trying to get my goat.) Meg's got the first _p_ on a double-word space and the second on a double-letter space, for a total score of twenty-eight. Not bad. Now I play an easy word, _pall,_ for a measly score of nine. I'm up fifty-one points. Don't want her to get discouraged and quit on me.\n\nI can see her shadow moving around up there. But she doesn't play another word. Probably Skypeing or blogging, painting her nails.\n\nJohanna and me\u2014you say it \"Yo-hanna,\" by the way, she's particular about that\u2014we've been married twenty-one years. When we met I was living up in Dallas with my girlfriend at the time, Jenny Braggs. Back then I was consulting for only three stations, spread out over the state, so I spent most of every week on the road. Then one day I was up in San Antonio, at WWWR, and there she was. Johanna. Shelving CDs. She was a tall drink of water.\n\n\"How's the weather up there?\" I said.\n\n\"Pardon me?\"\n\n\"Nothing. Hi, I'm Charlie D. That an accent I hear?\"\n\n\"Yes. I'm German.\"\n\n\"Didn't know they liked country music in Germany.\"\n\n\"They don't.\"\n\n\"Maybe I should consult over there. Spread the gospel. Who's your favorite country recording artist?\"\n\n\"I am more into opera,\" Johanna said.\n\n\"I getcha. Just here for the job.\"\n\nAfter that, every time I was down San Antone way, I made a point of stopping by Johanna's desk. It was less nerve-racking if she was sitting.\n\n\"You ever play basketball, Johanna?\"\n\n\"No.\"\n\n\"Do they have girls' basketball over there in Germany?\"\n\n\"In Germany I am not that tall,\" Johanna said.\n\nThat was about how it went. Then one day I come up to her desk and she looks at me with those big blue eyes of hers, and she says, \"Charlie, how good an actor are you?\"\n\n\"Actor or liar?\"\n\n\"Liar.\"\n\n\"Pretty decent,\" I said. \"But I might be lying.\"\n\n\"I need a green card,\" Johanna said.\n\nRoll the film: me emptying my water bed into the bathtub so I can move out, while Jenny Braggs weeps copious tears. Johanna and me cramming into a photo booth to take cute \"early relationship\" photos for our \"scrapbook.\" Bringing that scrapbook to our immigration hearing, six months later.\n\n\"Now, Ms. Lubbock\u2014do I have that right?\"\n\n\"L\u00fcbeck,\" Johanna told the officer. \"There's an umlaut over the _u_.\"\n\n\"Not in Texas there ain't,\" the officer said. \"Now, Ms. Lubbock, I'm sure you can understand that the United States has to make certain that those individuals who we admit to a path of citizenship by virtue of their marrying U.S. citizens are really and truly married to those citizens. And so I'm going to have to ask you some personal questions that might seem a little intrusive. Do you agree to me doing that?\"\n\nJohanna nodded.\n\n\"When was the first time you and Mr. D.\u2014\" He stopped short and looked at me. \"Hey, you aren't _the_ Charlie Daniels, are you?\"\n\n\"Nuh-uh. That's why I just go by the D. To avoid confusion.\"\n\n\"Because you sort of look like him.\"\n\n\"I'm a big fan,\" I said. \"I take that as a compliment.\"\n\nHe turned back to Johanna, smooth as butter. \"When was the first time you and Mr. D. had intimate sexual relations?\"\n\n\"You won't tell my mother, will you?\" Johanna said, trying to joke.\n\nBut he was all business. \"Before you were married or after?\"\n\n\"Before.\"\n\n\"And how would you rate Mr. D.'s sexual performance?\"\n\n\"What do you think? Wonderful. I married him, didn't I?\"\n\n\"Any distinguishing marks on his sex organ?\"\n\n\"It says 'In God We Trust.' Like on all Americans.\"\n\nThe officer turned to me, grinning. \"You got yourself a real spitfire here,\" he said.\n\n\"Don't I know it,\" I said.\n\n\u2014\n\nBack then, though, we weren't sleeping together. That didn't happen till later. In order to pretend to be my fianc\u00e9e, and then my bride, Johanna had to spend time with me, getting to know me. She's from Bavaria, Johanna is. She had herself a theory that Bavaria is the Texas of Germany. People in Bavaria are more conservative than your normal European leftist. They're Catholic, if not exactly God-fearing. Plus, they like to wear leather jackets and such. Johanna wanted to know everything about Texas, and I was just the man to teach her. I took her to SXSW, which wasn't the cattle call it is today. And oh my Lord if Johanna didn't look good in a pair of blue jeans and cowboy boots.\n\nNext thing I know we're flying home to Michigan to meet my folks. (I'm from Traverse City, originally. Got to talking this way on account of living down here so long. My brother Ted gives me a hard time about it. I tell him you gotta talk the talk in the business I'm in.)\n\nMaybe it was Michigan that did it. It was wintertime. I took Johanna snowmobiling and ice fishing. My mama would never have seen eye to eye on the whole green-card thing, so I just told her we were friends. Once we got up there, though, I overheard Johanna telling my sister that we were \"dating.\" On perch night at the VFW hall, after drinking a few PBRs, Johanna started holding my hand under the table. I didn't complain. I mean, there she was, all six-foot-plus of her, healthy as can be and with a good appetite, holding my hand in hers, secret from everyone else. I'll tell you, I was happier than a two-peckered dog.\n\nMy mother put us in separate bedrooms. But one night Johanna came into mine, quiet as an Injun, and crawled into bed.\n\n\"This part of the Method acting?\" I said.\n\n\"No, Charlie. This is real.\"\n\nShe had her arms around me, and we were rocking, real soft like, the way Meg did after we gave her that kitten, before it died, I mean, when it was just a warm and cuddly thing instead of like it had hoof and mouth, and went south on us.\n\n\"Feels real,\" I said. \"Feels like the realest thing I ever did feel.\"\n\n\"Does this feel real, too, Charlie?\"\n\n\"Yes, ma'am.\"\n\n\"And this?\"\n\n\"Lemme see. Need to reconnoitre. Oh yeah. That's _real_ real.\"\n\nLove at fifteenth sight, I guess you'd call it.\n\n\u2014\n\nI look up at my house and cogitate some\u2014I don't rightly want to say what about. The thing is, I'm a successful man in the prime of life. Started DJ-ing in college, and, OK, my voice was fine for the 3:00-to-6:00 a.m. slot at Marquette, but out in the real world there was an upper limit, I'll admit. Never did land me a job in front of a microphone. Telemarketed instead. Then the radio itch got back into me and I started consulting. This was in the eighties, when you had your first country-rock crossovers. A lot of stations were slow to catch on. I told them who and what to play. Started out contracting for three stations and now I've got sixty-seven coming to me asking, \"Charlie D., how do we increase our market share? Give us your crossover wisdom, Sage of the Sagebrush.\" (That's on my website. People have sort of picked it up.)\n\nBut what I'm thinking right now doesn't make me feel so sagelike. In fact, not even a hair. I'm thinking, How did this happen to me? To be out here in the bushes?\n\nFind the Bad Guy is a term we learned at couples counseling. Me and Johanna saw this lady therapist for about a year, name of Dr. Van der Jagt. Dutch. Had a house over by the university, with separate paths to the front and the back doors. That way, people leaving didn't run into those showing up.\n\nSay you're coming out of couples therapy and your next-door neighbor's coming in. \"Hey, Charlie D.,\" he says. \"How's it going?\" And you say, \"The missus has just been saying I'm verbally abusive, but I'm doing OK otherwise.\"\n\nNaw. You don't want that.\n\nTell the truth, I wasn't crazy about our therapist being a woman, plus European. Thought it would make her partial to Johanna's side of things.\n\nAt our first session, Johanna and I chose opposite ends of the couch, keeping throw pillows between us.\n\nDr. Van der Jagt faced us, her scarf as big as a horse blanket.\n\nShe asked what brought us.\n\nTalking, making nice, that's the female department. I waited for Johanna to start in.\n\nBut the same cat got her tongue as mine.\n\nDr. Van der Jagt tried again. \"Johanna, tell me how you are feeling in the marriage. Three words.\"\n\n\"Frustrated. Angry. Alone.\"\n\n\"Why?\"\n\n\"When we met, Charlie used to take me dancing. Once we had kids, that stopped. Now we both work full-time. We don't see each other all day long. But as soon as Charlie comes home he goes out to his fire pit\u2014\"\n\n\"You're always welcome to join me,\" I said.\n\n\"\u2014and drinks. All night. Every night. He is married more to the fire pit than to me.\"\n\nI was there to listen, to connect with Johanna, and I tried my best. But after a while I stopped paying attention to her words and just listened to her voice, the foreign sound of it. It was like if Johanna and I were birds, her song wouldn't be the song I'd recognize. It would be the song of a species of bird from a different continent, some species that nested in cathedral belfries or windmills, which, to my kind of bird, would be like, Well, la-di-da.\n\nFor instance, regarding the fire pit. Didn't I try to corral everyone out there every night? Did I ever say I _wanted_ to sit out there alone? No, sir. I'd like us to be together, as a family, under the stars, with the mesquite flaming and popping. But Johanna, Bryce, Meg, and even Lucas\u2014they never want to. Too busy on their computers or their Instagrams.\n\n\"How do you feel about what Johanna is saying?\" Dr. Van der Jagt asked me.\n\n\"Well,\" I said. \"When we bought the house, Johanna was excited about the fire pit.\"\n\n\"I never liked the fire pit. You always think that, because you like something, I like the same thing.\"\n\n\"When the real estate lady was showing us around, who was it said, 'Hey, Charlie, look at this! You're gonna love this'?\"\n\n\" _Ja,_ and you wanted a Wolf stove. You had to have a Wolf stove. But have you ever cooked anything on it?\"\n\n\"Grilled those steaks out in the pit that time.\"\n\nRight around there, Dr. Van der Jagt held up her soft little hand.\n\n\"We need to try to get beyond these squabbles. We need to find what's at the core of your unhappiness. These things are only on the surface.\"\n\nWe went back the next week, and the week after that. Dr. Van der Jagt had us fill out a questionnaire ranking our level of marital contentment. She gave us books to read: _Hold Me Tight,_ which was about how couples tend to miscommunicate, and _The Volcano Under the Bed,_ which was about overcoming sexual dry spells and made for some pretty racy reading. I took off the covers of both books and put on new ones. That way, people at the station thought I was reading Tom Clancy.\n\nLittle by little, I picked up the lingo.\n\nFind the Bad Guy means how, when you're arguing with your spouse, both people are trying to win the argument. Who didn't close the garage door? Who left the Bigfoot hair clump in the shower drain? The thing you have to realize, as a couple, is that there _is_ no bad guy. You can't win an argument when you're married. Because if you win, your spouse loses, and resents losing, and then you lose, too, pretty much.\n\nDue to the fact that I was a defective husband, I started spending a lot of time alone, being introspective. What I did was go to the gym and take a sauna. I'd dropper some eucalyptus into a bucket of water, toss the water on the fake rocks, let the steam build up, then turn over the miniature hourglass, and, for however long it took to run out, I'd introspect. I liked to imagine the heat burning all my excess cargo away\u2014I could stand to lose a few, like the next guy\u2014until all that was left was a pure residue of Charlie D. Most other guys hollered that they were cooked after ten minutes and red-assed it out of there. Not me. I just turned the hourglass over and hunkered on down some more. Now the heat was burning away my real impurities. Things I didn't even tell anyone about. Like the time after Bryce was born and had colic for six straight months, when in order to keep from throwing him out the window what I did was drink a couple bourbons before dinner and, when no one was looking, treat Forelock as my personal punching bag. He was just a puppy then, eight or nine months. He'd always done _something._ A grown man, beating on my own dog, making him whimper so Johanna'd call out, \"Hey! What are you doing?\" and I'd shout back, \"He's just faking! He's a big faker!\" Or the times, more recent, when Johanna was flying to Chicago or Phoenix and I'd think, What if her plane goes down? Did other people feel these things, or was it just me? Was I evil? Did Damien know he was evil in _The Omen_ and _Omen II_? Did he think \"Ave Satani\" was just a catchy soundtrack? \"Hey, they're playing my song!\"\n\n\u2014\n\nMy introspecting must have paid off, because I started noticing patterns. As a for instance, Johanna might come into my office to hand me the cap of the toothpaste I'd forgotten to screw back on, and, later, that would cause me to say _\"Achtung!\"_ when Johanna asked me to take out the recycling, which would get Johanna madder than a wet hen, and before you know it we're fighting World War III.\n\nIn therapy, when Dr. Van der Jagt called on me to speak, I'd say, \"On a positive note this week, I'm becoming more aware of our demon dialogues. I realize that's our real enemy. Not each other. Our demon dialogues. It feels good to know that Johanna and I can unite against those patterns, now that we're more cognizant.\"\n\nBut it was easier said than done.\n\nOne weekend we had dinner with this couple. The gal, Terri, worked with Johanna over at Hyundai. The husband, name of Burton, was from out east.\n\nThough you wouldn't know it to look at me, I was born with a shy temperament. To relax in a social context, I like to throw back a few margaritas. I was feeling OK when the gal, Terri, put her elbows on the table and leaned toward my wife, gearing up for some girl talk.\n\n\"So how did you guys meet?\" Terri said.\n\nI was involved with Burton in a conversation about his wheat allergy.\n\n\"It was supposed to be a green-card marriage,\" Johanna said.\n\n\"At first,\" I said, butting in.\n\nJohanna kept looking at Terri. \"I was working at the radio station. My visa was running out. I knew Charlie a little. I thought he was a really nice guy. So, _ja,_ we got married, I got a green card, and, you know, _ja, ja._ \"\n\n\"That makes sense,\" Burton said, looking from one of us to the other, and nodding, like he'd figured out a riddle.\n\n\"What do you mean by that?\" I asked.\n\n\"Charlie, be nice,\" Johanna said.\n\n\"I am being nice,\" I said. \"Do you think I'm not being nice, Burton?\"\n\n\"I just meant your different nationalities. Had to be a story behind that.\"\n\nThe next week at couples counseling was the first time I started the conversation.\n\n\"My issue is,\" I said. \"Hey, I've got an issue. Whenever people ask how we met, Johanna always says she married me for a green card. Like our marriage was just a piece of theater.\"\n\n\"I do not,\" Johanna said.\n\n\"You sure as shooting do.\"\n\n\"Well, it's true, isn't it?\"\n\n\"What I'm hearing from Charlie,\" Dr. Van der Jagt said, \"is that when you do that, even though you might feel that you are stating the facts, what it feels like, for Charlie, is that you are belittling your bond.\"\n\n\"What am I supposed to say?\" Johanna said. \"Make up a story to say how we met?\"\n\nAccording to _Hold Me Tight,_ what happened when Johanna told Terri about the green card was that my attachment bond was threatened. I felt like Johanna was pulling away, so that made me want to seek her out, by trying to have sex when we got home. Due to the fact that I hadn't been all that nice to Johanna during our night out (due to I was mad about the green-card thing), she wasn't exactly in the mood. I'd also had more than my fill of the friendly creature. In other words, it was a surly, drunken, secretly needy, and frightened life-mate who made the move across the memory foam. The memory foam being a point of contention in itself, because Johanna loves that mattress, while I'm convinced it's responsible for my lower lumbar pain.\n\nThat was our pattern: Johanna fleeing, me bloodhounding her trail.\n\n\u2014\n\nI was working hard on all this stuff, reading and thinking. After about three months of counseling, things started getting rosier around La Casa D. For one thing, Johanna got that promotion I mentioned, from local rep to regional. We made it a priority to have some together time together. I agreed to go easier on the sauce.\n\nAround about this same time, Cheyenne, the little gal who babysat for us, showed up one night smelling like a pigpen. Turned out her father had kicked her out. She'd moved in with her brother, but there were too many drugs there, so she left. Every guy who offered her a place to stay only wanted one thing, so finally Cheyenne ended up sleeping in her Chevy. At that point Johanna, who's a soft touch and throws her vote away on the Green Party, offered Cheyenne a room. What with Johanna traveling more, we needed extra help with the kids, anyway.\n\nEvery time Johanna came back from a trip, the two of them were like best friends, laughing and carrying on. Then Johanna'd leave and I'd find myself staring out the window while Cheyenne suntanned by the pool. I could count her every rib.\n\nPlus, she liked the fire pit. Came down most every night.\n\n\"Care to meet my friend, Mr. George Dickel?\" I said.\n\nCheyenne gave me a look like she could read my mind. \"I ain't legal, you know,\" she said. \"Drinking age.\"\n\n\"You're old enough to vote, ain't you? You're old enough to join the armed forces and defend your country.\"\n\nI poured her a glass.\n\nSeemed like she'd had some before.\n\nAll those nights out by the fire with Cheyenne made me forget that I was me, Charlie D., covered with sunspots and the marks of a long life, and Cheyenne was Cheyenne, not much older than the girl John Wayne goes searching for in _The Searchers._\n\nI started texting her from work. Next thing I know I'm taking her shopping, buying her a shirt with a skull on it, or a fistful of thongs from Victoria's Secret, or a new Android phone.\n\n\"I ain't sure I should be accepting all this stuff from you,\" Cheyenne said.\n\n\"Hey, it's the least I can do. You're helping me and Johanna out. It's part of the job. Fair payment.\"\n\nI was half daddy, half sweetheart. At night by the fire we talked about our childhoods, mine unhappy long ago, hers unhappy in the present.\n\nJohanna was gone half of each week. She came back hotel-pampered, expecting room service and the toilet paper folded in a V. Then she was gone again.\n\nOne night I was watching _Monday Night._ A Captain Morgan commercial came on\u2014I get a kick out of those\u2014put me in mind of having me a Captain Morgan and Coke, so I fixed myself one. Cheyenne wandered in.\n\n\"What you watching?\" she asked.\n\n\"Football. Want a drink? Spiced rum.\"\n\n\"No, thanks.\"\n\n\"You know those thongs I bought you the other day? How they fit?\"\n\n\"Real good.\"\n\n\"You could be a Victoria's Secret model, I swear, Cheyenne.\"\n\n\"I could not!\" She laughed, liking the idea.\n\n\"Why don't you model one of them thongs for me. I'll be the judge.\"\n\nCheyenne turned toward me. All the kids were asleep. Fans were shouting on the TV. Staring straight into my eyes, Cheyenne undid the clasp of her cutoffs and let them fall to the floor.\n\nI got down on my knees, prayerful-like. I mashed my face against Cheyenne's hard little stomach, trying to breathe her in. I moved it lower.\n\nIn the middle of it all, Cheyenne lifted her leg, Captain Morgan style, and we busted up.\n\nTerrible, I know. Shameful. Pretty easy to find the bad guy here.\n\nTwice, maybe three times. OK, more like seven. But then one morning Cheyenne opens her bloodshot teenage eyes and says, \"You know, you could be my granddaddy.\"\n\nNext she calls me at work, completely hysterical. I pick her up, we go down to the CVS for a home pregnancy test. She's so beside herself she can't even wait to get back home to use it. Makes me pull over, then goes down into this gulch and squats, comes back with mascara running down her cheeks.\n\n\"I can't have a baby! I'm only nineteen!\"\n\n\"Well, Cheyenne, let's think a minute,\" I said.\n\n\"You gonna raise this baby, Charlie D.? You gonna support me and this baby? You're old. Your _sperm_ are old. Baby might come out autistic.\"\n\n\"Where did you read that?\"\n\n\"Saw it on the news.\"\n\nShe didn't need to think long. I'm anti-abortion but, under the circumstances, decided it was her choice. Cheyenne told me she'd handle the whole thing. Made the appointment herself. Said I didn't even need to go with her. All she needed was $3,000.\n\nYeah, sounded high to me, too.\n\nWeek later, I'm on my way to couples therapy with Johanna. We're coming up Dr. Van der Jagt's front path when my phone vibrates in my pocket. I open the door for Johanna and say, \"After you, darlin'.\"\n\nThe message was from Cheyenne: \"It's over. Have a nice life.\"\n\nNever _was_ pregnant. That's when I realized. I didn't care either way. She was gone. I was safe. Dodged another bullet.\n\nAnd then what did I go and do? I walked into Dr. Van der Jagt's office and sat down on the couch and looked over at Johanna. My wife. Not as young as she used to be, sure. But older and more worn out because of me, mainly. Because of raising my kids and doing my laundry and cooking my meals, all the while holding down a full-time job. Seeing how sad and tuckered out Johanna looked, I felt all choked up. And as soon as Dr. Van der Jagt asked me what I had to say, the whole story came rushing out of me.\n\nI had to confess my crime. Felt like I'd explode if I didn't.\n\nWhich means something. Which means, when you get down to it, that the truth is true. The truth will out.\n\nUp until that moment, I wasn't so sure.\n\nWhen our fifty minutes was up, Dr. Van der Jagt directed us to the back door. As usual, I couldn't help keeping an eye out for anyone who might see us.\n\nBut what were we skulking around for, anyway? What were we ashamed of? We were just two people in love and in trouble, going to our Nissan to pick up our kids from school. Over in the Alps, when they found that prehistoric man frozen in the tundra and dug him out, the guy they call \u00d6tzi, they saw that aside from wearing leather shoes filled with grass and a bearskin hat he was carrying a little wooden box that contained an ember. That's what Johanna and I were doing, going to marital therapy. We were living through an Ice Age, armed with bows and arrows. We had wounds from previous skirmishes. All we had if we got sick were some medicinal herbs. There was a flint arrowhead lodged in my left shoulder, which slowed me down some. But we had this ember box with us, and if we could just get it somewhere\u2014I don't know, a cave, or a stand of pines\u2014we could use this ember to reignite the fire of our love. A lot of the time, while I was sitting there stony-faced on Dr. Van der Jagt's couch, I was thinking about \u00d6tzi, all alone out there, when he was killed. Murdered, apparently. They found a fracture in his skull. You have to realize that things aren't so bad nowadays as you might think. Human violence is way down since prehistoric times, statistically. If we'd lived when \u00d6tzi did, we'd have to watch our backs anytime we took a saunter. Under those conditions, who would I want at my side more than Johanna, with her broad shoulders and strong legs and used-to-be-fruitful womb? She's been carrying our ember the whole time, for years now, despite all my attempts to blow it out.\n\nAt the car, wouldn't you know it, my key fob chose right then not to work. I kept pressing and pressing. Johanna stood on the gravel, looking small, for her, and crying, \"I hate you! I hate you!\" I watched my wife crying from what felt like a long way off. This was the same woman who, when we were trying to have Lucas, called me on the phone and said, like Tom Cruise in _Top Gun_ , \"I feel the need for seed!\" I'd rush home from work, stripping off my vest and string tie as I hurried into the bedroom, sometimes leaving my cowboy boots on (though that didn't feel right, and I tried not to), and there would be Johanna, lying on her back with her legs and arms spread out in welcome, her cheeks fiery red, and I leapt and fell, and kept falling, it felt like, forever, down into her, both of us lost in the sweet, solemn business of making a baby.\n\n\u2014\n\nSo that's why I'm out here in the bushes. Johanna kicked me out. I'm living downtown now, near the theater district, renting a two-bedroom in the overpriced condos they built before the crash and now can't fill.\n\nI'd wager I'm about sixty feet away from the house now. Maybe fifty-nine. Think I'll get closer.\n\nFifty-eight.\n\nFifty-seven.\n\nHow do you like that, Lawman?\n\nI'm standing next to one of the floodlights when I remember that restraining orders aren't calculated in feet. They're in _yards._ I'm supposed to be staying fifty yards away!\n\nTarnation.\n\nBut I don't move. Here's why. If I'm supposed to be fifty yards away, that means I've been violating the restraining order for weeks.\n\nI'm guilty already.\n\nSo, might as well get a little closer.\n\nUp onto the front porch, for instance.\n\nJust like I thought: front door's open. God damn it, Johanna! I think. Just leave the house wide open for any home invader to waltz right in, why don't you?\n\nFor a minute, it feels like old times. I'm angrier than a hornet, and I'm standing in my own house. A sweet urge of self-justification fills me. I know who the bad guy is here. It's Johanna. I'm just itching to go and find her and shout, \"You left the front door open! _Again._ \" But I can't right now, because, technically, I'm breaking and entering.\n\nThen the smell hits me. It's not the De Rougemonts. It's partly dinner\u2014lamb chops, plus cooking wine. Nice. Partly, too, a shampoo smell from Meg's having just showered upstairs. Moist, warm, perfumey air is filtering down the staircase. I can feel it on my cheeks. I can also smell Forelock, who's too old to even come and greet his master, which under the circumstances is OK by me. It's all these smells at once, which means that it's our smell. The D.s! We've finally lived here long enough to displace the old-person smell of the De Rougemonts. I just didn't realize it before. I had to get kicked out of my own house to be able to come and smell this smell, which I don't think, even if I were a little kid with super-smelling abilities, would be anything other than pleasant.\n\nUpstairs Meg runs out of her bedroom. \"Lucas!\" she shouts. \"What did you do with my charger!\"\n\n\"I didn't do anything,\" he says back. (He's up in his bedroom.)\n\n\"You took it!\"\n\n\"I did not!\"\n\n\"Yes, you did!\"\n\n\"Mom!\" Meg yells, and comes to the top of the stairs, where she sees me. Or maybe doesn't. She needs to wear her glasses. She stares down to where I'm standing in the shadows and she shouts, \"Mom! Tell Lucas to give me back my charger!\"\n\nI hear something, and turn. And there's Johanna. When she sees me, she does a funny thing. She jumps back. Her face goes white and she says, \"Guys! Stay upstairs!\"\n\nHey, come on, I'm thinking. It's just me.\n\nJohanna presses the speed dial on her phone, still backing away.\n\n\"You don't have to do that,\" I say. \"Come on now, Jo-Jo.\"\n\nShe gets on with 911. I take a step toward her with my hand out. I'm not going to grab the phone. I just want her to hang up and I'll leave. But suddenly I'm holding the phone, Johanna's screaming, and, out of nowhere, something jumps me from behind, tackling me to the ground.\n\nIt's Bryce. My son.\n\nHe isn't at trumpet lessons. Maybe he quit. I'm always the last to know.\n\nBryce has got a rope in his hand, or an extension cord, and he's strong as a bull. He always did take after Johanna's side.\n\nHe's pressing his knee hard into my back, trying to hog-tie me with the extension cord.\n\n\"Got him, Mom!\" he shouts.\n\nI'm trying to talk. But my son has my face smashed down into the rug. \"Hey, Bryce, lemme go,\" I say. \"It's Pa. It's Pa down here. Bryce? I'm not kidding now.\"\n\nI try an old Michigan wrestling move, scissor kick. Works like a charm. I flip Bryce off me, onto his back. He tries to scramble away but I'm too fast for him.\n\n\"Hey, now,\" I say. \"Who's your daddy now, Bryce? Huh? Who's your daddy?\"\n\nThat's when I notice Meg, higher on the stairs. She's been frozen there the whole time. But when I look at her now she hightails it. Scared of me.\n\nSeeing that takes all the fight out of me. _Meg? Sugar pie? Daddy won't hurt you._\n\nBut she's gone.\n\n\"OK,\" I say. \"Ah'mo leave now.\"\n\nI turn and go outside. Look up at the sky. No stars. I put my hands in the air and wait.\n\n\u2014\n\nAfter bringing me to headquarters, the officer removed my handcuffs and turned me over to the sheriff, who made me empty my pockets: wallet, cell phone, loose change, 5-Hour Energy bottle, and an Ashley Madison ad torn from some magazine. He had me put all that stuff in a ziplock and sign a form vouching for the contents.\n\nIt was too late to call my lawyer's office, so I called Peeks-kill's cell and left a message on his voice mail. I asked if that counted as a call. It did.\n\nThey took me down the hall to an interrogation room. After about a half hour, a guy I haven't seen before, detective, comes in and sits down.\n\n\"How much you had tonight?\" he asks me.\n\n\"A few.\"\n\n\"Bartender at Le Grange said you came in around noon and stayed through happy hour.\"\n\n\"Yessir. Not gonna lie to you.\"\n\nThe detective pushes himself back in his chair.\n\n\"We get guys like you in here all the time,\" he says. \"Hey, I know how you feel. I'm divorced, too. Twice. You think I don't want to stick it to my old lady sometimes? But you know what? She's the mother of my children. That sound corny to you? Not to me it doesn't. You have to make sure she's happy, whether you like it or not. Because your kids are going to be living with her and they're the ones that'll pay the price.\"\n\n\"They're my kids, too,\" I say. My voice sounds funny.\n\n\"I hear you.\"\n\nWith that, he goes out. I look around the room, making sure there isn't a two-way mirror, like on _Law & Order,_ and when I'm satisfied I just hang my head and cry. When I was a kid, I used to imagine getting arrested and how cool I'd act. They wouldn't get nothing out of me. A real outlaw. Well, now I _am_ arrested, and all I am is a guy with gray stubble on my cheeks, and my nose still bleeding a little from when Bryce mashed it against the rug.\n\nThere's a thing they've figured out about love. Scientifically. They've done studies to find out what keeps couples together. Do you know what it is? It isn't getting along. Isn't having money, or children, or a similar outlook on life. It's just checking in with each other. Doing little kindnesses for each other. At breakfast, you pass the jam. Or, on a trip to New York City, you hold hands for a second in a subway elevator. You ask \"How was your day?\" and pretend to care. Stuff like that really works.\n\nSounds pretty easy, right? Except most people can't keep it up. In addition to finding the bad guy in every argument, couples do this thing called the Protest Polka. That's a dance where one partner seeks reassurance about the relationship and approaches the other, but because that person usually does this by complaining or being angry, the other partner wants to get the hell away, and so retreats. For most people, this complicated maneuver is easier than asking, \"How are your sinuses today, dear? Still stuffed? I'm sorry. Let me get you your saline.\"\n\nWhile I'm thinking all this, the detective comes in again and says, \"OK. Vamoose.\"\n\nHe means I'm getting out. No argument from me. I follow him down the hall to the front of headquarters. I expect to see Peekskill, which I do. He's shooting the breeze with the desk sergeant, using cheerful profanities. No one can say \"you motherfucker\" with more joie de vivre than Counselor Peekskill. None of this surprises me at all. What surprises me is that standing a few feet behind Peekskill is my wife.\n\n\"Johanna's declining to press charges,\" Peekskill tells me, when he comes over. \"Legally, that doesn't mean shit because the restraining order's enforced by the state. But the police don't want to charge you with anything if the wife's not going to be behind it. I gotta tell you, though, this isn't going to help you before the judge. We may not be able to get this thing revoked.\"\n\n\"Never?\" I say. \"I'm within fifty yards of her right now.\"\n\n\"True, but you're in a police station.\"\n\n\"Can I talk to her?\"\n\n\"You want to talk to her? I don't advise that right now.\"\n\nBut I'm already crossing the precinct lobby.\n\nJohanna is standing by the door, her head down.\n\nI'm not sure when I'm going to see her again, so I look at her real hard.\n\nI look at her but feel nothing.\n\nI can't even tell if she's pretty anymore.\n\nProbably she is. At social functions, other people, men, anyway, are always saying, \"You look familiar. You didn't used to be a Dallas cheerleader, did you?\"\n\nI look. Keep looking. Finally, Johanna meets my eye.\n\n\"I want to be a family again,\" I say.\n\nHer expression is hard to read. But the feeling I get is that Johanna's young face is lying under her new, older face, and that the older face is like a mask. I want her younger face to come out not only because it was the face I fell in love with but because it was the face that loved me back. I remember how it crinkled up whenever I came into a room.\n\nNo crinkling now. More like a Halloween pumpkin, with the candle gone out.\n\nAnd then she tells me what's what. \"I tried for a long time, Charlie. To make you happy. I thought if I made more money it would make you happy. Or if we got a bigger house. Or if I just left you alone so you could drink all the time. But none of these things made you happy, Charlie. And they didn't make me happy, either. Now that you've moved out, I'm sad. I am crying every night. But, as I now know the truth, I can begin to deal with it.\"\n\n\"This isn't the only truth there is,\" I say. It sounds more vague than I want it to, so I spread my arms wide\u2014like I'm hugging the whole world\u2014but this only ends up seeming even vaguer.\n\nI try again. \"I don't want to be the person I've been,\" I say. \"I want to change.\" This is meant sincerely. But, like most sincerities, it's a little threadbare. Also, because I'm out of practice being sincere, I still feel like I'm lying.\n\nNot very convincing.\n\n\"It's late,\" Johanna says. \"I'm tired. I'm going home.\"\n\n\"Our home,\" I say. But she's halfway to her car already.\n\n\u2022\n\nI don't know where I'm walking. Just wandering. I don't much want to go back to my apartment.\n\nAfter me and Johanna bought our house, we went over to meet the owners, and you know what the old guy did to me? We were walking out to see the mechanical room\u2014he wanted to explain about servicing the boiler\u2014and he was walking real slow. Then right quick he turned around and looked at me with his old bald head, and he said, \"Just you wait.\"\n\nHis spine was all catty-whompered. He could only shuffle along. So, in order to stave off the embarrassment of being closer to death than me, he hit me with that grim reminder that I'd end up just like him someday, shuffling around this house like an invalid.\n\nThinking of Mr. De Rougement, I all of a sudden figure out what my problem is. Why I've been acting so crazy.\n\nIt's death. _He's_ the bad guy.\n\nHey, Johanna. I found him! It's death.\n\nI keep on walking, thinking about that. Lose track of time.\n\nWhen I finally look up, I'll be god-darned if I ain't in front of my house again! On the other side of the street, in legal territory, but still. My feet led me here out of habit, like an old plug horse.\n\nI take out my phone again. Maybe Meg played a word while I was in jail.\n\nNo such luck.\n\nWhen a new word comes on Words with Friends, it's a beautiful sight to see. The letters appear out of nowhere, like a sprinkle of stardust. I could be anywhere, doing anything, but when Meg's next word flies through the night to skip and dance across my phone, I'll know she's thinking of me, even if she's trying to beat me.\n\nWhen Johanna and I first went to bed, I was a little intimidated. I'm not a small man, but on top of Johanna? Sort of a _Gulliver's Travels_ \u2013type situation. It was like Johanna had fallen asleep and I'd climbed up there to survey the scene. Beautiful view! Rolling hills! Fertile cropland! But there was only one of me, not a whole town of Lilliputians throwing ropes and nailing her down.\n\nBut it was strange. That first night with Johanna, and more and more every night after, it was like she shrank in bed, or I grew, until we were the same size. And little by little that equalizing carried on into the daylight. We still turned heads. But it seemed as though people were just looking at us, a single creature, not two misfits yoked at the waist. _Us._ Together. Back then, we weren't fleeing or chasing each other. We were just seeking, and every time one of us went looking, there the other was, waiting to be found.\n\nWe found each other for so long before we lost each other. _Here I am!_ we'd say, in our heart of hearts. _Come find me._ Easy as putting a blush on a rainbow.\n\n2013\n\n# THE ORACULAR VULVA\n\nSkulls make better pillows than you'd think. Dr. Peter Luce (the famous sexologist) rests his cheek on the varnished parietal of a Dawat ancestor, he's not sure whose. The skull tips back and forth, jawbone to chin, as Luce himself is gently rocked by the boy on the next skull over, rubbing his feet against Luce's back. The pandanus mat feels scratchy against his bare legs.\n\nIt's the middle of the night, the time when, for some reason, all the yammering jungle creatures shut up for a minute. Luce's specialty isn't zoology. He's paid scant attention to the local fauna since coming here. He hasn't told anybody on the team, but he's phobic about snakes and so hasn't wandered too far from the village. When the others go off to hunt boar or chop sago, Luce stays in to brood on his situation. (Specifically, his ruined career, but there are other complaints.) Only one brave, drunken night, going to pee, did he venture away from the longhouses to stand in the dense vegetation for roughly thirty-five seconds before getting creeped out and hurrying back. He doesn't know what goes on in the jungle and he doesn't care. All he knows is that every night at sundown the monkeys and birds start screaming and then, about 1 p.m. New York time\u2014to which his luminous wristwatch is still faithfully set\u2014they stop. It gets perfectly quiet. So quiet that Luce wakes up. Or sort of wakes up. His eyes are open now, at least he thinks they are. Not that it makes any difference. This is the jungle during the new moon. The darkness is total. Luce holds his hands in front of his face, palm to nose, unable to see it. He shifts his cheek on the skull, causing the boy to stop rubbing momentarily and let out a soft, submissive cry.\n\nWetly, like a vapor\u2014he's definitely awake now\u2014the jungle invades his nostrils. He's never smelled anything like it before. It's like mud and feces mixed with armpit and worm, though that doesn't quite cover it. There's also the scent of wild pig, the cheesy whiff of six-foot orchids, and the corpse breath of carnivorous flytraps. All around the village, from the swampy ground up to the tops of trees, animals are eating each other and digesting with open, burping mouths.\n\nEvolution has no consistent game plan. While famous for remaining true to certain elegant forms (Dr. Luce likes to point out, for instance, the structural similarity between mussels and the female genitalia), it can also, on a whim, improvise. That's what evolution is: a scattershot of possibilities, proceeding not by successive improvements but just by changes, some good, some bad, none thought out beforehand. The marketplace\u2014that is, the world\u2014decides. So that here, on the Casuarina Coast, the flowers have evolved traits that Luce, a Connecticut boy, doesn't associate with flowers, though botany isn't his specialty either. He thought flowers were supposed to smell _nice._ To attract bees. Here it's something different. The few lurid blooms he's unwisely stuck his snout into have smelled pretty much like death. There's always a little pool of rainwater inside the cup (actually digestive acid) and a winged beetle being eaten away. Luce'll snap his head back, holding his nose, and then, in the bushes somewhere, he'll hear a few Dawat laughing their heads off.\n\nThese ruminations are interrupted by the puling of the boy on the next skull over. _\"Cemen,\"_ the boy cries out. _\"Ake cemen.\"_ There's silence, a few Dawat muttering to themselves in dreams, and then, just like every night, Luce feels the kid's hand come snaking into his shorts. He grabs it gently by the wrist, fishing for his penlight with his other hand. He switches it on and the pale beam illuminates the boy's face. He's resting his cheek on a skull, too (his grandfather's, to be precise), which is stained a dark orange from years of hair and skin oil. Beneath his kinky hair the boy's eyes are wide, frightened by the light. He looks a little like a young Jimi Hendrix. His nose is wide and flat, his cheekbones prominent. His full lips have a permanent pout from speaking the explosive Dawat language. _\"Ake cemen,\"_ he goes again, which is maybe a word. His trapped hand makes another lunge for Luce's midsection, but Luce redoubles his grip.\n\nSo, then, the other complaints: Having to do fieldwork at his age, for one thing. Getting mail yesterday for the first time in eight weeks, ripping open the soggy packet with excitement only to find, right on the cover of _The New England Journal of Medicine,_ Pappas-Kikuchi's spurious study. And, more immediately, the kid.\n\n\"Come on now,\" Luce says. \"Go back to sleep.\"\n\n_\"Cemen. Ake cemen!\"_\n\n\"Thanks for the hospitality, but no thanks.\"\n\nThe kid turns and looks into the darkness of the hut, and when he turns back the penlight beam shows tears welling in his eyes. He's scared. He tugs at Luce, bowing his head and pleading. \"You ever hear of a thing called professional ethics, kid?\" Luce says. The boy stops, looking at him, trying to understand, then starts tugging again.\n\nThe kid's been after him for three straight weeks. It's not that he's in love or anything. Among the many rare characteristics of the Dawat\u2014not the precise biological oddity that has brought Luce and his team to Irian Jaya but a related anthropological one\u2014is that the tribe maintains strict segregation between the sexes. The village is laid out in a dumbbell shape, thinning in the middle with a longhouse at either end. The men and boys sleep in one longhouse; the women and girls in the other. Dawat males consider contact with females highly polluting, and so have organized social structures to limit exposure as much as possible. Dawat men, for instance, go into the women's longhouse only for the purpose of procreation. They do what they have to do quickly and then leave. According to Randy, the anthropologist who speaks Dawat, the Dawat word for \"vagina\" translates literally as \"that thing which is truly no good.\" This, of course, incensed Sally Ward, the endocrinologist who came along to analyze plasma hormone levels, and who has little tolerance for so-called cultural differences and out of sheer disgust and justified anger has been denigrating the field of anthropology to Randy's face whenever she gets the chance. Which isn't often because, by tribal law, she has to stay down at the other end of the village. What it's like over there, Luce has no idea. The Dawat have erected an earthwork between the two areas, a mud wall about five feet high with spears jutting up. Impaled on the spears are oblong green gourds that at first looked refreshingly festive to Luce, like Venetian lanterns, until Randy explained that the gourds are only stand-ins for the human heads of yesteryear. At any rate, you can't see much over the earthwork, and there's only a little pathway where the women leave food for the men and through which the men go, once a month, to mount their wives for three and a half minutes.\n\nAs papal as the Dawat appear to be in reserving sex for procreation, they are a hard sell for the local missionaries. They're not exactly celibate in the Longhouse of Men. Dawat boys live with their mothers until they're seven years old, at which point they come to live with the men. For the next eight years the boys are coerced into fellating their elders. With the denigration of the vagina in Dawat belief comes the exaltation of the male sexual parts, and especially of semen, which is held to be an elixir of stunning nutritive power. In order to become men, to become warriors, boys must ingest as much semen as possible, and this, nightly, daily, hourly, they do. Their first night in the longhouse, Luce and his assistant, Mort, were taken aback, to say the least, when they saw the sweet little boys going dutifully from man to man as if bobbing for apples. Randy just sat taking notes. After all the men had been satisfied, one of the chieftains, in what no doubt was a show of hospitality, barked something at two boys, who then came over to the American scientists. \"That's OK,\" Mort had said to his kid. \"I'm good.\" Even Luce felt himself breaking out into a sweat. Around the hut, the boys went about their business either cheerfully or with mild resignation, like kids back home doing chores. It impressed upon Luce once again the fact that sexual shame was a social construct, completely relative to culture. Still, _his_ culture was American, specifically Anglo-Irish lapsed Episcopalian, and he refused the Dawat offer graciously, that night and, now, this.\n\nThe irony, however, wasn't lost on him that he, Dr. Peter Luce, director of the Sexual Disorders and Gender Identity Clinic, past general secretary of the Society for the Scientific Study of Sex (SSSS), champion of the open investigation of human sexual behavior, opponent of prudishness, scourge of inhibition, and crusader for physical delights of all kinds, should find himself, halfway around the world in the erotic jungle, feeling so uptight. In his annual address to the society in 1969, Dr. Luce had reminded the assembled sexologists of the historical conflict between scientific research and common morality. Look at Vesalius, he said. Look at Galileo. Always practical, Luce had advised his listeners to travel to foreign countries where so-called aberrant sexual practices were tolerated and consequently easier to study (sodomy in Holland, for instance, and prostitution in Phuket). He prided himself on his open mind. To him, human sexuality was like a great big Bruegel painting and he loved watching all the action. Luce tried not to make value judgments about the sundry clinically documented paraphilias, and only when they were patently injurious (as with pedophilia and rape) did he object. This tolerance went even further when dealing with another culture. The blow jobs being performed in the Longhouse of Men might upset Luce if they were happening at the YMCA on West Twenty-third Street, but here he feels he has no right to condemn. It doesn't help his work. He isn't here as a missionary. Given the local mores, these boys aren't likely to be warped by their oral duties. They aren't growing up to be typical heterosexual husbands, anyway. They just move from being givers to being receivers, and everyone's happy.\n\nBut then why does Luce get so upset every time the kid starts rubbing his feet against his back and making his little mating calls? It might have something to do with the increasingly anxious sound of the calls themselves, not to mention the kid's worried expression. It may be that if the kid doesn't pleasure the foreign guests he's in for some kind of punishment. Luce can't explain the kid's fervor any other way. Is white semen believed to possess special power? Unlikely, given the way Luce, Randy, and Mort look these days. They look like hell: greasy-haired, dandruffy. The Dawat probably think that all white men are covered with heat rashes. Luce longs for a shower. He longs to put on his cashmere turtleneck, his ankle boots, and his suede blazer and go out for a whiskey sour. After this trip, the most exotic he wants to get is dinner at Trader Vic's. And if all goes well, that's how it's going to be. Him and a mai tai with a parasol in it, back in Manhattan.\n\n\u2014\n\nUp until three years ago\u2014until the night Pappas-Kikuchi blindsided him with her fieldwork\u2014Dr. Peter Luce was considered the world's leading authority on human intersexuality. He was the author of a major sexological work, _The Oracular Vulva_ , which was standard reading in a variety of disciplines ranging from genetics and pediatrics to psychology. He had written a column of the same name for _Playboy_ from August 1969 to December 1973, in which the conceit was that a personified and all-knowing female pudendum answered the queries of male readers with witty and sometimes sibylline responses. Hugh Hefner had come across Peter Luce's name in the newspaper in an article about a demonstration for sexual freedom. Six Columbia students had staged an orgy in a tent on the main green, which the cops broke up, and when he was asked what he thought about such activity on campus, Assistant Professor Peter Luce, thirty-four, had been quoted as saying, \"I'm in favor of orgies wherever they happen.\" That caught Hef's eye. Not wanting to replicate Xaviera Hollander's \"Call Me Madam\" column in _Penthouse,_ Hefner saw Luce's column as being devoted to the scientific and historic side of sex. Thus, in her first three issues, the Oracular Vulva delivered disquisitions on the erotic art of the Japanese painter Hiroshi Yamamoto, the epidemiology of syphilis, and the custom of the berdache among the Navajo, all in the ghostly, rambling style that Luce modeled on his aunt Rose Pepperdine, who used to lecture him on the Bible while soaking her feet in the kitchen. The column proved popular, though intelligent queries were always hard to come by, the readership being more interested in the \"Playboy Advisor\" 's cunnilingus tips or remedies for premature ejaculation. Finally, Hefner told Luce to screw it and write his own questions, which he did.\n\nPeter Luce had appeared on _Phil Donahue_ in 1987, along with two intersex persons and a transsexual, to discuss both the medical and psychological aspects of these conditions. On that program Phil Donahue said, \"Ann Parker was born and raised a girl. You won the Miss Miami Beach Contest in 1968 in good old Dade County, Florida? Boy, wait till they hear this. You lived as a woman to the age of twenty-nine and then you switched to living as a man. He has the anatomical characteristics of both a man and a woman. If I'm lyin', I'm dyin'.\"\n\nHe also said, \"Here's what's not so funny. These live, irreplaceable sons and daughters of God, human beings all, want you to know, among other things, that that's exactly what they are, human beings.\"\n\n\u2014\n\nLuce's interest in intersexuality had begun nearly thirty years ago, when he was still a resident at Mount Sinai. A sixteen-year-old girl had come in to be examined. Her name was Felicity Kennington, and his first glimpse of her had inspired some unprofessional thoughts. She was very good-looking, Felicity Kennington, slender and bookish, with glasses, which always killed him.\n\nLuce examined her with a grave face and concluded, \"You've got lentigines.\"\n\n\"What?\" the girl asked, alarmed.\n\n\"Freckles.\" He smiled. Felicity Kennington smiled back. Luce remembered that his brother asked him one night, with a lot of suggestive eyebrow movement, if he didn't sometimes get turned on examining women, and that he'd responded with the old line about how you're so caught up in your work that you don't even notice. He had no trouble noticing Felicity Kennington, her pretty face, her pink gums and child-size teeth, her shy white legs that she kept crossing and uncrossing as she sat on the examining table. The thing he didn't notice was her mother, sitting in the corner of the room.\n\n\"Lissie,\" the woman broke in, \"tell the doctor about the pain you've been having.\"\n\nFelicity blushed, looking down at the floor. \"It's in my\u2014it's just below my stomach.\"\n\n\"What kind of pain?\"\n\n\"There's kinds?\"\n\n\"A sharp pain or dull?\"\n\n\"Sharp.\"\n\nAt that point in his career, Luce had given a total of eight pelvic exams. The one he gave to Felicity Kennington still ranks as one of the most difficult. First, there was the problem of his terrible attraction. He was only twenty-five himself. He was nervous; his heart throbbed. He dropped the speculum and had to go out for another. The way Felicity Kennington turned her face away and bit her lower lip before parting her knees made him literally dizzy. Second, the mother's watching him the whole time didn't make it any easier. He'd suggested that she wait outside, but Mrs. Kennington had replied, \"I'll stay here with Lissie, thank you.\" Third, and worst of all, was the pain he seemed to cause Felicity Kennington with everything he did. The speculum wasn't even halfway in before she cried out. Her knees vised, and he had to give up. Next, he tried merely to palpate her genitals but as soon as he pressed she shrieked again. Finally, he had to get Dr. Budekind, a gynecologist, to complete the examination while he looked on, his stomach in knots. The gynecologist looked at Felicity for no more than fifteen seconds, then took Luce across the hall.\n\n\"What's the matter with her?\"\n\n\"Undescended testes.\"\n\n\"What!\"\n\n\"Looks like andrenogenital syndrome. Ever seen one before?\"\n\n\"No.\"\n\n\"That's what you're here to do, right? Learn.\"\n\n\"That girl has testes?\"\n\n\"We'll know in a little while.\"\n\nThe tissue mass up inside Felicity Kennington's inguinal canal turned out to be, when they put a sample under the microscope, testicular. At that time\u2014this was in 1961\u2014such a fact designated Felicity Kennington as male. Since the nineteenth century, medicine had been using the same primitive diagnostic criterion of sex formulated by Edwin Klebs way back in 1876. Klebs had maintained that a person's gonads determined sex. In cases of ambiguous gender, you looked at the gonadal tissue under the microscope. If it was testicular, the person was male; if ovarian, female. But there were problems inherent in this method. And these became clear to Luce when he saw what happened to Felicity Kennington in 1961. Even though she looked like a girl and thought of herself as a girl, because she possessed male gonads Budekind declared her to be a boy. The parents objected. Other doctors were consulted\u2014endocrinologists, urologists, geneticists\u2014but they couldn't agree, either. Meanwhile, as the medical community vacillated, Felicity began to go through puberty. Her voice deepened. She grew sparse tufts of light brown facial hair. She stopped going to school and soon stopped leaving the house altogether. Luce saw her one last time, when she came in for another consultation. She wore a long dress and a scarf that tied under her chin, covering most of her face. In one nail-bitten hand she carried a copy of _Jane Eyre._ Luce bumped into her at the drinking fountain. \"Water tastes like rust,\" she said, looking up at him with no recognition and hurrying away. A week later, with her father's .45 automatic, she killed herself.\n\n\"Proves she was a boy,\" Budekind said in the cafeteria the next day.\n\n\"What do you mean?\" said Luce.\n\n\"Boys kill themselves with guns. Statistically. Girls use less violent methods. Sleeping pills, carbon monoxide poisoning.\"\n\nLuce never spoke to Budekind again. His meeting with Felicity Kennington was a watershed moment. From then on, he dedicated himself to making sure that something like that never happened to anyone again. He threw himself into the study of intersex conditions. He read everything available on the subject, which wasn't much. And the more he studied and the more he read, the more he became convinced that the sacred categories of male and female were, in fact, shams. With certain genetic and hormonal conditions, it was just plain impossible to say what sex some babies were. But humans had historically resisted the obvious conclusion. Confronted with a baby of uncertain sex, the Spartans would leave the infant on a rocky hillside and walk quickly away. Luce's own forebears, the English, didn't even like to mention the subject and might never have done so, had the nuisance of enigmatic genitalia not thrown a wrench into the smooth workings of inheritance law. Lord Coke, the great English jurist of the seventeenth century, tried to clear up the matter of who'd get the landed estate by declaring that a person should \"be either male or female, and it shall succeed according to the kind of sex which doth prevail.\" Of course, he didn't specify a method for determining which sex _did_ prevail. It took the German Klebs to come along and begin the task. Then, a hundred years later, Peter Luce finished it.\n\nIn 1965, Luce published an article called \"Many Roads Lead to Rome: Sexual Concepts of Human Hermaphroditism.\" In twenty-five pages, Luce argued that gender is determined by a variety of influences: chromosomal sex; gonadal sex; hormones; internal genital structures; external genitals; and, most important, the sex of rearing. Often a patient's gonadal sex didn't determine his or her gender identity. Gender was more like a native tongue. Children learned to speak Male or Female, the way they learned to speak English or French.\n\nThe article made a big splash. Luce could still remember how, in the weeks following its publication, people gave him a new quality of attention: women laughed at his jokes more, made it known they were available, even on a few occasions showed up at his apartment wearing not a hell of a lot; his phone rang more often; the people on the other end were people he didn't know but who knew him; they had offers and beguilements; they wanted him to review papers, serve on panels, appear at the San Luis Obispo Snail Festival to judge an escargot contest, most snails being, after all, diecious. Within months, pretty much everyone had given up Klebs's criterion for Luce's criteri _a_.\n\nOn the strength of this success, Luce was given the opportunity to open a psychohormonal unit at Columbia-Presbyterian Hospital. In a decade of solid, original research, he made his second great discovery: that gender identity is established very early on in life, at about the age of two. After that, his reputation reached the stratosphere. The funding flowed in, from the Rockefeller Foundation, the Ford Foundation, and the NIH. It was a great time to be a sexologist. The Sexual Revolution had opened a brief window of opportunity for the enterprising sex researcher. It was a matter of national interest, for a few years there, to get to the bottom of the mystery of the female orgasm. Or to plumb the psychological reasons that certain men exhibited themselves on the street. In 1968, Dr. Luce opened the Sexual Disorders and Gender Identity Clinic, and it soon became the foremost facility in the world for the study and treatment of conditions of ambiguous gender. Luce treated everybody: the web-necked teens with Turner's syndrome; the leggy beauties with androgen insensitivity; the surly Klinefelter's cases, who, without exception, either broke the water cooler or tried to punch out a nurse. When a baby was born with ambiguous genitalia, Dr. Luce was called in to discuss the matter with the shocked parents. Luce got transsexuals, too. Everybody came to the clinic; at his disposal Luce had a body of research material\u2014of living, breathing specimens\u2014that no scientist had ever had before.\n\nIt was 1968, and the world was going up in flames. Luce held one of the torches. Two thousand years of sexual tyranny were ending in the blaze. Not one coed in his behavioral-cytogenetics lecture course wore a bra to class. Luce wrote op-ed pieces for the _Times_ calling for the revision of the penal code regarding socially harmless and nonviolent sex offenders. He handed out pro-contraceptive pamphlets at coffeehouses in the Village. That was how it went in science. Every generation or so, insight, diligence, and the necessities of the moment came together to lift a scientist's work out of the academy and into the culture at large, where it gleamed, a beacon of the future.\n\n\u2014\n\nFrom deep in the jungle, buzzing in, a mosquito skims past Luce's left ear. It's one of the jumbo models. He never sees them, only hears them, at night, screaming like airborne lawn mowers. He closes his eyes, wincing, and in another moment, sure enough, feels the insect land in the blood-fragrant skin below his elbow. It's so big it makes a noise landing, like a raindrop. Luce tilts his head back, squeezing his eyes shut, and says, \"Aye-yah.\" He's dying to swat the bug but he can't; his hands are busy keeping the kid away from his belt. He can't see a thing. On the ground next to his skull the penlight sputters out its weak flame. Luce dropped it in the scuffle that's still in progress. Now it lights up a ten-inch cone of the mat. No help at all. Plus, the birds have started up again, signaling the approach of morning. Luce is in an alert fetal position, on his back, holding a twiglike ten-year-old Dawat wrist in each hand. From the position of the wrist he estimates that the kid's head is somewhere in the air over his navel, lolling forward probably. He keeps making these smacking sounds that are very depressing to listen to.\n\n\"Aye-yah.\"\n\nThe stinger's in. The mosquito thrusts, wiggles its hips contentedly, then settles down and starts to drink. Luce has had typhus vaccinations that felt more gentle. He can feel the suction. He can feel the bug gaining weight.\n\nA beacon of the future? Who's he kidding? Luce's work casts no more light today, it turns out, than that penlight on the floor. No more light than the new moon not shining above the jungle's canopy.\n\nThere's no need for him to read Pappas-Kikuchi's article in _The New England Journal of Medicine._ He heard it all before, in person. Three years ago, at the annual convention of the SSSS, he had arrived late to the last day's talk.\n\n\"This afternoon,\" Pappas-Kikuchi was saying when he came in, \"I'd like to share the results of a study our team just completed in southwestern Guatemala.\"\n\nLuce sat in the back row, careful about his pants. He was wearing a Pierre Cardin tuxedo. Later that night, the SSSS was presenting him with a lifetime-achievement award. He took a minibar bottle of J&B out of his satin-lined pocket and sipped it discreetly. He was already celebrating.\n\n\"The village is called San Juan de la Cruz,\" Pappas-Kikuchi continued. Luce scanned what he could of her behind the podium. She was attractive, in a schoolteacherly way. Soft, dark eyes, bangs, no earrings or makeup, and glasses. In Luce's experience, it was exactly these modest, unsexual-seeming women who proved to be the most passionate in bed, whereas women who dressed provocatively were often unresponsive or passive, as if they had used up all their sexual energy in display.\n\n\"Male pseudohermaphrodites with five-alpha-reductase deficiency syndrome who were raised as females serve as exceptional test cases for studying the effects of testosterone and the sex of rearing in the establishment of gender identity,\" Pappas-Kikuchi continued, reading from her paper now. \"In these cases, decreased production of dihydrotestosterone in utero causes the external genitalia of the affected male fetuses to be highly ambiguous in appearance. Consequently, at birth many affected newborns are considered to be female and are raised as girls. However, prenatal, neonatal, and pubertal exposure to testosterone remains normal.\"\n\nLuce took another swig of the old J&B and threw his arm over the seat next to him. Nothing Pappas-Kikuchi was saying was news. Five-alpha-reductase deficiency had been extensively studied. Jason Whitby had done some fine work with 5\u03b1R pseudohermaphrodites in Pakistan.\n\n\"The scrotum of these newborns is unfused, so that it resembles the labia,\" Pappas-Kikuchi soldiered on, repeating what everyone already knew. \"The phallus, or micropenis, resembles a clitoris. A urogenital sinus ends in a blind vaginal pouch. The testes most often reside in the abdomen or inguinal canal, though occasionally they are found hypertrophied in the bifid scrotum. Nevertheless, at puberty, definite virilization occurs, as plasma testosterone levels are normal.\"\n\nHow old was she? Thirty-two? Thirty-three? Would she be coming to the awards dinner? With her frumpy blouse and buttoned-up collar, Pappas-Kikuchi reminded Luce of a girlfriend he'd had back in college. A classics major who wore Byronic white shirts and unbecoming woolen knee socks. In bed, however, his little Hellenist had surprised him. Lying on her back, she'd put her legs over his shoulders, telling him that this was Hector and Andromache's favorite position.\n\nLuce was remembering the moment (\"I'm Hector!\" he'd shouted out, tucking Andromache's ankles behind his ears) when Dr. Fabienne Pappas-Kikuchi announced, \"Therefore, these subjects are normal, testosterone-influenced _boys_ who, due to their feminine external genitalia, are mistakenly reared as girls.\"\n\n\"What did she say?\" Luce snapped back to attention. \"Did she say 'boys'? They're not boys. Not if they weren't raised as boys, they're not.\"\n\n\"The work of Dr. Peter Luce has long been held as gospel in the study of human hermaphroditism,\" Pappas-Kikuchi now asserted. \"Normative, in sexological circles, is his notion that gender identity is fixed at an early age of development. Our research,\" she paused briefly, \"refutes this.\"\n\nA small popping sound, of a hundred and fifty mouths simultaneously opening, bubbled up through the auditorium's air. Luce stopped in mid-sip.\n\n\"The data our team collected in Guatemala will confirm that the effect of pubertal androgens on five-alpha-reductase pseudohermaphrodites is sufficient to cause a change in gender identity.\"\n\nLuce couldn't remember much after that. He was aware of being very hot inside his tuxedo. Of quite a few heads turning around to look at him, then only a few heads, then none. At the podium, Dr. Pappas-Kikuchi ran through her data, endlessly, endlessly. \"Subject number seven changed to male gender but continues to dress as a woman. Subject number twelve has the affect and mannerisms of a man and engages in sexual activity with village women. Subject number twenty-five married a woman and works as a butcher, a traditionally male occupation. Subject number thirty-five was married to a man who left the marriage after a year, at which point the subject assumed a male gender identity. A year later, he married a woman.\"\n\nThe awards ceremony went on as scheduled later that night. Luce, anesthetized on more scotch in the hotel bar and wearing an Aetna sales rep's blue blazer that he'd mistaken for his tuxedo jacket, had walked to the podium to an absolute minimum of applause and accepted his lifetime achievement award\u2014a crystal lingam and yoni, hot-glued onto a silver-plated base\u2014which later looked quite beautiful catching the lights of the city as it fell twenty-two floors from his balcony to shatter in the hotel's circular drive. Even then, he was looking west, out over the Pacific, toward Irian Jaya and the Dawat. It took him three years to get research grants from the NIH, the National Foundation, the March of Dimes, and Gulf and Western, but now he's here, amid another isolated flowering of the 5\u03b1R mutation, where he can put Pappas-Kikuchi's theory and his own to the test. He knows who'll win. And when he does, the foundations will begin funding his clinic the way they used to. He can stop subcontracting the back rooms to dentists and that one chiropractor. It's only a matter of time. Randy has persuaded the tribal elders to allow the examinations to go forward. As soon as dawn breaks, they'll be led out to the separate camp where the \"turnim-men\" live. The mere existence of the local term shows that Luce is right and that cultural factors can affect gender identity. It's the kind of thing Pappas-Kikuchi would gloss right over.\n\n\u2014\n\nLuce's hands and the kid's are all tangled up. It's like they're playing a game. First Luce covered his belt buckle. Then the kid put his hand over Luce's hand. Then Luce put his hand over the kid's hand. And now the kid covers the whole stack. All these hands struggle, gently. Luce feels tired. The jungle is still quiet. He'd like to get another hour of sleep before the morning cry of the monkeys. He's got a big day ahead.\n\nThe B-52 buzzes by his ear again, then circles back and goes up his left nostril. \"Jesus!\" He pulls his hands free and covers his face, but by then the mosquito has taken off again, brushing by his fingers. Luce is half sitting up on the pandanus mat now. He keeps his face covered, because it gives him some kind of comfort, and he just sits there in the dark, feeling suddenly exhausted and sick of the jungle and smelly and hot. Darwin had it easier on HMS _Beagle._ All he had to do was listen to sermons and play whist. Luce isn't crying, but he feels like it. His nerves are shot. As if from far away, he feels the pressure of the boy's hands again. Undoing his belt. Struggling with the technological puzzle of the zipper. Luce doesn't move. He just keeps his face covered, there in total darkness. A few more days and he can go home. His swanky bachelor pad on West Thirteenth Street awaits him. Finally, the boy figures it out. And it's very dark. And Dr. Peter Luce is open-minded. And there's nothing you can do, after all, about local customs.\n\n1999\n\n# CAPRICIOUS GARDENS\n\n> I was asking myself these questions, weeping all the while with the most bitter sorrow in my heart, when all at once I heard the singsong voice of a child...I stemmed my flood of tears and stood up, telling myself that this could only be a divine command to open my book of Scripture and read the first passage on which my eyes should fall.\n> \n> \u2014Saint Augustine\n\nIn Ireland, in summer, four people come out to a garden in search of food.\n\nThe back door of a large house opens and a man steps out. His name is Sean. He is forty-three years old. He moves away from the house, then glances behind him as two other figures materialize, Annie and Maria, American girls. There is a pause before the next person appears, a gap in the procession, but at last Malcolm arrives. He steps onto the grass tentatively, as if afraid he will sink.\n\nBut already they can all see what has happened.\n\nSean said: \"It's my wife's fault, all of this. It's a perfect expression of her inner character. To go to all the trouble of digging and planting and watering and then to forget about it completely in a few days' time. It's unforgivable.\"\n\n\"I've never seen a garden quite so overrun,\" said Malcolm. He addressed the remark to Sean, but Sean didn't reply to it. He was busy looking at the American girls, who, in one identical motion, had put their hands on their hips. The precision of their movements, so perfectly synchronized and yet unintentional, unnerved him. It was a bad omen. Their movements seemed to say: \"We are inseparable.\"\n\nThat was unfortunate because one of the girls was beautiful and the other was not. Less than an hour before, on his way home from the airport (he had just returned from Rome), Sean had seen Annie walking by the side of the road, alone. The house he was returning to had been closed up for a month, ever since his wife, Meg, had gone off to France, or Peru. They had lived apart for years, each occupying the house only when the other was away, and Sean dreaded returning after long absences. The smell of his wife was everywhere, rose from armchairs when he sat in them, made him remember days of bright scarves and impeccable sheets.\n\nWhen he saw Annie, however, he knew immediately how to brighten his homecoming. She wasn't hitchhiking, but was wearing a backpack; she was a pretty traveler with unwashed hair, and he suspected his offer of a spare room would surpass the ditch or clammy bed-and-breakfast she would find to stay in that night. At once he stopped his car beside her and leaned across the seat to roll down the passenger's window. As he leaned he took his eyes off her, but when he looked up again, already bestowing his capricious invitation, he saw not only Annie but another girl, a companion, who had appeared out of nowhere. The newcomer wasn't attractive in the least. Her hair was short, revealing the squarish shape of her skull, and the thick lenses of her glasses glinted so that he couldn't see her eyes.\n\nIn the end Sean was forced to invite the regrettable Maria along as well. The girls climbed into his car like affectionate sisters, having stowed their backpacks in the trunk, and Sean sped off down the road. When he arrived at his house, however, he encountered another surprise. There, on the front steps, with his head in his hands, was his old friend Malcolm.\n\n\u2014\n\nMalcolm stood at the edges of the garden, eyeing its neglect. The garden was mostly dirt. Brambles covered the back portion and, in the front, there was nothing but a row of brown flowers crushed by the rain. Sean blamed it all on his wife. \"She thinks of herself as having a green thumb,\" he joked, but Malcolm didn't laugh. The garden made him think of his own marriage. Only five weeks earlier, his wife, Ursula, had left him for another man. Their marriage had been unhappy for some time; Malcolm knew that Ursula was discontented with him and their life together, but he had never imagined she could fall in love with someone else. After she was gone, he fell into despair. Unable to sleep, beset by crying jags, he began to drink to excess. On one occasion, he had driven to a scenic outlook and got out of his car to stand at the edge of a cliff. Even then, he knew he was being dramatic and that he lacked the courage to throw himself off. Nevertheless, he remained at the cliff's edge for almost an hour.\n\nThe next day, Malcolm had taken a leave from his job and had begun to travel, hoping to find, in freedom of movement, freedom from pain. Quite by chance he had found himself in the town where he remembered his old friend Sean lived. Wandering the streets, his shirt spotted with coffee, he had made his way to Sean's house, knocked on the door, and found no one at home.\n\nHe had been there less than fifteen minutes when he looked up to see Sean striding down the front path with a girl on either side of him. The vision filled Malcolm with envy. Here was his friend, surrounded by youth and vitality (the girls were laughing musical laughs), and here was he, sitting on the doorstep, surrounded by nothing but the specters of old age, loneliness, and despair.\n\nThe situation grew worse from there. Sean greeted him quickly, as though they had seen each other only last week, and Malcolm immediately sensed he was in the way. With a flourish Sean opened the door and led them on a tour of the house. He showed the girls where they would sleep, and indicated a bedroom in another wing that Malcolm could have. After that, Sean took them into the kitchen. He and the girls searched the cabinets to see what there was to eat. All they found was a plastic bag of black beans and, in the refrigerator, a stick of butter, a shriveled lemon, and a desiccated clove of garlic. That was when Sean suggested they go out to the garden.\n\nMalcolm followed them outside. And now he stood apart, wishing he could take the failure of his own marriage as lightly as Sean took the failure of his. He wished he could put Ursula behind him, lock her memory in a box and bury it deep in the earth, far beneath the soil he now turned up with the toe of his left shoe.\n\n\u2014\n\nSean stepped into the garden and kicked at the brambles. He had forgotten the cupboards would be bare, he had nothing to offer his guests now, and he had two more guests than he wanted. He gave one last kick, disgusted with everything, but this time his foot caught on a network of brambles, pulling them up in the air. They lifted as a lid lifts off a box and underneath, hiding against the wall, was a clump of artichokes. \"Hold on,\" he said, seeing them. \"Hold on one minute.\" He took a few steps toward them. He bent and touched one. Then he turned, looking back at Annie. \"Do you know what this is?\" he asked her. \"It's Divine Providence. The good Lord made my wife plant these poor artichokes and then made her forget about them, so that we, in our need, would find them. And eat.\"\n\n\u2014\n\nA few of the artichokes were blooming. Annie hadn't known that artichokes could bloom but there they were, as purple as thistles, only larger. The idea of eating them made her happy. Everything about the evening made her happy, the house, the garden, her new friend, Sean. For a month she and Maria had been traveling through Ireland, staying in youth hostels where they had to sleep on cots in rooms crowded with other girls. She was tired of the budget accommodations, of the meager meals scraped together in the hostel kitchens, and of the other girls rinsing out their socks and underwear in the bathroom sinks and hanging them on the bunk beds to dry. Now, thanks to Sean, she could sleep in a big bedroom with lots of windows and a canopy bed.\n\n\"Come look,\" Sean said, beckoning her with his hand, and she stepped into the garden. They bent over together. A tiny gold cross slipped out of her T-shirt and hung, swinging. \"My God, you're Catholic,\" he said. \"Yes,\" said Annie. \"And Irish?\" She nodded, smiling. He lowered his voice as he grasped one of the artichokes and presented it to her. \"That makes us practically family, my dear.\"\n\n\u2014\n\nIf Sean perceived the implications of the girls' body language, even more so did Maria. For it wasn't true that the two of them had put their hands on their hips simultaneously without meaning to. Annie had started the movement and Maria had mirrored her. She did this in order to proclaim the very message of inseparability that Sean had read. Maria wanted to inhabit Annie's being as closely and as intimately as possible, and so, in this instance, she transformed Annie and herself into two identical sculptures set side by side on the grass.\n\nMaria had never had a friend like Annie before. She had never felt that someone understood her so well. Her life thus far had been like living in a town of mutes, where no one spoke to her but only stared. It seemed to Maria that she had never heard the sound of another human voice, until that Sunday in March, at the library of the college they went to, when Annie had said for no reason at all: \"You look all cozy in that chair.\"\n\nAt the back of the garden the artichokes lolled on their thick stems. Maria looked at Annie standing in them, running a hand through her thick hair. Maria was just as happy as Annie. She, too, responded to the stark beauty of Sean's stone house, and to the coolness of the evening air. But besides her delight in these surroundings there remained another bright spot that made her happy, a bright spot she returned to again and again in her thoughts. For the day before, in an empty train compartment, Annie had put her arms around Maria and had kissed her on the lips.\n\n\u2014\n\nAnnie's gold cross caught the light. Sean looked at it, thinking that it was impossible to guess what meaning circumstances might give to random things. It just so happened that, inside his as-yet unpacked suitcase, lay an object that, until this moment, he had foreseen no use for. But now, as the tiny cross glinted, his mind linked image to image, and he saw in the air before him the index finger of Saint Augustine.\n\nIt was his only souvenir of Rome. On his last day there, exploring the neighborhood around his hotel, Sean had come across a shop filled with religious statuary and artifacts. The proprietor, perhaps sensing from Sean's clothes that he had some money, had led him to a glass case to show him a thin, dusty piece of bonelike material that he insisted was the finger of the author of the \"Confessions.\" Sean didn't believe him, but he had bought the relic anyway, because it amused him.\n\nHe led Annie farther back in the garden, away from Maria and Malcolm, who still hadn't ventured onto the dirt. He turned his back to them and asked, \"Your friend isn't Catholic, is she?\" \"Episcopalian,\" Annie whispered. \"Not good enough,\" said Sean. He frowned. \"And Malcolm's an Anglican, I'm afraid.\" He put a finger to his lips as if he were deep in thought. \"Why do you want to know?\" Annie asked. Sean's attention returned to her. He gave her a sly look. But when he spoke it was to all of them: \"We need to organize work details. Malcolm, perhaps you'd be good enough to pick these artichokes while we get the water boiling.\"\n\nMalcolm looked disconsolate. \"They have thorns,\" he said.\n\n\"Just prickles,\" said Sean, and with that he left the garden and started back toward the house.\n\n\u2014\n\nAnnie assumed that Sean meant all three of them would get the water boiling. She followed him into the kitchen, glancing back and smiling once at Maria, who hurried along after them, swinging her short arms. When they got inside, however, Sean looked at Maria and said, \"If I remember correctly, my wife keeps the good silver upstairs in the hall chest. The red chest. In the bottom drawer, rolled up in a sheet. Could you get it, Maria? It would be nice at least to have good silverware.\" Maria hesitated before saying anything. Then she turned and asked Annie to come help her.\n\nAnnie didn't want to. She was fond of Maria but had found lately that Maria tended to smother her. Everywhere Annie went, Maria followed. On trains Maria sat squashed against her side. Yesterday, pressed between the metal compartment wall and Maria's stiff shoulder, Annie had finally gotten annoyed. She wanted to push Maria away and shout, \"Let me breathe, will you!\" She felt uncomfortably hot and was just about to nudge her when suddenly her annoyance subsided, replaced by a feeling of guilt. How could she get mad at Maria for simply sitting close to her? How could she return affection with peevishness? Annie felt ashamed, and though she was still uncomfortable pressed against Maria, she tried to ignore that. Instead, she leaned over and gave Maria a friendly peck on the lips.\n\nNow Annie wanted to stay downstairs and help cook the meal. Sean interested her. He had the perfect life, didn't have to work, took trips to Rome whenever he wanted, and always came back to a beautiful country house. Annie had never met a person like Sean before, and what she most wanted out of life, at her age, was just that: newness, adventure. That was why she was glad when Sean said, \"I'm afraid you'll have to go up by yourself, Maria. I need Annie's help here in the kitchen.\"\n\n\u2014\n\nGently, blindly, Malcolm picked the artichokes. It had grown dark in the garden; the sun had set behind the stone wall, and the only light came now from inside the house, illuminating a patch of lawn not far from where Malcolm knelt. There had been a time when he would never have done this sort of thing, get down on his knees and pick his own dinner, muddying his trousers, but such considerations seemed alien to him now. For weeks he hadn't been able to look himself in the mirror whereas usually his sophisticated appearance filled him with pride.\n\nHe ran his hands up the thick stems of the artichokes, snapping off the bulbs. This way he avoided the prickles. He worked slowly. The smell of the earth rose to his nostrils, damp and mineral. It was the first smell he had noticed in weeks, and there was something intoxicating about it. He could feel the coldness of the ground against his kneecaps.\n\nIn the dark the artichokes seemed to go on forever. As he picked them, and moved farther in, he kept encountering new stalks. He began to work a little faster, and after a time became completely absorbed in his work. He liked picking the artichokes. He slowed down. He didn't want the picking to end.\n\n\u2014\n\nThe front staircase was long and grand, and as soon as she began climbing it Maria ceased to mind her lonely errand. She felt free, far from home and all the disappointments of home. She liked her clothes, which were thick and baggy; she liked her short hair; she liked the fact that she and Annie were in a place where they couldn't be found, a place where they could act toward each other as they wished and not as society dictated. An old tapestry hung on the wall, a stag being torn by two threadbare dogs.\n\nShe came to the top of the stairs and went down the hallway looking for the red chest. There were chests all along the hall, most of them dark mahogany. Finally she found one somewhat redder than the others and knelt before it. She opened the bottom drawer. A roll of sheet lay inside, and, taking it out, she was surprised at how heavy it was. She laid the sheet on the floor and began to unroll it. She flipped it over and over again, the metal inside clinking together. Finally the last wrap came undone and there they were\u2014knives, forks, spoons\u2014all laid out in the same direction, glittering up at her.\n\n\u2014\n\nOnce he was alone with Annie, Sean took his time getting the water on the stove. He removed a metal pot from its hook on the wall. He brought it to the sink. He began filling it with water.\n\nThrough all this he was extremely aware of his actions and of the fact that Annie was watching him. When he reached up to unhook the pot from the wall he tried to make his movements as fluid as possible. He set the pot on the stove (gracefully) and turned to face her.\n\nShe was leaning back against the sink, her hands planted on either side of her, her body stretching in a delicate arc. She looked even more appealing than she had by the side of the road. \"Since we're alone now, Annie,\" Sean said, \"I can tell you a secret.\"\n\n\"I'm ready,\" she said.\n\n\"Do you promise to keep this quiet?\"\n\n\"I promise.\"\n\nHe looked into her eyes. \"How much do you know about Church history?\"\n\n\"I went to catechism until I was thirteen.\"\n\n\"Then you're familiar with Saint Augustine?\"\n\nShe nodded. Sean looked around the room as if to see if anyone were listening. Then he took a long pause, winked, and said: \"I have his finger.\"\n\n\u2014\n\nAnnie was not so much interested in Saint Augustine's finger as in the fact that Sean was willing to tell her a secret. She listened to him devoutly, as if he were revealing a divine mystery.\n\nWhen Annie flirted she didn't always admit to herself that she was flirting. Sometimes she preferred to suspend her mental faculties so that she could flirt, as it were, without her mind watching. It was as if her body and mind separated, her body stepping behind a screen to remove its clothing while her mind, on the other side of the screen, paid no attention.\n\nWith Sean now, in the kitchen, Annie began to flirt without admitting it to herself. He told her about his relic and said that, in consideration of the fact that she was Catholic, he would show it to her. \"But you mustn't tell anyone. We don't want these heretics shouldering their way back into the true faith.\"\n\nAnnie agreed, laughing. She stretched her body even farther back. She knew that Sean was looking at her and, suddenly, dimly, she became aware that she enjoyed being looked at. She saw herself through his eyes: a willowy young woman, leaning back on her arms, her long hair falling behind her.\n\n\u2014\n\n\"Have you got a basket?\" said Malcolm, coming into the doorway. His hands were covered with dirt and he was smiling for the first time that day.\n\n\"There can't be that many,\" Sean said.\n\n\"There are _hundreds._ I can't carry them all.\"\n\n\"Make two trips,\" said Sean. \"Make three.\"\n\nMalcolm looked at Annie leaning against the sink. The ivory comb in her hair gleamed as she turned her head toward him. He thought once again of Sean's ability to surround himself with youth and vitality. And so he said to her, \"It's damned pleasant out in the garden, Annie. Why don't you come help me. Let old Sean boil the water.\"\n\nHe didn't give her a chance to refuse. He led her by the hand out the back door, waving goodbye to Sean with the other. \"I've made a little pile,\" he said, once he had brought her into the garden. \"It's a little wet but you get used to it.\" He knelt down by the pile of artichokes and looked up at her. In the light from the house he could make out her figure and the slopes and shadows of her face.\n\n\"Make a basket of your arms and I'll fill it,\" he said. Annie did as she was told, crossing her arms with the palms of her hands facing up. On his knees before her Malcolm began picking up the artichokes, placing them one by one in her arms, gently pressing them against her stomach. First there were five, then ten, then fifteen. As the number increased, Malcolm became more precise in the positions he chose for the artichokes. He furrowed his brow and fit each artichoke snugly into place among the rest, as if linking pieces of a puzzle. \"Look at you,\" he said. \"You've become a goddess of the harvest.\" And to him she was. She stood before him, slender and young, with a profusion of artichokes sprouting from her belly. He placed one last artichoke high up on her chest, accidentally pricking her.\n\n\"Oh, sorry!\"\n\n\"I'd better take these in.\"\n\n\"Yes, by all means, take them in. We're going to have a feast!\"\n\n\u2014\n\nWhen Maria came into the kitchen and saw Sean standing over the stove, peering into the pot of water, she became uneasy. She of course understood quite well what Sean was up to. She saw the looks he gave Annie, noted the affected tones of his voice when he spoke to her. \"You girls can have the blue bedroom,\" he had said, and his voice had tried to sound grand and generous.\n\nShe moved to set down the silverware on the kitchen counter but caught herself before doing so. It would make too much noise. Instead she stood holding it all, watching Sean from behind, quietly enjoying the fact that she was watching him without his knowing it.\n\nThe room she and Annie were staying in had only one bed. Maria had noticed that at once. When they first went in, carrying their backpacks, Maria had looked at the bed, noticing out of the corner of her eye that Annie was also looking at it. It had been a moment of unspoken understanding. The understanding said: \"We are going to sleep tonight in the same bed!\" But, in front of Sean and Malcolm, they couldn't say a word. They both knew what the other was thinking but they only said \"This is great\" and \"Oh, a canopy bed. I used to have one of those!\"\n\n\u2014\n\nMalcolm knelt in the garden, savoring the vision of Annie as a goddess of the harvest. It had been a long time since he had felt such foolish delight. In the last years, at home, Ursula was often in a bad mood. Malcolm tried to find out what was bothering her, but his attempt only seemed to madden her further. After a while, he had stopped trying. They went about their daily lives communicating only when it was absolutely necessary.\n\nNow he picked up the last few artichokes Annie had been unable to carry. He put them against his cheek to feel how cool they were. As he did this, he was overcome by a feeling he recognized from his undergraduate days when he had first met Sean, a feeling of the beauty of the world and, along with this, his duty, or destiny, to apprehend it, so that it would not go unnoticed before it passed away. Living with Ursula, fighting with her, had narrowed Malcolm's life to the point where he had lost this ability, this awareness. It wasn't her fault. It was nobody's fault.\n\n\u2014\n\nSean dropped the artichokes into the boiling water one by one. Annie was standing next to him. Their shoulders were touching. He could smell her skin, her hair.\n\nAt the table Maria was wiping off the silverware. She was hunched over, squinting at the spots, and rubbing her nose from time to time with the back of her hand. Some artichokes were also on the table. Now and then Annie shuttled a new batch from table to stove, handing them carefully to Sean, who dropped them into the enormous pot with the eager abandon of a man tossing coins into a wishing well.\n\n\u2014\n\nThe sight was certainly a happy one, thought Malcolm as he stepped into the doorway, holding his small charge of artichokes. The pot on the stove was steaming. Annie and Sean were washing dust off plates exhumed from the cupboards. On the far side of the kitchen Maria was stacking silverware into neat piles. It was a scene of rustic simplicity\u2014the vegetables harvested from the garden, the mammoth hissing stove, the two American girls reminding Malcolm of all the country girls he had ever glimpsed from train windows: slight figures beckoning from side roads, paused on their bicycles. Everything spoke of simplicity, goodness, and health. Malcolm was so struck by the scene that he couldn't bring himself to intrude upon it. He could only stand in the shadows of the doorway, looking in.\n\nIt occurred to him that they were about to partake of a miraculous meal. Less than an hour ago they had stared at the open, empty cupboards with disappointment and he had thought they would end up in a pub, eating liver-and-onion sandwiches amid the smoke and the noise. Now the kitchen was full of food.\n\nFrom the doorway, invisibly, he watched them. And the longer he watched without their noticing, the stranger he began to feel. He felt suddenly as though he had receded from the reality of the kitchen onto another plane of existence, as though now he were not looking at life but peering into it. Wasn't he dead in some respects? Hadn't he come to the point of despising life and throwing it away? At the sink Sean was wringing out a yellow dish towel, Annie was melting the stick of butter over the stove, at the table Maria was holding a silver spoon up to the light. But none of them, not one, recognized the significance of the meal they were about to share.\n\nAnd so it was with the greatest joy that Malcolm felt his bulk finally ease forward (from out of the netherworld back into the dear sluggish atmosphere of earth). His face came into the light. He was smiling with the bliss of reprieve. There was still time left for him to speak.\n\n\u2014\n\nSean didn't notice Malcolm enter the kitchen because he was carrying the bowl of artichokes to the table. The artichokes were steaming; the steam was rising in his face, blinding him.\n\n\u2014\n\nAnnie didn't notice Malcolm enter the kitchen because she was thinking about what she would write home in her next letter. She would describe it all: the artichokes! the steam! the bright plates!\n\n\u2014\n\nMalcolm entered, took his seat at the table, and deposited his artichokes on the floor beside his feet. At that moment the faces of the girls were indescribably beautiful. The face of his old friend Sean was also beautiful.\n\n\u2014\n\nAnnie wasn't paying attention when Malcolm began to speak. She heard his voice but his words had no meaning for her, were only sounds, in the distance. She was still calculating the total effect of a letter home, imagining her family around the table, her mother reading it with her glasses on, her little sisters acting bored and complaining. Other memories of home crowded in: the backyard grass full of crab apples, the kitchen entrance, in winter, lined with wet boots. Through the parade of these memories Malcolm's voice kept up its slow, steady rhythm, and gradually Annie began to pick out bits of what he was saying. He had gone on a drive. He had stopped above a cliff. He had stood looking down at the sea.\n\nIn the middle of the table the artichokes fumed on their platter. Annie reached out and touched one but it was too hot to eat. Next she glanced at Sean's profile and then at Maria's and saw that they were uncomfortable about something. Only then did the full import of what Malcolm was saying become clear to her. He was talking about suicide. His own.\n\n\u2014\n\nThe idea of this middle-aged, heavyset man throwing himself off a cliff struck Maria as comic. Malcolm's eyes were moist, she could see that, but the fact that his emotion was genuine only separated her further from him. Maybe it was true that he had contemplated killing himself, maybe it was true that now (as he insisted) this meal had brought him back to life, but it was a mistake to think that she, who hardly knew him, could share either his sorrow or his joy. For a moment Maria reproached herself for not being able to feel for Malcolm (in a voice full of emotion he was describing the \"darkest days\" immediately after his wife had left him), but the moment quickly passed. Maria admitted to herself that she felt nothing. She kicked Annie under the table. Annie began to smile but then covered her mouth with her napkin. Maria rubbed her foot against Annie's calf. Annie moved her leg away, and Maria couldn't find it again. She searched back and forth with her foot and waited for Annie to look at her again so that she could wink, but Annie kept looking down at her plate.\n\n\u2022\n\nSean watched as Malcolm began to stuff himself with artichokes. He had them all captive now and so began to speak and eat at the same time. And what a time to pick! Nothing could be so detrimental to the mood of romance (which was the mood Sean was hoping to induce) than the mention of death. Already he could see Annie cringing ever so slightly, hunching her shoulders, pressing (no doubt) her lovely legs together. Death, jumping off cliffs, why did Malcolm have to talk of it now? As if it meant anything to them! Some dramatic moment Malcolm had indulged in to convince himself he could feel love. And how much love had he felt? Hadn't he recovered rather quickly? Five weeks! \"I never thought I would again enjoy a simple meal among friends,\" he was saying, and Sean watched as, unbelievably, a tear slid crookedly down Malcolm's cheek. He was crying, plucking the leaves off a huge artichoke (even in the swell of emotion he had managed to take the biggest one), plucking off the leaves and dipping them in the butter before putting them in his mouth.\n\n\u2014\n\n\"We're too quick to reckon the value of our lives!\" Malcolm proclaimed to them, and it seemed that he had never been so close to any group of people in his life. They were all silent, hanging on his every word, and his emotion was stirring him to eloquence he had never known. How often in life one says unimportant things, he thought, trivial things, just to pass the time. Only rarely does one get a chance to unburden one's heart, to speak of the beauty and meaning of life, its preciousness, and to have people listen! Just moments before he had felt the agony of the dead barred from life, but now he could feel the joy of language, of sharing intimate thoughts, and his body vibrated pleasurably with the sound of his own voice.\n\n\u2022\n\nAt his first opportunity Sean broke Malcolm's gloomy soliloquy by taking an artichoke from the platter and saying: \"Here's one for you, Annie. It's not too hot now.\"\n\n\"They're marvelous,\" said Malcolm, dabbing his eyes.\n\n\"You know how to eat them, Annie, don't you?\" Sean asked. \"You just pick off the leaves, dip them in the butter, and then scrape the meat off with your teeth.\" As he explained this, Sean demonstrated, dipping a leaf in the butter and holding it to her mouth. \"Go on, try it,\" he said. Annie opened her mouth, put her lips around the leaf, and bit down softly.\n\n\"We have artichokes in America, you know, Sean,\" said Maria, taking one herself. \"We've eaten them before.\"\n\n\"I haven't,\" said Annie, chewing and smiling at Sean.\n\n\"You have too,\" said Maria. \"I've seen you eat them. Lots of times.\"\n\n\"Perhaps that was asparagus,\" said Sean, and he and Annie laughed together.\n\nThe dinner proceeded. Sean noticed that Annie had angled her body in his direction. Malcolm was eating silently, his wet cheeks shining like the buttery artichoke he held in his hand. One by one the artichokes were taken from the platter, one by one stripped of their leaves. Sean kept handing Annie bits of food, caressing her with simple specific considerations: \"One more?...some butter?...water?\" Between mouthfuls he leveled his face in her direction, filling the air between them with the warm odor of what he had eaten.\n\nHe was thinking of their upcoming tryst. The plan he had arranged with her was this: after dinner he would suggest backgammon; she would immediately agree and together they would go downstairs to the game room; they would play until the others went to sleep and then go up to view the relic alone.\n\nBut just then Malcolm said: \"Ladies, take a look at these two old men who sit before you. We're dear old friends, Sean and I. At Oxford we were inseparable.\"\n\nSean looked up to see Malcolm smiling warmly at him across the table. His eyes were still watering. He looked vulnerable and idiotic. But Malcolm went on: \"I pray that your friendship, young as it is, survives so long.\" He was looking at the girls now, from one to the other. \"Old friends,\" he murmured, \"they're the best.\"\n\n\u2014\n\n\"Would anyone care to retire to the game room for some backgammon?\" Sean asked aloud to the table, but especially, Annie knew, to her. She was just about to say yes when out of the corner of her eye she caught Maria looking at her. Annie knew that Maria was waiting for her reply. If she said yes, Maria would also say yes. Suddenly she knew the plan wouldn't work, Maria would never go up to sleep by herself. And so Annie spread her hands on the table, looked at her nails, and asked, \"Maria, what do you feel like?\"\n\n\"Oh, I don't know,\" Maria said.\n\n\"We can't all play,\" said Sean. \"Only two of us, I'm afraid.\"\n\n\"Backgammon sounds lovely,\" said Malcolm. Annie shifted in her seat. She had hesitated too long. She had ruined everything.\n\n\"We have to be up early, anyway,\" said Maria.\n\n\"Well, we'll excuse you two travelers then,\" said Malcolm. \"With profound regret.\"\n\n\"Perhaps it is getting a little late,\" said Sean.\n\n\"Nonsense!\" said Malcolm. \"The night's just beginning!\" And with that he slid his chair from the table and stood resolutely up.\n\n\u2022\n\nThere was nothing Sean could do. He had no idea why Annie had deviated from their plan. He suspected he had been too forward during dinner, had given away his true motives, and scared her off. Whatever the reason, now there was nothing for him to do but stand up, disown the signals from his heart (registering despair) by smiling, and head for the basement door. As he descended the stairs with Malcolm behind him he tried unsuccessfully to hear what the girls were saying in the kitchen.\n\nThe game room was a long, narrow wainscotted room, with a billiard table in the middle and, at one end, a leather sofa facing a television set. Sean went immediately to the television and turned it on.\n\n\"What about backgammon?\" Malcolm asked.\n\n\"I've lost the mood,\" said Sean.\n\nMalcolm looked at him uncertainly. \"I hope you didn't mind my little oration,\" he said. \"I'm afraid I monopolized the conversation.\"\n\nSean kept his eyes on the television. \"I hardly noticed,\" he said.\n\n\u2014\n\n\"Sean likes you,\" Maria told Annie once they were alone.\n\n\"He does not.\"\n\n\"He does. I can tell.\"\n\n\"He's just being nice.\"\n\nThey were drying the last few dishes, standing elbow to elbow at the sink. \"What did he say to you in the garden?\"\n\n\"When?\"\n\n\"In the garden. When he took you into the back.\"\n\n\"He told me I was the most beautiful girl he had ever seen and then he proposed marriage.\"\n\nMaria was rinsing a plate. She held it under the water and said nothing.\n\n\"I'm kidding,\" said Annie. \"He just talked about the soil, how hard it is to grow things here.\"\n\nMaria started to scrub the plate, even though it was perfectly clean.\n\n\"I'm just kidding,\" Annie said again.\n\n\u2014\n\nAnnie wanted to take as long as possible washing the dishes. If Sean came back she could give him a sign to meet her later. But the plates were not very dirty, and there were only four of them, along with some glasses. Soon everything was done. \"I'm exhausted,\" Maria said. \"Aren't you exhausted?\"\n\n\"No.\"\n\n\"You look exhausted.\"\n\n\"I'm not.\"\n\n\"What should we do now?\"\n\nAnnie could think of no reason for staying in the kitchen. She could go downstairs but Malcolm would be there. He would be everywhere, all night. He would never go to sleep again, he was so happy to be alive. So at last she said, \"There's nothing to do. I guess I'll go to bed.\"\n\n\"I'll go up with you,\" Maria said.\n\n\u2014\n\n\"Let's not watch television, Sean,\" said Malcolm. \"We haven't had a chance to talk all night. We haven't talked for twenty years!\"\n\n\"I haven't watched television for two weeks,\" said Sean.\n\nMalcolm laughed, agreeably. \"Sean,\" he said, \"it's no use. You can't hide from me. Especially tonight.\" He waited for a response but received none. He felt monumentally calm. He could say whatever he had to say, without embarrassment, and he peered at his friend, wondering why Sean, on the contrary, was so withdrawn. But in the next moment it came to him. Sean's imperviousness was much too perfect. It was a sham. Inside his shell Sean was lonely too, and grieved for his failed marriage as Malcolm himself did. That was the reason he surrounded himself with jokes and the young women.\n\nMalcolm was surprised he hadn't realized this before. His sight now in every way was sharper. He looked at his friend and felt great sympathy for him. And then he said: \"Tell me about Meg, Sean. There's no reason to be ashamed. I'm in the same boat, you know.\"\n\nThis time Sean did turn and meet his gaze. His manner was still stiff, it was difficult for him, but at last he began: \"Not the same boat, Malcolm. Not at all. I left Meg. Meg didn't leave me.\"\n\nMalcolm looked away, down at the floor.\n\n\"And she took it badly, I'm afraid,\" Sean continued. \"She stepped in front of a train.\"\n\n\"She tried to kill herself?\" Malcolm asked. \"Oh, my God!\"\n\n\"Didn't just try. Succeeded.\"\n\n\"Meg's dead?\"\n\n\"Yes, she is. That's why the garden is in such a state.\"\n\n\"Sean, I'm so sorry. Why didn't you say something?\"\n\n\"I haven't been able to talk about it,\" Sean said.\n\n\u2014\n\nThis revenge pleased Sean. Malcolm had spoiled his evening but now Sean had control over him, could make him believe whatever he liked. Malcolm laid his head back against the sofa and Sean said, \"Quite a coincidence, your showing up here tonight. And telling that story. Almost as if something sent you here.\"\n\n\"I had no idea,\" Malcolm said softly. Sean continued to stare at his friend, filled with the power of being able to create a world for Malcolm to live in, where nothing happened by chance and where even suicides harmonized.\n\nHe left Malcolm sitting on the couch and made his way toward the stairs.\n\n\u2014\n\nWhen Maria went into the bathroom to brush her teeth, Annie tiptoed to the bedroom doorway. She heard nothing. The house was quiet. All she could hear was Maria swirling water in her mouth and spitting it into the sink. She stepped into the hall. Again she heard nothing. Then Maria came out of the bathroom. She had her glasses off and was squinting at the bed.\n\n\u2014\n\nSean reached the kitchen to find it empty. He cursed himself for ever suggesting backgammon, cursed Malcolm for getting in the way, cursed Annie for betraying their plan. It was not to be, no matter what he did. The house, the artichokes, the relic, none of these had been enough. He thought of his wife, dancing in some tropic zone, and then he saw himself as he was, alone, in a cold house, his desires thwarted.\n\nHe walked back to the basement door and listened. The television was still on. Malcolm was still sitting before it, thunderstruck. Sean turned away, determined to leave Malcolm there all night, but as soon as he did so he stopped where he was. For in front of him, wearing nothing but a man's long T-shirt, was Annie.\n\n\u2014\n\nUpstairs, ears pricked, Maria was waiting for Annie to come back to bed. Annie had just gotten into bed when suddenly she crawled out again, saying she was going downstairs for a glass of water. \"Drink from the tap in the bathroom,\" Maria suggested, but Annie said, \"I want a glass.\"\n\nAfter all this time, even after the kiss on the train, Annie was still shy. She was so nervous, she had gotten into bed and jumped right out again. Maria knew exactly what was going through her friend's mind. She crossed her arms behind her head. She stared up at the decorative plasterwork of the ceiling and felt the weight of her body sinking into the mattress, the pillows. A great calm came over her, a solidity, a sense that now, at last, her wishes were going to come true and all she had to do was wait.\n\n\u2014\n\nMalcolm stood up and turned off the television. He moved across the room to the billiard table. He took out a ball, rolled it across the felt, and watched it careen off the sides of the table. He caught it again and repeated the action. The ball made soft thumps against the cushions.\n\nHe was thinking about what Sean had told him. He was wondering what it all meant.\n\n\u2014\n\nTo get away before Malcolm came up, Sean led Annie to his study. On the way, he picked up his suitcase, which he had left in the front hall. Once he had closed the door of the study behind them, he told Annie in a whisper to be absolutely silent. Then, with an air of solemnity, he bent down to open his suitcase. As he released the metal latch, he was aware that Annie's naked thighs were only inches from his face. He wanted to reach out and take hold of her legs, to pull her toward him and fit his face into the bowl of her hips. But he didn't do that. He only took out a gray woolen sock from which he extracted a thin yellow bone less than three inches long.\n\n\"Here it is,\" he said, showing it to her. \"Direct from Rome. Saint Augustine's index finger.\"\n\n\"How long ago did he live, again?\"\n\n\"Fifteen hundred years.\"\n\nAnnie put out her hand and touched the sliver of bone, as Sean gazed at her lips, cheeks, eyes, hair.\n\n\u2014\n\nAnnie knew he was about to kiss her. She always knew when men were about to kiss her. Sometimes she made it difficult for them, moved away or asked them questions. Other times she merely pretended not to notice, as she did now, examining the saint's finger.\n\nThen Sean said, \"I was afraid our little meeting wasn't going to happen.\"\n\n\"It was hard getting away from the heretics,\" said Annie.\n\n\u2014\n\nMalcolm came into the kitchen, looking for Sean. All he found were the plates the girls had thoughtfully washed, stacked next to the sink. He strolled about the kitchen, warmed his hands by the smoldering fire, and, seeing that the artichokes he had left on the floor were still there, set them on the table. Only after doing all these things did he go to the kitchen window and look out to the backyard.\n\n\u2014\n\nWhen Maria saw them they were bent over something, their heads almost touching. Immediately she understood what had happened. Annie had come down to get a glass of water and Sean had waylaid her. She had arrived just in the nick of time to save her friend from an awkward situation.\n\n\"What's that?\" she said, and boldly, triumphantly, walked into the room.\n\n\u2014\n\nMaria's voice was the voice of the fate he could not escape. At the very moment of victory, as his desires were just about to be satisfied (he and Annie were cheek to cheek), Sean heard Maria's voice and his hopes shrank before it. He said nothing. All he did was stand mute as Maria approached him and took the relic into her cold hand.\n\n\"It's Saint Augustine's finger,\" Annie offered in explanation.\n\nMaria examined the bone a moment, then handed it back to Sean and said, simply, \"No way.\" The girls turned (together) and moved toward the door. \"Good night,\" they said, and, motionless, Sean heard their voices blend into an excruciating unison.\n\n\u2014\n\n\"You didn't believe him, did you?\" Maria asked once they were alone in their room. Annie made no reply, only got into bed and closed her eyes. Maria switched off the light and fumbled through the darkness. \"I can't believe you could fall for that. The finger of Saint Augustine!\" She laughed. \"Guys will do anything.\" She crawled into bed and pulled the covers over her, then lay staring into the dark, thinking about the trickery of men.\n\n\"Annie,\" she whispered, but her friend didn't reply. Maria moved closer. \"Annie,\" she said, a little more loudly. She moved farther across the sheets. She touched her hip to Annie's hip. And called again: \"Annie.\"\n\nBut her friend didn't return her greeting, or amplify the pressure of hip on hip. \"I'm going to sleep!\" Annie said, and turned away.\n\n\u2014\n\nSean was left holding the counterfeit finger of an illustrious saint. In the hallway he thought he heard the girls giggle. Next came the sound of their feet on the stairs, the creak and knock of the bedroom door closing, and then\u2014silence.\n\nThe bone was coated with a film of white powder that flaked onto his open palm. He wanted to fling the bone across the room, or drop it and crush it beneath his heel, but something deterred him. Because as he stared at the bone he began to feel as though someone were watching him. He looked around the room but no one was there. When he looked back at the bone, a curious thing happened. The finger appeared to be pointing at him. As though it were still attached to a living person, or was infused with intelligence, and was accusing him, condemning him.\n\nFortunately, the feeling lasted only an instant. In the next moment the finger stopped pointing. It became just a bone again.\n\n\u2014\n\nThe moon had risen, and, in its light, Malcolm could make out the garden, a pale blue circle at the end of the grass. He looked back at the remaining artichokes lying on the table. Then he walked to the back door, opened it, and went out.\n\nThe garden was in even worse condition than before. The dead flowers, which had been in a row, were now trampled, dug up, and scattered. Footprints were everywhere. Signs of violence had replaced the serenity of neglect.\n\nMalcolm saw the imprints of his own shoes, large and deep. Then he noticed the smaller treads of Annie's tennis shoes. He stepped into the garden and placed his feet over her treads, enjoying how thoroughly his shoes covered them. By this time, he had stopped wondering what had become of Sean. He was unaware of the location of the others inside the house, of Maria on one side of the bed, of Annie on the other, of Sean in his study staring at the twig of bone. Malcolm forgot his friends a moment, while he stood in the garden that Meg, his twin, had planted and left behind. Meg was gone, had given up, but he was still here. He was thinking that what he needed was a house and a garden of his own. He was imagining himself pruning rosebushes and picking beans. It seemed to him that happiness, with such a simple change, would come at last.\n\n1988\n\n# GREAT EXPERIMENT\n\n_\"If you're so smart, how come you're not rich?\"_\n\nIt was the city that wanted to know. Chicago, refulgent in early-evening, late-capitalist light. Kendall was in a penthouse apartment (not his) of an all-cash building on Lake Shore Drive. The view straight ahead was of water, eighteen floors below. But if you pressed your face to the glass, as Kendall was doing, you could see the biscuit-colored beach running down to Navy Pier, where they were just now lighting the Ferris wheel.\n\nThe gray Gothic stone of the Tribune Tower, the black steel of the Mies building just next door\u2014these weren't the colors of the new Chicago. Developers were listening to Danish architects who were listening to nature, and so the latest condominium towers were all going organic. They had light green fa\u00e7ades and undulating rooflines, like blades of grass bending in the wind.\n\nThere had been a prairie here once. The condos told you so.\n\nKendall was gazing at the luxury buildings and thinking about the people who lived in them (not him) and wondering what they knew that he didn't. He shifted his forehead against the glass and heard paper crinkling. A yellow Post-it was stuck to his forehead. Piasecki must have come in while Kendall was napping at his desk and left it there.\n\nThe Post-it said: \"Think about it.\"\n\nKendall crumpled it up and threw it in the wastebasket. Then he went back to staring out the window at the glittering Gold Coast.\n\n\u2014\n\nFor sixteen years now, Chicago had given Kendall the benefit of the doubt. It had welcomed him when he arrived with his \"song cycle\" of poems composed at the Iowa Writers' Workshop. It had been impressed with his medley of high-IQ jobs the first years out: proofreader for _The Baffler_ ; Latin instructor at the Latin School. For someone in his early twenties to have graduated summa cum laude from Amherst, to have been given a Michener grant, and to have published, one year out of Iowa City, an unremittingly bleak villanelle in the _TLS,_ all these things were marks of promise, back then. If Chicago had begun to doubt Kendall's intelligence when he turned thirty, he hadn't noticed. He worked as an editor at a small publishing house, Great Experiment, which published five titles per year. The house was owned by Jimmy Boyko, now eighty-two. In Chicago, people remembered Jimmy Boyko more from his days as a State Street pornographer back in the sixties and seventies and less from his much longer life as a free-speech advocate and publisher of libertarian books. It was Jimmy's penthouse that Kendall worked out of, Jimmy's high-priced view he was presently taking in. He was still mentally acute, Jimmy was. He was hard of hearing, but if you raised your voice to talk about what was going on in Washington the old man's blue eyes gleamed with ferocity and undying rebellion.\n\nKendall pulled himself away from the window and walked back to his desk, where he picked up the book that was lying there. The book was Alexis de Tocqueville's _Democracy in America._ Tocqueville, from whom Jimmy had got the name for Great Experiment Books, was one of Jimmy's passions. One evening six months ago, after his nightly martini, Jimmy had decided that what the country needed was a super-abridged version of Tocqueville's seminal work, culling all of the predictions the Frenchman had made about America, but especially those that showed the Bush administration in its worst light. So that was what Kendall had been doing for the past week, reading through _Democracy in America_ and picking out particularly salient bits. Like the opening, for instance: \"Among the novel objects that attracted my attention during my stay in the United States, nothing struck me more forcibly than the general equality of condition among the people.\"\n\n\"How damning is that?\" Jimmy had shouted, when Kendall read the passage to him over the phone. \"What could be _less_ in supply, in Bush's America, than equality of condition!\"\n\nJimmy wanted to call the little book _The Pocket Democracy._ After his initial inspiration had worn off, he'd handed the project to Kendall. At first, Kendall had tried to read the book straight through. But after a while he began skipping around. Both Volumes I and II contained sections that were unspeakably boring: methodologies of American jurisprudence, examinations of the American system of townships. Jimmy was interested only in the prescient moments. _Democracy in America_ was like the stories parents told adult children about their younger selves, descriptions of personality traits that had become only more ingrained over time, or of oddities and predilections that had been outgrown. It was curious to read a Frenchman writing about America when America was small, unthreatening, and admirable, when it was still something underappreciated that the French could claim and champion, like serial music or the novels of John Fante.\n\n> In these, as in the forests of the Old World, destruction was perpetually going on. The ruins of vegetation were heaped upon one another; but there was no laboring hand to remove them, and their decay was not rapid enough to make room for the continual work of reproduction. Climbing plants, grasses, and other herbs forced their way through the mass of dying trees; they crept along their bending trunks, found nourishment in their dusty cavities and a passage beneath the lifeless bark. Thus decay gave its assistance to life.\n\nHow beautiful that was! How wonderful to imagine what America had been like in 1831, before the strip malls and the highways, before the suburbs and the exurbs, back when the lakeshores were \"embosomed in forests coeval with the world.\" What had the country been like in its infancy? Most important, where had things gone wrong and how could we find our way back? How did decay give its assistance to life?\n\nA lot of what Tocqueville described sounded nothing like the America Kendall knew. Other judgments seemed to part a curtain, revealing American qualities too intrinsic for him to have noticed before. The growing unease Kendall felt at being an American, his sense that his formative years, during the Cold War, had led him to unthinkingly accept various national pieties, that he'd been propagandized as efficiently as a kid growing up in Moscow at the time, made him want, now, to get a mental grip on this experiment called America.\n\nYet the more he read about the America of 1831, the more Kendall became aware of how little he knew about the America of today, 2005, what its citizens believed, and how they operated.\n\nPiasecki was a perfect example. At the Coq d'Or the other night, he had said, \"If you and I weren't so honest we could make a lot of money.\"\n\n\"What do you mean?\"\n\nPiasecki was Jimmy Boyko's accountant. He came on Fridays, to pay bills and handle the books. He was pale, per-spirey, with limp blond hair combed straight back from his oblong forehead.\n\n\"He doesn't check anything, OK?\" Piasecki said. \"He doesn't even know how much money he has.\"\n\n\"How much _does_ he have?\"\n\n\"That's confidential information,\" Piasecki said. \"First thing they teach you at accounting school. Zip your lips.\"\n\nKendall didn't press. He was leery of getting Piasecki going on the subject of accounting. When Arthur Andersen had imploded, in 2002, Piasecki, along with eighty-five thousand other employees, had lost his job. The blow had left him slightly unhinged. His weight fluctuated, he chewed diet pills and Nicorette. He drank a lot.\n\nNow, in the shadowy, red-leather bar, crowded with happy-hour patrons, Piasecki ordered a scotch. So Kendall did, too.\n\n\"Would you like the executive pour?\" the waiter asked.\n\nKendall would never be an executive. But he could have the executive pour. \"Yes,\" he said.\n\nFor a moment they were silent, staring at the television screen, tuned to a late-season baseball game. Two newfangled Western Division teams were playing. Kendall didn't recognize the uniforms. Even baseball had been adulterated.\n\n\"I don't know,\" Piasecki said. \"It's just that, once you've been screwed like I've been, you start to see things different. I grew up thinking that most people played by the rules. But after everything went down with Andersen the way it did\u2014I mean, to scapegoat an entire company for what a few bad apples did on behalf of Ken Lay and Enron...\" He didn't finish the thought. His eyes grew bright with fresh anguish.\n\nThe tumblers, the minibarrels of scotch, arrived at their table. They finished the first round and ordered another. Piasecki helped himself to the complimentary hors d'oeuvres.\n\n\"Nine people out of ten, in our position, they'd at least _think_ about it,\" he said. \"I mean, this fucking guy! How'd he make his money in the first place? On twats. That was his angle. Jimmy pioneered the beaver shot. He knew tits and ass were over. Didn't even bother with them. And now he's some kind of saint? Some kind of political activist? You don't buy that horseshit, do you?\"\n\n\"Actually,\" Kendall said, \"I do.\"\n\n\"Because of those books you publish? I see the numbers on those, OK? You lose money every year. Nobody reads that stuff.\"\n\n\"We sold five thousand copies of _The Federalist Papers,_ \" Kendall said in defense.\n\n\"Mostly in Wyoming,\" Piasecki countered.\n\n\"Jimmy puts his money to good use. What about all the contributions he makes to the ACLU?\" Kendall felt inclined to add, \"The publishing house is only one facet of what he does.\"\n\n\"OK, forget Jimmy for a minute,\" Piasecki said. \"I'm just saying, look at this country. Bush\u2013Clinton\u2013Bush\u2013maybe Clinton. That's not a democracy, OK? That's a dynastic monarchy. What are people like us supposed to do? What would be so bad if we just skimmed a little cream off the top? Just a little skimming. I fucking hate my life. Do I think about it? Yeah. I'm already convicted. They convicted all of us and took away our livelihood, whether we were honest or not. So I'm thinking, if I'm guilty already, then who gives a shit?\"\n\nWhen Kendall was drunk, when he was in odd surroundings like the Coq d'Or, when someone's misery was on display in front of him, in moments like this, Kendall still felt like a poet. He could feel the words rumbling somewhere in the back of his mind, as though he still had the diligence to write them down. He took in the bruise-colored bags under Piasecki's eyes, the addictlike clenching of his jaw muscles, his bad suit, his corn-silk hair, and the blue Tour de France sunglasses pushed up on his head.\n\n\"Let me ask you something,\" Piasecki said. \"How old are you?\"\n\n\"Forty-five,\" Kendall said.\n\n\"You want to be an editor at a small-time place like Great Experiment the rest of your life?\"\n\n\"I don't want to do anything for the rest of my life,\" Kendall said, smiling.\n\n\"Jimmy doesn't give you health care, does he?\"\n\n\"No,\" Kendall allowed.\n\n\"All the money he's got and you and me are both freelance. And you think he's some kind of social crusader.\"\n\n\"My wife thinks that's terrible, too.\"\n\n\"Your wife is smart,\" Piasecki said, nodding with approval. \"Maybe I should be talking to her.\"\n\n\u2014\n\nThe train out to Oak Park was stuffy, grim, almost penal in its deprivation. It rattled on the tracks, its lights flickering. During moments of illumination Kendall read his Tocqueville. \"The ruin of these tribes began from the day when Europeans landed on their shores; it has proceeded ever since, and we are now witnessing its completion.\" With a jolt, the train reached the bridge and began crossing the river. On the opposite shore, glass-and-steel structures of breathtaking design were cantilevered over the water, all aglow. \"Those coasts, so admirably adapted for commerce and industry; those wide and deep rivers; that inexhaustible valley of the Mississippi; the whole continent, in short, seemed prepared to be the abode of a great nation yet unborn.\"\n\nHis cell phone rang and he answered it. It was Piasecki, calling from the street on his way home.\n\n\"You know what we were just talking about?\" Piasecki said. \"Well, I'm drunk.\"\n\n\"So am I,\" Kendall said. \"Don't worry about it.\"\n\n\"I'm drunk,\" Piasecki repeated, \"but I'm serious.\"\n\n\u2014\n\nKendall had never expected to be as rich as his parents, but he'd never imagined that he would earn so little or that it would bother him so much. After five years working for Great Experiment, he and his wife, Stephanie, had saved just enough money to buy a big fixer-upper in Oak Park, without being able to fix it up.\n\nShabby living conditions wouldn't have bothered Kendall in the old days. He'd liked the converted barns and under-heated garage apartments Stephanie and he had lived in before they were married, and he liked the just appreciably nicer apartments in questionable neighborhoods they lived in _after_ they were married. His sense of their marriage as countercultural, an artistic alliance committed to the support of vinyl records and Midwestern literary quarterlies, had persisted even after Max and Eleanor were born. Hadn't the Brazilian hammock as diaper table been an inspired idea? And the poster of Beck gazing down over the crib, covering the hole in the wall?\n\nKendall had never wanted to live like his parents. That had been the whole idea, the lofty rationale behind the snow-globe collection and the flea-market eyewear. But as the children got older, Kendall began to compare their childhood unfavorably with his own, and to feel guilty.\n\nFrom the street, as he approached under the dark, dripping trees, his house looked impressive enough. The lawn was ample. Two stone urns flanked the front steps, leading up to a wide porch. Except for paint peeling under the eaves, the exterior looked fine. It was with the interior that the trouble began. In fact, the trouble began with the word itself: _interior._ Stephanie liked to use it. The design magazines she consulted were full of it. One was even _called_ it: _Interiors._ But Kendall had his doubts as to whether their home achieved an authentic state of interiority. For instance, the outside was always breaking in. Rain leaked through the master-bathroom ceiling. The sewers flooded up through the basement drain.\n\nAcross the street, a Range Rover was double-parked, its tailpipe fuming. As he passed, Kendall gave the person at the wheel a dirty look. He expected a businessman or a stylish suburban wife. But sitting in the front seat was a frumpy, middle-aged woman, wearing a Wisconsin sweatshirt, talking on her cell phone.\n\nKendall's hatred of SUVs didn't keep him from knowing the base price of a Range Rover: $75,000. From the official Range Rover website, where a husband up late at night could build his own vehicle, Kendall also knew that choosing the \"Luxury Package\" (preferably cashmere upholstery with navy piping and burled-walnut dash) brought the price tag up to $82,000. This was an unthinkable, a soul-crushing sum. And yet, pulling into the driveway next to Kendall's was another Range Rover, this belonging to his neighbor Bill Ferret. Bill did something relating to software; he devised it, or marketed it. At a backyard barbecue the previous summer, Kendall had listened with a serious face as Bill explained his profession. Kendall specialized in a serious face. This was the face he'd trained on his high school and college teachers from his seat in the first row: the ever-alert, A-student face. Still, despite his apparent attentiveness, Kendall didn't remember what Bill had told him about his job. There was a software company in Canada named Waxman, and Bill had shares in Waxman, or Waxman had shares in Bill's company, Duplicate, and either Waxman or Duplicate was thinking of \"going public,\" which apparently was a good thing to do, except that Bill had just started a third software company, Triplicate, and so Waxman, or Duplicate, or maybe both, had forced him to sign a \"noncompete,\" which would last a year.\n\nMunching his hamburger, Kendall had understood that this was how people spoke, out in the world\u2014in the real world he himself lived in, though, paradoxically, had yet to enter. In this real world, there were things like custom software and ownership percentages and Machiavellian corporate struggles, all of which resulted in the ability to drive a heartbreakingly beautiful forest-green Range Rover up your own paved drive.\n\nMaybe Kendall wasn't so smart.\n\nHe went up his front walk and into the house, where he found Stephanie in the kitchen, next to the open, glowing stove. She'd dumped the day's mail on the kitchen counter and was flipping through an architecture magazine. Kendall came up behind her and kissed the back of her neck.\n\n\"Don't get mad,\" Stephanie said. \"The oven's only been on a few minutes.\"\n\n\"I'm not mad. I'm never mad.\"\n\nStephanie chose not to dispute this. She was a small, fine-boned woman who worked for a gallery of contemporary photography. She wore her hair in the same comp-lit pageboy she'd had the day they met, twenty-two years earlier, in an H.D. seminar. Since turning forty Stephanie had begun asking Kendall if she was getting too old to dress the way she did. But he answered truthfully that in her curated, secondhand outfits\u2014the long parti-colored leather jacket or the drum majorette's skirt or the white fake fur Russian hat\u2014she looked as great as ever.\n\nThe photos in the magazine Stephanie was looking at involved urban renovations. On one page a brick town house had had its back end blown out to make room for a boxy addition of glass; another showed a brownstone that had been gutted and now looked as bright and airy inside as a Soho loft. That was the ideal: to remain dutiful to a preservationist ethos while not depriving yourself of modern creature comforts. The handsome, affluent families who owned these houses were often pictured in carefree moments, eating breakfast or entertaining, their lives seemingly perfected by design solutions that made even turning on a light switch or running a bath a fulfilling, harmonious experience.\n\nKendall held his head next to Stephanie's as they looked at the photos. Then he said, \"Where are the kids?\"\n\n\"Max is at Sam's. Eleanor says it's too cold here, so she's sleeping over at Olivia's.\"\n\n\"You know what?\" Kendall said. \"Screw it. Let's just crank the heat.\"\n\n\"We shouldn't. Last month's bill was crazy.\"\n\n\"Keeping the oven open isn't any better.\"\n\n\"I know. It's freezing in here, though.\"\n\nKendall turned around to face the windows over the sink. When he leaned forward, he could feel cold air blowing through the panes. Actual currents.\n\n\"Piasecki said something interesting to me today.\"\n\n\"Who?\"\n\n\"Piasecki. The accountant. From work. He said it's unbelievable that Jimmy doesn't give me health insurance.\"\n\n\"I've told you that.\"\n\n\"Well, Piasecki agrees with you.\"\n\nStephanie closed the magazine. Then she closed the oven door and turned off the gas. \"We pay Blue Cross six thousand dollars per year. In three years, that's a new kitchen right there.\"\n\n\"Or we could spend it on heat,\" Kendall said. \"And then our kids wouldn't abandon us. They would still love us.\"\n\n\"They still love you. Don't worry. They'll be back in the spring.\"\n\nKendall kissed his wife's neck once more as he exited the kitchen. He headed upstairs, first to use the bathroom and, second, to get a sweater, but as soon he entered the master bedroom he stopped in his tracks.\n\nIt wasn't the only master bedroom of its kind in Chicago. Across the country, the master bedrooms of more and more two-salaried, stressed-out couples were looking like this. With the twisted sheets and blankets on the bed, the pillows either mashed or denuded of their pillowcases to show saliva stains or spew feathers, and the socks and underpants littered like animal skins across the floor, the bedroom was like a den where two bears had recently hibernated. Or were hibernating still. In the far corner a hillock of dirty laundry rose three feet in the air. A few months ago, Kendall had gone to Bed Bath & Beyond to buy a wicker clothes hamper. After that, the family had conscientiously tossed their dirty wash into it. But soon the hamper filled up and they'd begun tossing their wash in its general direction. For all Kendall knew, the hamper might still be there, buried beneath the pyramid of laundry.\n\nHow had it happened in one generation? His parents' bedroom had never looked like this. Kendall's father had a dresser full of neatly folded laundry, a closet full of pressed suits and ironed shirts. Every night he had a perfectly made bed to climb into. Nowadays, if Kendall wanted to live as his own father had, he was going to have to hire a laundress and cleaning lady and a social secretary and a cook. He was going to have to hire a wife. Wouldn't that be great? Stephanie could use one, too. Everybody needed a wife, and no one had one anymore.\n\nBut to hire a wife Kendall needed to make more money. The alternative was to live as he did, in middle-class squalor, in married bachelorhood.\n\n\u2014\n\nLike most honest people, Kendall sometimes fantasized about committing a crime. In the following days, however, he found himself indulging in criminal fantasies to a criminal degree. How did one embezzle if one wanted to embezzle well? What kind of mistakes did the rank amateurs make? How could you get caught and what were the penalties?\n\nQuite amazing, to an embezzler-fantasist, was how instructive the daily newspapers were. Not only the lurid _Chicago Sun-Times,_ with its stories of gambling-addicted accountants and Irish \"minority\" trucking companies. Much more instructive were the business pages of the _Tribune_ or the _Times._ Here you found the pension-fund manager who'd siphoned off five million, or the Korean-American hedge-fund genius who vanished with a quarter billion of Palm Beach retiree money and who turned out to be a Mexican guy named Lopez. Turn the page and you read about the Boeing executive sentenced to four months in jail for rigging contracts with the Air Force. The malfeasance of Bernie Ebbers and Dennis Kozlowski claimed the front page, but it was the short articles on A21 or C15 detailing the quieter frauds, the scam artists working in subtler pigments, in found objects, that showed Kendall the extent of the general deceit.\n\nAt the Coq d'Or the next Friday, Piasecki said, \"You know the mistake most people make?\"\n\n\"What?\"\n\n\"They buy a beach house. Or a Porsche. They red-flag themselves. They can't resist.\"\n\n\"They lack discipline,\" Kendall said.\n\n\"Right.\"\n\n\"No moral fiber.\"\n\n\"Exactly.\"\n\nWasn't scheming the way America worked? The _real_ America that Kendall, with his nose stuck in _Rhyme's Reason_ , had failed to notice? How far apart were the doings of these minor corporate embezzlers and the accounting fraud at Enron? And what about all the businesspeople who were clever enough _not_ to get caught, who wriggled free from blame? The example set on high wasn't one of probity and full disclosure. It was anything but.\n\nWhen Kendall was growing up, American politicians denied that the United States was an empire. But they weren't doing that anymore. They'd given up. Everyone knew about the empire now. Everyone was pleased.\n\nAnd in the streets of Chicago, as in the streets of L.A., New York, Houston, and Oakland, the message was making itself known. A few weeks back, Kendall had seen the movie _Patton_ on TV. He'd been reminded that the general had been severely punished for slapping a soldier. Whereas now Rumsfeld ran free from responsibility for Abu Ghraib. Even the president, who'd lied about WMD, had been reelected. In the streets, people got the point. Victory was what counted, power, muscularity, doublespeak if necessary. You saw it in the way people drove, in the way they cut you off, gave you the finger, cursed. Women and men alike, showing rage and toughness. Everyone knew what he wanted and how to get it. Everybody you met was nobody's fool.\n\nOne's country was like one's self. The more you learned about it, the more there was to be ashamed of.\n\n\u2022\n\nThen again, it wasn't pure torture, living in the plutocracy. Jimmy was still out in Montecito, and every weekday Kendall had the run of his place. There were toadying doormen, invisible porters who hauled out the trash, a squad of Polish maids who came on Wednesday and Friday mornings to pick up after Kendall and scrub the toilet in the Moorish bathroom and tidy up the sunny kitchen where he ate his lunch. The co-op was a duplex. Kendall worked on the upper floor. Downstairs was Jimmy's \"Jade Room,\" where he kept his collection of Chinese jade in museum-quality display cases. (If you had criminality in mind, a good place to start would be the Jade Room.)\n\nIn his office, whenever Kendall looked up from his Tocqueville, he could see the opalescent lake spreading out in all directions. The curious emptiness Chicago confronted, the way it just dropped off into nothing, especially at sunset or in the fog, was likely responsible for all the city's activity. The land had been waiting to be exploited. These shores so suited to industry and commerce had raised a thousand factories. The factories had sent vehicles of steel throughout the world, and now these vehicles, in armored form, were clashing for control of the petroleum that powered the whole operation.\n\nTwo days after his conversation with Piasecki, Kendall called his boss's landline in Montecito. Jimmy's wife, Pauline, answered. Pauline was his latest wife, and the one with whom he had found marital contentment. Jimmy had been married twice before, once to his college sweetheart, once to a Miss Universe thirty years his junior; Pauline was age-appropriate, a sensible woman with a kind manner, who ran the Boyko Foundation and spent her time giving away Jimmy's money.\n\nAfter talking with Pauline a minute, Kendall asked if Jimmy was available and, a few moments later, Jimmy's loud voice came on. \"What up, kiddo?\"\n\n\"Hello, Jimmy, how are you?\"\n\n\"Just got off my Harley. Rode all the way down to Ventura and back. Now my ass hurts but I'm happy. What's up?\"\n\n\"Right,\" Kendall said. \"So, I wanted to talk to you about something. I've been running the house for six years now. I think you've been happy with my work.\"\n\n\"I have been,\" Jimmy said. \"No complaints.\"\n\n\"Given my performance, and given my tenure here, I wanted to ask if it might be possible to work out some kind of health-insurance coverage. I've\u2014\"\n\n\"Can't do it,\" Jimmy answered. The suddenness of his response was characteristic: it was the same kind of wall he'd put up all his life, a defense against the Polish kids who'd beat him up on his way home from school, against his own father, who'd told Jimmy he was a good-for-nothing who would never succeed in life, and, later on, against the vice cops who harassed the studio where Jimmy manufactured and sold his dirty magazines, against every business competitor who had tried to cheat him, and finally against the hypocrites and holier-than-thou politicians who undermined the First Amendment and wildly expanded the rights covered by the Second. \"That was never part of your package. I'm running a nonprofit here, kiddo. Piasecki just sent me the statements. We're in the red this year. We're in the red _every_ year. We publish all these important, foundational, patriotic books\u2014essential books\u2014and nobody buys them! The people in this country are asleep! We've got an entire nation on Ambien. Sandman Rove is blowing dust in everybody's eyes.\"\n\nHe went off on a tear, anathematizing Bush and Wolfowitz and Perle, but then he must have felt bad about avoiding the subject at hand because he came back to it, softening his tone. \"Listen, I know you've got a family. You have to do what's best for you. If you wanted to test your value out in the marketplace, I'd understand. I'd hate to lose you, Kendall, but I'd understand if you have to move on.\"\n\nThere was silence on the line.\n\nJimmy said, \"You think about it.\" He cleared his throat. \"So, since I've got you, tell me. How's _The Pocket Democracy_ coming?\"\n\nKendall wished he could remain businesslike. But he couldn't keep some bitterness out of his voice when he answered, \"It's coming.\"\n\n\"When do you think you'll have something to show me?\"\n\n\"No idea.\"\n\n\"What was that?\"\n\n\"I've got no answer at the moment.\"\n\n\"Look, I'm running a business here,\" Jimmy said. \"You think you're the first editor I've had? No. I hire young people and swap them out when they move on. As you may choose to do. That's how it works. No reflection on the job you've done, which has been first-rate. I'm sorry, kiddo. Let me know what you decide.\"\n\nBy the time Kendall hung up, the sun was setting. The water reflected the gray-blue of the darkening sky, and the lights of the water-pumping stations had come on, making them look like a line of floating gazebos. Kendall slumped in his desk chair, the Xeroxed pages of _Democracy in America_ spread out on the desk around him. His left temple throbbed. He rubbed his forehead and looked down at the page in front of him:\n\n> I do not mean that there is any lack of wealthy individuals in the United States; I know of no country, indeed, where the love of money has taken stronger hold on the affections of men and where a profounder contempt is expressed for the theory of the permanent equality of property. But wealth circulates with inconceivable rapidity, and experience shows that it is rare to find two succeeding generations in the full enjoyment of it.\n\nKendall swiveled in his chair and grabbed the phone. He dialed Piasecki's number and, after a single ring, Piasecki answered.\n\n\"Meet me at the Coq d'Or,\" Kendall said.\n\n\"Now? What about?\"\n\n\"I don't want to discuss it on the phone. I'll tell you when you get there.\"\n\nThis was how you did it. This was taking action. In an instant, everything could change.\n\nIn the fading light Kendall walked from Lakeshore up to the Drake Hotel and into the street entrance of the bar. He got a booth in the back, away from the guy in a tux playing piano, ordered a drink, and waited for Piasecki.\n\nIt took him a half hour to arrive. As soon as Piasecki sat down, Kendall stared across the table and smiled. \"About that idea you had the other day,\" he said.\n\nPiasecki gave him a sideways look. \"You serious, or just playing around?\"\n\n\"I'm curious.\"\n\n\"Don't fuck with me.\"\n\n\"I'm not,\" Kendall said. \"I was just wondering. How would it work? Technically.\"\n\nPiasecki leaned closer to be heard over the tinkling music. \"I never said what I'm about to say, OK?\"\n\n\"OK.\"\n\n\"If you do something like this, what you do is you set up a dummy company. You create invoices from this company. Then Great Experiment pays these invoices. After a few years, you close the account and liquidate the company.\"\n\nKendall worked to understand. \"But the invoices won't be for anything. Won't that be obvious?\"\n\n\"When's the last time Jimmy checked the invoices for anything? He's eighty-two, for Christ's sake. He's out in California taking Viagra so he can bang some hooker. He's not thinking about the invoices. His mind is occupied.\"\n\n\"What if we get audited?\"\n\nThis time it was Piasecki's turn to smile. \"I like how you say 'we.' That's where _I_ come in. If we get audited, who handles that? I do. I show the IRS the bills and the payments. Since our payments into the dummy company match the bills, everything looks fine. If we pay the right taxes on income, how is the IRS going to complain?\"\n\nIt wasn't all that complicated. Kendall wasn't used to thinking this way, not just criminally but financially, but as his executive pour went down, he saw how it could work. He looked around the bar, at the businessmen boozing, making deals.\n\n\"I'm not talking about that much money,\" Piasecki was saying. \"Jimmy's worth, like, eighty million. I'm talking maybe half a million for you, half a mil for me. Maybe, if things go smooth, a million each. Then we shut it down, cover our tracks, and move to Bermuda.\"\n\nWith burning, needy eyes Piasecki said, \"Jimmy makes more than a million in the markets every four months. It's nothing to him.\"\n\n\"What if something goes wrong? I've got a family.\"\n\n\"And I don't? It's my family I'm thinking of. It's not like things are fair in this country. Things are _unfair._ Why should a smart guy like you not get a little piece of the pie? Are you scared?\"\n\n\"Yes,\" Kendall said.\n\n\"If we do this, you _should_ be scared. Just a little. Statistically, though, I'd put the chances of our getting caught at about one percent. Maybe less.\"\n\nFor Kendall it was exciting just to be having this conversation. Everything about the Coq d'Or, from the fatty appetizers to the Tin Pan Alley entertainment to the faux-Napoleonic decor, suggested that it was still 1926. Kendall and Piasecki were leaning conspiratorially together, like a couple of old-time gangsters. They'd seen the Mafia movies, so they knew how to do it. Criminality wasn't like poetry, where one movement succeeded another. The same scheming that had gone on in Chicago eighty years ago was going on now.\n\n\"I'm telling you, we could be in and out in two years,\" Piasecki was saying. \"Do it nice and easy and leave no trail. Then we invest our money and do our part for the GDP.\"\n\nWhat was a poet but a guy who lived in a fantasy world? Who dreamed instead of did. What would it be like to _do_? To apply your brain to the palpable universe of money instead of the intangible realm of words?\n\nHe would never tell Stephanie about any of this. He'd tell her he'd been given a raise. Simultaneous with this thought was another: renovating your kitchen wasn't a red flag. They could do the whole interior without attracting attention.\n\nIn his mind Kendall saw his fixer-upper as it would be a year or two from now: modernized, insulated, warm, his children happy, his wife repaid for everything she'd done for him.\n\n_Wealth circulates with inconceivable rapidity..._\n\n_The full enjoyment of it..._\n\n\"OK, I'm in,\" Kendall said.\n\n\"You're in?\"\n\n\"Let me think about it.\"\n\nThat was sufficient for Piasecki for now. He lifted his glass. \"To Ken Lay,\" he said. \"My hero.\"\n\n\u2014\n\n\"What sort of business is this you're opening?\"\n\n\"It's a storage facility.\"\n\n\"And you're?\"\n\n\"The president. Co-president, actually.\"\n\n\"With Mr.\"\u2014the lawyer, a squat woman with thatchlike hair, searched on the incorporation form\u2014\"Mr. Piasecki.\"\n\n\"That's right,\" Kendall said.\n\nIt was a Saturday afternoon. Kendall was in downtown Oak Park, in the lawyer's meager, diploma-lined office. Max was outside on the sidewalk, catching autumn leaves as they twirled to the ground. He ran back and forth, his arms outstretched.\n\n\"I could use some storage,\" the lawyer joked. \"My kids' sports equipment is crazy. Snowboards, surfboards, tennis rackets, lacrosse sticks. I can barely fit my car into the garage.\"\n\n\"We do commercial storage,\" Kendall said. \"Warehousing. For corporations. Sorry.\"\n\nHe hadn't even laid eyes on the place. It was up in the sticks, outside Kewanee. Piasecki had driven up there and leased the land. There was nothing on it but an old, weed-choked Esso station. But it had a legal address, and soon, as Midwestern Storage, a steady income.\n\nSince Great Experiment sold few books, the publishing company had a lot of inventory on hand. In addition to storing them in their usual warehouse, in Schaumburg, Kendall would soon start sending a phantom number of books up to the facility in Kewanee. Midwestern Storage would charge Great Experiment for this service, and Piasecki would send the company checks. As soon as the incorporation forms were filed, Piasecki planned to open a bank account in Midwestern Storage's name. Signatories to this account: Michael J. Piasecki and Kendall Wallis.\n\nIt was all quite elegant. Kendall and Piasecki would own a legal company. The company would earn money legally, pay its taxes legally; the two of them would split the profit and claim it as business income on their tax returns. Who was ever to know that the warehouse housed no books because there _was_ no warehouse?\n\n\"I just hope the old guy doesn't kick,\" Piasecki had said. \"We've got to pray for Jimmy to stay healthy.\"\n\nWhen Kendall had signed the required forms, the lawyer said, \"OK, I'll file these papers for you Monday. Congratulations, you're the proud new owner of a corporation in the state of Illinois.\"\n\nOutside, Max was still whirling beneath the falling leaves.\n\n\"How many did you catch, buddy?\" Kendall asked.\n\n\"Twenty-two!\" Max shouted.\n\nKendall looked up at the sky to watch the leaves, red and gold, spinning down toward the earth. He tucked the papers he was holding under his arm.\n\n\"Five more and we have to go home,\" Kendall said.\n\n\"Ten!\"\n\n\"OK, ten. Ready? Leaf-catching Olympics starts\u2014now!\"\n\n\u2014\n\nAnd now it was a Monday morning in January, the start of a new week, and Kendall was on the train again, reading about America: \"There is one country in the world where the great social revolution that I am speaking of seems to have nearly reached its natural limits.\" Kendall had a new pair of shoes on, two-tone cordovans from the Allen Edmonds store on Michigan Avenue. Otherwise, he looked the way he always did, same chinos, same shiny-elbowed corduroy jacket. Nobody on the train would have guessed that he wasn't the mild, bookish figure he appeared to be. No one would have imagined Kendall making his weekly drop-off at the mailbox outside the all-cash building (to keep the doormen from noticing the deposit envelopes addressed to the Kewanee bank). Seeing Kendall jotting figures in his newspaper, most riders assumed he was working out a Sudoku puzzle instead of estimating potential earnings from a five-year CD. Kendall in his editor-wear had the perfect disguise. He was like Poe's purloined letter, hidden in plain sight.\n\nWho said he wasn't smart?\n\nThe fear had been greatest the first few weeks. Kendall would awaken at 3 a.m. with what felt like a battery cable hooked to his navel. What if Jimmy noticed the printing, shipping, and warehouse costs for the phantom books? What if Piasecki drunkenly confessed to a pretty bartender whose brother turned out to be a cop? Kendall's mind reeled with potential mishaps and dangers. How had he got into something like this with someone like that? In bed beside Stephanie, who was sleeping the sleep of the just, Kendall lay awake for hours, visions of jail time and perp walks filling his head.\n\nIt got easier after a while. Fear was like any other emotion. From an initial stage of passionate intensity, it slowly ebbed until it became routine and then barely noticeable. Plus, things had gone so well. Kendall drew up separate checks, one for the books they actually printed and another for the books he and Piasecki pretended to. On Friday, Piasecki entered these debits in his accounts against weekly income. \"It looks like a profit-loss,\" he told Kendall. \"We're actually saving Jimmy taxes. He should thank us.\"\n\n\"Why don't we let him in on it, then?\" Kendall said.\n\nPiasecki only laughed. \"Even if we did, he's so out of it he wouldn't remember.\"\n\nKendall kept to his low-profile plan. As the bank account of Midwestern Storage slowly grew, the same beaten-up old Volvo remained in his driveway. The money stayed away from prying eyes. It showed only inside. In the _interior._ Every night when he came home, Kendall inspected the progress of the plasterers, carpenters, and carpet installers he'd hired. He was looking into additional interiors as well: the walled gardens of college-savings funds (the garden of Max, the garden of Eleanor); the inner sanctum of a SEP-IRA.\n\nAnd there was something else hidden in his house: a wife. Her name was Arabella. She was from Venezuela and spoke little English. On her first day, confronted by the mountain of laundry in the master bedroom, she had shown neither shock nor horror. Just hauled load after load to the basement, washed and folded the laundry, and put it in their drawers. Kendall and Stephanie were thrilled.\n\nAt the lakefront co-op, Kendall did something he hadn't done in a long time: he did his job. He finished abridging _Democracy in America._ He FedExed the color-coded manuscript to Montecito and, the very next day, began writing proposals to bring other obscure books back into print. He sent two or three proposals per day, along with digital or hard copies of the texts in question. Instead of waiting for Jimmy to respond, Kendall called him repeatedly, and pestered him with questions. At first, Jimmy had taken Kendall's calls. But soon he began to complain about their frequency and, finally, he told Kendall to stop bothering him with minutiae and to deal with things himself. \"I trust your taste,\" Jimmy said.\n\nHe hardly called the office at all anymore.\n\nThe train deposited Kendall at Union Station. Coming out onto Madison Street, he got into a cab (paying with untraceable cash) and had the driver let him out a block from the all-cash building. From there he trudged around the corner, looking as though he'd come on foot. He said hello to Mike, the doorman on duty, and made his way to the elevator.\n\nThe penthouse was empty. Not even a maid around. The elevator let you off on the lower floor, and as Kendall was going down the hall, on his way to the circular stairs to his office, he passed Jimmy's Jade Room. He tried the door. It wasn't locked. And so he stepped in.\n\nHe had no intention of stealing anything. That would be stupid. He just wanted to trespass, to add this minor act of insubordination to his much larger, Robin Hood\u2013like act of rebellion. The Jade Room was like a room in a museum or an exclusive jewelry store, with beautifully carpentered walls filled with built-in shelves and drawers. At evenly spaced intervals lighted display cases contained pieces of jade. The stone wasn't dark green, as Kendall expected, but a light green. He remembered Jimmy telling him that the best jade, the rarest, was almost white in color, and that the most prized specimens were those carved from single pieces of stone.\n\nThe subjects of the carvings were hard to make out, the shapes so sinuous that at first Kendall thought the animals depicted were snakes or serpents. But then he recognized them as horses' heads. Long, tapering horses' heads enfolded upon themselves. Horses tucking their heads against their bodies as though in sleep.\n\nHe opened one of the drawers. Inside, on a bed of velvet, was another horse.\n\nKendall picked it up. Ran his finger along the line of the horse's mane. He thought about the artisan who'd fashioned this thing, some guy in China, sixteen hundred years ago, whose name no one knew anymore and who had died along with everyone else alive during the Jin Dynasty, but who, by looking at a living, breathing horse standing in a misty field somewhere in the Yellow River valley, had so _seen_ the animal that he'd managed to render its form into this piece of precious stone, thereby making it even more precious. The human desire to do something useless like that, something exacting and skilled and downright crazy, was what had always excited Kendall, until it ceased to excite him because of his inability to do it himself. His inability to keep up the necessary persistence and to accept the shame of pursuing such a craft in a culture that not only didn't prize the discipline but openly ridiculed it.\n\nYet somehow this jade carver had succeeded. He would never know it, but this pale white somnolent horse that had lived long ago was still not dead, not yet, for here it was in Kendall's hand, softly lit by the recessed halogen bulbs in this jewelry cabinet of a room.\n\nWith something like veneration Kendall returned the horse head to its velvet drawer and closed it. Then he let himself out of the Jade Room and went upstairs to his office.\n\nShipping boxes filled the floor. The first editions of _The Pocket Democracy_ had just come back from the printer\u2014the real printer\u2014and Kendall was in the process of sending copies to bookstore buyers and historical museum gift shops. He had just sat down at his desk and turned on his computer when his phone rang.\n\n\"Hey, kiddo. I just got the new book.\" It was Jimmy. \"Looks fantastic! You did a helluva job.\"\n\n\"Thank you.\"\n\n\"What do the orders look like?\"\n\n\"We'll know in a couple of weeks.\"\n\n\"I think we've got it priced right. And the format is perfect. Get these next to a cash register and we can up-sell these babies. The cover looks terrific.\"\n\n\"I think so, too.\"\n\n\"What about reviews?\"\n\n\"It's a two-hundred-year-old book. Not exactly news.\"\n\n\"It's news that stays news. OK, ads,\" Jimmy said. \"Send me a list of places you think can reach our audience. Not the fucking _New York Review of Books._ That's preaching to the converted. I want this book to get _out_ there. This is important!\"\n\n\"Let me think a little,\" Kendall said.\n\n\"What else was I going to\u2014? Oh yeah! The bookmark! Great idea. People are going to love this. Promotes the book _and_ our brand. You giving these out as promotional items or just in the books themselves?\"\n\n\"Both.\"\n\n\"Perfect. What about making some posters, too? Each with a different quote from the book. I bet bookstores would use those for a display. Do some mock-ups and send them to me, will you?\"\n\n\"Will do,\" Kendall said.\n\n\"I'm feeling optimistic. We might sell some books for once.\"\n\n\"Hope so.\"\n\n\"I'll tell you what,\" Jimmy said, \"if this book does as well as I _think_ it will, I'll give you health insurance.\"\n\nKendall hesitated. \"That would be great.\"\n\n\"I don't want to lose you, kiddo. Plus, I'll be honest, it's a headache finding someone else.\"\n\nThis generosity wasn't grounds for reappraisal and regret. Jimmy had taken his sweet time, hadn't he? And the promise was phrased in the conditional. If, not when. No, Kendall thought to himself, just wait and see how things turn out. If Jimmy gives me insurance and a nice raise, then maybe I'll _think_ about shutting Midwestern Storage down. But then and only then.\n\n\"Oh, one more thing,\" Jimmy said. \"Piasecki sent me the accounts. The numbers look funny.\"\n\n\"Excuse me?\"\n\n\"What are we doing printing thirty thousand copies of Thomas Paine? And why are we using _two_ printers?\"\n\nAt congressional hearings, or in courtrooms, the accused CEOs and CFOs followed one of two strategies: they either said they didn't know or they didn't remember.\n\n\"I don't remember why we printed thirty thousand,\" Kendall said. \"I'll have to check the orders. As far as printers go, Piasecki handles that. Maybe someone offered us a better deal.\"\n\n\"The new printer is charging us a higher rate.\"\n\nPiasecki hadn't told Kendall that. Piasecki had become greedy, jacked the price, and kept it to himself.\n\n\"Listen,\" Jimmy said, \"send me the contact info for the new printer. And for that storage place up in wherever it is. I'm going to have my guy out here look into this.\"\n\nKendall sat forward in his chair. \"What guy?\"\n\n\"My accountant. You think I'd let Piasecki operate without oversight? No way! Everything he does gets double-checked out here. If he's pulling anything, we'll find out. Don't worry. And then that Polack's up shit creek.\"\n\nKendall's mind was racing. He was trying to come up with an answer that would prevent this audit, or delay it, but before he said anything, Jimmy continued, \"Listen, kiddo, I'm going to London next week. The Montecito house'll be empty. Why don't you bring your family out here for a long weekend? Get out of that cold weather.\"\n\n\"I'll have to check with my wife,\" Kendall said tonelessly. \"And the kids' school schedule.\"\n\n\"Take the kids out of school. It won't kill them.\"\n\n\"I'll talk to my wife.\"\n\n\"Anyway, you did good, kiddo. You boiled Tocqueville down to his essence. I remember when I first read this book. Must have been twenty-one, twenty-two. Blew me away.\"\n\nIn his vibrant, scratchy voice, Jimmy began to recite a passage of _Democracy in America._ It was the passage Kendall had printed on the bookmarks and for which the small press was named: \"In that land the great experiment of the attempt to construct society upon a new basis was to be made by civilized man,\" Jimmy said, \"and it was there, for the first time, that theories hitherto unknown, or deemed impracticable, were to exhibit a spectacle for which the world had not been prepared by the history of the past.\"\n\nKendall stared out the window at the lake. It went on endlessly. But instead of finding relief and freedom from the view, he felt as if the lake, all those tons of cold, nearly freezing water, were closing in.\n\n\"That fucking kills me,\" Jimmy said. \"Every time.\"\n\n2008\n\n# FRESH COMPLAINT\n\nBy the time Matthew learns that the charges have been dropped\u2014there will be no extradition or trial\u2014he's been back in England for four months. Ruth and Jim have bought a house in Dorset, near the sea. It's a lot smaller than the house Matthew and his sister grew up in, when Ruth was married to their father. But it's full of things that Matthew remembers from his London childhood. As he climbs to the guest room at night or goes out the side door on his way to the pub, familiar objects leap out at him: the carved figurine of the Alpine hiker, in lederhosen, purchased on a family trip to Switzerland, in 1977; or those glass bookends that used to be in Dad's office, solid blocks of transparency, each containing a golden apple that, to his child's eyes, had appeared magically suspended. Now they're in the kitchen, holding up Ruth's cookbooks.\n\nThe side door opens onto a cobblestone lane that winds around the back of the neighboring houses, past a church and a cemetery, into the center of town. The pub is opposite a chemist's and an H&M outlet. Matthew's a regular there now. Other patrons sometimes ask why he's come back to England, but the reasons he gives\u2014problems with his work visa and tax complications\u2014seem to satisfy their curiosity. He worries that something about the case will pop up on the Internet, but so far nothing has. The town lies inland of the English Channel, 120 miles from London. PJ Harvey recorded _Let England Shake_ in a church not far away. Matthew listens to the album on headphones while he walks on the moorlands, or runs errands in the car, if he can get Ruth's Bluetooth working. The lyrics of the songs, which are about ancient battles and the English dead, dark places of sacred memory, are his welcome back home.\n\nOccasionally, as Matthew drives through the village, a flash goes off in his peripheral vision. A girl's bright blond hair. Or a group of students standing outside the nursing college, smoking cigarettes. He feels criminal just looking.\n\nOne afternoon he drives to the seaside. After parking the car, he sets out walking. The clouds, as they always do here, hang low in the sky. It's as if, having traveled across the ocean, they're surprised to find land beneath them, and haven't withdrawn to a respectable distance.\n\nHe follows the trail until it reaches the bluff. And it's then, as he looks west over the ocean, that the realization hits him.\n\nHe's free to go back now. He can see his children. It's safe to return to America.\n\n\u2014\n\nEleven months ago, early in the year, Matthew had been invited to give a lecture at a small college in Delaware. He took the Monday-morning train down from New York, where he lived with his wife, Tracy, who was American, and their two children, Jacob and Hazel. By three that afternoon he was in a coffee shop across from his hotel, waiting to be picked up by someone from the physics department and taken to the auditorium.\n\nHe'd chosen a table near the front window so that he could be easily seen. While he drank his espresso, he went over his lecture notes on his computer, but soon got distracted by answering e-mail, and after that, by reading _The Guardian_ online. He'd finished his coffee and was thinking of ordering a second when he heard a voice.\n\n\"Professor?\"\n\nA dark-haired girl in a baggy sweatshirt, carrying a backpack, was standing a few feet away. As soon as Matthew looked up at her, she raised her hands in surrender. \"I'm not stalking you,\" she said. \"I promise.\"\n\n\"I didn't think you were.\"\n\n\"Are you Matthew Wilks? I'm coming to your lecture today!\"\n\nShe announced this as though Matthew had been hanging on the answer to this question. But then, seeming to realize that she needed to explain herself, she lowered her hands and said, \"I go here. I'm a student.\" She pushed out her chest to show off the college seal on her sweatshirt.\n\nMatthew didn't get recognized in public much. When it _did_ happen, it was by colleagues of his\u2014other cosmologists\u2014and graduate students. Occasionally a reader, middle-aged or older. Never anybody like this.\n\nThe girl appeared to be Indian-American. She spoke and dressed like a typical American girl her age, and yet the clothes she had on, not only the sweatshirt but the black leggings, Timberland boots, and purple hiking socks, along with a general sense that clung to her of undergraduate uncleanliness, of the communal, dormitory existence she lived, didn't keep the extravagance of her face from making Matthew think of her genetic origins far away. The girl reminded him of a figure in a Hindu miniature. Her dark lips, her arching nose with its flared nostrils, and most of all her startling eyes, which were a color that might only exist in a painting where the artist could mix green and blue and yellow indiscriminately, made the girl look less like a college student from Delaware than a dancing gopi, or a child saint venerated by the masses.\n\n\"If you're coming to my lecture,\" Matthew managed to say while processing these impressions, \"you must be a physics major.\"\n\nThe girl shook her head. \"I'm only a freshperson. We don't have to declare until next year.\" She slipped off her backpack and set it down, as if settling in. \"My parents want me to do something in science. And I'm interested in physics. I took AP Physics in high school. But I'm also thinking about going to law school, which would be more like humanities. Do you have any advice for me?\"\n\nIt felt awkward to be sitting while the girl was standing. But asking her to sit would invite a longer conversation than Matthew had time or desire for. \"My advice is to study whatever interests you. You've got time to make up your mind.\"\n\n\"That's what you did, right? At Oxford? You started studying philosophy but then switched to physics.\"\n\n\"That's right.\"\n\n\"I'd really like to hear how you combine all your interests,\" the girl said. \"Because that's what I want to do. I mean, you're such a beautiful writer! The way you explain the Big Bang, or spontaneous inflation, it's almost like I can see it happening. Did you take a lot of literature courses in college?\"\n\n\"I took some, yes.\"\n\n\"I'm literally addicted to your blog. When I heard you were coming to campus, I couldn't believe it!\" The girl paused, staring and smiling. \"Do you think we could get coffee or something while you're here, Professor?\"\n\nBold as it was, this request didn't surprise Matthew all that much. Every class he taught had at least one pushy kid in it. Kids who'd been building their r\u00e9sum\u00e9s since kindergarten. They wanted to meet for coffee or come to his office hours, they wanted to network, hoping to line up recommendations or internships down the line, or just to relieve for a few minutes the anxiety of being the stressed-out, hypercompetitive people the world had fashioned them to be. This girl's intensity, her buzzing enthusiasm that came close to nervousness, was a thing he recognized.\n\nMatthew was away from home on business, with free time on his hands. He didn't want to spend it serving as an undergraduate advisor. \"They're keeping me pretty busy while I'm here,\" he said. \"Full schedule.\"\n\n\"How long are you here for?\"\n\n\"Just tonight.\"\n\n\"OK. Well, at least I'm coming to your talk.\"\n\n\"Right.\"\n\n\"I was going to come to your Q and A tomorrow morning but I have class,\" the girl said.\n\n\"You won't miss anything. I usually just repeat myself.\"\n\n\"I bet that is _so_ not true,\" said the girl. She picked up her backpack. She seemed on the point of leaving but then said, \"Do you need anyone to show you where the auditorium is? I still get lost around here but I think I can find it. I'm going there, obviously.\"\n\n\"They're sending someone to fetch me.\"\n\n\"OK. Now you think I _am_ stalking you. It was nice meeting you, Professor.\"\n\n\"Nice to meet you.\"\n\nBut still the girl didn't leave. She continued to look at Matthew with her weird intensity that was also a vacancy. From out of this vacancy, as if delivering a message from another realm, the girl suddenly said, \"You're better-looking in person than your photos.\"\n\n\"I'm not sure that's a compliment.\"\n\n\"It's a statement.\"\n\n\"I'm not sure it's good news, though. Given the Internet, more people probably see photographs of me than my actual living self.\"\n\n\"I didn't say you looked _bad_ in your photos, Professor,\" the girl said. And with a touch of hurt feelings, or an indication that their interchange had been, after all, a slight disappointment, the girl shouldered her backpack and walked away.\n\nMatthew turned back to his laptop. Stared at the screen. Only when the girl had left the coffee shop and was passing by the front window did he glance up, conscientiously, to see what she looked like from behind.\n\n\u2014\n\nIt wasn't fair.\n\nEven though a third of the kids at her school were Indian, Diwali wasn't an official holiday. They got off for Christmas and Easter, of course, and for Rosh Hashanah and Yom Kippur, but when it came to the Hindu or Muslim holidays there were only \"accommodations.\" That meant teachers excused you from class but still assigned homework. And it meant that you were responsible for whatever material they went over that day.\n\nPrakrti was going to miss four days. Almost a whole week and at the worst time possible: right before exams in math and history, and during her crucial junior year. The thought of it filled her with panic.\n\nShe'd pleaded with her parents to cancel the trip. She didn't understand why they couldn't celebrate the holiday at home like everyone else they knew. Prakrti's mother explained that she missed her family, her sister, Deepa, and her brothers, Pratul and Amitava. Her parents\u2014Prakrti and Durva's grandparents\u2014were getting older, too. Didn't Prakrti want to see Dadi and Dadu before they vanished from the earth?\n\nPrakrti made no reply to this. She didn't know her grandparents well\u2014saw them only on intermittent visits to what was, for her, a foreign country. It wasn't Prakrti's fault that her grandparents seemed strange and attenuated, and yet she knew that to publicize this fact would put her in a bad light.\n\n\"Just leave me here,\" she said. \"I can take care of myself.\"\n\nThis didn't work either.\n\nThey flew out from Philadelphia International on a Monday night in early November. Sitting in the rear of the plane next to her little sister, Prakrti switched on the overhead light. Her plan was to read _The Scarlet Letter_ on the way over and write the related essay on the flight back. But she couldn't concentrate. Hawthorne's symbolism felt as stuffy as the cabin's recirculated air; and though she sympathized with Hester Prynne, punished for doing what anyone would nowadays, as soon as the flight attendants served dinner Prakrti used the excuse to put down her tray table and watch a movie while she ate.\n\nBy the time they arrived in Kolkata, she was too jet-lagged to do homework. Too busy as well. Insisting that they shouldn't nap, Aunt Deepa took Prakrti, Durva, their cousin Smita and their mother shopping first thing. They went to a fancy new department store to buy utensils, silver forks, knives, and serving spoons; and, for the girls, gold and silver bangles. After that, they walked through a covered market, a kind of bazaar lined with stalls, to get the rice and vermillion powder. Back at the apartment, they began decorating for the holiday. Prakrti, Durva, and Smita were given the task of making Lakshmi's footprints. Barefoot, the three girls stepped into trays of moistened powder laid outside the front door. Carefully, they stepped out again, and made a path inside. They created two sets of footprints, one in red and one in white; and because Lakshmi was supposed to be bringing prosperity, they didn't miss a room, making footprints lead in and out of the kitchen, the living room, even the bathroom.\n\nRajiv, their other cousin, who was a year older than Prakrti, had two Xboxes in his bedroom. She spent the rest of the afternoon playing _Titanfall_ with him, in multi-player mode. The apartment's Internet connection was super fast, and didn't glitch. On previous trips to India, Prakrti had pitied her cousins' obsolete computer equipment, but now, like Kolkata itself, they had leapt ahead of her. The city looked almost futuristic in places, especially compared with poor old Dover with its redbrick storefronts, its leaning telephone poles, its roads full of potholes.\n\nPrakrti and Durva had packed their saris in plastic dry cleaner's bags to keep them from wrinkling. That night, for Dhanteras, they put them on. They slipped the new bangles on their arms and stood before the mirror, watching the metal catch the light.\n\nAs soon as it got dark, the family lit the diyas and placed them around the apartment\u2014on the windowsills, coffee tables, in the center of the dining table, and on top of her uncle's stereo speakers. Music streamed from these black monoliths, as the family gathered around the dining table, and feasted, and sang bajahns.\n\nAll night long, relatives kept arriving. Some Prakrti recognized but most she didn't, though they knew all about her: that she was a top student, a member of the debating team, and even that she planned to apply for Early Decision to the University of Chicago next year. They agreed with her mother that Chicago was too far from Delaware, and also too cold. Did she really want to be so far away? Wouldn't she freeze?\n\nA group of old women, white-haired and loud, wanted a piece of her, too. They clustered around her with their sagging breasts and bellies, and shouted questions in Bengali. Whenever Prakrti didn't understand something\u2014which was most of the time\u2014they shouted louder, only to give up, finally, and shake their heads, amused and appalled by her American ignorance.\n\nAround midnight, jet lag caught up with her. Prakrti fell asleep on the couch. When she woke up, three old ladies were hovering over her, making comments.\n\n\"That is so creepy,\" Durva said, when Prakrti told her.\n\n\"I know, right?\"\n\nThe next few days were just as crazy. They went to the temple, visited their uncles' families, exchanged gifts, and stuffed themselves with food. Some relatives observed every custom and ritual, others only a few, and still others treated the week like one long party and vacation. On the night of Diwali they went down to the water for the festivities. The river that ran through Kolkata, the Hooghly, which looked brown and sludgy during the daytime, was now, under a starlit sky, transformed into a black and sparkling mirror. Thousands of people lined the bank. Despite the throngs, there was little jostling as people approached the water's edge to release their rafts of flowers. The crowd moved like a single organism, any lurch of activity in one direction compensated for by a retraction in another. The unity was impressive. On top of that, Prakrti's father explained to her that everything that was going into the water\u2014the palm fronds, the flowers, even the candles themselves, which were made of beeswax\u2014would decompose by tomorrow morning, the entire blazing ritual winking out and leaving no trace.\n\nThe glittery nonsense surrounding the holiday\u2014Lakshmi, goddess of prosperity, gold and silver baubles, shining knives, forks, and serving spoons\u2014all came down to this, to light and its brevity. You lived, you burned, you spread your little light\u2014then poof. Your soul went into another body. That's what her mother believed. Her father doubted it, and Prakrti knew it wasn't true. She didn't plan on dying for a long time. Before she did, she wanted to do something with her life. She put her arm around her little sister and together they watched their candles drift out until they became indistinguishable in the sea of flames.\n\nIf they'd left on the weekend, as scheduled, the trip would have been tolerable. But after Bhai Dooj, the last day of the festival, Prakrti's mother announced that she'd changed their tickets to stay a day longer.\n\nPrakrti was so furious she could hardly sleep that night. The next morning, she came to breakfast in sweats and a T-shirt, her hair uncombed, her mood sullen.\n\n\"You can't wear that today, Prakrti,\" her mother said. \"We're going out. Put on your sari.\"\n\n\"No.\"\n\n\"What?\"\n\n\"It's all sweaty. I've worn it three times already. My choli smells.\"\n\n\"Go put it on.\"\n\n\"Why me? What about Durva?\"\n\n\"Your sister's younger. A salwar kameez is fine for her.\"\n\nWhen Prakrti came out in her sari, her mother was unsatisfied. She took her back to the bedroom to rewrap it herself. Next she inspected Prakrti's fingernails and tweezed her eyebrows. Finally\u2014a new thing entirely\u2014she applied kohl around Prakrti's eyes.\n\n\"Can you not?\" Prakrti said, pulling away.\n\nHer mother seized Prakrti's face with both hands. \"Be still!\"\n\nA car was waiting outside. They drove for over an hour to the outside of the city, where they stopped before a compound with walls topped with razor wire.\n\nA gatekeeper led them across a dirt courtyard into the house. They passed through a tiled entryway, up a flight of stairs, into a large room with tall windows on three sides and wicker-bladed fans on the ceiling. Despite the heat, the fans weren't running. The room was severely underfurnished, except in one corner, where a white-haired man in a Nehru jacket sat cross-legged on a mat. The kind of man you expected to encounter in India. A guru. Or a politician.\n\nAcross from him, a middle-aged couple occupied a small sofa. As Prakrti and her family came in, they waggled their heads in greeting.\n\nHer parents sat opposite the couple. Durva was given a chair just behind. Prakrti was steered to a bench or platform\u2014she didn't know what to call it\u2014slightly apart from everyone else. The bench was made of sandalwood inlaid with ivory. It had a vaguely ceremonial air. As she sat down, she caught a whiff of herself\u2014she was beginning to perspire in the heat. She wanted not to care. Had an urge even to inflict her body odor on all these people and embarrass her mother\u2014but of course she couldn't. She was too mortified herself. Instead, she sat as still as possible.\n\nDuring the conversation that followed, Prakrti heard her name spoken. But she was never directly addressed.\n\nTea was served. Indian sweets. After a week, Prakrti was sick of them. But she ate them to be polite.\n\nShe missed her phone. She wanted to text her friend Kylie and describe the torture she was presently undergoing. As the minutes passed on the hard bench, and servants came and went, other people passed along the corridor, peering in. The house appeared to contain dozens of people. Curious. Nosy.\n\nBy the time it was over, Prakrti had made a vow of silence. She got back into the car intending not to say another word to her parents until they got home. So it was left to Durva to ask, \"Who were those people?\"\n\n\"I told you,\" Prakrti's mother said. \"The Kumars.\"\n\n\"Are we related to them?\"\n\nHer mother laughed. \"Maybe one day.\" She looked out the window, her face lit with a violent satisfaction. \"They are the parents of the boy who wants to marry your sister.\"\n\n\u2014\n\nMatthew talked for forty-five minutes, as requested. His topic, that day, was gravitational waves, in particular their recent detection by twin interferometers located at disparate locations in the continental United States. Wearing a lavalier, and pacing the stage in a navy jacket and jeans, Matthew explained that Einstein had theorized the existence of these waves almost a hundred years ago, but that proof had only been found this year. To aid his presentation, Matthew had come equipped with a digital simulation of the two black holes whose merging, in a galaxy 1.3 billion light-years away, had created the ripples that had passed invisibly and silently through the universe to register against the highly sensitive devices\u2014in Livingston, Louisiana, and Hanford, Washington\u2014that had been engineered for this purpose alone. \"As acute as the ear of God,\" Matthew described them. \"In fact, a lot better than that.\"\n\nThe auditorium was less than half full. Equally disheartening, most of the audience consisted of people in their seventies or eighties, retirees from the town who came to these lectures at the college because they were open to the public and given at a reasonable hour, and because they gave them something to talk about afterward at dinner.\n\nAt the book signing, those who remained bore avidly down on Matthew as he sat behind a table, armed with a Sharpie and a glass of wine. Many carried beige totes, the women wearing bright scarves and loose, forgiving sweaters, the men in shapeless chinos, all of them exuding anticipation and forbearance. It wasn't clear from what people said if they had read Matthew's book, or understood the science, but they definitely wanted their copies personalized. Most everyone was content to smile and say, \"Thank you for coming to Dover!\" as if he were doing it for free. Some men trotted out whatever they remembered from high school or college physics courses and tried to apply it to Matthew's talk.\n\nA woman with white bangs and red cheeks stopped in front of Matthew. She'd recently been to England to research her genealogy, she said, and she gave him an extended account of the pertinent gravestones she'd located in various Anglican churchyards in Kent. This woman had just moved on when the girl from the coffee shop appeared.\n\n\"I don't have anything for you to sign,\" she said guiltlessly.\n\n\"That's all right. It's not required.\"\n\n\"I'm too poor to buy a book! College is so expensive!\"\n\nA little over an hour ago, the girl had struck Matthew as something of a bother. But now, drained by the procession of old, haggard faces, he gazed up at her with relief and gratitude. She'd taken off her baggy sweatshirt and now had on a little white top that left her shoulders bare.\n\n\"At least get yourself some wine,\" Matthew told her. \"That's free.\"\n\n\"I'm not twenty-one yet. I'm nineteen. I'll be twenty in May.\"\n\n\"I don't think anyone will mind.\"\n\n\"Are you trying to ply me with liquor, Professor?\" the girl said.\n\nMatthew felt himself blushing. He tried to think of something to counter this impression, but because what the girl had said wasn't so far from the truth, nothing occurred to him.\n\nFortunately, the girl, in her hectic, excited way, had already moved on. \"I know!\" she said, her eyes growing wide. \"Could you sign a piece of paper for me? That way, I can paste it into your book.\"\n\n\"If you ever buy it.\"\n\n\"Right. First I have to graduate and pay off my college loans.\"\n\nShe had already swung her backpack onto the table. The motion released her smell, a light, clean scent, something like talcum.\n\nBehind her, a dozen people were still in line. They didn't seem impatient but a few were staring to see what was holding things up.\n\nThe girl produced a small ringed notebook. Opening it, she searched for a blank page. As she did this, her black hair fell forward, curtaining them off from the people in line. And then a strange thing happened. The girl seemed to shiver. Some delicate or tormenting sensation traveled the length of her body. She lifted her eyes toward Matthew's, and as if giving in to an irresistible urge, she said in a strangled, elated voice, \"Oh, God! Why don't you just sign my body?\"\n\nThe avowal was so sudden, so absurd, so welcome, that for a moment Matthew was struck dumb. He glanced at the nearest people in line to see if anyone had overheard.\n\n\"I think I'd better stick with the notebook,\" he said.\n\nShe handed it over. Laying it flat on the table, Matthew asked, \"How would you like this?\"\n\n\"To Prakrti. Want me to spell it?\"\n\nBut he was already writing: \"To Prakrti. A Fresh Person.\"\n\nThis made the girl laugh. Then, as if making the most innocent request in the world, she said, \"Can you put down your cell?\"\n\nMatthew didn't even dare to look up again. His face was burning. He was desperate for the moment to be over and thrilled by the encounter. He scrawled down his phone number. \"Thank you for coming,\" he said, pushing the notebook away, and then turned to the next person in line.\n\n\u2014\n\nThe boy's name was Dev. Dev Kumar. He was twenty years old, worked in a store selling TVs and video equipment, and was taking night school classes toward a degree in computer science. All this Prakrti's mother told her on the plane back to the U.S.\n\nThe idea that she would marry this unknown person\u2014or anyone for that matter, for a long, long time\u2014was too preposterous for Prakrti to take seriously.\n\n\"Mom, hello? I'm only sixteen.\"\n\n\"I was seventeen when I got engaged to your father.\"\n\nYeah, and look how that turned out, Prakrti thought. But she said nothing. Discussing the idea would only dignify it, when what she wanted was to make it go away. Her mother was prone to wild imaginings. She was always dreaming of moving back to India after Prakrti's dad retired. She fantasized about Prakrti's getting a job there someday, in Bangalore or Mumbai, of her marrying an Indian boy and buying a house big enough to accommodate her parents. Dev Kumar was just the latest form this fantasy had taken.\n\nPrakrti put on her headphones to block her mother out. She spent the rest of the flight writing her essay on _The Scarlet Letter._\n\nAfter they got back home, just as she hoped, the nightmare scenario went away. Her mother brought up Dev a few times, in a scripted, promotional way, but then let the subject drop. Her father, back at work, seemed to have forgotten the Kumars entirely. As for Prakrti, she re-immersed herself in schoolwork. She studied late every night, traveled with the debate team, and, on Saturday mornings, attended SAT prep sessions at her school.\n\nOne weekend, in December, she was in her bedroom, Facetiming with Kylie while they did their homework. Prakrti had her phone in bed next to her, Kylie's voice coming from the speaker.\n\n\"So, anyway,\" Kylie said, \"he comes to my house and leaves all these flowers on the front porch.\"\n\n\"Ziad?\"\n\n\"Yeah. He leaves them right there. Like grocery-store flowers. But a lot of them. And then my mom and dad and my little brother come home and find them. It was so embarrassing. _Hold_ on. He just texted me.\"\n\nWhile she waited for Kylie to read the text, Prakrti said, \"You should break up with him. He's immature, he can't spell, and\u2014I'm sorry but\u2014he's large.\"\n\nWhen her phone pinged a moment later, Prakrti thought Kylie had forwarded the new text from Ziad, so they could discuss it and decide what to write back. She opened the text without looking at the sender, and the screen of her phone filled with the face of Dev Kumar.\n\nShe knew it was him by his pained, overeager expression. Dev stood\u2014or had been posed, most likely\u2014in flattering light before the convoluted limbs of a banyan tree. He was skinny in a developing-world way, as though deprived of protein as a child. Her cousin Rajiv and his friends dressed the way boys at Prakrti's school did, maybe a bit better. They wore the same brands and had the same haircuts. By comparison, Dev was wearing a white shirt with absurdly large seventies-style lapels and ill-fitting gray pants. His smile was crooked and his black hair shiny with oil.\n\nNormally Prakrti would have shared the photo with Kylie. Selfies of guys who were trying too hard, guys who sent chest pics or used filters, were normally guaranteed to send them into fits of laughter. But that night Prakrti clicked her phone shut and put it down. She didn't want to explain who Dev was. She was too embarrassed.\n\nNeither, in the passing days, did she tell her Indian friends. A lot of them had parents whose own marriages had been arranged, and so were used to hearing the practice defended at home. Some parents advanced the superiority of arranged marriages by citing the low divorce rate in India. Mr. Mehta, Devi Mehta's dad, liked to bring up a \"scientific\" study in _Psychology Today,_ which concluded that people in love marriages were more in love during the first _five_ years of marriage whereas people in arranged marriages were more in love after _thirty_ years of marriage. Love flowered from shared experiences was the message. It was a reward rather than a gift.\n\nParents _had_ to say this, of course. To do otherwise would be to invalidate their own unions. But it was all an act. They knew things were different in America.\n\nExcept that sometimes they weren't. There was a group of girls at Prakrti's school who came from super-conservative families, girls who'd been born in India themselves, and partly raised there, and who, as a consequence, were totally submissive. Though these girls spoke perfect English in class, and wrote essays in a strange, beautiful, almost Victorian style, among themselves they preferred to speak Hindi, or Gujarati, or whatever. They never ate cafeteria food or used the vending machines but brought their own vegetarian lunches, packed in tiffins. These girls weren't allowed to attend school dances or to join after-school clubs that had boys as members. They came to school every day and quietly, dutifully did their work, and, after the last bell sounded, they trooped out to Kia sedans and Honda minivans to be returned to their quarantined existence. There was a rumor that these girls, protective of their hymens, wouldn't use Tampax. That inspired the nickname Prakrti and her friends had for them. The Hymens, they called them. Look, here come the Hymens.\n\n\"I don't know why I like him,\" Kylie said. \"We used to have this Newfoundland, Bartleby. Ziad sort of reminds me of him.\"\n\n\"What?\"\n\n\"Are you even listening to me?\"\n\n\"Sorry,\" Prakrti said. \"Yeah, no. Those dogs are gross. They drool.\"\n\nShe deleted the photo.\n\n\u2014\n\n\"So now you're giving out my number to random guys?\" Prakrti said to her mother, the next day.\n\n\"Did you get the picture from Dev? His mother promised to make him send one.\"\n\n\"You say never to give my number to strangers and now _you're_ giving it out?\"\n\n\"Dev is hardly 'random.' \"\n\n\"He is to me.\"\n\n\"Let me take a picture of you to send back. I promised Mrs. Kumar.\"\n\n\"No.\"\n\n\"Come on. Don't look so gloomy. Dev will think you have a terrible disposition. _Smile,_ Prakrti. Do I have to force you to smile?\"\n\n\u2014\n\n_Why don't you just sign my body?_\n\nAt dinner, in a restaurant near campus, while making conversation with members of the lecture committee, Matthew kept hearing the girl's words in his head.\n\nDid she mean what she said? Or was it just the kind of dumb, provocative statement American college girls made nowadays? Equivalent to the way they danced, bumping and grinding, _twerking,_ sending out messages that were unintentional. If Matthew were younger, if he were remotely the same age, maybe he'd know the answer.\n\nThe restaurant was nicer than he'd expected. A woody, farm-to-table place, with a warm interior. They'd been given a room off the bar, Matthew seated, importantly, at the center of the table.\n\nThe woman next to him, a philosophy professor in her thirties with frizzy hair, a broad face, and a pugnacious manner, said to Matthew, \"Here's my cosmology question. If we accept an infinite multiverse, and the existence of every conceivable kind of universe, then there has to be a universe in which God exists and one in which He\u2014I mean, She\u2014doesn't. Along with every other kind of universe. So, which one are we living in?\"\n\n\"Fortunately, one that has alcohol,\" Matthew said, raising his glass.\n\n\"Is there a universe where I have hair?\" said a bald, bearded economist two seats away.\n\nThe conversation went on like that, quick, jovial. People peppered Matthew with questions. Whenever he opened his mouth to answer, the table fell silent. The questions had nothing to do with his talk, which had already faded from their minds, but were about other topics: space aliens, or the Higgs boson. The only other physicist there, possibly resentful of Matthew's relative success, didn't say a word. On the walk over to the restaurant, he had told Matthew, \"Your blog is popular with my undergrads. The kids love it.\"\n\nAfter the main course, while the dishes were being cleared away, the chair of the committee instructed the people sitting closest to Matthew to switch seats with those farther away. Everyone ordered pudding, but when the waiter came to him, Matthew asked for a whiskey. The drink had just arrived when his phone vibrated in his pocket.\n\nThe new person who sat down next to Matthew was a birdlike woman with pale skin, dressed in a pantsuit. \"I'm not a professor,\" she said. \"I'm Pete's wife.\" She pointed to her husband across the table.\n\nMatthew took his phone from his pocket and held it discreetly below the table.\n\nHe didn't recognize the number. The message was simple: \"hi.\"\n\nReturning the phone to his pocket, he took a sip of whiskey. He leaned back and gazed around the restaurant. He'd reached the stage of the evening\u2014of evenings like this on the road\u2014when a rosiness came over things, a slow, flavorful, oozing light invading the restaurant almost like a liquid. The rosiness came from the glow of the bar with its rows of colorful bottles stacked on mirrored shelves, but also from the wall sconces and candlelight reflecting on the plate-glass windows etched in gold. The rosiness was part of the hum of the restaurant, the sounds of people talking and laughing, convivial, city sounds, but it was also part of Matthew himself, a rising sense of contentment at being who and where he was, free to get up to whatever mischief presented itself. On top of it all, this rosiness had to do with his knowledge of the single word\u2014 _hi_ \u2014that lay hidden in the cell phone tucked in his pocket snug against his thigh.\n\nThis rosiness wouldn't survive on its own. It needed Matthew's participation. Before excusing himself, he ordered another whiskey. Then he stood up, gaining his balance, and walked through the bar to the stairs that led down to the lavatory.\n\nThe men's room was empty. Music, which may have been playing upstairs in the loud restaurant, was pumping from high-fidelity speakers in the ceiling. It sounded surprisingly good in the tiled space, and Matthew moved to the beat as he entered a toilet stall and closed the door behind him. He took out his phone and began typing with one finger.\n\nThe response was almost immediate.\n\nMatthew hesitated. Then he wrote:\n\nIt was like skiing. Like the moment when, at the summit, you first lean downhill and gravity takes hold, sending you flying. For the next few minutes, as they texted back and forth, Matthew was only half aware of the person he was communicating with. The two images he had of the girl\u2014one in the baggy sweatshirt, the other in the tight white top\u2014were hard to reconcile. He couldn't remember exactly what she looked like anymore. The girl was specific enough yet vague enough to be any woman, or all women. Each text Matthew sent generated a thrilling reply, and as his tone escalated in flirtatiousness, the girl matched him. The excitement of hurling impetuous thoughts into the void was intoxicating.\n\nNow ellipses appeared: the girl was typing something. Matthew stared at his screen, waiting. He could feel the girl at the other end of the invisible pathway connecting them, her head lowered, her black hair falling over her face as it had at the book table, while she worked the keys with her nimble thumbs.\n\nAnd then her response appeared:\n\nMatthew hadn't seen that coming. It sobered him up at once. For a moment he saw himself for what he was, a middle-aged, married man and father, hiding in a bathroom stall, texting a girl less than half his age.\n\nThere was only one honorable response.\n\nEllipses appeared again. Then vanished. Did not reappear.\n\nMatthew waited a few more minutes before exiting the stall. Seeing his reflection in the mirror, he grimaced and cried out, \"Pathetic!\"\n\nBut he didn't feel that way. Not really. On the whole, he felt rather proud of himself, as if he'd failed while attempting a spectacular play in a sporting contest.\n\nHe was climbing the stairs back to the restaurant when his phone went off again.\n\n\u2014\n\nOn the dresser in the master bedroom stood a wedding portrait. In garish color, it showed the boy and girl who would become Prakrti's parents standing solemnly beside each other, as though prodded into position by a goad. Atop her father's impossibly slender face sat a white turban. A diadem depended from her mother's smooth forehead, its gold chain matching the ring in her nose and shadowed by the veil of red lace that covered her hair. Both their necks were draped with heavy necklaces made of multiple strings of shining, dark red berries. Or maybe they were too hard to be berries. Maybe they were seeds.\n\nOn the day the photograph was taken, her parents had known each other for twenty-four hours.\n\nMost of the time, Prakrti didn't think about her parents' wedding. It had happened long ago, in another country, under different rules. But every now and then, compelled by outrage as much as curiosity, she forced herself to imagine the events immediately following the taking of that photo. A dark, provisionary hotel room somewhere, and, standing in the middle of it, her seventeen-year-old mother. A na\u00efve village girl who knew next to nothing about sex, or guys, or birth control, and yet who knew what was required of her in that particular moment. Understood that it was her duty to take off her clothes in front of a man no less a stranger than someone she passed on the street. To remove her wedding sari, her satin slippers, her hand-sewn underclothes, her gold bangles and necklaces, and to lie on her back and let him do what he wanted. To submit. To an accounting student who shared an apartment, in Newark, New Jersey, with six other bachelors, his breath still smelling of the American fast food he'd wolfed down before getting on the plane to fly to India.\n\nPrakrti couldn't reconcile the scandal of this arrangement\u2014it was almost prostitution\u2014with the prim, autocratic mother she knew. Most probably, it hadn't happened like that at all, she decided. No, more likely nothing had gone on in the first weeks or months of her parents' marriage but only much later, once they'd gotten to know each other and any hint of compulsion or violation had disappeared. Prakrti would never know the truth. She was too scared to ask.\n\nShe went online to find other people in her situation. As usual with the Internet, it took only a few searches to locate message boards teeming with complaints, advice, rationalizations, cries for help, and expressions of comfort. Some women, usually educated and living in cities, treated the subject of arranged marriage with theatrical alarm, as though they were living out a zany episode of _The Mindy Project._ They depicted their parents as well-meaning people whose meddlesomeness, however infuriating, never kept them from being loveable. \"So my mom keeps giving out my e-mail to people she meets. The other day I get this e-mail from some guy's dad and he starts asking all these personal questions, like how much do I weigh and do I smoke or take drugs and are there any health or gynecological issues he should know about, in order to see if I'm marriage material for his lame son who I wouldn't even hook up with if we were both at Burning Man on molly and I was feeling generous and\/or horny.\" Other women seemed resigned to parental pressure and scheming. \"I mean, seriously,\" one person wrote, \"is it any worse than joining OkCupid? Or having some guy in a bar blow his boozy breath in your face all night?\"\n\nBut there were heartbreaking posts, too, from girls closer to Prakrti's age. Girls who didn't write that well and who maybe went to bad schools or who hadn't lived in the States long. There was one post, from a girl whose username was \"Brokenbylife,\" that Prakrti couldn't get out of her head. \"Hi, I live in Arkansas. It's illegal here to get married at my age (I'm 15) unless you have parental consent. The problem is my dad wants me to marry this friend of his from India. I haven't even met him. I asked to see a photo but the one my dad showed me was of a guy way too young to be a friend of his (my dad's 56). So it's like I'm being catfished by my own father. Can anyone help me? Is there some kind of legal aid I can contact? What can you do if you're young and don't consent but are too scared to go against your parents because of past issues with verbal\/physical abuse?\"\n\nAfter spending a few hours on the Internet reading stuff like that, Prakrti was frantic. It made everything _real_ er. What she'd thought lunacy was everywhere being put into practice, fought against, or given in to.\n\n\u2014\n\nFrom Dorset Matthew takes the train to London, and then another to Heathrow. Two hours later, he's in the air, heading to JFK. He's chosen a window seat so he won't be disturbed during the flight. Looking out the window, he sees the wing of the jet, the large, cylindrical, dirty-looking jet engine. He imagines opening the emergency door and walking out on the wing, balancing himself against the force of the wind, and for a moment it almost seems plausible.\n\nIn the four months he's been in England, he has kept in touch with his children mainly by text. They don't like e-mail. Too slow, they say. Skype, their preference, disorients Matthew. The streaming images of Jacob and Hazel that appear on his laptop render them simultaneously within reach and irreclaimable. Jacob's face looks fatter. He gets distracted and frequently looks away, possibly at another screen. Hazel pays her father undivided attention. Leaning forward, she holds a fistful of hair close to the camera to show off her new highlights, which she's dyed red, or purple, or blue. Often the screen freezes, however, pixelating his children's faces and making them seem constructed, illusory.\n\nMatthew is unnerved, too, by his own image as it pops up in a window at the corner of the screen. There he is, their shadowy dad, in his hideout.\n\nAll his attempts at joviality sound false in his ears.\n\nThere's no winning: if his children seem traumatized by his absence, it's terrible; if they seem distant and self-reliant, it's just as bad. The familiar details of their bedrooms stab Matthew in the heart, the flocked wallpaper in Hazel's room, Jacob's hockey posters.\n\nThe children sense that their lives have become precarious. They have overheard Tracy speaking with Matthew on the phone, with her family and friends, with her lawyer. The children ask Matthew if he and their mother are getting divorced, and he tells them, honestly, that he doesn't know. He doesn't know if they will be a family again.\n\nMore than anything, what astounds him now is his stupidity. He'd thought his cheating only involved Tracy. Had believed that the trust he was breaking was with her alone; and that his deceit was mitigated, if not excused, by the travails of marriage, the resentments, the physical dissatisfactions. He'd careened out of control, with Jacob and Hazel in the backseat, and thought they couldn't be injured.\n\nOccasionally, during Skype calls, Tracy blunders into the room. Realizing whom Jacob or Hazel is speaking to, she calls out a greeting to Matthew in a strained, forgiving voice. But she stays back, careful not to show her face. Or to see his.\n\n\"That was awkward,\" Hazel said, after one such episode.\n\nIt's difficult to know what the children think of his misbehavior. Wisely, they never bring up the case.\n\n\"You made one mistake,\" Jim told Matthew, in Dorset, a few weeks ago. Ruth was out for the night with her play-reading group, and the two men were smoking cigars on the terrace. \"You made an error in judgment on a single night in a marriage of many hundreds of nights. Thousands.\"\n\n\"More like a few mistakes, truth be told.\"\n\nJim waved this away with the smoke from his cigar. \"OK, so you're not a saint. But you were a good husband, compared to most. And, in this case, you were enticed.\"\n\nMatthew wonders about that word. Enticed. Was it true? Or was that just how he'd portrayed the incident to Ruth, who'd taken his side, as a mother would, and then had given that impression to Jim. In any event, you couldn't be enticed by something you didn't already want. That was the real problem. His concupiscence. That chronic, inflammatory complaint.\n\n\u2014\n\nThere was a coffee shop near the university where Prakrti and Kylie liked to go. They sat in the back room, trying to blend in with the college students at the surrounding tables. If anyone ever spoke to them, especially a guy, they pretended to be first-year students. Kylie became a surfer girl named Meghan who was from California. Prakrti introduced herself as Jasmine and said she'd grown up in Queens. \"White people can be so dumb, no offense,\" she said, the first time she'd gotten away with this. \"They probably think all Indian girls are named after spices. Maybe I should be Ginger. Or Cilantro.\"\n\n\"Or Curry. 'Hi, my name's Curry. I'm hot.' \"\n\nThey laughed and laughed.\n\nIn late January, as midterms approached, they started going to the coffee shop two or three times a week. One blustery Wednesday night, Prakrti got there before Kylie. She commandeered their favorite table and took out her computer.\n\nSince the beginning of the year, colleges had been sending e-mails and letters encouraging Prakrti to apply. At first the solicitations had come from schools she wasn't considering due to their locations, religious affiliations, or lack of prestige. But, in November, Stanford had sent her an e-mail. A few weeks later, Harvard did.\n\nIt made Prakrti happy, or at least less anxious, to feel pursued.\n\nShe logged into her Gmail account. A group of girls in bright-colored rain boots came in from the wind outside, smoothing their hair and laughing. They took the table next to Prakrti's. One of them smiled and Prakrti smiled back.\n\nThere was one e-mail in her queue.\n\n> Dear Miss Banerjee,\n> \n> That is what my brother, Neel, suggests I write as a salutation, instead of \"Dear Prakrti.\" Though he is younger than I, his English is better. He is helping me to correct any mistakes, so that I will not make a bad first impression. Maybe I should not tell you this. (Neel says that I should not.)\n> \n> My own feeling is that, if we are to be married someday, I must endeavor to be as honest with you as possible to show you my True Self, so that you will get to know me.\n> \n> I suppose I should ask you all sorts of questions, such as, What do you like to do in your leisure time? What movies are your favorite? What kind of music do you like? These are questions relating to our personal compatibility. I do not think they matter greatly.\n> \n> More important are questions of a cultural or religious nature. For instance, do you want to have a big family someday? Perhaps this is too big a question to ask so early in our correspondence. As for myself, I come from a very big family so I am used to a lot of commotion around the house. Sometimes I think it would be nice to have a smaller family, as is becoming more common.\n> \n> I believe my parents have told your parents about my aspiration to become a programmer for a major firm like Google or Facebook. My dream has always been to live in California. I know that Delaware is not close to there, but that it is close to Washington.\n> \n> In my leisure time I enjoy watching cricket and reading manga. What do you like?\n> \n> In closing, may I say that I thought you extremely nice-looking when I saw you at my great-uncle's house. I am sorry I could not say hello but my mother told me it was not customary to do so. The old ways are often curious but we have to trust in the wisdom of our parents, who have the experience of a longer life.\n> \n> Thank you for the photograph you sent. I keep it close to my heart.\n\nIf the boy had sat down with the intention of revolting Prakrti with every word he wrote, if he were a Shakespeare of pure annoyingness, he couldn't have done better. Prakrti didn't know what she hated most. The mention of children, which assumed a physical intimacy she didn't want to imagine, was bad enough. But somehow it was the phrase \"extremely nice-looking\" that bothered her more.\n\nShe didn't know what to do. She considered writing back to tell Dev Kumar to stop bothering her, but she worried that this would get back to her mother.\n\nInstead, Prakrti googled \"age of majority U.S.\" From the results she learned that, when she turned eighteen, she would obtain the legal right to buy property, maintain her own bank account, and join the military. The phrase that encouraged her the most, however, was where it said that turning eighteen \"brought the acquisition of control over one's person, decisions, and actions, and the correlative termination of the legal authority of the parents over the child's person and affairs generally.\"\n\nEighteen. A year and a half from now. By then Prakrti would already be accepted to college. If her parents didn't want her to go, or wanted her to go somewhere nearby, it wouldn't matter. She would go on her own. She could apply for financial aid. Or win a scholarship. Or take out loans, if necessary. She could work part-time during college, ask her parents for nothing, and owe them nothing in return. How would her parents like that? What would they do _then_? They'd be sorry they ever tried to arrange her marriage. They'd repent, and grovel before her. And then _maybe_ \u2014when she was in graduate school, or living in Chicago\u2014she'd forgive them.\n\nWhen Kylie was Meghan and Prakrti was Jasmine, they were lazier, slightly dumber, but more daring. One time, Kylie had gone up to a cute boy and said, \"So I'm taking this psych class? And we're supposed to give someone this personality test. It'll only take a few minutes.\" She called Prakrti over, as Jasmine, and together they interviewed him, coming up with questions off the top of their heads. What was the last dream you had? If you were an animal, what animal would it be? The boy had dreadlocks and dimples, and after a while, the inanity of their questions seemed to register on him. \"This is for a course? For real?\" he said. The girls started giggling. But Kylie insisted, \"Yes! It's due tomorrow!\" At that point, the fiction they were creating doubled: they weren't just high school girls pretending to be in college; they were college girls pretending to be giving a psychological test in order to talk to an extremely cute guy. In other words, they were already inhabiting their future collegiate selves, the people they might someday be.\n\nNow all that felt far away. Prakrti looked at the girls in the leggings and rain boots. At other tables kids were typing, or reading, or meeting with professors.\n\nShe had thought she belonged among them, not as Jasmine from Queens, but as herself.\n\nShe felt dizzy. Her vision dimmed. It was as if the floor of the coffee shop were giving way and a chasm opening between her and the other students. She grabbed hold of the edge of the table to steady herself, but the dropping sensation continued.\n\nSoon she realized it wasn't a dropping so much as a retarding or encircling; a claiming. _She_ was the one chosen. Closing her eyes, Prakrti pictured them coming toward her, as they did through the halls of her school. With their dark, downcast eyes, murmuring in foreign tongues that were her own, looking like her, and reaching out with their many hands to haul her in. The Hymens.\n\nShe didn't know how many minutes went by after that. She kept her eyes closed until the dizziness passed, and then got to her feet and made her way toward the front door.\n\nJust inside the entrance was a bulletin board. It was covered with flyers and announcements, business cards, and tear sheets for tutoring or sublets. In the upper-right-hand corner, only partially visible, was a poster advertising a lecture. The topic meant nothing to her. What caught Prakrti's attention were the date of the event\u2014next week\u2014and the photograph of the speaker. A pink-faced man with sandy hair and a boyish, friendly face. A visiting professor from England. No one from around here.\n\n\u2014\n\nWhen the girl came to his hotel room, Matthew had already made his decision.\n\nHe was planning to offer her a drink. Sit, talk, enjoy her company, the nearness of someone so young and pretty, but nothing more. He was drunk enough to be content with just that. He felt no strong physical desire, only a rising sense of exhilarated apprehension, as though he were crashing an exclusive party.\n\nThen the girl swept in and her powdery smell hit him with full force.\n\nShe didn't meet his eyes or say a word, merely unshouldered her backpack onto the floor and stood with her head down. She didn't even take off her coat.\n\nMatthew asked if she wanted something to drink. She said no. Her nervousness, her possible reluctance to be there, had the effect of making him want to reassure or persuade her.\n\nStepping forward, he put his arms around the girl and buried his nose in her hair. She allowed this. After a while, Matthew lowered his head to kiss her. She responded minimally, without opening her mouth. He nuzzled her neck. When he returned to her mouth, she pulled away.\n\n\"Do you have a condom?\" she said.\n\n\"No,\" Matthew said, surprised by her directness, \"I don't. I'm afraid I'm not part of the condom generation.\"\n\n\"Can you go get one?\"\n\nAll flirtatiousness had left her. She was all business now, her brow furrowed. Once again Matthew considered going no further.\n\nInstead, he said, \"I could do that. Where would I get one at this hour?\"\n\n\"In the square. There's a kiosk. That's the only place open.\"\n\nLater on, in England, during the months of recriminations and regrets, Matthew admitted to himself that he'd had time to reconsider. He'd left his hotel wearing only a jacket. The temperature outside had dropped. As he walked to the square, the cold cleared his head, but not enough, in the end, to keep him from entering the kiosk when he found it.\n\nOnce inside, he had another chance to reconsider. The condoms weren't on display but had to be requested from the clerk behind the counter. This turned out to be a middle-aged South Asian man, so that the crazy thought assailed Matthew that he was buying condoms from the girl's own father.\n\nHe paid with cash, not meeting the man's eyes, and hurried out.\n\nThe room was dark when he returned. He thought the girl had left. He was disappointed and relieved. But then her voice came from the bed. \"Don't turn on the lights.\"\n\nIn darkness, Matthew undressed. Once in bed, finding the girl naked as well, he had no more reservations.\n\nHe fumblingly put on the condom. The girl spread her legs as he climbed on top of her, but he had hardly got anywhere before she stiffened, and sat up.\n\n\"Did it go in?\"\n\nMatthew thought she was worried about birth control. \"It's on,\" he reassured her. \"I've got a condom on.\"\n\nThe girl had placed a hand on his chest and become very still, as though listening to her body.\n\n\"I can't do this,\" she said, finally. \"I changed my mind.\"\n\nA minute later, without another word, she was gone.\n\n\u2014\n\nMatthew awoke the next morning a half hour before his Q and A. Jumping out of bed, he took a shower, rinsed his mouth with hotel mouthwash, and dressed. Within fifteen minutes he was on his way back to campus.\n\nHe wasn't hungover so much as still a little drunk. As he walked beneath the leafless trees, his head felt light. There was a curious insubstantiality to things\u2014the wet leaves on the pathways, the ragged clouds drifting across the sky\u2014as though he were viewing them through a mesh screen.\n\nNothing had happened. Not really. He had so much less to be guilty about than might have been the case that it was almost as if he had done nothing at all.\n\nHalfway through the morning session, his headache kicked in. By then Matthew was at the Physics Department. When he'd arrived, he was worried that the girl might be among the students gathered in the brightly lit classroom; but then he remembered that she couldn't come. He relaxed, and answered the students' questions on autopilot. He barely had to think.\n\nBy noon, with his honorarium check in his jacket pocket, Matthew was on his way back to New York.\n\nJust past Edison, he'd nearly fallen asleep in his seat when a text came through to his phone.\n\nMatthew wrote back, \"I'll send you a copy of my book to paste it in.\" Then, deciding this sounded too open-ended, he deleted it and replaced it with, \"Nice to meet you, too. Good luck with your studies.\" After pressing SEND, he deleted the entire conversation.\n\n\u2014\n\nShe had waited too long to go to the police. That was the problem. That was why they didn't believe her.\n\nThe town prosecutor, with whom Prakrti had met once before, was a barrel-chested man with a kind, open face and wispy blond hair. He was gruff in his manners, and frequently used profanity, but he treated Prakrti with delicacy when it came to the details of the case.\n\n\"There's no question who's at fault here,\" the prosecutor said. \"But I've got to bring charges against this reprobate, and his lawyer is going to try and impugn your testimony. So I have to go over with you the things he might say so that we're prepared. Do you understand? I'm not happy to be doing this, let me tell you.\"\n\nHe asked Prakrti to tell her story again, from the beginning. He asked if she'd been drinking on the night in question. He asked about the sexual acts in detail. What exactly had they done? What was permitted and what was not? Whose idea was it to buy the condoms? Had she been sexually active before? Did she have a boyfriend her parents didn't know about?\n\nPrakrti answered as best she could, but she felt unprepared. The whole reason she'd slept with an older man was to avoid questions like this. Questions having to do with her willingness, her blood alcohol level, and whether she had acted provocatively. She'd heard enough stories, she'd streamed enough episodes of _Law & Order_ on her phone, to know how these cases worked out for women. They didn't. The legal system favored the rapist, always.\n\nShe needed the sex itself to be a crime. Only then could she be its victim. Blameless. Blameless and yet\u2014by definition\u2014no longer a virgin. No longer a suitable Hindu bride.\n\nThis was how Prakrti had worked it out in her head.\n\nAn older man was preferable because, with an older man, it didn't matter if she'd sent flirtatious texts, or had come willingly to his hotel room. The age of consent in Delaware was seventeen. Prakrti had looked the statute up. Legally, she wasn't capable of consent. Therefore, there was no need to prove rape.\n\nAn older, married man wouldn't want to talk about what had happened, either. He'd want to keep it out of the papers. No one at school would ever know. No college admissions officer, googling her name, would find an electronic trail.\n\nFinally, an older, married man would deserve what he had coming to him. She wouldn't feel so bad involving a guy like that as she would some clueless boy at school.\n\nBut then she'd met the man, the physicist from England, and followed through with her plan, and felt regretful afterward. He was nicer than she expected. He seemed sad more than anything. Maybe he _was_ a creep\u2014he definitely was\u2014but she couldn't help liking him a little, and feeling sorry for tricking him.\n\nFor this reason, as the next months passed, Prakrti held off going to the police. She hoped she wouldn't have to put the last part of her plan into action, that something would alter the situation.\n\nThe school year ended. Prakrti got a summer job at an ice cream parlor in town. She had to wear a candy-striped apron and a white paper hat.\n\nOne day at the end of July, when Prakrti came home from work, her mother handed her a letter. An actual letter, written on paper, and sent in the mail. The stamps on the envelope showed the face of a smiling cricket star.\n\n> Dear Prakrti,\n> \n> I apologize for not writing you sooner. My studies at the university have been extremely onerous and it has been all I can do to keep up with them. I keep myself going with the thought that I am working hard to prepare a future for myself and my future family, which of course means you. I am beginning to see that it might not be so easy as I had hoped to get a position at Google or Facebook. I am now thinking of perhaps working for a flash-trading company based in New Brunswick, where my uncle also works. I do not have a driver's license and I am beginning to worry that this may be a problem. Do you possess a license? Do you perhaps own your own car? I know our parents have been discussing the possibility of a car being provided, as part of the dowry. This would be most acceptable to me.\n\nPrakrti read no further. When she got off work the next day, instead of going home, she walked to the police station behind the town hall. That was almost a month ago now. Since then, the police had been looking for the man, but there had been no arrest. Something was holding things up.\n\n\"The judge is going to want to know why you waited so long,\" the town prosecutor said to her.\n\n\"I don't understand,\" Prakrti replied. \"I read the statute online. I'm seventeen now, but I was sixteen when it happened. By definition it's rape.\"\n\n\"That's right. But he's claiming there was no sex. No\u2014penetration.\"\n\n\"Of course there was penetration,\" Prakrti said, frowning. \"Check out our text messages. Or the video. You can see what was going on.\"\n\nThe reason she'd sent the man out to the kiosk was because she knew there was a security camera there. She'd intended to save the condom, too, to tie it in a knot to preserve the semen. But, in the complications of the moment, she had forgotten.\n\n\"The texts prove there was flirting,\" the prosecutor said. \"They prove intention. So does the video of him buying the condoms. But we don't have any proof of what happened in the room.\"\n\nPrakrti looked down at her hands. A fleck of green ice cream had dried on the outside of her thumb. She scraped it off.\n\nWhen the man had got on top of her, she'd been flummoxed by a wave of tenderness and protectiveness toward her own body. The man's breath smelled sharp and sweetish from alcohol. He was heavier than she expected. When Prakrti had entered the hotel room and seen the man standing in his socks, he'd looked old and hollow-cheeked. Now she had her eyes closed. She was worried it was going to hurt. She didn't care about losing her virginity but she wanted to give away as little of herself as possible. Only what would serve the legal distinction but nothing else, no outward approval and certainly no affection.\n\nHe was between her legs now, pressing. She felt a pinch.\n\nAnd she pushed him away. Sat up.\n\nWas the pinching she had felt not penetration? She would know if that had happened, wouldn't she?\n\n\"Obviously, if someone's buying condoms, he's doing it for a reason,\" she told the town prosecutor. \"How can I prove that there was penetration?\"\n\n\"It's harder because of the passage of time. But not impossible. How long did you have sex?\"\n\n\"I don't know. A minute?\"\n\n\"You had sex for one minute.\"\n\n\"Maybe less.\"\n\n\"Did he climax? I'm sorry. I have to ask. The defense will ask and we have to be prepared.\"\n\n\"I don't know. I've never been\u2014this was my first time.\"\n\n\"And you're sure it was his penis? Not his finger?\"\n\nPrakrti thought back. \"His hands were on my head. He was holding my head. Both hands.\"\n\n\"What would really help me is if we had a fresh-complaint witness,\" the prosecutor said. \"Somebody you told right after it happened, who could corroborate your story. Is there anybody you told?\"\n\nPrakrti hadn't told anyone. She didn't want anyone to know.\n\n\"This asshole says there was no sex. So it would help your case, a lot, if you had told somebody closer to the time of the assault. Go home. Think about it. Try to remember if there was anybody you might have talked to. Even texted or e-mailed. I'll be in touch.\"\n\n\u2014\n\nMatthew's flight over the ocean keeps pace with the sun. His plane arrives in New York at roughly the same time of day, give or take an hour or two, as it departed London. Emerging from the terminal, he's assaulted by the sunlight. He feels that the November day should be winding down, softening his reentry, but instead the sun is at its zenith. The loading zone is crowded with buses and taxis.\n\nHe gives the driver the address of his hotel. There is no possibility of his returning home. Tracy has agreed to bring the children to see him later this afternoon. When Matthew invited her to stay for dinner, hoping to reunite them as a family and to see where this might lead, Tracy was noncommittal. But she didn't rule it out.\n\nJust being back, with the Manhattan skyline in view, fills Matthew with a sense of optimism. For months he's been powerless, safe from arrest but in limbo, like an Assange or a Polanski. Now he can act.\n\nThe news that Matthew was wanted for questioning arrived in August, while he was giving a series of lectures in Europe. The Dover police had got a copy of his passport from the hotel where he stayed, which he'd shown upon checking in. From that they tracked him to his mother's address. After finishing his lectures, he'd come to Dorset to visit Ruth and Jim, and the letter was waiting for him.\n\nIn the six months between his visit to the college and the arrival of the letter, Matthew had nearly forgotten about the girl. He'd regaled a few of his male friends with the story, describing the girl's bizarre come-on and her eventual change of heart. \"What did you expect, you idiot?\" one friend said. But he also asked, enviously, \"Nineteen? What is that even _like_?\"\n\nIn truth, Matthew can't remember. Thinking back to that night, the thing he remembers most clearly is the way the girl's stomach quivered when he heaved himself on top of her. It had felt as if a small animal, a gerbil or a hamster, were being crushed between them, and trying to wriggle free. A fearful or excited quivering, unique to her. All the rest has faded.\n\nAfter Matthew received the letter from the police, another friend, a lawyer, advised him to hire \"local counsel,\" meaning a lawyer from Dover, or Kent County, who would know the prosecutor and the judge there. \"Try to get a woman, too, if you can,\" the friend said. \"That could help if you end up going before a jury.\"\n\nMatthew had hired a woman named Simone Del Rio. During their first phone call, after he'd given his version of events, she said, \"This happened last January?\"\n\n\"Yes.\"\n\n\"Why do you think she waited so long?\"\n\n\"I have no idea. I told you. She's bonkers.\"\n\n\"The delay's good. That helps us. Let me talk to the prosecutor and see what I can find out.\"\n\nThe next day, she got back to him. \"This will come as a surprise, but the alleged victim here, at the time of the encounter, was only sixteen.\"\n\n\"She couldn't be. She was a freshman at college. She said she was nineteen.\"\n\n\"I'm sure she did. Apparently she was lying about that, too. She's in high school. Turned seventeen last May.\"\n\n\"It doesn't matter,\" Matthew said, when he'd absorbed this news. \"We didn't have sex.\"\n\n\"Look,\" Del Rio said. \"They haven't even served you with a complaint. I told the prosecutor they have no right to ask you to appear for questioning when they haven't done that. I also argued that no grand jury would indict for this conduct in this situation. Frankly, if you never come back to the U.S., you won't have a problem.\"\n\n\"I can't. My wife's American. My children live there. I do too. At least, I did.\"\n\nThe rest of what Del Rio told him wasn't so reassuring. The girl had deleted their texts from her phone, just as Matthew had. But the police had obtained a warrant to recover the texts from the phone company. \"These things don't go away,\" Del Rio said. \"They're still on the server.\"\n\nThe time-stamped videotape from the kiosk was another problem.\n\n\"Without being able to question you, their investigation is pretty much at a standstill. If it stays that way, I may be able to make this go away.\"\n\n\"How long will that take?\"\n\n\"No telling. But listen,\" Del Rio said. \"I can't tell you to stay in Europe. You understand? I can't advise you to do that.\"\n\nMatthew got the message. He stayed in England.\n\nFrom that distance, he watched his life implode. Tracy sobbing into the phone, berating him, cursing him, then refusing to take his calls, and finally filing for a separation. In August, Jacob stopped speaking to him for three weeks. Hazel was the only one who continued to communicate with him the entire time, though she resented being the go-between. Now and then she sent him emojis of an angry red face. Or asked, \"when r u coming home.\"\n\nThese texts had come to Matthew's UK mobile. While in England, he'd had his American phone turned off.\n\nNow, in the taxi from the airport, he pulls his American phone from his bag and presses the power button. He's eager to tell his kids that he's back, and that he'll see them soon.\n\n\u2014\n\nTwo weeks passed before the town prosecutor called Prakrti in again. After school she got into the car beside her mother to drive to the town hall.\n\nPrakrti didn't know what to tell the prosecutor. She hadn't expected to need witnesses to testify on her behalf. She hadn't anticipated\u2014though she might have\u2014that the man would be in Europe, safe from arrest and interrogation. Everything had conspired to stall the case and to stall her life as well.\n\nPrakrti had considered asking Kylie to lie for her. But even if she swore Kylie to secrecy, Kylie would inevitably tell at least one person, who in turn would tell someone else, and before long the news would be all over school.\n\nTelling Durva was impossible, too. She was a terrible liar. If she were questioned before a grand jury, she would fall apart. Besides, Prakrti didn't want Durva to know about what had happened. She had promised her parents not to say anything to her little sister.\n\nAs for her parents themselves, she wasn't sure exactly what they knew. Too embarrassed to tell them herself, she'd let the town prosecutor do that. When her parents emerged from their meeting with him, Prakrti was shocked to see that her father had been crying. Her mother was gentle with her, solicitous. She advanced propositions she would never have come up with on her own and which must have come from the prosecutor. She asked if Prakrti wanted \"to see someone.\" She said she understood, and emphasized that Prakrti was a \"victim,\" and that what had happened wasn't her fault.\n\nIn the following weeks and months, a silence descended on the matter. Under the guise of keeping things from Durva, her parents didn't bring the subject up at home at all. The word _rape_ was never uttered. They did what was required, cooperated with the police, communicated with the prosecutor, but that was it.\n\nAll this put Prakrti in a strange position. She was enraged at her parents for closing their eyes on an assault that, after all, hadn't occurred.\n\nShe was no longer certain what had happened that night at the hotel. She knew the man was guilty. But she was unsure if she had the law on her side.\n\nBut there was no turning back. She'd gone too far.\n\nOver ten months had passed. Diwali was approaching again, the date earlier this year because of the new moon. The family had no plans to go to India.\n\nIn front of the town hall, the trees, which had been in leaf when she first came in, were now bare, revealing the statue of George Washington on a horse that stood at the end of the colonnade. Her mother parked outside the police station but made no move to get out of the car. Prakrti turned to her. \"Are you coming in?\"\n\nHer mother turned to look at her. Not with her newly softened or evasive expression but the hard, strict, disapproving face that had always been hers. Her hands were gripping the steering wheel so tightly her knuckles went white.\n\n\"You got yourself into this predicament, you can get yourself out,\" her mother said. \"You want to be in charge of your life? Go on, then. I'm finished. It's hopeless. How can we find another husband for you now?\"\n\nIt was the word _another_ that Prakrti latched on to.\n\n\"Do they know? The Kumars?\"\n\n\"Of course they know! Your father told them. He said it was his duty to do so. But I don't believe that. He never wanted to go along with the wedding. He was happy to undermine me, as usual.\"\n\nPrakrti was silent, taking this in.\n\n\"I'm sure you're thrilled by this news,\" her mother said. \"It's what you wanted, isn't it?\"\n\nIt was, of course. But the emotion that surged through Prakrti was nothing as simple as happiness or relief. It felt more like remorse, for what she'd done to her parents, and to herself. She began to sob, turning her face to the car door.\n\nHer mother made no move to comfort her. When she spoke again, her voice was full of bitter amusement. \"So you loved the boy, after all? Is that it? You were just fooling your parents all this time?\"\n\n\u2014\n\nIn his hand, the phone begins to vibrate wildly. Months of undelivered texts and voice mails, flooding in.\n\nMatthew is looking at the haze over the East River, and the huge billboard ads for insurance companies and movies, when the texts flood in. Most are from Tracy or his children, but friends' names fly past, too, and colleagues'. Each text contains its first line. A review of the past four months flitting by, the appeals, the fury, the lamentations, the rebukes, the misery. He shoves his phone back into his bag.\n\nInto the Midtown Tunnel his phone continues to buzz, the fallout, unfrozen, raining down on him.\n\n\u2022\n\n\"I'm not coming in,\" Prakrti said, in the doorway of the prosecutor's office. \"I'm dropping the charges.\"\n\nHer face was still wet with tears. Easily misunderstood.\n\n\"You don't have to do this,\" the prosecutor said. \"We'll get this bastard. I promise.\"\n\nPrakrti shook her head.\n\n\"Hear me out. I've been thinking about the case,\" the prosecutor pressed on. \"Even without a fresh-complaint witness, there's a lot of leverage we have on this guy. His family is here in the States, which means he wants to come back.\"\n\nPrakrti didn't appear to be listening. She was looking at the prosecutor with bright eyes as though she'd finally found what to say to make everything right. \"I never told you, but I'm planning to go to law school after college. I've _always_ wanted to be a lawyer. But now I know what _kind._ A public defender! Like you. You're the only ones who do any good.\"\n\n\u2014\n\nThe hotel, in the East Twenties, is one Matthew used to stay in years ago, when it had been popular with European publishers and journalists. Now it's been renovated beyond recognition. Techno thumps in the dungeonlike lobby and pursues him even into the elevators, where it becomes the soundtrack for lurid videos playing on embedded screens. Instead of providing a haven from the city streets, the hotel wants to bring them in, their restlessness and need.\n\nIn his room, Matthew showers and puts on a fresh shirt. An hour later, he's back in the lobby, amid the pounding music, waiting for Jacob and Hazel\u2014and for Tracy\u2014to arrive.\n\nWith a feeling of facing up to a dreaded task, he begins scrolling through his text messages, and deleting them, one by one. Some are from his sister, Priscilla, others from friends inviting him to parties months ago. There are payment reminders and lots of spam.\n\nHe opens a text that says:\n\nDirectly after that, another, from the same number.\n\nFor months Matthew has felt nothing but rage toward the girl. In his head, and out loud when alone, he has called her all kinds of names, using the worst, the most offensive, the most vitalizing language. These new messages don't rekindle his hatred, however. It isn't that he forgives her, either, or that he thinks she did him a favor. As he deletes the two texts, Matthew has the feeling that he is fingering a wound. Not compulsively, as he used to do, risking reopening or reinfection, but just to check if it's healing.\n\n_These things don't go away._\n\nAt the far end of the lobby, Jacob and Hazel appear. Following them, a few steps behind, is someone Matthew doesn't recognize. A young woman in a maroon fleece, jeans, and running shoes.\n\nTracy isn't coming. Now or ever. To convey this message, she has sent this babysitter in her place.\n\nJacob and Hazel haven't seen him yet. They appear cowed by the sinister doormen and thumping music. They squint in the dim light.\n\nMatthew stands up. His right hand, of its own accord, shoots straight into the air. He's smiling with an intensity he's forgotten himself capable of. Across the lobby, Jacob and Hazel turn and, recognizing their father, despite everything, come running toward him.\n\n2017\n\n# Acknowledgments\n\nAcknowledgments are due to the following editors: Peter Stitt, J. D. McClatchy, Bradford Morrow, Bill Buford, Cressida Leyshon, and Deborah Treisman.\n\nGrateful acknowledgment is made to the publications in which the following stories, in earlier versions, first appeared:\n\n\"Air Mail,\" _The Yale Review,_ October 1996.\n\n\"Baster,\" _The New Yorker,_ June 17, 1996.\n\n\"Early Music,\" _The New Yorker,_ October 10, 2005.\n\n\"Timeshare,\" _Conjunctions_ 28, Spring 1997.\n\n\"Find the Bad Guy,\" _The New Yorker,_ November 18, 2013.\n\n\"The Oracular Vulva,\" _The New Yorker,_ June 21, 1999.\n\n\"Capricious Gardens,\" _The Gettysburg Review,_ Winter 1989.\n\n\"Great Experiment,\" _The New Yorker,_ March 31, 2008.\n\n## Contents\n\n 1. Cover\n 2. Other Titles\n 3. Title Page\n 4. Copyright\n 5. Dedication\n 6. Contents\n 7. Complainers\n 8. Air Mail\n 9. Baster\n 10. Early Music\n 11. Timeshare\n 12. Find the Bad Guy\n 13. The Oracular Vulva\n 14. Capricious Gardens\n 15. Great Experiment\n 16. Fresh Complaint\n 17. Acknowledgments\n\n 1. i\n 2. ii\n 3. iii\n 4. iv\n 5. \n 6. \n 7. \n 8. \n 9. \n 10. \n 11. \n 12. \n 13. \n 14. \n 15. \n 16. \n 17. \n 18. \n 19. \n 20. \n 21. \n 22. \n 23. \n 24. \n 25. \n 26. \n 27. \n 28. \n 29. \n 30. \n 31. \n 32. \n 33. \n 34. \n 35. \n 36. \n 37. \n 38. \n 39. \n 40. \n 41. \n 42. \n 43. \n 44. \n 45. \n 46. \n 47. \n 48. \n 49. \n 50. \n 51. \n 52. \n 53. \n 54. \n 55. \n 56. \n 57. \n 58. \n 59. \n 60. \n 61. \n 62. \n 63. \n 64. \n 65. \n 66. \n 67. \n 68. \n 69. \n 70. \n 71. \n 72. \n 73. \n 74. \n 75. \n 76. \n 77. \n 78. \n 79. \n 80. \n 81. \n 82. \n 83. \n 84. \n 85. \n 86. \n 87. \n 88. \n 89. \n 90. \n 91. \n 92. \n 93. \n 94. \n 95. \n 96. \n 97. \n 98. \n 99. \n 100. \n 101. \n 102. \n 103. \n 104. \n 105. \n 106. \n 107. \n 108. \n 109. \n 110. \n 111. \n 112. \n 113. \n 114. \n 115. \n 116. \n 117. \n 118. \n 119. \n 120. \n 121. \n 122. \n 123. \n 124. \n 125. \n 126. \n 127. \n 128. \n 129. \n 130. \n 131. \n 132. \n 133. \n 134. \n 135. \n 136. \n 137. \n 138. \n 139. \n 140. \n 141. \n 142. \n 143. \n 144. \n 145. \n 146. \n 147. \n 148. \n 149. \n 150. \n 151. \n 152. \n 153. \n 154. \n 155. \n 156. \n 157. \n 158. \n 159. \n 160. \n 161. \n 162. \n 163. \n 164. \n 165. \n 166. \n 167. \n 168. \n 169. \n 170. \n 171. \n 172. \n 173. \n 174. \n 175. \n 176. \n 177. \n 178. \n 179. \n 180. \n 181. \n 182. \n 183. \n 184. \n 185. \n 186. \n 187. \n 188. \n 189. \n 190. \n 191. \n 192. \n 193. \n 194. \n 195. \n 196. \n 197. \n 198. \n 199. \n 200. \n 201. \n 202. \n 203. \n 204. \n 205. \n 206. \n 207. \n 208. \n 209. \n 210. \n 211. \n 212. \n 213. \n 214. \n 215. \n 216. \n 217. \n 218. \n 219. \n 220. \n 221. \n 222. \n 223. \n 224. \n 225. \n 226. \n 227. \n 228. \n 229. \n 230. \n 231. \n 232. \n 233. \n 234. \n 235. \n 236. \n 237. \n 238. \n 239. \n 240. \n 241. \n 242. \n 243. \n 244. \n 245. \n 246. \n 247. \n 248. \n 249. \n 250. \n 251. \n 252. \n 253. \n 254. \n 255. \n 256. \n 257. \n 258. \n 259. \n 260. \n 261. \n 262. \n 263. \n 264. \n 265. \n 266. \n 267. \n 268. \n 269. \n 270. \n 271. \n 272. \n 273. \n 274. \n 275. \n 276. \n 277. \n 278. \n 279. \n 280. \n 281. \n 282. \n 283. \n 284. \n 285. \n 286. \n 287. \n 288. \n 289. \n 290. \n 291.\n\n 1. Cover\n 2. Cover\n 3. Title Page\n 4. Table of Contents\n 5. Start\n\n","meta":{"redpajama_set_name":"RedPajamaBook"}} +{"text":" \nDU M\u00caME AUTEUR\n\nAUX \u00c9DITIONS DU SEUIL\n\nUne curieuse solitude\n\n _coll. \u00ab Points Roman \u00bb_\n\nLe Parc\n\n _coll. \u00ab Points Roman \u00bb_\n\nL'Interm\u00e9diaire\n\n _coll. \u00ab Tel Quel \u00bb_\n\nDrame\n\nLogiques\n\n _coll. \u00ab Tel Quel \u00bb_\n\nNombres\n\n _coll. \u00ab Tel Quel \u00bb_\n\nEntretiens avec Francis Ponge\n\nL'\u00c9criture et l'exp\u00e9rience des limites\n\n _coll. \u00ab Points \u00bb_\n\nLois\n\n _coll. \u00ab Tel Quel \u00bb_\n\nSur le mat\u00e9rialisme. De l'atomisme\n\n\u00e0 la dialectique r\u00e9volutionnaire\n\n _coll. \u00ab Tel Quel \u00bb_\n\nD\u00e9livrance. Face \u00e0 face (en collab.)\n\n _coll. \u00ab Points \u00bb_\n\nParadis\n\n _coll. \u00ab Tel Quel \u00bb_\n\nAUX \u00c9DITIONS GALLIMARD\n\nFemmes\n\nPortrait d'un joueuR\n\nTh\u00e9orie des exceptions\n\nParadis 2\n\nLe C\u0153ur absolu\n\nLes Folies fran\u00e7aises\n\nLe Lys d'or,\n\nCHEZ D'AUTRES \u00c9DITEURS\n\nVision de New York, _\u00c9ditions Deno\u00ebl_\n\nCarnet de nuit, _\u00c9ditions Plon_\nCE LIVRE \nEST PUBLI\u00c9 DANS LA COLLECTION \nTEL QUEL\n\nISBN 978-2-02-122879-3\n\n\u00a9 \u00c9ditions du Seuil, 1973\n\n_Cet ouvrage a \u00e9t\u00e9 num\u00e9ris\u00e9 en partenariat avec le Centre National du Livre._\n\n_Ce document num\u00e9rique a \u00e9t\u00e9 r\u00e9alis\u00e9 parNord Compo._\nTABLE DES MATI\u00c8RES\n\nCouverture\n\nDu m\u00eame auteur\n\nCopyright\n\nChapitre 1\n\nqui dit salut la machine avec ses pattes rentr\u00e9es son c\u00f4t\u00e9 tortue cata socle ses touches fig\u00e9es accents toniques hors de strophe elle a r\u00eav\u00e9 cette nuit que je lan\u00e7ais la balle tr\u00e8s haut et tr\u00e8s loin elle ne s'arr\u00eate plus elle allume en passant les cerceaux dispos\u00e9s m\u00e9ridiens plus ronds quand elle les traverse et voil\u00e0 la bombe qui retombe toute chaude enfum\u00e9e grill\u00e9e tiens on est en pleine montagne y a d'la poudreuse regarde les cristaux blancs violets sens cet air et en effet on enfonce les chevilles dans la plaine mousse pour la premi\u00e8re fois l'hallucination goutte \u00e0 goutte est vue du dedans d\u00e9coup\u00e9e foul\u00e9e cata cata catalyse \u00e7a fait des jours et des jours qu'elle fait la t\u00eate dans son coin sinistre mais ce matin en route c'est l'ouvert le creux d\u00e9cid\u00e9 y a-t-il une autre forme non y aura-t-il r\u00e9ponse bien s\u00fbr que non personne et d'ailleurs le d\u00e9lire n'est pas le d\u00e9lire vas-y fais tourner la serrure l'absente serrure la cl\u00e9 qui n'existe pas alors c'est vrai on repart yes sir claquement du fouet du sifflet s\u00e9v\u00e8re et l'\u00e9norme est l\u00e0 quoi l'\u00e9norme quoi le tourbillon radium carrefour quoi encore et comment qui et quoi et comment pour qui et pour quoi encore qui comment vers o\u00f9 pour o\u00f9 \u00e7a d\u00e9cid\u00e9ment je ne suis pas n\u00e9 pour \u00eatre tranquille j'ai pourtant fait ce que j'ai pu pour ne pas m'en apercevoir enfin cette fois ce sera peut-\u00eatre la bonne on croit toujours \u00e7a en partant invocation d\u00e9but d\u00e9sir d'\u00e2ge d'or transformer le filtre se verser le philtre que veux-tu il y a l\u00e0 quelque chose d'ingu\u00e9rissable double n\u0153ud qui te d\u00e9fait l'un mais pas l'autre n\u00e9gation du self de la mort bordel je me dis le moment est venu de s'enlever carr\u00e9ment au fourreau des membres de plus supporter la dict\u00e9e par s\u00e9ries vol\u00e9es transvas\u00e9es apr\u00e8s tout j'ai ce phi flottant sur les l\u00e8vres comme l'autre infans avec la queue des vautours et si le huit revient sans fin quand je marche si je pense facilement \u00e0 la liturgie si un son m'appara\u00eet toujours accompagn\u00e9 surmont\u00e9 \u00e7a vient du pr\u00e9nom impossible en m\u00eame temps latin de mon p\u00e8re non tu ne trouveras pas je l'\u00e9cris octave oui exactement comme in-octavo ce qui lui donnait pour signer ce o tournant sur lui-m\u00eame suivi d'un point minuscule juste avant le j travaill\u00e9 brod\u00e9 genre gla\u00efeul clocher cl\u00e9 de sol emportant oyaux en musique o.joyaux avec dessous le paraphe anim\u00e9 doubl\u00e9 relanc\u00e9 bref toupie de diamant liquide octave est aussi un mot du m\u00e9tier chez les joailliers peut-\u00eatre une id\u00e9e d'un des d\u00e9viants d'la famille y en avait un qu'on disait bouddhiste alchimiste enferm\u00e9 chez lui dans ses draperies \u00e9videmment le nom lui-m\u00eame suffisait pour les exciter pourquoi parcequ'on y entend \u00e0 la fois jeu joie juif jouissance par exemple ce joyaux messieurs ce joyaux que voulez-vous n'est pas une perle ou alors joyal noyau boyau aloyau ou alors sans x mais non pas joyeux joyaux avec un x comme xylophone \u00e7a n'ratait jamais vrais caniches borgnes serr\u00e9s en nombril alors quoi vous pourriez pas vous appeler dupont martin ou choufleur comme tout le monde voyons si vous \u00eates \u00e0 la hauteur dites-moi mais c'est pas brillant comme performance et ainsi de suite dans le style cur\u00e9 mou de veau donc je m'appelle au pluriel philippe joyaux bande de cons pas de doute autrefois sur les poubelles ou les ch\u00e8ques postaux et quant \u00e0 philippe filioque procedit ne perdons pas l'fil peu importe la ribambelle des rois le hardi l'auguste l'affreux le merdeux accumulation en espagne donnant l'archipel f\u00e9minis\u00e9 philippines cadeau ambigu \u00e0 son ma\u00eetre de l'aventureux magellan bleu turquoise l\u00e0-bas banlieue de manille non restons maintenant sur le fric du p\u00e8re d'alexandre mines villes du m\u00eame nom o\u00f9 d'ailleurs brutus et cassius furent battus par antoine et octave tr\u00e9sors permettant ensuite l'exp\u00e9dition vers l'asie philippei campi les plaines de philippes attaques de d\u00e9mosth\u00e8ne pi\u00e8ces t\u00eate d'apollon ou de zeus laur\u00e9e ou encore pers\u00e9phone avec deux poissons revers de cavalier tenant palme l\u00e9gende philippou de philippe sous-entendu nomisma passeport dans le monde grec sacr\u00e9 banquier ce mac\u00e9donien 359-336 qui n'estimait pas de forteresse imprenable quand un mulet charg\u00e9 d'or pouvait y monter bref un corrupteur de premi\u00e8re comme l'autre le bel trafiquant assassinant de molay fin des templiers trag\u00e9die pour l'alighieri et sollers \u00e9cho du surnom d'ulysse de sollus tout entier intact ars ing\u00e9nieux terrain travailleur fertile lyrae sollers science de la lyre r\u00eaverie quinze ans plage hiver en soignant comme par hasard une blennorragie building d\u00e9sert course dans les dunes odeurs des pins sous les branches avec cette queue pleine de pus regardant les vagues ainsi dans la bible on a le m\u00eame mot h\u00e9breu pour nu rus\u00e9 \u00e9veill\u00e9 c'est comme \u00e7a que les corps communiquent avec le serpent de l'intelligence quoiqu'il en soit j'ai d\u00fb dispara\u00eetre vers cette \u00e9poque je l'entends gronder murmurer c'est mon rythme langue sur la lagune rempart de b\u00e9ton envahi de mouches difficult\u00e9 \u00e0 passer par les barbel\u00e9s dichtung wahreit l'iliade est un champ ouvert en tous sens \u00e9toiles mouvement r\u00e9ponse 1543 de revolutionibus orbium c\u0153lestium la colombe revient avec les marins catagogie \u00e7a s'appelle sens de r\u00e9flexion pour les sons les voix ou l'histoire dictionnaire kata en bas en dessous au fond du haut de mais aussi sur par exemple dans l'expression les t\u00e9n\u00e8bres se r\u00e9pandirent sur ses yeux imposition serments transmission gliss\u00e9e sous les tranches mais aussi \u00e0 l'int\u00e9rieur de dans celui qui est sous terre le mort les dieux infernaux mais aussi pour marquer la direction le but en vue de ou alors contre et avec l'id\u00e9e de temps pendant cependant ou encore p\u00eale-m\u00eale en s\u00e9curit\u00e9 en h\u00e2te vivement de force ou encore selon et composition en syncope on le trouve dans l'exclamation transport\u00e9 de fureur bon tu veux te lever t'as envie de recommencer c'\u00e9tait l'\u00e9poque o\u00f9 je grimpais d'un trait dans la chambre \u00e0 l'extr\u00e9mit\u00e9 du b\u00e2timent l'oc\u00e9an s'\u00e9tendait \u00e0 perte de vue \u00e0 droite le soleil frappait le mur sur la gauche je ne pouvais entrer qu'en courant comme si du palier jusqu'\u00e0 la fen\u00eatre l'aimant me for\u00e7ait chaque fois \u00e0 bondir en m\u00eame temps je n'avais du dehors qu'une perception interrompue circulaire je n'arrivais pas \u00e0 savoir si l'eau avait un horizon v\u00e9g\u00e9tal la couleur verte \u00e9tait peut-\u00eatre un simple reflet du volet l'existence du jardin n'\u00e9tait pas non plus assur\u00e9e je sentais seulement que le vent devenait l\u00e0 ralenti sourd m'y voici de nouveau \u00e7a monte apprenons \u00e0 la langue \u00e0 chanter et elle aura honte de vouloir autre chose que ce qu'elle chante la limite sup\u00e9rieure est appel\u00e9e qui mais il y a une autre limite en bas nomm\u00e9e quoi la premi\u00e8re mi est recherche mais apr\u00e8s le dernier degr\u00e9 voil\u00e0 l'autre disant m\u00e2 qu'est-ce que tu as compris poursuivi tout est myst\u00e9rieux comme avant tu n'as rien gagn\u00e9 sur ta pente allons byzance atlantide broiement des contours rythm\u00f4 kai taxei lorsque la vue sera \u00e9blouie la lune dispara\u00eetra le soleil et la lune seront r\u00e9unis par rafales il n'y aura qu'un seul cri et voil\u00e0 ils se retrouveront \u00e0 la surface et celui qui recevra son livre dans la main droite \u00e7a pourra aller mais celui qui le recevra derri\u00e8re son dos paf z\u00e9ro alors quoi vas-y dis-nous le rappel le matin dix nuits pair impair obscur \u00e9coul\u00e9 les coursiers d'airain ici-bas raconte apr\u00e8s c'est l'\u00e9tendue de toujours avec profondeur effet qui viendra qui \u00e7a moi qui mais qui mais qui donc cicatris\u00e9 oh qui propuls\u00e9 sur ces flancs rugueux en bougeant un peu on a l'interstice pas exactement dans les yeux pas exactement crev\u00e9 dans la perspective ou m\u00eame couleur avec temps de prendre mais l\u00e9ger progr\u00e8s \u00e0 chaque fois d'erreur en erreur jusqu'\u00e0 l'erreur la plus dessin\u00e9e qui peut alors passer pour une victoire corps basculant sur le c\u00f4t\u00e9 laisse-toi couler c'est berceau pas grave cillement craquement d'articulations acide v\u00e9ritablement progr\u00e8s mais cassure un peu plus haut ou plus bas davantage moins coupure en de\u00e7\u00e0 au-del\u00e0 refrain avec l'\u00e2ge le cristallin jaunit la sph\u00e8re devient non sensible cireuse int\u00e9rieur des oreilles touchant dilu\u00e9 la vision r\u00e9chauffant l'abc\u00e8s vers la fin il faut mettre \u00e0 l'int\u00e9rieur maintenant ce qui est dehors sous forme dure circulation grues ponts poulies feu ascenseurs vitres mouill\u00e9es alternance des ciels verre fa\u00e7ades sur les tables le vin et l'eau cent mille aujourd'hui sur la place la police dit quinze mille voil\u00e0 son h\u00e9licopt\u00e8re le parti donne le m\u00eame chiffre un peu plus peut-\u00eatre stup\u00e9faction hostile ferm\u00e9e d'ailleurs o\u00f9 est-ce que \u00e7a peut mener les ouvriers n'ont pas boug\u00e9 rien \u00e0 faire vous ne pouvez pas continuer camarades c'est l'impasse rien ne peut avancer de cette fa\u00e7on et pourtant elle tourne drapeaux rouges partout dans le vent soleil ils claquent il fait plus frais les immeubles commencent \u00e0 s'ouvrir les bourgeois sur les balcons appareils \u00e0 l'\u0153il archivistes crie le petit qui chante depuis une heure dans son micro us\u00e9 et tomb\u00e9 \u00e0 la t\u00e2che vaincu tu terrasses la mort li\u00e9 et tu\u00e9 par des l\u00e2ches victoires c'est toi le plus fort plus fort victoire c'est toi le plus fort ta seule oraison camarade vengeance vengeance pour toi pour toi vengeance vengeance pour toi la foule reprend faiblement vingt voix trente voix chant d\u00e9j\u00e0 archa\u00efque mauvais travail mobilisation vaseuse nostalgique avec fond ukrainien compl\u00e8tement inadapt\u00e9 \u00e0 la situation concr\u00e8te ils ne connaissent pas le morceau et pas davantage les autres couplets de l'internationale ami si tu tombes un ami sort de l'ombre \u00e0 ta place il fait tr\u00e8s beau maintenant les types des premiers rangs sont cach\u00e9s sous leurs roses rouges avec les portraits plus sombres \u00e7a fait une belle coul\u00e9e sous le ciel bleu avec silence mat entre les slogans silence couloir avec porte ouverte sur nuit souffl\u00e9e d'autrefois de toute fa\u00e7on le parti a fait une grosse erreur politique gauchistes ou pas t'as vu le nombre oui mais sans cercueil c'est vrai rien n'est s\u00fbr tout le monde est \u00e9tonn\u00e9 mais quand m\u00eame quand m\u00eame \u00e7a doit venir d'assez profond dans les masses pour que le truc \u00e9clate comme \u00e7a en plein jour un enterrement petit-bourgeois voil\u00e0 faudrait la classe ouvri\u00e8re peut-\u00eatre peut-\u00eatre mais quand m\u00eame ils sont l\u00e0 et bien l\u00e0 pas ailleurs donc quelque chose demande demandait redemandera \u00e0 \u00eatre repr\u00e9sent\u00e9 de fa\u00e7on correcte quoi attention oui attention mais quand m\u00eame ah voil\u00e0 je vous attendais l\u00e0 mot d'ordre anticommuniste mais enfin merde qu'est-ce que \u00e7a veut dire tout de suite maintenant anticommuniste c'est abstrait ton r\u00e9flexe r\u00e9action scl\u00e9rose avec tous les probl\u00e8mes \u00e0 la cl\u00e9 mondiaux tr\u00e8s mobiles qui est-ce qui voit la plan\u00e8te en ce moment les satellites point de vue sirius non la position r\u00e9volutionnaire te donne le large et mouvement et cadence on a raison d'attaquer les r\u00e9visos tu entends les masses ou tu les entends pas en train de pousser creuser s'enterrer dans chaque recoin sp\u00e9cifique mais l'ensemble ce serait pas toi par hasard non simplement faire passer un peu d'air sur la vieille peau qui raconte au fond tu veux l'\u00e9crire le faire et l'\u00e9crire reprendre le volume tu vois des romans d'aventures l'amener ici le plier l'\u00e9tendre faire jouer les nouveaux rapports tiens regarde c'est ma manie de sortir vivant du tombeau je ne peux vraiment pas faire autrement c'est apr\u00e8s que les ennuis commencent je les vois group\u00e9s \u00e0 l'envers comme des bouquets \u00e0 t\u00eate de b\u00e9b\u00e9s racines enchev\u00eatr\u00e9es en surface et vers le bas leurs bulles leurs balbutiements m\u00eame une certaine fra\u00eecheur \u00e7a m'a attendu longtemps mais aujourd'hui c'est imm\u00e9diat \u00e7a tire sur la ligne de fuite mais est-ce qu'on peut mettre le tout en vrac en jet continu personne ne pourra naviguer l\u00e0-dedans c'est s\u00fbr la ponctuation est n\u00e9cessaire la ponctuation vieux c'est la m\u00e9taphysique elle-m\u00eame en personne y compris les blancs les scansions tant pis il faut que les acteurs fassent d\u00e9sormais un peu de gymnastique sans quoi on n'en sortira jamais ce sera toujours l'excuse de la locomotive des wagons qui suivent l'histoire de madame id\u00e9ologie cantini\u00e8re de la grande arm\u00e9e et moi je vais te dire de tels hommes debout dans une situation violente leur parole aussi presque \u00e0 la mani\u00e8re des furies parle en une coh\u00e9rence plus violente il nous faut d'abord sans attendre du d\u00e9bordement le diagnostic est exact il serait en revanche absolument faux de se mesurer trop \u00e9troitement aux exigences du temps et du bout du nez non non rien \u00e0 voir avec position abstraite aristocratique au-dessus des classes il faut seulement poser le probl\u00e8me en dehors de certains tics envahissants d'un empirisme poisseux si j'\u00e9coutais tout le monde tu sais ce serait d'embl\u00e9e par la fen\u00eatre ou dans la seine ou le gaz ou le somnif\u00e8re ce dernier n'indiquant pas un r\u00e9el d\u00e9sir d'en finir la rengaine de la demande d'amour mis\u00e8re d\u00e9tresse affective le coup en tenaille de papa maman jusqu'apr\u00e8s la mort ils aiment particuli\u00e8rement \u00e7a mettre les menottes symboliques au cadavre chacun y va de son \u00e9quation interpr\u00e9tative pas difficile \u00e0 trouver l'inconscient des autres rien de plus simple en somme tu comprends j'ai \u00e9crit pour faire le vide en moi et autour de moi pour prendre le recul juste \u00e7a semble r\u00e9ussi \u00e0 un point qui d'abord te fout un peu le vertige mais l'histoire en a vu d'autres une technique de soutien consistant \u00e0 se donner la fraternit\u00e9 des fant\u00f4mes comme celui dont je te parlais \u00e0 l'instant type fumant celui-l\u00e0 j'arr\u00eate pas d'en r\u00eaver un cas archi-r\u00e9ussi d'incompr\u00e9hension totale et pourtant tu ne peux pas oublier que si tu regardes \u00e7a calmement depuis l'apr\u00e8s-gel tass\u00e9 \u00e7a te para\u00eet lumineux \u00e9vident sans obstacles \u00e9coute comme il y va maintenant les h\u00e9ros sont morts les \u00eeles d'amour ne sont plus reconnaissables et ainsi partout imb\u00e9cile est l'amour ou encore il tombe et dispara\u00eet l'homme souffrant aveugl\u00e9ment d'une heure dans l'autre heure comme l'eau d'un brisant lanc\u00e9e sur le brisant pendant les temps jusqu'\u00e0 l'incertain d'en bas ou encore suspendues avec des poires jaunes remplies de roses sauvages la terre sur le lac ou encore et maintenant je suis assis sous les nuages dont chacun a son repos particulier ou encore il est une loi que tout retourne en l'int\u00e9rieur ainsi les serpents proph\u00e9tiques qui r\u00eavent aux collines du ciel ou encore ils vont sans avoir peur sur les chemins de l'ab\u00eeme par ponts l\u00e9g\u00e8rement construits ou encore le jardin rempli de fleurs comme un feu tranquille ou encore tout autour des portes de l'asie appelant \u00e7\u00e0 et l\u00e0 dans l'incertaine plaine de la mer bruissent les routes sans ombre rappelle-moi de t'expliquer quelque chose ou encore le nuage dor\u00e9 de l'enchantement ruisselle en bas en sons amis en sons rapides ou encore il se contente du battement des ailes ou encore les b\u00eates se regardaient l'une l'autre muettes songeant \u00e0 leur repas mais les montagnes sont debout silencieuses o\u00f9 voulons-nous rester ou encore celui qui pendant le jour produit la respiration il la retrouve quand il dort ou encore sur les jolies \u00eeles elles sont savantes ou encore tout est un int\u00e9rieur et cependant s\u00e9pare souvent je poss\u00e8de la langue ils disent que la col\u00e8re est suffisante n'entendre ni ne voir un fleuve alors alors criez que la clart\u00e9 se fasse et de nouveau la rumeur de la ville se trouve en bas sur les \u00e9tendues vertes et r\u00e9sonnantes en dessous des pommiers car il y a des fleurs non pouss\u00e9es de la terre elles grandissent de soi-m\u00eame du sol vide un reflet et ce n'est pas heureux de cueillir ces fleurs-l\u00e0 le dragon ressemble \u00e0 la nature pouss\u00e9e pouvoir pens\u00e9e les lauriers tremblent autour de virgile et que jamais le soleil non viril ne cherche la tombe c'est bien vrai et toute chose connue de moi comme tu veux la ramener \u00e0 la m\u00e9moire l'\u00e9crire avec des lettres de m\u00eame il arrive que je puisse dire aussi tout le pass\u00e9 et vous for\u00eats peintes sur la pente contre la paroi verte quand sombre est pour moi le sens silencieux endroit o\u00f9 dorment hommes et femmes o\u00f9 du dehors arrivent les amis les l\u00e9gendes se tournent vers l'humanit\u00e9 nous apprenons beaucoup du temps qui se d\u00e9vore vite comme les sentiers vont la nature appara\u00eet dans sa monotonie le nouveau monde c'est la profondeur de la vall\u00e9e tu comprends on ne peut pas exp\u00e9dier cela purement et simplement sous pr\u00e9texte que \u00e7a a servi \u00e0 plusieurs saloperies professorales curieux comme on peut se promener \u00e0 travers comme dans un champ en \u00e9vitant les rep\u00e8res trop pr\u00e9cis d'\u00e9poque comme si on \u00e9tait rentr\u00e9 dans un seul grand fleuve stri\u00e9 en multiple dissolvant leur r\u00e9f\u00e9rence r\u00e9v\u00e9rence \u00e0 leur fond phallus et donc \u00e0 chaque seconde sa peine c'est l\u00e0 et ce n'est pas l\u00e0 illumin\u00e9 \u00e0 l'envers continuons si tu veux dans le cimeti\u00e8re mettons-nous un instant \u00e0 l'\u00e9cart tu entends au loin la rumeur tous ces vivants pour un mort toutes ces gorges les voil\u00e0 qui sifflent l'internationale en arrivant pr\u00e8s du p\u00e8re lachaise ah le p\u00e8re le tr\u00f4ne avec ses tombeaux assis les mains sur les cuisses enterrant les cadavres comme autant d'excr\u00e9ments dans la ch\u00e2sse de maman profonde quelle terre grasse v\u00e9reuse richement truff\u00e9e grouillante personne pour faire le coup du bouffon avec cr\u00e2ne d\u00e9monstratif ou m\u00e9ditatif ce n'est plus d'un corps qu'il s'agit mais de milliards dans le courant sombre jetons l\u00e0 nos fleurs et fumons pour reprendre les t\u00e9moignages on dit que la th\u00e9ologie lui a \u00e9t\u00e9 tout de suite parfaitement \u00e9trang\u00e8re nous sommes en 1790 et les anecdotes arrivent assez vite petite chambre pendant trente-six ans avec \u00e9volution vers catatonie dementia praecox politesse exag\u00e9r\u00e9e volubilit\u00e9 incessante st\u00e9r\u00e9otypes ton enfantin r\u00e9ponses toujours n\u00e9gatives la plupart des sons inarticul\u00e9s inintelligibles m\u00eal\u00e9s de fran\u00e7ais votre majest\u00e9 royale c'est l\u00e0 une question \u00e0 laquelle je ne peux je ne dois pas vous donner de r\u00e9ponse je suis pr\u00e9cis\u00e9ment sur le point de me faire catholique la nuit il se l\u00e8ve et marche \u00e0 travers la maison il lui arrive aussi de sortir dans la rue ou alors il noircit nous dit la famille tous les morceaux de papier qui lui tombent sous la main vers bien rythm\u00e9s mais d\u00e9pourvus de signification affirme l'inspecteur de passage ajoutant quand c'est clair il est toujours question d'\u0153dipe de la gr\u00e8ce de grandes souffrances pauvre con c'est toi qui ne pouvais comprendre que \u00e7a avant de rentrer rassurer bobonne et de raconter comment la princesse de hombourg lui ayant offert un piano il en a coup\u00e9 les cordes mais pas toutes de sorte que plusieurs touches marchent encore et c'est sur elle qu'il improvise j'ose \u00e0 peine prononcer son nom \u00e9crit bettina gentille hyst\u00e9rique \u00e9mue par une castration de cette envergure j'ose \u00e0 peine prononcer son nom aussit\u00f4t on raconte sur lui les choses les plus \u00e9pouvantables uniquement parce que pour composer un de ses bouquins il a aim\u00e9 une femme pour les gens d'ici aimer et vouloir se marier est la m\u00eame chose voil\u00e0 ce qu'elle dit \u00e0 l'\u00e9poque mais remarque bien qu'aujourd'hui ce serait plut\u00f4t le contraire aimable cocotte de bettina fine tr\u00e8s fine regarde comment elle appr\u00e9cie le g\u00e2teau son \u00e2me dit-elle est comme l'oiseau des indes couv\u00e9 dans une fleur ce piano d\u00e9chir\u00e9 est une image de son \u00e2me miaou miaou j'en l\u00e8cherais bien un p'tit bout je voulais faire le v\u0153u d'entourer le malade de le guider ce ne serait pas un sacrifice j'aurais des entretiens avec lui qui me feraient voir ce que mon \u00e2me d\u00e9sire oh je suis s\u00fbre qu'alors les touches cass\u00e9es les cordes bris\u00e9es r\u00e9sonneraient encore il est submerg\u00e9 par les flots d'une puissance c\u00e9leste la parole qui entra\u00eenant tout dans une chute rapide aurait inond\u00e9 ses sens donc si je pouvais y brancher un canal de d\u00e9rivation peut-\u00eatre que mon nom pourrait \u00eatre associ\u00e9 au sien dans cette grande mer que je sens faite pour moi et moi seule il dit que les lois de l'esprit sont m\u00e9triques il dit que tant que la parole ne suffira pas \u00e0 elle seule pour engendrer la pens\u00e9e l'esprit dans l'homme n'aura pas encore atteint sa perfection que c'est seulement quand la pens\u00e9e se voit dans l'impossibilit\u00e9 de s'exprimer autrement que par le rythme qu'il y a po\u00e9sie force inn\u00e9e r\u00e9flexion c\u00e9sure cheval cabr\u00e9 suspension rayon en sautant comme un bon cavalier en culotte blanche au derby je mettrais mon beau chapeau mon nouvel ensemble tout le monde me regarderait ce serait d\u00e9licieux j'en suis inond\u00e9e de lumi\u00e8re peut-\u00eatre le conseiller aulique se laisserait-il conseiller par moi peut-\u00eatre hegel lui-m\u00eame qui l'a connu autrefois me prendrait-il comme d\u00e9positaire de son message c'est toujours mieux que ce que dit mon mari qu'il est devenu incapable de fixer une pens\u00e9e de l'\u00e9lucider de la poursuivre de la relier \u00e0 une autre du m\u00eame ordre et de former au moyen de cha\u00eenons interm\u00e9diaires une suite ordonn\u00e9e qu'il ne parvient pas \u00e0 combler la distance qui s\u00e9pare les id\u00e9es mon mari est trop antigauchiste peut-\u00eatre qu'il a raison apr\u00e8s tout ces gens-l\u00e0 n'arriveront \u00e0 rien il vaudrait mieux les analyser une question de r\u00e9glage en somme sinon impossible de d\u00e9composer ne f\u00fbt-ce qu'un seul concept en ses \u00e9l\u00e9ments c'est comme cette histoire de drogue cette apologie \u00e9hont\u00e9e aujourd'hui du schizo je vous demande un peu o\u00f9 nous allons avec cette irresponsabilit\u00e9 g\u00e9n\u00e9rale c'est une r\u00e9volution dans la conception m\u00eame de l'exception comme si le soldat inconnu soulevait sa flamme et voulait d\u00e9filer sur les champs-\u00e9lys\u00e9es ce d\u00e9sordre vient des am\u00e9ricains et l\u00e0 je me demande si nous n'avons pas eu tort de fixer sur les \u00e9tats-unis l'innocence toujours trop rapide de la jeunesse c'est une arme \u00e0 double tranchant qui sait s'il ne vont pas d\u00e9boucher dans une anarchie folle avec gar\u00e7ons sauvages nus homosexuels d\u00e9sorganisant les jurys qui sait si notre plus s\u00fbr rempart n'est pas de l'autre c\u00f4t\u00e9 avec sens de l'air pur aisance il faudrait r\u00e9viser tout \u00e7a j'en parlais justement \u00e0 georges l'autre soir je lui disais bon oui d'accord le secr\u00e9taire g\u00e9n\u00e9ral a plut\u00f4t une sale gueule il est effrayant son menton dit tout en une seconde mais c'est peut-\u00eatre notre seule chance penses-y bien mon amour quant \u00e0 l'exemple typique de l'autre on peut dire qu'il veut affirmer quelque chose mais comme il ne se soucie pas de la v\u00e9rit\u00e9 qui ne peut \u00eatre que le produit d'une pens\u00e9e saine et ordonn\u00e9e il dit non aussit\u00f4t maintes fois j'ai pu observer le conflit fatal qui d\u00e9truit ses pens\u00e9es d\u00e8s qu'elles se forment car d'habitude il pense tout haut et m\u00eame s'il arrive \u00e0 fixer une id\u00e9e aussit\u00f4t la t\u00eate lui tourne cela ne fait que l'embrouiller davantage un tressaillement convulsif lui traverse le front il secoue la t\u00eate et s'exclame non non non il y a un ab\u00eeme immense entre lui et l'humanit\u00e9 les camarades le jugent s\u00e9v\u00e8rement malgr\u00e9 ses efforts je ne crois pas qu'il endormira jamais leur m\u00e9fiance il y a l\u00e0 un probl\u00e8me qui vient de plus loin qu'eux tous et qui si tu veux mon avis les traverse s'avance d\u00e9j\u00e0 bien au-del\u00e0 de ce qu'ils croient aujourd'hui c'est l'antique truc de l'humilit\u00e9 on ne doit pas oublier qu'il lui est rest\u00e9 une tr\u00e8s forte vanit\u00e9 une sorte de fiert\u00e9 un sentiment de sa valeur j'ai l'impression qu'il ne pourra jamais s'anonymiser dans le mouvement de masse et pourtant il dit le contraire peut-\u00eatre n'a-t-il pas si tort peut-\u00eatre que c'est lui le moins personnel mais alors c'est d'une fa\u00e7on tellement \u00e9trange immorale froide que nous la ressentons comme du m\u00e9pris nous ne sommes pas \u00e9mus aux m\u00eames moments autrefois le monde ext\u00e9rieur qui ne l'appr\u00e9ciait il est vrai qu'\u00e0 moiti\u00e9 lui \u00e9tait encore ouvert sa puissance cr\u00e9atrice et son action lui permettaient d'y jouer un r\u00f4le tandis que maintenant on dirait qu'il est pour lui seul moi et non-moi monde et homme premi\u00e8re et seconde personne et qu'il continue \u00e0 se consid\u00e9rer comme un \u00eatre sup\u00e9rieur hors pair je me demande comment il se met au lit c'est comme quand il est au piano on sent qu'il poursuit une ombre enfantine il vous la joue des centaines de fois c'est insupportable \u00e0 ceci s'ajoute qu'il est parfois pris d'une esp\u00e8ce de crampe qui le force \u00e0 parcourir les touches comme un \u00e9clair et puis il se met \u00e0 chanter impossible de savoir dans quelle langue mais avec un pathos d\u00e9chirant il pr\u00e9tend avoir toujours dix-sept ans le garagiste dit qu'il se lit des passages \u00e0 lui-m\u00eame tout haut d\u00e9clamant comme un acteur avec des airs de vouloir conqu\u00e9rir le monde se posant des questions et y r\u00e9pondant le plus souvent par la n\u00e9gative et puis de nouveau la musique encore une fois le m\u00eame air monotone la m\u00eame scie il est mal lun\u00e9 aujourd'hui il dit depuis ce matin que la source de la sagesse a \u00e9t\u00e9 empoisonn\u00e9e que les fruits de la connaissance sont des poches creuses et voil\u00e0 il va mourir doucement et sans agonie pratiquement comme tous les autres de son esp\u00e8ce ouf j'entonne l\u00e0 un grand chant sourd et r\u00e2peux et liquide et sourd nuit nuit hal\u00e8te viens passer ta main noire sur ce front br\u00fblant qui se reproduit encore et encore c'\u00e9tait lui mais c'est aussi d'autres par centaines et centaines de milliers l\u00e2chant la corde se tenant un moment \u00e0 la rambarde de fer devenant comme elle \u00e9cho m\u00e9tallique je ne veux pas laisser passer \u00e7a en silence pour que vienne ensuite le parano sp\u00e9cialiste maniant les charniers transcendant l'histoire glissant le pompeux jusqu'\u00e0 dire que l'silence approuve la grandeur humaine ou que les scorpions ignorent la roue du char qui leur passe sur le corselet agnostique bavard pour enfants nerveux traumatis\u00e9s d\u00e8s l'aurore il parle du mal de satan comme si le bateau n'\u00e9tait pas parti comme si le fleuve ne coulait pas de toutes ses rives il refait le coup du panth\u00e9on cath\u00e9drale moderne mais enfin bordel la bourgeoisie doit bien se douter que ses gros sabots sont trou\u00e9s non eh non elle remet \u00e7a en t\u00e9l\u00e9 couleur pour mar\u00e9e noire \u00e0 scandales elle croit pouvoir assurer la rel\u00e8ve de la chr\u00e9tient\u00e9 on sort des poissons on entre dans la nouvelle maison il suffit de reconduire l'odeur de broyage d\u00e9composition des corps avec r\u00e9p\u00e9tition gar\u00e7onnet ou fillette partant pour l'\u00e9cole vous n'avez pas r\u00e9ussi transmettez l'\u00e9nigme aux g\u00e9n\u00e9rations faites-vous spirale comme c'est curieux cette fa\u00e7on qu'a la roue ascendante de s'appuyer sur son point le plus bas sur ses jantes obscures ce c\u00f4t\u00e9 labyrinthe de tout ce qui na\u00eet \u00e0 la fois en retard et en avance sur l'ant\u00e9rieur qui sait sans savoir dans l'aveugle comme c'est furtif cette lumi\u00e8re dans leurs yeux qu'ils rabattent toujours trop vite vers une formule une pri\u00e8re et tu vois l'ironie de ce lieu de pierre surmont\u00e9 de croix d\u00e9charge publique aveu inconscient pendant deux mille ans long sommeil en caveaux chantiers parall\u00e8les et maintenant \u00e9coute tiens ton souffle saisis en d\u00e9rapant l'histoire qui s'ouvre se replie en un clin d'\u0153il aiguis\u00e9e br\u00fblante insatisfaite dans sa nappe unique vid\u00e9e par les ombres sois comme un chien \u00e9veill\u00e9 flash qui en m\u00eame temps n'en finirait pas de dormir ce que je te demande c'est simplement en pleine action la distance la conscience que tu fais des barres que tu bats la surface en restant pourtant trop contraint simplement la l\u00e9g\u00e8ret\u00e9 de cette insondable gratuit\u00e9 qui bat qui flue dans tes veines ton c\u00f4t\u00e9 plancton si tu veux qui vient du grec plankton ce qui erre neutre de planktos errant ou encore ton effet de prisme de prizein scier que je mets avec psallein faire vibrer les cordes ah encore ces grecs ces enfants normaux la nursery au soleil le bleu carr\u00e9ment bleu la pierre exprimant la pierre et ce fond de poudre partout \u00e0 l'aff\u00fbt marchons encore un peu les jours deviennent plus longs j'aime ce ciel rouge m\u00eame avec cette mouche d'h\u00e9licopt\u00e8re des flics qui transmettent le tout par radio je me demande comment ils d\u00e9crivent \u00e7a comment ils d\u00e9composent les couches sociales s'ils rep\u00e8rent d'ici les diff\u00e9rences les \u00eelots la proportion d'immigr\u00e9s je me demande \u00e0 quoi pense r\u00e9ellement le type qui filtre l'essentiel pour l'\u00e9tat-major s'il y a des blind\u00e9s en \u00e9tat d'alerte comment les politiques pr\u00e9parent leurs communiqu\u00e9s r\u00e8gles g\u00e9n\u00e9rales de la th\u00e9orie des jeux r\u00e9ponses directes sans surprise de la m\u00e9moire centrale stabilit\u00e9 de l'\u00e9lectorat qui baisera qui balan\u00e7oire et puisqu'on parle de la mani\u00e8re dont l'effet se parle de la dispersion ou concentration du reflet t'as vu les cadeaux qu'on fait maintenant dans les mairies au cours des mariages zola balzac stendhal par petits paquets \u00e0 mettre sur la table de nuit pour co\u00eft l\u00e9gal reproduction jouissance \u00e9quilibr\u00e9es par la phrase le rouge et le noir pour tous foyers extincteurs de poche attends je reprends mon id\u00e9e du contr\u00f4le par refoulement spontan\u00e9 il suffit que l'\u00e9tat s'engouffre dans les visc\u00e8res qu'il soit l\u00e0 patient au moment triangle de la pyramide entass\u00e9e la machine fonctionne \u00e0 bloc merde c'est pas demain la veille qu'on pourra pour soi-m\u00eame se torsader vivement son fouillis ann\u00e9e par ann\u00e9e c'est comme le retour de j\u00e9sus reparachut\u00e9 en pleine salade les mecs peinturlur\u00e9s b\u00ealants dans le pop trip communaut\u00e9s b\u00e9nies par le cardinal monloulou ce qui est \u00e9norme c'est l'air de nos camarades chinois quand ils observent ce cirque nous et eux d'un c\u00f4t\u00e9 et encore pas exactement le m\u00eame et les autres de l'autre t'avoueras qu'il faut choisir l'un des deux camps est radicalement fou tu regrettes de vivre \u00e0 cette \u00e9poque ah mais non certainement pas je crois que c'est le moment ou jamais de faire le point par tous les bouts \u00e0 la fois par tous les bords suffit de s'y mettre de pas se laisser distraire de s'attacher au m\u00e2t une fois de plus de pas se couper les ailes tu d\u00e9cides la m\u00e9fiance g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e de suivre personne tu t'appuies sur le fait que personne en voudra que chaque geste m\u00eame des plus tol\u00e9rants sera en fait un coup de couteau plus ou moins visible tu te mets dans ce cercle de feu qui veut dire simplement je suis point final t'entends le ghetto se construire \u00e0 toute allure on te demande juste un adjectif et tu le refuses il faut dire que tu vas commencer \u00e0 jouir de la vari\u00e9t\u00e9 monotone de leurs contorsions vois comme leurs yeux se pochent se cernent vois comme ils te regardent \u00e0 la d\u00e9rob\u00e9e ne manque pas le petit sourire dont ils s'assurent de leur triomphe in\u00e9luctable triomphe sur qui sur quoi c'est ce qu'ils ne sauront jamais et qui te permet de faire semblant de ne rien capter au d\u00e9but c'est un peu cahotant bien s\u00fbr tu peux t'effondrer \u00e0 chaque seconde mais ton oreille s'affine c'est leur cri que tu vas trouver un hurlement fabuleux \u00e0 s'arracher les cheveux sur place le vrai spasme de l'un de l'unique le r\u00e2le de l'unit\u00e9 le maman terrible du mourant global dans la paille a\u00efe ce cri est-ce que tu peux en vouloir \u00e0 personne de l'ensevelir sous des tonnes d'acier de grammaire de croyance ou d'obsc\u00e9nit\u00e9 n'importe quoi plut\u00f4t que cette langue de feu de l'anus au sommet du cr\u00e2ne n'importe quoi plut\u00f4t que ce chaudron bouillonnant plut\u00f4t se branler danser savoir se piquer ou rien et l\u00e0 il faut r\u00e9sister au mais c'\u00e9tait donc vrai les vieilles conneries putain c'est l'enfer soi-m\u00eame dans le fond du fond parce que \u00e7a c'est l'ultime ruse de la grande bouche apr\u00e8s quoi t'aurais le droit de venir blanchi ramoner les autres en brebis de jouer le cocu bien sage le corps revenu au lieu de partir nom de dieu tournant d\u00e9cisif sans quoi r\u00e9sum\u00e9 tr\u00e8s bref temp\u00eate dans un verre d'eau retour vingt \u00e0 l'heure par l'autoroute avec tous les vacanciers du dimanche mobilisation pour beurre triste en auto files sur le macadam circulation transports juste ce qu'il faut pour reproduire le minimum de souffle capitaliste ding la libert\u00e9 des atomes que personne n'a jamais vus la nuit je me r\u00e9veille maintenant sous l'ombre de cette sueur imm\u00e9diate r\u00e9pandue partout des pieds aux cheveux inexplicable saisie sous la douche elle dort ou elle ne dort pas elle sent passer le fil de la faux qu'elle conna\u00eet pour elle l'autre a raison de dire que finalement peu importe un h\u00e9ros qui n'a pas v\u00e9cu aussi avec une femme que les grands airs sans cette exp\u00e9rience multipli\u00e9e dans le minuscule laisse subsister le maximum d'illusions comprends comprends il nous faut la science du d\u00e9chet ultime dans l'inorganique nous devons franchir ce mur cimeti\u00e8re niagara m\u00e9canique \u00e0 tourner cuill\u00e8re toute sauce l'\u00e9ternel regard bas en haut jusqu'\u00e0 cu bas mollet genou cuisse le tic de l'esp\u00e8ce remont\u00e9 sans fin horloge des gestes dans chaque caf\u00e9 chaque rue comprends comprends comment tu es huil\u00e9 en rouages pour ce moite effet torsion jouet de sa cl\u00e9 le neuvi\u00e8me cercle au plus bas on peut l'appeler monboudif village avec confidences de la nourrice du pr\u00e9sident c'est ce bon platon qu'en s'rait hallucin\u00e9 s'il venait faire une balade de notre c\u00f4t\u00e9 autrement que dans les dissertations de philo ou plus sourds effets de manchette le conseil des sages fr\u00e9mit en retrait et alors plut\u00f4t la d\u00e9fonce le cheval la blanche plut\u00f4t la croche elle-m\u00eame et le gar\u00e7on fille saupoudr\u00e9 d'herbe drrrrrring va te faire sonner l'\u00e9tincelle reste cool sur ton tabouret flipp\u00e9 sec sniff\u00e9 et \u00e7a y est le vaste et l'eau qui suinte les mots disent difficilement ce qu'ils ont pour fin de nier dix films par seconde \u00e7a fait monter le savoir cach\u00e9 que personne n'enseignera jamais et pour cause tu creuses ta tombe avec ta queue sous le bleu du convoi horizon brouill\u00e9 et il y a au-dessus leur vague la grande vieille vague oubli de la terre promise fairest isle all isles excelling seat of pleasure and love allume le tube apprends \u00e0 patienter en n\u00e9on l'endroit est finalement tr\u00e8s comparable \u00e0 un mur graffit\u00e9 de chiottes o\u00f9 chacun se fait son fiat lux se colle au rocher et c'est vrai de la biblioth\u00e8que comme de l'usine t'as partout les traces de la solide immense main d'empoignade qui barre l'humanit\u00e9 sur terre sur mer dans les airs \u00e7a n'est pas pour rien que les plus malins ont pr\u00each\u00e9 ce truc du d\u00e9miurge l'univers entier sous la loi de l'enculeur magistral m\u00eame s'il y a cette conception plus profonde de la combinaison tourbillon fortuite m\u00eame si tu couvres le tout par l'\u00e9volution mais on sait ce qui attend les parfaits d'ailleurs marqu\u00e9s de comique b\u00fbchers allumettes flamb\u00e9es et cqfd dommage en un sens qu'on ne br\u00fble plus aujourd'hui les mecs de ce genre la guerre se passe dans la chimie c'est schnouf contre schnouf au plus pr\u00e8s du syst\u00e8me nervure filaments sans r\u00eaves \u00e9cho du brutal et l\u00e0 t'as droit au rien ne na\u00eet d'aucune mani\u00e8re bien que naissant de toutes parts \u00e7a te fait une belle jambe en plein dans ses fourmis rouges tu peux aussi te rappeler que ceux qui admettent le devenir de la pens\u00e9e ressemblent \u00e0 ceux qui voient un pas dans le ciel tiens asseyons-nous l\u00e0 un instant sous les sapins noirs prot\u00e9geant la mousse quelle belle journ\u00e9e comme \u00e7a s'embo\u00eete taches sur taches ce qu'on voit est parfois tout pr\u00e8s de ce qu'on \u00e9coute limit of the diaphane why in diaphane adiaphane if you can put your five fingers through if it is a gate if not a door shut your eyes and see c'est curieux ces co\u00efncidences on dirait qu'il y a des trous dans le sc\u00e9nario peut-\u00eatre m\u00eame dans chaque globule embrasse-moi doucement que je sente l'autre et son sens fibreux son creux sous la langue sa nourriture d'air son appel de sein d\u00e9tourn\u00e9 hors cible au fond c'est comme si on \u00e9tait conduit heure par heure par ce chiffon rouge recouvrant l'\u00e9p\u00e9e et \u00e7a bouge et \u00e7a se d\u00e9file et on y va bravement parmi les clameurs aristote aurait d\u00fb assister \u00e0 \u00e7a l'introduire dans son de caelo flusht entasse cr\u00e2ne sur cr\u00e2ne voil\u00e0 comment nous sommes ici pr\u00e8s de la terre fra\u00eechement creus\u00e9e imagine que je me coupe une boucle de cheveux que je la d\u00e9pose l\u00e0 sur ce tertre imagine que nous r\u00e9p\u00e9tions tous les anciens gestes libations invocations rituel marqu\u00e9 pour tresser le vide avant de passer \u00e0 l'action s'enfon\u00e7ant depuis le futur attends attends c'est le moment de reprendre \u00e7a de fa\u00e7on plus large la r\u00e9volution crois-moi n'aura pas \u00e0 le regretter je veux voir son masque \u00e0 d\u00e9couvert le visage \u00e0 nu dans le four quel lib\u00e9rateur brandira l'\u00e9p\u00e9e invisible o\u00f9 lame et poign\u00e9e ne font qu'un hou un flux de bile vient heurter mon c\u0153ur ceux que nous appelons savent quels orages nous emportent dans leur tourbillon comme des marins en d\u00e9tresse ou des cosmonautes d\u00e9pass\u00e9s en eux par leur sang du plus petit germe peut jaillir l'arbre du salut mais voici les empreintes analogues semblables \u00e0 celles de mes pas oui ces traces trahissent deux hommes talons contours des muscles du pied une angoisse me prend o\u00f9 ma raison succombe comme dans un crat\u00e8re de vin neuf pourquoi cacher ma pens\u00e9e quand d'elle-m\u00eame elle s'envole hors de moi bon \u00e7a suffit l'essentiel est d'y mettre le courant jauni chaud et froid du scamandre comme si tu \u00e9tais une fille offrant sa virginit\u00e9 au papa du fleuve avec les orteils dans le gravier fuyard chatouill\u00e9s par les anneaux d'eau plus bas plus bas tu t'enfonces encore plus bas dans ce temps d'espace pense aux taches de lumi\u00e8re des fusill\u00e9s sur le mur aux f\u00e9d\u00e9r\u00e9s achev\u00e9s sur toi si je dis ah c'est simplement pour marquer le pas du silence ah donc ce juin poudreux avec ricochet des balles sur la pierre aigu\u00eb je veux seulement vous parler des tas de cadavres qu'on a empil\u00e9s sous les ponts non jamais je n'oublierai cet amas de chair humaine jet\u00e9 au hasard sur les chemins de halage les t\u00eates et les membres sont m\u00eal\u00e9s dans d'horribles dislocations des tas \u00e9mergent des faces convuls\u00e9es les pieds tra\u00eenent il y a des morts qui semblent coup\u00e9s en deux tandis que d'autres paraissent avoir quatre jambes et quatre bras \u00e7a leur apprendra \u00e0 monter \u00e0 l'assaut du ciel la vue des ruines n'est rien \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de l'immense b\u00eatise parisienne le g\u00e9n\u00e9ral avait ordonn\u00e9 que ce meneur serait fusill\u00e9 au panth\u00e9on \u00e0 genoux pour demander pardon \u00e0 la soci\u00e9t\u00e9 du mal qu'il lui avait fait il s'est refus\u00e9 \u00e0 \u00eatre fusill\u00e9 \u00e0 genoux je lui ai dit c'est la consigne vous serez fusill\u00e9 \u00e0 genoux et pas autrement il a jou\u00e9 un peu la com\u00e9die il a ouvert son habit montrant sa poitrine au peloton charg\u00e9 de l'ex\u00e9cution je lui ai dit vous faites de la mise en sc\u00e8ne vous voulez qu'on dise comment vous \u00eates mort mourez tranquillement cela vaudra mieux je suis libre dans mon int\u00e9r\u00eat et dans l'int\u00e9r\u00eat de ma cause de faire ce que je veux soit mettez-vous \u00e0 genoux alors il me dit je ne m'y mettrai que si vous m'y faites mettre par deux hommes je l'ai fait mettre \u00e0 genoux et on a proc\u00e9d\u00e9 \u00e0 son ex\u00e9cution il a cri\u00e9 vive l'humanit\u00e9 il allait crier autre chose quand il est tomb\u00e9 contre nous d\u00fbt-on noyer cette insurrection dans le sang d\u00fbt-on l'ensevelir sous la ville en feu il n'y a pas de compromis possible si l'\u00e9chafaud vient \u00e0 \u00eatre supprim\u00e9 il ne faudra le garder que pour les faiseurs de barricades ce n'est pas le vice qui est dangereux mais cette sorte d'innocence de la folie ou alors l'obstination politique exemple ces femmes jeunes jolies v\u00eatues de robes de soie descendant dans la rue un revolver au poing tirant dans le tas et disant ensuite l'\u0153il charg\u00e9 de haine fusillez-moi tout de suite et toutes celles qu'on a vu ainsi ex\u00e9cuter sommairement par des soldats furieux sont mortes l'injure \u00e0 la bouche avec un rire de d\u00e9dain comme des martyres qui accomplissent en se sacrifiant un grand devoir vous vous rendez compte ch\u00e8re amie comme on peut compter sur les domestiques salope de bourgeoise fran\u00e7aise j'ai pour elle tu sais un d\u00e9sir de meurtre infini c'est elle qui a enferm\u00e9 le marquis c'est elle qui a tir\u00e9 dans la nuque des communards c'est elle qui prenait le th\u00e9 avec les nazis c'est elle qui tient la consommation sous son casque chez son coiffeur \u00e0 la messe nom de dieu comme j'aimerais qu'on en finisse avec ce maquillage cette laque cette cr\u00e9maill\u00e8re certes c'\u00e9taient d'atroces sc\u00e9l\u00e9rats des assassins des incendiaires pas int\u00e9ressants \u00e0 coup s\u00fbr mais dans cet \u00e9tat des b\u00eates m\u00eame auraient inspir\u00e9 la piti\u00e9 des \u00e2mes compatissantes apport\u00e8rent des seaux d'eau pourquoi ont-ils eu cet acharnement dans la d\u00e9fense c'est que dans cette guerre le peuple fait lui-m\u00eame sa guerre la m\u00e8ne en personne n'est plus sous le joug du militarisme cela amuse ces hommes les int\u00e9resse o cit\u00e9 douloureuse o cit\u00e9 quasi morte ils sont gais car ils sont braves ces mis\u00e9rables sont h\u00e9ro\u00efques un homme tenait un drapeau rouge debout sur un tas de pierres en s'appuyant contre un tonneau derri\u00e8re lui fain\u00e9ant lui cria un camarade non r\u00e9pondit-il je m'appuie pour ne pas tomber quand je serai mort ils sont ainsi ni plainte ni cri et il faut se rappeler que marat \u00e9tait fort parce qu'il \u00e9crivait ce qu'il avait entendu dire au milieu de la population laborieuse j'entends parler d'assassinat qui ose prononcer ce mot quand c'est le peuple qui agit lui qui depuis dix-huit si\u00e8cles est assassin\u00e9 quand il ex\u00e9cute ceux qui depuis dix-huit si\u00e8cles l'ont assassin\u00e9 vous appelez ces ex\u00e9cutions des assassinats arri\u00e8re donc 1792 1870 quatre-vingts ans d'intervalle seulement entre ces deux dates la vie d'un vieillard mais de ce berceau \u00e0 cette tombe dix si\u00e8cles ordinaires ont trouv\u00e9 place et voil\u00e0 encore un si\u00e8cle tiens ils se sont remis \u00e0 chanter les dates les dates les dates tu sais qu'on a longtemps enseign\u00e9 que la terre avait disons cinq \u00e0 six mille ans d'existence maintenant on sait qu'il faut cinq milliards et puis les cycles les montagnes le creusement des vall\u00e9es pas \u00e9tonnant ce mal de cr\u00e2ne \u00e0 travers les condamnations le sac \u00e0 censure une raison en enfer voil\u00e0 le titre du rouleau b\u0153uf \u00e2ne cheval chariot char charrue constitution du moteur au fond nous sommes un peu l\u00e0 comme les deux types sur la lune envoie la cam\u00e9ra les photos passe-moi la pelle ou l'aspirateur le probl\u00e8me n'est pas du tout celui du h\u00e9ros mort pas question de faire les pleureuses c'est plut\u00f4t une exp\u00e9rience scientifique que du th\u00e9\u00e2tre \u00e9teint dans le temps \u00e7a va les ennuyer ce grand flot c'est vrai qu'ils ne sont pas tr\u00e8s contents d'\u00eatre au monde hein \u00e0 part quelques fantaisies ou quelques desserts c'est vrai qu'\u00e7a leur fait peur cet \u00e9miettement quotidien du tissu sensible douleur des gencives aux reins du foie \u00e0 l'\u00e9paule y en a qui s'enfermeraient dans les maths pour moins que \u00e7a y en a qui pr\u00e9f\u00e8rent foncer dans la danse ah le ballet vieux rite regarde ce que font les r\u00e9visos du bolcho\u00ef le coup des l\u00e9gions romaines peplums collants pour sortir les fesses sylphides ondulant des bras au chevet du christ le bidet des cygnes solides \u00e9treintes des m\u00e2les sur vaincu muscl\u00e9 femelle allumeuse pour l\u00e9gionnaire \u00e0 tutu et personne personne pour simplement \u00e9clater de rire quand la danseuse \u00e9toile upper class vous parle du chant int\u00e9rieur de la liaison des bras aux mollets montre bien ton cu eh spartacus que le bourgeois jouisse au parterre montre bien le cu de la patrie des soviets l'art est \u00e9ternel pour eux aussi alors c'\u00e9tait bien la peine de s'exciter sur le communisme rien ne se d\u00e9veloppe de fa\u00e7on g\u00e9n\u00e9rale camarade tout va et vient il y a des perc\u00e9es reflux \u00e7a n'avance pas comme un d\u00e9fil\u00e9 revendicatif pense \u00e0 la tendance g\u00e9n\u00e9rale c'est de cette ligne partout bris\u00e9e ferme qu'il faut partir maintenant de ce corps distendu \u00e9cartel\u00e9 demandant \u00e0 se retourner sans arr\u00eat sommes-nous de ce monde est-ce que tu te reconnais l\u00e0-dedans est-ce que ce corps est le tien oui tu es s\u00fbr en dehors de l'exploitation non non rien qu'en elle j'en poursuis jour et nuit l'insinuation la pente je n'ai pas \u00e0 \u00eatre cet effet d'organes contre tout et tous je m'obstine \u00e0 dire que je suis d'ailleurs et c'est pour \u00e7a franchement que j'accepte jusqu'au bout l'entr\u00e9e de la lutte des classes \u00e7a ne touche en moi aucun int\u00e9r\u00eat aucune arri\u00e8re-pens\u00e9e pas de compte en banque pas d'ob\u00e9lisque subjectif \u00e0 polir je cherche les points d'interventions petit doigt pied droit lobes d'oreilles poignets haut d'\u00e9paules je suis vraiment sur le coup depuis des ann\u00e9es longeant tout des jambes \u00e0 la nuque \u00e7a fait de plus en plus canot pneumatique filet atch ce c\u00f4t\u00e9 chien comprenant son os atch cette moelle d'heures dans la veille entends la rumeur entends notre obstination \u00e7a ne sert \u00e0 rien de se mettre sous la loi des flics des cur\u00e9s de se branler \u00e0 jouir rapidement devant eux pour qu'ils interviennent \u00e7a ne sert \u00e0 rien de viser l'exclusion r\u00e9p\u00e9t\u00e9e mieux vaut aller plus profond voir d'o\u00f9 \u00e7a vient en quoi et de quoi c'est fait vers o\u00f9 \u00e7a d\u00e9rive renonce d\u00e9tache-toi lutte mieux quitte le bal o\u00f9 le juge danse coll\u00e9 contre son transgresseur pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 enfonce-toi laisse-les t'en as rien \u00e0 foutre et tes \u00eeles te recevront en montant au large comme un troupeau joyeux de baleines salut toi qui as os\u00e9 ils disent qu'on te voit partir \u00e0 regret mais ton vent c'est leur vif de base ton courant c'est leur spasme vibrant de rejet alors ne leur mets plus la main sur leurs bouches navigue passe ouvre-toi d\u00e9borde-toi ne te garde pas qu'est-ce qu'ils peuvent \u00eatre chiants avec leurs histoires de formes cu tourn\u00e9 vers la grande autruche toujours l'\u0153uf pondant du d\u00e9sert l'ancestrale manie du f\u00e9tiche pi\u00e9tin\u00e9 sur place avec t\u00eate \u00e0 glands engendrant ses glands l'\u00e9tat c'est moi disent-ils sans fin \u00e0 l'\u00e9tat qui n'en demandait pas tant pour rester l'\u00e9tat dans son moi coup du dieu jaloux dans la barbe de son mo\u00efse le j'veux pas l'savoir d'l'adjudant sorti d'l'a nature pour se faire la main non non c'est plus compliqu\u00e9 plus souple et finalement plus doux oui parce que plus cruel et si \u00e7a me pla\u00eet \u00e0 moi d'aller regarder cinq minutes celui dont la t\u00eate et les cheveux sont blancs comme de la laine la neige celui dont les yeux sont comme une flamme de feu les pieds d'airain dans une fournaise et la voix comme le bruit des grosses eaux si \u00e7a me pla\u00eet de lui compter ses sept \u00e9toiles son \u00e9p\u00e9e \u00e0 double tranchant et voil\u00e0 qu'son visage \u00e9claire comme le soleil je tombe \u00e0 ses pieds il faut savoir s'\u00e9vanouir d'un bloc toute allure ici les copains ne sont pas contents ils veulent qu'un mec soit comme napol\u00e9on \u00e0 cheval et coul\u00e9 en bronze m\u00eame topo pour les filles elles trouvent que c'est pas viril sauf si l'affaire prend un air ambigu cheveux longs et voiles parce qu'alors la question peut se poser de savoir s'il l'a s'il l'a pas encore mieux s'il peut chanter le suave en rythm\u00e9 donc d\u00e9j\u00e0 la s\u00e9quence leur d\u00e9pla\u00eet le sens les fait courir en danseuses ce qui m'enchante sera sans fin la torsade des d\u00e9n\u00e9gations et lui met sa main droite sur moi c'est-\u00e0-dire que je me la mets moi-m\u00eame mais d'une fa\u00e7on un peu sp\u00e9ciale qu'il serait vraiment trop long d'expliquer mais qui en tout cas passe par un saut qualitatif assez important pour garder le deux du un se divise en deux et il me dit t'en fais pas je suis le premier et le dernier on a par cons\u00e9quent le temps de causer ensemble je suis vivant j'ai \u00e9t\u00e9 mort mais maintenant je suis vivant de la fa\u00e7on dont tu n'arr\u00eates pas de te douter sacr\u00e9 intuitionniste de choc apr\u00e8s quoi vas-y dis-leur ce que t'as \u00e0 dire sans fioritures et t'auras droit au bonbon des si\u00e8cles j'ai lu ton machin c'est pas mal je sais qu't'as pas gagn\u00e9 des tonnes de bl\u00e9 avec \u00e7a j'ai entendu les calomnies sur ton compte dis-moi mais c'est gratin\u00e9 ce qu'on te passe dans tous les recoins le serpent t'en veut personnellement camarade mais celui qui vaincra n'a rien \u00e0 craindre de la seconde mort d'ailleurs ils ne peuvent pas grand-chose contre ma fus\u00e9e sol sol sol air que celui qui a des oreilles \u00e9coute et qui sait lire doit voir le sens cach\u00e9 expr\u00e8s pour lui reconna\u00eetre le flux \u00e9ternel invisible anna peranna encore que le corps le plus poli soit celui qui pr\u00e9sente le plus grand nombre d'asp\u00e9rit\u00e9s tu les affoles avec tes proph\u00e9ties paraboles all\u00e9gories en plein c\u0153ur social ils n'arr\u00eatent plus de jouer au portrait chinois de se deviner les uns les autres mais moi je te donnerai \u00e0 manger de la manne cach\u00e9e et une pierre blanche avec un nom pour toi seul car tu as un certain nombre de choses \u00e0 mettre au point sur la fornication g\u00e9n\u00e9rale substantielle ou non substantielle et sur les idoles qu'ils n'arr\u00eatent pas de d\u00e9couper sous leurs draps tiens prends ma sonde elle fait les reins les c\u0153urs les couilles la matrice et le portefeuille et puisqu'ils croient faire des \u0153uvres alors \u00e0 chacun selon ses \u0153uvres \u00e7a permettra de briser quelques pots en passant fixe-toi sur l'\u00e9toile du matin moi je viens comme un voleur on ne sait jamais \u00e0 quelle heure quand j'arrive \u00e7a devient tout p\u00e2le et si j'ouvre personne ne ferme si je ferme je voudrais bien savoir qui pourrait l'ouvrir il vaudrait mieux donc qu'ils la ferment mais c'est plus fort qu'eux \u00e7a leur sort par les pores par chaque pli de la bouche au coin des narines et la porte que j'ai ouverte devant toi personne peut la rabattre parce que m\u00eame faiblard comme tu es isol\u00e9 tu as retenu ma parole tu n'as pas renonc\u00e9 \u00e0 mon nom tu juges \u00e0 juste titre inutile d'\u00e9crire dans l'abstrait pour rien et dans le concret pour pas grand-chose et il faut que ceux qui se disent juifs mais qui ne le sont pas et qui mentent sachent que je t'aime confr\u00e8re jew jewel et tu pourras \u00eatre un exemple de colonne pleine de nouveaux noms pas cochons du tout et vous qui n'\u00eates ni froids ni bouillants vous feriez mieux de brancher plus fort votre frigidaire ou d'augmenter s\u00e9rieusement votre gaz la ti\u00e9deur a tendance \u00e0 me faire vomir donc je suis \u00e0 la porte et si quelqu'un entend ma voix et me fait entrer je veux bien d\u00e9jeuner avec lui et faire le point de la situation g\u00e9n\u00e9rale et m\u00eame d\u00e9mocratiquement sans tr\u00f4ne mais pas sans musique pas sans trompette monte ici et tu verras ce qui va arriver ensuite n\u00e9cessit\u00e9 de l'alliance entre la classe ouvri\u00e8re et les intellectuels ah je suis de nouveau ravi dans le langage soupl\u00e9 dans son arc-en-ciel \u00e9meraude et schlaf \u00e0 moi les vingt-quatre vieillards avec leur c\u0153ur d'or et poum voil\u00e0 les \u00e9clairs les tonnerres les voix et sept sens deux de plus que pour vous ch\u00e9ris et la mer de verre comme du cristal et les quatre directions animales pleines d'yeux devant et derri\u00e8re c'est toujours mieux que votre cin\u00e9ma si \u00e7a me pla\u00eet de voir un lion un veau un homme ou un aigle avec six ailes et regard tournant dehors et dedans jour et nuit avec le pr\u00e9sent imparfait futur sur le m\u00eame rythme quel toboggan mes agneaux vous n'imaginez pas le message et tous les canaux diffuseurs mais on pourrait dire aussi bien que c'est l\u00e0 que le ver s'introduit dans le fruit et les emp\u00eache \u00e0 jamais d'\u00eatre autre chose que leur minable piston narcissique se poussant moi moi in saecula saeculorum amen donc je comprends de mieux en mieux la turbine j'y vois mieux sur le rapt du commencement \u00e0 la fin causez d'inconscient \u00e7a vous f'ra passer le temps en famille moi je parle du d\u00e9tournement d'avant de l'avant que celui qui a l'\u00e9tincelle s'\u00e9claire de la retenue \u00e0 la source dont ils ne se doutent pas visc\u00e9ralement c'est tout autre chose un combat ici au couteau entre ce qui me traverse et le front but\u00e9 appel\u00e9 jadis d\u00e9moniaque ne croyez pas une seconde les endormeurs qui vous disent que rien n'est moins vrai le terme proph\u00e8te appara\u00eet vers 980 \u00e0 propos de passion pris au sens physique c'est au douzi\u00e8me qu'on dit proph\u00e9tie du grec proph\u00eat\u00eas litt\u00e9ralement qui dit d'avance vous v\u00e9rifierez vous-m\u00eames du moins ceux d'entre vous qui ne sont pas trop enracin\u00e9s d'o\u00f9 me vient cette insolence je ne sais pas oui elle est vraiment sans limites oui elle rend ma t\u00eate plus dure qu'un diamant quel caillou j'en ai la gueule emport\u00e9e d'avoir aval\u00e9 ce hors-d'\u0153uvre qui est digne d'ouvrir ce volume et d'en d\u00e9lier les sceaux je vous demande un peu de nos jours faut-il se mettre \u00e0 pleurer parce que personne ne peut regarder dedans faut-il devenir ce mouton \u00e0 sept cornes sp\u00e9cialiste de la lecture sans quoi qu'est-ce qu'on lit sinon sa petite envie sous pipi allons bienvenue ici avec harpes et coupes d'or parfum\u00e9es rythmiques il est temps de se laver un peu m\u00eame avec le meilleur savon et tous les parfums d'arabie nos mains finiraient par sentir un peu trop le sperme la merde \u00e7a existe c'est entendu mais y a pas de quoi en faire une marmite ou le plat unique l'important au-del\u00e0 du sang c'est d'passer \u00e0 travers toute tribu toute langue tout peuple toute nation allons remuez-vous un peu votre vue est basse personne n'a jamais dit que le mat\u00e9rialisme dialectique devait se limiter \u00e0 la main au panier pour un oui ou un non d\u00e9ployez un peu votre carte rouvrez les livrets que l'op\u00e9ra recommence de long en large hop hop montrez-vous la totalit\u00e9 avec mille d\u00e9sirs vous arrivez en chinois \u00e0 miao autrement dit la merveille tandis que simultan\u00e9ment sans d\u00e9sir ce sera tchao le trou les orifices et les mots tombent de la loi venant d'harmonie d\u00e9riv\u00e9e elle-m\u00eame de la correspondance g\u00e9n\u00e9rale comme le couvercle s'adapte \u00e0 la lessiveuse bon \u00e7a va pour l'instant qu'est-ce que tu en penses pas mal peut-\u00eatre que tu pourrais un peu pousser la critique de j\u00e9sus christ superstar y a tout un public de zonards qui risque ici de pas suivre une masse de p'tits mecs paum\u00e9s tu prends les choses d'un peu loin \u00e9coute la manif c'est la toile de fond il faut prendre l'histoire pour eux au niveau des cars de flics de la bourgeoisie au niveau des discours r\u00e9visos cur\u00e9s alignant leurs mots de notaires p\u00e8gre p\u00e9d\u00e9s tar\u00e9s d\u00e9prav\u00e9s drogu\u00e9s ah les cols blancs du parti tu te rends compte qu'ils interdiraient hugo si \u00e7a s'trouve et bien entendu baudelaire s'il \u00e9tait vivant de leur temps imagine la gueule de proust voyant passer sous ses fen\u00eatres les mecs et les filles avec leurs banderoles criant sodome gomorrhe le combat continue il regarde \u00e9coute se retourne vers sa gouvernante fran\u00e7oise c'est le temps retrouv\u00e9 apportez-moi tout de m\u00eame un ch\u00e2le imagine ce que devient dans ses conditions la correspondance gide Claudel faut-il publier corydon quelle \u00e9poque mais attention pas d'erreur est-ce que \u00e7a baisse est-ce que \u00e7a remonte est-ce que c'est la fin de l'empire romain o\u00f9 sont les nouveaux primitifs dans nos r\u00e9gions \u00e9cole d\u00e9cadente a \u00e9t\u00e9 pris comme titre d'une \u00e9cole litt\u00e9raire vers 1885 d'apr\u00e8s le vers de verlaine je suis l'empire \u00e0 la fin de la d\u00e9cadence or les choses sont pour ainsi dire pires et meilleures \u00e7a d\u00e9pend \u00e9videmment de ton point de vue ce qui n'emp\u00eache pas qu'il faut rendre compte au maximum de tous les sympt\u00f4mes se ram'ner partout dans le glissement et quand tu les entends crier ta r\u00e9volution tu peux t'la foutre au cu elle fait pas jouir l\u00e0 tu peux \u00eatre s\u00fbr que \u00e7a tire \u00e0 droite pauvres cons comme si jouir \u00e9tait le dernier mot du bordel comme si \u00e7a n'remettait pas en selle son \u00e9cho contraire son circuit de montagnes russes comme si la ruse de la raison n'\u00e9tait pas infinie comme si y avait des si\u00e8ges \u00e9jectables hors histoire cet endroit est d\u00e9cid\u00e9ment commode on ressemble \u00e0 deux corbeaux pleins de la folle sagesse du futur \u00e7a me donne envie d'\u00e9couter un disque des grateful dead par exemple dark star c'est le lieu id\u00e9al pour nager entre blanc et noir quel tableau si les dalles s'ouvraient pour une seconde avec frisson g\u00e9n\u00e9ral sur l'oc\u00e9an de squelettes qu'est-ce que la pens\u00e9e qui ne l'a pas comme objet liquide qu'est-ce que \u00e7a veut dire ne pas y penser ah merde voil\u00e0 la douleur qui repart dans les dents les tempes sous la nuque la douleur tu comprends c'est comme la jouissance \u00e9tendue d\u00e9nombr\u00e9e temporalis\u00e9e palpable qui a dit qu'on ne pouvait pas l'\u00e9crire mais si en souffrant longtemps petit feu \u00e9lanc\u00e9 points vifs c'est l\u00e0 que tu vois qui travaille ou bien qui bavarde et le mouvement est toujours double poussant d'un c\u00f4t\u00e9 retenant de l'autre ce qui fait que personne n'a raison ou que tout le monde a raison d'un certain c\u00f4t\u00e9 allum\u00e9 mais seul l'extr\u00eame en levier dur\u00e9e a raison en fait la pratique du temps futur eh oui \u00e7a se d\u00e9ploie \u00e7a va alimenter l'horizon pour venir souffler ici m\u00eame voil\u00e0 bien pour moi et pas pour moi une seconde voil\u00e0 sur le parterre fleurs cet effet de f\u00e9mur qui bout la m\u00e2choire est un sympt\u00f4me parfaitement d\u00e9crit dans les manuels t'as droit au beau titre revaloris\u00e9 de schizophr\u00e9nie et il faut dire que les autres sont tous dans l'autre camp avec leurs contrats crois\u00e9s leurs alliances dont tu fais les frais o tapis roulant poudroyant leurs complots leurs secrets d'\u00e9tat qui te font marrer o deep river tu les portes les charries les roules dans tes chutes brusques tu les laisses flotter en toi comme des hippopotames qui viendraient de temps en temps en surface ouvrir leur grisaille et flapper b\u00e2iller leur et moi et moi \u00e0 quel point tu peux leur parler sans fin d'eux \u00e7a n'est pas croyable tous psychiatres en puissance dont il faut bien entendu \u00e9couter les confidences les projets les souvenirs o deep end t'es encore plus large que leur grande maman proverbiale dans laquelle ils aspirent tous \u00e0 rentrer m\u00eame que t'as vu sortir le vieux bitenfer en personne qui joue depuis au monarque au chef d'entreprise et la toujours plus fra\u00eeche m\u00f4me casse burettes jeune moissonneuse-batteuse du fond de l'esp\u00e8ce et toutes les vari\u00e9t\u00e9s de chass\u00e9s-crois\u00e9s du pareil \u00e0 l'autre et de l'identique au semblable roulette chemin de fer canot \u00e0 voile \u00e0 moteur t'en es pas \u00e0 un tourbillon pr\u00e8s dans ta course impassible \u00e9mue d'amazone congo parana yang ts\u00e9-kiang amour tu sais aussi pr\u00e9parer soigner les d\u00e9bris les restes il suffit d'aimer ta cuisine que celui qui a soif vienne que celui qui voudra de l'eau vive en prenne gratuitement ce qui m'int\u00e9resse le plus est cette plong\u00e9e du cerveau en dessous d'\u00e9ponge flip flap laissant couler son argile en lui et sous lui baisse de la pression lambeaux mi-sonores qui voit l\u00e0 une phrase toi oui ah vraiment quand peux-tu d\u00e9couper extraire qu'est-ce qui se tient autour si tu coupes qu'est-ce que c'est cette histoire d'\u00e9nonc\u00e9 o\u00f9 avez-vous trouv\u00e9 cet objet magique du genre paul attend marie la grand-m\u00e8re de pierre a du poil au menton laissez-moi rire alors que tout croule en m\u00eame temps sans bouger sans eau sans substance alors que le vide oblige tout \u00e0 fluer alors que \u00e7a fait mati\u00e8re chute par mati\u00e8re chut\u00e9e seuls des filaments en surface et toi surface en surface laissant ton personne r\u00e9sonner s'ouvrir c'est pas pour rien que les quantit\u00e9s finies sont dites comme engendr\u00e9es par un courant continu ligne par point surface par ligne solide par surface coll\u00e9s l'un \u00e0 l'autre avale-moi mange-moi d\u00e9membre-moi file-moi ton souffle ton haleine ta gorge donne-moi ton nez parfum\u00e9 avec doigt dans l'cu et bite \u00e0 ras bord ce qu'elle peut \u00eatre noire chaude blonde noire vibrante la langue toujours point\u00e9e d\u00e8s qu'elle ouvre noir les yeux plus brillants \u00e0 cause de l'herbe et \u00e7a me rappelle au coin du feu quand \u00e9tait-ce jamais peut-\u00eatre et o\u00f9 dans cette ville non mais si j'ai l'impression maintenant d'un trou de province \u00e9tait-ce un abri l'\u00e9t\u00e9 l'immeuble d\u00e9sert nus sur le parquet on dirait qu'elle vient des cyclades de l'ancienne \u00e9g\u00e9ide disloqu\u00e9e aux temps tertiaires je ne sais pas c'est peut-\u00eatre les chevilles ou les clavicules le c\u00f4t\u00e9 brillant froid chaud dents souffle noir ou corn\u00e9e de l'\u0153il l'\u00e9cho r\u00e2l\u00e9 un peu dans la voix la conscience noire du cr\u00e2ne \u00e7a vient quand \u00e7a doit venir c'est toujours v\u00e9rit\u00e9 de l'\u00e9clat de rire on n'a rien on ne garde rien tous les gestes sont seuls dispers\u00e9s et du m\u00eame coup r\u00e9pondus sur place pars disparais reviens aucune importance la l\u00e9g\u00e8ret\u00e9 est sans bornes tu entends sans bornes et j'ai r\u00e9chauff\u00e9 ses pieds dans la neige on a \u00e9t\u00e9 bourr\u00e9s comme des vaches d\u00e9fonc\u00e9s \u00e0 mort avec \u00e9clatements r\u00e9ciproques bien tenus bien nets secou\u00e9s comme des \u00e9toffes aux fen\u00eatres mont\u00e9e tremblements mar\u00e9e tout le truc y a pas \u00e0 dire la rencontre un sur deux milliards \u00e7a existe le coup du cosmos c'est la chance quand on s'y attend le moins j'ai jamais compris comment elles deviennent pas folles avec leur mou glissant sous les jupes humectant la culotte sur les tabourets et au fond elles le sont et eux c'est pareil mais en plus gros plus diff\u00e9renci\u00e9 plus monotone aussi c'est normal parce que moi si je me retenais pas je foutrais tout \u00e7a en l'air en une seconde surtout les bo\u00eetes aux lettres c'est mon vice les ptt je ne crois pas qu'on puisse s\u00e9rieusement se d\u00e9barrasser du vieux rideau \u00e0 lanterne du vie mort m\u00e8re masque tir\u00e9 jusqu'aux dents regarde comme ils avancent \u00e0 la queue leu leu dans le jardin eh sot d'homme go more en lesbosse c'est la procession fafourmilli\u00e8re autour du massif \u00e7a fait une plombe qu'ils se tra\u00eenent sur notre berge avec leurs cantiques laisse-les tourner essaye simplement de les encercler ne mets pas plus d'un pied dans leur ronde et pour revenir au point vif apprends \u00e0 transpirer tout contre elle emm\u00ealement bouche oreille cu con clitoris queue pointill\u00e9s des lignes secoue net la crini\u00e8re enti\u00e8re du syst\u00e8me comme le chiffon dans le vent mouille fais mouiller la sonnette la serpilli\u00e8re rassemble ton feu en mont\u00e9e tu touches l\u00e0 l'empreinte discorde n\u00e9cessit\u00e9 je peux dire que j'ai pass\u00e9 ma vie \u00e0 regarder par les fen\u00eatres les arbres visibles depuis l'\u00e9cole je peux dire que je suis n\u00e9 ainsi de quelques nuits avec regard brusquement dehors en allant pisser quelle paume quelles tempes moites quel creux alors dans les villes sur les toits de zinc autour des n\u00e9ons fourr\u00e9s par le froid la chaleur des feuilles un coup d'\u0153il avant de rejouir dans l'application de la question m\u00eame \u00e0 m\u00eame for\u00e7ant l'autre \u00e0 l\u00e2cher son tr\u00e9buchement sloup overdose de tirer correctement le corner \u00e7a c'est le vrai exil n'importe o\u00f9 n'importe quelle heure le r\u00e9el exil du nombril y en a que j'ai fait sauter seulement en leur mettant le doigt l\u00e0 sur le souvenir chiffr\u00e9 du cordon l\u00e0 tu rentres dans leur privaut\u00e9 en voiture c'est encore mieux tu peux appeler \u00e7a sonner \u00e0 la porte l'interpellation osseuse c'est pas une question de chair c'est toujours plus sec plus soufr\u00e9 tu peux mordre et tirer la langue jusqu'\u00e0 ce que tu sentes le bassin craquer le plus int\u00e9ressant c'est quand on essaye de leur expliquer le secret de la m\u00e9canique r\u00e9ponse tringle-moi d'abord en train-train on verra ensuite si t'as le droit de parler je m'ouvre mais bouche cousue est-ce que tu m'aimes de toute fa\u00e7on ce que tu as \u00e0 dire n'est pas tr\u00e8s s\u00e9rieux on l'a repouss\u00e9 devant moi d'un geste en salle de r\u00e9daction l'un des types a dit c'est compl\u00e8tement con son truc \u00e7a veut rien dire c'est n'importe quoi tiens du coup je mettrais bien les mains aux fesses de sa bonne femme et elles la plupart se r\u00e9sume par viens dedans si t'es un homme sois p\u00e8re et tais-toi sinon t'auras droit aux \u00e9lectrochocs d\u00e9plaisir trente quarante fois par jour machin me l'a dit il imite il \u00e9crit sans risques son langage est trop volontaire nous on aime que \u00e7a aille jusqu'au bout que l'auteur soit enferm\u00e9 pour de bon qu'il risque pas de venir d\u00e9mentir les th\u00e8ses ils se rendent pas compte qu'\u00e9crire est dormir d'un sommeil plus profond donc \u00eatre mort et moi je dis que chez eux le travail de liaison se fait pas que quelque chose est inflig\u00e9 au langage peut-\u00eatre un trop grand papa double face dogme r\u00e9gression corps \u00e0 corps que pour eux l'impossible est au fond le sujet allum\u00e9 d'ailleurs qui mais qui donc oh qui comment serait-il quelqu'un sinon perte disparition bonsoir et comment leur demander de le reconna\u00eetre ils prennent \u00e7a pour une plaisanterie ou du d\u00e9sespoir alors que roulement klaxon sourd \u00e9cartant les voiles j'aime assez quand le malaise le malentendu gagnent en \u00e9paisseur il faut que le tourbillon s'y fasse peut-\u00eatre qu'ils vont m'obliger \u00e0 me flinguer pour finir accus\u00e9 comme je suis de vouloir le deux en m\u00eame temps de proposer la scission ils y voient du manich\u00e9isme alors que leurs borborygmes ne font pas la multiple voix une et li\u00e9e multiple divis\u00e9e li\u00e9e disant l'un multiple le non-un le toujours et jamais multiple oh mon vide toi seul fid\u00e8le j'irai m\u00eame jusqu'\u00e0 dire tendre et fid\u00e8le et coupant horrible doux ponctuel terrifiant amical doux fid\u00e8le et pr\u00e9sent tra\u00eetre et absent c\u0153ur d'\u0153il vide mont\u00e9 sur couilles bite vides pas \u00e0 remplir \u00e0 combler mais vidant tout vidant et moi je dis qu'ils sont tous fascistes personne comprend ma doctrine du ni l'un ni l'autre et de l'un et l'autre et puis merde on s'en fout c'est sans doute cet \u00e9pileptique est-ce bien lui qui a eu raison en disant que le seul moyen c'\u00e9tait de beaucoup souffrir et le jeune \u00e9crivain repartit en se disant que le vieux devenait g\u00e2teux que d'ailleurs il \u00e9crivait maintenant comme tout le monde \u00e7a c'est d\u00e9j\u00e0 fait cent fois et d\u00e9finitivement par x et y or moi la v\u00e9rit\u00e9 j'ai le droit de mentir dans la forme qui me chante si vous voulez des accents mettez-les vous-m\u00eames c'est du sens et de l'histoire et du sens histoire et de l'histoire sens dans l'histoire que j'vous cause bande de noix \u00e0 la petite semaine j'ai mon cycle \u00e0 moi mes d\u00e9p\u00f4ts et on verra bien qui prend son \u00e9lan de plus loin s'agit pas de r\u00e9p\u00e9ter le robinet du hoquet de rester dans la tubulure faut plut\u00f4t s'claquer qu'autre chose mais le jour se l\u00e8ve quoi de mieux en mieux non de plus en plus l\u00e8ve faut surtout habituer l'ensemble \u00e0 \u00eatre poitrine main souffle voix foutre ambiant clarifi\u00e9 en force je vous dit salut ouais le salaud salut en personne c'est pas le bisexe qui me retient vois plut\u00f4t du pays qu'ils disent mon \u0153il ma table est une parcelle de nature lib\u00e9r\u00e9e pour ce qui est de la signification je suis d'accord avec vous sur le principe sur prol\u00e9tarien et tout mais sur la d\u00e9pense le tapis volant j'ai deux ou trois petites choses \u00e0 esquisser dans notre int\u00e9r\u00eat le prenez pas mal c'est pas dramatique ah non rien \u00e0 faire voil\u00e0 qu'ils s'\u00e9nervent qu'ils deviennent tous chouette poule b\u0153uf ou paon faites pas les animaux quoi je suis un caillou c'est vrai mais enfin je suis aussi la rivi\u00e8re rien \u00e0 faire voil\u00e0 qu'ils se renversent qu'ils ouvrent les jambes ils veulent absolument l'organique pas de poudre pas d'\u00e9cho sans bords mais si \u00e7a pense tout le temps j'fais quoi moi nom de dieu j'y fonce or ils prennent justement pour base ce que je passe ma vie \u00e0 envoyer pa\u00eetre comment voulez-vous qu'on s'entende dans ce terrain vague si t'allumes pas ton vrai berb\u00e8re tu seras priv\u00e9 de d\u00e9sert soyons s\u00e9rieux on peut dire que kafka est mort sous la loi en la faisant agir jusqu'au bout l'enfer familial est une faible id\u00e9e de la colonie p\u00e9nitentiaire quelle vie quelle plaie de camper ainsi sur leur bord merdeux moulinette et la guerre des sexes temp\u00e9r\u00e9e par le schlourf ou la sublime dans l'impersonnel et les impr\u00e9cations m\u00e9nopauses les croyances d\u00e9biles de l'anomalie ils en sont encore l\u00e0 moi je refuse que le sperme soit sanctionn\u00e9 poin\u00e7onn\u00e9 en tickets quel que soit l'programme je veux \u00eatre seul c'est compris seul quand je veux aussi baign\u00e9 a\u00e9r\u00e9 qu'au premier matin \u00e7a devient clair maintenant oui on a l'impression que tu ne fais plus de diff\u00e9rences parmi les autres tu comprends c'est insupportable on dirait que tu transformes tout en ciment plus la moindre couleur dans tes jugements eh oui je fais plus le d\u00e9tail je sais \u00e0 quoi m'en tenir sur leur d\u00e9sir ou pas que ce soit transcrit merde j'aurais jamais cru que \u00e7a entra\u00eenerait des bombardements pareils c'est la grande armada en piqu\u00e9 hyst\u00e9rophobie parano perverse avec ses secr\u00e9taires obsessionnels dans les coins bordel qu'est-ce qu'ils en veulent faut croire que \u00e7a leur pla\u00eet pas mais alors pas du tout g\u00e9n\u00e9ral amiral colonel galons de ces dames le mouvement s'acc\u00e9l\u00e8re depuis la fin du dix-huiti\u00e8me tiens disons par exemple depuis 1784 fondation de la soci\u00e9t\u00e9 asiatique de calcutta qu'est-ce qu'on fout encore l\u00e0-dedans c'est pr\u00e9cis\u00e9ment ce que je te demande oh ces reflux la canne de nietzsche de nouveau le coup de la s\u0153ur bon n'y pense plus d\u00e9tends-toi tu vois bien que \u00e7a te rend fou reviens reviens sur les fleurs tiens prends cette jonquille cale-toi contre le caveau dans la mousse est-ce qu'ils chantent encore non on dirait que tout est fini j'aper\u00e7ois l\u00e0-bas des drapeaux rouges ils ont d\u00fb en laisser quelques-uns parmi les couronnes il commence \u00e0 faire sombre \u00e0 moi la pioche \u00e0 moi la pelle \u00e0 moi le blanc linceul un trou dans la terre o\u00f9 l'on g\u00e8le j'y descendrai sans qu'on m'appelle on dort bien mieux tout seul alexandre est mort alexandre tourne en poussi\u00e8re pourquoi ne pas s'en servir comme bouchon vas donc dire \u00e7a \u00e0 ta petite amie tu verras sa gueule eh je crois qu'il fait tout \u00e0 fait nuit pas ici on va tomber sur les flics on prendra le m\u00e9tro plus loin quel endroit quel foutoir o\u00f9 elle est pass\u00e9e la spirale comment effacer sa voix je repense au coin de chemin\u00e9e \u00e0 sa langue aux b\u00fbches \u00e0 sa langue aux \u00e9tincelles \u00e0 sa langue mouill\u00e9e \u00e0 la cigarette de l'un \u00e0 l'autre \u00e0 sa langue \u00e0 ses yeux noircis pourquoi est-ce que certains corps d\u00e9bordent langue sur certains corps compte tenu des int\u00e9r\u00eats calculs investissements r\u00e9glant l'horizon pourquoi est-ce que \u00e7a d\u00e9borde en plus langue je lui dis nous on peut oublier mais le truc lui n'oublie pas et l'herbe elle-m\u00eame n'explique pas la facilit\u00e9 de l'ensemble se rencontrer vient avant satori faudrait parler plus longuement de cette \u00e9lasticit\u00e9 langue jouant la r\u00e9tine voyons l'ombre de la prunelle ou plut\u00f4t voyons cette fa\u00e7on sous braise de rendre l'\u00e9change imm\u00e9diat chacun faisant allusion au fond \u00e0 sa propre \u00e9vasion je pense que c'est aussi parce qu'elle avait connu la torture toute la gamme on voit aussit\u00f4t les yeux qui ont \u00e9t\u00e9 band\u00e9s les tempes les nuques les cheveux touch\u00e9s par le revolver \u00e9norme diff\u00e9rence de la fille qui a pu constater physiquement la saloperie du p\u00e8re elle peut devenir par exception notre alli\u00e9e comment lib\u00e9rer la femme de la femme l\u00e0 est la question de m\u00eame comment d\u00e9barrasser le mec du mec et peut-\u00eatre alors chacun hors limites la s\u00e9ance r\u00e9elle pourrait commencer au soleil on pourrait sortir du creuset crapuleux mariage and cie survie en couveuse petit feu d'intrigue miroirs enfin tout reste \u00e0 faire prends-moi dans tes bras d\u00e9pensons-nous dans le trou futur parions que les masses sauront trouver la sortie par tourbillon cellulaire allons-y tiens-moi glisse-moi d\u00e9noue-moi l'\u00e9trangl\u00e9 coulant initial mouille-moi ta rafale oh vas-y s'agit pas vraiment d'un co\u00eft de deux choses l'une ou bien reproduction fusion dans l'aveugle ou bien le brillant n\u00e9gatif amorce de la division allons-y la nuit sera longue les lumi\u00e8res s'\u00e9teignent nous brisons la terreur la machinerie genre tu barboteras dans l'bidet ou on t'fait la peau ama ama fuck quod vis la seule chose interdite c'est que la diff\u00e9rence sexuelle se consume \u00e0 vif et sans rien savoir casse la vitre qu'on touche \u00e0 la source \u00e0 l'englouti des rameurs tu comprends c'est l\u00e0 qu'la contradiction fait moteur esp\u00e8ce c'est l\u00e0 qu'la base temporelle se d\u00e9tache et se fixe dans les nuages l'intervention sur ce point les affole en tas il faut \u00eatre deux et z\u00e9ro pour capter le un en falaise \u00e9prouver le crime dans sa moiti\u00e9 \u00e9teins maintenant j'ai mal aux yeux donne-moi ton globe endormi ou alors fais-moi rebander comme si tu l'avais dans ton slip contre ta motte jamais un mec ne pourra l'\u00e9voquer si bien t'es mon gar\u00e7on et je suis ta m\u00e8re tr\u00e8s vicieuse \u00e0 t'observer jeune belle souple ta vivante fermeture \u00e9clair nous savons qu'il n'y est pas mais tant pis suivons la d\u00e9robe l'important se bascule prenons le levier l\u00e0 o\u00f9 il est il faut un poignet solide pour l'\u00e9ventail \u00e0 fantasmes la cl\u00e9 c'est le non-voulu voulu transvoulu voyons ils ne savent pas que l'on peut transformer le gravier en riz ou encore que celui qui m\u00e9dite est assis sur un arbre dess\u00e9ch\u00e9 dans une grotte ressemble \u00e0 des pierres baign\u00e9es par l'eau ils ne savent pas qu'il faut \u00e9viter d'ajouter une t\u00eate sur sa t\u00eate d'ailleurs rien \u00e0 voir avec du savoir au fond je n'ai pas cess\u00e9 d'\u00eatre assis sur mon sol \u00e9tincelant si j'atteins le point du muet r\u00eav\u00e9 avec la boule de feu chauff\u00e9e \u00e0 blanc dans la gorge si je deviens la nappe de mercure coup\u00e9e reform\u00e9e si je suis ce l\u00e9zard c'est encore pour m'enfoncer revenir plus fort en surface la surface on n'en aura jamais fini de l'aborder \u00e9coutez ma nouvelle exposition des premiers principes mon syst\u00e8me sur l'estimation v\u00e9ritable des forces vives d'o\u00f9 viennent les id\u00e9es justes tombent-elles du ciel non voil\u00e0 ma pratique sociale je peux m'expliquer l\u00e0-dessus rien ne me g\u00eane dans la pr\u00e9cision des machines et c'est \u00e0 ce moment qu'elle a dit sans qu'on sache rien la montagne bleue tout \u00e9tait fluide moi j'\u00e9tais plut\u00f4t bloc vide avec effet d'ombres br\u00fblantes se tordant en haut je reprends l'a\u00efeul \u00e0 linceul tout seul no\u00e9 blanchi dans l'ivresse soi-disant pivot ou bien treuil et que disent-elles les filles de loth cause toujours b\u00e9b\u00e9 ce que tu dis ou rien c'est pareil papa l\u00e9gif\u00e8re nous on a le permis de l'anc\u00eatre mort la conduite que nous n'avalisons pas est donc annul\u00e9e d'avance t'as le choix entre \u00eatre aval\u00e9 ou transform\u00e9 en statue de sel nous on est la fondation du patriarcat ult\u00e9rieur on peut le fissurer si \u00e7a nous chante le matriarcat ant\u00e9rieur est fait pour le ravaler au nom du p\u00e8re qui est notre post\u00e9rieur dans les cieux y aura donc du fils uniquement pour tuer du papa fantoche les usurpateurs du boss le seul cas impossible \u00e9tant fils gratuit en l'air diagonal passant le prof nous tient la chandelle toute l'usine est la v\u00e9rit\u00e9 de la v\u00e9rit\u00e9 faudrait pas interrompre la cha\u00eene \u00e7a s'fabrique tout seul j'vois pas pourquoi tu s'rais pas d'accord qu'est-ce que c'est cette th\u00e9orie du truc destin\u00e9 \u00e0 vivre \u00e9ternellement dans les chants et qui doit d'abord sombrer dans l'existence tu plaisantes ou quoi hein qu'est-ce que c'est qu'ces mani\u00e8res tu vas porter les valises oui on s'en fout de ton vertige \u00e0 musique l'\u00e9tude du f\u0153tus a montr\u00e9 que les couches internes de l'\u00e9bauche du larynx proviennent ou bien directement du myocarde ou bien du m\u00e9soderme visc\u00e9ral de la paroi lat\u00e9rale du pharynx comme le muscle cardiaque le larynx contient aussi de grosses veines formant plexus dont les c\u00f4t\u00e9s renferment des fibrilles stri\u00e9es longitudinales et transversales bien entendu le nerf r\u00e9current est \u00e0 rapprocher des rameaux cardiaques du vague ces deux muscles fibrillent battent rythmiquement vibrent en se clivant et voil\u00e0 je le dis comme je le vis oh mais qui donc me d\u00e9livrera de ce corps sans mort les filles posent la question \u00e0 l'\u00e9cole de fa\u00e7on \u00e0 dire aussit\u00f4t quette avec un rire sacr\u00e9ment idiot kikette kikette et nous on laissait tomber les crayons les gommes et elles ouvraient lentement les jambes sous les tables pour qu'on voie leur petit duveteux renfl\u00e9 rien ne vaudra jamais cette luisante sensation de beurre jusqu'\u00e0 leurs r\u00e8gles bien s\u00fbr et alors c'est fini myst\u00e8re on rentre dans la production j'en veux qu'un on s'embrasse amour r\u00e9citation des familles rendez-vous en fin d'apr\u00e8s-midi fond du parc les pleurnicheries commencent moi j'ai tout de suite pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 le foot surtout \u00e0 cause de l'herbe l'\u00e9t\u00e9 culottes courtes et dans les coins main fi\u00e8vreuse ouvrant les braguettes le r\u00e9el d\u00e9sir je vais te dire je lui donne douze ans \u00e0 cause des effets d'ombrage de feuillage il me semble qu'il n'y a plus eu de cr\u00e9puscule depuis vraiment l'alg\u00e8bre et le ballon voil\u00e0 des souv'nirs et entre eux entre la craie et le caoutchouc la chaleur des bites dress\u00e9es comme dans l'exp\u00e9rience de physique chimie au c\u0153ur des bambous naturellement il y a d'embl\u00e9e les rapports de classes si t'es bourgeois tu peux demander et obtenir plus tu peux mieux comprendre m\u00eame confus\u00e9ment en quoi tu explores les rougeurs les essoufflements de ta m\u00e8re pourquoi tes s\u0153urs deviennent de plus en plus sombres \u00e9cras\u00e9es rev\u00eaches happ\u00e9es par l'hame\u00e7on du march\u00e9 c'est pas faute d'avoir fr\u00f4l\u00e9 des tas d'choses avec elles dans les fusains sur le terreau pr\u00e8s des noisetiers ils ont tort de pas se fier \u00e0 l'enfance sous pr\u00e9texte que \u00e7a s'dit maintenant chez l'nouveau docteur leur litt\u00e9rature devient emmerdante c'est l'psychanalyste qu'a tout l'fr\u00e9missement pour lui mais silence \u00e7a doit donner du cas g\u00e9n\u00e9ral illumination bloqu\u00e9e disparue en poche vers quoi la reconduction pure et simple des rapports sociaux vise saisis bien leurs visages dans la rue derri\u00e8re les vitres ici dans le couloir vois les grilles les rides les milliards pincements des muscles le coin des bouches sens ce torrent vinaigre rentr\u00e9 sous les peaux qu'est-ce que tu racontes pourquoi en auraient-ils la moindre id\u00e9e \u00e0 quoi \u00e7a sert pour une revendication concr\u00e8te en quoi \u00e7a r\u00e9pare l'usure la br\u00fblure jour avide apr\u00e8s jour avide coul\u00e9 d'heures de minutes de secondes avides elle me pollua l\u00e9g\u00e8rement dit juliette ses fesses \u00e9taient roses parfum\u00e9es comme les premiers fruits du printemps nous voulons une coiffure solide le teint scandinave tout peut d\u00e9pendre de la premi\u00e8re rencontre surveillez votre haleine employez le d\u00e9odorant long parcours colorez vos collants achetez les nouveaux yaourts i la fraise quel charnier vivant quel himalaya de haine quel nur d'anti-jouissance partout r\u00e9tractilit\u00e9 centr\u00e9e d\u00e9ploy\u00e9e press\u00e9e m\u00e9nag\u00e8re viens on descend ici on prend la d\u00e9rivation sens cette odeur quel torchon moite fum\u00e9 dans m\u00e9tropolis crois-tu vraiment que l'on puisse cacher une pens\u00e9e pendant des si\u00e8cles et comment tu sais bien crois-tu vraiment que la religion soit encore l\u00e0 parmi nous qu'elle monte avec nous l'escalier roulant et comment tantum religio potuit suadere malorum ah merde avec ton latin ta culture oh oh toi-m\u00eame un jour peut-\u00eatre vaincu par les r\u00e9cits effrayants des po\u00e8tes sacr\u00e9s tu chercheras \u00e0 te s\u00e9parer de nous c'est pas les occasions de croyances qui manquent \u00e0 commencer par ton propre moteur aucune importance on va pas s'en faire pour si peu tu crois que tu vas tenir \u00e0 ce rythme dans le refus g\u00e9n\u00e9ral moi tu sais j'aime assez la guerre \u00e7a m'amuse au fond c'est plus dur pour eux que pour moi nous allons de certitude en certitude et eux de doute en doute au point que leur pouvoir se bouffe lui-m\u00eame on les oblige \u00e0 une telle censure qu'ils savent plus tr\u00e8s bien de qui ou de quoi il a \u00e9t\u00e9 question leurs victoires sont des \u00e9checs et nous si on r\u00e9ussit on s'identifie au succ\u00e8s si on \u00e9choue on s'identifie \u00e0 l'\u00e9chec \u00e7a va \u00e7a vient ils sont sur court terme on est sur long terme non r\u00e9ellement je t'assure on a tout le temps la v\u00e9rit\u00e9 ne triomphe jamais mais ses ennemis finissent toujours par mourir et nous aussi on s'ra morts oui mais sans personne au chevet alors qu'eux t'imagines le derri\u00e8re de t\u00eate la somme \u00e0 payer l'ardoise d'oublis je veux dire que c'est d\u00e9j\u00e0 comme \u00e7a dans leurs int\u00e9rieurs j'en appelle pas \u00e0 l'apocalypse ni au jugement dernier non c'est dans la mani\u00e8re de vivre que \u00e7a tranche dans le fil \u00e0 fil de la perception et voil\u00e0 pourquoi rien n'est l\u00e0 et tout est ici maintenant et pas davantage ni ailleurs bien que l'ensemble soit report\u00e9 \u00e0 plus tard ou vienne de nulle part la r\u00e9alit\u00e9 est dans les deux sans quoi y aurait ni m\u00e9moire ni r\u00eaves voil\u00e0 pourquoi la mort vit une vie humaine ce que tu peux v\u00e9rifier chaque soir en regardant un pr\u00e9sentateur de t\u00e9l\u00e9 le savoir absolu a eu lieu point final ce n'est plus en interpr\u00e9tant que tu peux aborder la chose voil\u00e0 pourquoi la ligne juste d'intervention n'est plus scolastique et demande \u00e9veill\u00e9 la pratique r\u00e9volutionnaire allons pour le reste quartier libre on n'a pas besoin de v\u00e9rifier ton enc\u00e9phalogramme le nombre de tes all\u00e9es aux chiottes l'\u00e9paisseur ou la clart\u00e9 relative de tes \u00e9jaculations sauf \u00e0 retomber dans le bocal familial avec formol pour la salamandre voil\u00e0 pourquoi y a pas un millim\u00e8tre \u00e0 c\u00e9der sur cette petite question mais viens sortons respirons un peu la nuit noire je sais pas comment m'arrive toujours le m\u00eame frisson \u00e0 me glisser ainsi dans l'obscurit\u00e9 de babylone y a un moment o\u00f9 je me sens porteur de tout et de rien dans tout c'est peut-\u00eatre une disposition coud\u00e9e symphonique j'ai comme des traces de chasseur de marin de cavalier de sorcier de voleur de guetteur le nombre de fois o\u00f9 je me suis lev\u00e9 comme \u00e7a quand ils dormaient pour faire le tour de la maison sombre et la chambre des parents eh eh y aura peut-\u00eatre de la bonne soupe primitive ce soir ils ronflaient un peu et l'un ou l'autre sifflait pour le faire taire moi j'avais et j'ai gard\u00e9 l'impression d'\u00eatre l'officier de quart embarqu\u00e9 pour prendre des notes pas une chambre qui n'ait \u00e9t\u00e9 pour moi une cabine de bateau c'est comme quand je monte chaque matin dans le langage sur le pont ou dans les cordages sur la passerelle ici en plein air j'essaye d'apporter avec moi ce que j'apprends les r\u00e9percussions par exemple cette insistance oui tu peux sortir de ta bo\u00eete osseuse oui elle frappe elle s'\u00e9tend la nappe lumi\u00e8re orang\u00e9e d\u00e9bord\u00e9e sans toi je l\u00e2che devant moi les signaux de fer j'assouplis sans fin la rambarde l'eau jaillit en nappes courants plus fonc\u00e9s gouttes oiseaux piquant sur poissons fleurs des vagues bleu gris vert fonc\u00e9 des parois je m'assieds bien droit devant ma cantate je d\u00e9plie les cartes je suis le for\u00e7at du fond de cale o vieille raison viande s\u00e9ch\u00e9e empil\u00e9e sal\u00e9e l'ancien bagnard qui s'enl\u00e8ve lui-m\u00eame son anneau sa boule son collier de la longue-vue au radar il y a toute une modification des c\u00f4tes premi\u00e8re voix long cri rasant du liquide premi\u00e8re voix redoubl\u00e9e seconde voix et troisi\u00e8me en fugue arriv\u00e9e r\u00e9solue du ch\u0153ur tr\u00e8s vite \u00e0 peine trois secondes coups d'archets plaqu\u00e9s du rebord tacatacatac rappel du bois sans histoire das augenlicht l'\u00e9toil\u00e9 des yeux ici une gorg\u00e9e fourr\u00e9e lappement de scotch \u00e9clairage j'oppose au monologue int\u00e9rieur le polylogue ext\u00e9rieur en voil\u00e0 assez avec le radotage de la poup\u00e9e avec l'intimidation le moindre ton de commandement avec le b\u0153uf pourri plein de vers c'est la r\u00e9volte peut-on dire qu'il s'agit encore du logos \u00e7a m'\u00e9tonnerait si j'en juge par les v\u00e9rifications du r\u00e9el je connais la passe vers l'\u00eele au tr\u00e9sor je m\u00e8ne une exp\u00e9rience nouvelle pour l'humanit\u00e9 jamais personne n'est pass\u00e9 par cet endroit quelle eau quel cristal quel sable quel corail et crois-moi c'est alors qu'on devient modeste \u00e0 vingt mille lieues sous les mers vos froncements de sourcils sont dissous dans un tourbillon d'algues \u00e7a vous stup\u00e9fie pas vrai ces \u00e9carts ces embard\u00e9es vous dites c'est une temp\u00eate dans la mer noire c'est le combat surnaturel des quatre \u00e9l\u00e9ments primaires c'est une lande d\u00e9vast\u00e9e c'est une sc\u00e8ne d'hiver polaire c'est la d\u00e9b\u00e2cle des glaces au fleuve du temps tandis que pour moi tout est calme ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas la mort dans cette affaire une entr\u00e9e subite en vrac sans avoir le temps de dire ouf de l'homme dans l'\u00e9ternit\u00e9 ah peuple d'hu\u00eetres prenez mon corps si vous voulez il n'est pas \u00e0 moi que le bateau soit bris\u00e9 et ma carcasse avec s'ils le veulent pour ce qui est de d\u00e9foncer mon \u00e2me jupiter m\u00eame ne le pourrait mieux vaut p\u00e9rir dans cet infini hurlant que d'\u00eatre rejet\u00e9 aux terres sous le vent quel romantisme facile nous dira m\u00e9m\u00e9 qui veut sa ration comme c'est confortable quel \u00e9gocentrisme quel d\u00e9lire inhumain tu \u00e9choueras c'est s\u00fbr je voulais te sauver te r\u00e9\u00e9duquer sortir avec toi dans le monde ton rire est vraiment inadmissible \u00e7a te co\u00fbtera cher eh allez-y montez les prix votre monnaie n'a plus cours notre cale est pleine de tonneaux de sperme je suis le jonas moderne je n'ai pas le temps de ramper vous ne pesez pas lourd dans mon univers de prose tout neuf les petites constructions peuvent \u00eatre achev\u00e9es par les architectes qui les ont con\u00e7ues mais les grandes les vraies laissent toujours leur couronnement \u00e0 la charge de la post\u00e9rit\u00e9 l'immortalit\u00e9 n'est que l'omnipr\u00e9sence dans le temps seulement voil\u00e0 il ne sert \u00e0 rien d'\u00e9clairer les profondeurs et toutes les v\u00e9rit\u00e9s sont profondes nous voil\u00e0 avec notre corps debout dans le soleil comme dans un palais de merveilles mais descendez sous les fondations dans les civilisations disparues sous l'entassement des si\u00e8cles ah ce blanc ce blanc ce blanc vous comprenez c'est fini votre manie du portrait mieux vaut reconna\u00eetre honn\u00eatement que jamais personne ne sortira le truc de son \u00e9l\u00e9ment ce qui fait qu'il garde ses sinuosit\u00e9s ses puissants gonflements ses marques ind\u00e9chiffrables et donc toi aussi t\u00e2che de rester chaud parmi les glaces sois frais sous l'\u00e9quateur garde au p\u00f4le ton sang liquide sois toujours ailleurs le moment est venu pour toi de ne plus r\u00eaver que tu es attach\u00e9 sur plan\u00e8te sois tranquille \u00e9clair stable comme un lotus jaune chaque atome a son double rus\u00e9 dans l'esprit pourquoi essayez-vous d'\u00e9largir subtilisez subtilisez la vraie baleine a \u00e9t\u00e9 un sto\u00efcien et le cachalot un platonicien qui aurait lu spinoza dans les derni\u00e8res ann\u00e9es de sa vie or pour ce qui est de la v\u00e9rit\u00e9 vous n'\u00eates qu'un provincial sentimental si vous n'admettez pas la baleine pourquoi l'accouchement n'est-il pas enseign\u00e9 comme la boxe l'\u00e9quitation la rame la gymnastique les langues \u00e9trang\u00e8res le piano l'auto afin que chacun soit comme un lion des eaux un dragon de la mer nous sommes encore loin n'est-ce pas d'avoir les \u00e9coles qui nous conviennent mais toi qui liras ceci dans ton coin sache que tu as raison ne te laisse pas entamer six mille ans sont comme un dixi\u00e8me de seconde pour la question non pos\u00e9e j'ai rarement connu un individu profond qui ait quelque chose \u00e0 dire sauf s'il a \u00e9t\u00e9 oblig\u00e9 de balbutier quelque chose pour gagner sa vie rien ne peut toucher l'\u00e9tincelle sans blague eh oui la d\u00e9mence de l'homme est la sagesse du ciel absurde fr\u00e9n\u00e9tique d\u00e9risoire pour la plupart sauf pour ceux qui savent \u00e9couter la rumeur concentrer leurs aspirations r\u00e9sumer abr\u00e9ger devancer plonger o tisserand affair\u00e9 invisible arr\u00eate un mot pourquoi ces travaux incessants un instant parle mais non la navette file les figures sortent en flottant du m\u00e9tier le laminoir les cuves ne s'interrompent pas une seconde on dirait que la production veut mimer de plus en plus le mouvement perp\u00e9tuel se rapprocher du c\u0153ur naturel qui nous dresse ici et nous qui regardons la fabrique nous sommes assourdis par son bourdonnement c'est seulement quand nous nous \u00e9cartons que nous entendons ses milliards de voix qui fonctionnent \u00e0 travers la vie enveloppe la mort la mort trame la vie je suis l'image je suis le tapis je suis la machine et l'image de la machine et la machination de l'image et son bruit souvent on entend parler d'\u00e9crivains qui s'enflent avec leur sujet bien que celui-ci soit tout \u00e0 fait banal ordinaire mais comment en serait-il de m\u00eame pour moi qui \u00e9cris enfin sur le sujet des sujets inconsciemment ma frappe s'\u00e9panouit en soufflets de forge en raffineries flamboyantes surgies dans l'd\u00e9sert donnez-moi des ordinateurs des hangars de fiches perfor\u00e9es toutes les sciences les panoramas des nations \u00e9conomie comprise le th\u00e8me me fait grandir \u00e0 sa taille aucun volume gros et durable ne pourra jamais \u00eatre \u00e9crit sur la puce bien que beaucoup s'y soient essay\u00e9s les choses ont \u00e9volu\u00e9 depuis l'arche je suis emport\u00e9 par la mar\u00e9e si \u00e7a me pla\u00eet de nager dans ce plan pourquoi pas des si\u00e8cles avant la naissance de salomon ou des pharaons sur l'emplacement de new york des tuileries du ch\u00e2teau de windsor du kremlin de la place de la paix c\u00e9leste ou du sahara ne suis-je pas une abstraction pure une int\u00e9gralit\u00e9 infractionnable comme un nouveau-n\u00e9 il faut donc que je trouve un creuset o\u00f9 me fondre jusqu'\u00e0 n'\u00eatre plus qu'un petit abr\u00e9g\u00e9 d'os voil\u00e0 non non ce qu'il y a de beau ou de terrible dans l'homme n'a jamais encore \u00e9t\u00e9 mentionn\u00e9 dans les livres non seul un auteur revenu de chez les morts peut raconter comme il faut seul celui pass\u00e9 par le feu ah bon vous trouvez \u00e7a dr\u00f4le amusant d\u00e9sopilant tant mieux achetez notre dernier catalogue postures syst\u00e8me pileux apparent nos vibromasseurs nos femelles entre elles nos m\u00e2les entre eux nos orgies full color clich\u00e9s au moment pr\u00e9cis foutre en gros plan l\u00e8vres juteuses anal sex animal lesbian delight homo action voil\u00e0 voil\u00e0 le syst\u00e8me est forc\u00e9 d'avouer tout cru son ressort c'est pas trop t\u00f4t si l'on y pense deux femmes sur un homme trois hommes sur une femme la dose pour commencer pour finir jeux divers les cl\u00e9s de la bible bon me voil\u00e0 au large bien que je sois n\u00e9 sur la terre j'ai \u00e9t\u00e9 nourri par les mamelles des mers et malgr\u00e9 le sein maternel des vall\u00e9es des collines je suis le fr\u00e8re de lait de toutes les vagues de l'eau joue comme il faut joue le feu meurs-en au milieu de l'impersonnalit\u00e9 g\u00e9n\u00e9rale il faut aussi que se tienne quelqu'un toute lumi\u00e8re que tu sois tu sors des t\u00e9n\u00e8bres moi je suis les t\u00e9n\u00e8bres qui entrent dans la lumi\u00e8re je sors de toi o toi orphelin de feu saute saute et l\u00e8che le ciel je saute avec toi je br\u00fble avec toi je voudrais \u00eatre soud\u00e9 \u00e0 toi nous sommes dans les canaux inconnus de la philosophie n'est-ce pas qu'ils ont toujours manqu\u00e9 d'oc\u00e9an moi seul je m'\u00e9chappe pour venir te le dire moi seul moi seul ici tu laisses d\u00e9river le soupir il faut qu'on ait l'impression d'un fant\u00f4me qui s'\u00e9loigne dans le petit jour style remember me nevermore qu'est-ce que tu en penses pas mal \u00e7a pourrait faire un sketch un court m\u00e9trage tu crois dans ce pays tu penses pas qu'on devrait s'exiler partir non le c\u0153ur du poison n'a pas dit son dernier mot regarde la ville on dirait rien mais tout travaille en coulisse il faut s'effiler l'odorat la vue le distributeur d'\u00e9nergie tiens si on s'asseyait l\u00e0 dans le square j'ai besoin de verdure j'aime les acacias dans la nuit tu sais j'ai toujours \u00e9t\u00e9 un peu somnambule je te fais des confidences ce soir tu crois qu'il y a des poissons rouges dans le bassin peut-\u00eatre ils en mettent maintenant autour des immeubles et on les retrouve huit jours apr\u00e8s ventre en l'air \u00e0 cause de la pollution \u00e7a me rappelle celui qui a dit que la rotation de la terre serait plus terrible que le n\u00e9ant et de plus en plus allons allons pas d'emphase mais si justement je dis que si ton regard \u00e9tait plus subtil tu verrais toutes choses se mouvoir comme le papier br\u00fble se recroqueville s'envole je dis que nous ne sommes que la cendre d'innombrables \u00eatres vivants et pourquoi ne r\u00e9ussirions-nous pas avec l'homme ce que les chinois savent faire d'un arbre d'un c\u00f4t\u00e9 des roses de l'autre des poires tu comprends une journ\u00e9e nous para\u00eet longue par rapport \u00e0 l'impression d'un insecte mais apr\u00e8s tout la circulation de notre sang pourrait avoir la dur\u00e9e d'une orbite plan\u00e9taire ou solaire et en m\u00eame temps nous agrandissons tout est r\u00e9ellement plus petit plus lent plus riche de mouvements ah c'que j'peux aimer l'odeur des plantes pourries partout la v\u00e9g\u00e9tation libre est un signe perc\u00e9e retour corps distant chantant je ne peins pas l'\u00eatre je peins le passage d'ailleurs je ne peins rien du tout je me sens vraiment high quand accepterons nous l'impermanent l'absence de signature la disparition du sceau \u00e0 l'int\u00e9rieur pieds joints et bonsoir il est temps d'aller \u00e0 la r\u00e9union camarades la nature actuelle des contradictions entre ouvriers et direction ne fournit pas \u00e0 elle seule une explication satisfaisante l'antagonisme direction ma\u00eetrise d'une part masses ouvri\u00e8res militants r\u00e9volutionnaires d'autre part \u00e9tait tel la mont\u00e9e des luttes si mena\u00e7ante que seule une provocation fasciste pouvait arr\u00eater le processus et permettre aux patrons et aux chefs de reprendre la situation en main la situation financi\u00e8re d'ensemble est mauvaise l'usine tourne en surcapacit\u00e9 \u00e0 l'embauche bloqu\u00e9e la direction ajoute une compression du personnel parall\u00e8le au renforcement de l'exploitation de l'oppression donc licenciements mutations augmentation des cadences aggravation des conditions de travail je renvoie au rapport de la commission d'hygi\u00e8ne la question des poumons certes il y a peut-\u00eatre quelques divergences parmi les pontes sur les moyens de r\u00e9tablir pour eux la situation rentabilisation de la production par militarisation de l'usine en tuant un r\u00e9volutionnaire la contre-r\u00e9volution esp\u00e8re montrer que l'initiative des r\u00e9volutionnaires est \u00e9trang\u00e8re \u00e0 la situation concr\u00e8te qu'elle rel\u00e8ve de la pathologie politique elle esp\u00e8re dessaisir les masses de la vraie question de la violence elle esp\u00e8re isoler la gauche du centre gauche et pouvoir ainsi l'\u00e9liminer elle compte rejeter les masses du c\u00f4t\u00e9 de la r\u00e9pression l\u00e9galiste de la cgt ce dernier point est essentiel la seule force capable d'organiser une capitalisation politique r\u00e9actionnaire de la provocation c'est la cgt l'attentat est une perche tendue aux r\u00e9visionnistes ils la saisissent \u00e0 pleines mains ils ont pour cela de bonnes raisons ce sont bien le pcf et la cgt qui ont tent\u00e9 d'exploiter \u00e0 fond le meurtre fasciste dans une op\u00e9ration d'encerclement et d'\u00e9crasement des r\u00e9volutionnaires mais au niveau d'ensemble j'insiste sur ce point ils sont effectivement battus les manifestations antir\u00e9visionnistes du lundi 28 f\u00e9vrier et du samedi 4 mars sont des manifestations victorieuses le mouvement d\u00e9mocratique r\u00e9volutionnaire est apparu soudain y compris aux yeux de la bourgeoisie comme une force politique de masse capable de rompre l'encerclement r\u00e9visionniste et bourgeois au-del\u00e0 de la simple solidarit\u00e9 antifasciste les masses n'ont pu cimenter en fait leur coh\u00e9sion qu'en s'opposant frontalement aux r\u00e9visionnistes le fait politique est nouveau c'est la d\u00e9nonciation de masse du social-fascisme l'analyse est correcte une bonne analyse est toujours souplement fermement dialectique il y a dans ce qu'elle dit tout ce qu'elle ne dit pas d'\u00e9vidence incompr\u00e9hensible pour celui qui n'est pas dans le coup qui n'est pas expos\u00e9 aux coups encore une fois tu comprends un corps n'en vaut pas un autre nous sommes ici pour commencer \u00e0 \u00e9claircir le continent balafr\u00e9 us\u00e9 sanglant fonctionnant l'\u00e9chelle des corps dans le courant comment forcer la t\u00eate \u00e0 le laisser \u00eatre \u00e0 prendre conscience de tous les claviers qui la modulent objectivement quel orgue \u00e0 d\u00e9monter \u00e0 refaire quel boulot les n\u0153uds les boulons les d\u00e9p\u00f4ts les jointures les pattes antiques le cu f\u00e9odal le thorax bourgeois et puis la lutte entre ces deux cr\u00e2nes front contre front bo\u00eete ferm\u00e9e contre bo\u00eete ouverte cercueil ou tambour crev\u00e9 notre objet n'est ni l'homme ni ce qui lui manque peu importe que la circonf\u00e9rence ou le centre soient partout et nulle part l'homme est une maladie de peau de la terre la terre une tumeur de l'espace l'espace un r\u00eave du temps le temps le d\u00e9roulement du vide en soi-m\u00eame plus loin que soi-m\u00eame l'histoire fait appara\u00eetre les lueurs les \u00e9tincelles volcaniques abstraites de la nature en train d'embraser le n\u00e9gatif criant silencieux oui l'\u00e9poque peut \u00eatre d\u00e9finie par la tendance g\u00e9n\u00e9rale est \u00e0 la r\u00e9volution j'ajouterai que le dehors maintenant vient se m\u00ealer tr\u00e8s \u00e9troitement du dedans et c'est pourquoi nous roulons chaque nuit en cano\u00eb en pirogue tu ne te sens pas un peu souris dans tout \u00e7a oblig\u00e9e de passer de son trou \u00e0 une \u00e9tendue plus sombre nous sommes dans l'\u00e9tage interm\u00e9diaire des sous-marins des fus\u00e9es apr\u00e8s l'air avant l'eau avant l'air et apr\u00e8s le vide comment appeler ce pli vloux peut-\u00eatre avec vox et lux emport\u00e9s sautant \u00e9coute \u00e7a me rappelle la chorale les motets de palestrina young boys and women are sheep of the same cattle j'\u00e9tais soprano soliste charg\u00e9 de la tulipe fugitive \u00e9vocation du castrat oh la mue la mue la courbure l'approximation les chanteuses sont trop travaill\u00e9es trop rondes les basses les t\u00e9nors ont d\u00e9j\u00e0 perdu la blessure la musique est faite pour \u00eatre juste un peu fausse \u00e0 c\u00f4t\u00e9 trembl\u00e9e c'est comme le sexe au fond quand il est saisi dans sa gorge le d\u00e9calage le torrent surpris un deux trois hop miserere nobis comme les dalles polies des \u00e9glises sont pr\u00e8s du palais enfin n'en parlons plus chaque chose en son temps nous sommes dans les nouvelles catacombes personne ne sait ce qui sortira la responsabilit\u00e9 de l'\u00e9crivain est probablement de garder d'annoncer de sugg\u00e9rer le sens de la totalit\u00e9 impossible le d\u00e9sir \u00e9raill\u00e9 du tout discontinu d\u00e9fait enflamm\u00e9 the nature of infinity is this that every thing has its own wortex and every moment a couch of gold for soft repose a moment equals a pulsation of the artery how do you know but every bird that cuts the airy way is an immense world of delight closed by your senses five il y a beaucoup de sagesse dans ces d\u00e9tails mais on s'en fout de ta sagesse tu vois pas qu'on doit se battre imm\u00e9diatement dans l'\u00e9crasement tu vois pas l'urgence la mis\u00e8re l'exploitation les tonnes de b\u00e9ton sur les corps l'abrutissement les t\u00e2ches concr\u00e8tes modestes oui mais \u00e7a deviendrait vite absurde sans le souvenir d'ensemble il y a une m\u00e9taphysique aussi du concret concret beaucoup de nos camarades sont en pleine foi non critique je vois pousser des cornettes dans l'humanisme je sens des soutanes dans le placard la vieille vengeance contre l'exception se redissimule la grande m\u00e8re a tendance \u00e0 revenir avec ses ch\u00e2tr\u00e9s comme chaque fois que le sol s'ouvre avant une \u00e9bullition la voil\u00e0 qui recommence \u00e0 se faire l'interpr\u00e8te de la soi-disant basse originelle du cu de la loi du premier grand pet terrifiant b\u00e9b\u00e9 ah on ne parle jamais et pour cause des d\u00e9charges tonitruantes de papa maman la nuit quand ils ont trop mang\u00e9 leur r\u00f4ti ou leur cassoulet j'en ai encore le tympan meurtri attrist\u00e9 et d'ailleurs leur intonation continue \u00e0 me fatiguer les oreilles quelle morve dans leurs fosses nasales mauvaises vibs ratage de la mayonnaise \u00e0 quel point leur \u00e9nonciation les r\u00e9sume je me demande si cette science pourrait \u00eatre fond\u00e9e on aurait les raccourcis en tous sens que de temps gagn\u00e9 dans sa force quel renouvellement dans chaque souffle quel retour du regard on appellerait \u00e7a la n\u00e9gativit\u00e9 au travail ou m\u00e9moires du n\u00e9ant ou n\u00e9gations de la n\u00e9gation de la n\u00e9gation \u00e7a s'rait plein d'entailles ruisselantes mon id\u00e9e c'est d'\u00eatre un champignon une fleur dans le soul\u00e8vement ou plut\u00f4t le massage des grands tournants et pas seulement une fleur mais cent fleurs cent mille cent milliards \u00e7a pousse vachement mieux par-del\u00e0 le bien et le mal en un si\u00e8cle progr\u00e8s fulgurants incurv\u00e9 lov\u00e9 expansif tous les matins je flotte dans les autobus je me sens pigeon dans chaque goutti\u00e8re qu'est-ce que tu veux c'est plus fort que moi j'ai les \u00e9toiles dans l'\u0153il ils ont fait allusion \u00e0 \u00e7a dans l'expression la preuve \u00e9vidente et le coup tranchant ou encore majl\u00e2 o\u00f9 les formes du monde se r\u00e9v\u00e8lent les unes aux autres l'ordre est mouvement se d\u00e9gageant du repos c'est comme le temps en effet si l'on veut dans une phrase le connaissant le connu la connaissance et merde le pays natal le feu le lait le sommeil l'extinction le parfum la forme disent-ils encore constitue la plus haute la plus \u00e9clatante la plus parfaite des parent\u00e9s et tu as le battement de l'aorte r\u00e9p\u00e9tant sois sois sois sois sois sois sois dans aucune langue ou alors qu'est-ce que c'est ce sens des langues toujours au bout sur le bout jamais jusqu'au bout des langues ni fil ni racine cauchemar d'\u00e9tymologie la couleur de l'eau est la couleur de son r\u00e9cipient point de contact irradi\u00e9 viscosit\u00e9 de la libido le fer est attir\u00e9 par l'aimant mais lui n'a ni forme ni figure c'est pourquoi s'il est semblable \u00e0 lui-m\u00eame il est dissemblable de tout le reste et telle est la diff\u00e9rence du semblable avec le dissemblable qui produit le semblant oh l\u00e0 l\u00e0 que tu es obscur \u00e9nigmatique y en a marre de tes envol\u00e9es mystiques laisse-nous r\u00e9diger tranquillement toute vie sociale est essentiellement pratique tous les myst\u00e8res qui d\u00e9tournent la th\u00e9orie vers le mysticisme trouvent leur solution rationnelle dans la pratique humaine et dans la compr\u00e9hension de cette pratique oui vraiment oui ou alors continue tout seul \u00e7a n'int\u00e9resse personne mais non mais non tout int\u00e9resse tout le monde c'est le nouveau monde socialisme amoureux hein mais non je propose l'examen survol des diff\u00e9rents niveaux le pouls et l'ordre du jour la lutte des classes mon vieux d\u00e9sol\u00e9 la lutte des classes bon allez au meeting on dirait que personne veut \u00e9couter les arabes que personne veut entendre leur litanie arrestation assassinats tortures destructions camps r\u00e9pression ils sont tous l\u00e0 palestiniens tunisiens marocains iraniens turcs irakiens \u00e9gyptiens avec message de solidarit\u00e9 des grecs et des f\u00e9d\u00e9rations de l'afrique noire le type \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de moi sait pas lire son texte il faut lui souffler les accents lui s\u00e9parer les syllabes aujourd'hui dans le monde les nations veulent l'ind\u00e9pendance les peuples veulent la r\u00e9volution quand tu dis l'imp\u00e9rialisme n'oublie pas d'ajouter syst\u00e9matiquement ses complices insiste sur la r\u00e9sistance arm\u00e9e il faut dire que \u00e7a fait une dr\u00f4le de for\u00eat je vais vous citer les noms les dates les diff\u00e9rentes cat\u00e9gories la mani\u00e8re habituelle de se d\u00e9barrasser des cadavres les rouages derri\u00e8re la couronne les ge\u00f4les du pouvoir la corruption des fantoches les phosphates les bo\u00eetes de nuit ah m\u00e9diterran\u00e9e moyen-orient afrique y en a pour quelques si\u00e8cles vous n'avez encore rien vu voil\u00e0 une heure que le mec qui soutient la gauche de l'assembl\u00e9e attend l'occasion favorable \u00e7a y est vas-y plus de p\u00e9riphrase vive la pens\u00e9e maots\u00e9toung et aussit\u00f4t ils sont debout ils applaudissent ils crient les mod\u00e9r\u00e9s lib\u00e9raux de droite sont bien emmerd\u00e9s ils voulaient un truc humaniste avec lecture des protestations signatures personnalis\u00e9es mais les six cents dans la salle ont saisi la situation pas de doute ils sont pour la gauche on va pouvoir durcir un peu la motion tu peux supprimer la derni\u00e8re phrase tu peux rajouter l'adjectif non inutile de pousser il faut isoler calmement les r\u00e9visos de fa\u00e7on convaincante il faut que \u00e7a vienne des masses qui en ont ralbol du baratin l\u00e9galiste justifiant pleurnichant couvrant les forces f\u00e9odales annon\u00e7ant leur lib\u00e9ralisation pour demain voulant distinguer les \u00e9tudiants des paysans et des ouvriers les attirer au privil\u00e8ge culturel enfin bref le bordel habituel je trouve qu'il aurait fallu laisser parler une fille y en a marre toujours une tribune de mecs je suis pour qu'on gratte chaque fois au point sensible pas au premier plan mais sans faire l'impasse sous pr\u00e9texte qu'on verra apr\u00e8s c'est comme les questions de langage on dit c'est pas urgent c'est secondaire et paf on tra\u00eene l'infection avec soi les st\u00e9r\u00e9otypes on livre les sujets au rel\u00e2chement ennemi donc les adversaires acharn\u00e9s du divorce sont aussi les adversaires acharn\u00e9s du planning de la contraception de l'avortement de l'\u00e9ducation des masses tous ces probl\u00e8mes ont en commun leur caract\u00e8re politique le fait de remettre en question une soci\u00e9t\u00e9 patriarcale et capitaliste fond\u00e9e sur la famille et l'asservissement de la femme ou sa f\u00e9tichisation ce qui revient rigoureusement au m\u00eame culte de la m\u00e8re tremblement des fils le mariage a \u00e9t\u00e9 une des premi\u00e8res formes du droit de propri\u00e9t\u00e9 et il l'est rest\u00e9 le passage de la chasse \u00e0 l'agriculture am\u00e8ne la transformation de la propri\u00e9t\u00e9 tribale en propri\u00e9t\u00e9 familiale la femme passe de la propri\u00e9t\u00e9 de son p\u00e8re ou de l'a\u00een\u00e9 de ses fr\u00e8res \u00e0 celle du mari le mariage naissant du d\u00e9sir de l'homme d'avoir des esclaves \u00e0 bon march\u00e9 et de ne pas transmettre ses biens aux enfants des autres hommes en latin famulus veut dire esclave domestique et familia ensemble des esclaves appartenant \u00e0 un m\u00eame homme le r\u00f4le de la femme est de reproduire l'esp\u00e8ce de transmettre l'id\u00e9ologie sexuellement r\u00e9prim\u00e9e elle r\u00e9prime \u00e0 son tour et l'\u00e9cole autre \u00e9pouse docile du capitalisme alma mater prend le relais but \u00e0 atteindre suppression de la vie sexuelle infantile et juv\u00e9nile m\u00e9canisme par lequel se construisent les structures caract\u00e9rielles assurant la servitude politique id\u00e9ologique \u00e9conomique moi je pense qu'on n'insistera jamais assez l\u00e0-dessus y a qu'\u00e0 voir comment m\u00eame les plus libres ont encore la trouille de leur enfance la peur dans le noir le baiser avant d'aller au lit la masturbation dict\u00e9e destruction de l'intelligence tu parles atteinte au savoir en m\u00eame temps lueur d'int\u00e9r\u00eat inoubliable dans l'\u0153il des parents l'\u00e9tincelle comme s'ils se disaient eh eh la terre tourne \u00e7a marche le shaker fonctionne le four est allum\u00e9 bon on peut dormir sur les deux oreilles tant qu'y aura des hommes ils pourront se demander ce qu'ils foutent l\u00e0 c'est pas qu'on l'sait c'est pas qu'on l'sait pas nous vivons comme si l'un de nous un jour devait tout comprendre la croyance est \u00e9mouvante d'ailleurs encore une fois c'est pas faux non plus dieu sait qu'\u00e0 l'int\u00e9rieur y a d'sacr\u00e9s moments transparents des visions globales comme si on tirait l'rideau du cosmos des instantan\u00e9s avec fr\u00e9missement chant du monde sens cach\u00e9 r\u00e9v\u00e9l\u00e9 fractur\u00e9 d\u00e9sert au fond quand la pens\u00e9e est bloqu\u00e9e c'est qu'elle vient se rassembler autour d'un nom d'un d\u00e9sir de nom d'un nombril allez \u00e7a recommence l'identit\u00e9 la photo l'empreinte digitale la plante comme on dit des pieds le gros orteil la mouillure la recharge en couilles la lune les mar\u00e9es allez j'te suiffe la bouteille hypoth\u00e8se du big bang inspiration expiration les galaxies s'\u00e9loignent les unes des autres comme si elles se trouvaient \u00e0 la surface d'un ballon que l'on gonflerait rapidement voil\u00e0 l'impression qu'il faut demander au co\u00eft sans quoi quelle barbe le coup d'la fusion de la captation la cr\u00e8che l'\u00e9table le meuh meuh d'la belle et la b\u00eate cette derni\u00e8re mugissante redevenant apr\u00e8s op\u00e9ration le prince charmant voil\u00e0 ce qu'on apprend aux enfants si la belle accepte d'aimer un b\u0153uf elle aura un \u0153uf ou alors disons qu'il y a une interpr\u00e9tation plus profonde \u00e0 savoir que si la mati\u00e8re jouit dans le c\u0153ur m\u00eame de sa r\u00e9pulsion la pens\u00e9e pourra en surgir comme un seul homme ce qui ne signifie pas qu'il faut oublier que l'\u00e9lectron est au grain de poussi\u00e8re comme le grain d'poussi\u00e8re \u00e0 la terre enti\u00e8re quoi qu'il en soit je maintiens qu'on peut avoir une vue agr\u00e9able sur toute la baie \u00e0 ce moment-l\u00e0 illumin\u00e9e clapotante chauff\u00e9e froide sous son manteau je maintiens que l'exp\u00e9rience est tenable le temps de se d\u00e9shabiller et de se laver les dents t'as sommeil tu veux te coucher non bon sortons c'est trop enfum\u00e9 c'te r\u00e9gion dis donc tu sais que si quelqu'un pouvait nous suivre \u00e0 la trace ou sur un \u00e9cran il aurait l'impression qu'on n'arr\u00eate pas de bouger d'entrer de sortir de traverser les enclos les salles vu \u00e0 la fois en r\u00e9duction \u00e7a doit faire mouvement brownien \u00e7a doit v\u00e9rifier les lois g\u00e9n\u00e9rales du mol\u00e9culaire est-ce qu'il y verrait tu crois le proc\u00e8s pas s\u00fbr c'est marrant comme ils pensent toujours que le tableau se fait devant eux peinture perspective et ils sont l\u00e0 gros sujet devant leur patte de lapin savant froid \u00e9quations cornues\nmicroscope d'accord \u00e7a fait d\u00e9coller le boeing \u00e7a allume les polaris d'accord les vaccins les chambres \u00e0 bulles mais l'envers c'est t\u00e9tine passionn\u00e9e farouche \u00e0 moi \u00e0 moi \u00e0 moi \u00e0 moi principe de plaisir automatique ronron du mental d\u00e9sir putain quelle id\u00e9ologie que la science quel principe de la queue non vue maintenue le philosophe en bonnet de nuit colmatant les fuites la peur des voies d'eau dans le sous-marin et chez nous aussi \u00e7a continue d'effrayer de frapper \u00e0 la porte d'entrer brusquement pendant qu'on dort ouf les irruptions de m\u00e9m\u00e9 \u00e9chevel\u00e9e furibonde venant v\u00e9rifier si on ne joue pas avec le petit robinet dans les derniers jours kant tombait sans cesse pendant qu'il lisait la t\u00eate dans les chandelles chaque fois que cet incident se produisait il se conduisait avec une grande pr\u00e9sence d'esprit sans se soucier de la douleur il saisissait le bonnet flambant le tirait de sa t\u00eate le d\u00e9posait tranquillement \u00e0 terre et \u00e9teignait les flammes sous ses pieds mais la v\u00e9rit\u00e9 m'oblige \u00e0 dire qu'il ne pouvait plus se souvenir des lettres de son nom et pourtant dans les plus profondes d\u00e9pressions devenu parfaitement incapable de s'entretenir des affaires ordinaires de la vie il savait encore r\u00e9pondre avec une correction et une distinction v\u00e9ritablement extraordinaires \u00e0 toute question de philosophie et de science g\u00e9ographie physique chimie histoire naturelle or pendant les quinze derniers jours il s'occupait \u00e0 un travail qui semblait non seulement d\u00e9pourvu de but mais en lui-m\u00eame contradictoire vingt fois \u00e0 la minute il d\u00e9tachait et rattachait son foulard et de m\u00eame une sorte de ceinture qu'il portait sur sa robe de chambre cependant \u00e0 la cath\u00e9drale apr\u00e8s le rite fun\u00e9raire accompagn\u00e9 de toutes les expressions possibles de v\u00e9n\u00e9ration nationale il y eut un grand service musical admirablement ex\u00e9cut\u00e9 puis les restes mortels furent descendus dans la crypte acad\u00e9mique et l\u00e0 il repose parmi les patriarches de l'universit\u00e9 paix \u00e0 sa poussi\u00e8re et \u00e0 sa m\u00e9moire \u00e9ternel honneur alors on ne salue plus dit le capitaine non on ne salue plus dit l'oiseau ah bon j'croyais qu'on se saluait dit le capitaine il para\u00eet qu'en mai y a eu un type pour faire cuire ses \u0153ufs sous l'arc de triomphe mon oncle pleurait en me racontant le drame de la tranch\u00e9e des ba\u00efonnettes \u00e7a le bouleversait les types enterr\u00e9s vivants il avait \u00e9t\u00e9 choqu\u00e9 par le fait que les officiers envoyaient toujours les noirs en premi\u00e8re ligne il \u00e9tait tout de m\u00eame confus dans ses expressions peut-\u00eatre le fait d'avoir \u00e9t\u00e9 gaz\u00e9 le souvenir de l'ach\u00e8vement des bless\u00e9s l'homme est un boucher h\u00e9sitant en un sens on peut dire que le sujet n'arrive pas \u00e0 suivre sa propre technique il se donne les moyens vois-tu et reste tr\u00e8s en de\u00e7\u00e0 il ne co\u00efncide pas ou alors une fois sur mille c'est cette barri\u00e8re du cordon ombilical qui l'\u00e9gare sa jouissance la plupart du temps est furtive honteuse vite essuy\u00e9e aucun rapport avec leurs possibilit\u00e9s \u00e0 elles capables de s'\u00e9tirer dans tous les sens de faire la chatte \u00e0 longueur de temps j'ai un copain qui est all\u00e9 dans un truc sp\u00e9cial o\u00f9 une bourgeoise se faisait baiser par quarante types sur un billard eh bien c'est un vrai mat\u00e9rialiste mais apr\u00e8s le vingti\u00e8me il vomissait presque il y tenait plus de voir la fille ronronner les yeux r\u00e9vuls\u00e9s blancs la vulve d\u00e9goulinante l'extase mais si on lui avait demand\u00e9 quoi raconte elle aurait r\u00e9pondu ben rien quoi mais \u00e0 quoi tu penses \u00e0 rien mais comment \u00e7a vient tout seul oui elles disent souvent qu'elles se branlent cinq ou six fois sur les si\u00e8ges simplement parce que \u00e7a les tire \u00e7a gonfle parce que l'irrigation a eu lieu \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de quoi le mec a l'air forgeron avec son tuyau p\u00e9niblement obstin\u00e9 style douanier gendarme remarque j'ai essay\u00e9 je crois qu'on peut obtenir des r\u00e9sultats in\u00e9dits y a eu une \u00e9poque o\u00f9 je m'installais l'air de rien devant une kiosquiste pull montant peau rose on aurait dit une fleur au milieu de tout un bouquet de bonbons de jouets de gadgets divers elle parlait gentiment aux enfants de fa\u00e7on un peu ambigu\u00eb peut-\u00eatre bon tout y \u00e9tait les arbres les feuilles la couleur du ciel elle savait tr\u00e8s bien ce que j'allais faire et pr\u00e9cis\u00e9ment la technique consistait \u00e0 ne rien faire d'apparent pas de main dans les poches non pas de grosse cavalerie le probl\u00e8me \u00e9tait de devenir peu \u00e0 peu son bas-ventre cach\u00e9 tout en lui laissant sa poitrine et elle commen\u00e7ait \u00e0 pousser ses seins est-ce qu'elle remuait un peu sur son petit banc \u00e0 peine on se regardait disons une fois sur dix contr\u00f4le rapide t'es l\u00e0 oui \u00e7a vient oui ah la rainure tu sais quand on dit que l'eau chante et y avait chaque fois un peu de vent le fond bruit\u00e9 des oiseaux et des promeneurs moi j'\u00e9tais branch\u00e9 j'avais l'inconscient g\u00e9n\u00e9ral les m\u00e8res en train de faire sauter leurs b\u00e9b\u00e9s en tout bien tout honneur la ronde des gardes les jardiniers les amoureux occup\u00e9s \u00e0 \u00e9luder la question quelques pervers agit\u00e9s out quel mutisme soudain tombant sur la ville quel enseignement de base \u00e0 travers les titres de journaux sur les routes cent soixante dix-huit personnes qui \u00e9taient parties insouciantes ne reviendront jamais plus les animaux aussi ont leurs probl\u00e8mes sexuels aimer c'est d'abord faire confiance adoptez le slip \u00e9minence non non aucune contrainte elle adorait \u00e7a la deuxi\u00e8me fois elle ne mettait d\u00e9j\u00e0 plus de soutien-gorge elle se mordait plus souvent les l\u00e8vres et vraiment l'espace entier se mettait \u00e0 transpirer finement presque rien une pellicule m\u00eame pas humide \u00e7a montait \u00e7a redescendait \u00e7a montait vraiment une d\u00e9charge pas comme les autres la r\u00e9union des cinq sens j'avais l'impression de passer dans l'atmosph\u00e8re d'ailleurs l'atmosph\u00e8re en partant du souffle n'est pas autre chose l\u00e0 tu sens le cerveau direct ouvert en filet \u00e9videmment c'est un exercice une s\u00e9rie d'accords c'est un peu du tir \u00e0 blanc si tu veux mais extra nous ne nous sommes jamais dit un mot ou peut-\u00eatre si quelques phrases par exemple qu'elle aimerait \u00eatre suc\u00e9e pendant des heures partout y compris le cu qu'elle a toujours aim\u00e9 regarder les types se branler mais que mon histoire c'est nouveau \u00e7a l'excite il vaut mieux se taire je ne conseillerais \u00e0 personne de se livrer \u00e0 ce test c'est comme \u00e9crire il vaut mieux que \u00e7a suive ses propres voies et la voie vraiment voie est autre qu'une voie constante il y a beaucoup d'\u00e9lus mais peu d'appel\u00e9s je suis pour l'\u00e9galit\u00e9 des chances devant la nature et la soci\u00e9t\u00e9 mais dans ce genre que veux-tu tout le monde ne peut pas \u00eatre contrebassiste remarque bien que je plaide pas sp\u00e9cialement pour un vague polymorphisme je dis un vous devez conna\u00eetre le syst\u00e8me dans ses variations deux il n'y a ni code ni r\u00e8gles trois l'important est de ne pas se fixer en amour comme \u00e0 la guerre on ne peut faire qu'une fois le coup du concert avec l\u00e2chage de hannetons quatre l'essentiel est que votre quille \u00e9clate que vous alliez \u00e0 la mer les machins de surface sont n\u00e9cessaires je viens en fait de parler d'un entra\u00eenement p\u00e9rilleux qui r\u00e9clame un sens \u00e9lev\u00e9 du calcul une passion pour l'\u00e9l\u00e9ment le plus trouble des math\u00e9matiques une mani\u00e8re spontan\u00e9e de traiter le r\u00e9el dans son cadre g\u00e9om\u00e9trique pourquoi disent-ils que le r\u00e9el n'est pas la r\u00e9alit\u00e9 sinon pour laisser \u00e0 cette derni\u00e8re sa grisaille soi-disant in\u00e9vitable bref une conception un peu orientale de la topologie sinon les risques sont grands de s'enliser dans un plat orientalisme t'as vu mon gourou mon beau loup-garou kangourou \u00e0 la limite je comprends qu'un certain nombre d'indiens sans emploi profitent du ph\u00e9nom\u00e8ne chacun son joueur de raga le tib\u00e9tain chez soi le lama pour se finir hors cervelle le tantrisme dans le parti l'\u00e9cureuil dans la roue de la loi cool cool be cool \u00e9videmment le vrai sport reste la surprise absolument inbitable le choc noir ad hoc je dis noir parce que \u00e7a coupe en d\u00e9flagration ce qui ne veut pas dire simplement castrature et tout le bazar avec rite classique \u00e0 cigare encore que c'est vrai qu'\u00e7a permet d'\u00e9chapper au grand fourre-tout de m\u00e9m\u00e9 \u00e0 continuit\u00e9 voile \u00e0 voile non je dis noir vraiment parce que \u00e7a d\u00e9place les cases du jeu qu' \u00e7a transforme sec le joueur lui-m\u00eame qu' \u00e7a lui apprend ce qu'il savait mais il n'osait pas on a dilu\u00e9 l'aspect dans la notion de r\u00e9miniscence entit\u00e9 spectrale alors que slouf pas brutal l\u00e2ch\u00e9 360\u00b0 sur ton vide et voil\u00e0 pourquoi la vie du po\u00e8te banni de la r\u00e9publique est une all\u00e9gorie perp\u00e9tuelle dont son \u0153uvre est le commentaire dixit keats qui keats un anglais keats qui aimait les chats c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je me donne parfaitement le droit de reparler de l'amour ouais t'es pas fou tu r\u00eaves t'as bien entendu sans quoi faut avouer que \u00e7a manquerait on pourrait rester devant le miroir pendant dix mille ans mais amour l\u00e0 \u00e9videmment dans un sens strict je demande un brevet une garantie une composition inconnue malgr\u00e9 l'apparence on trouvera le titre au moment voulu moi je dis quand m\u00eame amour par go\u00fbt personnel du paradoxe parce que bien entendu peu de chose \u00e0 voir avec la cochonnerie vendue sous ce nom n'emp\u00eache que nous avons besoin du romantisme r\u00e9volutionnaire d'un certain s\u00e9rieux nouveau style brillant d\u00e9cid\u00e9 d'un vice qui nous ob\u00e9isse de partenaires qualifi\u00e9s ralbol de l'exception \u00e0 la triste figure de l'anthropophage onaniste camembert \u00e0 d\u00e9rivation homo h\u00e9t\u00e9ro non les flics ne pourront pas d\u00e9figurer notre programme je dis au contraire qu'avec \u00e7a nous nous installons au c\u0153ur du pouvoir qu'on le fait sauter si on tient sur les points obscurs quoi qu'il en soit je veux voir les gens jouir en cherchant pourquoi je vous pr\u00eate mon corps pr\u00eatez-moi le v\u00f4tre d\u00e9tendez-vous les uns les autres d'abord vous deviendrez moins cons c'est s\u00fbr le probl\u00e8me \u00e9tant d'avancer en vivacit\u00e9 de pas vous amollir de garder l'abrupt mais en fait je crois que \u00e7a d\u00e9marre pas mal les vrais amateurs se reconnaissent de plus en plus vite ils seront nombreux la vieille conception en tous genres fera tr\u00e8s linge sale certes encore beaucoup de travail \u00e0 faire nesoyons pas impatients c'est pourquoi je vous demande fr\u00e8res et s\u0153urs de prier pour moi \u00e0 l'improviste pendant que je tourne autour de notre globe dans notre int\u00e9r\u00eat celui tout compte fait de la transmutation des valeurs et tiens la scienza nuova la philosophie moderne se fait d'abord \u00e0 coups de marteau je me demande comment il a fallu tellement de temps avant qu'un type saute en plein saint-pierre de rome sur la piet\u00e0 de michelange et lui foute un bon coup sur la tronche pour annoncer que c'\u00e9tait fini le r\u00e8gne de m\u00e9m\u00e8re et du fiston mort de madame avec queue pendante au profit de paparano salut l'ant\u00e9christ qu'est-ce qu'on a entendu comme conneries sur ton compte salut br\u00fbleur de vierges \u00e0 l'enfant tu imagines ces l\u00e9gions de peintres mignottant leur petite madone \u00e0 p\u00e9nis et dire que certains d'entre vous auraient l'audace de sugg\u00e9rer que je d\u00e9lire ah l'humanit\u00e9 est amusante surtout par le nombre de ses salades \u00e7a m'\u00e9tonne pas qu'ils aient l'impression d'avoir \u00e9t\u00e9 chass\u00e9s du paradis d'\u00eatre \u00e9cart\u00e9s de leur flot moi aussi j'ai mes visions moi aussi je sais qui garde l'entr\u00e9e lumi\u00e8re le lov\u00e9 le sinueux le d\u00e9pressif le fatigu\u00e9 le refoulant refoul\u00e9 l'excitateur l'empaum\u00e9 mais non c'est pas l'phallus encore vos symboles \u00e7a s'rait bien plut\u00f4t son absence que vous recollez partout en pr\u00e9sence garde-\u00e0-vous sur la moindre menace de trou ou plut\u00f4t ni sa pr\u00e9sence ni son absence tout bonnement sa croyance gliss\u00e9e sous les jupes de votre pass\u00e9 bref la peur et vraiment rien d'autre foi d'explorateur il ne faut croire que les t\u00e9moins qui se feraient \u00e9gorger m\u00eame et y compris par la social-technocratie je te jure que c'est pourtant \u00e0 la fois \u00e9vident et tr\u00e8s compliqu\u00e9 de voler dans ces parages aller dans la lune n'est pas grand-chose \u00e0 c\u00f4t\u00e9 t'es d\u00e9connect\u00e9 la radio marche plus c'est comme si t'avais chang\u00e9 de galaxie un moment t'aper\u00e7ois encore la terre pareille \u00e0 un vase de nuit les \u00e9trons moul\u00e9s dans l'urine et hop disparue rang\u00e9e sous le lit bonsoir on s'en souviendra de ces ann\u00e9es d'apprentissage on s'en souviendra de vos tiens-toi droit tout \u00e7a pour un lavabo oui bon autant que les lavabos soient propres d'accord mais enfin dire qu'ils s'\u00e9tonnent de n'\u00eatre pas visit\u00e9s des dieux je veux dire des convaincants pas les farceurs ambigus qu'on nous sert comme papier hygi\u00e9nique probable qu'ils aimaient les odeurs ceux-l\u00e0 o libidinous god sacr\u00e9 vieux flaireur obs\u00e9d\u00e9 des tasses il est vrai que le patron a toujours aim\u00e9 les pantalons sales de ses ouvriers c'est l'entrecuisse \u00e0 cambouis qui lui fait mimi il s'int\u00e9resse aux ouvri\u00e8res en sueur aux paysannes qui sentent le foin \u00e7a lui fourgue de la mati\u00e8re et avec tout \u00e7a bien entendu maniaque de la propret\u00e9 mais go\u00fbtant l'escapade bon march\u00e9 n\u00e9o-colonialiste \u00e0 mort les r\u00e9serves d'afrique quel plongeon pour notre greffier des myriades de pt'its corps tous frais tous bronz\u00e9s pour pas un sou des diablotins huil\u00e9s souples de quoi farfouiller longtemps dans ces vivantes racines heureuses c'est pas vrai d\u00e9d\u00e9 oh oui mon jeannot tu sais qu'm\u00e9m\u00e9 biche bien qu'tu pourl\u00e8ches les glands \u00e0 sa place tu sais qu'elle t'consid\u00e8re comme son d\u00e9l\u00e9gu\u00e9 tu sais qu'elle intervient constamment en ta faveur heureusement que le chef de la police lui-m\u00eame que dis-je le pr\u00e9sident de la cour de cassation surtout ne va pas croire que j'suis contre eh oh d\u00e9n\u00e9gation red\u00e9n\u00e9gation non r\u00e9ellement je suis pour que chacun invente sa m\u00e9lodie sinon d'accord fascisme social-fascisme on a compris les colonels grecs ou brejnev mais tu sais \u00e0 propos j'ai vu leur grand po\u00e8te aux russes la moindre de ses plaquettes se vend \u00e0 cinq cent mille exemplaires il est gentil tout rond un marin du potemkine engraiss\u00e9 foulard de soie blouson dior il vient d'\u00eatre \u00e9lu \u00e0 l'acad\u00e9mie des lettres am\u00e9ricaines je lui ai demand\u00e9 si \u00e7a l'g\u00eanait pas mais non le danger mondial est chinois \u00e7a me rappelle aussi la responsable qui me demandait de lui causer de litt\u00e9rature et moi d'articuler sur la politique et elle mais o\u00f9 est la doucha dans tout \u00e7a doucha doucha j'en avais froid dans le dos tu parles d'une douche froide oui doucha c'est l'\u00e2me la po\u00e9sie exprime l'\u00e2me et moi doucha comprends pas oh divinit\u00e9 ce regard bleu d'acier laminoir le m\u00e9pris complet en sib\u00e9rie formaliste moi je crois que formaliste a toujours voulu dire pour eux sexologue c'est pourquoi bien que les formalistes n'aient pas beaucoup d'int\u00e9r\u00eat et je dirai m\u00eame soient aussi puritains que les autres n'attaquons pas trop en v\u00e9rit\u00e9 bien s\u00fbr c'est du zizi qu'il s'agit doucha doucha assomption sinistre alors la doucha on veut pas de doucha on n'a pas de doucha donc animal forcen\u00e9 ennemi du peuple \u00e7a devait barder chez elle dans la culture j'aurais voulu voir le mari ivan tu manques de doucha ce soir ah la vache quel m\u00e9tier d'avoir \u00e0 dire des trucs sur le langage surtout que c'est jamais ce qu'ils veulent et qu'en plus c'est jamais \u00e7a non plus d'ailleurs il ne s'agit m\u00eame pas de langage quel m\u00e9tier d'\u00eatre le soi-disant signifiant flottant ou plut\u00f4t la flotte qui se signifie elle-m\u00eame le signifiant c'est la doucha de chez nous il para\u00eet ouais in principio erat verbum et suppose que tu leur transformes la formule pof la gueule ferm\u00e9e comme un compte en banque sourcilleux sur le verbum sans parler \u00e9videmment des positivistes un mot par jour un concept par an les am\u00e9ricains c'est un autre genre tu vois d'ici le n\u00e9pal l'irrationnel \u00e0 gogo y en avait un qui voulait absolument m'embrasser dans l'cou subjectif en diable il voulait des attouchements des fleurs la fraternit\u00e9 imm\u00e9diate la fusion hol\u00e0 \u00e7a va pas non je l'aurais bien accoupl\u00e9 \u00e0 la sovi\u00e9tique reflet correct de la coexistence pacifique limitation des missiles elle en pantalon lui en sari ils auraient \u00e9t\u00e9 irr\u00e9sistibles pas question dans ces conditions d'aborder le vietnam en profondeur ils \u00e9taient tous les deux contre la guerre mais plut\u00f4t dans le genre f\u00e2cheux accident l'avenir est \u00e0 nous y a aussi l'affaire des territoires occup\u00e9s des juifs oui bon voil\u00e0 quelques sc\u00e8nes de m\u00e9nage tout s'arrange sur l'oreiller commercial rideaux ferm\u00e9s lui criant maman elle papa lui doux crasseux cheveux longs elle pr\u00e9cis casse-noisette d\u00e9capsuleur en racine accord sur l'interstellaire et elle doucha et lui probablement om la syllabe sacr\u00e9e elle avec son l\u00e9nine expurg\u00e9 r\u00e9duit \u00e0 l'ar\u00eate lui avec n'importe quel swami bref deux supergrands le couple finissant du si\u00e8cle le minnesota et l'ukraine enfin tu verras cela dit toujours \u00e0 propos d'embrassades qu'est-ce qu'il faut se taper dans la bouche les d\u00e9maquillants le lait de baleine le fond de teint je parle m\u00eame pas du rouge \u00e0 l\u00e8vres d\u00e9sormais d\u00e9mod\u00e9 il devrait y avoir un prix, d\u00e9gustateur de faci\u00e8s je t'assure j'aurais mes chances tu m'aimes oui oui tu en aimes d'autres mais non mais non chacun pour tous dieu pour soi suivez les pointill\u00e9s rayez les mentions inutiles le plus dr\u00f4le c'est l'\u00e9change \u00e0 vue ton bonhomme me pla\u00eet je baise ta bonne femme ta bonne femme me fait mouiller j'te pique ton bonhomme le tout inconscient naturlich faut pas casser la machine \u00e7a bande neuf fois sur dix au pouvoir elles calculent tout en millioni\u00e8mes de seconde eux sont plus timides leur parade \u00e0 elles est tendue sous roche vers l'enfantement eux voudraient \u00e9viter la mort th\u00e9or\u00e8me leurs d\u00e9sirs se croisent bonjour au revoir j'en ai connu une persuad\u00e9e que j'\u00e9crivais pour elle elle se voyait dans chaque passage lumineux et plus y en avait de sombres plus elle mettait l'accent sur les lumineux \u00e7a devenait hallucinant on se serait cru au cin\u00e9ma j'avais l'impression d'avoir interpol au cu pour m'obliger \u00e0 sublimer le moindre d\u00e9tail je crois vraiment qu'elles supportent pas qu'on explique le p\u00e8re no\u00ebl et qu'eux trouvent intol\u00e9rable qu'on dise seulement je allons allons poursuivons le nez dans nos \u00e9lectrons quelle odeur d'essence les embouteillages recommencent les d\u00e9serts d'arabie les raffineries le b\u00e9douin fier \u00e0 cheval pr\u00e8s des puits de p\u00e9trole les pyramides entour\u00e9es de barbel\u00e9s les cars de touristes \u00e0 l'h\u00f4tel hilton et ici le torrent d'voitures je trouve plein de signification tu vois qu'on se batte plus dur chez renault citroen simca fiat qu'on travaille d'abord les ateliers les cha\u00eenes personne n'a fait mieux que l'appareil \u00e0 manger quand tu as le buvard qui vient doucement essuyer la bouche de charlot boulonnant et le rouleau de ma\u00efs qui s'emballe pas mal non plus et les gros boutons sur la robe quand il veut les lui visser et qu'elle s'enfuit en gloussant pas mal pas mal la belle \u00e9poque si on entrait l\u00e0 je prendrais bien un sandwich avec un demi et pour moi ce sera une friture de spermatozo\u00efdes avec deux ovules sur le plat des mouillettes tu vois l'rapport toi moi j'vois pas l'rapport tu comprends en fait l'hilarit\u00e9 est g\u00e9n\u00e9rale mais rien ne permet de l'entendre surtout pas la rigolade le ph\u00e9nom\u00e8ne vient de plus loin c'est comme un sursaut intime de la mati\u00e8re qui rirait terrible tout seul et chez nous le courant passe m\u00e2choire ferm\u00e9e \u00e0 l'envers sauf quand on se rencontre au trou om\u00e9ga et l\u00e0 on peut saluer en passant l'\u00e9v\u00e9nement car c'en est un \u00e0 peu pr\u00e8s du m\u00eame ordre que merde c'\u00e9tait un r\u00eave pendant des ann\u00e9es j'ai \u00e9t\u00e9 pench\u00e9 sur ce probl\u00e8me comment ramener d'un r\u00eave l'objet d\u00e9sir\u00e9 n'importe quoi une preuve quoi une p\u00e2querette une raquette de tennis le dessous de la couleur bleue le pire c'est que je l'avais en main juste parfois au bord des paupi\u00e8res ramener la vue consistait \u00e0 tout reperdre jusqu'au soir suivant vers huit ans dix ans c'est la longue marche il faudra qu'un jour on enregistre l'ensemble minutieusement le vrai roman fleuve de la naissance \u00e0 la mort tout le dressage la fameuse \u00e9pop\u00e9e de pipi caca la moiteur du sac de couchage le gong dans l'on dit le cirque l\u00e9gendes les premi\u00e8res r\u00e9voltes la gu\u00e9rilla la conqu\u00eate du minimum toujours compromis l'analyse interminable parce qu'une fois que \u00e7a t'a marqu\u00e9 dans la cire tu peux passer ta vie \u00e0 \u00e9pousseter ton disque en te rassurant pour la forme dans la cueillette de la paille dans l'\u0153il du voisin comme disait le proph\u00e8te nous leur montrerons partout nos signes \u00e0 l'horizon jusqu'\u00e0 ce qu'il leur devienne \u00e9vident que tout est dieu et youpie bip bip la seule valeur qui n'ait pas moisi est la suivante grouille-toi de faire ce que tu veux et chaque fois qu'on t'en emp\u00eache dis merde et va-t-en suis ton d\u00e9sir nom d'un collier d'chien pr\u00e9c\u00e8de-le si tu peux sois sourd \u00e0 la propagande inverse comme trente-six mille montagnes de toute fa\u00e7on on essaiera de te d\u00e9moraliser c'est leur devoir que veux-tu la sauci\u00e9t\u00e9 la s\u00e9curit\u00e9 or moi je refuse je refuse je refuse non non non je ne mettrai pas ma serviette autour du cou non je ne reprendrai pas de soupe une bouch\u00e9e pour maman une pour papa qui tu pr\u00e9f\u00e8res maman ou papa non je n'accepte pas l'identit\u00e9 je me sens beaucoup trop amphibie bombardement prot\u00e9ines nucl\u00e9otides nuage d'hydrog\u00e8ne initial irisation de l'h\u00e9lium double h\u00e9lice mon diam\u00e8tre est aussi un million de fois plus petit que ce que l'on peut distinguer dans le plus puissant microscope personne ne peut se vanter de m'avoir tenu au bout d'une paire de pincettes ni de m'avoir mis les mains protons et neutrons en l'air mon noyau est pire que sain j'affirme qu'il tourne dans l'inqualifiable qu'il traverse les feuilles d'or vingt centim\u00e8tres cubes de mati\u00e8re solide contiennent un million de milliards de milliards d'atomes id est le nombre de grains de sable des oc\u00e9ans de notre potiche c'est pour \u00e7a que l'homme est un loup pour l'homme \u00e0 savoir pour son propre infini recuit c'est entendu j'avale je dig\u00e8re je jouis je chie mais je n'ai pas dit mon dernier mot sur cette affaire j'ai de la sympathie pour mes bact\u00e9ries j'ai l'virus de la mise en sc\u00e8ne j'aime le sombrero de la voie lact\u00e9e avec le soleil sur les bords tu te rappelles ce que dit cyrano la terre me fut importune quel type celui-l\u00e0 on comprend que les cur\u00e9s lui aient fait tomber une poutre sur la t\u00eate c'est comme le doyen jonathan enferm\u00e9 entre ses fillettes et remarquant simplement qu'on dessine les \u00e9l\u00e9phants plus petits et les puces plus grandes que nature et la famille elle va bien merci \u00e9crire \u00e9crire c'est enseigner le mat\u00e9rialisme mais il ne s'agit pas d'\u00e9crire la modulation va plus loin elle s'appuie sur tout et sur moins que tout dans le rien et c'est toujours la m\u00eame chose ils ne soup\u00e7onnent pas que cette libert\u00e9 du mouvement dans le sujet comme ils disent n'est rien d'autre qu'une paraphrase pour la m\u00e9thode la mani\u00e8re de traiter le sujet \u00e9tonnant qu'on doive encore et encore en revenir l\u00e0 j'en conclus que l'analyse de la r\u00e9sistance en question serait en gros celle de l'humanit\u00e9 tout enti\u00e8re et au-del\u00e0 d'elle une gigantesque op\u00e9ration pour ne pas mouvoir le boudoir ce qui nous ram\u00e8ne \u00e0 l'hypoth\u00e8se de l'explosion folie dense par rapport \u00e0 quoi la pens\u00e9e est un papillon je l'admets d'ailleurs courageux r\u00eavant qu'il est la pens\u00e9e d'un papillon se demandant s'il a \u00e9t\u00e9 une pens\u00e9e de papillon ou un papillon de pens\u00e9e dans le papillotement g\u00e9n\u00e9ral ce qui signifie que toute formulation spontan\u00e9e non cherch\u00e9e doit se payer cher et il y a autant de distance entre un petit tourbillon de ce genre d\u00e9crochant l'espace et son commentaire qu'entre nous et l'amas d'hercule qu'il n'est pas interdit d'observer ou d'\u00e9couter en s\u00e9riant les fr\u00e9quences on ne sait jamais c'est en 1859 que para\u00eet l'origine des esp\u00e8ces qui faisait rire les journalistes du temps lesquels essay\u00e8rent imm\u00e9diatement de ramener l'\u00e9pisode \u00e0 une grosse plaisanterie corps de garde de nouveau le sacristain de service fit son num\u00e9ro le docteur de la loi idem et idem le sp\u00e9cialiste des \u00e9critures o\u00f9 est le maillon manquant vous transformez une hu\u00eetre en orang-outang un t\u00eatard en philosophe l'\u00e9v\u00eaque demanda si c'\u00e9tait par sa grand-m\u00e8re ou par son grand-p\u00e8re qu'il pr\u00e9tendait descendre d'un singe la science est pleine de ces moments consternants ou joyeux \u00e7a d\u00e9pend de l'humeur du vagabond r\u00e9p\u00e9tition qui donne raison de dire que la v\u00e9rit\u00e9 est la lumi\u00e8re sur le visage grotesque qui recule rien d'autre cependant le savant devient triste s'il est contredit il peut m\u00eame mourir dingue ou d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9 surtout avec la gueule que lui fait sa femme il faudrait parler des migraines de jenny marx de son refus de recevoir engels \u00e0 la maison les d\u00e9couvertes ont lieu sous le vaudeville ce qui n'emp\u00eache pas les sciences naturelles d'avoir bouscul\u00e9 l'\u00e9difice par tous les bords la b\u00e9n\u00e9diction du pape s'adresse d\u00e9sormais \u00e0 un fleuve de lave \u00e0 un haut fourneau sans parois le pauvre guignol se rabat sur les cartes postales la publicit\u00e9 clandestine pour les lunettes cercl\u00e9es nouveau clin d'\u0153il de l'agneau pascal le silence de ces espaces infinis m'effraie eh bien \u00e7a te fr'a passer le hoquet au concile moi j'aime assez quand on le voit porter une fois par an sa croix en polyester quand il lave les pieds de quatre ou cinq diacres soigneusement baign\u00e9s \u00e0 l'avance para\u00eet qu'on leur met de l'eau de cologne chartreuse sur les jambes pour que l'pape la sente malgr\u00e9 son rhume brave popol il a compris que c'\u00e9tait la lutte \u00e0 mort entre bl\u00e9 hostie et riz en pilules pas besoin d'insister passons la nature est pour moi un lac rempli de poissons et moi poisson poisson poisson sans complexes les dauphins suivent dans la mer leurs canaux d'information c'est leur tradition orale imagine un peu qu'ils lisent comme \u00e7a en nageant l'iliade l'odyss\u00e9e l'\u00e9n\u00e9ide l'oc\u00e9an bourr\u00e9 d'aventures quand l'\u00e9toile vieillit elle devient une grosse boule rouge cent fois plus grande qu'au d\u00e9but le soleil en sera l\u00e0 dans cinq milliards d'ann\u00e9es combien cinq milliards ah bon tu m'as fait peur j'avais compris un milliard il sera tout boursoufl\u00e9 vu de la terre ce globe de feu emplira le ciel la temp\u00e9rature dans la salle de s\u00e9jour atteindra alors deux mille degr\u00e9s causant l'\u00e9vaporation de toute mati\u00e8re peut-\u00eatre jupiter nous servira-t-il \u00e0 ce moment de r\u00e9sidence secondaire mais il est plus probable qu'on aura d\u00e9m\u00e9nag\u00e9 depuis longtemps en emportant les cassettes et les microfilms sans parler des \u00e9prouvettes sperme glac\u00e9 ultra dry on the rocks please dira l'aimable matrice allumant distraitement la visionneuse e = mc2 o\u00f9 la rubrique po\u00e9tique continue d'\u00eatre aussi mauvaise c'est quand m\u00eame stup\u00e9fiant aucun progr\u00e8s dans ce domaine depuis le temps c'est pourquoi j'ai tendance je l'avoue \u00e0 voir le moindre geste inscrit effac\u00e9 comme l\u00e0 et pas l\u00e0 d\u00e9truit conserv\u00e9 br\u00fbl\u00e9 d\u00e9pos\u00e9 au fond de ses particules alpha dispers\u00e9es gratuites et pareil pour les hirondelles les murs frapp\u00e9s de lumi\u00e8re une rose dans l'atmosph\u00e8re ah la volont\u00e9 du carbone son sens de la dur\u00e9e des grains de papier tu trouves que je vais trop vite tu trouves que \u00e7a tr\u00e9pide que \u00e7a risque de faire hyst\u00e9rique mais non tout le monde a compris qu'il s'agissait d'un rythme paisible ouvert bienveillant vrai sens du spasme \u00e0 torrent ici je mime le minimum de musique pour fouetter le quai l'obliger \u00e0 d\u00e9coller il ne demande pas mieux lui il n'a rien \u00e0 perdre que ses cha\u00eenes appelle-moi animus je t'appellerai anima je suis ton corpus tu es ma ch\u00f4ra dans ces conditions je suis un huit transitoire mon lobe droit en veut \u00e0 mon gauche et je sais pourquoi toute la difficult\u00e9 vient de cette fusion qui s'\u00e9prouve \u00e9pousement de ventraille allez une gorg\u00e9e de bell's old scotch whisky d'arthur bell and sons ltd distillers perth scotland established 1825 choose wisely afore ye go bell's is distinguishable by its mellowness acquired through many years of ageing in oak casks et hop nous revoil\u00e0 dans l'\u00e9chelle je dis qu'on n'a pas assez tenu compte du son courant dans la langue mais c'est plut\u00f4t le contraire c'est le dessous de langue qui vient se retourner au point d'\u00e9bullition de cuisson reste plus qu'\u00e0 laisser filer \u00e0 projeter sur l'\u00e9cran derri\u00e8re en d\u00e9cadrant en faisant du d\u00e9cadrage un cadran \u00e9coute la perruche l\u00e0-bas dans la cage c'est elle qui a la cl\u00e9 de notre \u00e9tendue \u00e9coute comme elle siffle tordue le trou n'est pas simple c'est un truc comme \u00e7a que je cherche depuis toujours aussi loin que je me souvienne l'hallucination \u00e9tait l\u00e0 vivante patiente son relief en plus \u00e9coute j'ai pas invent\u00e9 l'horloge du langage la question est de savoir qui est le ma\u00eetre et c'est tout dur \u00e0 avaler hein et pourtant tu peux transcrire librement la formulation de mao d'o\u00f9 viennent les enfants sont-ils apport\u00e9s par les cigognes non au fond c'est la premi\u00e8re fois qu'on annonce sans fard la nouvelle aux masses dans une soci\u00e9t\u00e9 de classe il n'y a que des amours de classe curieux comme ils confondent politique et sexualit\u00e9 l\u00e0 est le sympt\u00f4me des anciens \u00e2ges la suie de la chemin\u00e9e j'ajoute qu'il faut faire semblant de donner \u00e0 la b\u00eate ses satisfactions et savoir d\u00e9raper au dernier moment comme \u00e7a elle en dit plus eh eh bais\u00e9e ma vieille tu m'as assez fait chier chacun son tour je suis le type bandant dans le sarcophage dessin rapide noir sur fond huileux blanc j'ai rarement vu le secret avou\u00e9 plus vite y a int\u00e9r\u00eat \u00e0 se promener dans la for\u00eat papyrus \u00e7a c'\u00e9tait de l'action painting magie efficace quelles couleurs bleus rouges verts jaunes un noir luxueux corbeau immortel quels arbres quels roseaux tub\u00e9s je comprends maintenant pourquoi l'\u0153il ouvert de travers le papier voyait prunelle tir\u00e9e voyait quoi rien voyait quoi rien rien du papier couleur en prunelle isiris fibreux os\u00e9 en prunelle les voil\u00e0 maintenant d\u00e9roul\u00e9s \u00e0 plat dans les salles du british imp\u00e9rialiste plus ils meurent plus ils exposent les tombeaux des autres mais qui est plus vivant avec le soleil passant par les vitres venant creuser les reliefs les incisions de voyelles les vases siffleurs le retournement d'agonie renfl\u00e9 colonn\u00e9 le plasma des st\u00e8les les calendriers qui a le meilleur souffle monsieur et madame smith dupont ou la poche verdie des momies cerveau mouch\u00e9 par le front trou\u00e9 sous leur vo\u00fbte bleu nil souffl\u00e9e de l'int\u00e9rieur par l'\u00e9cho nihil fermez les yeux deux secondes dites si vous sentez le bois s'allumer en fl\u00e8che dites si vous saisissez l'escalade l'essaim des \u00e9tapes avec bond d'ellipse pour les bons barreurs tout se passe comme si l'\u00e9pisode de la croix avait signifi\u00e9 ferm\u00e9 pour cause de r\u00e9parations travaux changement de propri\u00e9taire et puis on a oubli\u00e9 la r\u00e9ouverture comme si le nouveau sujet n'\u00e9tait pas d'abord le ressuscit\u00e9 c'est-\u00e0-dire celui qui se fout carr\u00e9ment de tout dans les si\u00e8cles des si\u00e8cles sortant de la fosse commune avec son petit drapeau rouge et or voil\u00e0 pourquoi le christianisme est un contre sens tragique ou comique \u00e7a d\u00e9pend de l'humeur du mourant du coin enfin d\u00e9tour apr\u00e8s d\u00e9tour qui peut affirmer le progr\u00e8s dans la peinture passe encore pour les pi\u00e8ces enterr\u00e9es les banquets ou les salles de bains passe encore pour le clapotis sexuel reprenant ses droits apr\u00e8s le d\u00e9luge avec sa colombe oh lente lente rapide mais lente si lente rapide et lente lumi\u00e8re nous sommes en 2400 ou 2200 before je tenais tout juste dans la niche principale elle avait l'air faite pour moi je m'payais un dr\u00f4le de frisson mi-superstition mi-sinc\u00e8re le d\u00e9cor me paraissait soudain tourner au vomi sale et d\u00e9gueulasse et superbe vomi repeint par l'estomac ouvert de la dur\u00e9e dans son ombre car il y a aussi le vomi rentr\u00e9 revers\u00e9 que personne ne verra jamais le m\u00e2chonnement goutte \u00e0 goutte visc\u00e8re \u00e0 visc\u00e8re grain de foie par grain de foie de toutes les marionnettes cass\u00e9es sans parler de l'ouvrier fa\u00e7onnant les f\u00e9tiches destin\u00e9s \u00e0 fabriquer du myst\u00e8re avec sa sueur au fond le ma\u00eetre savait pas grand-chose il y croyait peut-\u00eatre le con mais qui nous r\u00e9v\u00e9lera les m\u00e9ditations courtes et d'ailleurs techniques de ceux qui passionnaient le terrain sans pouvoir mais scandant le pouvoir des puissants des pr\u00eatres aujourd'hui pour quelques bonnes femmes le cur\u00e9 parle dans son micro nasillard sous la coupole dor\u00e9e de saint-marc j'aime revoir les paons du dallage l'encensoir tombant du plafond byzance byzance l'alb\u00e2tre de galla placidia on dit que dante prit froid en revenant d'une enqu\u00eate sur l'irrigation doubl\u00e9e d'une mission politique pour beaucoup de passants il \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 le revenu celui qui avait vu et connu les m\u00e8res le montraient aux enfants comme un \u00e9pouvantail toujours cette manie de ne parler que d'enfer de s'exciter sous refoulement en douce sacr\u00e9 dante librum gustavit populis ventura notavit quel sens des ensembles dans les parties par ensemble trois trois trois et de trois en trois premier attelage ail\u00e9 long parcours pour soliste ch\u0153ur et virages j'irais bien en r\u00e9citer un peu en vaporetto sur la giudecca ou dans l'herbe du forum sous les super march\u00e9s de la pute romaine on raconte aussi qu'h\u00e9raclite avait d\u00e9pos\u00e9 son bouquin dans le temple d'art\u00e9mis l\u00e9gende puisque seul le feu logique chiffre de la n\u00e9gation ne laisse pas de reste seul sans appara\u00eetre il meut l'absence dans la vari\u00e9t\u00e9 donc l'intelligence saisit les intentions crois\u00e9es en fixant chaque chose dans sa n\u00e9gation ad hoc donc la particularit\u00e9 surgit d'un an\u00e9antissement plus vrai que celui dont la fum\u00e9e est le signe donc chagrin d'amour ne dure qu'un moment plaisir d'amour dure toute la vie les \u00e2mes en s'\u00e9vaporant ne cessent de devenir intelligentes l'homme touche la lumi\u00e8re dans la nuit quand il est mort pour lui la vue est \u00e9teinte vivant il touche au mort quand il dort la vue est \u00e9teinte mais il touche au dormeur quand il veille le lien \u00e0 retourner est comme celui de la fus\u00e9e et de la machine \u00e0 \u00e9crire mais ils ne comprennent pas comment il dit en accord ce qui dixit professor de soi diff\u00e8re merde comment \u00e7a s'fait qu'ils aient tous ce style marquise vos yeux d'amour c'est simple ils n'ont pas int\u00e9rioris\u00e9 en eux le petit n\u00e8gre d'o\u00f9 les mani\u00e8res une sorte de racisme latent ils se croient d\u00e9put\u00e9s du miracle grec et moi je dis que le lien qu'on voit sans le voir est plus fort que celui qu'on ne saurait voir mais qui du fait qu'on ne le voit pas am\u00e8ne \u00e0 croire qu'il y a un lien qu'on ne voit pas c'est m\u00eame pourquoi chacun est deux pour dormir un qui coule \u00e0 pic t'as vu ce sourire l'autre avec son revolver ou son talkie-walkie sous l'oreille immortels mortels vivant la vie des autres morts de la vie des autres nous nous soulevons pour \u00eatre les gardiens des vivants de l'\u00e9veil des morts oui c'est dans ce but que je t'ai emmen\u00e9 dans cette promenade tu regrettes mais non un pari est un pari voyons alors on appelle \u00e7a le pari by night d'accord mais pourquoi dit-il que le plus beau des singes est laid pourquoi ne pas avoir dit que le plus laid des singes \u00e9tait beau ou encore mieux que le plus singe des singes ne saurait \u00eatre ni beau ni laid objection re\u00e7ue pourquoi dit-il se transformant il se repose et pas imm\u00e9diatement se reposant il se transforme voil\u00e0 tu tiens la m\u00e9thode c'est le m\u00eame qui est l\u00e0 vivant et mort vivant mourant la veille et le sommeil \u00e9tant jeunes et vieux car ceux-l\u00e0 sont ceux-ci en se renversant et ceux-ci ceux-l\u00e0 voil\u00e0 voil\u00e0 la sibylle \u00e0 la bouche \u00e9gar\u00e9e parle en grima\u00e7ant franchit mille ans avec sa voix \u00e9coute la bouche de l'hyst\u00e9rique est notre radar tu peux y observer les moindres variations de temp\u00e9rature la moue l'annonce du repas sanglant elle les impressionnait les anciens forc\u00e9ment tu encha\u00eenes aussit\u00f4t sur le complice ma\u00eetre \u00e0 qui appartient l'oracle ne dit pas ne cache pas il indique et de cette mani\u00e8re garde son emploi ce qui est plus malin que de dire carr\u00e9ment et de cacher carr\u00e9ment sans rien indiquer attitude que les contemporains appr\u00e9cient rarement et que le futur refoule bon ces vieux machins sont un peu surfaits hein et les commentaires ont beau se tordre dans tous les sens on dirait qu'ils ram\u00e8nent les atomes at home \u00e7a sent le coin du feu la pantoufle l'\u00e9dition rare le catalogue \u00e9rudit j'ai rien contre mais la r\u00e9ciproque est pas vraie dire que m\u00eame staline citait h\u00e9raclite \u00e0 travers l\u00e9nine bien s\u00fbr lui-m\u00eame \u00e0 travers lassalle die philosophie herakleitos des dunklen von ephesos berlin 1858 lui-m\u00eame \u00e0 travers hegel encore lui d\u00e9cidement on n'en sort pas parce qu'on n'y est pas rentr\u00e9 suffisamment c'te blague on visite pas \u00e7a en courant et \u00e0 part oulianov dans sa petite biblioth\u00e8que suisse en pleine premi\u00e8re guerre mondiale on peut pas dire que personne se soit beaucoup fatigu\u00e9 imagine le moment o\u00f9 il \u00e9crit \u00e0 bas le ciel dans la marge entends son rire ha ha lorsqu'il est question du bon dieu regarde-le d\u00e9gager l'auto-mouvement r\u00e9soudre la question du sujet plac\u00e9 au-dehors au-dessus moment vif solitude compl\u00e8te attente des masses et au fond plus c'est vaste acc\u00e9l\u00e9r\u00e9 grandeur nature plus c'est tass\u00e9 court l'histoire \u00e0 croire que \u00e7a finira par \u00eatre \u00e0 la fois l'infini et un milliardi\u00e8me de grain de riz de moutarde les chinois ont des titres au poil la for\u00eat des pinceaux le livre de la cour jaune le filet de perles de jade rouge des trois profondeurs printemps et automnes il para\u00eet que houei che s'appuyait sur une petite table de platane avant de d\u00e9biter son discours la couleur n'est pas la forme la forme n'est pas la couleur en parlant de la couleur il ne faut pas y joindre la forme en parlant de la forme il ne faut pas y joindre la couleur il n'est pas permis d'appeler le li\u00e9 par le non-li\u00e9 le blanc qui est d\u00e9j\u00e0 destin\u00e9 \u00e0 quelque chose n'est plus le blanc et autres propositions toutes plus \u00e9videntes les unes que les autres ce qui est miraculeux c'est plus pr\u00e9cis\u00e9ment ce qui n'est pas miraculeux lourdes n'est pas une ville chinoise l'adoration de la b\u00e9quille ne fait pas partie de leur menu quotidien alors que nous quand reviendra-t-il le temps des cerises qu'est-ce qu'on doit s' taper dans la cave le vin est tir\u00e9 il faut le boire comme op\u00e9rations en tout genre charcuterie gratuite anus \u00e9chauff\u00e9 honteux arrachage de dents of le caniveau rougi les canines sous le traversin maman maman appelle-moi ton r\u00f4ti de porc mais oui tu es mon r\u00f4ti de porc bref on essaye d'avancer l\u00e0-dedans comme la foudre en pilotant des deux mains en gardant le cerf-volant corde souple je suis l'adn je suis l'arn de transfert je me vise ma cible me vise je cible ma vise curieux comme l'animal peut bander en r\u00eave pendant qu'il est en train de se d\u00e9couper comme il s'\u00e9prouve en m\u00eame temps unit\u00e9 gazeuse comprim\u00e9e rang\u00e9e en tiroir de cette contradiction en apparence insoluble il se r\u00e9veille sa cervelle grommelle les faits sont t\u00eatus il est de notori\u00e9t\u00e9 publique que l'ins\u00e9mination artificielle est aujourd'hui une pratique courante chez les bovins le sperme du taureau est conserv\u00e9 \u00e0 une tr\u00e8s faible temp\u00e9rature pendant plusieurs ann\u00e9es et n'est souvent employ\u00e9 qu'apr\u00e8s sa mort or pourquoi ne pas constituer des banques de sperme humain \u00e0 l'image des banques taurines ce pas a \u00e9t\u00e9 franchi par la cow corporation apr\u00e8s un droit d'entr\u00e9e de 80 dollars environ 400 francs il suffit de payer 18 dollars par an soit 90 francs pour que la soci\u00e9t\u00e9 conserve \u00e0 la temp\u00e9rature de l'azote liquide trois \u00e9prouvettes contenant la semence un enfant est n\u00e9 r\u00e9cemment avec du sperme conserv\u00e9 pendant dix ans l'urgence d'une l\u00e9gislation se fait sentir des femmes peuvent en effet \u00eatre tent\u00e9es d'aller chercher au comptoir le foutre d'hommes \u00e9minents ce serait une nouvelle forme d'eug\u00e9nisme dans d'autres cas une f\u00e9condation pourrait \u00eatre orient\u00e9e et m\u00eame impos\u00e9e par des dirigeants politiques sur le plan scientifique des croisements consanguins deviendraient alors probables c'est pourquoi on est d'ores et d\u00e9j\u00e0 amen\u00e9 \u00e0 enregistrer le pedigree des vaches sur ordinateur le nouveau m\u00e9nage chr\u00e9tien incarne en quelque sorte la sainte trinit\u00e9 ou encore la v\u00e9rit\u00e9 plus g\u00e9om\u00e9trique du triangle nous gardons l'\u0153il sur ce symbole \u00e9ternel car enfin voulez-vous me d\u00e9montrer le contraire si les triangles avaient un dieu n'auraient-il pas trois c\u00f4t\u00e9s \u00e9trange aussi que dans le regressus infinitum de la poule et l'\u0153uf on oublie toujours le moment du coq la signification intrins\u00e8que du cocorico l'oiseau sort toutes ses plumes vari\u00e9es pour l'accouplement et apr\u00e8s shlick nid gris en couveuse eh bien on pourrait penser que \u00e7a leur para\u00eet fastidieux depuis le temps pas du tout accroch\u00e9s au radeau comme des m\u00e9duses des mouches dans le miel des gu\u00eapes extasi\u00e9es m\u00eame une pompe \u00e0 incendie ne pourrait pas les s\u00e9parer ils s'en remettent au hasard ou plut\u00f4t la seule solution est de rendre solennellement \u00e0 la femelle son droit antique l'arme absolue quand elle veut elle n'aura pas besoin de pr\u00e9venir elle pourra choisir l'effusion dans la diagonale serr\u00e9e des partouzes en cons\u00e9quence je propose de pr\u00e9voir d\u00e8s maintenant une r\u00e9gion centrale de reproduction avec constitution jusqu'\u00e0 l'os des int\u00e9r\u00eats f\u00e9minins d\u00e9couverts assembl\u00e9es internationales de p\u00e8res baratins bourse des noms propres vente achat indexation de la commission des finances et simultan\u00e9ment l'am\u00e9nagement des zones p\u00e9riph\u00e9riques mouvantes avec normalisation des diverses pratiques homosexuelles gouines rouges front d'action r\u00e9volutionnaire o\u00f9 pourra s'\u00e9tablir un minist\u00e8re de la culture comp\u00e9tent le p\u00e9d\u00e9 la gousse maintiennent en effet une vision \u00e0 la fois plus animale fi\u00e9vreuse n\u00e9cessairement jalouse mais tendue plus \u00e9th\u00e9r\u00e9e de l'humanit\u00e9 les corps seront d\u00e9clar\u00e9s flottants leurs passions seront rationn\u00e9es poin\u00e7onn\u00e9es par le sgic sodome gomorrhe international council ils pourront passer d'une r\u00e9gion \u00e0 l'autre sur simple pr\u00e9sentation de leur carte de diff\u00e9rence on pourrait d\u00e8s maintenant am\u00e9nager les r\u00e9servoirs souterrains par exemple sous la place de la concorde avec en haut le choc d\u00e9capitation du p\u00e9p\u00e8re retour de la vall\u00e9e des rois rappel de l'aspect \u00e9ph\u00e9m\u00e8re des ph\u00e9nom\u00e8nes avertissement qu'on doit aussi penser l'ellipse \u00e0 l'envers c'est en 1775 que goethe \u00e9crit \u00e0 herder l'art de faire de la poussi\u00e8re de l'histoire une plante vivante formule qui doit \u00eatre rapproch\u00e9e de son contraire et aussi de cette capacit\u00e9 qu'a parfois un sujet obstin\u00e9 mais fluide d'enlever voile sur voile de d\u00e9tacher les n\u0153uds d'appuyer sa n\u00e9gation jusqu'\u00e0 ce que l'infini sous sa forme toujours inattendue commence \u00e0 sourdre dans ses parages inside and outside apr\u00e8s quoi il regarde ajax tornade blanche obao fra\u00eecheur s\u00e8che akil\u00e9ine dentifrice du pied comme s'il s'agissait de messages ayant leur part de chiffr\u00e9 le voil\u00e0 qui reprend la mer le train je voyage toujours dit-il en wagon pull woman je suis le vrai porc \u00e9pique je p\u00eache le dactyloptena orientalis poisson volant ou le betta splendens poisson combattant ou le chaetodon auriga l'holocanthus diacanthus poisson ange voire le symphysodon discus poisson disque ou encore le pteropterus dragon attention aux retomb\u00e9es des r\u00e9volutions l'humanit\u00e9 est tr\u00e8s poreuse \u00e0 son pass\u00e9 bic\u00e9phale le fait d'avoir d\u00e9cr\u00e9t\u00e9 le culte de la d\u00e9esse raison m'a toujours paru \u00eatre un argument n\u00e9gatif contre robespierre y a encore d'la maman l\u00e0-dedans \u00e7a sent le fils soumis bon \u00e9l\u00e8ve encore que la cantatrice sur l'autel fallait oser de ce point de vue on n'a pas tellement avanc\u00e9 regarde cette masse noire regarde ce grand cercueil draperie ah le moulin d'm\u00e9m\u00e9 pr\u00e8s du fleuve les gargouilles l'alchimie des fa\u00e7ades le fant\u00f4me de quasimodo le chapitre des mis\u00e9rables sur l'argot est un des plus \u00e9tonnants de la langue fran\u00e7aise parcours impeccable g\u00e9nie humanisme taratatatataratatarata debout \u00e0 son pupitre les \u00e9lections le baisage par-ci par-l\u00e0 et le soir les tables tournantes quel jeu je m'\u00e9tais endormi le soir pr\u00e8s de la gr\u00e8ve un vent frais m'\u00e9veilla je sortis de mon r\u00eave je m'\u00e9veillai je vis l'\u00e9toile du matin elle resplendissait au fond du ciel lointain et dieu satan la com\u00e9die en stuc le message la barbe sur les billets de cinq francs puis nocturne je vois un soleil noir d'o\u00f9 rayonne la nuit un peu trop pr\u00e9par\u00e9 peut-\u00eatre fluctuat nec mergitur c'est normal que les profs soient intrigu\u00e9s par le langage et pas nous c'est logique que les physiciens soient snob\u00e9s par la mati\u00e8re et nous plut\u00f4t par le mouvement la mati\u00e8re veut du mouvement le mouvement veut du langage le langage nous veut dans ses creux l\u00e8ve la t\u00eate la lune est d\u00e9sormais un d\u00e9potoir de banlieue elle \u00e9tait au fond le frigo de notre plan\u00e8te elle a tout conserv\u00e9 depuis le d\u00e9but pense au quatre-vingt-douze \u00e9l\u00e9ments songe que le dinosaure s'est \u00e9teint il y a soixante-dix millions d'ann\u00e9es pour des raisons encore ignor\u00e9es incline-toi devant la gicl\u00e9e en brouillard nacr\u00e9 d'androm\u00e8de r\u00e9fl\u00e9chis au fait que des astronomes chinois d\u00e9tect\u00e8rent en 1054 l'une des premi\u00e8res supernovae connues la n\u00e9buleuse du crabe occupe maintenant l'endroit o\u00f9 elle se trouvait on peut dire sans exag\u00e9rer qu'elle s'\u00e9loigne de nous \u00e0 la vitesse de mille cinq cents kilom\u00e8tres \u00e0 la seconde bon \u00e7a c'est le d\u00e9cor tournant j'estime qu'il influe sur le comportement inconscient des acteurs oui je suis du sagittaire comme beethoven mais la question n'est pas l\u00e0 oui oui ascendant verseau bien s\u00fbr l'avenir quoi le nouveau pulsar n\u00e9 \u00e0 midi comme de juste avec le temps il n'est pas impossible que je devienne une rotative huil\u00e9e sans mobile publiant deux ou trois fois par jour les nouvelles de l'\u00e9ternel non-retour qui sommes-nous d'o\u00f9 venons-nous o\u00f9 allons-nous c'est le moment de d\u00e9cider de se prendre un peu soi-m\u00eame \u00e0 la gorge allez dis-moi dis-moi tout suis-je le r\u00eave de l'inconnu ou plut\u00f4t son lapsus corporis doloris linguae vous qui \u00eates entr\u00e9s ici je comprends que l'esp\u00e9rance vous manque mais ne croyez pas que je m'en tire mieux quant au macadam je fais seulement l'effort de sentir sous le goudron le noyau nickel fer en fusion l'esprit souffle-t-il o\u00f9 il veut veut-il chacun de ses souffles pourquoi la lettre a-t-elle pris l'habitude de tuer sans nous dire un mot autant de dissertations sur la cause interne qui compte peut-\u00eatre pour du beurre mais qui saura l'affirmer sans trembler s'enrhumer quelle est la cath\u00e9drale d\u00e9j\u00e0 o\u00f9 se c\u00e9l\u00e8bre le miracle de saint-janvier le sang qui devient liquide ouf soupir de soulagement des foules c'est donc que le tabernacle n'est pas enceint supposons que dieu se retire \u00e0 la m\u00eame vitesse que quelque chose lui ait pas plu dans le spectacle de sa propre r\u00e9p\u00e9tition voil\u00e0 toutes les syllabes bourdonnant sur le bout des l\u00e8vres et le doigt qui s' pointe hors du cosmos et l'chuchotement de l'impr\u00e9cation allez voir ailleurs si j'y suis et tout s'\u00e9largit et fuit allez allez loin de moi race maudite de particules ou alors c'est le tourbillon gratuit insens\u00e9 pour prouver sans rien les d\u00e9s la roulette nul hasard nulle n\u00e9cessit\u00e9 dormons oh dormons plut\u00f4t un sommeil bien ivre sur la gr\u00e8ve j'ai pass\u00e9 des mois \u00e0 me saouler \u00e0 vouloir crever dans les trous sal\u00e9s le varech dans le nez et dans les oreilles le splash remuant de l'eau mon hypoth\u00e8se est donc la suivante puits de jouissance ronflante capt\u00e9e au dix-milli\u00e8me pens\u00e9e au dix-milliardi\u00e8me repouss\u00e9e en conscience avec la force d'un marteau-pilon et \u00e0 partir de l\u00e0 variation \u00e9volution g\u00e9n\u00e9r\u00e9e gueule de l'adjudant chef sourire b\u00e9at d\u00e9multipli\u00e9 pour les astres deux et deux font quatre rideau g\u00e9n\u00e9ral le plus surprenant c'est monsieur l'savant rentrant de l'observatoire embrassant sa petite famille contemplant attendri sa fille jouer du violon le biologiste a une belle gueule s\u00e9v\u00e8re qui perp\u00e9tue celle de sa grand-m\u00e8re protestante le physicien baptiste le math\u00e9maticien syncr\u00e9tiste faut c' qu'il faut pour continuer les calculs oui oui cher ami galil\u00e9e sans doute mais enfin aristarque l'avait d\u00e9j\u00e0 devin\u00e9 et de l\u00e0 copernic kepler newton m\u00eame leibniz \u00e9tait hant\u00e9 par la transmutation g\u00e9n\u00e9rale ch\u00e9ri nous pourrions peut-\u00eatre passer au salon tu nous r\u00e9citeras bien un po\u00e8me j'ai longtemps habit\u00e9 sous de vastes portiques o\u00f9 des esclaves nus tout impr\u00e9gn\u00e9s d'odeurs tu sais celui qui est analys\u00e9 dans le dernier num\u00e9ro de sons et rythmes il a une structure crois\u00e9e int\u00e9ressante on dirait une \u00e9toile de mer quoi qu'il en soit la pratique graphique des hommes d\u00e9termine leur pens\u00e9e ce qui s'explique ais\u00e9ment si l'on tient compte de la r\u00e9ceptivit\u00e9 du tissu de ce qu'il renvoie en br\u00fblant ses mailles un point \u00e0 l'endroit deux points \u00e0 l'envers un saut en avant deux en arri\u00e8re \u00e7a roule \u00e7a roule mais on peut s'y coudre et d\u00e9coudre \u00e0 vif la seule chose qui leur viendrait pas \u00e0 l'id\u00e9e c'est comment leur vie prend son sens dans la pratique sociale ils n'arrivent pas \u00e0 comprendre la constitution in\u00e9vitable de ce relais ils saisissent pas l'objectivit\u00e9 de la lutte des classes donc pas d'analyse nature d'un c\u00f4t\u00e9 id\u00e9al de l'autre ils croient \u00eatre les gardiens du temple les d\u00e9positaires de la plus-value anti-barbarie impossible pour eux d'imaginer leur c\u00f4t\u00e9 brindilles au niveau des masses tout au plus veulent-ils \u00eatre la cellule veilleuse \u00e0 c\u0153ur d'\u00e9lectron c'est plus noble l'\u00e9tincelle intelligible noy\u00e9e r\u00e9sistante en plein fruit fureur eh bien non l'histoire n'est pas racont\u00e9e par un \u00e9pileptique non les super-puissances ne vont pas fonder le saint empire non non nous ne sommes pas aux limites de la connaissance et parfaitement la bombe est un tigre de papier pas plus impressionnante pour une autre conception du monde qu'une infusoire de m\u00eame que le plus profond tabou intangible de leur soci\u00e9t\u00e9 la preuve il suffit d'ouvrir la fen\u00eatre c'est comme \u00e7a que nous aimons travailler en plein air en changeant d'motif en la variacion esta el gusto ah je vois un cas de don juanisme si vous voulez viva le femine viva il buon vino et en tout cas no vecchio infatuato attendez un peu le tiers-monde l'effritement de votre grenier mais \u00e7a s'ra pareil la loi du ma\u00eetre et de l'esclave attendez attendez qu'on creuse le corpusculaire l\u00e0 encore y aura des surprises qui n'est pas inquiet n'est pas n\u00e9 il viendra le nouveau sujet c'est du messianisme mais non simplement on avance en d\u00e9sordre sur tous les fronts mille feuilles bref le nouveau est le nouveau l'ancien n'y peut rien hou hou le mort saisit le vif le commendatore veille bon nous r\u00e9crirons ce finale o\u00f9 il sera d\u00e9montr\u00e9 que l'apparition se dissout \u00e0 la lumi\u00e8re du p\u00e8re freud revitalis\u00e9 et vitamin\u00e9 mes enfants nous dira-t-il \u00e9mu je n'osais plus l'esp\u00e9rer tout \u00e7a avait fini par me para\u00eetre bien sombre avec ma femme ma fille les soucis de l'association tu es libre papa lui r\u00e9pondrons-nous g\u00e9n\u00e9reusement l'histoire des religions avance scellons notre pacte dans ce breuvage et on lui offre une gorg\u00e9e de soma qui lui gu\u00e9rit sa rage de dents culpabilit\u00e9 mac\u00e9r\u00e9e le dernier tableau le montre entrant dans la danse une valse viennoise if the music be the food of love play on o let me teach you how to knit again this scattered corn into one mutual sheaf these broken limbs again into one body eros crie-t-il le grand rassembleur et nous en ch\u0153ur come thick night come you spirits that tend on mortal thoughts unsex me here and fill me from the crown to the toe top full of direst cruelty et autres adaptations de shakespeare son auteur pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 oh ath\u00e9niens que faire pour m\u00e9riter vos louanges coupe-toi la queue mordicus il est difficile de tirer fl\u00e8che apr\u00e8s fl\u00e8che sur un trou de serrure \u00e9troit situ\u00e9 \u00e0 longue distance et de ne pas le manquer une fois il est plus difficile encore de tirer et de transpercer avec la pointe d'un cheveu cent fois fendu un fragment de cheveu semblablement fendu il est bien plus difficile encore de p\u00e9n\u00e9trer le fait que tout ce qui existe est mauvais cette id\u00e9e autrefois m'aurait paru obscure pessimiste exag\u00e9r\u00e9e je n'aurai jamais cru qu'elle \u00e9tait comme toi si lucide non pas lucide allant de soi non pas allant de soi mais nettement sans bords d\u00e9chir\u00e9e le probl\u00e8me en d\u00e9finitive est d'oser l'autre par tous les c\u00f4t\u00e9s de se saborder au c\u0153ur m\u00eame d\u00e9phas\u00e9 de l'autre my heart mein hertz mi corazon il mio cuore sacr\u00e9 cour couronn\u00e9 de pines montrant son bifteck tout cru dans les missels infarctus battant pour les vieilles filles d\u00e9faillance parmi les cierges ou sur le divan l'embryon entend comme sous l'eau le tambour brouill\u00e9 de sa m\u00e8re \u00e7a lui ronge plus tard le tympan otites sur otites et masto\u00efdites l'archipel cartilages les compresses les chevaux du mur on s'est vachement battu dans la sinusite je pourrais renommer l'\u00e9ventail d'odeurs \u00e7a m'a donn\u00e9 le sens de la perforation de l'os en musique tout le monde n'a pas la t\u00eate ouverte c'est dommage pour la compr\u00e9hension imm\u00e9diate longue distance sur parcours r\u00e9duit nous avons invent\u00e9 la circoncision du ventricule la plus importante le pr\u00e9puce au carr\u00e9 la greffe sous tente a\u00e9r\u00e9e ici personne n'entre sans montrer ses certificats m\u00e9dicaux son attestation d'entra\u00eenement dans la gu\u00e9rilla circulatoire je montais sur le petit toit la nuit tomb\u00e9e pour la voir se d\u00e9shabiller zinc mouill\u00e9 quand elle enlevait sa robe oui l'utopie est derri\u00e8re nous \u00e9clatante r\u00e9alis\u00e9e vous n'allez tout de m\u00eame pas nous pr\u00eacher le phallust\u00e8re l'ashram la pension la communaut\u00e9 villageoise vous n'allez tout de m\u00eame pas nous proposer de mettre de l'hydromel dans le n\u00e9gatif vous n'\u00eates plus assez frais pour \u00e7a camarades vous refusez de vous voir vieillir l'utopie est une parabole fatigu\u00e9e laissez le sujet faire son exp\u00e9rience ne lui cachez pas l'interdit nous il nous faut le four noir la sortie en force l'arrachage du sparadrap pas le banquet menstruel avec r\u00e9intronisation de m\u00e9m\u00e9 oui fourier si vous voulez mais quand m\u00eame avouez que \u00e7a sent l'cale\u00e7on long la bacchanale \u00e0 la naphtaline vous dites le d\u00e9sir et vous bromurez le caf\u00e9 vous r\u00e9installez la couveuse vous n'acceptez pas l'aspect vicieux du b\u00e9b\u00e9 or tout le monde sait que les enfants manquent forc\u00e9ment d'humour chers petits ils ont autre chose \u00e0 faire qu'\u00e0 servir de miroir pour votre p\u00e8lerinage nous sommes dans une \u00e9poque o\u00f9 sous nos climats le lien se rel\u00e2che et y en a qui marchent qui croient \u00e0 la cit\u00e9 future ruse du t\u00e9n\u00e9breux du multiple vous n'arriverez pas \u00e0 expurger la version litt\u00e9rale de notre journal la jouissance a d'autres projets des horreurs n'emp\u00eache que vous \u00eates sympathiques vous ne serez pas mang\u00e9s je vous le promets vous avez le droit de ronronner tranquilles de vous montrer nus \u00e0 vos rejetons si \u00e7a vous donne bonne conscience comme si on pouvait d\u00e9cr\u00e9ter l'\u00e2ge d'or dans les pavillons de banlieue au fond il vous manque un peu de bouddhisme c'est \u00e7a notre pol\u00e9mique hein notre d\u00e9saccord porte essentiellement sur le sein ah y a l\u00e0 une foutue grimace initiale et finale \u00e7a fait une plombe que j'm'\u00e9tais aper\u00e7u que vous \u00e9tiez tous coll\u00e9s \u00e0 l'oral que j'me trouvais neuf fois sur dix transform\u00e9 en maman r\u00e9serve oh mes gloutons oh mes goulus c'est qu'vous n'en laisseriez pas une miette de l'alter gigot hein mes ventouses j' vous parle pas au nom de l'anal phallique qui vous fait chier comme moi ni au nom du p\u00e8re du fils ou du monoprix ni au nom du g\u00e9nital barboteuse non mais du g\u00e9nie \u00e9tale la nouveaut\u00e9 de demain l'antisurhomme le non-dieu non-homme le non-unique le d\u00e9bordement des dortoirs car enfin je vous le demande que devient la mort dans votre local s'agit-il d'une limite d'un malentendu d'une faute de go\u00fbt d'un pet d'une erreur de calcul d'un grain de poussi\u00e8re ou admettez-vous avec moi qu'elle est l'\u0153uvre unique l'op\u00e9ration de la libert\u00e9 universelle sans aucun volume ni plein de substance intime puisque ce qui est ni\u00e9 est encore et toujours le point sans contenu la t\u00eate d'\u00e9pingle du soi absolument libre qui ainsi communique avec le tout bref touche ses revenus en perdant la vue tu comprends vise les remous sous les tabliers du pont bois des yeux l'eau noire tiens on dirait que l'universel est une grande chambre inhabit\u00e9e tout \u00e0 coup il faut avoir \u00e9t\u00e9 clou\u00e9 comme moi par terre sous la volont\u00e9 qui n'a pas de contraire sous la presse en fonte de la dur\u00e9e le hasard minute bredouille de ta naissance te saute \u00e0 la gueule tu entends souffler les droits de ce qui \u00e9tait l\u00e0 avant toi je passe par toi je passe pas par toi c'est toi qui choisis mon amibe l'injonction ne plaisante pas j'sais pas si j' pourrais fixer la gorgone dans un de ses r\u00eaves elle voulait me dire quelque chose \u00e0 propos de l'azote et moi tu me l'as d\u00e9j\u00e0 dit alors tu veux pas savoir et moi tu m' l'as d\u00e9j\u00e0 racont\u00e9 et elle bon alors j'te dirai pas et moi si alors vas-y et elle par exemple on passe devant un carnaval multicolore mais vraiment plusieurs hein la palette vitrail mettons un arlequin eh bien ce que j'trouve curieux c'est qu'tu m' dises chaque fois t'as vu le bel arlequin jaune sa critique \u00e9videmment avait une port\u00e9e g\u00e9n\u00e9rale elle avait une passion pour les caniches pr\u00e9tendant qu'ils la reconnaissaient \u00e0 trente m\u00e8tres elle guettait le moment de leur mise en boule elle insistait beaucoup sur le fait que pour recouvrir leur caca pipi ils avaient un geste ancestral pff pff des deux pattes arri\u00e8re \u00e7a m'fait penser au festival pour la reine d'angleterre les ch'vaux pr\u00e9sent\u00e9s de dos et la croupade en gros plan de t\u00e9l\u00e9 visage rose de sa majest\u00e9 tout contre les fesses moul\u00e9es bien crottines des cuirass\u00e9s de la garde il para\u00eet aussi qu'ils enterrent leurs os qu'ils vont les ronger \u00e0 nouveau de temps en temps ils veulent que sous les mythes il y ait un f\u00e9mur un tibia irr\u00e9ductible id est tous leurs discours sont comme des petites croix sur un cimeti\u00e8re des sonneries aux morts ce qui les effraye n'est pas du tout l'obsc\u00e9nit\u00e9 le tordu comme tel mais l'explication au vif de la tranche le profil de l'\u00e9quation en train de sauter qui a dit la loi est pornographique elle voit \u00e7a partout la pornographie le lui rend bien en la suivant comme son ombre il suffit de voguer vers la lib\u00e9ration pour \u00eatre accus\u00e9 de d\u00e9bauche avoir tous les animaux au cu venant v\u00e9rifier l'appareil les cons ils comprennent vraiment rien \u00e0 rien j' vois pas l' dieu qui se s'rait pas lass\u00e9 de leur bornitude autant disposer les cadavres en f\u0153tus et n'en parlons plus l'incin\u00e9ration oui peut-\u00eatre mais les parsis ont raison \u00e7a salit le feu o\u00f9 en \u00e9tions-nous ah oui le samsara le coup des morts renaissances pas du tout all\u00e9gorique \u00e7a n'a encore rien \u00e0 voir avec les chenilles et les papillons simplement l'accent sur la roue le vieux phono \u00e0 ressort his master's voice le baveux de l'omelette \u00e0 travers le temps y a un passage du purgatoire o\u00f9 les voyageurs entendent parfois un cri dans la montagne c'en est un qui d\u00e9colle qui met les bouts les vacances quoi la sir\u00e8ne de six heures du soir dire qu'il a fallu ces batailles pour obtenir les cong\u00e9s pay\u00e9s la s\u00e9curit\u00e9 sociale j'ai vu un graffiti l'autre jour c'\u00e9tait pas grosse bite cherche petit cu bronz\u00e9 bien maniable mais salaire minimum garanti c'est toute une \u00e9poque qui s'en va pas si vite tu connais pas les inscriptions de la biblioth\u00e8que nationale c\u00f4t\u00e9 femmes des r\u00e9cits des d\u00e9tails des appels trembl\u00e9s j'en connais d\u00e9j\u00e0 trois ou quatre qui n'ont pas pu r\u00e9sister qui se sont achev\u00e9es sur place qui y pensent encore de temps en temps sur leur fauteuils \u00e0 quand l'\u00e9diteur publiant un guide j'ai un titre le cabinet des estampes \u00e0 quand les cars aux meilleurs endroits remarque bien ce que dit apollon pour d\u00e9gager le bateau \u00e0 l'air libre il affirme ce n'est pas la m\u00e8re qui enfante cas typique de transition historique dans la pi\u00e8ce elles en reviennent pas les enfants inf\u00e9condes de la f\u00e9conde nuit elles manifestent elles font un boucan du d able quelle douceur de l'air tout de m\u00eame comme c'est clair laiteux argent\u00e9 on se croirait dans une com\u00e9die \u00e0 l'ancienne montre-moi tes mains tout est l\u00e0 tu vois dans la division manuel intellectuel la langue est-elle un syst\u00e8me d'objets abstraits analogue \u00e0 une symphonie la parole consiste-t-elle \u00e0 l'ex\u00e9cuter mais l\u00e0 encore les symphonies tombent-elles du ciel non un langage est-il un ensemble fini ou infini des phrases elles-m\u00eames s\u00e9quences d'atomes discrets nesting ou self embedding un \u00e9l\u00e9ment non-nul \u00e0 sa gauche un autre \u00e0 sa droite la limitation du degr\u00e9 d'embo\u00eetement vient seulement du fait que la m\u00e9moire est finie n'est-il pas idiot de dire que les transformations ne modifient pas le sens alors qu'il y a au moins cinq sens par faux sens continue avoue que tu es pens\u00e9e souffrant qu'on te pense le tombeau tu l'emportes partout avec toi vaf le vent du dehors la ronde les parcelles la membrane ext\u00e9rieure de l'enc\u00e9phale appel\u00e9e meninx faut croire qu'une petite partie simplement s'est gonfl\u00e9e du corps qui ne s'est pas gonfl\u00e9 en entier l'oubli a son embryon vigoureux entrant lui aussi sous limite on nomme apocastase le retour d'un astre et son passage au point diam\u00e9tralement oppos\u00e9 et voil\u00e0 ce que sont les passions rotations et disparitions donc le monde est omniforme omnivore omnivalent omnirien fais-toi grandir jusqu'\u00e0 correspondre \u00e0 la grandeur sans mesure monte descends plus haut plus bas est-il vrai que quelque part la raison reste enroul\u00e9e sur elle-m\u00eame que les unit\u00e9s engendrent le nombre l'augmentent le re\u00e7oivent en elles-m\u00eames quand il se dissout alors que la mati\u00e8re reste sous la table la gamme le clavier clac l'\u00e9tendue du support la narration du trac\u00e9 les pores fentes clapets percussion des consonnes glissement modul\u00e9 encore ce merle dans les peupliers quel bec quelle folie on dit que l'air sec contracte moins fortement les parties lignifi\u00e9es des membranes que celles demeur\u00e9es \u00e0 l'\u00e9tat cellulose les valves les dents les \u0153illets les trous du pavot cicatrices refoulement oblig\u00e9 il faut distinguer les graines grande distance l'impatiens noli tangere l'aura crepitans des aigrettes oiseaux migrateurs on dit que la r\u00e9sistance du pouvoir germinatif \u00e0 une immersion prolong\u00e9e dans l'eau m\u00eame l'eau de mer explique le r\u00f4le des rivi\u00e8res des courants marins dans la diss\u00e9mination des esp\u00e8ces mais on dit aussi que la r\u00e9volution produisit un diss\u00e9minement g\u00e9n\u00e9ral des ouvriers simultan\u00e9ment la parole est une phase r\u00e9cessive du cycle respiratoire j'ai pass\u00e9 des heures \u00e0 observer les chanteuses leurs gorges leurs torsions de bouche \u00e0 la jumelle leurs reprises de souffle le reste me g\u00eanait plut\u00f4t quand l'une d'elles m'a embrass\u00e9 j'ai eu l'impression de d\u00e9marrer \u00e7a me d\u00e9crochait de partout personne ne patine comme une mezzo soprano sans reprendre haleine il y eu une \u00e9poque o\u00f9 je ne voulais que des pianistes pour me faire toucher \u00e7a m'en rappelle une cheveu vibrant sur les l\u00e8vres diff\u00e9rence \u00e9lectrique sur le bout livr\u00e9 le franchissement des lignes ne va pas sans secousses surtout avec l'entourage qui au fond n'y a jamais cru repr\u00e9sentant la surveillance polici\u00e8re minimale appliqu\u00e9e par fractions au territoire mais je dois avouer que leur haine m'a aid\u00e9 ils ont toujours senti sur moi quelque chose en avant de moi une zone trouble o\u00f9 leur truc devait s'effriter devenir minable je leur dois l'\u00e9veil la poursuite sans quoi je continuerais \u00e0 faire des b\u00e2tons \u00e0 inventer des feuilletons anormale cette haine quand j'y r\u00e9fl\u00e9chis \u00e9trange aversion \u00e9trange d\u00e9sir si tout se joue bien avant ailleurs sur une autre sc\u00e8ne alors j'ai un dr\u00f4le de machin \u00e0 faire sortir pas de doute c'est plein d'indications en chemin il surveillent d'o\u00f9 je viens jamais o\u00f9 je vais comique comique ils passent leur temps \u00e0 ne pas revenir d'o\u00f9 je viens or l'\u00e9loignement progressif d'une spirale d\u00e9pend du nombre de centres qui ont servi \u00e0 la former le mot vient de speira enroulement mais on peut aussi penser \u00e0 spirare respirer en ajoutant \u00e9galement que le r\u00eave s'oppose aux d\u00e9sirs de d\u00e9charges par mutations successives ainsi l'autre nuit l'eau mouill\u00e9e d'or mouvante vagues sur place plis pr\u00e9historiques liqu\u00e9fi\u00e9 par l'entr\u00e9e en lui d'un avant-corps d\u00e9truit l'\u0153uf la montagne le sommet en vue les files d'autos c'est-\u00e0-dire moi parall\u00e8le ou encore moment des yeux animaux \u00e0 rayon filet perdu oubli\u00e9 hors-volume particule disant son point flux comprim\u00e9 exc\u00e9dent infime en r\u00e9sum\u00e9 c'est chaque fois passionnant il n'y a que les autres qui vous fatiguent comment pourrait-on s'ennuyer avec les formules rassembl\u00e9es en mots les actes en formules et l'\u00e9pop\u00e9e m\u00e9lop\u00e9e de l'esprit comme disait l'id\u00e9aliste final frayant son lit d\u00e9fait dans tout \u00e7a abandonnant ses femmes religions comme autant de veuves frafuli ti frafulti couac si l'homme habite r\u00e9ellement le langage on ne peut pas dire qu'il y fasse souvent le m\u00e9nage tu vois ce qui me frappe le plus chez les ennemis acharn\u00e9s c'est leur accord par exemple leur mani\u00e8re \u00e0 peu pr\u00e8s semblable de te dire allons un bon mouvement vous devriez procr\u00e9er comment voulez-vous sans \u00e7a qu'on croie \u00e0 votre parole qu'on vous inscrive sur les registres ou alors marquez que vous ne faites rien ou alors ayez un vice limit\u00e9 visible non ah maudit tu seras toujours un enfant oui et qui vous chie \u00e0 la gueule crapules c'est ainsi que la soi-disant r\u00e9pudiation de la chair danse la main dans la main avec mariage et d\u00e9viations strapontins con ferm\u00e9 \u00e0 double tour pour myst\u00e8re et \u00e7a croit \u00eatre sorti du christianisme vous \u00eates mal inform\u00e9s vous feriez mieux de vous mettre un peu aux p\u00e8res de l'\u00e9glise un accroc de quatorze si\u00e8cles dans votre culture \u00e7a commence \u00e0 se voir faudra repriser le progressiste bourgeois radical ou mat\u00e9rialiste pr\u00e9tendant qu'il faut lutter contre l'ignorance du peuple qu'il faut d'abord pr\u00eacher l'ath\u00e9isme mais ce point de vue traduit l'id\u00e9e d'une lutte pour la culture pure superficielle bourgeoisement born\u00e9e il faut lier la lutte contre l'opium du peuple aux luttes visant \u00e0 faire dispara\u00eetre ses racines sociales je dirai m\u00eame que cela oblige \u00e0 consid\u00e9rer le v\u00e9ritable opium d'un autre \u0153il cela dit gaffe \u00e0 la propagande attention attention le vague \u00e0 l'\u00e2me revient un frisson spirituel parcourt le pays l'immense ennui des co\u00efts coinc\u00e9s r\u00e9envahit l'atmosph\u00e8re nous devons reprendre plus profond\u00e9ment le d\u00e9veloppement par bonds catastrophes solutions de continuit\u00e9 la transformation de la quantit\u00e9 en qualit\u00e9 exemples concrets imag\u00e9s directs intarissables les impulsions internes provoqu\u00e9es par la contradiction application physique imm\u00e9diate cons\u00e9quences sur le sujet le choc des forces et tendances diverses agissant sur un corps donn\u00e9 dans le cadre d'un ph\u00e9nom\u00e8ne donn\u00e9 au sein d'une soci\u00e9t\u00e9 donn\u00e9e l'interd\u00e9pendance la liaison \u00e9troite de tous les aspects de chaque ph\u00e9nom\u00e8ne et ces aspects l'histoire en fait appara\u00eetre sans cesse de nouveaux tenir bon pour le processus universel quel travail peut-\u00eatre mais il s'agit de savoir ce que vous voulez passer \u00e0 travers ou mourir dans le pot de cr\u00e8me saisir le moment propice ou rester s\u00e9par\u00e9s du feu sous l'emprise ronron vieille aigreur structures \u00e9l\u00e9mentaires les dieux disent-ils ne mangent pas sinon leur groupe familial quelle soupe ou encore les enfants n\u00e9s du corps ouvert de leur m\u00e8re sortent par le dos voil\u00e0 mon sens des surfaces voil\u00e0 pourquoi je la reconnais aussit\u00f4t yu la femme poisson qui danse avec la jambe tra\u00eenante quand une chose se fait \u00e0 l'est la gauche l'emporte oui le dessin sort de la danse chant\u00e9e et si le dessin finit par s'exprimer \u00e0 mi-voix par \u00eatre aphasique ne vous en prenez qu'\u00e0 votre incapacit\u00e9 de franchir le mur de vous retrouver avant la peinture au commencement imm\u00e9diat et masqu\u00e9 du bal c'est pourquoi le geste qui noue et d\u00e9noue vraiment est sans forme et sans ressemblance vagues recourbant vite leur cr\u00eate l'une sur l'autre et tant que n'aura pas lieu ce vidage de la t\u00eate aux pieds le contraire m\u00eame de l'\u00e9longation de la vase obsc\u00e8ne l'oppos\u00e9 canon du jouisseur qui fait sa corolle autruche exposant son cu \u00e0 l'\u0153il plus ouvert eh bien le sujet aura toujours peur du tonnerre il n'approchera pas l'anti-\u00e9clair sec violet sans couleur l'anti-tout le feu vein\u00e9 brillant \u00e0 l'int\u00e9rieur faible et humide \u00e0 l'ext\u00e9rieur poche au milieu je dis qu'il faut \u00e9puiser la vue r\u00e9pandre l'ou\u00efe avant de la l\u00e2cher \u00e0 son tour allons sortez-moi ce cr\u00e2ne l'or a voulu dire sonorit\u00e9 et le jade \u00e9clat branche feuilles flot source tout cela doit \u00eatre gliss\u00e9 dans la soie les herbes lumi\u00e8re et canards volent ensemble les oies sauvages sont surprises par le froid les jardins ont des bambous verts les fleurs rouges illuminent les pinceaux et ainsi de suite on doit exercer gorge larynx poumons foie rate les deux sexes l'anus cuisses genoux plante des pieds comme front et la main saura retourner le dessus des boules tu continues avec l'\u00e9toile polaire est loin l'oc\u00e9an est profond les algues se rencontrent nous venons de diverses r\u00e9gions toute leur po\u00e9sie est dualiste et relativiste fond\u00e9e sur l'antith\u00e8se tuei les paires contrast\u00e9es attention aux scissions pr\u00e9coces pour n\u00e9vrose obsessionnelle retour du guignol l'insconscient de l'analyste doit se comporter comme le r\u00e9cepteur t\u00e9l\u00e9phonique \u00e0 l'\u00e9gard du volet d'appel comme un ordinateur imp\u00e9n\u00e9trable allons allons vous savez bien que freud lui-m\u00eame a compar\u00e9 l'analyse \u00e0 un enfantement \u00e0 un accouchement plus ou moins r\u00e9ussi \u00e9tonnez-vous apr\u00e8s que \u00e7a recommence lors de la premi\u00e8re s\u00e9ance un jeune philosophe aux go\u00fbts artistiques exquis se h\u00e2te d'arranger le pli de son pantalon je constatai que ce jeune homme \u00e9tait un coprophile des plus raffin\u00e9s comme il fallait s'y attendre de la part de ce futur esth\u00e8te elle finit par simuler l'imb\u00e9cillit\u00e9 et une amn\u00e9sie totale pour se d\u00e9fendre contre ce que je lui disais oui tout se fait \u00e0 la r\u00e9sistance il faut distinguer la r\u00e9sistance \u00e0 l'oppression et celle plus subtile \u00e0 la lib\u00e9ration m\u00eame en leur r\u00e9v\u00e9lant leur inconscient on provoque toujours chez eux une recrudescence de conflits une aggravation des sympt\u00f4mes ils voudraient avec leur passion d\u00e9gag\u00e9e de tout lien social tenir \u00e0 merci l'op\u00e9rateur lequel ne doit pas reproduire la course aux l\u00e9vriers dont le prix consiste en un chapelet de saucisses un farceur s'amuse \u00e0 tout perturber en jetant au milieu de la piste une seule francfort les coureurs se pr\u00e9cipitent dessus et oublient la comp\u00e9tition ainsi que le chapelet promis au vainqueur faut dire que \u00e7a vaut 1' coup d'\u0153il d'ailleurs ils se transforment tous plus ou moins un jour en boudins c'est l\u00e0 que se montre logiquement leur anthropophage l'opposition agit donc \u00e0 la mani\u00e8re d'un agent provocateur en rendant plus intense l'amour de la patiente en exag\u00e9rant son exigence du don sexuel tout cela dans le but de justifier plus durement l'action du refoulement coup classique scotomisation au couteau repr\u00e9sentation archa\u00efque typique de la d\u00e9voration par le p\u00e8re gros \u00e9tron lambeau de saturne se tapant exorbit\u00e9 l'\u00e9paule de son fils m\u00e9choui de toute fa\u00e7on le malentendu est in\u00e9vitable le meurtre en douceur censure aussi faites ce que vous pouvez ramez godillez au flair passez sur la pointe des pieds plongez faites la planche le crocodile l'arbre mort la lettre recommand\u00e9e l'amateur banal le plombier dites que le sommeil de la raison engendre les monstres que le sommeil des monstres fait ronfler la raison n'importe quoi ce sera pareil entre nous hein pas de blagues sinon c'est les bombes l'explosion des d\u00e9p\u00f4ts de carburant et retour du flic initial avec son vous voyez bien et l\u00e0 b\u00ealement des masses qui peuvent normalement vouloir la r\u00e9pression un p'tit p\u00e8re sangl\u00e9 digne de grand-m\u00e9m\u00e9 donc ce dualisme po\u00e9tique s'oppose au parall\u00e9lisme dans la po\u00e9sie h\u00e9bra\u00efque l'antith\u00e8se comporte des antonymes stricts sans r\u00e9p\u00e9tition de mots rien \u00e0 voir avec l'\u00e9num\u00e9ration biblique hi\u00e9rarchis\u00e9e homog\u00e8ne tes seins comme des colombes tes couilles ta bite ton eu je sais que je choque toutes les fianc\u00e9es de la terre surtout les fianc\u00e9es m\u00e2les mais tant pis morning marche avec evening dew drops avec fallen petals pas de doute c'est le double en action quel plaisir quand le bras pens\u00e9 se perd dans le d\u00e9ploiement des coupures allez on enterre le cadavre ex-schize on n'en parle plus chiche quelle r\u00e9volution quel parfum d'amandes quel air laisse-les donc accomplir leurs petits tourbillons \u00e0 c\u00f4t\u00e9 sur place en cadence oppose-leur ta silexualit\u00e9 lumineuse ils ha\u00efssent plus le lib\u00e9r\u00e9 qu'l'agressif pourquoi c'est pourtant simple le second est tout pr\u00e8s l'autre marque trop ses ann\u00e9es-lumi\u00e8res je n'y peux pourtant rien si apr\u00e8s quelques niaiseries deux ou trois remous chlorhydriques la pens\u00e9e retrouve forc\u00e9ment sa tranquillit\u00e9 autant en vouloir aux pierres aux cristaux eh oui \u00e7a les rend nerveux quand ils parlent quand orph\u00e9e les fait rouler devant eux plus on s'enfonce et plus la respiration est difficile vers six cents m\u00e8tres dans l'\u00e9tat actuel de la science dormir fatigue plus qu'une sortie de travail autour de la cloche les explorateurs sont plus crev\u00e9s le matin que le soir c'est ainsi que plus d'une avec qui j'avais soign\u00e9 ma technique vraiment tout g\u00e9mie essouffl\u00e9e r\u00e2lante et elle \u00e9tait contente et elle me l\u00e9chait la queue apr\u00e8s coup gluante signe de satisfaction qui ne trompe jamais pouvait me dire deux ou trois jours apr\u00e8s les yeux grands ouverts translucide innocence j'ai eu un cauchemar tu \u00e9tais arr\u00eat\u00e9 on te torturait on te d\u00e9figurait compl\u00e8tement c'\u00e9tait affreux affreux qui ne comprend pas ce ph\u00e9nom\u00e8ne n'est pas digne de marcher la nuit sur le bord des toits le type qui vit avec une fille m\u00eame et surtout la plus tress\u00e9e d\u00e9crass\u00e9e doit se rappeler la phrase sans r\u00e9plique de juliette mon con se mouille en le trahissant la cachotterie joue dans leur vie un r\u00f4le puissamment \u00e9rotique c'est l\u00e0 qu'elles suintent le mieux quant \u00e0 eux ils ont besoin de d\u00e9valoriser l'objet c'est automatique toutes les nuances y passent du paternalisme au h\u00e9ros viril j'te tringle hein j'te tringle dis-moi que j' te tringle je comprends que les filles maintenant s'arr\u00eatent et claquent de rire mais \u00e7a les ram\u00e8ne \u00e0 la poup\u00e9e entre elles y en a sans fin une qui fait l'un pour l'autre je prot\u00e8ge je surveille je berce je baise j'explique j'enseigne j'achemine et eux entre eux c'est pareil mais enfin quelle est la solution paic oui paic donnera \u00e0 votre linge cette blancheur velout\u00e9e des pistes de ski donc l'\u00e9quation sexe et politique si l'on n'y introduit pas le langage demeure m\u00e9taphysique l'indice d'une croyance non surmont\u00e9e bien entendu il faut \u00eatre attentif aux investissements sexuels dans la politique et inversement les premiers servent d'id\u00e9alisation les seconds de diversion mais la question reste pos\u00e9e comment dire \u00e7a dans quel rythme comment transformer la langue \u00e9crite et parl\u00e9e dans le sens d'une respiration d\u00e9montage de l'id\u00e9ologie tartre verbal devenu muet orbital tant\u00f4t on est sur la berge tant\u00f4t au c\u0153ur du courant il est n\u00e9cessaire qu'on sente \u00e7a tr\u00e8s fort le courant la berge deux et l'un sur l'autre et l'un sous l'autre et l'un s\u00e9par\u00e9 de l'autre et l'un li\u00e9 \u00e0 l'autre courant berge courant berge courant berge courant en laissant le fil au courant il y a le nageur il y a le marcheur et le marcheur parle \u00e9crit chante siffle raisonne et le nageur souffle pousse se racle la gorge ferme ouvre l'\u0153il acc\u00e9l\u00e8re s'\u00e9conomise bref pense et la terre tourne avec ses villes ses plantes ses animaux et la mer avance et recule sous la lune et l'histoire se d\u00e9plie les sciences creusent \u00e7a tourne \u00e0 plusieurs niveaux pas \u00e0 la m\u00eame vitesse jamais \u00e0 la m\u00eame vitesse rien ne se d\u00e9veloppe de fa\u00e7on \u00e9gale de l\u00e0 aux \u00e9toiles patati patata retour au sujet perdu grain de sable mais aussi plein monde de nouveau la lorgnette sur les classes tu reviens aux coulisses tu repars et de l'organique \u00e0 l'inanim\u00e9 micro macro t\u00eates foules bourgeons fouillis sans que l'arbre cache la for\u00eat ni la for\u00eat l'arbre cette derni\u00e8re expression sent les contes le petit poucet la veuve du b\u00fbcheron mais c'est ainsi presque \u00e0 chaque instant tu tombes sur les couches denses les vies ant\u00e9rieures la plupart est ainsi oblig\u00e9e de vivre au moyen \u00e2ge sans le savoir et floc un tour dans la salle de bains les toilettes un d\u00e9tour par l'\u00e9cole le conservatoire le labo la biblioth\u00e8que tu gardes la pratique de base production usine cl\u00e9 en derni\u00e8re instance ici du m\u00e9lo et bong floup soupir en sommeil image de la mort seule et v\u00e9ritable amie de l'homme voil\u00e0 tu as la partition dans ses grandes lignes mais \u00e9videmment rien d'essentiel \u00e0 peine deux ou trois dessins un sch\u00e9ma d'manif un plan pour sortir ah oui sortir non bien s\u00fbr mais enfin pour battre les cartes l'infini que les choses n'atteignent pas dans la progression elles le liment dans la rotation c'est la grande valse de toute fa\u00e7on le mouvement du fini et de l'infini est celui du retour de chacun \u00e0 soi-m\u00eame \u00e0 la faveur de la n\u00e9gation ainsi le liquide s'habille comme une \u00e9toffe de ce qu'il lave ainsi la fille de l'inentrav\u00e9e se d\u00e9noue pour qui va le chemin dites-moi dites-moi muses et tu embrayes mais qui parlera de la fatigue de la d\u00e9sagr\u00e9gation du coup de faux ras des reins dans les nerfs quand tu es oblig\u00e9 de porter ce qui te porte et chaque os explos\u00e9 par plaques les bras de plus en plus longs la position ext\u00e9nu\u00e9e du gorille oblig\u00e9 encore de r\u00e9pondre de passer le sel oh je ne plaisante pas je connais le prix et moi oui peut-\u00eatre j'aurai la force d'\u00eatre encore plus faible bris\u00e9 dans le cri mais il y a le supplice de l'autre confiant et br\u00fblant et je sais d\u00e9j\u00e0 comment elle n'arrivera pas \u00e0 savoir je la vois d\u00e9j\u00e0 les yeux ouverts incr\u00e9dules gorg\u00e9e de vie et d'odeurs emport\u00e9e souffl\u00e9e comme une torche es-tu capable de toucher son cr\u00e2ne trou\u00e9 de le soupeser de le lancer dans la course et de rire quand m\u00eame de continuer est-ce que \u00e7a n'est pas le moment o\u00f9 tu craques o\u00f9 tu t'effondres o\u00f9 tu te prends sur les genoux o\u00f9 tu te fredonnes n'importe quoi do do l'enfant do pauvre enfant pauvre enfant les cheveux tremp\u00e9s les tempes et rien ne r\u00e9pond c'est l'impasse des hauts murs gris et elle est l\u00e0 contre toi le sang mouillant chaud ses m\u00e8ches blondes un peu de bave \u00e0 la bouche le cou \u00e9trangl\u00e9 le doigt dans la porte coup\u00e9e fendue en plein vol un accident non ce n'\u00e9tait pas un accident que ne suis-je ton oiseau dit rom\u00e9o et elle que ne l'es-tu il est vrai que je te tuerais par trop de caresses et lui d\u00e9testable matrice de la mort je forcerai bien ta gueule pourrie \u00e0 s'ouvrir et en d\u00e9pit de tout je te gaverai de plus de nourriture encore oh combien souvent les hommes sur le point de finir se sont sentis joyeux ceux qui veillent sur eux disent l'\u00e9clair avant la nuit noire ils ne peuvent pas sentir du dedans cette jouissance inattendue aspir\u00e9e celle depuis toujours \u00e0 l'horizon l'exc\u00e8s retenu fus\u00e9e allons viens mourir o\u00f9 fut ta vie et autres fins de rideau frappantes j'aime ces trag\u00e9dies tout est orchestr\u00e9 pour ce genre de chute en sommet \u00e7a ne fonctionne plus \u00e7a fait ridicule dommage apr\u00e8s le temps du bourgeois gentilhomme voici venu celui du petit-bourgeois gentilfemme le tunnel sera encore long quelques si\u00e8cles autour de tout esprit profond grandit et se d\u00e9veloppe sans cesse un masque gr\u00e2ce \u00e0 l'interpr\u00e9tation toujours fausse c'est-\u00e0-dire plate de chacune de ses paroles de son moindre signe de vie ah cette lueur de meurtre dans leurs yeux oui je te hais oui je ne peux pas te supporter l\u00e0 o\u00f9 on peut le mieux l'observer c'est en demandant \u00e0 une fille de t'enculer avec un godmich\u00e9 tu joues sur leur fantasme fondamental \u00eatre le mec qui trombone le mec qui les baise pour elles c'est l'enfilade id\u00e9ale qui concr\u00e8tement peut \u00eatre r\u00e9alis\u00e9e en la prenant en sandwich un devant un derri\u00e8re et deux dans les mains et un dans la bouche c'est pas d'refus bouchez moi d'partout je suis votre dana\u00efde donc observe bien comment s'\u00e9gare m\u00eame la plus froide en te faisant \u00e7a elle en devient folle tu sens passer le poignard le frisson venu d'avant elles les couvrant comme un ordre antique \u00e0 qui \u00e0 quoi ob\u00e9issent-elles si on les laisse aller jusque-l\u00e0 hou hou le nuage de souffre ta vie ne vaut pas un gramme dans leur balance \u00e0 l\u00e9gende n'importe quelle religieuse sinc\u00e8re te le dira alors quoi qu'est-ce qui se passe c'est la sant\u00e9 la maladie le vice la vertu le bien le mal la perdition le salut mettez-vous d'accord mes notaires est-il bon est-il m\u00e9chant diabolique ang\u00e9lique sublime effroyable pur pustuleux est-il entour\u00e9 de saintes de sorci\u00e8res est-ce un mystique ou un criminel les extr\u00eames sont-ils complices satan est-il le loisir hebdomadaire de dieu la science a-t-elle bien ferm\u00e9 la fen\u00eatre la famille est-elle au complet a-t-il pass\u00e9 ses examens fait son service militaire l'a-t-on radiographi\u00e9 ponctionn\u00e9 analys\u00e9 test\u00e9 mesur\u00e9 pes\u00e9 sait-il r\u00e9soudre une \u00e9quation du deuxi\u00e8me degr\u00e9 conna\u00eet-il l'essentiel de la th\u00e9orie des ensembles a-t-il le sens philosophique serait-il capable de faire un expos\u00e9 sur le troisi\u00e8me type de connaissance le th\u00e8me de don juan est int\u00e9ressant dans la mesure o\u00f9 il est la parodie \u00e9nergique du p\u00e8re primitif au lieu de vouloir garder toutes les femmes ce qui les entra\u00eene \u00e0 imaginer que leur droit est d'en avoir au moins une on dirait qu'il les prend toutes \u00e0 la transversale c'est la diagonale du carr\u00e9 la perturbation des racines en un sens lui qu'on accuse d'\u00eatre impuissant homosexuel on peut dire qu'il souligne le circuit des autres pratiquants ou pas il leur abandonne le fardeau culture cueille le moment nature rien \u00e0 voir avec un excit\u00e9 un maniaque figure toujours tol\u00e9r\u00e9e il suffit de voir le quatuor qui le traque l'hyst\u00e9rique et son papa mort doubl\u00e9e du fianc\u00e9 t\u00e9nor l'hommasse avec la fillasse plus la l\u00e9gitime bloqu\u00e9e sur scelerato c'est son mot s\u00e9duite mais vengeresse une situation stable est une situation stable les voil\u00e0 tribunal conduit par une statue et une tenture de mari\u00e9e ils l\u00e8vent la patte sur les cendres ils sont grotesques comme l'inconscient en personne comme une s\u00e9rie de lapsus comme la cit\u00e9 elle-m\u00eame coucous m\u00e2les gros frelons inutiles y compris payeurs coucou le bordel secret m\u00e8re fils filles et comment quel sens des muqueuses coucou le gar\u00e7on d\u00e9fi dans l'oeil de maman qui s'est voulue p\u00e8re coucou la fillette \u00e0 tics reniflant la diff\u00e9rence \u00e0 demi coucou m\u00e8re poulette d\u00e9cid\u00e9e radieuse enceinte jusqu'aux yeux de l'extase en ventre coucou fiston-fille boucl\u00e9 fruit confit tic-tac le myst\u00e8re des montres coucou petite-fille \u00e0 n\u0153ud \u00e9chafaud r\u00e9signation mill\u00e9naire \u00e9nigme de la p\u00e9n\u00e9tration caisse d\u00e9p\u00f4ts et consignations tous baign\u00e9s irrigu\u00e9s terroris\u00e9s par la grande nerveuse berceau distraction avec sur le bord d\u00e9j\u00e0 mang\u00e9s par l'oubli les adultes dieux soucieux rat\u00e9s en conserve emp\u00eatr\u00e9s d'emplois et d'imp\u00f4ts adieu petit monde adieu liliput d\u00e9cid\u00e9ment on dirait que les c\u00f4tes s'\u00e9loignent les montagnes sont des points gris la douleur s'efface comme une tache employez k2r c'est instantan\u00e9 l'univers fait-il un huit en d\u00e9finitive mais un huit d'esquisse et jamais boucl\u00e9 oui c'est le spectacle total galeries courbes plafond des lumi\u00e8res hauts-parleurs effervescence ondulation des rang\u00e9es le spectacle ou plut\u00f4t l'anti-spectacle puisque tout se perd dans le tout se cr\u00e9e au fond je suis ce vieillard idiot \u00e9tonnamment jeune qui sort avec le soleil frais comme une peau tann\u00e9e d\u00e9soss\u00e9e qui installe les tables les pots de fleurs chante fait la qu\u00eate endort sa m\u00e2choire \u00e0 l'ombre bercez-le vagues laissez-le trouver pour nous le sommeil le mot houri est employ\u00e9 d\u00e8s 1654 emprunt\u00e9 au persan ho\u00fbri de l'arabe ho\u00fbr pluriel de haoura proprement qui a le blanc et le noir des yeux tr\u00e8s tranch\u00e9s qualifications des femmes du paradis du grec paradeisos de l'iranien paridaiza enclos de seigneur parc au sens de s\u00e9jour des bienheureux archipel \u00e9tale \u00eelots m\u00eame pas rep\u00e9r\u00e9s perdus comme on dit que la parole rentre dans le souffle et que ce dernier atteint le c\u0153ur sous le c\u0153ur dont le feu br\u00fble le temps qu'il faut pour le croire retourn\u00e9 en silence et jeter le couvert fourchette et couteau dans la mer le point o\u00f9 il ne sert plus \u00e0 rien montre l'os ou la merde du personnage c'est une b\u00fbche il ne r\u00e9pond plus il r\u00e9cite n'importe quoi s'ils rient effray\u00e9s de leur coton fric ils donneront bien une pi\u00e8ce c'est obligatoire ou alors il ne fallait pas avoir de figure \u00eatre dehors ou ne pas \u00eatre dedans telle est la question qu'un individu lucide ne peut pas manquer de se poser devant certains \u00e9v\u00e9nements naturels par exemple \u00e9chos leucocytes rayon tornade diamant mousse ferraille je ne peux plus savoir si je suis \u00e9veill\u00e9 si je dors j'ai dans la t\u00eate une autre \u00e9cluse intouchable approche approche ne t'\u00e9gare pas saute viens reviens renverse ronge-moi la digue mais vas-y puisque je te dis de venir c'est elle au fond la mort qui a peur de nous quel malentendu donc mozart \u00e9crivit la cl\u00e9mence en diligence le visage renvers\u00e9 dans les coussins au galop au trot au galop vengo aspettate entre vienne et prague niemetschek dit en 1798 qu'il acheva le tout en dix-huit jours p\u00e2le malade mais toujours avec ses amis le m\u00eame \u00e9clat direct dans l'humour nietzsche a plusieurs fois certifi\u00e9 n'avoir jamais mis plus de dix jours \u00e0 chacune des trois premi\u00e8res parties de zarathoustra silence de la baie entour\u00e9e de pins mont\u00e9e dans les rochers de la gare au village lac glac\u00e9 vert plus que l'\u0153il froideur des dix doigts la d\u00e9pense ne supporte pas une r\u00e8gle le retour de flamme non plus quand il a choisi surtout ne m'appelez pas dionysos en plus avec cet accent j'ai peur que vous n'ayez pas le sens du papillon du lanc\u00e9 pour rien bleu clair morpho rhetenor le saturnia pavonia jaune ou l'armandia thaidina de se-tchouen je ne suis pas s\u00fbr que j'agirais avec la m\u00eame \u00e9nergie sur un travailleur en train de battre un cheval mais un enfant qui attrape des papillons si je le vois je l'\u00e9trangle le coup de l'aiguille est un crime que je ne peux pas pardonner plus \u00e7a a l'air de rien plus c'est grave et voil\u00e0 pourquoi l'autre a eu raison de dire qu'une pens\u00e9e de meurtre ou un meurtre sont \u00e9quivalents \u00e9quation qui n'a convaincu personne donc vers l'an 2000 nous serons en gros sept milliards d\u00e8s maintenant l'environnement p\u00e8se lourd contraint la balance l'horizon arrive o\u00f9 il faudra bien avoir une th\u00e9orie de la respiration aurons-nous obtenu l'inconscient saurons-nous soigner la compensation pourrons-nous \u00e9changer l'ancienne nuit avec ces propositions logiques d\u00e8s que nous nous attachons aux objets l'existence et la non-existence surgissent comme la houle cependant on dit que la barque passe sans \u00eatre secou\u00e9e ni g\u00ean\u00e9e aller et venir sont des phases de concentration comment r\u00e9aliser \u00e0 fond la perception augment\u00e9e r\u00e9v\u00e9lant que rien n'est per\u00e7u s'il est vrai que l'architecture est de la musique gel\u00e9e s'il est v\u00e9rifiable que la fiction affleure se dissipe comme un intervalle quand les mots gravitent peau trace humide sillage wake il y a eu un verbe scier signifiant ramer \u00e0 rebours pour revenir en arri\u00e8re apprends \u00e0 \u00e9couter la corde tendue sur le son nul l'interjection spontan\u00e9e puisque je te dis que l'espace est vacant qu'il suffit d'y aller quel velours aussi que l'\u00e9criture elle peut ressentir en un \u00e9clair ce que des ann\u00e9es ne lui auraient pas r\u00e9v\u00e9l\u00e9 o\u00f9 est dieu dit pascal en employant le langage du si\u00e8cle partout o\u00f9 vous n'\u00eates pas et le royaume de dieu est en vous c'est ainsi que dehors sans personne et profond dedans si \u00e7a vibre font du roman de l'histoire libre une \u00e9toffe inconnue jusqu'\u00e0 aujourd'hui mais de plus en plus d\u00e9roul\u00e9e rouge effervescente \u00e0 la fois chant de guerre rameaux savants froissements genre envers de gong irradiant hithering waters of v\u00e9rit\u00e9 comme course non plus divine mais en course et toujours en cours pour sa course renvoyant chantage pleurnicheries sous n\u00e9vrose prenant force dans le mouvement populaire fleurissant partout c'est cette totalit\u00e9 pas une autre incessante parole sans parole suggestion saveur ils en ont compt\u00e9 5355 en inde disant que la nature est une danseuse qui se montre jusqu'\u00e0 ce qu'elle ait \u00e9t\u00e9 vue non non pas regard\u00e9e ni vue au sens de regarder voir mais vue \u00e0 la source en prise au court-circuit du d\u00e9j\u00e0 revu c'est ainsi qu'un moment la t\u00eate du r\u00eaveur se disloque dans la vision de jour repliant sa nuit il y a une seconde o\u00f9 tu peux la saisir \u00e0 travers sa bu\u00e9e de flamme on dit que r\u00fbm\u00ee composait en dansant on dit qu'il tournait tout \u00e0 fait ivre autour d'un pilier noy\u00e9 dans l'oc\u00e9an de l'amour en dictant ses rythmes \u00e0 pic dans le dhawk pourquoi dis-je moi ou lui puisque lui-m\u00eame est moi et que moi je suis lui je suis lui-m\u00eame maintenant c'est de moi-m\u00eame que je parle certainement c'est moi-m\u00eame que je cherchais tu comprends \u00e0 cette \u00e9poque on s'opposait \u00e0 lui on multipliait les d\u00e9n\u00e9gations on \u00e9crivait contre lui des d\u00e9cisions juridiques on lisait des chapitres sur l'interdiction du violon du tournoiement \u00e9clatant la v\u00e9rit\u00e9 de ces paraboles s'observe toujours apr\u00e8s coup dans un pullulement d'imitations la vari\u00e9t\u00e9 des applications des images des synonymes je n'ai pas \u00e9crit le mathnaw\u00ee disait-il pour qu'on le porte sur soi qu'on le r\u00e9p\u00e8te mais pour qu'on le mette sous ses pieds qu'on vole avec lui c'est une \u00e9chelle \u00e0 ne pas attacher autour du cou les pommes sont cach\u00e9es sous les mots les mots sous les pommes suppose que tu peux entendre tout \u00e7a sans rien donnes en \u00e9change si tu es sensible \u00e0 l'\u00e9cume apprends la cuve apprendr le tournant les anneaux de ta cha\u00eene sont multiformes c'est pourquoi \u00e0 chaque instant j'ai une autre folie l'\u00e9l\u00e9phant se souvient parfois de sa forme quand ils \u00e9chappent \u00e0 l'empire du moi ils battent des mains c'est dans leur propre sang qu'ils dansent les phrases doivent \u00eatre entendues de travers tout est banal si l'on veut mais allume les branches le c\u0153ur est un grain nous ressemblons \u00e0 la meule celle-ci sait-elle pourquoi elle tourne le corps est comme la meule les pens\u00e9es sont l'eau qui la fait tourner la meule parle mais l'eau conna\u00eet ce qui s'est pass\u00e9 voil\u00e0 voil\u00e0 \u00e7a d\u00e9marre m\u00eame dans la ville la plus ciment\u00e9e t'as encore un oiseau pour te donner le trajet du fil du tric trac l'\u00e9tincelle de la faucille cliquetis retrait c'est le jeune nomobody l\u00e0-haut qui s'excite donc il dirige lui-m\u00eame au piano le vendredi 30 septembre 1791 il mourra le 5 d\u00e9cembre sa belle-s\u0153ur josepha hofer jouait la reine de la nuit ce qui me pla\u00eet le plus \u00e9crit-il \u00e0 sa femme courant octobre c'est le succ\u00e8s par le silence on voit bien comment cet op\u00e9ra monte de plus en plus dans l'opinion die strahlen der sonne vertreiben die nacht eh oui tout finit dans la fosse commune comme schikaneder \u00e0 vienne en 1818 ruin\u00e9 fou l'autre ex\u00e9cution qui me touche c'est come ye sons of art le 30 avril 1694 avec sound the trumpet till around you make the listening shores rebound et d\u00e9valement crois\u00e9 des hautes-contre que joyce cherchait \u00e0 t\u00e2tons aveugle sur son poste parce que le journal avait annonc\u00e9 le concert ce qui ne manqua pas d'\u00e9tonner son visiteur n'est-ce pas nous avons des enfants partout et pas seulement humains des v\u00e9g\u00e9taux des min\u00e9raux l'alg\u00e8bre si l'assemblage est fortuit la sortie n'a pas le m\u00eame effet selon le contexte selon que l'op\u00e9rateur se trouve plus ou moins proche des \u00e9l\u00e9ments naturels selon qu'il est au contraire dans l'enchev\u00eatrement industriel commercial bref une exp\u00e9rience f\u00e9odale avec chevaux palmiers draperies femmes voil\u00e9es opium danse du ventre n'est pas celle d'un a\u00e9roport d'une raffinerie de p\u00e9trole du m\u00e9tro des banlieues m\u00eames avec crochet par le carrousel ou le crazy horse ce qui ne doit pas minimiser le fait qu'\u00e0 la veille des changements de dynasties des r\u00e9volutions les r\u00f4les ont tendance \u00e0 passer les uns dans les autres sexes d\u00e9fix\u00e9s flottants cycles apparents insistance sur le travesti les figures fluides se rencontrant brusquement \u00e0 l'angle aigu de l'irrationnel est-ce que le temps ne se couvre pas oui on dirait il faudrait avoir la rapidit\u00e9 l'arriv\u00e9e chuchotante ail\u00e9e des orages il y a vraiment deux \u00e9poques dans une vie l'une o\u00f9 le tonnerre te fait peur une autre o\u00f9 il allume l'oubli\u00e9 toujours frais miaulements d'enfants dans la mousse folie grouillante \u00e9nerv\u00e9e autrefois coll\u00e9e aux troncs d'arbres l'\u00e9corce la noirceur des feuilles rappelant les t\u00eates pass\u00e9es putain le laurier parfum montant alt\u00e9r\u00e9 je propose l'exp\u00e9rience claquante oppos\u00e9e au fracas de l'air autrement dit l'ouverture ferm\u00e9e retenue du sperme tisonnant le feu \u00e7a rajeunit l'embolie on pourrait m\u00eame dire que l'infarctus y s\u00e9journe \u00e7a permet de penser calmement l'explosion d\u00e9mographique au 19\u00b0 recul de la mortalit\u00e9 souplesse des maladies dans l'orchestre les cuivres ont une tendance \u00e0 la bonhomie une attirance vers la sexualit\u00e9 primaire ils aiment les blagues surtout celles qui concernent la cavit\u00e9 buccale l'humour piquant les instrumentistes qui font de la musique avec la bouche parlent souvent de faire l'amour avec la bouche mais le hautbo\u00efste est irascible en soufflant dans une hanche \u00e9troite comme s'il baisait une femme frigide le hautbois reste en somme \u00e0 l'\u00e9tat vierge le visage de l'ex\u00e9cutant passe rapidement au rouge la compression du sang dans le cerveau peut provoquer des \u00e9vanouissements alors que le violoniste est acide \u00e7a part du mensonge du vibrato le violoncelliste lui \u00e9volue dans la tessiture de la voix humaine se montre plus g\u00e9n\u00e9reux inventif s'entend avec le trombone pendant que le clarinettiste velout\u00e9 harmonieux devient d\u00e9l\u00e9gu\u00e9 syndical chaque interpr\u00e8te porte sur la poitrine et sur le dos une surface blanche comme un homme-sandwich rondes carr\u00e9es rectangulaires en g\u00e9n\u00e9ral ils rentrent en sc\u00e8ne mont\u00e9s sur des bicyclettes des patins \u00e0 roulettes des trottinettes chaque action est silencieuse mais si l'on entend un musicien parler pendant le travail les sons ont l'effet d'une d\u00e9monstration accessoire on peut utiliser les microphones pour tester les microphones eux-m\u00eames certains donnent un caract\u00e8re bizarrement rauque semblable au timbre affect\u00e9 d'une voix synth\u00e9tique l'explorateur doit donc s'infliger cette p\u00e9riode tendue disciplin\u00e9e de plus en plus sans efforts en tenant compte de l'\u00e9quation du dit et du soutir\u00e9 plus il approche plus la nature g\u00e9mit se retourne exige le paiement la pommade sur la br\u00fblure l'onguent d'\u00e9pini\u00e8re et lui doit maintenir l'huile matrice en plein feu laisser frire le secret gard\u00e9 bien gard\u00e9 le garde-manger la serrure c'est comme \u00e7a qu'\u00e7a parle dans la langue enfin des oiseaux oh mais la coupe est aussi n\u00e9cessaire sinon la ronde est rep\u00e9r\u00e9e le tourbillon coiff\u00e9 dans l'\u0153uf bouclage \u00e9touff\u00e9 donc \u00e0 intervalles irr\u00e9guliers le plus irr\u00e9guliers possible vraiment le poker allez la longue d\u00e9charge ou encore tr\u00e8s bref en butoir ou encore inversion du flux ou encore jet\u00e9 sans pr\u00e9venir par surprise ou encore minutieux rythm\u00e9 bref le tout est d'affoler les calculs \u00e0 la fin la grande et ses filles prennent leur \u00e9charpe \u00e0 plan\u00e8te elles brillent et s'enfoncent groum\u00e9es dans la nuit tu t'\u00e9loignes des mecs moutonnants cherchant la trombine leur incertitude te permettra de cribler partout leur savoir oui dieu est une pute exigeante pour se faire jouir c'est pas \u00e0 tout le monde qu'elle donne son cu c'est pas tous les jours qu'elle s'envoie au ciel l'emm\u00eal\u00e9e baveuse bavette buvard des bavures bavoch\u00e9e bavarde buveuse bomb\u00e9e vas-y fais-moi mal et mlouck d'un seul coup criant sous les feuilles palpitant anus moulure \u00e9cras\u00e9e granuleux effet pour conna\u00eetre toujours su mal su et jamais connu alors charcot r\u00e9pliqua avec vivacit\u00e9 mais dans des cas pareils c'est toujours la chose g\u00e9nitale bien s\u00fbr bien s\u00fbr et en disant cela il croisa les bras sur la poitrine et se mit \u00e0 sautiller avec son entrain habituel je me rappelle \u00eatre rest\u00e9 ahuri pendant quelques instants et revenu \u00e0 moi m'\u00eatre pos\u00e9 la question puisqu'il le sait pourquoi ne le dit-il jamais elle est bien bonne celle-l\u00e0 le moment est digne d'une fresque grandeur nature d'un fronton d'une inscription dans toutes les langues il faut d\u00e9poussi\u00e9rer la le\u00e7on d'anatomie refaire \u00e7a explicite gai genre mais dites-moi c'est pas bient\u00f4t fini votre cirque voil\u00e0 lever du soleil prononciation d\u00e9tach\u00e9e elle tourne dans le pourtant avec en l\u00e9gende on ne doit pas oublier que l'humanit\u00e9 pliant sous le joug de ses besoins sexuels est pr\u00eate \u00e0 accepter n'importe quoi pourvu qu'on fasse miroiter devant ses yeux la perspective d'une d\u00e9faite en cette mati\u00e8re tu vois \u00e7a d'ici inscrit sur la grille des commissariats des casernes \u00e0 l'entr\u00e9e des cimeti\u00e8res usines \u00e9coles chantiers bordels h\u00f4pitaux alors un gars a dit \u00e0 un chef on d\u00e9braye parce qu'on est des ouvriers c'est une bonne habitude qu'on a perdue tout \u00e7a pour dire que l'id\u00e9e de chronom\u00e9trer les cadences vient assez rapidement aux types tu vois passer les bagnoles tu t'aper\u00e7ois qu't'as beaucoup d'efforts pour faire ton travail tu coules t'es comme un ours en cage quand tu es sur un poste \u00e0 la cha\u00eene tu vas et viens sur cinq m\u00e8tres toute la journ\u00e9e ces cinq m\u00e8tres-l\u00e0 on avait eu l'id\u00e9e de les fixer en mettant deux coups de craie par terre et de voir si on d\u00e9rivait l'id\u00e9e c'\u00e9tait on ne chronom\u00e8tre pas mais on voit comment on travaille c'est-\u00e0-dire sans forcer sans rattraper et si on coule eh bien on coule la seule m\u00e9thode c'est de mettre un seul trait de craie et chaque fois qu'un ch\u00e2ssis passe de regarder sa montre l'id\u00e9e c'\u00e9tait ils nous baisent on veut savoir de combien ils sont quand m\u00eame oblig\u00e9s d'avouer que la cadence affich\u00e9e n'est pas la cadence r\u00e9elle mais la cadence instantan\u00e9e th\u00e9orique la ma\u00eetrise en est arriv\u00e9e \u00e0 avouer que dans la cadence r\u00e9elle les poses l'absent\u00e9isme le ch\u00e2ssis \u00e9talon sont rattrap\u00e9s par le temps o\u00f9 le rempla\u00e7ant tient le poste quand on va pisser aussi t'as comme \u00e7a des voitures qui sortent et qui repr\u00e9sentent le temps collectif que les ouvriers ont pris pour filer aux chiottes en somme pour briser une campagne d'encerclement il faut faire une campagne de contre-encerclement pour se d\u00e9fendre il faut attaquer voil\u00e0 ce qu'on d\u00e9couvre \u00e0 la longue quand tu deviens vraiment le sujet lutte interne de la plus-value \u00e7a te donne un instinct imm\u00e9diat sauvage une intelligence aux extr\u00e9mit\u00e9s toute une culture des d\u00e9tails t'es comme un pianiste quoi qui conna\u00eet le dessous des touches sens du coussin dans les doigts liaison rentr\u00e9e oui le temps de travail ne pourra pas toujours \u00eatre oppos\u00e9 de mani\u00e8re abstraite au temps libre pyramide grav\u00e9e libert\u00e9 seule \u00e0 l'\u00e9cart jamais reproduite non jamais jamais impossible avec sa fa\u00e7on de claquer dehors \u00e7a me rend de nouveau dingue ce cycle infernal la petite motte fendue tronc d'\u00e9glise puis le fourreau sanglant des menstrues les filles qui demandent \u00e0 sortir en rougissant le passage au four usin\u00e9 puis la cessation avec dernier round tour de piste affam\u00e9 le temps d'\u00eatre dix milliards de fois enceintes au finish puis grand-m\u00e9m\u00e9 \u00e0 savate sac poch\u00e9 vieux cuir selle de jument pourrie et ainsi de suite de la fillette \u00e0 la sorci\u00e8re de mon \u0153il pendant que les mecs font l'\u00e9ph\u00e9m\u00e8re entre eux voltigeant dans l'insectiforme elles disent que le fil du st\u00e9rilet maintient la matrice ouverte \u00e7a leur donne l'impression d'\u00eatre tout le temps \u00e9cart\u00e9es avec s\u00e9cr\u00e9tions \u00e9coulements plus ou moins favoris\u00e9es par l'acte ou alors branlage oblig\u00e9 et nous tous membran\u00e9s dans l'truc souffl\u00e9s par la tranche et encore la vague et vlan soulev\u00e9s vibr\u00e9s et l\u00e0-dessus diverses grimaces appel\u00e9es langage pens\u00e9e allusion gravelures soupirs passage des pompiers lectures et un jour que j'avais commenc\u00e9 \u00e0 \u00e9crire tout \u00e7a tu comprends je rencontre un directeur connu habitu\u00e9 \u00e0 passer le torchon et je le sens g\u00ean\u00e9 il remue le doigt il me dit vous au moins vous \u00eates toujours de bonne humeur mais vos derniers machins c'est quand m\u00eame canard vous \u00eates sur la pente et moi la pente de quoi et lui indicible boiteux dans le soleil au bord du trottoir se taisant soucieux angoiss\u00e9 tout \u00e0 coup bref voulant me pr\u00e9venir qu'il n'y aurait pas d'article dans son p\u00e9riodique et moi que \u00e7a aurait frapp\u00e9 autrefois d\u00e9j\u00e0 loin dans les rues d\u00e9sordonn\u00e9es chaudes puantes les rues sans raison sans plan oubli des noms des parcours millions de spermatozo\u00efdes pour un ovule quelle purge comment se faire aux bureaux \u00e0 leur dur\u00e9e molle chaque nuit le coup de chiffon les comptes si tu peux avoir dans le m\u00eame r\u00eave les fesses les couilles la bite \u00e9chauff\u00e9e le con et le fric c'est presque le po\u00e8me parfait j'ai l'impression maintenant que nous savons tr\u00e8s bien de quoi \u00e7a retourne mais rien \u00e0 dire hein rien \u00e0 dire on revient \u00e7a tourne on turbine pour que \u00e7a tourne saisis plut\u00f4t chaque fois qu'une flamm\u00e8che une aigrette se d\u00e9tache s'\u00e9vanouit en passant c'est \u00e7a rien d'autre rien \u00e0 dire hein rien \u00e0 dire ou alors voil\u00e0 encore la nuit qui s'\u00e9tend la nuit rien \u00e0 dire hein parce qu'on est quand m\u00eame p\u00e9tri faut pas d\u00e9conner parce qu'on n'a pas tellement l'occasion d'entendre le volume du torrent pas vrai rien \u00e0 dire bon voil\u00e0 l'tonnerre qui repart zwing pas mal celui-l\u00e0 et toutes les feuilles vert noirci contre le ciment ou la pierre ciment rien \u00e0 dire hein et pierre rien \u00e0 dire hein quelle soif soudain tu trembles un peu oui c'est sournois fi\u00e8vreux le moment vient forc\u00e9ment o\u00f9 \u00e7a bloque ce pays est un pays d'hiver m\u00eame en pleine chaleur et comment disent-ils que l'apparence est la glace mais que la cause est l'eau par-dessous au-del\u00e0 et que tu peux mettre le pied dessus si tu marches il est parfois difficile de se souvenir que la nature est ce non-repos de toujours encore l'orage viens ici sous le marronnier sens le souffle bas sur tes cheveux souples \u00e9lectris\u00e9s recompt\u00e9s il est dit aussi que l'acteur doit y voir de tout son cr\u00e2ne \u00e0 la fois avoir mille fils allum\u00e9s sans y prendre garde viens laisse-moi coller mon oreille \u00e0 ta joue contre ta m\u00e2choire c'est l\u00e0 que je veux entendre ton silence en bruit couvert non bruit\u00e9 le torrent de sang nerfs brisure sur brisure ton imitation au plus pr\u00e8s du non-venu non-per\u00e7u c'est quand les murs se reforment qu'il faut s'aiguiser l'\u00e9coute casser la voix du dedans en tendant les sons sous les dents l\u00e0 ne bouge pas reste pinc\u00e9e sur ta note je veux comprendre ton imp\u00e9ratif ta lame le tranchant rouge et noir ton relief quel feu nom de nom quel brasier comme \u00e7a ruisselle hein le morceau quelle chorale tout le corps un c\u0153ur accroch\u00e9 au vide oui c'est rouge et noir rouge sombre noir clair l\u00e0 est l'amorce que rien d'autre ne peut contenir \u00e7a me tombe dessus tu entends les gouttes lourdes foules goutte \u00e0 goutte sur le tapis toit v\u00e9g\u00e9tal on n'atteint rien sans les yeux ferm\u00e9s dans ces lianes mais pourquoi cette cloche pourquoi ce d\u00e9sordre bing pourquoi cette contradiction avec la figure regarde-moi maintenant laisse revenir le regard crac \u00e7a vient \u00e7a filtre oui melissa dor\u00e9e le miel des abeilles la paillette ruche cueillie dans les fleurs donc abeilles abeilles abeilles celles des anciennes monnaies des manteaux des tra\u00eenes le signe \u00e0 savoir dispers\u00e9 pupille p\u00e9pite retourn\u00e9e en sucre mais lointaine venant de loin du briquet \u00e0 si\u00e8cles ah la m\u00e9fiance de la jouissance comme elle a raison si lente \u00e0 briller fissurant l'\u00e9cluse jamais m\u00eal\u00e9e au c\u00f4t\u00e9 coulant du courant difficile \u00e0 saisir ce fond de g\u00e2teau dans la chute apis fasciata en \u00e9gypte dans l'antiquit\u00e9 apis cecopria de la gr\u00e8ce apis socialis de chine apis floralis dorsata de l'inde et enfin quelque chose qui r\u00e9ponde \u00e0 la projection enfin de quoi tuer par la langue dans le pli des l\u00e8vres autre effet de la musique si elle est tir\u00e9e la pluie la pluie la pluie elle aussi est divine l'origine de cette superstition vient en somme des premi\u00e8res \u00e9tapes il fallait danser pour la faire venir se blesser pisser voil\u00e0 ce qu'ils croyaient les vieux de la vieille grima\u00e7ant hurlant appelant les nuages orgasme sur leurs corps de champs au fond il faut retrouver cet esprit nomade d\u00e9poser la moelle manie du sol des propri\u00e9t\u00e9s quel tronc cet arbre on dirait le bienmal lui-m\u00eame la vie brute \u00e9corce s\u00e8ve invisible \u00e9lectrons cach\u00e9s bon je crois qu'on peut y aller \u00e0 pr\u00e9sent suivons l'\u00e9clat du luisant on pourrait presque tenir le milieu de l'avenue \u00e0 cette heure fais gaffe y a des rondes r\u00e9guli\u00e8res par ici des cars qui font la navette vise-moi ce silence ce ronflement la bourgeoisie tient encore ferme comme un r\u00e9verb\u00e8re imagine-les dans leurs lits la chambre \u00e0 coucher brouette l\u00e9gale pyjamas chemises de nuit \u00e9dredons oreillers children's corner \u00e0 couveuse les devoirs l'\u00e9cole bonsoir mes ch\u00e9rie vas-y salope fais-moi jouir va t'laver on ne sait jamais donc le roman est un miroir promen\u00e9 le long des routes simplement le nouveau mod\u00e8le est mont\u00e9 moteur m\u00eame \u00e0 pied on est en fus\u00e9e on est pas des p\u00e8lerins des cavaliers des marins d'eau douce le moulin \u00e0 vent est pass\u00e9 bonjour sancho salut don quichotte tr\u00e8s beau d\u00e9but sur la volont\u00e9 d'oubli de l'auteur en un lugar de cuyo nombre no quiero acordarme oui ou alors longtemps je me suis couch\u00e9 de bonne heure bref l'espace \u00e0 l'envers le temps profond ou alors riverrun past eve and adam's c'est d\u00e9j\u00e0 davantage ce qu'il nous faut tass\u00e9 condens\u00e9 il faut qu'on sente \u00e7a debout couch\u00e9 tournant enterr\u00e9 mouvant min\u00e9ral a\u00e9rien bourr\u00e9 et vid\u00e9 quelque chose comme arriv\u00e9e-d\u00e9part sans arr\u00eat plaisir douleur \u00e0 la pelle plus moins moins plus et allez que le lieu ait lieu sans le lieu ou encore rien n'aura eu lieu sans milieu eh bien voici une sombre clart\u00e9 tombe des \u00e9toiles c'est pour nous en nous plus que nous bien qu'invisible pr\u00e9sent parmi nous qu'est-ce que tu siffles we'll be glad when you dead you rascal you tu vois le futur s'indique au pr\u00e9sent discret sans philosophie quand \u00e7a veut se dire c'est toi la contraction de l'espace c'est toi pour le moment et voil\u00e0 moi je trouve qu'on devrait se traiter comme des sonates toujours se m\u00e9fier de jouer trop sec fluide l\u00e2ch\u00e9 il faudrait que chacun sente l'autre et soi \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de l'autre impossible j'entends qu'on est deux \u00e0 ouvrir la paupi\u00e8re on y est oui on y est voil\u00e0 de nouveau \u00e7a s'ouvre contre la sp\u00e9culation du crime appel\u00e9 lemnien vrai filet de la compagne de lit devenue complice de meurtre n'emp\u00eache que j'aime ton c\u00f4t\u00e9 cheval galopant noble sauvage j'admire comment \u00e9lev\u00e9e sur des rives lointaines \u00e9trang\u00e8re \u00e0 notre langage tu rencontres partout la v\u00e9rit\u00e9 comme si tes yeux l'avaient vue eh cassandre vas-y pi\u00e9tine foule le l\u00e9gume fran\u00e7ais moi je disparais toujours dans les ports barcelone naples shanghai rotterdam hambourg on me trouve en g\u00e9n\u00e9ral dans un caf\u00e9 pr\u00e8s des docks et si la mer rugit son rugissement devient de l'\u00e9cume donnant naissance \u00e0 la houle du j'ai d\u00e9sir\u00e9 \u00eatre connu hello socrate donc chez celui qui ne sait pas existent des pens\u00e9es vraies concernant ces choses m\u00eames qu'il ne sait pas et m\u00e9non of course et socrate \u00e0 pr\u00e9sent ces pens\u00e9es viennent se lever en lui \u00e0 la fa\u00e7on d'un r\u00eave et m\u00e9non well well cela va de soi quel tambour \u00e0 plat ces dialogues faisant de son c\u0153ur un voile plein de trous comme une vieille couverture le disciple le met en pr\u00e9sence du sage le voile rit par cent bouches chaque bouche devient une fente ouverte on peut tr\u00e8s bien ne pas en parler et continuer \u00e0 danser c'est-\u00e0-dire sans montrer forc\u00e9ment sa forme au miroir tout est devenu plus pratique quand nous traversons les plaines le soir un mois de r\u00e9\u00e9ducation chez les paysans vous rendra le fond plus sensible paille foin grain boue \u00e9missions du sol fumier lourd horizon plus riche en retour il y a un instant vertige quand tu tends le bras hors du savoir absolu pour tourner la fleur elle est encore l\u00e0 et ce n'est plus toi mais la fleur elle-m\u00eame d\u00e9valant sa t\u00eate perdue dissoute dans la foule l'\u00e9t\u00e9 les chemises des hommes les robes des femmes soie papillons rires boissons sueur ris\u00e9e ventil\u00e9e le peuple en sait toujours plus long sur ce qui d\u00e9passe il est pr\u00e8s du but ce qui est devenu insupportable c'est l'\u00eelot bourgeois coup\u00e9 familial donc je parle pour ceux qui ont abandonn\u00e9 la forme et l'\u00e9corce qui ont brandi l'\u00e9tendard c'est-\u00e0-dire pour tous pourvu qu'un surgisse en sachant que pas un n'est en regard de tous qu'aucun ne peut \u00eatre vas-y reflet quand l'oreille est p\u00e9n\u00e9trante elle devient \u0153il sinon la le\u00e7on reste emm\u00eal\u00e9e dans l'oreille sans atteindre le n\u0153ud dehors saccad\u00e9 comme c'est \u00e9trange cette \u00e9vidence des vagues charg\u00e9es de toute la r\u00e9alit\u00e9 se poussant l'une apr\u00e8s l'autre et ensemble \u00e0 pic ce qui tombe est aussi ce qui va plus loin les lettres sont prises dans la n\u00e9gation qui revient au point et voil\u00e0 l'ab\u00eeme oui mets ta main comme \u00e7a devant les yeux dans la nuit livre-toi sans h\u00e2te entier \u00e0 l'appel attrape le r\u00e9cit nageur sous sa planche ils disent aussi que la patience dont t\u00e9moigne la rose pour l'\u00e9pine maintient son parfum j'\u00e9cris ces lignes au bord de l'eau du cerveau je les laisse marcher dans la ville pour un avenir d\u00e9j\u00e0 au pass\u00e9 qui me lit avance aussi dans l'\u00e9crit oh dis-donc le complice nettoie quand tu veux l'orbite allez recueillement puis silence puis aphasie et connaissance puis d\u00e9couverte puis mise \u00e0 nu puis l'argile puis feu puis clart\u00e9 froid ombre soleil rocaille vall\u00e9e d\u00e9sert fleuve crue dess\u00e8chement ivresse \u00e9veil d\u00e9sir approche jonction joie \u00e9treinte d\u00e9tente disparition s\u00e9paration union calcination transe rappel attraction conformation apparition investie et la derni\u00e8re id\u00e9e pr\u00e8s de la barri\u00e8re c'est mon lot mon moi vite \u00e0 toi je suis le feu sans fum\u00e9e le lieu sur lequel quelque chose passe la goutte d'eau est \u00e0 la fois t\u00eate et pied sans ni l'un ni l'autre l'eau a une eau qui la conduit khay\u00e2lun f\u00ee khay\u00e2lin f\u00ee khay\u00e2l ou encore hamtch\u00fbn dj\u00fbi bonsoir nouveau chaque souffle l'acte fi'l s'il est n\u00e9 deux fois son pied se pose sur les causes \u00e7a fait de la casse dans les r\u00e9gions qui prennent l'accouchement dans la gueule s\u00e9rie rompue brusquement comme en somme les r\u00e9volutions sur plus grande \u00e9chelle la chine exprime donc pour le moment ce lieu rationnel voyez \u00e0 travers la projection les gestes vivants dans le temps soutiens-moi sur ce bord fragile ne te presse pas de donner un corps un contour trop plein\n\u00e0 ce qui revient \u00e7a me rappelle une fille qui ramenait tout \u00e0 un probl\u00e8me d'hypophyse la sexualit\u00e9 du canard du lapin ou de la lapine ponte poches \u00e7a correspondait pour elle directement \u00e0 l'\u00e9ventail magazine torses bronz\u00e9s poilus flashes flatteurs impossible de la faire sortir du double registre m\u00e9canique \u00e9prouvette d'un c\u00f4t\u00e9 vitrine de l'autre bourrant le natal fallait \u00eatre play boy ou sachet glandeur beau gar\u00e7on dans le poulailler minet dans l'\u00e9table c'est fou ce qu'elles esp\u00e8rent de la m\u00e9canique par auto-masseur finalement il y a un blocage psychologique en organes pas question de leur faire renoncer \u00e0 l'aval pour penser fibr\u00e9 chaotique clairsem\u00e9 feuillet\u00e9 compact pas question pour l'instant de les int\u00e9resser vraiment aux \u00e9checs \u00e0 l'aspect squelette de l'anti-proc\u00e8s de plus en plus je vois le m\u00e2le \u00eatre l'os et la femelle chair c'est vertigineux l'habillage avec moment boucherie impossible \u00e9cart de la mort et comme dit l'autre la math\u00e9matique se transmet tout enti\u00e8re ou alors mon \u0153il c'est pourquoi nous devons penser en mouvement un \u00e9v\u00e9nement courant percurrent avec chemin\u00e9es cols d\u00e9chirures attendre ind\u00e9finiment de l'avenir des informations recul\u00e9es pass\u00e9es o\u00f9 saisir le sujet o\u00f9 trancher la corde si l'\u00e9l\u00e9ment atomique formel en formation est aussi divis\u00e9 condens\u00e9 d'histoire position vitesse la diagonale aurait pu \u00eatre une renaissance l'annonce d'une g\u00e9om\u00e9trie plus profonde que je sens en moi derri\u00e8re moi avec l'odeur du grenier carrefour des mailles fin r\u00e9seau d'\u00e9toiles creuse creuse d\u00e9tache d\u00e9colle renvoie on obtient ici une th\u00e9orie rapide des enveloppes l'alg\u00e8bre et l'arithm\u00e9tique sont des doubles de ce vent langu\u00e9 hors effet mourir c'est \u00eatre r\u00e9duit \u00e0 la vie dit-il non sans raison la main sur sa formule magique omnis determinatio est negatio niant le plumier infini j'y pense chaque matin en m'lavant les mains oh le livre des songes le bateau des passions vient maintenant heurter les r\u00e9cifs nous avons un levier plus neutre ou comique exemple je t\u00e9l\u00e9phone \u00e0 une amie elle est en s\u00e9ance voix sombre une fille pleure sur le divan le subjectif se travaille comme n'importe quel v\u00e9g\u00e9tal c'est ainsi que nous int\u00e9grons sans le savoir des diff\u00e9rentielles de bruit elle me demande de rappeler son ton est tragique dix minutes plus tard elle est gaie tout \u00e7a d\u00e9pend des filtres arrach\u00e9s dis si tu veux que je suis \u00e9crivain en n'oubliant pas dans certains cas extr\u00eames le sens pr\u00e9cis attach\u00e9 au sujet racine carr\u00e9e de moins un les anciens disaient me voil\u00e0 je je et encore je premier-n\u00e9 de l'ordre avant les dieux dans le nombril de la non-mort celui qui me donne m'a aid\u00e9 un jour je suis nourriture mais je mange le mangeur de nourriture j'ai surmont\u00e9 l'univers le fait de savoir ainsi est une clart\u00e9 d'or qui rend fou furieux l'employ\u00e9 du savoir lequel enseigne gravement l'impossibilit\u00e9 de passer au-del\u00e0 du foutre et pour cause bien rentrons dormons ensemble tu ne le regretteras pas il y a un milliard de choses que je ne peux transmettre que dans le sommeil comment mais comme \u00e7a sans rien faire en devenant simplement le bloc de toujours tu comprends dans les trois \u00e9tats il y a l'objet de la jouissance et celui qui passe pour le jouisseur mais celui qui tout en jouissant conna\u00eet l'un et l'autre n'est pas affect\u00e9 viens viens laisse-toi plonger d\u00e9rouler c'est quand l'autre dort qu'il faut juger sa r\u00e9serve ventre m\u00e9lodie en t\u00eate et forme flott\u00e9e \u00e9coute le souffle derri\u00e8re la pens\u00e9e je tourne dit-il selon le tour du soleil en disant cela il tourne sur l'axe de son bras droit c'est ainsi que l'\u00e9clair rentre dans la pluie apr\u00e8s avoir lui oui le nom est la parcelle qui lui correspond au-dehors et je dirai m\u00eame que lorsqu'on a gravi la voix en conscience on voit rappliquer les noms doucement violemment il y a l\u00e0 une exp\u00e9rience qui reprend plus haut le d\u00e9lire \u00e9cho dans l'\u00e9cho merde les canaux sont aussi fins qu'un poil d\u00e9chir\u00e9 en mille parties allez brun blanc noir jaune rouge mettez-m'en soixante-douze mille et le souffle rentre jusqu'aux cheveux jusqu'aux ongles salut vieil occident g\u00e2teux barboteur \u00e7a commence \u00e0 d\u00e9canter hein camarades il faut reconna\u00eetre que vos profs sont un peu \u00e0 court devant l'\u00e9ventail qui a dit la v\u00e9rit\u00e9 le r\u00e9volutionnaire le fou le po\u00e8te comme d'habitude mais la derni\u00e8re cat\u00e9gorie comporte davantage de singes crois-tu oui au fond politiciens n\u00e9vros\u00e9s et voil\u00e0 ils sont d\u00e9sempar\u00e9s parce que les manuels \u00e9clatent en poussi\u00e8re qu'les biblioth\u00e8ques sont parcourues d'un trait transversal eh eh on s'y attendait pas au d\u00e9centrement via l'asie dr\u00f4le de periplomenon eniauton voire m\u00eame de labentibus annis dr\u00f4le de melos d\u00e9passant les gorges forces productives rapports de production milliards du proc\u00e8s \u00e0 moi hom\u00e8re revitamin\u00e9 torrentiel \u00e0 perte surgis l\u00e0-dedans dis-nous la lumi\u00e8re dis-nous la raison grandie d'\u00e9tincelles de la terre de feu en passant par l'arizona ou la steppe sans oublier l'h\u00e9lice \u00e9clair\u00e9e debout de la biologie moi qu'est-ce que tu veux cette aventure me passionne j'arrive pas \u00e0 me faire \u00e0 mon cas aux duplicata nous sommes embarqu\u00e9s pas du tout comme au dix-neuvi\u00e8me le vingt et uni\u00e8me est l\u00e0 je sens sa transpiration vingt-deux vingt-trois vingt-quatre vingt-cinq si je connaissais l'effet du trenti\u00e8me ou du soixanti\u00e8me j'aime la certitude touchant l'ignorance de l'avenir quel chemin parcouru quel cin\u00e9ma en volume pense par exemple \u00e0 la navigation de la flotte de baligant allant d'\u00e9gypte en espagne le confr\u00e8re de l'\u00e9poque \u00e9crit les pa\u00efens cinglent \u00e0 force de voiles rament gouvernent \u00e0 la pointe des m\u00e2ts et sur les hautes proues escarboucles et lanternes brillent illuminant la mer les voil\u00e0 ils entrent dans les eaux douces passent marbrise et marbrose remontent l'\u00e8bre avec toutes leurs nefs lanternes et escarboucles brillent sans nombre et la nuit multiplie leur clart\u00e9 donc il faut nager dans la mati\u00e8re et la langue de la mati\u00e8re et la transformation de la langue en mati\u00e8re et de la mati\u00e8re en langue tribu de mati\u00e8re doigts du parcours c\u00f4t\u00e9 de chez swann le soleil est encore celui d'autrefois mais zhang xu avait la meilleure cursive sous les tang il se saoulait le fumier criait courait en tous sens puis prenait son pinceau \u00e9crivait \u00e0 toute vitesse il lui arrivait m\u00eame de tremper ses cheveux dans l'encre pour tracer \u00e0 vif xi\u00e8huo veut dire \u00e9crire avec vie on voit \u00e7a nettement dans les caract\u00e8res de mao le 17 ao\u00fbt 1966 xin pei da les deux premiers confus le troisi\u00e8me agressif d\u00e9cid\u00e9 s\u00fbr du nouveau et voil\u00e0 c'est toute l'histoire la lutte des classes fait partie de la nature et la nature a le temps cette mouette est la m\u00eame qu'il y a mille ans mais l'homme est plein de nuages ou encore appelons linga la marque d'un objet inaccessible \u00e0 la perception et yoni le filet d'o\u00f9 tu as int\u00e9r\u00eat \u00e0 sortir le plus t\u00f4t possible de fa\u00e7on \u00e0 lutter pour le principe qui est dans ce qui vient et qui vient dans ce qui devient hors de la vieille nana moribunda pluramoche cherchant herr co\u00eft everywhere pour plomber le temps para\u00eet qu'le p\u00e8re vico avait une petite queue en spirale genre cochonnet ros\u00e9 vrill\u00e9e caraco y en a qui disent qu'hegel a beaucoup chang\u00e9 apr\u00e8s son mariage tandis que nietzsche dans les derniers temps avait tendance \u00e0 murmurer que personne n'attraperait sa moustache il se peut que l'homme reste dans sa perception conique tandis que le point de vue infini serait plut\u00f4t cylindrique faites-moi tourner leur dit-il au lieu de m'\u00e9riger b\u00eatement le monde est structur\u00e9 en s\u00e9quences parall\u00e8les ou encore en faisceaux gerbes explosion dont j'ai d\u00e9sir\u00e9 la moisson la doctrine des ombres n'est qu'une perspective renvers\u00e9e et r\u00e9sulte d'elle-m\u00eame quand on met le lumineux au lieu de l'\u0153il l'opaque au lieu de l'objet l'ombre au lieu de la projection j'imagine de futurs penseurs chez qui la perp\u00e9tuelle agitation de l'europe et de l'am\u00e9rique s'associera \u00e0 la contemplation de l'asie d\u00e9pos\u00e9s par des milliers de g\u00e9n\u00e9rations cette combinaison conduira \u00e0 la solution de l'\u00e9nigme du monde l'humanit\u00e9 aime s'enlever de l'esprit ces questions d'origine de commencements de fins elle jouit de casser sa coque d'effacer ses traces d'\u00eatre soy\u00e9e saill\u00e9e descell\u00e9e fuy\u00e9e \u00e0 la fin joyce allait \u00e9couter les animaux dans leurs cages il courait ensuite prendre un pernod au caf\u00e9 du coin sa femme trouvait qu'il buvait moins \u00e0 table mais demandait aux voisins de venir apr\u00e8s le d\u00eener pour qu'il dise au moins quelques mots le plus souvent sur l'op\u00e9ra d'ailleurs sinon pas une syllabe un moment vient o\u00f9 le choix est l\u00e0 en personne c'est \u00e0 prendre ou \u00e0 laisser \u00e0 toi de jouer l'histoire change la vie qui change le langage dans sa vie m\u00eame donc la chambre \u00e0 \u00e9chos de tes mots tout s'interpr\u00e8te diff\u00e9remment selon l'ouverture le 12 juillet 1972 mao est en pleine forme il soutient disent les journaux une conversation anim\u00e9e sans manifester la moindre fatigue sa parole \u00e0 soixante-dix-neuf ans est claire il montre une m\u00e9moire \u00e9tonnante citant des chiffres avec facilit\u00e9 sur la situation \u00e9conomique de tel ou tel pays sur les forces militaires de tel autre il \u00e9voque les visiteurs fran\u00e7ais qu'il a re\u00e7us pr\u00e9c\u00e9demment sans avoir jamais \u00e0 chercher un nom bref il appara\u00eet \u00e0 son visiteur comme une tortue truculente les interpr\u00e8tes \u00e9clatant de rire toutes les deux minutes l'id\u00e9e centrale restant celle d'ind\u00e9pendance atmosph\u00e8re d\u00e9tendue l\u00e9g\u00e8re m\u00eal\u00e9e \u00e0 l'eau ou \u00e0 l'herbe women hai yao xuexi guren yuyan zhong you shengmingde dongxi couleur vert bleu d'ironie laissant l'occidental bourgeois et chr\u00e9tien de plus en plus emp\u00e2t\u00e9 gastrique avec ses images rentr\u00e9es de jeanne d'arc ou de richelieu ils sont loin missionnaires g\u00e9n\u00e9raux banquiers armateurs encore une tasse de th\u00e9 une serviette \u00e0 la menthe encore un peu d'alcool de riz quelques \u0153ufs de canard les camarades chinois ont tendance \u00e0 nous traiter comme des b\u00e9b\u00e9s qu'il faudrait nervurer fl\u00e9chir assouplir je revois l'estimation rapide de cette fille d'abord les narines les lobes d'oreille elle regardait les bords pour mesurer le degr\u00e9 de sommeil de nervosit\u00e9 pour eux visiblement le sujet est comme un n\u0153ud transitoire qui peut s'il est d\u00e9fait et lanc\u00e9 d\u00e9gager une force r\u00e9elle m\u00e9connue souffl\u00e9e les \u00e9changes verbaux font des sauts impr\u00e9visibles balles de cellulo\u00efd au bout d'un jet d'eau mais non mais non inutile de tirer \u00e0 la carabine accompagnez le mouvement plus haut plus bas encore plus haut ou plus bas c'est la premi\u00e8re fois que j'avais l'impression d'\u00eatre examin\u00e9 \u00e0 l'envers aussi bien syntaxe que zones h\u00e9rog\u00e8nes pouf silence et remise en jeu dans les coins la sanction est un arr\u00eat pour d\u00e9charger la lourdeur les points se comptent d'eux-m\u00eames on dirait qu'il n'y a plus d'arbitre transcendant le jeu pas la peine de citer directement le jin ping mei le r\u00eave du pavillon rouge \u00e7a coule discret br\u00fblant imm\u00e9diat on sent les doubles agir s'incurver coup droit revers droite gauche le sens peut rester papillon suspendu le rire donne la nappe l'enveloppe des d\u00e9placements lat\u00e9raux quel nouveau rapport m\u00e2le femelle j'ai toujours cherch\u00e9 \u00e7a au fond seul avec tous plus vite plus l\u00e9ger plus color\u00e9 dans les pentes les ailes la chance marqu\u00e9e d\u00e9tourn\u00e9e oui papillon se dit hutiaor ainsi dans les \u00e9ventails jaunes bleus poudr\u00e9s d\u00e9pli\u00e9s bref on n'a pas affaire \u00e0 la m\u00eame conception de la production non les si\u00e8cles ne se suivent pas forc\u00e9ment comme des fourmis il y a plus de constellations que vous ne pensez eh pourquoi le mat\u00e9rialisme historique devrait-il \u00eatre ennuyeux alors qu'il est la navigation en d\u00e9tails la possibilit\u00e9 de vous d\u00e9barrasser enfin de votre sac \u00e0 moins que vous teniez \u00e0 rena\u00eetre encore et encore sous la m\u00eame forme fantasmes promenades autour du pot r\u00eaves demi-tour garde-\u00e0-vous fixe interdit de l'inceste pour garder l'illusion du tuyau d'maman entre parenth\u00e8ses je pr\u00e9cise que la plus farouche ennemie de la lib\u00e9ration de la femme c'est toujours la femme dans ce qu'elle apprend \u00e0 son fils dans la salle de bains ou les cabinets passons nous d\u00e9peuplerions les m\u00e9tros les plages c'est vrai qu'une fois qu'c'est vide il se fait un souple intervalle dans l'univers l'acteur se trouve con sur son pr\u00e9cipice il reste \u00e0 r\u00e9gler cette foutue s\u00e9ance d'agonie le sang claquement de dents r\u00e2le torsion des visc\u00e8res spasmes yeux r\u00e9vuls\u00e9s en r\u00e9sum\u00e9 le vrai co\u00eft de l'affaire j'imagine le laminoir comme une sorte de baiseur indiff\u00e9rent recevant veau vaches cochons oiseaux vieillards soldats femmes enfants civils cancers malaria typhus balles dans la nuque accidents d'avion de voitures d\u00e9raillements de trains et j'en passe mais la chaudi\u00e8re n'est jamais vide et little humanity se d\u00e9fend courageusement chaque soir au lit produit surproduit ici un moment o\u00f9 on voit l'acteur h\u00e9siter \u00e0 devenir un en tous comme un rideau de voix mortes tendre le bras et dire cette fiole contient le n\u00e9ant par ma race diff\u00e9r\u00e9 jusqu'\u00e0 moi sur un ton blanc impersonnel va-t-il boire la solution de trauma va-t-il jeter les d\u00e9s au hasard se vaporiser la grande ourse mallarm\u00e9 racontait qu'il avait rencontr\u00e9 un jour baudelaire portant une lettre \u00e0 la main comme une \u00e9l\u00e9gante dans la rue d'amsterdam il s'enhardit l'aborde bonjour ma\u00eetre comment \u00e7a va pas mal merci et vous bonsoir difficile de passer par ici sans avoir envie de se jeter sur les voies ferr\u00e9es on peut finir aphasique bloqu\u00e9 sur cr\u00e9nom ou serrer sa sangle \u00e0 la glotte dispara\u00eetre les yeux bleuis dans l'ab\u00eeme \u00e9trangl\u00e9 du son artaud a \u00e9t\u00e9 trouv\u00e9 assis au pied de son lit dose trop forte de bardo d'asile et aussit\u00f4t l'\u00e9picerie commence \u00e7a presse autour des papiers \u00e7a va renifler l'odeur \u00e9man\u00e9e du crick rissol\u00e9 broy\u00e9 les voil\u00e0 le nez sur l'\u00e9nigme comme s'ils avaient voulu cacher quelque chose comme si leur p\u00e9nis \u00e9tait conserv\u00e9 entre les lignes coton bandelettes les voil\u00e0 transportant de source en source l'hermaphrodite suppos\u00e9 crayeux endormi dis-nous \u00e7a le ballon qu'\u00e9clate oh dis-nous qu'on puisse commencer les cours or le facteur r\u00e9volutionnaire dans la psychanalyse c'est l'id\u00e9e que le corps est une organisation politique je propose d'y pointer direct en coup d'oeil et pas d'\u00e9chappatoires hein voyons la pratique le moment est venu de se d\u00e9placer logopeia phanopeia melopeia en surface alors si la litt\u00e9rature est l'autre de la th\u00e9orie disons que l'autre a grandi la hantise du petit objet d\u00e9tach\u00e9 parcourt leurs discours on a l'\u00e9quation connue pr\u00e9puce hostie que j't'avale r\u00e9pondant \u00e0 caca queue enfant mais en plus \u00e9minc\u00e9 de veau pour symboliser les travers c'est pourquoi ils ont pu penser que le trait de ciseau \u00e9tait toute la bande allez de nouveau \u00e0 genoux en pr\u00e9tendant que la classe des ensembles qui se contiennent eux-m\u00eames n'existe pas et ta s\u0153ur elle y va toujours oui ce qui les d\u00e9route c'est en fait ce sujet dans son ne-pas-dire faut reconna\u00eetre que les \u00e9crivains en disent trop ou pas assez mais ces t\u00e2tonnements ces recherches ces chocs aboutiront tout de m\u00eame \u00e0 une \u0153uvre \u00e0 une composition inscrite fix\u00e9e dans ses moindres d\u00e9tails et not\u00e9e avec des moyens de notation nouveaux \u00e0 cela pr\u00e8s qui est encore tr\u00e8s loin et en m\u00eame temps de plus en plus pr\u00e8s que la composition au lieu de se faire dans le cerveau d'un auteur se fera dans la nature et l'espace r\u00e9el avec par cons\u00e9quent une immense richesse objective en plus emp\u00eachant l'appropriation en douce exigeant le risque de l'ex\u00e9cution d\u00e9voilant comment le num\u00e9raire r\u00e9el soutient le fictif comment le cric-crac de l'\u00e9bat jouissance nart de l'identification fl\u00e9ch\u00e9e c'est toi mon roi ou ma reine hop gob\u00e9e l'\u00e9pini\u00e8re on n'en parle plus faut s'y faire c'est ainsi quoi qu'il en soit eheieh asher eheieh d\u00e9brouillez-vous avec ma courbure les mar\u00e9es vont en croissant des quadratures aux syzygies et en d\u00e9croissant des syzygies aux quadratures je ne suis plus un homme dans le corps d'un homme on appelle an\u00e2gam\u00ee celui qui ne retourne pas sur ses pas le perdu de vue \u00e9lie le ravi viens serre-moi j'aime marcher dans le noir il faut un sacr\u00e9 entra\u00eenement crois-moi des ann\u00e9es en rond chaque soir \u00eatre oubli\u00e9 radi\u00e9 fossoy\u00e9 avoir martel\u00e9 les combinaisons de base xx' femelle xy m\u00e2le ou xyx avec diff\u00e9rences pour l'appareillage sexuel et la peau je me demande si l'on a suffisamment remarqu\u00e9 que le daltonisme comme l'h\u00e9mophilie se transmet par les femmes et n'affecte que les hommes c'est une de ces plaisanteries dont la nature est prodigue un de ces lapsus qui font que nous avons droit aux circonstances ext\u00e9nuantes \u00e0 l'extr\u00eame-onction apr\u00e8s l'ablution je subtiliserai dit la fontaine un morceau de mati\u00e8re que l'on ne pourrait plus concevoir sans effort quintessence d'atome extrait de la lumi\u00e8re je ne sais quoi plus vif et plus mobile encore que le feu oui oui ils y ont tous pens\u00e9 je crois m\u00eame qu'\u00e0 un certain moment chacun a d\u00fb entrer sans pouvoir le dire dans la musique dont la m\u00e9lodie attrape parfois le contour de toutes fa\u00e7ons cette distinction de la forme et du contenu est purement didactique car les forces mat\u00e9rielles ne seraient pas concevables historiquement sans la forme et les id\u00e9ologies seraient de petites lubies individuelles sans les forces mat\u00e9rielles c'est pourquoi la mani\u00e8re d'\u00eatre du nouvel intellectuel ne peut plus consister dans l'\u00e9loquence moteur ext\u00e9rieur et momentan\u00e9 des sentiments des passions mais il se m\u00eale activement \u00e0 la vie pratique comme constructeur organisateur persuadeur permanent parce qu'il n'est pas pur orateur et pourtant sup\u00e9rieur \u00e0 l'esprit abstraitement math\u00e9matique il sait reconna\u00eetre la fili\u00e8re \u00e0 neutrons rapides le r\u00e9acteur source harmonie qui dans un flux stable permet la mise au point des d\u00e9tecteurs il sait vite remplacer une particule entrante par son antiparticule sortante le probl\u00e8me une fois branch\u00e9 sur l'effet nourriture digestion excr\u00e9tion respiration m\u00e9thodique consiste \u00e0 ne pas d\u00e9river dans la p\u00e2te \u00e0 maintenir la tension autrement dit \u00e0 apprendre \u00e0 perdre c'est l\u00e0 l'\u00e9tonnante condition du report l'acteur peut d\u00e9signer \u00e7a par la fonction d'onde de sa mol\u00e9cule pour \u00e9chapper au cycle il devra s'\u00e9craser lui-m\u00eame dans l'ombilical allons poussons insistons \u00e7a se fait dans le temps hors-temps en usant les pistons de l'ordre le canal g\u00e9nital maintenu phallique par tir de barrage \u00e0 cartouches orales anales mesure du m\u00e8tre \u00e9talon poteau totem pieu des filles qui croient l'\u00eatre ou l'avoir au terme de la loi des places roulement \u00e0 billes ce n'est pas toi qui es d\u00e9sir\u00e9 pauvre con mais la panoplie des rapports de forces tout est pr\u00eat pour emp\u00eacher ton d\u00e9clic \u00e0 travers l'alphabet sans moi sans surmoi ce qui fait probl\u00e8me c'est l'\u00e9clairage de ta fiche c\u00e9libataire ta mari\u00e9e mise \u00e0 feu branch\u00e9e au standard elle \u00e9tait belle comme la femme d'un autre il \u00e9tait beau comme un autre ce que j'aime dit-elle c'est le mec sur moi viril prenant l'initiative comme disait marie-chantal entrez ou sortez g\u00e9rard mais cessez ce va-et-vient ridicule il y a une m\u00e9taphysique de la bielle voire de la partie de football l'analyse consiste \u00e0 lui faire chuchoter ainsi ses d\u00e9sirs du jour on a des surprises le truc est amorc\u00e9 de dix mille fa\u00e7ons en miroir je r\u00eave des culottes s\u00e9chant sur les toits drapeaux de la chose claquant au vent s\u00e9chant au-dessus du trafic chaque matin de plus en plus engorg\u00e9 fumant les fen\u00eatres s'ouvrent secouez les draps les serviettes ah voil\u00e0 l'hymne puissant de l'esp\u00e8ce bel enfer horrible puant parfum\u00e9 graisseux tach\u00e9 invincible les march\u00e9s s'ouvrent les l\u00e9gumes arrivent les livraisons le lait microbien les poubelles mais avant que \u00e7a ronfle sors donc sors l\u00e8ve un peu la t\u00eate sens le souffle sucr\u00e9 sal\u00e9 gazeux de la voie lact\u00e9e foutre que la nuit est claire la m\u00e8re et le fils accoupl\u00e9s permanents mielleux tiens je retrouve mon voile vivant froiss\u00e9 \u00e0 l'envers pas toi non vraiment mais qu'est-ce que tu fous tu te fais baiser par tes anti-corps ou quoi pour y revenir encore une fois la r\u00e9sonance se pr\u00e9sente comme une particule qui se d\u00e9sint\u00e8gre en un temps tr\u00e8s bref apr\u00e8s avoir parcouru des distances microscopiques de sorte qu'on ne peut la voir dans les appareils mais qu'on observe seulement des produits de d\u00e9composition on appelle sa masse incertaine largeur sans oublier que le syst\u00e8me d'ensemble n'est stable et \u00e0 proprement parler \u00e9tatique voire group\u00e9 que s'il a une \u00e9nergie plus basse juridique enseignable que celle de ses constituants isol\u00e9s voil\u00e0 une indication si tu veux maintenir l'\u00e9bullition dans ta chambre n'oublie pas que chaque liaison est repr\u00e9sent\u00e9e par une fonction d'onde \u00e0 deux centres occup\u00e9e par une paire d'\u00e9lectrons venant de deux atomes li\u00e9s vas-y respire ta probabilit\u00e9 de pr\u00e9sence les nuages remplacent maintenant les trajectoires nous \u00e9voluons avec ce brouillard spectral toute \u00e9jaculation \u00e9met un coup de pens\u00e9e non pens\u00e9 c'est m\u00eame \u00e0 crever de rire et voil\u00e0 au large de l'agglom\u00e9ration les mouettes foncent sur les vignes tout se m\u00e9lange \u00e0 pr\u00e9sent je dois dire que j'ai plut\u00f4t mal au ventre envie de vomir tandis que le de 9 poursuit sa navigation au-dessus des alpes glaciers lacs moraines pics rocs attachez vos ceintures \u00e9teignez vos cigarettes on dit qu'un des cosmonautes avant de se dissiper dans l'atmosph\u00e8re a pu parler une heure et demie avec sa petite famille sa femme sa fillette \u00e0 n\u0153uds roses le pr\u00e9sident qui avant de porter sa fausse urne l'a assur\u00e9 que la nation ne l'oublierait jamais ici probablement coup de gomme un h\u00e9ros peut pas finir en d\u00e9gueulant sur la science plus loin image de la veuve caressant lentement sa photo et retour sur le r\u00e9sum\u00e9 du tour pour l'\u00eatre parvenu \u00e0 la limite improductive le sujet s'\u00e9prouve comme survivance accroch\u00e9e au glissement cellulaire en halo on peut m\u00eame dire que la r\u00e9flexion des parcelles est \u00e0 la fois relance et d\u00e9clinaison des sommes infinies sans cesse en exc\u00e8s d'un tout la conception d'un tout \u00e9tant d'ailleurs le moment de l'exclusion d'un reflet possible c'est \u00e0 dire du continu plus-value donc probl\u00e8me des germes l'exploitation de l'homme par l'homme a fait place \u00e0 l'exploitation de la partie par le tout socrate \u00e9tait un homme donc tu es mortel tu seras un homme mon fils \u00e7a t'apprendra le conditionnel au d\u00e9but \u00e9tait donc la r\u00e9p\u00e9tition un plus un plus un plus un plus un c'est foutu quand tu commences \u00e0 compter imm\u00e9diatement profil mensurations des empreintes l'horloge parlante au quatri\u00e8me top il sera exactement l'instant de l'universelle minute en cocotte bardo veut dire intervalle ici la surface exprime aussi bien le vide dans les objets que les objets dans le vide l'espace est suspendu points d'effervescence tenant ses n\u0153uds-forces on peut si l'on y tient mais vraiment pour le seul usage des conf\u00e9rences distinguer des transes maternelles calmes les possessions d\u00e9moniaques tr\u00e8s en usage au br\u00e9sil les spasmes guerriers les voyages visions r\u00e9v\u00e9lations ad hoc individuelles en g\u00e9n\u00e9ral la femme de l'op\u00e9rateur fait plut\u00f4t la gueule d\u00e9nigre les exp\u00e9riences sauf si elles ont un horizon nettement sexuel quand les n\u0153uds sont d\u00e9faits on retrouve la mort dans la soie c'est normal comment voulez-vous vivre avec une nappe d'eau insaisissable avec un corps qui se voit et se voit se voir se voyant vu visible invisible donc sans cesse en train de dire au revoir \u00e7a n'est pas un p\u00e8re \u00e7a madame c'est pas une m\u00e8re donc marx fait sa d\u00e9couverte en partant d'une analyse micro de la marchandise incroyable qu'on ait rien compris avant lui ce qui prouve que l'histoire produit les hommes qui conviennent \u00e0 son d\u00e9calage y a pas \u00e0 s'en faire plongeons faisons lui confiance m\u00eame sur quelques milliers d'ann\u00e9es ou bien plus quelle importance la seule question est de savoir si on se sent fait ou non pour des dur\u00e9es sans dur\u00e9e on aura donc int\u00e9r\u00eat \u00e0 partir de la cellule familiale \u00e0 insister sur de petites choses qui n'ont l'air de rien l\u00e0 o\u00f9 la grenouille se gonfle se prend pour ph\u00e9nix nous impose son baratin son gratin si le corps devient transparent piaf aper\u00e7u du cr\u00e2ne c\u0153ur gorge nombril cu couilles comme des roues travers\u00e9es par un axe tr\u00eave toute provisoire d'ailleurs dont vous pouvez profiter pour lui mettre du sel sur la queue \u00e0 qui ben \u00e0 l'oiseau bien s\u00fbr \u00e0 condition de l'appeler maman juste quand il sort du polaro\u00efd placez-vous dis-je o moutons d\u00e9vots placez un a sur la racine un a bref tenu dans les sons y compris les consonnes voil\u00e0 le sein du langage vous l'entreverrez rouge-brun demi-doigt fil vibrant incandescent corde frapp\u00e9e par le vent ce gar\u00e7on est insupportable on dit qu'il a positivement crach\u00e9 \u00e0 la gueule du cur\u00e9 qui le baptisait qu'il n'a pas cess\u00e9 de chahuter \u00e0 la messe comme \u00e0 l'\u00e9cole qu'il se moquait de la branlette de ses copains qu'il restait insensible o crime devant les pornos qu'il s'est soustrait \u00e0 la propagande saucisse l'abb\u00e9 me l'a dit impossible de lui poser des questions sp\u00e9ciales de l'entra\u00eener dans le clair-obscur de le faire haleter au confessionnal plus tard il vous bousille toute une classe de yoga en posant des questions idiotes il ne respecte m\u00eame pas l'agr\u00e9gation la carte du parti impossible de l'impressionner avec la folie le r\u00eave la mort la naissance on a beau le menacer il continue ses excr\u00e9ments n'ont pas l'air de le fasciner il ne tremble pas o scandale devant la sodomie argument supr\u00eame alors comment faire que devient le secret dans ces conditions l'en de\u00e7\u00e0 l'au-del\u00e0 l'autre l'ailleurs et en plus il para\u00eet qu'il jouit pas possible si machin l'a vu en partouze \u00e0 l'aise comme chez lui trouvant chaque fois des filles complices inconscientes quelle horreur et en plus vous savez comment elles sont si on les laissait flotter oh oui professeur c'est inadmissible deux mill\u00e9naires pour en arriver \u00e0 cette d\u00e9sinvolture je vous jure c'est d\u00e9sesp\u00e9rant comme les saisons les mar\u00e9es le vent le bouddha lui-m\u00eame couleur de fum\u00e9e ou le tri ratna d'\u00e9ventail ratnasambhava il dit que dieu et tout ce qui s'y ram\u00e8ne y compris le savoir ou le s\u00e9rieux social est une carie ou une avarie et que cela est prouv\u00e9 par la manie de ceux qui s'y glissent o\u00f9 allons-nous grands dieux grands parents mais c'est le monde \u00e0 l'envers qu'il dit enfin \u00e0 l'endroit au secours au secours que deviennent le poids des souffrances la discipline la transmission du coton je dis qu'il faut le surveiller l'encercler poser partout des plaques isolantes tu comprends voil\u00e0 \u00e0 peu pr\u00e8s leur r\u00e9action de base note-la mets-la en \u00e9quation c'est toujours la m\u00eame c'est sans doute pourquoi ils aiment dire que d\u00e8s l'aube de la pr\u00e9histoire les s\u00e9pultures parlent plus que tout autre vestige des premiers balbutiements de la pens\u00e9e rien ne les choque comme la profanation des tombeaux sauf bien entendu s'ils agissent pour un compte arch\u00e9ologique en d\u00e9logeant quelques muets pharaons rien ne les irrite au fond comme notre devise shengzhe ji ye sizhe gui ye la vie un s\u00e9jour la mort un retour \u00e7a les blesse \u00e0 mort ce testament du marquis sur la mont\u00e9e bourgeoise et petite-bourgeoise voulant \u00eatre enterr\u00e9 au c\u0153ur d'un taillis et qu'on s\u00e8me des glands sur sa fosse pour nier sa trace comme dit-il je me flatte que ma m\u00e9moire s'effacera de celle des hommes pour qui se prenait-il celui-l\u00e0 vouloir dispara\u00eetre sans restes quel culot surtout apr\u00e8s avoir r\u00e9pandu partout sa jouissance en plein dans les phrases et en plus sous la forme de personnages f\u00e9minins pas de pardon non pas de pardon pour celui qui se vante d'incarner \u00e0 l'avance les intentions de l'histoire pas de quartier pour celui qui a os\u00e9 \u00e9crire je me suis fait un principe de mes erreurs et de ce moment j'ai connu la f\u00e9licit\u00e9 viens plus pr\u00e8s caresse-moi doucement raconte-moi des horreurs en passant je propose une grande enqu\u00eate aupr\u00e8s des femmes mari\u00e9es les plus honn\u00eates les plus maternelles sur les manies de leurs maris et des types en g\u00e9n\u00e9ral pour autant que \u00e7a n'se passe pas dans le noir sans un mot chacun pour soi l'\u00e9cluse pour tous mais oui ch\u00e9ri \u00e7a sera tr\u00e8s bon pour ta carri\u00e8re ah le mana se perd o\u00f9 se cache l'orenda l'ancien numineux l'aur\u00e9ole le sacr\u00e9 pour collections bon march\u00e9 la protestation religieuse est toujours un sympt\u00f4me de revendication politique furoncle non-dit remis gard\u00e9 au four porteur du futur dans ses \u00e9claircies exemple d\u00e9sagr\u00e9gation du christianisme surtout du protestantisme li\u00e9 de plus pr\u00e8s \u00e0 l'\u00e9tablissement intime du capital vieilleries catholiques f\u00e9odales mais aussi contradictions cur\u00e9s maquisards tireurs dies ira perch\u00e9s sur les toits abattant froidement anglicans m\u00e9thodistes anabaptistes crise de l'orthodoxie kimbanguisme local bonzes torches cigarettes zen islam bloqu\u00e9 juda\u00efsme \u00e9clair\u00e9 li\u00e9 au dollar humanisme de plus en plus rance bref bazar bouillie de la longue sortie oh j'aimerais qu'on s'balade un peu l\u00e0-dedans comme dans du verre fant\u00f4mes l\u00e9gers a\u00e9r\u00e9s ceux qui veulent conna\u00eetre connaissent celui qui a envie d's'en aller \u00e0 lui de juger le probl\u00e8me vie mort n'est quand m\u00eame pas r\u00e9ductible au couple natalit\u00e9 mortalit\u00e9 genre d\u00e9mographie avanc\u00e9e la femme est f\u00e9condable entre 15 et 49 ans le taux brut de reproduction exprime le nombre de filles que met au monde une fille nouveau-n\u00e9e dans des conditions d\u00e9termin\u00e9es de f\u00e9condit\u00e9 et une absence de toute mortalit\u00e9 exemple 1,29 en france en 1967 ce chiffre signifiant que si 100 filles connaissaient \u00e0 chaque \u00e2ge de 15 \u00e0 49 ans r\u00e9volus le taux de f\u00e9condit\u00e9 de cet \u00e2ge qu'on a observ\u00e9 pendant cette ann\u00e9e et si de plus elles n'\u00e9taient pas soumises \u00e0 la mortalit\u00e9 elles mettraient au monde en tout 129 filles nouveau-n\u00e9es on voit imm\u00e9diatement que les populations riches sont moins reproductives que les pauvres l'ignorance \u00e9tant un argument sexuel massue \u00e0 quel point tout \u00e7a est li\u00e9 au langage on s'en doutait un peu hein on n'arr\u00eate pas d'en parler sous cape m\u00eame que l'\u00e9crivain est en g\u00e9n\u00e9ral \u00e9tonn\u00e9 de provoquer une telle animosit\u00e9 lui le professionnel des grossesses \u00e0 l'envers l'expert du mot de l'\u00e9nigme est comme le disent maintenant les sociologues la frayeur devant la mort qui existe depuis que le monde est monde semble faire place \u00e0 l'effroi devant la vie ceux qui apr\u00e8s nous \u00e9crirons l'histoire diront peut-\u00eatre que cette substitution est le trait fondamental de la sensibilit\u00e9 humaine \u00e0 trois d\u00e9cennies du troisi\u00e8me mill\u00e9naire ah oui mill\u00e9naire de qui de quoi pour qui et pour quoi coucou s\u00f4ma sema l'occident a toujours postul\u00e9 que l'\u00eatre existait que le savoir \u00e9tait possible et qu'on pouvait le transmettre sauf gorgias pressentant la faiblesse de ces postulats sous-entendant la rh\u00e9torique est le domaine des opinions la philosophie est un sport lui non plus n'a pas \u00e9t\u00e9 \u00e9cout\u00e9 par le birth control et pourtant prenons les bact\u00e9ries divis\u00e9es en deux en moins d'une demi-heure vous en avez des millions par centim\u00e8tre cube avec mutations au hasard je voudrais tout de m\u00eame souligner que le d\u00e9veloppement de la biologie s'est fait en sens inverse de l'\u00e9volution saluons l'escherichia coli k 12 au passage c'est sans doute pas un hasard si les d\u00e9bats sur la croissance \u00e9conomique la r\u00e9partition des richesses la pollution et tutti quanti restent si pudiques sur la limitation des naissances de quoi s'agit-il au juste hein au-del\u00e0 du sempiternel refrain monopoles vieux travailleurs oui d'accord le socialisme absorbera le capitalisme socialiste capitaliste socialis\u00e9 capitalis\u00e9 mais enfin on n'avancera pas d'un millim\u00e8tre tant que la jouissance continuera d'\u00eatre une affaire priv\u00e9e fran\u00e7ais encore un effort n'oubliez jamais la raison du plus mort c'est br\u00fbler et non \u00eatre consum\u00e9 qui fait que l'on est d\u00e9truit dans une destruction qui ne se d\u00e9truit pas que l'on peut enfin devenir t\u00e9n\u00e8bres palpables eh on se prive d'aucune grande interrogation dans le coin pendant que des millions d'hommes souffrent de la faim allons allons silence le p\u00e8re lamorale ils liront \u00e7a un jour dans des universit\u00e9s \u00e7a fait pas un pli laisse d\u00e9border le nouveau comme il est fantasque fluide insatiable naturellement baiseur sans soupapes m\u00eame de mauvais go\u00fbt faudrait pas confondre les populations laborieuses du cap avec les copulations laborieuses du pape ok elle est archi-connue t'es fatigu\u00e9 mon poulet laisse un peu la bouteille on approche le ciel p\u00e2lit ou alors viens encore ici qu'on se touche non plus rien \u00e0 fumer dans l'odeur de th\u00e9 cool cool be cool n'emp\u00eache pas les couleurs c'est partout safran\u00e9 violet jaune blanc plein de fleurs plumeuses si tu coules le bout de la langue l\u00e0 sur mon bouton ah salaud tu me fais mouiller je bande oui maintenant oui oui donne donne donne encore \u00e7a me rappelle une grosse verte \u00e0 volants parfum\u00e9e suante qui pouvait rester une heure sur le bout du gland tr\u00e9pidation de mouche sur les l\u00e8vres \u00e9lectris\u00e9e froide entra\u00een\u00e9e avec le moment \u00e9mouvant pour elle aussi malgr\u00e9 la consigne et longue aspiration appel des racines elle avalait tout elle laissait la queue nettoy\u00e9e au tour et apr\u00e8s gratuit rarissime su\u00e7ant le cu feuille de rose je devais avoir l'air b\u00e9b\u00e9 j'\u00e9tais vachement gonfl\u00e9 pour mon \u00e2ge c'est l\u00e0 que j'ai pris avance et retard s\u00e9rie de dessins diagrammes notes esquisses photos mauvais livres bons livres regard plus loin air de rien c'est quand m\u00eame une travers\u00e9e tous ces sexes les poils l'odeur les formats un tu embrasses deux les seins trois la main sous la culotte v\u00e9rifiant la mont\u00e9e liquide quatre lente station d'excitation avec doigt bouche obtenant d\u00e9charge clito cinq dessus dessous derri\u00e8re \u00e0 c\u00f4t\u00e9 tourbillon plasma vaginal six quelques brutalit\u00e9s pour corser levrette sodomie rapide puis de nouveau souffle \u00e0 souffle attouchements lambeaux parl\u00e9s chantonn\u00e9s hypoth\u00e8ses fantasmes \u00e9rection retour mesure des boums de la fille en priorit\u00e9 zling tordue tu la prends en marche tu silles sa trace au moment o\u00f9 elle retombe le tout est de la prolonger dans l'effet si tu y tiens c'est loin d'\u00eatre obligatoire comme on le croit au d\u00e9but m\u00eame que toute l'astuce est de d\u00e9couvrir l'envers du machin son asym\u00e9trie si tu peux bander y aller et te retenir qu'elle y aille et toi non tu commences \u00e0 faire des progr\u00e8s \u00e7a te rajeunit \u00e7a te fait penser en plus frais au fond toute la machine est pr\u00e9vue pour faire d\u00e9gorger peu importe que ce soit au bon endroit ou ailleurs le programme c'est qu'ils giclent nous ferons le reste et voil\u00e0 pourquoi elles adorent secr\u00e8tement l'oblig\u00e9 du truc le fana masturbe ou le m\u00eame \u00e0 m\u00eame l'identife marche au quart de tour dans le clair-obscur soi-disant d\u00e9sir on peut dire que le mec qui contr\u00f4le pas son foutre n'a jamais rien pens\u00e9 de sa vie r\u00e9elle et voil\u00e0 aussi pourquoi ceux qui se croient les plus \u00e9loign\u00e9s de la reproduc y sont en plein coeur confirmant la r\u00e8gle \u00e7a explique aussi tr\u00e8s bien la frigidit\u00e9 statistiquement importante comme le mythe du fier-\u00e0-bras donc proposition renversement de la perspective les filles devront \u00e9cr\u00e9mer constamment et les mecs br\u00fblants bien bandants devront \u00e9viter l'imp\u00f4t le pr\u00e9l\u00e9vement en observant le tranchant la cr\u00eate \u00e0 vif du raclage raflant les enjeux vlouf coup de reins tram\u00e9 du dehors lim\u00e9 press\u00e9 compress\u00e9 \u00e9point\u00e9 aff\u00fbt\u00e9 cramp\u00e9 ils reverseront dans la vraie d\u00e9pense ils deviennent le joui du pas joui le pas joui du joui flamb\u00e9 explos\u00e9 avec condition sine qua non de prouver de temps en temps le c\u00f4t\u00e9 volontaire de l'\u00e9cart pour qu'on dise pas partout impuissant d\u00e9robade facile \u00e7a d\u00e9truirait l'ang\u00e9lus en cons\u00e9quence je propose des \u00e9clats techniques contr\u00f4l\u00e9 sans froideur complice sans plaisanterie ni recul quelque chose de chaleureux sombre enflamm\u00e9 non non rien d'archa\u00efque rien \u00e0 voir avec la chine ancienne bien que la racine tan veuille dire \u00e9tendre continuer ou multiplier je dis que tout est pr\u00e9vu pour emp\u00eacher l'exp\u00e9rience on pourra les voir se sacrifier par milliers et crois-moi pas facile de tenir sur le pont avec ces kamikases je trouve mon projet vraiment postdivin plus vicieux que rien jamais pens\u00e9 ni r\u00eav\u00e9 sous tropiques partout des femmes \u00e9panouies langueuses des mecs r\u00e9fl\u00e9chis secs directs et s'il est vrai que le degr\u00e9 d'\u00e9mancipation de la femme constitue la mesure naturelle de l'\u00e9mancipation humaine imagine un peu l'explosif la nouvelle entr\u00e9e de la mort plus d'pilule plus d'castricte nous obtiendrions sans tarder les grandes lois d'la courbure l'axial refoul\u00e9 autrement dit quoi en tant qu'il y a des hommes qui existent dont tu peux varier les pr\u00e9noms ce sont tous des femmes l'homme comme tel n'existe pas sauf pour cacher cette v\u00e9rit\u00e9 qui d'une part assure le singulier incarn\u00e9 de l'autre renvoie via la mort l'\u00e9tincelle dans l'universel omnia quamvis diversis gradibus animata sunt quel progr\u00e8s \u00e0 partir du moment o\u00f9 s'\u00e9claire l'ombre de maman fa\u00e7onnant partout son p\u00e9nis pistache quand chaque mec n'est plus que sa branlette de la t\u00eate aux pieds rien n'est chang\u00e9 ou plut\u00f4t toute la conscience est transform\u00e9e par ma d\u00e9couverte c'est la double issue d'une part voil\u00e0 je suis votre gode de l'autre minute je file dans la cause effet bref le schizo devient diplomate entreprenant imbattable assoupli post maso genre oiseau il surgit dans ce nouveau monde o\u00f9 nietzsche n'est plus oblig\u00e9 de passer onze ans chez sa m\u00e8re avant de s'\u00e9teindre derri\u00e8re sa vitrine apr\u00e8s l'explosion dionysos contre crucifi\u00e9 on obtient alors l'in\u00e9luctable comme un beau vaisseau voyageur la nef des fous et allez vas-y la musique au fond la m\u00e9taphysique trouve ici sa r\u00e9solution r\u00e9sorption suffisait d'oser dire ce qu'ils savent tous plus ou moins sur l'oreiller tapageur ou au bord de l'agonie voire dans les h\u00f4pitaux de campagne lumi\u00e8re rationnelle sur l'flatus vocis midi midi un devient deux la st\u00e9rile question destinateur ou destinataire fait place avec son message et son code au tourbillonnant matin du destin non l'homme n'est pas le berger de l'\u00eatre non il n'est pas question d'abri de gardien de s\u00e9jour maison habitat paysan sillon \u00eatre de l\u00e0 ne pas \u00eatre l\u00e0 se faire donner le la par le la et tout \u00e7a pourquoi parce qu'on n'a jamais voulu faire passer le le dans le la c'est-\u00e0-dire d\u00e9voiler enfin la fum\u00e9e du la c'est pas madame qui dira l'contraire ah les moutons se jettent dans l'\u00e9tang \u00e7a panurge en dehors du temps faut dire aussi qu'adolf en \u00e9tait une au premier coup d'\u0153il heil para\u00eet qu'\u00e0 auschwitz l'un des kapos cultiv\u00e9s disait aux juifs pr\u00e8s du cr\u00e9matoire entrez entrez ici aussi les dieux sont pr\u00e9sents donc avouons-le nous portons contre les grecs et tous ceux qui ont voulu s'en laver les mains une accusation de base nous ne reviendrons pas l\u00e0-dessus oui mon lapin deus civet natura la philosophie a quand m\u00eame fini par cracher son secret pas vrai dans les chambres \u00e0 gaz allons allons vous n'\u00e9toufferez pas facilement cette affaire m\u00eame si vous vous croyez tout beau tout fris\u00e9 on dit aussi que socrate \u00e9tait toujours \u00e0 l'aff\u00fbt d'un jeune homme prometteur d'un c\u00f4t\u00e9 bigoudis de l'autre gaga c'est qu'ils se d\u00e9fendent le hachis boudin les armes \u00e0 la main on ne comprend rien au refoulement si l'on prend seulement sa r\u00e9pression id\u00e9ale en oubliant que le truc sur la table \u00e9tal\u00e9 trip\u00e9 assume la m\u00eame fonction de muraille ah ne posez pas la question supplient-ils en se branlant f\u00e9brilement \u00e0 tout vent ne posez pas la question n'allumez pas on a promis \u00e0 maman qu'est-ce qu'on va devenir si l'machin est plus investi va falloir penser merde alors la barbe je trouve aussi qu'on a pas assez r\u00e9fl\u00e9chi sur la fille de staline c'est pourtant un morceau d'anthologie elle refuse maintenant de vivre en communaut\u00e9 aux \u00e9tats-unis elle veut pas \u00eatre la petite fille des peuples bon poursuivons le filet l'\u00e9clair le branch\u00e9 partout jet\u00e9 aux d\u00e9s crois\u00e9 entrav\u00e9 au fond c'est assez leibnizien ton truc harmonie sommets par \u00e9toiles c'est dans une lettre \u00e0 fardella le 13 septembre 1666 qu'il emploie monade pour la premi\u00e8re fois \u00e7a vient de bruno de monade numero et figura qui devient ein kleine in einen punkt begriffen welt il passe par les j\u00e9suites pour toucher la chine s'int\u00e9resse aux sols au calcul prot\u00e8ge la machine \u00e0 vapeur tandis que spinoza pench\u00e9 sur ses lunettes pr\u00e9f\u00e9rant dignement le vrai au meilleur insoucieux des postes fronti\u00e8res comme du devenir concret ou diff\u00e9renci\u00e9 n'arrive pas \u00e0 comprendre comment le cercle se fait quand il veut mais quand il veut vraiment hein pas de blagues carr\u00e9 et ainsi de suite dans la substance et la connexion des id\u00e9es aux choses seulement le bruit des mar\u00e9es nous apprend que l'oubli se trace en dessous des seuils de conscience et \u00e0 quoi bon se r\u00e9veiller dans l'\u00e9ternit\u00e9 ou ailleurs sans avoir int\u00e9gr\u00e9 somm\u00e9 d\u00e9cant\u00e9 l'essaim du pass\u00e9 c'est en 1676 que ces deux-l\u00e0 se rencontrent et nous voyons l'exil\u00e9 int\u00e9rieur accueillant dans sa modeste demeure du paviljoensgrachf le conseiller de l'\u00e9lecteur de mayence seul le nombre de livres pr\u00e9cieux qui remplissent l'armoire de h\u00eatre montre qu'on se trouve l\u00e0 chez un tailleur de verres pas comme les autres le penseur araign\u00e9e est affaibli par une longue maladie son visage est p\u00e2le \u00e9maci\u00e9 la main de la mort l'a touch\u00e9 seuls les yeux grands et profonds jettent leur clart\u00e9 coutumi\u00e8re sur le jeune visiteur qui lui est recommand\u00e9 \u00e0 la fois comme diplomate physicien et philosophe par des amis communs et qui a d\u00e9j\u00e0 derri\u00e8re lui de grands succ\u00e8s tandis que son c\u0153ur est plein d'ambitieuses esp\u00e9rances de sa voix haute et agr\u00e9able ce dernier exprime ses critiques contre les lois cart\u00e9siennes du mouvement et d\u00e9veloppe une nouvelle forme de l'argument ontologique n'\u00e9coutant pas volontiers les objections car il est obstin\u00e9 et ne peut supporter qu'on le contredise quant au sage il raconte sa vie comment il a \u00e9t\u00e9 exclu comment il a voulu lors du dernier assassinat afficher pr\u00e8s de l'endroit du meurtre un papier avec ultimi barbarorum enfin il ouvre un tiroir en tire son manuscrit montre pendant un instant sa somme photo pour quelques amateurs \u00e0 travers les si\u00e8cles y a pas des moments comme \u00e7a tous les jours en navigation n'est-ce pas cet \u00e9pisode est aussi charg\u00e9 de sens que l'arriv\u00e9e \u00e0 londres chez marx de la tapisserie offerte par engels anecdotes anecdotes c'est vite dit l'histoire n'est rien sans ces d\u00e9tails mat\u00e9riels tout se passe \u00e0 travers des milliards de petites sc\u00e8nes \u00e0 b\u00e2le m\u00eame on racontait encore il n'y a pas si longtemps comment nietzsche s'oubliait \u00e0 improviser un soir son jeu s'\u00e9chauffe au piano d\u00e9g\u00e9n\u00e8re en accords fantaisistes il se r\u00e9v\u00e8le tr\u00e8s diff\u00e9rent du prof que l'on conna\u00eet l'assistance demeure interdite le kapellmeister s'impatiente se vexe tout le monde finit par sortir on le laisse seul il ne se rend compte de rien d\u00e9j\u00e0 quasi extatique absorb\u00e9 dans l'tritos mesos se reprochant de jour en jour plus profond\u00e9ment de n'avoir pas \u00e9t\u00e9 assez musicien bon c'est vrai \u00e7a manque d'une histoire du sujet orchestrant les apparitions hasards de ce genre laissant entendre \u00e0 travers les moulins d'\u00e9poque cadres limites pr\u00e9jug\u00e9s des sciences quoi le son la m\u00e9lodie l'inflexion coul\u00e9e dans le ton vert\u00e9br\u00e9s invert\u00e9br\u00e9s rappel du syst\u00e8me quel chantier sens dessus dessous quel creuset vietnam o\u00f9 le peuple tient d\u00e9j\u00e0 sa r\u00e9alit\u00e9 sur dix plans dans les souterrains usines champs \u00e9coles madrid a \u00e9t\u00e9 prise hano\u00ef ne le sera pas les sir\u00e8nes sonnent trois secondes les avions sont l\u00e0 vol bas difficile \u00e0 suivre au radar les corps sont sveltes a\u00e9r\u00e9s durcis par l'\u00e9preuve pas de barbes de moustaches r\u00e9sidus de perruques feuilles de vigne poilues le langage subit l\u00e0 sa crise retour diff\u00e9r\u00e9e mondiale voil\u00e0 je l'ai maintenant d\u00e9coll\u00e9 d'optique en pupille c'est comme si j'perdais mon verre miroir de contact tu comprends j'bascule en bout sph\u00e8re un moment j'y vois plus rien quand le paysage tombe r\u00e9ellement de son haut mais rien veut pas dire obscurit\u00e9 aveugle l'issue pressentie tout autre s'infiltre dans le gris l'ext\u00e9rieur en soi fout en l'air le vieil ext\u00e9rieur c'est l'an\u00e9antissement quoi le proc\u00e8s coup de fleur avec pollen coeur p\u00e9tales en dehors du cercle voyons aum a caverne fouill\u00e9e r\u00e9sonnante noircie dans l'anus katomb katomb cataracte gorge canyon buccin du boxon comme ils sont accroupis pour dire \u00e7a du fond des cavernes pas question de peindre sur ces parois hein croch\u00e9es par gravure grave \u00e0 son bave baill\u00e9e en houill\u00e9e soufflure c'est \u00e0 r\u00e9veiller le plus con des morts \u00e7a \u00e9branle en vrac l'avant-roc a plus bas encore a plus bas jusqu'\u00e0 o d\u00e9chir\u00e9 harpon en crevasse c'est l'envers d'nos chiottes ce vent d'avant-cu osez donc apr\u00e8s \u00e7a vous croire assis sur un cu quel boucan d'embouche quel black-out puis u rond en o de colonne apr\u00e8s tourbillon cingl\u00e9 pore en air non non le phallus n'en sera jamais qu'un robinet approximatif c'est plus flouf ici tendu volatil et voil\u00e0 \u00e7a monte naturellement en flamme incolore inodore sans fond sans saveur vous l'entendez oui eh bien dites-moi maintenant combien vous avez d'oreilles si vous \u00eates pavillon trompe labyrinthe ou plus loin d\u00e9mont\u00e9 suspendu \u00e9l\u00e9phant nou\u00e9 d\u00e9nou\u00e9 sur l'eau oh l'appel int\u00e9gral massacre allez mon b\u00e9lier enfonce plus loin cette t\u00eate courant limaille espac\u00e9e trou\u00e9e et voici tendu comme un i le m d\u00e9sormais muet minuet m\u00e9tal micro d\u00e9m\u00eal\u00e9 pince-nez br\u00fbl\u00e9 vaporeux du cr\u00e2ne c'est la vo\u00fbte d\u00e9passant la vo\u00fbte les gouttes ros\u00e9e pfuitt \u00e9parpillement frit\u00e9 dissolvant l'sommet bref circuit forme \u00e0 fond fond forme rocher mer nuage for\u00eat pluie mouss\u00e9e min\u00e9ral gaz v\u00e9g\u00e9tal acier la racine budh veut dire \u00e9veiller s'\u00e9veiller buddha est un adjectif verbal actif ou passif boudhisme en fran\u00e7ais appara\u00eet dans balzac en 1830 en 1842 bouddhique et bouddhiste avec deux d sont catalogu\u00e9s par l'acad\u00e9mie la loi le dharma passe par manu m\u00e9n\u00e8s mina minos menw disons par exemple m\u00fbla pour racine en faisant la boucle habituelle du genre racine elle est sans racine car elle ne serait pas racine si elle-m\u00eame avait une racine donc il faut distinguer les productions productives des productions improductives transparence \u00e0 travers les institutions sens monnaies banques conversion ind\u00e9finie des valeurs titres coupons bilans ch\u00e8ques d\u00e9p\u00f4ts en liquide est-il n\u00e9 ou non celui qui saurait monter l'\u00e9talon lingot barre est-il n\u00e9 peut-il s'assigner on appelle sandhy\u00e2 l'\u00e9vanouissement interm\u00e9diaire entre le sommeil profond et la mort r\u00e9p\u00e9t\u00e9 comme sanctus il n'est pas impossible de le faire miroiter un instant en commen\u00e7ant sous la lampe tandis que l'auteur suppos\u00e9 reste couronn\u00e9 invisible dans son lit cach\u00e9 refoulant l'extrait des plan\u00e8tes \u00e7a transmet maintenant depuis mars feu v\u00e9n\u00e9neux v\u00e9nus \u00e0 effluve allumant l'onctuosit\u00e9 de l'eau mercure sonore s\u00e9parant les germes \u00e9cart de teinture surtout chez les femmes tandis que l'homme a tendance \u00e0 s'ensevelir sous les mots parce qu'il ne sait pas encore laisser les mots enterrer les mots d'o\u00f9 son oubli r\u00e9p\u00e9t\u00e9 tandis qu'elles restent fascin\u00e9es par l'\u00e9cran qui repr\u00e9sente le sein dans les r\u00eaves qui a dit que l'homme et la femme n'avaient pas les m\u00eames \u00e9ternit\u00e9s passons sur la pointe coucou bonsoir grosses fesses quand je plonge ainsi en volume laissant ma mati\u00e8re me d\u00e9plier sous les bras je me dis qu'au fond les barbel\u00e9s sociaux les chambres \u00e0 coucher tout le p'tit train-train c'est pas grave \u00e7a n'emp\u00eache pas les mar\u00e9es la r\u00e9flexion des cristaux la pens\u00e9e au fond quoi le mouvement du trait est celui d'un homme qui se retourne pour regarder derri\u00e8re lui eh oui c'est ainsi qu'autrefois les tablettes fun\u00e9raires s'animaient en \u00e9tant point\u00e9es mais tout a pris une autre vitesse regardez quand j'pivote hop \u00e7a y va serr\u00e9 la t\u00e9l\u00e9 premier chapitre catastrophes deuxi\u00e8me chapitre magn\u00e9tos syncop\u00e9s troisi\u00e8me chapitre consumation ramass\u00e9e des bandes quatri\u00e8me chapitre r\u00e9sum\u00e9 des d\u00e9couvertes faites pendant le parcours pr\u00e9l\u00e8vement faune flore folklore perles des habitants rites croyances salut cyrano salut gulliver tout est affaire de dimensions variables pour vivre heureux vivons montr\u00e9 multiplions les facettes d\u00e9routant la p\u00eache \u00e0 la ligne obligeons-les \u00e0 cracher l'morceau sur les rapports bien connus langage machine et voil\u00e0 ils finissent accroch\u00e9s au clou ils avouent que leur litt\u00e9rature a toujours \u00e9t\u00e9 priv\u00e9e d\u00e9cor\u00e9e petits sauts sur place eh puces phalliques chatouillez-nous gentiment nous avons autre chose \u00e0 dire ici la densit\u00e9 de l'\u00e9tude qui enserre l'universel dans un cercle continu ne peut pas ne pas embrasser en elle-m\u00eame en de br\u00e8ves formules la somme des pr\u00e9cisions particuli\u00e8res vois le jour est l\u00e0 filtrant \u00e0 travers les rideaux vois le perp\u00e9tuel rayon de poussi\u00e8re \u00e7a y est les trois coups frapp\u00e9s sous les pieds il y a une seule chose r\u00e9ellement int\u00e9ressante en ce monde se r\u00e9veiller et puis un peu apr\u00e8s se r\u00e9veiller en train de se r\u00e9veiller pour se r\u00e9veiller sens ressens on vient l\u00e0 comme une peau plaqu\u00e9e en nature qu'il pleuve ou qu'il fasse beau avec les papillons pr\u00e8s de l'eau descendons au jardin il faut que j'\u00e9crive un mot sur la saisie g\u00e9n\u00e9rale ma mani\u00e8re de rentrer par la petite porte au fond derri\u00e8re les feuillages disons d'abord que c'est une question de m\u00e9moire ou de projection tu prends \u00e0 bras le corps les mod\u00e8les tu passes rapidement le premier tour est de saboter gaiement les substances en s'asseyant pr\u00e8s du bassin \u00e0 l'\u00e9vidence continue o\u00f9 en \u00e9tais-je ah oui il me semble que cette villa sans myst\u00e8res est faite pour un magnifique lever de soleil tout d'abord entendons-nous bien sur ce qui est mis sous les sons voici l'anticipation et le compos\u00e9 et la systroph\u00e8 qui concentre l'enchev\u00eatrement bon alors vous ouvrez le rheuma dans l'energeia mais n'oubliez pas que vous \u00eates un tombeau ambulant renfermant le rythme malentendu qui risque de faire perdre un temps fou avant de se retrouver mit\u00e9 rapi\u00e9c\u00e9 us\u00e9 jusqu'\u00e0 l'ombilic qui ne valait pas de rester suspendu sur les conditions du parcours mais ne nous \u00e9garons pas donc ne craignez pas d'\u00eatre insult\u00e9s par un banc blafard de m\u00e9duses dont vous critiquez le radeau et de l\u00e0 choc interne palmos en creux d'os vous finirez par rattraper le chronos ici vous sentez voler les mauvaises nouvelles genre le grand pan est mort et autres bobards je n'insiste pas sinon pour vous r\u00e9p\u00e9ter hol\u00e0 dans l'universel poursuivons cueillons quelques roses ce qui les rend fous ce qui les oblige \u00e0 nous pers\u00e9cuter c'est \u00e9videmment notre th\u00e8se sur rien ne na\u00eet du non-\u00eatre puisque leur passion est que tout naisse sans nul autre besoin de semence afin d'extirper la semence inconsciente pour r\u00e9it\u00e9rer leur profit derri\u00e8re notre dos camarades car enfin si la castration du m\u00e2le fait tenir le syst\u00e8me surm\u00eal\u00e9 surveill\u00e9 si jalousement on doit pouvoir inf\u00e9rer que la non-castration du sous-m\u00e2le fait sauter leur camp \u00e0 l'id\u00e9e que ce qui dispara\u00eet ne meurt pas je souligne ils veulent en mordant que les choses soient mortes surtout si \u00e7a doit tuer le chanteur \u00e0 l'id\u00e9e que le tout a \u00e9t\u00e9 et sera toujours ce qu'il est ils pr\u00eachent n'importe quoi pour noyer le quoi or nous enseignons que la mati\u00e8re doit durer dans sa force apr\u00e8s sa dissolution puisque rien ne s'oppose \u00e0 la pluralit\u00e9 des mondes o\u00f9 je plane par d\u00e9tachement pas \u00e9tonnant ces idoles qui se forment \u00e0 la vitesse de la pens\u00e9e arriv\u00e9e d\u00e9part le train rentre en gare et ainsi le mouvement s'oppose \u00e0 lui-m\u00eame jusqu'\u00e0 l'infini ce que tu per\u00e7ois veut dire coup de frein rivage entends ce crissement inaudible du pneuma dans son en de\u00e7\u00e0 l'\u00e2me est souffle et chaleur et souffle en chaleur et chaleur du souffle et soufflerie du souffleur chauff\u00e9 en r\u00e2leur c'est pour \u00e7a qu'elle jouit et souffre et se vit se meurt en ramassant le sperme des talons au cr\u00e2ne le foutre vient pas du moteur oh ignorants mais de votre tout enflamm\u00e9 transpirant sa pente et c'est pourquoi vous reculez de terreur mais sous notre vision \u00e9clair\u00e9e la terre chevauche l'air nous leur demandons de s'aimer ainsi dans l'co\u00eft de tourner rapidement sur elles-m\u00eames \u00e0 vrai dire \u00e7a n'se fait vraiment bien qu'entre fr\u00e8re et s\u0153ur dans le jardin pr\u00e8s des sapinettes avec tropisme au soleil pr\u00e8s de la glycine couronn\u00e9e de gu\u00eapes vous me donnerez un peu de vin chaud pour finir un vin d'embouchure du c\u00f4t\u00e9 d'l'oc\u00e9an sableux vallonneux c'est en 1802 qu'h\u00f4lderlin \u00e9crit en voyage dans les r\u00e9gions qui confinent \u00e0 la vend\u00e9e j'ai \u00e9t\u00e9 int\u00e9ress\u00e9 par l'\u00e9l\u00e9ment sauvage guerrier le pur viril \u00e0 qui la lumi\u00e8re de la vie est donn\u00e9e imm\u00e9diatement dans les yeux et les membres et qui \u00e9prouve le sentiment de la mort comme une virtuosit\u00e9 o\u00f9 s'assouvit sa soif de savoir le vent du nord-est se l\u00e8ve de tous les vents mon pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 et la suite intitul\u00e9e andenken faisceau transparent avec mer vigne amour po\u00e9sie fixit\u00e9 va-et-vient de base amour d\u00e9sign\u00e9 par regard sans fatigue po\u00e9sie par fondation du m\u00e9lange des eaux sous le ciel c'est ainsi que certains atomes travaillent dans certaines combinaisons \u00e0 former au lieu de subir \u00e9lan vibration lacis puls\u00e9 palpit\u00e9 si les simulacres se formaient moins vite nous sentirions les phases de leur production s'ils avaient lieu plus vite nous ne penserions pas or les plaques qui touchent la sensation n'ont pas d'\u00e9paisseur le tout peut \u00eatre aussi le flux dont les corpuscules conservent l'identit\u00e9 en chaque point de l'espace tr\u00e8s na\u00eff tr\u00e8s bien note l\u00e9nine en marge tandis que le continu n'est que la traduction optique du ralentissement la difficult\u00e9 est de prendre la parole dans ce temps issu de l'illimit\u00e9 pour les \u00e9ditions on en d\u00e9nombre sept avant 1500 \u00e0 rome venise brescia bologne paris puis b\u00e2le en un sens la lutte philosophique ne fait que commencer hegel recommande une \u00e9ducation de la pens\u00e9e susceptible de lui conf\u00e9rer un comportement plastique si platon a remani\u00e9 sept fois la r\u00e9publique dit-il nous avons nous \u00e0 y voir de plus pr\u00e8s soixante-dix-sept fois sign\u00e9 \u00e0 berlin le 7 novembre 1831 il y en a aujourd'hui disent les camarades chinois qui n'ont pas encore saisi la dialectique dans la question de la profondeur des semailles d'autres croient qu'on na\u00eet r\u00e9volutionnaire alors qu'on ne le devient qu'avec des efforts conscients plus on craint les contradictions plus il y en aura plus on cherche \u00e0 vivre en paix plus il y aura de troubles l'arbre veut le calme mais le vent n'en continue pas moins de souffler certains camarades tournent toujours autour des conditions mat\u00e9rielles mais attendre que les conditions soient r\u00e9unies ou les cr\u00e9er voil\u00e0 ce qui refl\u00e8te la lutte entre les deux conceptions du monde les deux lignes notre m\u00e9thode principale est donc d'apprendre \u00e0 faire la guerre en la faisant sur la page comme sur la route \u00e7a roule en ligne droite toutefois la situation change constamment et il y a une lutte continue quand on tient le volant d\u00e9truire l'ancien cr\u00e9er le nouveau est en r\u00e9alit\u00e9 un raccourci pour le style dans une contradiction entre excitation et inhibition nous mettrons l'accent sur l'excitation et ainsi de suite chaque probl\u00e8me est concret li\u00e9 au tout fini infini ici partout ailleurs devant soi hors de soi passion g\u00e9n\u00e9rale o\u00f9 l'\u0153il doit rester ouvert sur le subjectif was ist denken dans ces conditions t'imagines la mutation oui donc g\u00e9n\u00e9tiquement parlant le patrilin\u00e9aire fait place au sondage matrilin\u00e9aire on est l\u00e0 tu vois sur le bord du trou manquant touchant deux natures la grande ancienne emm\u00eal\u00e9e biologique et la seconde poussi\u00e8re culture rapidement d\u00e9ploy\u00e9e si je prends ta main elle descend \u00e0 la fois du singe et de michel-ange ton oreille est remplie d'oiseaux mais aussi de cent symphonies op\u00e9ras quatuors messes rumbas peu importe si tu n'en sais rien pour le capital la vie sexuelle des ouvriers est assimilable au nettoyage des machines la production elle-m\u00eame a pour but la reproduction du producteur dans et avec ses propres conditions objectives d'existence mais voil\u00e0 l'\u00e9tau se desserre la crise permet aujourd'hui comme jamais de regarder \u00e0 travers les volets \u00e7a y est le cri est lanc\u00e9 l'humanit\u00e9 des pays surd\u00e9velopp\u00e9s s'aper\u00e7oit qu'elle ne respire plus sans probl\u00e8mes c'est curieux comme marx revient toujours sur ces termes d'entrelacement ramifications chimiques cristaux de travail quel boulot si on veut tout reprendre pour organiser le peuple o\u00f9 en sommes-nous avec robespierre le peuple fran\u00e7ais dit-il froidement semble avoir devanc\u00e9 de deux mille ans le reste de l'esp\u00e8ce humaine on serait m\u00eame tent\u00e9 de le regarder au milieu d'elle comme une esp\u00e8ce diff\u00e9rente a\u00efe oh ne m'fais pas rire c'est pas dr\u00f4le comprends d'\u00eatre cuisin\u00e9 en sang l\u00e0-dedans cependant voil\u00e0 l'\u00e9tude de l'histoire est un besoin de la lutte des classes sinon tout revient en cercle ou ic\u00f4nes bizarrement promen\u00e9es dans les rues donc enregistre la p\u00e9riode que nous vivons a un nom bouleversement et m\u00eame grand bouleversement et m\u00eame bouleversement sans pr\u00e9c\u00e9dent sur la boule qui se met en boule d'o\u00f9 boulon boulonner boulotter chambouler sabouler le camp imp\u00e9rialiste se disloque la clique r\u00e9visionniste tend de plus en plus \u00e0 se d\u00e9sagr\u00e9ger idem pour les r\u00e9actionnaires de tous les pays avec division et regroupement des diverses formes politiques oui bon c'est bien beau mais quand m\u00eame la situation x le cas y d'accord mais pense \u00e0 l'ensemble \u00e7a ne veut pas dire que la contre-r\u00e9volution va s'arr\u00eater d'un coup tout \u00e0 coup regarde le changement glissement bascule du rapport de forces quand le syst\u00e8me esclavagiste s'effondre en occident qu'est-ce qu'on a insurrections dans l'empire invasions guerres chute du compos\u00e9 f\u00e9odal idem avec luttes entre restauration contre-restauration monarchie r\u00e9publique tout \u00e7a normal suivant sa loi objective exemple le major britannique debout sur sa canonni\u00e8re croyant que sur son bateau le soleil ne se couche jamais sans s'apercevoir qu'il est \u00e0 sec sur le volcan de la r\u00e9volution populaire adieu les indes plouf c'est fini et pourtant quelle allure comme si l'asie et l'afrique n'\u00e9taient pas le berceau profond comme si \u00e7a allait tout droit pour toujours depuis le 15\u00b0 comme si le refoul\u00e9 cadavre pillage \u00e9cras\u00e9 pouvait ne pas revenir en plein c\u0153ur tapis tir\u00e9 sous les pieds salut \u00e0 votre sant\u00e9 sujets de sa majest\u00e9 c\u00e9tipa qu'votre bonnet \u00e0 poil se h\u00e9risse o gardes victoria rid\u00e9e c\u00e9tipa qu'vous sentez le frisson des \u00e2ges mais alors c'est l'chaos mon \u0153il le fil rouge oui le labyrinthe a pris des dimensions mon petit qui donneraient le vertige au guerrier grec de jadis casque scintillant cherchant sa femme aux bras blancs comment mettre \u00e7a en forme comment passer de l'a priori au reflet en feu j'en pi\u00e9tine tu vois dans ma petite chambre j'en ai mal partout quand me prend cette \u00e9pilepsie du grec m\u00e9dical epil\u00eapsia proprement attaque oui \u00e7a m'attaque \u00e7a me prend squelette \u00e0 l'envers et voil\u00e0 de nouveau j'envoie prom'ner euripide pindare n'est pourtant pas mal un peu aristo mais voyant bien les cheveux noirs les robes flottantes la trag\u00e9die remarque aristote est une mim\u00e9sis non des hommes mais de l'action c'est ce que j'disais on reste toujours trop dans l'homme ces cons d'\u00e9crivains feraient mieux de nous d\u00e9crire en d\u00e9tail ce qu'ils font vraiment du matin au soir du soir au matin et retour et soyez pr\u00e9cis y en a marre de vos allusions c'est fou un mec plein d'actions concr\u00e8tes et de l'autre litt\u00e9rature ondul\u00e9e abstraite exotique calligrammes que d'papier perdu donc on manque un peu de stoa avec colonnades a\u00e9rez ouvrez les fen\u00eatres parlez-nous on est pas en fa\u00efence or donc la r\u00e9volution technique d'eschyle est d'ajouter un second acteur ce qui souligne une fois encore que la lutte sous le rapport de la ligne politique commence toujours par se manifester sur le front id\u00e9ologique et culturel comme ici entre parenth\u00e8ses et \u00e7a fait une sacr\u00e9e diff\u00e9rence crois-moi dans tout l'appareil si nous soutenons r\u00e9solument les peuples du mozambique de l'angola de guin\u00e9e de zimbabwe et de namibie contre la domination raciste et colonialiste blanche en comptant \u00e0 partir de la r\u00e9volution bourgeoise anglaise de 1640 \u00e9poque du capitalisme dit libre avec \u00e0 cheval \u00e9tonnants morceaux de surface par exemple purcell \u00e9crivant hail bright cecilia pour le festival de 1692 avec note le journal des gentilshommes de novembre succ\u00e8s complet particuli\u00e8rement la seconde stance chant\u00e9e avec \u00e9l\u00e9gance par l'auteur lui-m\u00eame 'tis nature voice thro' all the moving wood and creatures understood the universal tongue to none of all her numerous race unknown deux hautbois flageolets fl\u00fbte \u00e0 bec canzona we grieve fugato soul of the world inspired by thee the jarring seeds of matter did agree thou didst the scatter'd atoms bind bon dieu \u00e7a devait y aller sous l'autel voyelles a\u00e9r\u00e9es rythm\u00e9es c'est comme dans job ch 16 versets 1 et 2 l'homme n\u00e9 de la femme a la vie courte et il est abreuv\u00e9 d'angoisses comme une fleur il na\u00eet puis on le coupe il fuit comme une ombre et n'a pas de dur\u00e9e avec expropriations commencement de l'entassement les enfants aux mines pratique de l'enclosure de la fin du 15e au d\u00e9but du 19e incendie des maisons obligation de devenir salari\u00e9 ce qui va donner plus loin l'expulsion ou l'extermination des indiens et ainsi de suite avec effets indirects impr\u00e9visibles sur l'sujet torrent replong\u00e9 en r\u00eave je vis d'abord \u00e9crit nerval se d\u00e9rouler comme un immense tableau mouvant la g\u00e9n\u00e9alogie des rois et des empereurs fran\u00e7ais puis le tr\u00f4ne f\u00e9odal s'\u00e9croula baign\u00e9 de sang partout en afrique en asie en europe une vigne immense \u00e9tendait ses surgeons autour de la terre les derni\u00e8res pousses s'arr\u00eat\u00e8rent au pays d'\u00e9lisabeth de hongrie \u00e7\u00e0 et l\u00e0 d'immenses ossuaires \u00e9taient construits avec les ossements des martyrs je criai longtemps invoquant ma m\u00e8re sous tous les noms donn\u00e9s aux divinit\u00e9s antiques eh oui toujours le voile d'isis tombant du pass\u00e9 compos\u00e9 bref un lot de chemises la circonvolution plus-value la madeleine dans la tasse la m\u00e9moire myself en comparaison de notre \u00e9ventail on n'a pas id\u00e9e aujourd'hui comme il fallait \u00eatre gonfl\u00e9 pour introduire en 1845 l'id\u00e9e d'un communisme primitif reposant sur les liens du sang l'\u00e9poque \u00e9tait encore \u00e0 la robinsonnade au p\u00e8re labible avec moyen \u00e2ge fumeux invisible engels l'\u00e9crit en 1891 jusqu'en 1860 environ il ne saurait \u00eatre question d'une histoire de la famille dans ce domaine la science historique \u00e9tait encore totalement sous l'influence du pentateuque enfin vint bachofen ce mystique g\u00e9nial curieux tout de m\u00eame ces perc\u00e9es rapides de la pens\u00e9e apr\u00e8s m\u00e9ditation mill\u00e9naire ah encore la musique toujours toujours toujours in unseen chains it does the fancy bind \u00e9coute comment la basse et le gar\u00e7on s'envoient en l'air comme des feuilles volant vers la lyre thrace \u00e9coute-les sur flew lui elle en violon sapin et elle et lui ou ni lui ni elle buis buisson buissonni\u00e8re chaque arbre brise son silence articule parle with leafy wings they flew voil\u00e0 les for\u00eats et par cons\u00e9quent le langage sauv\u00e9 sur les branches pr\u00e8s de la rivi\u00e8re avec feu poisson dans la nuit la lutte passe imm\u00e9diatement dans la question de savoir si oui ou non dialectique n'est-ce pas vieille histoire d\u00fchring bernstein and cie encore ce foutu probl\u00e8me d'hegel pas vu pas connu j'aime sa conclusion de berlin le 22 octobre 1818 r\u00e8gne de la n\u00e9cessit\u00e9 r\u00e8gne de la libert\u00e9 imagine un peu la voix lente press\u00e9e doctorale ce ton neutre qui faisait dire \u00e0 un \u00e9tudiant qu'il avait entendu la mort elle-m\u00eame parler et flop l'essence tellement ferm\u00e9e de l'univers ne conserve pas de force capable de r\u00e9sister au courage du conna\u00eetre celui-ci l'oblige \u00e0 se d\u00e9voiler \u00e0 lui r\u00e9v\u00e9ler ses richesses et ses profondeurs et \u00e0 l'en faire jouir on peut pas \u00eatre plus clair voil\u00e0 la fronti\u00e8re du sine qua non au revoir \u00e0 bient\u00f4t envoie-moi une carte postale y a quatre endroits o\u00f9 il faut absolument faire l'amour l'etna bomarzo la villa d'este agrigente si tu peux avoir une photo de la cascade de saturne \u00e0 ancedonia le truc avec les tourbillons les bulles l\u00e0 o\u00f9 y s'font tous masturber par le courant chaud sulfurique tu captes la grande vib l\u00e0 du centre \u00e0 matrice avec petits virils appendices le vent tout \u00e0 coup a chang\u00e9 les nuages le ciel est haut fuit par vagues en suivant le vent au fond les lois de la guerre enseignent l'art de nager dans l'oc\u00e9an de la guerre mao va m\u00eame jusqu'\u00e0 \u00e9voquer le flot infini de la v\u00e9rit\u00e9 absolue \u00e0 dix contre un on encercle \u00e0 cinq contre un on attaque \u00e0 deux contre un on se scinde en deux formations \u00e0 un contre un on peut encore engager le combat inf\u00e9rieur en nombre vaut mieux se tirer en tr\u00e8s grande inf\u00e9riorit\u00e9 plus personne il s'agit donc d'\u00e9pouser \u00e9troitement son ennemi comme l'ennemi dans l'\u00e9pouse et l'\u00e9pouse dans l'ennemi c'est comme \u00e7a que lui-m\u00eame vous tend la victoire l'un veut l'autre et son autre est autre et tu es seul avec le coucher de soleil travaill\u00e9 absent en clair pour les masses noir dedans \u00e9tincelle et clart\u00e9 dehors sans personne avec moteur tournant dans les traces d'un coup d'aile being super-jet o\u00f9 est la sauvegarde de la vertu dans la dialectique m\u00e9lang\u00e9e de musique crois-tu qu'ils verront autre chose d'eux-m\u00eames et de ceux qui sont \u00e0 leurs c\u00f4t\u00e9s que les ombres qui se peignent devant eux puisqu'ils ont la t\u00eate immobile vraiment oui depuis leur naissance c'est le couloir gaine le fourreau rocheux et muscl\u00e9 personne n'en sort mais voient-ils aussi autre chose que les ombres des objets qui passent derri\u00e8re eux et font dire que le regard glisse non et s'ils pouvaient se parler les uns aux autres ne donneraient-ils pas aux ombres les noms des choses m\u00eames pauvres mots pauvres choses d\u00e8s lors que les enveloppe ce linceul et s'il y a dans la prison un \u00e9cho qui r\u00e9p\u00e8te les appels des passants ne vont-ils pas imaginer entendre parler les ombres m\u00eames qui passent devant oui oui tu l'as dit le cin\u00e9ma r\u00e9publique essaye de les faire sortir de la salle tu verras l'travail ce qui est ennuyeux murmure un copain c'est qu'ils se sentent pas enferm\u00e9s ils ressentent pas l'internement quoi \u00e7a leur para\u00eet naturel et si on les contraint \u00e0 regarder le feu ils ont mal aux yeux et si tu les tra\u00eenes en haut de la c\u00f4te furieux ils te crachent plut\u00f4t dans les yeux voil\u00e0 pourquoi on ne peut pas les traiter un \u00e0 un et encore moins allong\u00e9s les uns les autres dans le style viennois d'autrefois t'es oblig\u00e9 d'employer la persuasion dans le courant les \u00e9carts du peuple sa perforante port\u00e9e en mont\u00e9e pour s\u00fbr nous en sommes encore \u00e0 la s\u00e9paration mais un jour l'orgue le ballet \u00e9clateront dans l'contexte la lecture est peut-\u00eatre une pratique d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9e mais la mati\u00e8re a tout \u00e0 faire \u00e0 partir du rien d\u00e9li\u00e9 non les lettres n'ont pas \u00e9t\u00e9 rassembl\u00e9es par le miracle de l'infini quelle blague non il ne s'agit pas d'un zodiaque l'espace n'est plus vacant il y a un remous \u00e9ruptif multiple \u00e9largissement de l'obscur position des scintillations mais attention \u00e0 ne pas sentir le lustre le r\u00e9verb\u00e8re le crochet on remarquera plus simplement que de l'harmonie au chant se pose la question des masses rapports de production et sujet ce dernier \u00e9tant quand m\u00eame autoris\u00e9 \u00e0 \u00e9lever la voix pour se moduler c'est son droit aboli biberon d'insanit\u00e9 p\u00e9core en cons\u00e9quence on \u00e9vitera de parler d'instinct de ciel de flatter l'espoir d'une nouvelle religion et autres performances de la fatigue genre dimanche protestant je propose pourtant de garder l'hymne avec trompette intimant l'all\u00e9gresse de n'\u00e9mettre aucun nom solennelle fin des majuscules rideau de l'ex machina le reste aux poubelles y compris l'explication orphique devenant lingot c'est connu glissons donc d\u00e8s notre arriv\u00e9e \u00e0 ath\u00e8nes voil\u00e0 que sur l'agora on rencontre adimante et glaucon et adimante me prenant la main de sa main s'\u00e9crie bienvenue c\u00e9phale et moi illico comment s'appelait le mec dont le p\u00e8re s'appelait pyrilamp\u00e8s antiphon voyons ah oui il para\u00eet que cet antiphon a bien connu un certain pythodore compagnon de z\u00e9non et qu'il a souvent assist\u00e9 \u00e0 l'\u00e9mission socrate parm\u00e9nide c'est bien vrai dit-il avec son accent du midi c'est bien vrai tu ne t'\u00e9cartes pas de la v\u00e9rit\u00e9 tu la fr\u00f4les oui tu es sur son bord l'ami donc les dissemblables \u00eatre semblables ou les semblables dissemblables ni l'un ni l'autre ne se peut et ainsi de suite il suffit d'avancer les temps voulaient \u00e7a la raison d'\u00eatre du topo c'est donc machin qui connaissait truc qui l'a r\u00e9p\u00e9t\u00e9 \u00e0 machin et o\u00f9 pourquoi avec qui sans qui o\u00f9 personne du qui du quoi du comment du du bref impossible d'y aller sur ce ton sans pr\u00e9supposition de l'\u00e9tat ces deux fr\u00e8res sont ins\u00e9parables de vrais jumeaux castor et pollux les deux lignes la droite et la gauche voici la bin\u00e8re allons pourquoi minerve toujours avec chouette pourquoi pas mouette blanche pos\u00e9e sur le sel \u00e7a manque un peu d'oc\u00e9an par ici \u00e7a sent un peu trop la sieste on a quand m\u00eame envie d'y introduire la lune les mar\u00e9es \u00e7a a d\u00fb les influencer ce c\u00f4t\u00e9 stagnant on en oublierait facilement le flux menstruel leur courant devient monog\u00e8ne \u00e0 l'image d'une mer sous-marine pour p\u00eacheurs d'\u00e9ponges transparence feu vert ciel br\u00fblant miroir mais nous sommes loin maintenant apr\u00e8s l'atlantique ou le pacifique apr\u00e8s l'indien et les \u00eeles et il y a ce moment o\u00f9 melville \u00e9crit white jacket en pensant \u00e0 sa d\u00e9mocratie impossible chapitre sur la fa\u00e7on de faire para\u00eetre des po\u00e8mes sur un bateau de combat chant des sir\u00e8nes sign\u00e9 virgile le public le peuple je suis d'accord d\u00e9testons l'un et unissons-nous \u00e0 l'autre ce n'est pas de lecture qu'il s'agit mais du mouvement appel\u00e9 jadis le destin non les grands hommes ne font pas l'histoire mais les vagues la force habit\u00e9e d'esclaves sondant le matin cependant les masses ne font pas d'elles-m\u00eames le temps ni l'espace et comment dire et pourquoi l'humanit\u00e9 est ainsi sem\u00e9e parmi l'animal de fa\u00e7on \u00e0 ne pas finir en croque-mort de l'esprit mimique avec petit tablier soubrette calm\u00e9e du sacr\u00e9 non la flamme demeure grandit courbe sous les crachats mais ne cesse pas et quand h\u00f4lderlin dit l'esprit de nuit celui qui porte au ciel la temp\u00eate a couvert notre pays du bavardage dans une pluie de langages sans po\u00e9sie et jusqu'\u00e0 cette heure il n'a cess\u00e9 de rouler cette ordure pourtant vient ce que je veux eh bien aussi vrai qu'il n'y a pas deux \u00e9tats jouissant dans le m\u00eame \u00e9tat je veux ce qu'il veut et le veut sans mots ouvert au rasoir dans l'\u00e9corce \u00e9cho l'aventure n'a pas encore commenc\u00e9 et nous sommes l\u00e0 oui c'est bizarre fleuris de com\u00e8tes voudrais-je en \u00eatre une oui parce qu'elles ont la rapidit\u00e9 de l'oiseau et bient\u00f4t nous serons un chant mais l'image du temps quand l'esprit infini la d\u00e9ploie est dress\u00e9e devant nous signe que entre lui et d'autres est un lien entre lui et d'autres puissances ou encore les \u00e9l\u00e9ments et les vieilles lois de la terre et toujours dans l'\u00e9tendue sans frein va un souhait ou encore nous laisser bercer comme dans un oscillant canot de la mer ou encore la neige comme le muguet de mai indice o\u00f9 qu'elle soit brille sur les prairies vertes ou encore lorsque le bleu s'efface le simple bleu surgit in lieblicher blaue ou encore comme la vapeur ardente qui br\u00fble au-dessus des villes le soleil va au-dessus des murs suspendus de la pluie ou encore la nuit fait jaillir des \u00e9tincelles de la pierre aigu\u00eb du jour et au cr\u00e9puscule encore une harpe fr\u00e9mit vers la mer fuse l'\u00e9clat de la chasse ou encore l'\u00e9gyptienne la gorge nue s'est assise sans cesser de chanter rendue dans la for\u00eat pr\u00e8s du feu ou encore des gar\u00e7ons jouent habitu\u00e9s \u00e0 une vie fra\u00eeche comme la perle ou encore les coursiers ombrageux tremp\u00e9s de sueur ou encore les portes m\u00eames venant de la nature gardent l'image des arbres et les images sont parfois si simples qu'on a r\u00e9ellement peur de les \u00e9crire existe-t-il une mesure non les mondes ne suspendent pas le cours du tonnerre joli ruisseau tu nous touches quand tu roules clair comme l'\u0153il dans la voie lact\u00e9e ainsi de nouveau chaque instant tir\u00e9 comme une fl\u00e8che du fond de l'obscur il suffit d'un flocon pour fausser la cloche quand tu dors dit-elle tu caresses ton bras lev\u00e9 ta t\u00eate tu as d\u00fb traverser le coma du c\u00f4t\u00e9 o\u00f9 le soleil plante et voil\u00e0 on descend l'air siffle il y a un cheval blanc dans les jardins et alors il s'est arr\u00eat\u00e9 et m'a donn\u00e9 son manteau je n'en revenais pas c'est la chance rien \u00e0 voir avec l'illusion c'est le tourbillon pas besoin d'insister pour faire croire \u00e0 une pens\u00e9e en de\u00e7\u00e0 nerveux non-pens\u00e9 lisez-moi lentement s'agit pas d'une crise on est dans le miel en r\u00e9alit\u00e9 ce qui reste ici est toujours enfantin chute libre la difficult\u00e9 est justement d'accepter que la m\u00e8re soit cette lente oh si lentement cass\u00e9e de l'esp\u00e8ce qu'elle soit aveugle quoi voil\u00e0 le secret qu'elle soit cette lente chute aveugle et putain malgr\u00e9 l'app\u00e9tit support mais n'esp\u00e9rez pas le voir sans vous d\u00e9foncer n'esp\u00e9rez pas voir cette lente le\u00e7on lente si lente puisque je suis le strobos lui-m\u00eame \u00e7a vous fait cligner des paupi\u00e8res suis-je un homme ou une femme se demande-t-elle et lui suis-je n\u00e9 ou pas n\u00e9 et elle je pourrais \u00eatre un homme si tu n'es pas n\u00e9 rejoue-moi un peu la naissance que je sois une femme et meurs que je sois mon homme en circuit ferm\u00e9 c'est pourquoi seul un parano refoul\u00e9 peut confondre \u00e0 ce point le schizo avec l'hyst\u00e9rique cependant elle dit la v\u00e9rit\u00e9 et pas lui sauf s'il la baise sans le lui dire au nom du sans nom vloufvloufm de dos face \u00e9crasant d'un coup le fils p\u00e8re de telle fa\u00e7on qu'elle ait tout en une seconde le mort la m\u00e8re et la fille en lui ah c'est l'\u00e9pineuse question qu'est-ce que vous voulez la tr\u00e8s \u00e9pineuse o\u00f9 p\u00e2lit l'enfant ph\u00e9nom\u00e8ne pas croyable \u00e0 quel point le test est s\u00e9v\u00e8re tu comprends c'est pas non serviam qu'il a dit mais non gaudiam j'veux pas jouir na en tapant du pied pour garder son pied pantoufl\u00e9 c'est d'ailleurs pourquoi elles ont la religion ancr\u00e9e du truc-muche communaut\u00e9 oubli\u00e9e des femmes d\u00e9coupant le tout fol usage avant bel \u00e9change nuit des temps effac\u00e9e du temps palier du saltus in natura lumpen prorata aidons-les \u00e0 faire sortir cet abc\u00e8s il couve la soci\u00e9t\u00e9 actuelle bien loin d'\u00eatre un cristal solide est un organisme susceptible de changement toujours en voie de transformation comme notre corps mon ange viens ici viens encore une fois me montrer ta peau sous la peau tu sais \u00e0 quel point j'aime que tu sois nue sous ta robe tu n'as pas de slip fais voir bien essaye de te promener comme \u00e7a ouverte toute la journ\u00e9e note ce qui vient raconte montre-moi d\u00e9ploie-le pour moi viens me l'exposer gluant ou rempli de foutre tu sais qu'tu peux en d\u00e9charger l\u00e9g\u00e8rement ainsi des dizaines sans te fatiguer pour faire le tour en d\u00e9tour l'int\u00e9r\u00eat produit par le vagin a une origine \u00e9rotico-anale r\u00e9capitulons oral nourrisson sans dents anal dentition des muscles destruction socialisation passage au phallique d\u00e9fenseur dragon d'la grotte \u00e0 terreurs \u0153il-de-b\u0153uf en trappe laisse un peu la fen\u00eatre ouverte ne baisse pas trop l'abat-jour dehors il fait beau par principe j'apprends \u00e0 nager dans vos sourds goulets oui il faut passer dans ma barque faut bien qu'un canot fasse l'exp\u00e9rience le plus difficile c'est ce tropique ranci dans le capricorne chaudi\u00e8re marmite sal\u00e9e du moul\u00e9 en d\u00e9finitive le p\u00e8re primordial \u00e9tait simplement une grande folle et freud a raison de rappeler que les mecs en exil font reposer leur organisation sur des sentiments mutuels ils renoncent \u00e0 l'usage des femmes lib\u00e9r\u00e9es \u00e7a leur fout la chiasse ils revoient en r\u00eave ce p\u00e8re \u00e9gorg\u00e9 lequel n'est rien d'autre que maman tuyaut\u00e9e plomb\u00e9e quel cirque on y revient toujours p\u00e8lerins discours pas voir le r\u00f4le de m\u00e9m\u00e9 dans la constitution de la vo\u00fbte aigrie des horreurs c'est quand m\u00eame grave tu les lances sur de fausses pistes ils tuent pour le compte de leur matrice \u00e0 g\u00e9sier \u00e7a fait fiel partout dans leur sang plein d'bile quant \u00e0 moi \u00e7a y est j'ai appris \u00e0 regarder le n\u00e9gatif c'est maintenant mon s\u00e9jour magique qui me transforme en \u00eatre et ainsi ma m\u00e9thode ne diff\u00e8re pas de son objet et de son contenu puisque c'est le contenu lui-m\u00eame la dialectique qu'il a en lui-m\u00eame qui le fait progresser mais si je comprends bien ils s'int\u00e9ressent pas tellement au contenu pas vrai \u00e7a les freine alors petits aper\u00e7us formes sacr\u00e9es fillettes trifouillant leur art le passage de la production de l'instrument \u00e0 la production de l'outil implique la constitution de la phrase imagine un peu le topo si on entre dans la n\u00e9cessit\u00e9 libert\u00e9 quel jeu des pentes j'en r\u00eave parfois dans la perspective je me mets \u00e0 courir \u00e0 voler gratuit sous la pluie bien s\u00fbr qu'\u00e0 la fin les tissus sont us\u00e9s la muqueuse alt\u00e9r\u00e9e br\u00fbl\u00e9e mais tant que l'espace et les pulsions ou le vide anim\u00e9 te poussent vas-y laisse-toi fleurir recommence efface ton ressors-toi d'l\u00e0 quand une lumi\u00e8re vient te frapper l'\u0153il ce n'est pas une excitation pulsionnelle en revanche oui quand la muqueuse dess\u00e9ch\u00e9e du pharynx se fait sentir tu n'y comprends rien si tu fais d'la pulse un impact momentan\u00e9 c'est constant on peut pas la fuir faut dire qu'\u00e7a fait un dr\u00f4le de cheval ce sujet au pas au trot au galop devant toi derri\u00e8re toi sous toi et sur toi avanc\u00e9e recul englouti nageur travailleur glandeur et r\u00eaveur et toucheur menteur et chercheur et parleur pilleur pleureur \u00e9couteur fuyeur et ch\u00f4meur et tourneur mineur voyeur majeur et serveur et lourdeur bardeur buveur bouchonneur et centreur cogneur cireur enculeur barreur et noteur farceur et fouilleur t'entends l'anc\u00eatre qui fait craquer son cercueil l'embrasseur pipeur g\u00e9niteur l'oublieur sauveur bousilleur et saqueur tangueur d\u00e9pisteur tout de m\u00eame c'\u00e9tait un vache de sang aimant\u00e9 chaud vif qui lui faisait veine avant bonze cur\u00e9 ou pasteur bonsoir paplasma \u00e7a va \u00e7a boume ho le compteur il est couch\u00e9 sous terre attendant l'aurore et alors il viendra dans toute sa gloire et si on vous dit il est l\u00e0 ou l\u00e0 n'y allez pas l'\u00e9pisode insiste sur la multiplication des imitations attendez plut\u00f4t la transparence dans le corps social puits intime r\u00e9pandu montant o\u00f9 vous \u00eates en attendant roule-m'en une sacr\u00e9 joint d'attila l\u00e0 o\u00f9 il passe on ne repousse pas exit le ronron d'ego d\u00e9montable exit m\u00e9cano photo mise en trop c'est le moment o\u00f9 j'ouvre carr\u00e9ment les vannes du m\u00e9rovingien venna pour la p\u00eache peut-\u00eatre d'origine celte s'agissant toujours des poissons et alors elle m'a regard\u00e9 et on a eu la transe h\u00e9lices hors des si\u00e8cles avec relief initiales oubli\u00e9es dans l'\u00e9corce ail\u00e9e des platanes bruit des chalumeaux sapins pleins d'oiseaux descente vers les villes au petit matin unit\u00e9 multiplicit\u00e9 vent feuilles rivi\u00e8res bref le sourire eh oh qu'en pense z\u00e9roastre z\u00e9rotousfra pigeons dans la gorge cri des coqs amandes le pic du renvoi bois creux trompe coquillage raga des sagas descente ascenseur bouddhisme \u00e0 islam autrement dit d'la montagne aux plaines c'est comme \u00e7a qu'j'ai eu d'abord un bonnet rouge le sens des grimaces et apr\u00e8s un burnous flottant dans le bleu et blanc elle dit que maintenant elle se d\u00e9place partout sans couleurs que c'est plus le m\u00eame air sec f\u00e9brile elle se plaint de l'humidit\u00e9 \u00e0 un moment je me suis aper\u00e7u qu'elle pleurait vraiment pendant que je tenais sec le pont du virage le jet\u00e9 cliv\u00e9 saxe \u00e0 la pointe effet bref on soulevait partout la poussi\u00e8re et j'avais effac\u00e9 la balan\u00e7oire le bout de l'all\u00e9e tel soir tel ensemble bruni dans l'odeur et puis elle est devenue rose au bord de l'eau vibratile p\u00e9tales avec tra\u00een\u00e9e ros\u00e9e approbation de la nuit unit\u00e9 d\u00e9sunie unie dans l'unique et multipli\u00e9e en multiple je retiens un et j'ajoute un divis\u00e9 par un \u00e7a fait un la rose devait venir d'un po\u00e8me du diable si je me souviens lequel de toutes fa\u00e7ons voil\u00e0 la glissade l'\u00e9trave et le flot chass\u00e9 oh ma neige araign\u00e9e ma cr\u00e8me glac\u00e9e j'avais aussi oubli\u00e9 cet \u00e9vanouissement \u00e0 demi simul\u00e9 sur le tapis au mois d'ao\u00fbt \u00e0 combien sept huit ans j'voulais aller au cin\u00e9ma et elle voulait pas le vent chaud \u00e9tait au plafond sous le magnolia donc on peut garder en vrac la nature s'en br\u00fbler la grosseur de l'ongle on a le panorama il y a aussi cette esp\u00e8ce de tir si la fille accepte d'\u00eatre le cerceau tambour \u00e0 craquer l\u00e0 je t'avertis tu fr\u00f4les la carambolie l'homicide si tu t'envoies au loin sois le shoot dans la foul\u00e9e sois la houle attention contact homme manie pas d'mais homme ou alors plus rien autrement dit quand c'est shlick c'est shlick la pens\u00e9e a ici beaucoup \u00e0 apprendre c'est pas croyable cette chose en soi ce moisi cracra oui le chimisme est bien le rapport de diff\u00e9rence de l'objectivit\u00e9 quand on le fait tomber sous le sens tout y est donc il faut recommencer depuis le d\u00e9but aussi na\u00efvement d'habitude comme si on n'avait rien appris de l'exp\u00e9rience pr\u00e9c\u00e9dente mais \u00e0 un degr\u00e9 plus \u00e9lev\u00e9 en route pour la profondeur c'est-\u00e0-dire l'\u00e9tendue suppression de la profondeur voil\u00e0 pour notre int\u00e9rieur j'ai pas dit qu'c'\u00e9tait pas dang'reux pour les mouches mais l'int\u00e9r\u00eat est de donner \u00e0 la trace tout son relief biseaut\u00e9 enfoui vous n'irez pas loin avec votre conscience cette revendication religieuse peut amener une refonte philosophique rationnelle et alors gare aux prochaines applications gare \u00e0 la charrette est-ce que je suis par exemple au huiti\u00e8me si\u00e8cle style wang wei l'essentiel est de cacher l'univers dans l'univers apr\u00e8s on verra je lis son po\u00e8me villa au pied du mont chung-nan milieu de la vie musique derni\u00e8res ann\u00e9es je fais ma maison sur la colline du sud une pulsion souvent m'entra\u00eene je suis seul \u00e0 conna\u00eetre un certain nombre d'images en marchant vers la source assis sous les nuages flottant parfois je rencontre un vieux dans les bois nous rions en parlant de la connaissance du non-retour en un sens tout est de moins en moins compliqu\u00e9 par moments on se demande si c'est pas g\u00e2teux entre vie et mort et matin sans mort d\u00e9clin\u00e9e coulante donc la v\u00e9rit\u00e9 est trop positive pour ne pas \u00e9clater en petits morceaux fonc\u00e9s n\u00e9gatifs garde la rotation johnny ne supprime pas un registre laisse-les s'enclencher pour te d\u00e9livrer ta vie deviendra une belle souple machine et tu pourras m\u00eame te payer le super-luxe d'oublier qu't'y es ah le papaver somniferum papaver en rouge philosophorum le coquelicot mesdames the bloody peacock j'aime entendre une phrase comme la fr\u00e9gate mouille dans la baie de rio en g\u00e9n\u00e9ral elles me traitent plut\u00f4t de sale gosse \u00e7a m'rappelle cette fille qui me tenait la main pendant qu'une autre me tringlait sur moi langoureuse avec des contractions in\u00e9dites haletantes \u00e0 un moment je veux passer sur elle et elle commence par dire ah non j'aime pas les restes la promiscuit\u00e9 j'ai horreur de \u00e7a bref l'intimidation comme elle a entendu sa m\u00e8re deux minutes apr\u00e8s allez donc pistonnant dress\u00e9e d\u00e9poitrant les seins la nuque en arri\u00e8re la main par devant le m\u00e9chant paquet quoi recommand\u00e9 en silence et apr\u00e8s bien s\u00fbr de nouveau pinc\u00e9e mais plus gaie gnagnana gnanana topo sur le mec le fianc\u00e9 le mari le fr\u00e8re le cousin l'ami les enfants le patron le chef de service la plus emmerdante \u00e9tant celle qui croit qu'elle va vous conseiller vous orienter et comment pourrait-il en \u00eatre autrement si le vagin continue \u00e0 recueillir l'h\u00e9ritage du sein maternel \u00e0 la grande roue foire des invalides la fille glisse le long d'une \u00e9quation symbolique elle a des angines pour un oui ou non il est minuit cendrillon attention \u00e7a va faire citrouille freud \u00e9crit que l'amour homosexuel s'accommode plus facilement des liens collectifs m\u00eame l\u00e0 o\u00f9 il appara\u00eet comme une tendance sexuelle non entrav\u00e9e fait remarquable dont l'explication nous entra\u00eenerait trop loin en effet imaginez les cons\u00e9quences tir\u00e9es de cette proposition une des plus vraies qui soient jamais sorties du pressentiment sous ce ciel brouill\u00e9 salut cependant \u00e0 ceux qui sont seuls et jamais les m\u00eames sens des fen\u00eatres ouvertes de l'oubli l\u00e2ch\u00e9 maintenant je suis perdu je ne sais vraiment plus o\u00f9 ni comment pourquoi ces murs ce m\u00e9tro ce froid de quelle fa\u00e7on voulez-vous penser en usine avec le bruit le rongeur nerveux et pourtant il faut garder le survol en r\u00e9alit\u00e9 nous sommes \u00e0 une \u00e9poque o\u00f9 les diff\u00e9rentes plaques de la cro\u00fbte terrestre peuvent basculer d'un c\u00f4t\u00e9 ou de l'autre vous avez remarqu\u00e9 cette redistribution des camps pour comprendre la base envelopp\u00e9e des rapports vous n'allez pas isoler la fourmi lui demander o\u00f9 elle souffre ou jouit non vous cadrez d'abord le bateau global quant \u00e0 toi segui il tuo corso e laccia dir le genti c'est toujours la m\u00eame chose \u00e0 bafouille alors apr\u00e8s la d\u00e9fonce elle trouve ce passage de l'odyss\u00e9e o\u00f9 ils passent les courants de l'oc\u00e9an et le rocher blanc au-del\u00e0 des grilles du soleil et du champ des r\u00eaves et voici qu'ils arrivent sur le champ d'asphod\u00e8les o\u00f9 les \u00e2mes vivent les simulacres des morts and soon they came to the meadow of asphodels j'aime ce mot meadow shantih shantih let's go tu comprends elle dit j'allais pr\u00e8s de la rivi\u00e8re il faut voir comme ils sont gentils jeunes purs avec leurs cheveux longs on faisait un tour en barque pour le rep\u00e9rage on parlait un peu et puis hop sur l'herbe il y a des endroits \u00e9cart\u00e9s l'un d'eux jouait d'l'harmornica l\u00e0 on se rapproche et \u00e7a va ils sont doux frais d\u00e9sarm\u00e9s c est curieux si jeunes avec des queues aussi grosses nettes gonfl\u00e9es sans pr\u00e9puce \u00e0 peine on les touche ils se tordent la t\u00eate en arri\u00e8re ils g\u00e9missent ils disent que c'est mieux que le lsd moi je leur caressais les cheveux ils embrassent branlent moulement dessous la culotte l'un d'eux ne croyait plus pouvoir rebander \u00e0 un moment \u00e9videmment ils n'y tiennent plus ils veulent p\u00e9n\u00e9trer ils soufflent ils sont fous ils voulaient m'emmener chez eux moi j'avais joui entre-temps des fesses en serrant les cuisses je leur donnais rendez-vous pour le lendemain m\u00eame heure m\u00eame endroit et mon \u0153il j'allais me caresser dans ma chambre qu'est-ce qu'ils sont \u00e9mouvants tout tremblants tressautants trip\u00e9s gar\u00e7ons filles j'avais quand m\u00eame un peu peur qu'ils soient malades on ne sait jamais qu'est-ce qu'ils sont ch\u00e9ris si on tient leurs r\u00eanes museau naseaux regard en ciseaux c'est l\u00e0 qu'tu sens la puissance quand l'serpent chaud muqueux devient sa sonnette et vibre enthousiasm\u00e9 rougeoyant suppliant piteux fous fous je te dis compl\u00e8tement fous d\u00e9lirants dingues comme \u00e7a dehors avec l'eau les feuilles le vent inutile d'ajouter que j'\u00e9tais excit\u00e9e 24 sur 24 alors le mec rentre dans la cabine quand j'faisais semblant de dormir et allonge j'peux faire un bisou et moi pas r\u00e9pondre et lui par-ci par-l\u00e0 puis d'un coup la b\u00eate \u00e0 plat ventre m'\u00e9touffant ce con et moi ah bon il fallait le dire et shlark j'enl\u00e8ve mon jeans le gars \u00e9jacule presque imm\u00e9diatement sur le bord au fond je l'ai lib\u00e9r\u00e9 ce type and so on ou encore comme dit jimmie etceterog\u00e8ne c'est pourquoi nous les femmes on conna\u00eet en rond la chanson mes rapports avec les filles m'ont plut\u00f4t fait du bien j'ai plus la m\u00eame rivalit\u00e9 avec elles on y va de temps en temps quand \u00e7a s'pr\u00e9sente en g\u00e9n\u00e9ral elles en veulent davantage \u00e7a leur reste un peu ferm\u00e9 de l'autre c\u00f4t\u00e9 en r\u00e9alit\u00e9 on pourrait tracer une ligne entre les pays gens du nord tout d'suite les plats de r\u00e9sistance au sud c'est autre chose les chiens \u00e9taient \u00e0 moi jusqu'\u00e0 la chasse et apr\u00e8s fini ma premi\u00e8re exp\u00e9rience remonte \u00e0 un foulard de soie autour des seins les chats aiment \u00e7a ils s'y mettent ils te sucent le bout \u00e9videmment c'est un peu impersonnel ce passage en masse par l'animal bref on en revient au soleil \u00e0 la chaleur qui fait bouillir la myriade pas \u00e9tonnant si la r\u00e9pression s'implante mieux dans le coin on pourrait d\u00e9velopper tout \u00e7a varier les exemples histoire de causer un poil en sujets n'emp\u00eache que \u00e7a va pas d'sci la premi\u00e8re personne peut-\u00eatre parce qu'y en a trop tout le temps et du coup pas de d\u00e9calage en reprise boule de gomme quand t'essayes de le refl\u00e9ter le narcissisme est d\u00e9cid\u00e9ment la m\u00e9ga-question cela dit on n'vit pas comme il faudrait vivre tu comprends miasmes aigreurs chuchotis membrane du moi seul avec ses rougeurs o\u00f9 aller que faire comment s'en tirer voyager pas d'argent r\u00e9\u00e9ducation travail manuel trop long exemples de r\u00e9gressions alentour id\u00e9al g\u00e9n\u00e9reux v\u00e9rit\u00e9 concr\u00e8te mais si les conditions objectives sont pas r\u00e9unies pas la peine de sonner les cloches \u00e7a n'existe pas la potion r\u00e9volution en revanche le moment est bon pour d\u00e9caper la roulette \u00e9cart des cinq sens plus un ou deux encore mal sentis jusqu'ici ce serait p't'\u00eatre le tournant o\u00f9 pousser un peu l'obsession non enfin l'in\u00e9dit r\u00e9serve l'\u00e9bullition en conserve y a plein d'trucs qui pourrissent sur leur propre ligne si personne fait le travail perception la r\u00e9alit\u00e9 aura bien le droit de vous faire la t\u00eate voici notre bulletin d'informations france ann\u00e9e moins deux mille la femme du premier ministre en exercice a fait visiter aux journalistes le jardin de sa propri\u00e9t\u00e9 elle leur a montr\u00e9 ses nouvelles installations son verger mod\u00e8le le pr\u00e9sident a visit\u00e9 l'exposition d'art abstrait il a insist\u00e9 sur la puret\u00e9 du peintre qui a eu au moins le courage de se suicider ce que tout artiste honn\u00eate devrait faire pour combattre la pollution il a r\u00e9pondu par un vol en h\u00e9licopt\u00e8re sur la c\u00f4te disant nous en reparlerons la prostitution doit \u00eatre en effet l\u00e9g\u00e8rement plus \u00e9loign\u00e9e des grands axes routiers le danger est de m\u00e9langer les routiers avec les d\u00e9put\u00e9s de la majorit\u00e9 certains officiers de police n'avaient pas compris cette pr\u00e9caution \u00e9l\u00e9mentaire malgr\u00e9 l'installation de leurs appartements grand confort d\u00e9passant de loin leurs \u00e9moluments mensuels puret\u00e9 puret\u00e9 messieurs je n'ai rien \u00e0 ajouter cultivez-vous et que chante la france chaque petit \u00e9cran doit \u00eatre une fen\u00eatre cadenass\u00e9e sur notre ouverture au centre ma devise est simple fluctuat nec merditur faut quand m\u00eame convenir que le g\u00e9n\u00e9ral \u00e9tait devenu g\u00e2teux avec ce projet de replanter des croix quatres branches dans les cimeti\u00e8res il voulait installer une lorraine en tombeau faire peindre sur les autoroutes la ligne bleue des vosges on a quand m\u00eame r\u00e9ussi \u00e0 les fixer un peu sur cette question des massacres circulatoires pendant les week-ends cette angoisse d\u00e9sormais permanente en voiture devrait les amener \u00e0 voter pour nous le sport ah le sport le latin ah le latin les prisons ah les prisons le nouveau roman ah le nouveau roman la musique ah oui la musique et les logements la sant\u00e9 publique que voulez-vous nous ne somme pas aid\u00e9s par les temps qui courent cependant comme le remarque finement un commentateur les chefs de l'opposition n'ont plus aujourd'hui ce pouvoir magn\u00e9tique ou charismatique que font nos \u00e9crivains quelques miettes il y a une crise de la cr\u00e9ation vous ne pensez pas nous sommes en revanche dans une grande \u00e9poque de critique vous avez lu le dernier livre du petit machin non et vous le figaro dit que c'est du san-antonio mao\u00efste du m\u00e9cano-porno sans profil un vrai pot de merde contestation anti-bourgeoise gentillette na\u00efve et m\u00eame sotte du mao\u00efsme comme on ne l'accepterait pas en chine des jeux de mots pourtant de la verve un retour au r\u00e9alisme dangereux \u00e7a j'esp\u00e8re que les universitaires trouvent \u00e7a vulgaire qu'ils ne suivent pas comment il est ce type un grand gar\u00e7on aimable subtil presque souriant d'un commerce exquis o\u00f9 l'on per\u00e7oit \u00e0 peine des nuances d'ironie un peu timide avec \u00e7a directeur de conscience bagarreur tout de rage intellectuel qui proc\u00e8de par exclusives violentes depuis peu il assume un troisi\u00e8me r\u00f4le chef des brigades de l'intelligentsia mao\u00efste il abreuve la soci\u00e9t\u00e9 de consommation et la cinqui\u00e8me r\u00e9publique d'insultes et de menaces dont on peut d'ailleurs se demander si elles ne sont pas les inutiles impatiences d'une \u00e2me \u00e9l\u00e9giaque soudain saisie par le prurit d'un pouvoir impossible \u00e0 atteindre mais enfin il lui manque la flamme v\u00e9ritable c'est des taquineries des extases forc\u00e9es un splendide temp\u00e9rament qui \u00e9crase des pens\u00e9es douteuses d'ailleurs il para\u00eet que l'ensemble du livre est la description tr\u00e8s croustillante d'une gigantesque m\u00eal\u00e9e sexuelle d'accouplements sans nombre de caresses au catalogue complet pas possible non mais il y a int\u00e9r\u00eat \u00e0 le dire en ajoutant aussit\u00f4t que de ce point de vue \u00e7a n'arrive pas \u00e0 la cheville de x ou y bien jou\u00e9 de sorte que toute sa philosophie et toute sa croisade finissent par dispara\u00eetre sous son orgie physique comme sous son orgie logomachique et moralit\u00e9 l'avant-garde va au bordel et le peuple n'a qu'\u00e0 bien s'amuser entre deux draps comme \u00e7a plaf aucune influence mais est-ce que c'est vraiment enterr\u00e9 franchement je crois d'autant plus qu'on peut agir sur son entourage vous avez sa fiche de baisage voil\u00e0 oh oh mais c'est un peu for\u00eat vierge et les copains y a fort \u00e0 parier qu'ils doivent le trouver un peu lourd allez-y alors on ne doit pas n\u00e9gliger ce terrain en ce sens n'est-ce pas nous sommes aussi mao\u00efstes eh eh bon reprenons les dossiers alors ce fetich'club vous pourriez tout de m\u00eame dire \u00e0 la mondaine d'\u00eatre plus discr\u00e8te en pleine p\u00e9riode \u00e9lectorale que disent les filles qu'elles veulent plus faire de doubl\u00e9s pour leurs mecs que c'est une tr\u00e8s mauvaise affaire la deuxi\u00e8me fois ils mettent une \u00e9ternit\u00e9 \u00e0 y arriver quand on fait \u00e7a pour du fric c'est aussi quelquefois notre personnalit\u00e9 qu'ils aiment par exemple des types qui donnent simplement cent francs rien que pour parler les psychanalystes \u00e7a leur rapporte idem d'\u00e9couter je vais peut-\u00eatre me lancer l\u00e0-dedans de nos jours ce \u00e0 quoi la psychologie sert r\u00e9ellement c'est \u00e0 nous maintenir dans nos petites cages d'ailleurs ce parall\u00e8le entre l'analyse et la prostitution je ne me privais pas d'en parler pendant les s\u00e9ances c'\u00e9tait marrant le pied pour lui et pour moi avec cette diff\u00e9rence que l'analyste vend un service qui loin de le souiller fait de lui un homme distingu\u00e9 respect\u00e9 le syst\u00e8me dit ceci les femmes qui couchent avec des hommes pour de l'argent qui vendent leur corps parce que c'est la meilleure la seule marchandise qu'elles poss\u00e8dent commettent un crime sans victimes mais nous allons quand m\u00eame le leur faire payer on ne trouve pas dans le code p\u00e9nal d'autre d\u00e9lit accompli \u00e0 deux par accord mutuel mais pour lequel un des deux partenaires seulement la femme soit passible d'une arrestation mais il y a un syst\u00e8me de troc entre les femmes et les flics dans l'enceinte du tribunal le spectacle est ahurissant les filles n'arr\u00eatent pas de flirter en entrant en sortant avec les poulets comme avec le personnel administratif tu comprends c'est pas l'h\u00e9ro\u00efne qui te fera arr\u00eater c'est les choses que tu dois faire pour t'en procurer elle fait pas de mal elle provoque pas de d\u00e9g\u00e2ts physiques mais quand on se pique on va pas chez le dentiste ni chez le docteur si tu as assez de fric pour te garder en forme alors tu peux \u00eatre tout l'temps dans les vaps sans rien sentir ni savoir l'hyst\u00e9rique dit-elle la v\u00e9rit\u00e9 oui mais seulement la v\u00e9rit\u00e9 de l'anti-v\u00e9rit\u00e9 l'ennui c'est qu'y en a qui restent babas devant ce vrai du non-vrai et pour le vrai du vrai du non-vrai bonsoir plus personne c'est int\u00e9ressant cette hypoth\u00e8se chimique en commun chez la femme enceinte le schizo le mourant visible en urine tu saisis le raccourci et remarque la pente des conclusions toujours rabattues sur l'enceinte comme si le postulat de la science \u00e9tait au commencement \u00e9tait l'engross\u00e9e au fond tout savant d\u00e9fend fermement sa maman rel\u00e8ve du cur\u00e9 qui faisait plaisir \u00e0 m\u00e9m\u00e9 en restant en robe de m\u00eame que l'truand version sicilienne la mamma la mamma du grand gros papa le meilleur reporter \u00e0 mon avis c'est giotto le coup du sermon aux oiseaux pour le reste quand l'interdiction chez la femme et la d\u00e9valorisation chez l'homme se rencontrent pour fonder l'oscillation d\u00e9valo-survalo t'as des investissements increvables fonciers acharn\u00e9s sacr\u00e9s mister totem misses tabou le dessert en stabat mater d'o\u00f9 sort la grosse voix o\u00f9 se terre-t-elle s'ils sont menac\u00e9s de la d\u00e9couverte de la m\u00e8re ch\u00e2tr\u00e9e ils r\u00e9agissent comme une soci\u00e9t\u00e9 en panique d\u00e9fendant le tr\u00f4ne et l'autel ce qu'il faut dire aux filles c'est vous n'\u00eates pas ch\u00e2tr\u00e9e mais votre m\u00e8re oui et encore pas du tout votre m\u00e8re r\u00e9elle on veut pas \u00eatre m\u00e9chant avec elle le concept de con ne mouille pas et pr\u00e9cis\u00e9ment si le con est trait\u00e9 de con comme n'importe quoi c'est faute d'avoir trouv\u00e9 son concept qui le mette non pas en qui mais en quoi donc je parle ici d'un espace tordu qui s'exclut moiti\u00e9 de lui-m\u00eame le corps du p\u00e8re primitif est en partie double et papa n'y voit finalement que d'un \u0153il cependant ouvert effort m\u00e9ritoire donc je r\u00e9sume m\u00e8re \u00e0 droite p\u00e8re \u00e0 gauche et la droite fait tuer la gauche et la droite obtient le bout de la gauche qu'elle cache sous sa p'tite jupette ce qui engendre la ponte ind\u00e9finie de l'exclu du tiers alors quoi ce s'rait une h\u00e9lice coupant sa mini-spirale avec effet d'illusion active et r\u00e9troactive en tranche passive en d\u00e9fense h\u00e2tive enfin nom de dieu qu'est-ce que c'est cette histoire d'un homme qu'aurait toutes les femmes sinon un fantasme de femme tu l'as dit dupont c'est m\u00eame pourquoi une fois le coup fait \u00e7a n'arrange rien les types entre eux avec droit maman sont oblig\u00e9s d'introduire le vieux sublim\u00e9 \u00e0 partir de l\u00e0 c'est tout droit jusqu'en ville remarque le r\u00f4le attribu\u00e9 l\u00e0-dedans au po\u00e8te \u00e9pique cens\u00e9 avouer prendre sur lui le meurtre et si c'\u00e9tait \u0153dipe qui s'\u00e9tait pendu et jocaste aveugle avec antigone ah ah jocaste se perd en colonne eh oh \u00e7a fonctionne \u00e0 tube d'o\u00f9 les belles expressions malheureusement non sond\u00e9es je me demande combien \u00e7a va durer ce marmot visc\u00e9ral frisson l\u00e9zard\u00e9 du fils eh oui exc\u00e8s homo feint\u00e9 dans le m\u00e9dullaire vas-y roule-m'en une je me sens partir donc en g\u00e9n\u00e9ral il faut demander aux filles si elles ont r\u00eav\u00e9 qu'elles faisaient l'amour avec leur m\u00e8re j'en revois une disant aussit\u00f4t mais bien s\u00fbr et le mari \u00e9pat\u00e9 mais tu m'avais jamais racont\u00e9 et elle grand geste vous sentez passer l'effroi des foyers concession caveau de famille formule au carr\u00e9 pierreux runmin\u00e9 croisements alliances bataclan osseux du sanglant allume \u00e7a me fait penser que pour la premi\u00e8re fois j'ai eu ma m\u00e8re en r\u00eave tr\u00e8s d\u00e9coup\u00e9e nette aguichante au bord de la plage en d\u00e9collet\u00e9 largement \u00e9chancr\u00e9 omoplate \u00e9paule velout\u00e9e dodue ne pas oublier qu'au nig\u00e9ria cette ann\u00e9e encore des sacrifices ont eu lieu partout les gens sont arr\u00eat\u00e9s avec leurs sacs de membres d\u00e9coup\u00e9s frais un gar\u00e7on convenablement nourri de dix \u00e0 douze ans co\u00fbte environ 700 livres pendant que les tortues pleurent pendant la ponte les oiseaux attendent l'\u00e9closion des \u0153ufs on doit les immerger de nuit faut dire qu'on est sous l'coup du gros m\u00e9chant loup je r\u00e9sume il y a des choses et autre chose et l'autre chose peut tomber en chose ou encore devenir de plus en plus autre chose mais on n'a jamais vu une chose devenir vraiment autre chose voil\u00e0 c'est autre chose c'est tout bref nom de nom de nom cassez-moi l'transfert flask back ant\u00e9rio poster ma\u00eetre dit-il je voudrais me lib\u00e9rer le ma\u00eetre fit kh\u00e2t en le cognant sec l'autre n'est pas revenu on le voit encore l\u00e9viter au portail sud-est d\u00e9bandant plus d'un milli\u00e8me de millioni\u00e8me dress\u00e9 l\u00e0 plant\u00e9 en dolmenherreur ah on perd pas l'nord dans l'sud dit le voyageur la v\u00e9rit\u00e9 est qu'entre les phrases tourbillonnent des milliers de pens\u00e9es qui vont se fixer dans le d\u00e9rapage exact du contour c'est pourquoi vous pouvez lire si vous voulez les mains dans la t\u00eate truc rapidement rappel\u00e9 dans la tonte des pr\u00eatres voire le trou fun\u00e8bre en cr\u00e2neur voyons ici un peu de stimulant h\u00e9pato-biliaire chol\u00e9r\u00e9tique cholagogue colorants tartrazine + bleu patent\u00e9 l'ensemble n'est d'ailleurs pas sans rapport avec la position des adverbes en chinois feng zhi fan xiang wang sha kong niao zi fei bon les pics se dressent les voiles se d\u00e9fient mutuellement la plage est vide les oiseaux volent librement une fois de plus parall\u00e8le rigoureux des ailes ce qui diff\u00e9rencie ce style d'avec le document clinique au sens strict c'est l'absence d'engorgements li\u00e9s non li\u00e9s l'ouverture n'ayant pas \u00e0 se dessiner id est la repr\u00e9sentation de choses innerv\u00e9e plut\u00f4t qu'\u00e9nerv\u00e9e nerv\u00e9e narr\u00e9e dans l'inerte c'est-\u00e0-dire inn\u00e9e deux fois n\u00e9e jamais surann\u00e9e faut quand m\u00eame dire la v\u00e9rit\u00e9 \u00e0 savoir que l'schizo est aussi r\u00e9ac qu'un autre genre jung apologie de la vie pr\u00eacheuse moi moi moi mes amis et moi et moi moi dans le nirvana tout \u00e7a peut-\u00eatre bien finir dans un num\u00e9ro sp\u00e9cial m\u00e9taphysique des cadres tibet de votre employeur une fois de plus oubli du visage obscur d\u00e9grad\u00e9 coup\u00e9 en ab\u00eeme et si je dis que \u00e7a pousse noir dans l'\u0153il assoiff\u00e9 prison du bleu en rumeur si je dis voil\u00e0 ma cellule d'\u00eatre \u00e9clatant fibr\u00e9e sous le mur sans me plaindre post\u00e9 au soleil on risque de ne pas m'entendre il y a un si\u00e8cle \u00e7a pouvait avoir cette forme colonne de saphir d'arabesques brod\u00e9es reparais les ramiers pleurent cherchant leur nid et de ton pied d'azur \u00e0 ton front de granit se d\u00e9roule \u00e0 longs plis la pourpre de jud\u00e9e si tu vois b\u00e9nar\u00e8s sur son fleuve accoud\u00e9e prends ton arc et rev\u00eats ton corset d'or bruni car voici le vautour volant sur patani et de papillons blancs la mer est inond\u00e9e mahd\u00e9wa lanassa fais flotter ton voile sur les eaux livre tes fleurs de pourpre au courant des ruisseaux la neige du cathay tombe sur l'atlantique etc remarque les papillons blancs je ne sais pas \u00e7a me para\u00eet important le t\u00e9n\u00e9breux le veuf l'inconsol\u00e9 le prince d'aquitaine \u00e0 la tour abolie attends oui on allait jouer pr\u00e8s de la tour blanche et rose en ruine, lierre \u00e9croul\u00e9e dans l'herbe je revois les vitraux du ch\u00e2teau gothique le parc du prince noir au milieu des vignes sous les acacias curieux cette id\u00e9e d'mon p\u00e8re d'avoir mis des orangers citronniers palmiers magnolias comme \u00e7a au bord de l'oc\u00e9an sableux dans l'entre-deux mers peut-\u00eatre pour cacher l'usine ronflante au-del\u00e0 du bois de bambous d'o\u00f9 sortaient les rats peut-\u00eatre pour servir de corolle \u00e0 la chemin\u00e9e fumante \u00e9touffer les cris des ouvriers le bruit des fours cuves fraiseuses presses tours cha\u00eenes chariots pistolets marteaux une id\u00e9e po\u00e9tique en somme bourgeoisie r\u00eavant dans l'acide les doigts coup\u00e9s les rires les sanglots et les femmes pr\u00e8s des serres allong\u00e9es de l'autre c\u00f4t\u00e9 des vestiaires prol\u00e9tariens sans doute excit\u00e9es oisives par les voix suantes derniers jours de l'empire gaspillage de sommeil on prend le caf\u00e9 sur fond de machines \u00e0 l'ombre des jeunes filles en fleurs le long des massifs sapinettes hortensias \u0153illets g\u00e9raniums lavande terreur du front populaire devant les grilles scandant au poteau et moi sept ans avec \u00e9l\u00e9onore un instant sortie de l'atelier ses mains sa d\u00e9marche tout un autre savoir r\u00e9serv\u00e9 la pr\u00e9cision l'\u00e9vidence la fen\u00eatre ouverte ironie la douceur lact\u00e9e cuisses cheveux sur ses poils baiser mouill\u00e9 tout au fond d'o\u00f9 venons-nous peut-\u00eatre du petit couloir sombre l\u00e0-bas sur la droite d\u00e9j\u00e0 \u00e7a parlait toutes les langues en exil passant italien espagnol hollandais anglais \u00e9cras\u00e9es allemand haut-parleur dans les rues ferm\u00e9es et l'apparition de l'\u00e9toile cousue jaune sur les poitrines r\u00e9v\u00e9lation \u00e0 l'envers d'un crime le fascisme nous apprend que le monde craque et les bourgeois avec leur francisque barr\u00e9e bleu blanc rouge crapules visqueuses flics patrons cur\u00e9s qu'es-tu devenue laurence aux yeux noirs refusant qu'on se caresse avec ce crachat jaune sur ta robe pr\u00e8s du bassin noir la plus belle d\u00e9coration qu'on verra jamais le bijou du temps en lui-m\u00eame o\u00f9 \u00e7a donc auschwitz mathausen et toi jeannot avec ton sac ton b\u00e9ret qu'on ne voyait pas \u00e0 la communion \u00e0 la messe bas les pattes papes \u00e0 quatre pattes l\u00e9chez le sang juif \u00e0 poil uccello qu'on te regarde un peu le bout pour voir si ta profanation de l'hostie est autre chose que d'la propagande tant qu'ils y \u00e9taient ils auraient d\u00fb d\u00e9baptiser le lyc\u00e9e montaigne n\u00e9 michel eyquem parce que c'\u00e9tait lui parce que c'\u00e9tait moi le mol oreiller du doute ou le casque \u00e0 pointes commentez discutez le plus grand roi de la terre n'est encore assis que dessus son cul moi j'allais au lyc\u00e9e montesquieu c'\u00e9tait la campagne louis secondat de rouge l\u00e9ger velout\u00e9 on n'\u00e9crit pas l'esprit des lois en huit jours m\u00eame entour\u00e9 de carpes de pins de collines je suis \u00e0 pr\u00e9sent \u00e0 venise mon cher usbek on peut avoir vu toutes les villes du monde et \u00eatre surpris en arrivant \u00e0 venise on sera toujours \u00e9tonn\u00e9 de voir une ville des tours et des mosqu\u00e9es sortir de dessous l'eau de trouver un peuple innombrable l\u00e0 o\u00f9 il ne devrait y avoir que des poissons les chr\u00e9tiens sont plut\u00f4t comme ces malheureux qui vivaient dans les t\u00e9n\u00e8bres de l'idol\u00e2trie avant que la divine lumi\u00e8re vienne \u00e9clairer le visage de notre proph\u00e8te voyons ambigat bellov\u00e8se jusqu'\u00e0 milan vers le 7e si\u00e8cle en avant le grand arc de cercle passez-moi le celte dispater le dieu de la mort la fin en eau feu comme il se doit enterr\u00e9 avec son cheval quelque chose de mouvant appel\u00e9 d\u00e9j\u00e0 bituriges autrement dit rois du monde toujours rois et si tu veux mon avis rois de la biture pure et simple pieds dans le raisin ivres morts pendant les vendanges quand se l\u00e8ve l'automne dor\u00e9 pourri noble dans chaque grain du bartas aussi influence la langue avec du gascon cadet capulet goujat gouge ou encore \u00e0 travers le provencal bandolier barrique cabane cachalot cap cave capon cuill\u00e8re esquiver tocsin ou encore emploi transitif de sortir entrer tomber fixer allons paris vaut bien une messe une poule au pot on dit que malherbe et les grammairiens ont d\u00e9gasconn\u00e9 la langue qui depuis n'a plus jamais d\u00e9conn\u00e9 sauf exception re\u00e7ue les l\u00e8vres pinc\u00e9es quoiqu'il en soit aquitaine signifie pays des eaux et il y a cette histoire de la fille de guillaume baisant son oncle ce qui plaisait pas \u00e0 saint bernard le chien des croisades d'o\u00f9 plus d'louis on passe \u00e0 henri et par cons\u00e9quent l'angleterre pendant trois si\u00e8cles en d\u00e9finitive gaulois est une invention des imp\u00e9rialistes romains juridiques quant aux francs c'est pas mes germains y a qu'\u00e0 voir o\u00f9 \u00e7a s'passe 842 serment de strasbourg vilains francs vilain serfs salade vase de nuit tripot\u00e9e roncevaux nous nous sommes battus contre jeanne et voyez-vous nous en sommes fiers saint louis nous laisse froids on aiderait plut\u00f4t les cathares d'un c\u00f4t\u00e9 d\u00e9luges retournez vous pourrez par votre onde noyer non pas laver les ordures du monde de l'autre il n'est rien de si beau comme calliste est belle d'un c\u00f4t\u00e9 dans le sein de l'enfant transport\u00e9 le poignard chaud qui sort des poumons de la m\u00e8re de l'autre mignonne allons voir si la rose d'un c\u00f4t\u00e9 chute de babel confuse bruit encore le finlandais e\u00fbt pu visiter l'africain l'indien l'espagnol l'anglais l'am\u00e9ricain sans aucun interpr\u00e8te de l'autre madame avisez-y vous perdez votre gloire de me l'avoir promis et vous rire de moi bref d'un c\u00f4t\u00e9 la nuit savante de l'autre france m\u00e8re des arts des armes et des lois de quoi vomir dans leur papier de dentelle en effet la bourgeoisie a trouv\u00e9 toute pr\u00eate cette paille mouill\u00e9e ces chairs flasques aff\u00e9terie minaud\u00e9e soi-disant beaut\u00e9 \u00e9vanouissement du sens il n'y a pas par d\u00e9finition de po\u00e9sie bourgeoise de m\u00eame qu'il n'y a pas d'histoire petite-bourgeoise imaginez que ces deux absences se combinent vous voyez d'ici l'ennui l'irr\u00e9alit\u00e9\neh bien ouvre les yeux ici aujourd'hui quelle niche y a int\u00e9r\u00eat \u00e0 s'tirer sur place le plus vite possible allez reprends ton corbeau ton \u00e9lan des mers mon viking le b\u00e9tail meurt les parents meurent toi aussi tu mourras mais la gloire elle est immortelle che gloria il morir per desio della vittoria laisse tomber la grotte \u00e0 b\u00e9quilles sainte terre-baise de l'enfant vicieux repars poursuivi par fris\u00e9es nocturnes mais quels sont ces serpents qui sifflent sur vos t\u00eates alecto m\u00e9g\u00e8re tisiphone un homme meurt mais son nom ne meurt pas vas-y vieux jeune endurci cro-magnon barde scalde bracelets bi\u00e8re \u00e9p\u00e9e \u00e9corch\u00e9 d'ogam scando veut dire monter scatebra cascade ovide parle du jocosus nilus id est l'\u00e9gypte qui m\u00e8ne joyeuse vie sors de la transition r\u00e9p\u00e9t\u00e9e de l'animal \u00e0 la femme se prenant pour un homme et faisant se prendre l'homme pour l'homme il n'y a finalement qu'un f\u00e9tiche c'est l'homme statuette \u00e9cho du golem a\u00efe \u00e7a fait une c\u00f4te si on veut monter en haut des remparts je suis sourd-muet achetez-moi ma pochette de joie et gaiet\u00e9 \u00e0 votre bonne volont\u00e9 prix libre merci d'un temp\u00e9rament discret et r\u00e9solu malgr\u00e9 vos apparences froides on peut compter sur votre sympathie vous \u00eates dans l'impatience je vois ce qui vous chagrine et vous pouvez \u00eatre tranquille vous n'avez pas d'inqui\u00e9tude \u00e0 avoir \u00e0 ce sujet d'ailleurs vous ne tarderez pas \u00e0 en recevoir les preuves non seulement vos d\u00e9sirs s'accompliront dans un sens favorable mais encore vous ferez un voyage inattendu pour une affaire s\u00e9rieuse qui sera cause de votre changement d'existence r\u00e9jouissez-vous et prenez patience cela ne tardera pas r\u00e9sum\u00e9 caract\u00e8re aimable et bon c\u0153ur vous reconnaissez difficilement vos torts famille vous y trouverez un appui dans un cas assez difficile jeu beaucoup de chances mais trop d'ambition cela vous perdra si vous ne r\u00e9agissez pas loterie votre billet doit se terminer par 0 ainsi soit-il mais vous devriez essayer le moment venu d'un peu plus bas en retrait en fuite plus rapidement impalpablement donc un monde s'ach\u00e8ve en terrasse dans les lits bureaux lavabos disons eka un masculin ou plus souvent neutre aja non-n\u00e9 imp\u00e9rissable aksara ou parama pada s\u00e9jour le plus haut les a\u00e8des avaient l'impression que la diversit\u00e9 des ph\u00e9nom\u00e8nes y compris mythologiques est l'effet d'un jeu que la v\u00e9rit\u00e9 l'essence des choses satyasa satyam se situe au-del\u00e0 qu'enfin les noms divins sont les supports imag\u00e9s coulants d'une m\u00eame audition visionn\u00e9e aditi aditi aditi comme le cygne qui si\u00e8ge dans le ciel clair on devient facilement ce qu'on d\u00e9sire \u00e0 condition de devenir d'abord ce qui devient au d\u00e9part brahman signifie simplement formule formulation d\u00e9formolation formulante disons la lani\u00e8re de miel sur l'onde avec l'ombryon la tendance devient refrain litanie retour s\u00e9rie insuffl\u00e9e de pas dans le vide voil\u00e0 longtemps que je descends ainsi cet escalier avec le r\u00e9sultat de monter tu comprends il y a le temps o\u00f9 tu es seul en rejoignant la cohorte o\u00f9 tu fais la queue le long de la queue et puis crac apr\u00e8s floue en floc c'est l\u00e0 chaque trou \u00e7a d\u00e9rape le monde est un ab\u00eeme et l'ab\u00eeme est mon trou dit-il sans trop savoir ce qu'il dit comme d'habitude en d\u00e9finitive on revient toujours au g\u00e9ant sacrifi\u00e9 tournant de l'\u00e9volution enferm\u00e9 dans la citadelle donc cheval oc\u00e9an r\u00e9servoir j'ai vu sa t\u00eate ail\u00e9e sur les routes les coursiers sont en file comme les canards sauvages ton corps est en plein vol ta pens\u00e9e fonce comme le vent houla houla vetasa verge d'or soma fente noire freine un peu ou c'est la fin sur le champ lamin\u00e9 versoir c\u00e9ti qu'\u00e0 la fin on s'rait plus qu'des gouttelettes invisibles pendues hors des cr\u00e2nes photographi\u00e9s dans le mensuel salut voisin de vitrine gueule de pierre polie \u00e0 droite de celle du fameux cartouche la boite de descartes enfant \u00e9videmment napol\u00e9on per\u00e7ait d\u00e9j\u00e0 bonaparte tout condamn\u00e9 \u00e0 mort aura la t\u00eate tranch\u00e9e na na et nana et voil\u00e0 d'nouveau l'anti-muse sortant d'ouraganos tomb\u00e9 dans la mer ce qui fait qu'un po\u00e8te a d'abord un go\u00fbt prononc\u00e9 de menstrues dans la bouche et qu'il n'est pas raisonnable de lui demander de parler comme s'il n'avait pas perdu ses dents d'lait oh le sein des parques lach\u00e9sis atropos dans chaque fille un fil dans chaque mec un mac en haute m\u00e8re on a besoin d'un pilote ne pas oublier qu'elles croient ces d\u00e9goulinantes ch\u00e9ries que la musique leur appartient droit d'\u00e9ponge entre jambes comme si elles \u00e9taient seules \u00e0 d\u00e9chiffrer la premi\u00e8re lettre de l'allah fait b\u00e9e sur l'museau fris\u00e9 du b\u0153uf en anc\u00eatre le mufl\u00e9 taureau paroi d'\u00eatre alfbetgamldelthewawzayinhettetyodkaphlamdmemnunsamkayinpesadekophreshsintaw \u00e7a c'est le vent passant l\u00e9g\u00e8rement sur les boucles tra l'erba e' fior venia la mala striscia naseau soufflant cabale rossignol qui chante brinqueballe don d'\u00e9change qui est dans les chiottes moi myst\u00e8re plong\u00e9 au fond du tartare comment l'aimez-vous ce steak plut\u00f4t relev\u00e9 oui du bon p\u00e2t\u00e9 d'orph\u00e9e servi par le vieux gar\u00e7on \u00e0 bacchantes l\u00e8vre sup\u00e9rieure poilue pour mettre en relief le tarin surpris en culotte du coup nez luisant pour toute la vie \u00e9l\u00e9mentaire mon cher watson si vous voulez lutter efficacement contre l'agent 666 vous devez employer sans r\u00e9serve l'agent 515 inutile de vous dire ouah ouah comment la lettre s'est envol\u00e9e juste comme j'achevais de la griffonner dans sa preuve par neuf l'inconnue du mois faites-moi dispara\u00eetre cette tache voyons petit mousse et l\u00e0 y a un moment o\u00f9 la fille te regarde en \u00e9mettant je suis toi t'es content que j'sois toi ne pas oublier non plus que l'inconsolable et d'ailleurs imberbe chanteur s'\u00e9tant retourn\u00e9 trop t\u00f4t sur son orifice ce dernier \u00e0 peine sorti de l'enfer se rep\u00e9trifia du coup statufi\u00e9 \u00e0 droite d\u00e9chir\u00e9 \u00e0 gauche et enterr\u00e9 o\u00f9 \u00e7a je vous le donne en mille \u00e0 lesbos pas possible si c'est trop beau sapho \u00e0 une jeune fille ah le mec qu'est assis en face de toi me para\u00eet l'\u00e9gal des dieux ma beaut\u00e9 when he listens to your sweet words 600 before christ harmonia discordia concors l'h\u00e9liotrope est la fleur qui rend invisible en ce monde et je te conseille m\u00eame d'en m\u00e2cher quelques p\u00e9tales en nageant calmement dans l'ach\u00e9ron le cocyte le styx ou le phl\u00e9g\u00e9ton oui il s'agit bien d'une com\u00e9die puisqu'on va en somme du f\u00e9tide \u00e0 l'agr\u00e9able de l'enfer au paradis contrairement \u00e0 la trag\u00e9die \u00e9lev\u00e9e sublime mais qui finit mal voulant t'arr\u00eater en cercle par exemple dans le cinqui\u00e8me chant celui des passions aspic de cl\u00e9o manchettes de s\u00e9miramis la com\u00e9die elle se pr\u00e9sente modestement en langue vulgaire dont tout le monde y compris les femmes du peuple se sert ch\u00e8 non \u00e8 impresa da pigliare a gabbo discriver fondo a tutto l'universo n\u00e9 da lingua che chiammi mamma e babbo et ainsi de suite depuis l'argile jusqu'\u00e0 la d\u00e9couverte des anges qui eux n'ont pas de m\u00e9moire non ce n'est pas par hasard que les muses sont cens\u00e9es nicher sur le mont comment \u00e7a d\u00e9j\u00e0 h\u00e9licon ah oui h\u00e9licon salut \u00e0 bon entendeur manieur de l'h\u00e9lice de musica tractabus sive musica practica il y faut disons un certain empyrisme quatri\u00e8me sph\u00e8re active au 13e ciel de flamme du grec empyrios dont les pyromanes gardent la trace tourbillons gr\u00e9geois la lumi\u00e8re du lac et autres effets de cuisson bain-marie marmite ce petit disait-elle il faut le surveiller comme du lait sur le feu ah le saint vase nuit qu\u00eate du gr\u00e2le \u00e7a m'rappelle que goethe enfant aimait bien jeter la vaisselle par la fen\u00eatre en criant mananumen mananumen walhalla vois-tu le temps est un puits profond o\u00f9 nous aurions pu nous perdre mais nous sommes rest\u00e9s sur la margelle pr\u00e8s de la poulie et du seau grin\u00e7ants dans le vent respirant comme \u00e7a du c\u00f4t\u00e9 girofl\u00e9es capucines et plus loin devant la mar\u00e9e revient par beau temps les grues vont hiverner sur le nil quelque chose vient chauffer le f\u0153tus comme le soleil la vigne et voil\u00e0 je parle maintenant \u00e0 ras de mati\u00e8re port\u00e9e par elle anti-\u0153uf germ\u00e9 pour oiseaux poisson d'ouf chiffon souffl\u00e9 sur les algues des bact\u00e9ries aux \u00e9toiles le geste est jou\u00e9 ni en moins ni en plus profondeur \u00e0 plat incompr\u00e9hensible pointill\u00e9 du tir confondu en poche et il y a cet arbre s'\u00e9loignant de moi dans leurs yeux quand ils l\u00e2chent prise sensations du vieux tempes fra\u00eeches au-del\u00e0 du bois j'aime dormir l\u00e0 dans mon sac en \u00e9coutant comme qui dirait la ros\u00e9e l'entr\u00e9e quel \u00e9tait ce moine qu'on retrouvait en \u00e9rection l\u00e9ger au-dessus des buissons en train de regarder les effets blanchis invisibles du foutre \u00e0 l'envers attendant ses stigmates comme une plume mains pieds flancs d\u00e9licieux vinaigre apr\u00e8s le vin d'messe folle exquise assise parlant au poulailler baptisant veaux vaches cochons chenilles enfants vers luisants or sus vous dorm\u00e9s trop madame ioliette il est jour lev\u00e9s sus \u00e9cout\u00e9s l'alouette petite que dit dieu il est iour il est iour lire lire li fere li lire li ti ti pi tire liron r\u00e9veillez-vous c\u0153urs endormis le dieu d'amour vous sonne \u00e0 ce premier jour de mai oiseaux feront merveilles pour vous mettre hors d'esmay destoupez vos oreilles et farirariron farirariron ferely ioly vous serez tous en joie mis car la saison est bonne chouti thouy thouy et autres niaiseries p\u00e2querettes fra\u00eecheurs de l'\u00e9poque en riant l'humanit\u00e9 se d\u00e9tache de son pass\u00e9 nous sommes la cendre d'innombrables \u00eatres vivants quand le probl\u00e8me est de l'\u00e9prouver dans la gorge comme si on \u00e9tait devenu tous personne quel instrument impalpable dissous dans le vent je regarde ces visages terreux fond de teint pinc\u00e9s raideur triste ils ne dansent pas ils remuent la rue est pleine de peau boutonneuse us\u00e9e ils ne marchent pas ils avancent oh cette fatigue lourdeur en sommeil un cur\u00e9 na\u00eff dirait que l'enfer est la repr\u00e9sentation du monde profane et voil\u00e0 les types sur le boulevard avec tambourins krishna cr\u00e2nes ras\u00e9s peinture sur le nez ou les autres plus \u0153cum\u00e9niques soleil levant affiches panneaux dieu existe-t-il vraiment si oui qui est-il et pourquoi cr\u00e9a-t-il l'homme et l'univers dieu gouverne-t-il ce monde directement si oui pourquoi ce monde est-il domin\u00e9 par le mal l'injustice la mis\u00e8re et la souffrance si par contre ce monde est sous le r\u00e8gne du mal comment ce r\u00e8gne a-t-il pris naissance quelle fut la mission de j\u00e9sus cette mission fut-elle accomplie totalement hum que fait dieu aujourd'hui peut-on lui offrir une cigarette o\u00f9 va notre monde depuis 1960 les pionniers du nouvel \u00e2ge vivent et proclament autour du monde toute la v\u00e9rit\u00e9 sur ces questions ils vous invitent chaque soir m\u00e9tro mouton-duvernet le ma\u00eetre va revenir au jardin des plantes fr\u00e9missez esclaves consommateurs paris-bombay d'un coup d'aile kat-mandou-new york carnac-tokyo moscou-le caire la grande cuve a trembl\u00e9 dans ses parois volcaniques en plein schiste pers\u00e9-polis-dublin par les lacs maintenant dit-elle je respire par les talons c'est plus commode quand le ma\u00eetre nous regarde avec ses yeux de velours derri\u00e8re ses petites lunettes cercl\u00e9es nous sentons le sirop du tout le feu grundstoff des dasein en revanche elle est pour les douze dieux et moi je demande si jamais y en a eu z\u00e9ro incurv\u00e9 d'un geste mort du poignet mais d\u00e9j\u00e0 elle n'\u00e9coute plus elle allume ses b\u00e2tonnets elle trouve que le trip va mieux dans l'encens rideau cloches ou pink floyd choisissez votre langue dans le frigidaire l'\u00e9prouvette ros\u00e9e fleurs de lys comprim\u00e9 fran\u00e7ais jouant sur doucement douloureux coucou et chaperon rouge d'o\u00f9 vient cela je vous prie de quoi comment et pourquoi dites-le moi dites-le moi je vous prie en r\u00e9alit\u00e9 la bourgeoisie a horreur de ce qui est noble populaire et la petite-bourgeoisie rench\u00e9rit sur l'acn\u00e9 de la bourgeoisie et la bourgeoisie avale ap\u00e9ritivement ses points noirs curieux face \u00e0 face que voulez-vous l'esprit a disparu avec l'accident d'auto de machin nous sommes d\u00e9sormais dans une p\u00e9riode de braguette ouverte personne ne respecte plus les myst\u00e8res allusifs c'est vraiment une fin de cycle kali-yuga c'\u00e9tait \u00e9crit mektoub il nous faut une r\u00e9novation par le feu qu'on leur coupe enfin les cheveux le socialisme est-il pensable dans ce flot merdique maintenant qu'ils ont pris l'habitude de se regarder dans les cabinets croyez-vous qu'ils vont se supporter \u00e0 \u00e9galit\u00e9 tu parles comparaison des \u00e9trons le mien plus moul\u00e9 le tien plus fonc\u00e9 le mien plus tress\u00e9 le tien plus sal\u00e9 c'est moi c'est toi moi d'abord \u00e7a y est la grande ench\u00e8re coranus c'est parti pas d'cadeaux ou alors la bouse y a plus d'ma\u00eetrise des sphincters c'est la fin du sphinx de notre \u00e8re d'ailleurs nul ne saurait ni par mer ni sur terre trouver la voie qui m\u00e8ne aux f\u00eates des hyperbor\u00e9ens jadis pers\u00e9e chef des peuples s'assit \u00e0 leur table et entra dans leurs demeures il les trouva sacrifiant de magnifiques h\u00e9catombes d'\u00e2nes leurs banquets leurs hommages ne cessent pas d'\u00eatre pour apollon la joie la plus vive et ce dernier sourit en voyant s'\u00e9riger la lubricit\u00e9 des brutes qu'ils saignent \u00e0 l'instant pr\u00e9cis l'\u00e9tude de ces questions ob\u00e9it \u00e0 un sch\u00e9ma en trois parties date lieu mythe quant \u00e0 savoir ce qui \u00e9tait senti au milieu du bricolage et pour ainsi dire dans le nerf des listes tintin tu peux repasser c'est pas recens\u00e9 va toujours chercher pourquoi les centaures ont le bas m\u00e9m\u00e9 et le haut p\u00e9p\u00e9 pourquoi chiron dans la m\u00e9decine pourquoi python g\u00ea nombril terre salut je t'envoie ce chant \u00e0 travers la mer grise comme une marchandise ph\u00e9nicienne diphros chrus\u00e9os pt\u00e9roisin akamantes hippo\u00ef n'aspire pas \u00e0 la vie immortelle mais \u00e9puise le champ du possible m\u00e9lange des crasses \u00f4 farceur quant \u00e0 moi nous labourons le pr\u00e9 d'aphrodite aux vives prunelles oui je dis bien prunelle pas pupille verre contact pus fille pille f\u00e9minin pupillus enfant petite figure refl\u00e9t\u00e9e pupa poup\u00e9e poupard poupon poupine le sein la mamelle terme de droit en 1334 pour dire qui n'a plus ses parents la racine pil aller vaciller que papillo redouble se retrouve dans pilu insecte essayant de d\u00e9crire la voltige mexicain papalotl italien farfalla plumes de paon paillet\u00e9es en cons\u00e9quence je demande l'aide des bonds des godh des r\u00f6gn pour passer mon yast dans le monde osseux comme dans la pens\u00e9e eh bien c'est ici exactement ici pr\u00e8s d'ici que mes mots ont commenc\u00e9 \u00e0 trembler sous forme d'avions de com\u00e8tes vrilles torches en train d'\u00e9pancher ce ciel vers la fin du jour le d\u00e9lire approche en d\u00e9charge il suffit de trouver dehors le d\u00e9clic brut ennemi mur de foutre piolet houill\u00e9 embrouill\u00e9 branle-moi sinon je me saute rien qu'un p'tit rituel quoi un brin d'pri\u00e8re donc mon atmosph\u00e8re s'\u00e9largit boucl\u00e9e dans l'\u00e9ther arriverai-je \u00e0 \u00eatre une fois une parcelle aigu\u00eb de son souffle arriverai-je \u00e0 faire rive dissolveur de rive dans son reflet je comprends celui qui dit non je ne m'arr\u00eaterai que lorsque le dernier aura \u00e9t\u00e9 lib\u00e9r\u00e9 jusque-l\u00e0 je ne veux entendre que des dissonances je refuse de signer l'accord pr\u00e9par\u00e9 le probl\u00e8me c'est d'en finir avec ce g\u00e2tisme du 19e normalisation us\u00e9e marxisme genre notaire cale\u00e7ons matrices rouill\u00e9es l'installation intestine le stalintestisme quand retournera-t-on cette poche tu m'entends oui l'avenir tu m'entends tu m'as rappel\u00e9 alors socrate dit \u00e0 ses juges le moment est venu pour moi de mourir et pour vous de vivre qui de nous a le meilleur sort seul un autre le sait accus\u00e9 par un orateur un po\u00e8te un tanneur belle \u00e9quipe je dis seulement que je ne sais rien donc tu es monstrueux puisque tu n'as besoin de personne monstrueux pourquoi monstrueux qu'est-ce que \u00e7a veut dire monstrueux eh bien \u00e7a veut dire plus voil\u00e0 tout et le plus doit \u00eatre sem\u00e9 d\u00e9nou\u00e9 mais ne pas dire je sinon c'est sa f\u00eate l'exception doit confirmer les r\u00e8gles autrement dit le cycle de reproduction bon donc rendez-vous \u00e0 montparnasse sur la piste d'h\u00e9licopt\u00e8res j'aime bien ces caf\u00e9s vestiges du 20e avec leurs noms proph\u00e9tiques d\u00f4me coupole cosmos rotonde module gymnase cristal saint-amour un quartier pour nous pas vrai fontaine zodiaque du c\u00f4t\u00e9 port-royal de l'observatoire le silence de ces espaces infinis me ravit grandeur de l'homme sans dieu pellet\u00e9e de terre et tout est fini souviens-toi de la pluie sur les marronniers du chauffeur \u00e0 qui j'avais dit que j'\u00e9tais astronome de la rose dans la main droite rond blanc jaune horloge nuit noire et verte de l'impasse ouverte sur un rocher en forme d'arcade mars et v\u00e9nus enlac\u00e9s pr\u00e8s d'un cubiculum vulcain perc\u00e9 dans sa forge apollon les filles mercure p\u00e9gase la beaut\u00e9 formelle ch\u00e9rie on s'en fout bizarre qu'ils n'arrivent pas \u00e0 comprendre \u00e7a avec leurs classifications leurs m\u00e9langes tout dans le m\u00eame sac au nom du langage po\u00e9ticiens et ta s\u0153ur d\u00e8s qu'il y a une anomalie elle va rejoindre sa bo\u00eete dans le mus\u00e9e des fouteurs \u00e7a m'rappelle un prof ouvrant mon dernier machin feuilletant au d\u00e9but au milieu \u00e0 la fin survol militaire des c\u00f4tes eh bien \u00e7a a l'air int\u00e9ressant au niveau des articulations logiques non dessous rien ne bouge le pays me para\u00eet s\u00fbr je ne vois d\u00e9cid\u00e9ment rien sous ses feuillages m\u00eame pas une arm\u00e9e \u00e0 v\u00e9lo dans les mar\u00e9cages \u00e7a m'a l'air ok pas trace de viets il est vrai que si tu rapprochais ton p'tit v\u00e9hicule \u00e0 formules pauvre con t'en prendrais plut\u00f4t plein la gueule et au bazooka encore dans le r\u00e9servoir quant \u00e0 descendre dedans mon \u0153il mieux vaut faire semblant de tenir l'atmosph\u00e8re car en bas c'est plein d'moustiques on a vite chaud les types veulent leur coca-cola leur go\u00fbter servi et je parle m\u00eame pas de la drogue qui les emp\u00eache de s'en tenir grade \u00e0 la symbolique du coup plus d'officiers le moindre mec pr\u00e9tend savoir o\u00f9 mourir c'est plus un texte ho c'est pas d'jeu on doit quand m\u00eame faire la guerre dans son ordre une forme doit \u00eatre une forme un gadget un gadget que voulez-vous l'avant-garde ne sait plus se tenir je l'avais pr\u00e9dit qu'ils iraient chercher du contenu qui soit contenu m\u00eame s'il est la forme de son contenu du contenu quelle r\u00e9gression quelle horreur et quel contenu non c'est pas vrai l'histoire la lutte des classes ah mis\u00e8re mais c'est pas possible mais alors le peuple va y revenir quel cauchemar cher confr\u00e8re et notre tourn\u00e9e de conf\u00e9rences sur l'origine des langues annul\u00e9es et ma p'tite maison que j'ai pas fini d'payer ils vont nous ruiner avec cette histoire de sujet du sujet du sujet comme si on avait le temps ou les forces et l'histoire en plus comme si c'\u00e9tait pas assez compliqu\u00e9 au fond tout \u00e7a vient des grandes d\u00e9faites coloniales voyez l'alg\u00e9rie cette manie du commandement de passer \u00e0 toute allure sur les oueds sans regarder derri\u00e8re chaque buisson chaque pierre \u00e7a devait arriver cette crise alerte aux armes de deux choses l'une ou bien la litt\u00e9rature est lisible et r\u00e9p\u00e8te nos conneries ou bien elle reste illisible c'est compris oui mon adjudant transmettez imm\u00e9diatement fusillez-moi les moindres tentatives de r\u00e9alisme celles qui pourraient toucher la puret\u00e9 exp\u00e9rimentale s'entend l'autre \u00e9videmment on s'en fout nous devons \u00e9viter le reflet \u00e0 tout prix la fiction critique le sens positif qu'est-ce qu'on doit soutenir le four sans issue spectral d\u00e9fonc\u00e9 finish le spasme sur place voyages voix magn\u00e9tophone enculages ralentis d\u00e9multipli\u00e9s cybern\u00e9tiques l'interconnexion surtout dites que tout communique des pulsions aux astres ne l\u00e9sinez pas sur les pendus longues \u00e9jaculations mortelles je veux voir passer la moelle \u00e9pini\u00e8re par l'ur\u00e8tre quelques h\u00e9morragies costumes spatiaux gar\u00e7ons moelleux merdeux ang\u00e9liques vaseline g\u00e9latine laxatifs pour bien d\u00e9gager la causalit\u00e9 le monde est un grand fessier t\u00e9l\u00e9sid\u00e9ral police foutez des magn\u00e9tophones je veux qu'on entende glouglouter le sperme en graissant les sons bref du cin\u00e9rama jardin des d\u00e9lices roue bande orgasme pr\u00e9coce baignoires messages pour robots pieds-bots pourrissants couches bleus fritant l'atmosph\u00e8re des mollusques des rochers baroques peaux scaphes entam\u00e9s virus des capsules foie d'morue et hop apollo direct en secousse d\u00e9cor mis\u00e9rabiliste matelas tach\u00e9s slips souill\u00e9s vents du temps pets mous corridors \u00e9chelles tout en rectum \u00e9nigme absolue tordue d'h\u00e9ro\u00efne des seins si vous voulez mais solide slip cuir ceintures bottes fouets mitraillettes rattrapant la pente travestis perruques piquez-les carton coton de l'astral oh giclure occulte retour de satante cav\u00e9e au savoir bref faut qu'\u00e7a clignote j'veux pas sentir m\u00eame le millioni\u00e8me d'approche de concept vivant ou alors empaill\u00e9 gris fer triste en cr\u00e8ve fini l'alcool \u00e0 nous blanche molle plus d'paradis artificiels l'enfer bien r\u00e9el et surtout du sc\u00e9nario pour rien que \u00e7a aille pas dire comme \u00e7a quelque chose tourniquet pur sans commencement ni fin le langage lui-m\u00eame touch\u00e9 en cellule herr doktor pas l'temps qu'arrive l'sujet sub-vocal poum flash trente-six mille chandelles juteuses bananes cut-in \u00e9clabouss\u00e9es par seconde scenic radioactif railway scrash on lave plus l'cerveau on cervelle en lave poker du micro on macrote le quasi-microbe juste avant son \u00e9closion sans ego refoule-moi bien toute ma merde vas-y baise putain bouillonne crache ta tumeur j'en veux des bocaux de ta pisse chauff\u00e9e boule jaune avec millions de spermatozo\u00efdes \u00e9levables in vitro montez-moi d'un cran le g\u00e2tisme j'en veux du trembleur fumeux genre fus\u00e9e silencieux \u00e0 \u00e9pouvanter l'amateur qui croit pouvoir passer non mais sans blague suffit d'partir du principe m\u00e9canique pour en finir avec pr\u00e9tention connaissance \u00fcbermensch shoot\u00e9 d'homoncule notre th\u00e8se c'est tous les membres sont pires qu'un si\u00e8cle rien sous l't\u00e6nia la biologie mur final kamasutra n\u00e9crophage ah on va leur gratter l'fossile avec ces glissi\u00e8res on est l\u00e0 bien avant qu'\u00e7a grille essayez de nous attraper mes cocos rien \u00e0 faire ah vous voulez la r\u00e9volution bais\u00e9s thalamus librium vallium amusettes signalez-moi les cas r\u00e9sistants le style forte t\u00eate la graine d'\u00e9crivain progressiste qu'on le passe un peu \u00e0 la protolyse exploded ticket j'vous ai dit sergent d'\u00eatre flou sur la mescaline \u00e7a nous les \u00e9duque \u00e7a leur donne le sens des dieux regardez l'tableau c\u00e9line \u00e0 meudon crevant dans son baraquement avec ses chiens ses trois points gueulement visant les chinois \u00e0 brest ou cognac r\u00e2le \u00e9touff\u00e9 rigodon dans l'\u00e9gout du si\u00e8cle beckett dans sa fosse n\u00e9on m\u00e9tallique d\u00e9placements minimaux avec sacs boue briquet pommes de terre burroughs sur ordinateur cycle bandes revolver seringu\u00e9 optique tringl\u00e9e en cerceau le reste existe pas cafouilleux rampant d\u00e9cadent j'vous l'dis patron avec \u00e7a plus d'litt\u00e9rature pour mille ans des camps concentr\u00e9s formes simples ou alors suck d\u00e9coup\u00e9s super au laser on tient le bon bout mais faut ouvrir l'\u0153il ce retour du contenu vous disiez commissaire bof un peu d'urticaire juste une rougeur quelques mao\u00efstes de salon un truc pas mal ce s'rait de faire traiter les r\u00e9volutionnaires de fascistes par d'anciens fascistes r\u00e9actualis\u00e9s \u00e0 la faveur de la crise du moyen-orient on leur demande simplement de s'cacher la croix gamm\u00e9e sous le slip d'avoir l'air anchois faisant l'hydre regardez c'que \u00e7a donne on peut s'\u00e9tonner qu'un cercle de lumignons rayonne autour de ce petit girondin d\u00e8s qu'il fait un peu grincer le lit de la marquise la servilit\u00e9 monterait-elle jusqu'au matelas mao lui ayant pass\u00e9 sous le nez il veut \u00eatre finnegans wake c'est-\u00e0-dire les \u00e9vangiles il s'exprime en grec corrompu quoiqu'il fasse il ne peut pr\u00e9tendre qu'\u00e0 l'\u00e9cume ill\u00e9gitime des choses pollutions nocturnes des s\u00e9minaristes qui en songe s'adonnent au commerce des femmes et souillent les draps de leur infinie interdiction d'\u00eatre au monde de leur infinie d\u00e9tresse d'\u00e9tat donc fifi interdit de parole bafouille interdit d'\u00e9criture il bat la cr\u00e8me le vomi froid des ivresses terribles des autres interdit de faire l'amour il en emberlificote infantilement les rites et les d\u00e9viations suppos\u00e9es qui chez lui restent lettres mortes sur des pages tremp\u00e9es impraticables houf houf jawohl c'est bien envoy\u00e9 \u00e7a brigadier allez-y plus fort le sexe aur\u00e9ole doit rester \u00e0 droite question d'sceptre que voulez-vous famille clan liens du sang du grec sk\u00eaptron proprement b\u00e2ton paratonnerre \u00e0 phallus pour conduire d\u00e9charge de fantasme fesse \u00e0 vase naturel enterrement de la foudre donc les revoil\u00e0 unifi\u00e9s ciment colonels \u0153il de verre et sardine \u00e0 pattes aristo racial filandreux nasal pourl\u00e9cheur sous bave et nefertitine divans bougies fr\u00f4lements et que j'te raconte mon dernier r\u00eave et veuve mandat table de nuit tournante et l'humaniste grand cordon foireux du pleureur reste plus qu'\u00e0 leur livrer l'uniforme vert olive ceintures croix d'fer bottillons c'est qu'\u00e7a les d\u00e9mange depuis trente ans de lever le bras \u00e0 l'horizontale \u00e7a les gratte \u00e0 fond ce truc d'\u00e9rection ici intervention des nains feutr\u00e9s cagoule templiers style nouille vous avez vu quelque chose vous oui la spirale escargot ah nom d'un mort de dieu encore la moustache on n'en sortira jamais alors du chassieux mais si mais si dans la l\u00e9gende le mouvant prend figure tandis que dans l'mythe les figures se mettent en mouvement reprenons il \u00e9tait une fois il y a longtemps dans une contr\u00e9e lointaine et bien entendu tout se passe ici aujourd'hui ce qui fait que l'po\u00e8te re\u00e7oit chaque matin au courrier son paquet d'vomi avec le bon souvenir des contemporains eh ho c'est pas une vie \u00e7a mais si c'est la mienne et j'peux m\u00eame te d\u00e9crire le comportement des voisins en pleine fin du vingti\u00e8me dans la ville soi-disant lumi\u00e8re tomates sur la porte d\u00e9gueulis dehors les m\u00e9t\u00e8ques les chinois \u00e0 p\u00e9kin le mari est g\u00ean\u00e9 il est \u00e0 la cgt il m'attend sur le trottoir le matin pour m'expliquer que sa femme est un peu nerveuse para\u00eet qu'on fait du bruit si on baise para\u00eet qu'notre bidet a une fuite bref elle nous entend constamment ah ces fran\u00e7ais travaill\u00e9s racistes et tu peux penser dans ces conditions tu vois sans augmentation des clous bon on verra \u00e7a dans dix ans devinette qui marche sur quatre pattes le matin sur deux \u00e0 midi et sur trois le soir qui n'a pas de pattes la nuit r\u00e9ponse sophocle lorsqu'il est en forme et moi je dis que ce qui les rend fous folles c'est le battement sans marqueur venant se poser l\u00e9ger sur certaines filles mais loin d'elles en r\u00e9alit\u00e9 ce qui les oblige \u00e0 se nier eux dans l'ni\u00e9 elles eux ni\u00e9s appendices mus du ni\u00e9 face \u00e0 face niant la membrane l'entr\u00e9e voil\u00e0 du commencement qui vous donne l'explication de la haine que je provoque relev\u00e9e stomach dans sa flamme laquelle se porte principalement l\u00e9cheuse sur votre entier serviteur dont je n'ai pas besoin de vous dire qu'il en a ralbol d'avancer millim\u00e8tre par millim\u00e8tre conclusion l'intol\u00e9rable pour eux jouit en dehors de toute communication donc crime restauration du d\u00e9cor ils veulent maintenant saisir mon matelas comparer les taches avoir des pr\u00e9l\u00e8vements liquides tous les soirs j'en d\u00e9couvre un sous mon lit ils disent qu'ils n'ont pas eu leur ration qu'ils sont blas\u00e9s des sexshops ils me demandent une religion sinon on dira qu'c'est pas toi qui \u00e9cris tes pages ou bien qu't'es r\u00e9ac na allons bon c'est la meilleure le bouquet l'sommet la perle du cocotier voil\u00e0 c'qui arrive si un type se met dans la t\u00eate de venir renier avec une volont\u00e9 indomptable une t\u00e9nacit\u00e9 de fer le pass\u00e9 hideux de l'humanit\u00e9 pleurarde s'il veut proclamer sur une lyre d'or autre chose que les tristesses goitreuses les fiert\u00e9s stupides qui d\u00e9composent \u00e0 sa source la po\u00e9sie mar\u00e9cageuse de ce si\u00e8cle disant avec les pieds je foulerai les stances aigres du scepticisme passez grotesque muscade allez la musique je reprends je fends je d\u00e9gage arma virumque cano archipel pagayant soleil sous les feuilles \u00f4 vin merveilleux d\u00e9mocrate donne-moi ici ce qu'il faut pour flotter en haut maintenant le soleil suit le soleil et toujours pas trace de la terre oh vagues cavaliers parthes et ce fr\u00e9missement des for\u00eats finalement tout est joie poissonneuse joie jeux l\u00e9gers c\u0153urs l\u00e9gers l\u00e9g\u00e8res nageoires dos joyeux et joyeux esprits comme des lianes dans la voie lact\u00e9e qu'est-ce qu'une montagne en g\u00e9n\u00e9ral la r\u00e9ponse contenue dans un geste verbal s'\u00e9nonce colonne du ciel oc\u00e9an quand tu veux bien sourire tu es plus beau que la prairie en fleurs qu'est-ce que tu veux on ne peut pas tout raconter c'est aussi populeux que la chine et d'ailleurs la v\u00e9rit\u00e9 est sans voix mais approcher de l\u00e0 o\u00f9 j'approche c'est comme autrefois pour les marins deviner la c\u00f4te apr\u00e8s des mois \u00e0 la voile et \u00e7a pourrait \u00eatre un r\u00eave comme le monde entier un \u00e9lan les bois lanc\u00e9s de son front r\u00eaver veut d'abord dire vagabonder jusqu'au 15e et d\u00e9lirer encore au 17e sens moderne vers 1670 du gallo-romain esvo errant ancien fran\u00e7ais desver perdre le sens c'est ce que je disais on commence dehors et ensuite piaf en psychique m\u00eame truc pour cliver n\u00e9erlandais klieven allemand klieben anglais to cleave proprement fendre on conna\u00eet l'importance de l'industrie diamants d'amsterdam voil\u00e0 la preuve de la pratique muette multiple et muette souple en multiple houle plaine \u00e9tincelle jaillie du silex peut-on nous \u00e9tudier sur nos restes est-il raisonnable de se fonder sur f\u0153tus cadavre et peinture cheval bisons bouquetins f\u00e9lins d'o\u00f9 venons-nous par les pieds cerveau 1 500 cm3 dix milliards neurones supposons un jour un neurone par habitant je veux dire ricochet r\u00e9ponse point d'orgue infini group\u00e9 pour s'ouvrir maintenant je pense aux pollens gard\u00e9s par la pierre n\u00e9anderthal couch\u00e9 sur ses fleurs et voil\u00e0 si je parle je ne parle pas ce n'est pas \u00e9crire que tracer en moi ce qui trace mais admettons que la bande se d\u00e9roule ici devant toi ou plut\u00f4t fasse rotation tambour en croisant sous toi sa croissance aviv\u00e9e aspir\u00e9e depuis l'ocre ah je sens le rideau pliss\u00e9 le bout d'allumette o\u00f9 allons-nous s\u00fbrement pas dans les grimaces du jour vous \u00eates loin mes lapins loin si loin deux ou trois tics nerveux bout des l\u00e8vres heuf heuf rire en dedans peureux pour ses dents c'est en 1869 qu'arrive maldoror sur son cheval blanc \u00e0 la page m\u00eame ann\u00e9e d\u00e9couverte scientifique de la rencontre spermatozo\u00efde ovule qui comment pourquoi tonnerre dans les encensoirs que sommes-nous peu importe allons in progress comme si tout d\u00e9j\u00e0 \u00e9tait tout d\u00e9j\u00e0 sans jamais pouvoir \u00eatre d\u00e9j\u00e0 ni tout ni d\u00e9j\u00e0 l'essentiel est cette a\u00e9ration du sommet des bronches ce courant parabole \u00e9vas\u00e9 boucl\u00e9 ho brise ti\u00e8de bleuie endormie bon je voudrais qu'il soit clair au moins une fois dis simplement une fois oh une fois \u00e0 travers mon triple cerveau reptilien mammif\u00e8re cortex que je que d\u00e9cid\u00e9ment je que pour je qu'en je qu'je ergo je mais dans le torrent b\u00e9b\u00e9 faut pas croire et aussi dans le lent soul\u00e8vement d'la paupi\u00e8re bref je plane saumon alors on soul\u00e8ve le couvercle attention faut pas trop les chatouiller \u00e7a mord vingt-sept ans juliette n'oublie pas en t\u00f4le eh bien tu vois c'que tu fais me rappelle les tournesols de van gogh ou plut\u00f4t le grand soleil sur les champs l\u00e0 tourbillon violet jaune en bleu jaune et violet vert violet jaune en bleu noir sous jaune il est \u00e9vident que le contr\u00f4le de la reproduction \u00e9quivaut au pouvoir politique tout court c'est l\u00e0 qu'\u00e7a s'joue qu'\u00e7a s'd\u00e9noue face langue larynx main que veux-tu ils n'arrivent pas \u00e0 penser que le sexe lui-m\u00eame \u00e9volue et de m\u00eame que le cerveau ne conna\u00eet pas le tout du cerveau de m\u00eame \u00e0 cheval sur les chromosomes qui peut dire qu'il en a fini avec vagin bite clito doigt cul ne daigne le message coup\u00e9 suit son cours media ligne grappe ail\u00e9e script g\u00e9latine bande son image allahla et voil\u00e0 les palestiniens en plein dans les jeux le sport fraternit\u00e9 des nations paf le scandale \u00e7a ne rate pas \u00e9ditos avec dieux d'l'olympe ces terroristes sont en dehors de l'humanit\u00e9 snacks carton dix-huit morts pendant que les bombardements continuent sur les digues du fleuve rouge ce qui me permet de dire occident que tu m\u00e9rites cette inondation ce d\u00e9bordement sons-mots-sons-non-mots-sons-ni-mots-sons dessus dessous emportez les feuilles cherchez la nervure soufflerie souffleuse le lied continu voix suspendue incurv\u00e9e perdue or donc la lamproie marine appartient au sous-embranchement des agnathes qui remontent \u00e0 400 millions d'ann\u00e9es sa classe est celle des cyclostomes cyclos cercle stoma bouche sans m\u00e2choires entour\u00e9e d'une l\u00e8vre molle circulaire adapt\u00e9e \u00e0 la succion autrement dit petromyzon petros pierre muzo je suce poisson anadrome c'est-\u00e0-dire dont la phase de nutrition a lieu en mer tandis que la phase sexuelle s'effectue en eau douce dualit\u00e9 qui provient de la rupture de l'unit\u00e9 climat\u00e9rique lorsque le retrait des glaciers a entra\u00een\u00e9 la transformation saum\u00e2tre du littoral corps cylindrique peau visqueuse nage ondulante comme les anguilles migration au printemps vers les fleuves mont\u00e9e sur un autre poisson dont elle suce le sang secr\u00e9tion buccale ponte sur fond sablonneux enfouissement dans la vase attends que je m'applique ce traitement par excitation mass\u00e9e p\u00e9riodique chaque bord occup\u00e9 \u00e0 se traverser zones stri\u00e9es dans l'ensemble le probl\u00e8me est cette unit\u00e9 du point mort qui fait que la multiplicit\u00e9 est pens\u00e9e en dehors \u00e0 partir de l'unit\u00e9 fixe ou morte stupeur passag\u00e8re au lieu d'y aller coup\u00e9 sans arr\u00eat bon la goutte pleure l'oc\u00e9an rit autrement dit la s\u00e9paration ou la r\u00e9union fusion en \u00e9cart diastole systole infiltr\u00e9e du tout torsion de l'individu assurant la charge large inaccessible de la masse chauff\u00e9e horizon vie triste mort gaie parasol ouvert et je reste pench\u00e9 sur ce microscope au fond toute la journ\u00e9e chaque nuit c'est moi qui reprends vraiment la question comique de la g\u00e9n\u00e9ration spontan\u00e9e entreb\u00e2ill\u00e9e comme chacun sait \u00e0 travers la rage avec quoi je travaille maintenant c'est tr\u00e8s simple \u00e9lectro-acoustique particules s\u00e8ches morse de base archi-t\u00e9l\u00e9grammes le plus dr\u00f4le c'est les diff\u00e9rences de poids t'a grossi t'as maigri elles sentent \u00e7a imm\u00e9diatement du coin de la paume j'ai parfois l'impression d'\u00eatre leur cobaye d\u00e9tach\u00e9 d'organe soucieux baladeur ils ont avec moi des attitudes de rampants devant leurs ordinateurs \u00e7a va bien l\u00e0-haut apr\u00e8s tout qui est-ce qui prend les risques dans cette cabine le globe tout bleu en lointain comme si on avait largu\u00e9 t\u00eate et cul elles disent que mon foutre a un go\u00fbt particulier saveur grands espaces je m'arrange pour l'\u00e9cluser l\u00e0 d'o\u00f9 revient la vib maxima pas une larme \u00e0 d\u00e9penser pour l'occidentale je d\u00e9charge volontiers toujours plus \u00e0 l'est \u00e7a me branche sur des migrations pass\u00e9es par rafales exemple constantinople canton exemple myc\u00e8nes alexandrie ou la cr\u00e8te exemple leningrad beyrouth sur terre on peut prendre l'avion en tous sens r\u00e9seau des co\u00efts rapides imagine ce que devient la litt\u00e9rature ant\u00e9rieure coin du feu veill\u00e9e des chaumi\u00e8res par rapport \u00e0 ces arcs tendus en torches allum\u00e9es rapides en relais salut marco polo du 21e n'oublie pas de noter le pied pos\u00e9 sur ton \u00e9l\u00e9phant fresque n\u00e9gatif des pierres ah ces niches ces creux ces \u00e9clairs comme elle tourne la roue lanc\u00e9e pour se taire pas un lieu sans le ventre qui te convient douceur \u00e9nerv\u00e9e cuisses bouches le fruit de tes entrailles est b\u00e9ni quelle id\u00e9e ils avaient tout de m\u00eame dans le vieux monde de placer leur coup sans y aller voir d'abord en courbure quelque chose leur a \u00e9chapp\u00e9 copernic et voil\u00e0 pourquoi ils ont en g\u00e9n\u00e9ral crev\u00e9 en claqu\u00e9 comme des vessies mal lav\u00e9es manque de lunette atomique permettant d'appr\u00e9cier les jets tourbillonn\u00e9s schplaf paum\u00e9s dans le sahara ou au p\u00f4le glaciers mers de sable main crisp\u00e9e de l'explorateur oui il est n\u00e9cessaire d'avoir des nerfs d'acier ou plut\u00f4t pas de nerfs du tout un geste \u00e0 sa place la sagesse aigu\u00eb des cristaux de l'eau l'\u00e9manant devient \u00e9minent sive canica sagacitate in venandis et perquirendis rerum omnium causis et principis un autre \u0153il ouvert plus acide y en a qui disent que \u00e7a ab\u00eeme le paysage ou les sentiments mais quelle erreur tout est plus vivant vari\u00e9 charnu squelettique trac\u00e9 moelleux rempli \u00e9vid\u00e9 peint grav\u00e9 color\u00e9 sonn\u00e9 avec derri\u00e8re tout \u00e7a derri\u00e8re non m\u00eame pas ni devant dedans ou barri\u00e8re quoi eh bien oui disons un sourire le grand l'effac\u00e9 retenu d\u00e9gag\u00e9 sourire le dernier degr\u00e9 de la corde cha\u00eene \u00e9clat bris\u00e9 en sourire au-del\u00e0 en de\u00e7\u00e0 en plein dans l'tunnel au c\u0153ur du bordel rideau transparent sous le sein du bruit sur le cri yeux ferm\u00e9s retourn\u00e9s cr\u00e2ne en r\u00eave l'aur\u00e9ole le hiss\u00e9 soupl\u00e9 quand je les vois comme \u00e7a plong\u00e9s dans les temples c'est-\u00e0-dire au bord des for\u00eats je m'dis qu'cette putain d'humanit\u00e9 a quand m\u00eame \u00e9t\u00e9 visit\u00e9e l\u00e0 y a pas d'probl\u00e8me les voil\u00e0 en train d'se remonter sans bouger comme des ballons translucides gerbe \u00e9clair\u00e9e fronton mond\u00e9sir piliers fl\u00fbtes coussins somatiques et l'sourire en deux doigts m\u00fbdra d\u00e9cercl\u00e9 l\u00e2ch\u00e9 le filtr\u00e9 quoi le cribl\u00e9 plum\u00e9 voil\u00e0 pourquoi l'autre a raison de dire que le vrai est l'orgie bachique pas un membre qui ne soit ivre mais puisque chaque membre d\u00e8s qu'il se met \u00e0 part se dissout par l\u00e0 m\u00eame cette orgie est aussi repos transparent et serein id est d\u00e9cha\u00eenement \u00e9gale tranquillit\u00e9 violence sexuelle \u00e9gale retrait d\u00e9centr\u00e9 permettez que j'ouvre une bouteille de champagne j'esp\u00e8re que vous l'avez dans le nez grimp\u00e9 en mouss\u00e9 c'est l'aspect tam-tam tambourin chauff\u00e9 de la chose et le spectacle commence \u00e0 nouveau quand reviennent les vierges conspu\u00e9es les vieilles enfants d'un antique pass\u00e9 que jamais n'approche dieu homme ni b\u00eate houla voiles noirs haine noire menac\u00e9es par mes fl\u00e8ches blanches mon serpent ail\u00e9 que disent-elles c'est toi qui dois tout vif fournir \u00e0 ma soif une rouge offrande puis\u00e9e dans tes membres et puis quoi encore non mais \u00e0 moi ath\u00e9na j'ai besoin d'ton vote dans ma balance elles vont m'emp\u00eacher de jouer bon \u00e7a va c'est pass\u00e9 faut chaque fois franchir ce foss\u00e9 bidon dans la gorge \u00e0 ta sant\u00e9 lecteur suppose qu'on arrive ainsi \u00e0 se d\u00e9gager le ciel quand on veut pour l'instant c'est bleu \u00e7a vient me l\u00e9cher le visage il est trois heures de l'apr\u00e8s-midi quelle id\u00e9e de se saouler en plein jour l'air est ti\u00e8de la fen\u00eatre ouverte j'ai beau scruter les immeubles en face depuis des ann\u00e9es pas le moindre petit sympt\u00f4me de vice derri\u00e8re les rideaux c'est \u00e0 d\u00e9sesp\u00e9rer d'cette population et pourtant nous sommes dimanche et la fille l\u00e0-bas qui se coupe les ongles des pieds et se regarde depuis une heure dans un miroir devrait se laisser aller glisser sa main quoi profiter d'l'entracte tiens elle enl\u00e8ve sa culotte peut-\u00eatre qu'elle m'a vu qu'elle va remuer un peu voil\u00e0 d\u00e9robade floue de ses fesses plus rien c'est fini mis\u00e8re j'parie qu'elle va aller voir au cin\u00e9ma les myst\u00e8res de l'organisme avec gros plan du moulage en pl\u00e2tre d'une queue standard ou encore carnage viols dans la ville interdit aux moins de 13 ans raison pr\u00e9cocit\u00e9 d'\u00e9jaculation ainsi va la ville mais allons reprenons le large on n'a pas assez remarqu\u00e9 que la double dimension du langage \u0153dipien reproduit sous une forme invers\u00e9e la double dimension de l'oracle oidos pied enfl\u00e9 oida je sais en su\u00e7ant son pouce raisin de corinthe on dit aussi les lois au pied \u00e9lev\u00e9 d\u00e9finissant au-dessous les b\u00eates au-dessus les dieux les unes et les autres pions isol\u00e9s sur l'\u00e9chiquier d'la polis hors-jeu brisure du jeu moralit\u00e9 celui qui veut sortir sans pour autant s'acheter lunettes canne blanche en \u00e9coutant bien le iou iou quand l'animal tombe finalement sans lui nous ne saurions rien quelle vue dans le noir vrai d\u00e9passement du devin bref y a deux fa\u00e7ons d'\u00eatre aveugle l'une \u00e0 l'avenir l'autre au pass\u00e9 l'hostilit\u00e9 \u00e0 cet \u00e9tranger revient \u00e0 ramener l'animal \u00e0 fable chant obscur la voil\u00e0 de nouveau \u00e0 la crois\u00e9e des chemins mangeant ses rillettes pour ceux qui savent je parle pour ceux qui ne parlent pas je cache ou plut\u00f4t j'oublie voil\u00e0 c'est le retour en brouillard des monstres miasma miasmes de miainein souiller ouverture d'un cycle avec question d'homme fermeture de l'\u00e9picerie nouvelle question sans jambes tu comprends une absence de sujet n'est pas une n\u00e9gation de sujet le probl\u00e8me est simplement de s'y d\u00e9border sujet nappe inconscient battant avant apr\u00e8s la m\u00e9nagerie comme si tout \u00e7a n'\u00e9tait pas jouissance \u00e9carlate au c\u0153ur des d\u00e9bris ou alors va faire un tour au schizoo quand je dis tuer p\u00e8re coucher m\u00e8re s'en aller sans yeux d'o\u00f9 l'on vient faut comprendre que \u00e7a s'passe sur le m\u00eame corps main droite main gauche je le r\u00e9p\u00e8te on finirait par oublier l'ouverture avec devinette entre-cuisses savez-vous ce qu'il fait apr\u00e8s avoir disparu \u00e0 colone car antigone commen\u00e7ait \u00e0 le faire chier il revient sur le chemin de th\u00e8bes il s'aper\u00e7oit que la sphynge remonte en surface eh bien une nouvelle fois il la tue mais averti par l'exp\u00e9rience pr\u00e9c\u00e9dente il n'en dit rien \u00e0 personne et ma foi se taille loin tr\u00e8s loin il est l\u00e0 parfois parmi vous regard d\u00e9sol\u00e9 d'\u00eatre si mal vu mal connu quelle salade ah humanit\u00e9 toujours emp\u00eatr\u00e9e dans ses mythes oui oui c'est la vengeance de la vieille furieuse d'avoir \u00e9t\u00e9 d\u00e9chiffr\u00e9e disant voil\u00e0 hein c'est fini enterr\u00e9 une bonne fois ce cochon vous \u00eates libres ch\u00e9ris je m'accroupis sur sa tombe reproduisez l'impasse posez vos questions respectez la barre c'est moi c'est la loi j'anus en surmoi je t'apporte l'enfant d'une nuit d'inhum\u00e9 \u00e0 quoi sert le culte sinon \u00e0 descendre dans les coins \u00e0 remplir le caveau d'humus \u00e9cras\u00e9 \u00e0 perp\u00e9tuer la m\u00eame obscurit\u00e9 f\u00e9cale pr\u00e9histoire de l'\u00e9tron d'\u00e9glise oh j'ai froid tout \u00e0 coup je me demande si la notion m\u00eame d'humanit\u00e9 n'a pas pris plaqu\u00e9e sa d\u00e9charge si l'\u00e9v\u00e9nement n'est pas biologique bien avant la ronde machin\u00e9e en sonde pistonnant crachant bafouillant croulant qu'est-ce qu'elle a \u00e0 dire finalement toujours l'entre-couac le sac regarde la t\u00eate de s\u00e9thi 1er perfection de l'embaumement sous la 18e et 19e dynastie br\u00fblure renvers\u00e9e du masque grand sommeil cendreux lumineux on dirait qu'il a \u00e9t\u00e9 flash\u00e9 en plein boum tendu vertical c'est la force entr\u00e9e se fl\u00e9chant les si\u00e8cles la momie c'est quand m\u00eame aut'chose qu'la photo non du point d'vue frisson vise-moi ce d\u00e9gagement sans reste qu'elle gueule quelle jouissance \u00e0 pic midi gueule claquant sur minuit d\u00e9gueule est-ce que tu distingues \u00e0 partir de l\u00e0 le primitif \u00e9ternit\u00e9 nuit t\u00e9n\u00e8bres \u00e0 saisir main fils droite gauche noun toum atoum tefnout shoum le soleil navigue dans sa barque le meilleur c'est d'se faire f\u00e9conder par le paquet dur quand l'phallus vient vivre sur le cadavre y bourgeonne encore donne son ultime larme r\u00e9sum\u00e9 du plat et hop en route pour la procession en m\u00e9tamorphoses une chatte n'y retrouverait pas ses petits achetez nos derni\u00e8res culottes mousseuses transparentes mesdames achetez nos sensations marque sans concurrence le voile d'isis comment entrer dans le monde souterrain et sortir au jour dans toutes les formes jouer aux \u00e9checs et s'asseoir dans la salle monter en \u00e2me colibri vivante boire l'eau du fleuve se lancer en disque programme complet avec planches vignettes cartes de la noix d'cosmos gratte-ciel pyramides ruches avec oubli du mort dans les fondations je crois qu'en gros le sens de la vie leur est indiff\u00e9rent d\u00e9sormais la piq\u00fbre a eu lieu ils ont leurs cachets encore une fois l'histoire va-t-elle arranger tout \u00e7a cerveau pensif division coud\u00e9e du travail voyons les occasions manqu\u00e9es depuis la troisi\u00e8me quel sur-place quel pi\u00e9tinement pourrissement du dedans mangeons mangez marchons marchez rentrons \u00e0 l'\u00e9cole tiens voil\u00e0 monsieur l'aumonier retraite \u00e0 soixante ans bien normal mille francs par mois \u00e7a va d'soi comment rendre les hommes \u00e9gaux devant la mort sinon dans la vie rep\u00e9rage des portes de sortie foires parkings abattoirs asiles chuchotements meuglements vestiaires douches loin des cimeti\u00e8res des fours mais alors t'es obs\u00e9d\u00e9 par la mort non justement c'est pourquoi j'y renverse un peu l'audition faut avouer qu'j'ai un penchant inn\u00e9 pour cette aptitude reflet fond\u00e9 naturel qui me rend suspect comme dit l'autre j'ai de bons amis qui m'aiment au moins autant que mes ennemis mais si je sors avec un costume neuf et qu'on me renverse un seau d'eau sale sur la tronche ils jouissent ou alors paf si je re\u00e7ois un coup de barre de fer des fascistes eh mon vieux faut avouer qu'tu donnes des b\u00e2tons pour te faire battre avec tes id\u00e9es ils charrient l'imm\u00e9morial r\u00e9sidu merdeux j'veux voir qu'un seul homme gueule l'adjudant sur les rangs ah les fortes t\u00eates l'hyper-individualisme on vous matera croyez-moi ou encore quand on est coinc\u00e9 dans le ghetto visite d'une camarade haut plac\u00e9e qui vous lance mais enfin vous ne supportez personne autour de vous convenez que vous voulez \u00e9craser les autres bref la projection obstin\u00e9e ramass\u00e9e l\u00e9gale ou encore vous \u00eates compl\u00e8tement sous l'influence de votre femme impossible qu'il en soit autrement toute-puissance du principe \u00e9ternel en r\u00e9sum\u00e9 on dirait qu'ils passent leur temps \u00e0 se persuader les uns les autres qu'il peut pas y avoir sur le march\u00e9 un mec hors march\u00e9 du gratuit complet \u00e0 d\u00e9pense quelqu'un pour ressentir de plein fouet l'\u00e9ruption explosion agonie d'\u00e9veil soleil noir franchement je cherche un endroit tranquille pour m'y enfouir de fa\u00e7on \u00e0 ce qu'il soit dit ni le feu c\u00e9leste ni une temp\u00eate venue de la mer n'ont mis fin \u00e0 ses jours mais le seuil s'est ouvert devant lui l'ombre sur lui s'est referm\u00e9e c'est au pays des beaux chevaux \u00e9tranger que tu es venu dans la plus charg\u00e9e des campagnes l'\u00e9blouissante cit\u00e9 aim\u00e9e des rossignols qui modulent d'une voix limpide au c\u0153ur du ravin habitants du lierre noir comme le vin sous le feuillage imp\u00e9n\u00e9trable s\u00e9jour dieu des nymphes c'est l\u00e0 qu'il revient l\u00e0 sous la ros\u00e9e grappes lourdes dans l'\u00e9clat dor\u00e9 du safran pr\u00e8s des sources muses aphrodite conduisant mouill\u00e9e r\u00eaves d'or voici donc nos poulains nos coursiers de la mer l\u00e9g\u00e8re \u00e0 la main qu'il fait bon voir la rame sur le flot bondir plongeant surgissant voil\u00e0 tu y es ton dernier passage sais-tu encore ce que tu dis n'a-t-on pas lav\u00e9 ton cerveau ce recul pourquoi ce tremblement bras mains jambes qui te freine t'arr\u00eate te ram\u00e8ne \u00e0 toi pourquoi ces oiseaux de malheur va m'app'ler ta m\u00e8re que j'te r'fasse je lis dans tes yeux la vieille et nouvelle et toujours plus vieille et nouvelle question vieille et nouvelle \u00e9motion j'te jure mon fr\u00e8re la fuite en \u00e9gypte hors d'\u00e9gypte voil\u00e0 un des fonds t'imagines pas comme le sina\u00ef chauffe pieds nus dans le sable comme c'est aujourd'hui yom kippour kol nidr\u00e9 les troupes de golda menhir se sont retir\u00e9es apr\u00e8s avoir abattu ce qui pouvait l'\u00eatre 60 \u00e0 100 fedayins quelques paysans libanais attentats bombardements les affaires courantes o\u00f9 en est notre r\u00e9volution la t\u00e9l\u00e9 pr\u00e9sente un film sur robespierre \u00e0 la fin la m\u00e2choire fracass\u00e9e on le voit lire sur le mur la d\u00e9claration des droits de l'homme et du citoyen le destin \u00e9crit saint-just qui est l'esprit de la folie et de la sagesse belles d\u00e9clarations romaines coinc\u00e9es connerie de l'\u00eatre supr\u00eame fran\u00e7ais je vous le r\u00e9p\u00e8te l'europe attend de vous d'\u00eatre \u00e0 la fois lib\u00e9r\u00e9e du sceptre et de l'encensoir ici entr\u00e9e du camarade sade plus furieux que jamais poussant devant lui dolmanc\u00e9 madame de saint-ange cette petite poilue d'eug\u00e9nie difficile d'ouvrir la fen\u00eatre divan tapis poussi\u00e9reux suivez l'histoire de tous les peuples vous verrez toujours les rois \u00e9tayer la religion et la religion sacrer les rois on sait l'anecdote de l'intendant et du cuisinier passez-moi le poivre je vous passerai le beurre flash ici sur torrent de foutre emport\u00e9 cr\u00e9meux la communaut\u00e9 vulgivague entra\u00eenant n\u00e9cessairement l'inceste il reste peu de chose \u00e0 dire sur un pr\u00e9tendu d\u00e9lit dont la nullit\u00e9 est trop d\u00e9montr\u00e9e pour s'y appesantir o\u00f9 sont pass\u00e9s tous ces mois prairial vent\u00f4se thermidor niv\u00f4se brumaire vend\u00e9miaire flor\u00e9al ans I II III IV V quoi cinq ans pas plus jusqu'en juillet 94 ah fragilit\u00e9 libert\u00e9 cassure foul\u00e9e douce le bonheur est une id\u00e9e us\u00e9e en europe je jouis de cette poussi\u00e8re qui me constitue et qui vous parle progression d'ego par anneaux r\u00e9alit\u00e9 wirklichkeit de wirken agir en cr\u00e9ant eh bien une forme de la vie a vieilli c'est cuit am'nez la suivante qu'on sente la respiration de la brise shamm ennac\u00een je suis de plus en plus perdu \u00e9veill\u00e9 sur place pourquoi ai-je fait \u00e7a maintenant pourquoi je s'rais plus qu'un autre tout ce que j'ai pens\u00e9 est nul arri\u00e9r\u00e9 forc\u00e9 pourquoi se prendre pour le messie des cacophonies quand tout est hasard fatigue racl\u00e9e mal au ventre floc on dirait que l'enthousiasme est tomb\u00e9 avec le vent hein je n'entends plus rien pas une voix pas une ombre fini l'espace accord\u00e9 scand\u00e9 voil\u00e0 l'aile de la surdit\u00e9 l'aile membraneuse velours chiasse incassable roc plant\u00e9 gris c'est la pierre sale solide caucase et voil\u00e0 tes cha\u00eenes d'associations rongeant le foie d'autrefois pourtant cette musique devait massacrer la m\u00e9moire percuter direct le tympan non non pas l'oreille le tympan excis\u00e9 \u00e0 l'air non non pas la vieille caisse tout un cortex lucide \u00e9pluch\u00e9 couleurs brill\u00e9es d\u00e9glac\u00e9es maintenant \u00e9coutez soyez justes rep\u00e9rez les morceaux l'effort les cristaux \u00e7a tendait vers non vers quoi enfin \u00e7a tendait oui \u00e7a voulait oh oui \u00e7a voulait est-ce qu'une plainte est risqu\u00e9e pute d'homme animal rat\u00e9 y a donc pas un chat l\u00e0-dedans alors je s'rais seul on aurait commenc\u00e9 le service fun\u00e8bre eh n'empilez pas les tentures qu'est-ce que c'est ce cirque d'\u00e9toffes noires pelles pioches ronflements du feu o mort vieux capitaine il est temps levons l'ancre il y a des moments \u00e9crit le figaro du 5 juillet 1857 o\u00f9 l'on doute de l'\u00e9tat mental de charles baudelaire il y en a o\u00f9 l'on n'en doute plus c'est la plupart du temps la r\u00e9p\u00e9tition monotone et pr\u00e9m\u00e9dit\u00e9e des m\u00eames mots des m\u00eames pens\u00e9es l'odieux y coudoie l'ignoble le repoussant s'y allie \u00e0 l'infect jamais on ne vit mordre ou m\u00e2cher autant de seins en si peu de pages jamais on n'assista \u00e0 une semblable revue de d\u00e9mons de f\u0153tus de diables de vermine ce livre est un h\u00f4pital ouvert \u00e0 toutes les d\u00e9mences de l'esprit \u00e0 toutes les putridit\u00e9s du c\u0153ur et voil\u00e0 c'est simple art d\u00e9g\u00e9n\u00e9r\u00e9 d\u00e9cadent \u00e7a court encore les rues essayez le test l'essentiel camarade c'est la construction du parti renforcer l'orga quoi l'orga l'orga quoi l'organisation tiens ah oui l'orga organique orgone orgasme appareil fantaisie pour orga merde \u00e7a va pas recommencer profitons du desserrement d\u00e9compression pourriture le r\u00e9gime s'effrite l'europe a casqu\u00e9 \u00e7a s'd\u00e9place plut\u00f4t vers japon moyen-orient inde ici formolisation verrouill\u00e9e pour l'occidental t\u00e9tanos d'ensemble des rapports sociaux d'o\u00f9 sujet d\u00e9fonc\u00e9 hallucin\u00e9 morcel\u00e9 tour d'\u00e9crou rongeur en vrill\u00e9 \u00e0 chacun selon ses besoins \u00e0 chacun selon ses capacit\u00e9s tu parles mais si mon contenu pr\u00e9cis\u00e9ment c'est l'ensemble comment me donner l'ensemble \u00e0 moiti\u00e9 imaginez le puits le chantier j'\u00e9cris parmi les pistons creuset du broyeur argile four ordinateur d\u00e9r\u00e9gl\u00e9 imaginez l\u00e0-dedans un os en train de flipper \u00e0 quoi bon caillou dans quel int\u00e9r\u00eat et lui obstin\u00e9 dans sa fosse avenir radieux chemin tortueux in\u00e9narrable quoi louf maboul dingue siphon\u00e9 givr\u00e9 disant je suis comme eux tous j'imagine volontiers dieu avec une queue n'\u00e9jaculant jamais jouissant comme une femme les enculant tous mobile tombant sur leur deux \u00e0 deux quand il veut de toute fa\u00e7on o\u00f9 est-il celui qui ne sort pas de leur ventre en recommen\u00e7ant l'th\u00e9or\u00e8me donc faut bien qu'un trait invisible se d\u00e9place dans l'atmosph\u00e8re \u00e0 travers la trame faut bien quelque part un croupier pour pousser la roue l'inqui\u00e9tante \u00e9tranget\u00e9 je vais te dire ce que c'est simplement le pet voil\u00e0 un \u00e9v\u00e9nement qui a toujours l'air de venir d'un autre monde fragment d'oracle \u00e9cras\u00e9 ne pas oublier que les pr\u00eatres de dodone s'appelaient comme par hasard les selles couch\u00e9s sur le sol \u00e9coutant le vent dans les ch\u00eanes marquant sur leur plomb tablettes des r\u00e9ponses agit\u00e9es d'en haut bref l'esprit souffle o\u00f9 il veut quand il veut ce cher gazo-ma\u00eetre mais il nous manque un espace feuillu t\u00e9m\u00e9nos pour mieux l'\u00e9couter roucouler adouci l\u00e9ger en colombe alors juste apr\u00e8s la douche une voix sortit des nuages et dit voici mon fils bien-aim\u00e9 donc je reprends jamais on ne rit ni ne pleure ni ne p\u00e8te sans l'aveu d'un dieu toujours le temps interminable fait ainsi grandir le cach\u00e9 sombrer le montr\u00e9 inutile de consulter les aruspisses ou les \u00e9rospuces c'est pas dans les poulets qu'tu trouv'ras jamais ton dossier mieux vaut te taper une crise idiote en muichkine souvenir d'la maison des morts qu'a-t-il \u00e9crit voici l'homme est un animal qui s'habitue \u00e0 tout jugement serr\u00e9 indiquant comment ils se cachent coll\u00e9s \u00e0 la cicatrice essayant d'entendre son circuit ourl\u00e9 d\u00e9grad\u00e9 pas vrai pan tout grand coureur de rivages danseur aigu du mondain vas-y vas-y elles t'attendent les fra\u00eeches les jolies les fleuries vas-y pan pan donne ta pansomme ah la pans\u00e9e pantomime en \u0153il passion de typhon poteaux bris\u00e9s arrach\u00e9s fauch\u00e9s quelle java avec les pneus firestone restez sur terre roulez plus loin avec shell sd lisez intimit\u00e9 du foyer une fois vos volets ferm\u00e9s les mordus d'la moto notre nouvelle enqu\u00eate notre jeu gastronomique chasse au snack d\u00e9tails sur nos derni\u00e8res fus\u00e9es je reprends au fond la\u00efos a d\u00e9sob\u00e9i \u00e0 l'oracle qui lui interdisait de procr\u00e9er mais comme d'autre part il \u00e9tait p\u00e9d\u00e9 comme tout le monde et qu'il est cens\u00e9 s'\u00eatre oubli\u00e9 un jour dans une femme on voit le programme \u00e0 savoir qu'elle en a voulu pr\u00e9cis\u00e9ment de \u00e7ui-l\u00e0 quitte \u00e0 s'en d\u00e9barrasser une fois n\u00e9 de toutes fa\u00e7ons ce cercle devient vicieux de quelque c\u00f4t\u00e9 qu'on l'encercle ce n'est qu'un au revoir mes fr\u00e8res un au revoir circulaire quant \u00e0 toi rentre-toi la vue la voix les oreilles le cu souffle \u00e0 pattes redeviens tortue et voil\u00e0 tu flottes non ne regarde rien plonge bien la verit\u00e0 germoglier\u00e0 dalla terra e la giustizia si affaccer\u00e0 dal cielo pas sorcier y a qu'\u00e0 compter sur l'\u00e9quilibre immanent blanc noir noir blanc et noir noir blanc blanc hier demain apr\u00e8s-demain dans mes mains pas ici hors d'ici le putain le mourant et le moche aujourd'hui ainsi je suis n\u00e9 de qui je ne devais pas je suis uni \u00e0 qui je ne dois pas j'ai tu\u00e9 qui je n'aurais pas d\u00fb et c'est donc cela qu'on appelle un homme les lois n\u00e9es dans le ciel si\u00e8gent sur les hauteurs aucun mortel ne les a engendr\u00e9es jamais l'oubli ne les endormira une grande force les habite qui ne vieillit pas je g\u00e9mis mon cri strident monte de ma bouche il r\u00e9p\u00e9tait ce cri et ne cessait de frapper sous ses paupi\u00e8res le sang de ses prunelles ruisselait sur ses joues non pas un suintement de sang mais une sombre averse une gr\u00eale pluie de caillots double deuil double malheur on reconna\u00eet l\u00e0 le moment sp\u00e9cifique o\u00f9 une fois sur dix milliards quelqu'un passe par le d\u00e9troit je demande qui a pu peut pourra embrasser ainsi sa m\u00e8re profonde \u00e0 la bouche et sentir monter rayonnante la triple et une jouissance celle du point m\u00e9dian du milieu dor\u00e9 noces noces vous m'avez fait na\u00eetre puis vous avez fait lever \u00e0 nouveau la m\u00eame semence l'image de l'homme a des yeux mais la lune elle de la lumi\u00e8re douleur d'\u00eatre de ce qui ne meurt pas et que la vie jalouse bon c'est d\u00e9cid\u00e9ment le moment de redevenir dauphin lui dans la profondeur de la mer sans vague \u00e9mu par le chant des fl\u00fbtes chant de la nature dans le vent quand les nuages pendent par-dessus l'\u00e9mail en ce temps-l\u00e0 chaque \u00eatre d\u00e9clare son ton sa fid\u00e9lit\u00e9 la mani\u00e8re dont il tient en soi-m\u00eame ensemble seule la diff\u00e9rence fait alors la s\u00e9paration dans la nature et donc tout est plus chant et voix pure qu'accent du besoin ou de l'autre c\u00f4t\u00e9 langue c'est la mer sans vague o\u00f9 le poisson mobile sent le sifflement des tritons l'\u00e9cho en croissance dans les tendres plantes de l'eau viens visitons un peu l'aquarium draps volants chat tigre anguille congre \u00e9toiles traits lents rapides feuilles points bomb\u00e9s renferm\u00e9s les visiteurs sentent toujours que ce sont eux les prisonniers d\u00e9plac\u00e9s notre malheur d'animal est d'\u00eatre l\u00e0 tu vois eux n'y sont pas une seconde derri\u00e8re les vitres ils sont l'irisation la noirceur le reflet non rentr\u00e9 du tour pas d'ab\u00eeme comme chez nous entre eux et la bouffe pas de cassure en sein d'\u00e9l\u00e9ment mais si nous sommes la n\u00e9gation alors poursuivons entassons notre sanglante poussi\u00e8re ah ces grecs bordel ce cinqui\u00e8me si\u00e8cle avant j\u00e9sus-christ ou comme disent les autres pudiquement notre \u00e8re je leur prends cette forme kommos dialogue du chant\u00e9 parl\u00e9 qui dit mieux pour ouvrir les comptes pas l\u00e9gende des si\u00e8cles hein mais r\u00e9alit\u00e9 dur\u00e9e mille apr\u00e8s tout p\u00e9an veut dire gu\u00e9risseur et j'ai l'impression qu'on a besoin d'une sacr\u00e9e dose pas vrai mon beau ma bizarre si t'aimes le tourbillon fais-moi rond ce qui nous manque ici c'est un masque et encore un masque pr\u00e9tendre se pr\u00e9senter \u00e0 visage d\u00e9couvert quelle folie quand du front ivre une autre raison jaillit ce que j'aime chez toi c'est que tu demandes ni o\u00f9 ni comment on arrive on part on revient et le feu tout seul se rel\u00e8ve moelle filtr\u00e9e des cheveux aux pieds a\u00ef aya\u00ef tu as gard\u00e9 ce hal\u00e8tement l'empreinte du fleuve miel submerg\u00e9 j'aime \u00eatre l'instrument bandant qui te lance ce n'est plus toi ni moi ni aucun ni rien quand l'\u00e9clat se fait la s\u00e9paration press\u00e9e l'autre au centre foyer divis\u00e9 montant \u00e9tonnant pas vrai qu'on ait ce tir en nous-m\u00eames dessous en dessous les images sous le gris savoir mais comment font-ils pour se balader l'air de rien que racontent-ils qu'est-ce que cette histoire d'interdit en d\u00e9finitive y a donc le torrent happeur c't'\u00e9norme pansement de conneries \u00e7a va durer encore longtemps attention faut pas tout confondre ce qui dure ne dure ne va pas chercher l'ordure du temps voil\u00e0 pourquoi l'inconscient s'en fout autrement dit l'enveloppe allons mettez vos scaphandres coulez-vous grenouilles ne demandez pas un roi oui je le redis les bords du gange ont entendu le triomphe venant de l'indus \u00e9veillant dans le vin les peuples de tout temps pareil au vert des pins qu'il aime au lierre qu'il a choisi pour couronne nuage couvrant la vall\u00e9e b\u00e9ante combat roc oscillant bouillonnant et voici les heures se m\u00ealent dans un ordre plus audacieux et l'\u00e9clair des sources retombe neige poudreuse mouvement devenir tuyaux d'orgues et une \u00e9trang\u00e8re vient vers nous cassant le sommeil la voix fa\u00e7onneuse d'hommes car les noms sont comme le souffle du matin ils deviennent r\u00eaves tombent empoisonnent si personne n'est l\u00e0 pour les comprendre viens donc feu nous avons soif d'assister au jour mais comment avance un fleuve comment creuse-t-il blanc longtemps son passage que d\u00e9signe-t-il dragon sous son lit pourquoi est-il frein\u00e9 comme je le suis et pourtant il pousse taureau un signe lui est n\u00e9cessaire qui porte soleil et lune dans son c\u0153ur qui pense d\u00e9j\u00e0 l'envers des parois si la roche appelle l'entaille et la terre le sillon et l'air cette bu\u00e9e de bruit qui s'efface la grappe repose sur les feuilles fauves du vin et souvent comme un incendie \u00e9clate la confusion des langues la troisi\u00e8me vague encore plus violente donc apprends \u00e0 te dissoudre correctement \u00e9coute cette le\u00e7on noire pliss\u00e9e enfonc\u00e9e capte ce que dit ta r\u00e9tine les \u00eeles sont des prunelles o\u00f9 ces choses ont \u00e9t\u00e9 \u00e9crites avec la mer comme sol les montagnes et les volcans comme tables et autour flottaient les navires bariol\u00e9s d'ulysse \u00e0 la coque rouge et toi la verge et l'enclume vulve en coin faucille \u00e7a te rend marteau le vert para\u00eet appelle les montagnes d'argent l'homme n'est pas un loup mais un coup pour l'homme chaudrons tertres tumuli fleuris j'allais me cacher l\u00e0 en \u00e9t\u00e9 on disait qu'ils \u00e9taient enterr\u00e9s debout sur leurs chevaux avec armes vases colliers ex-voto quel concert sous les peupliers frissonnants quel appel de gorge terreuse on dit qu'ils restaient nus pour ne pas g\u00eaner les rayons du corps faut-il en croire loxias avec sa cithare ph\u00e9bus l'oblique doigts sur les cordes de la vigne au laurier pr\u00e8s des g\u00e9raniums des figuiers oui restons encore un peu par ici le d\u00e9sir ne se laisse pas saisir il flamboie tout \u00e0 coup dans l'ombre avec le destin des tribus ou encore ce qui a m\u00fbri sous son front ne tombe pas sur le dos car ses voies sont imp\u00e9n\u00e9trables ou encore la pale de rame et gr\u00e9\u00e9 de lin l'abri de bois qui tient la mer m'ont men\u00e9 sans orage sous les brises ou encore sur d'\u00e9tanches navires \u00e0 l'\u0153il bleu fonc\u00e9 vogue la chance de l'arm\u00e9e nocturne ou encore que jamais je ne revoie le flot f\u00e9condant o\u00f9 s'exalte et s'accro\u00eet prolifique le sang des humains en barque en barque l\u00e0-bas vite bon gr\u00e9 mal gr\u00e9 de force de vive force en route ou encore quel bruissement quelle odeur obscur\u00e9ment m'approche divine humaine semi-divine par des lois neuves il gomme les anciens colosses ou encore au fond de moi la convulsion le d\u00e9lire se rallument l'aiguillon d'acier me pique voil\u00e0 le souffle de fr\u00e9n\u00e9sie heurtant au hasard le courant hagard ou encore je sais les messages dont il nous assomme en v\u00e9rit\u00e9 les dieux je les hais subir la haine de qui nous hait n'est pas indigne et je suis malade si c'est l'\u00eatre que de ha\u00efr ses ennemis la haine est plus ancienne que l'amour que la foudre tombe donc sur moi que l'air soit secou\u00e9 du tonnerre que la tornade \u00e9branle les racines que les flots de la mer embourbent les c\u00e9lestes parcours qu'il jette mon corps au creux du tartare dans les solides tourbillons de la fatalit\u00e9 il ne me fera pas mourir ou encore qui donc sinon quelque invisible dans sa prescience du sort a pu si bien accorder langage et destin et nommer cette fille de guerre et de discorde h\u00e9l\u00e8ne car elle est la haine elle est la ni\u00e8me roue du carrosse de la nullit\u00e9 ou encore aigu \u00e0 faire dresser les cheveux du fond de la demeure du fond du sommeil criant vengeance le r\u00eave proph\u00e8te soudain clame l'effroi s'abattant avec force sur la chambre des femmes ou encore oyo\u00ef je scande les accents sur ma poitrine on peut voir \u00e0 coups press\u00e9s multipli\u00e9s l'\u00e9lan de ma main qui frappe de haut de loin et sonore ma pauvre t\u00eate retentit de chocs ou encore voici le moment d'aller le visage voil\u00e9 se cacher \u00e0 pas furtifs et assis au banc de nage rapide de lancer ma nef sur la mer ou encore toi qu'enfante en se d\u00e9pouillant la nuit diapr\u00e9e et qu'elle recouche dans les flammes soleil soleil je le demande o\u00f9 suis-je qui ne suis-je pas ou encore allons et avant que le mal se r\u00e9veille scelle d'un tenon d'acier ta bouche de pierre contiens tes hurlements pour accomplir dans la joie cet acte que tu n'as pas voulu ou encore \u0153il du jour d'or tu luis te voil\u00e0 sur les sources n\u00e9 des yeux tu triomphes d\u00e9sir la d\u00e9esse invincible se rit de tout that's the end folks it was a paramount picture hellenic sunbeam couleurs by de luxe tout le monde descend o\u00f9 en \u00e9tais-je ah oui on peut dire qu'un des probl\u00e8mes de l'hyst\u00e9rique est d'unifier la femme sous l'id\u00e9e grand-homme ce qui fait que le bal devient vraiment tr\u00e8s charg\u00e9 o\u00f9 \u00e9tait-ce \u00e0 l'eldorado de temps en temps on d\u00e9couvre une petite assassin\u00e9e dans les bois \u00e9trangl\u00e9e mais pas viol\u00e9e c'est des manies de notaire qu'est-ce que tu lis le dernier num\u00e9ro de rh\u00e9torique y a un article du camarade trissotin mortel comme d'habitude regarde un peu cette photo des coureurs noirs en train d'se gratter les couilles pendant qu'on joue l'hymne p\u00e2le am\u00e9ricain et la d\u00e9couverte de l'hebdo usa-urss love story pas mal non moi c'que j'aime c'est les japonais \u00e0 p\u00e9kin pr\u00e9sentant leurs excuses pour les regrettables incidents du pass\u00e9 on en mangerait des \u00e9poques comme \u00e7a qui a battu qui qui battra quoi qui n'a pas fait son qui ou son quoi y aurait comme qui dirait un plouf sous la base \u00e7a commence en trag\u00e9die \u00e7a finit en farce apr\u00e8s les \u00e9gorgements vient aristophane d\u00e8s le quatri\u00e8me si\u00e8cle d\u00e9clin puis quelques si\u00e8cles puis rien puis encore quelques si\u00e8cles \u00e7a repart toujours une couche ou une autre par exemple le bronze en orient puis le fer \u00e0 charbon \u00e0 cause des for\u00eats d'occident et voil\u00e0 dagda avec sa massue et le jeune lug avec son javelot et sa fronde porte de l'anwynn monde souterrain femme cheval venue par les steppes jambes nues crois\u00e9es pubis agressif queue de poils balayant la terre hou ces cuisses nerveuses hou ce regard \u00e9tant donn\u00e9 que la n\u00e9gativit\u00e9 est le tournant dans le mouvement du concept faut bien avouer qu'la plupart n'arrivent pas jusque-l\u00e0 je dirai m\u00eame qu'ils ont une fa\u00e7on caract\u00e9ristique de d\u00e9raper sur les franges et pourtant dixit hegel soulign\u00e9 par l\u00e9nine la n\u00e9gation de la n\u00e9gation est le moment le plus int\u00e9rieur le plus objectif de la vie d'o\u00f9 sujet libert\u00e9 et tutti quanti passages qui donnaient des cauchemars \u00e0 staline idem pour les nouveaux tsars idem pour les camarades qui entrent dans la politique pour \u00e9viter certaines questions d'o\u00f9 conseil n'oubliez pas un r\u00e9troviseur dans vos bulles conceptions du monde je r\u00e9sume qu'est-ce qui est boulevers\u00e9 depuis un si\u00e8cle un le sexe deux l'histoire et trois quoi la stabilit\u00e9 mentale via la crise monnaie biologie glissade continentale en asie et dire qu'on appelle \u00e7a les stup\u00e9fiants ah ah stup\u00e9fi\u00e9s vous-m\u00eames y para\u00eet qu'mao fume que des camels turkish and domestic blend minarets palmiers pyramides c'est vrai qu'il a l'air cam\u00e9 d\u00e9fonc\u00e9 planant carapace ronde lune cuivr\u00e9e reflet enfonc\u00e9 dans l'eau plouf allez donc chercher la dialectique \u00e0 c'te profondeur bonne chance retour en m\u00e9duse ondulation des parcours le plus court chemin d'un point \u00e0 un autre n'est jamais la ligne droite car si t'arrives trop t\u00f4t c'est trop t\u00f4t et tout d'suite apr\u00e8s c'est trop tard bong le manque d'analyse t'envoie t'\u00e9craser en mongolie sanction de l'a priori un r\u00e9viso voit pas l'unit\u00e9 du proc\u00e8s un dogmato en comprend pas la complexit\u00e9 voil\u00e0 les deux p\u00f4les qu'on voudrait nous imposer pile ou face si vous y croyez ou pas c'est comme \u00e7a et en effet la plupart y croient tout \u00e0 fait et pas du tout \u00e0 la fois curieuse bascule enfin nom de nom combien de temps faudra-t-il pour vous assouplir l'envers dans l'endroit dans quel but eh bien respiration large matin\u00e9e bleue l\u00e9ger vent de toi en toi pour toi vers toi-m\u00eame formes d\u00e9coup\u00e9es nettes n\u00e9ant accueillant th\u00e8me g\u00e9n\u00e9ral partout nulle part travers\u00e9e des uns ou des autres communication \u00e9lanc\u00e9e calme jeu des plantes excavations fouilles de type renaissance simple lutte entre ancien faux vrai nouveau disparition vapeur sang d'exploite plus de races de castes de famille \u00e0 soi mais oui l'utopie c'est vous c'est pas moi r\u00e9alit\u00e9 ou plaisir fini le faux choix avec peur d'la fauche manuel intellectuel dans l'intellectuel manuel d\u00e9p\u00e9rissement de l'\u00e9tat que veux-tu j'aime l'horizon o\u00f9 la pens\u00e9e touche faucille \u00e9toiles cerveau dans la main enfin pourvu que la main reste ouverte que l'\u0153il \u00e9coute que l'oreille voie nous sommes des b\u00eates des anges et plus simplement des atomes de b\u00eate et d'ange des comprim\u00e9s r\u00e9sum\u00e9s pschitt orange un r\u00e9seau constant de lueurs nous sommes pelage marin glacier feuilles fourrures pierre vapeur plumes d'ondes et surtout la capacit\u00e9 d'annuler j'ai dit allons bon voil\u00e0 qu'\u00e7a m'reprend l'marathon le coureur de fond je suis s\u00fbr qu'mon visage se d\u00e9forme gonfle plus on s'approche et plus tout r\u00e9pond la nature est un temple o\u00f9 de vivants piliers commencent \u00e0 remuer vachement si on s'y attache comme si on \u00e9tait dans un stade une ar\u00e8ne foule dress\u00e9e tendue fracas des voix pour l'image oui oui y savent tous de quoi il est r\u00e9ellement question sous ce masque ballon dans l'filet ligne d'arriv\u00e9e tremplin saut uppercut du gauche lente valse \u00e0 la muleta dans le soir sableux voile fontaine rouge le piston du d'sous la limite entr\u00e9e saccad\u00e9e l'\u00e9p\u00e9e or le ressort n'est pas l\u00e0 pour \u00e7a que deviennent plus tard ces d\u00e9charges pour \u00eatre en forme faites comme les sportifs \u00e9liminez les toxines buvez vos cellules 24 h avant votre achat le poisson est encore en haute mer rentrez chez vous ascenseur cuisine enti\u00e8rement \u00e9quip\u00e9e avec plaques \u00e9lectriques deux feux \u00e9vier inox meuble sous-\u00e9vier r\u00e9frig\u00e9rateur chauffe-eau \u00e9lectrique salle d'eau moquette chauffage quelques uns demandaient un peu plus de nervosit\u00e9 le nouveau mod\u00e8le les attend consommation r\u00e9duite pour embouteillages mieux que la pilule la mini-pilule 100 % d'efficacit\u00e9 lisez le plus court sentier de la femme \u00e0 la f\u00e9minit\u00e9 finalement qu'est-ce qui les int\u00e9resse bandes dessin\u00e9es cocufiages cures de rajeunissement r\u00e9v\u00e9lations enfants naturels on a pu prouver qu'hitler n'avait qu'un testicule de tr\u00e8s mauvaises dents une haleine infecte saviez-vous qu'un gisement d'uranium au gabon fonctionnait il y a un milliard d'ann\u00e9es comme une pile \u00e0 l'\u00e9poque pauvres de nous \u00e0 peine si nous \u00e9tions quelques algues voil\u00e0 l'oxyg\u00e8ne je tremble en pensant \u00e0 hiroshima levez les bras \u00e0 moiti\u00e9 tournez-les d'avant en arri\u00e8re voil\u00e0 oui et maintenant r\u00e9p\u00e9tez avec moi j'ai plus l'air d'un con qu'd'un moulin \u00e0 vent benedicat vos omnipotens deus oh j\u00e9rusalem chanaan m\u00e9sopotamie message posthume son samas enuma elis oh l'indian sumer en cylindre ziqqurat super flumina babylonis tympanons sceaux briques d\u00e9mons lilu lilitu undat lili en moins 539 arriv\u00e9e d'cyrus en moins 323 mort d'alexandre arallu arallu barque d'humuttabal elle dit tu comprends toi tu es dans la mort mais moi j'ai besoin d'un peu de chaleur je ne demande pas la lune simplement un morceau pour moi bien \u00e0 moi pour toi c'est diff\u00e9rent t'as tout eu viande habits voiture cin\u00e9ma tu n'as jamais eu faim ou froid m\u00eame la maladie est un luxe pour les exploiteurs poss\u00e9dants lettr\u00e9s mandarins scribes alors l'id\u00e9ologie du sacrifice hein mon \u0153il les rites avec sang d'chevreau musique co\u00eft \u00e0 pic en divinit\u00e9 ouais ouais \u00e0 d'autres et pour nous qu'est-ce qui reste vague magie tassement sign\u00e9 dans le foie sp\u00e9culation sur les astres les restes quoi incubes succubes main sur les l\u00e8vres aplatissement du nez claquement de doigts tu me fais rire avec ton hymne \u00e0 istar son haleine est miel sa bouche est la vie c'est vieux ces machins \u00e7a vaut pas une soir\u00e9e \u00e0 l'alcazar avec les copains les balancements face \u00e0 face l'pantalon moulant pomme d'adam on veut le fr\u00f4lement s\u00e9cr\u00e9tion pas ta mort politique tout \u00e7a alors qu'est-ce que j'fais d'mon truc tu peux l'enterrer le br\u00fbler le foutre au tiroir du pareil au m\u00eame ah bon et pourtant elle tourne \u00e0 jamais dans le vieillissement des jours pour l'\u00e9ternit\u00e9 pour le restant des jours que celui qui verra cette tombe ne l'ab\u00eeme pas mais qu'il la r\u00e9pare l'homme qui verra cette inscription ne l'oubliera pas et dira il faut que je r\u00e9pare cette tombe le bien qu'il aura fait qu'il lui soit rendu qu'en haut son nom soit beurr\u00e9 qu'en bas sa pens\u00e9e s'abreuve d'eaux pures \u00e9mouvante n\u00e9vrose \u00e0 travers le temps sogdiens saces bactriens oss\u00e8tes m\u00e8des perses toboggan tapis d'os d\u00e9bris d'oc\u00e9ans yatha ahu vairyo vas-y gayomart laisse tomber ta goutte les ch\u00e9ris y croient s'd\u00e9barrasser d'l'inceste en cachant l'tunnel oh oh on manque pas de pr\u00e9tentions par ici mais vraiment vous ne sentez pas une odeur un rien une paille un filet fum\u00e9 personne n'a une lampe de poche rien d'meilleur que d'voir devant soi une face ahurie mazda was was dit la vache dans son p\u00e2turage was ist das warum on dirait qu'ils essayent de ramener le th\u00e9\u00e2tre \u00e9tiez-vous \u00e0 perc\u00e9e police pas trop chiant pas rasoir non non fantastique civilisations superpos\u00e9es symbolisme tous azimuths rien ne manquait m\u00eame pas les ex\u00e9cutions d'\u00e9tudiants je veux dire communistes bien s\u00fbr en rentrant nous sommes pass\u00e9s par ath\u00e8nes on exag\u00e8re beaucoup sur ces colonels le pays \u00e0 l'air pacifi\u00e9 tranquille les murs doivent \u00eatre capitonn\u00e9s en tout cas nous n'avons pas entendu un cri un soupir eh bien puisqu'on cause un peu voici ma nouvelle mille manifestants dans le quartier ouvrier de horta \u00e0 barcelone contre le conseil de guerre qui doit juger sept militants ainsi va le monde bien mal et bien dans le mal souvenir de montjuich sous les lauriers roses fa\u00efence bleu blanc des bordels rambla de las flores ap\u00e9ritif \u00e0 l'oriente sardines sur la jet\u00e9e pr\u00e8s du phare que bonitos ojos tienes oh mais tu chantes juste avec \u00e7a toute fleurie transparente rond de sueur sous les bras le mot parpadear o\u00f9 est-elle ce soir en argentine au chili elle voulait voir les andes on en discutait apr\u00e8s la r\u00e9union je connaissais mieux qu'elle la guerre civile o\u00f9 pourtant son p\u00e8re avait \u00e9t\u00e9 fusill\u00e9 \u00e9videmment toi avec ton passeport donnez-moi les papiers je les passe en douce hasta luego adios c'est elle qui l'a propos\u00e9 dans les jardins sur un banc en bas le port lumineux souffle long grenade toujours toujours l'histoire est m\u00eal\u00e9e \u00e0 une saveur \u00e0 un bruit cela dit faudrait quand m\u00eame purger un peu l'atmosph\u00e8re moment venu de l'effort inverse nage \u00e0 contre-courant pour y voir plus clair la puret\u00e9 aussi a son charme le plus comique c'est qu'on s'ra bient\u00f4t en train d'la d\u00e9fendre comme un vice degr\u00e9 a\u00e9r\u00e9 super allez sursum corda visibilium et invisibilium be puck allora tu sei l'angelo della morte pourquoi pas regarde comme c'est bien peint alberegno seconde moiti\u00e9 14e j'aime les ciels bleu d'or comme \u00e7a feuillet\u00e9s voil\u00e9s nous sommes ici dans un temps \u00e0 la fois lin\u00e9aire cyclique infini fini avec transfini donc limit\u00e9 dans illimit\u00e9 deux cadres p\u00e8re baise fille donnant fils qui attaqu\u00e9 par deuxi\u00e8me principe meurt et f\u00e9conde sa m\u00e8re le mal n'a pas l'espace mais seulement une moiti\u00e9 du temps c'est en vain que la druj essaye de freiner les astres \u00e0 la fin vient hic nunc qui all\u00e8ge un peu le tirage tout \u00e7a postlogique au dernier degr\u00e9 mais chut entend qui veut sous la page o voi ch'avete l'intelleti sani n'oubliez pas que nous avan\u00e7ons un bandeau sur les yeux dans cette mer d'encre la plupart des r\u00eaves vont plus vite que l'analyse et le sens maintenant est tellement enracin\u00e9 dans la terre qu'il faut une violence \u00e9gale pour le soulever tiens voil\u00e0 le vieux qui s'am\u00e8ne il vient tous les jours sous ma fen\u00eatre bien entendu il ne sait pas que je suis l\u00e0 et m\u00eame s'il le savait il ne saurait pas qui je suis mais qu'est-ce qu'un vieillard sa frondaison se dess\u00e8che il chemine sur trois pieds et pas plus fort qu'un enfant tel qu'un songe en plein jour il vague le voil\u00e0 donc avec son chapeau son \u00e9charpe sa canne on dirait un lion maigre transparent d'alb\u00e2tre un profil d'\u00e9cume il salue un instant ses cheveux flottent pr\u00e8s du canal il s'assoit commence \u00e0 tripoter ses mains ses veines comme des fourmis dans une fourmili\u00e8re d\u00e9truite voil\u00e0 il regarde en douce froid rus\u00e9 d\u00e9phas\u00e9 quel os quelle peau s\u00e9ch\u00e9e et dire qu'un type comme \u00e7a a \u00e9t\u00e9 fasciste l'envers des folies l'erreur faut dire qu'on est vraiment aux antipodes au soleil moi \u00e0 ma table et lui en contrebas sur sa chaise dr\u00f4le de sc\u00e8ne avec l'histoire dispers\u00e9e partout la ville s'enfonce lentement les balcons pourrissent la pierre est rong\u00e9e barbe grise je le vois sous sa b\u00e2che en cage \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de pise comptant les hirondelles sur les fils souvenir d'guido d'arezzo ah le chinois eh oui le chinois aujourd'hui m\u00eame les journaux publient une photo de mao recevant les japonais apr\u00e8s 35 ans de guerre hostilit\u00e9 s\u00e9culaire il offre au premier ministre po\u00e8te m\u00e9diocre genre for\u00eat d'automne les dix volumes reli\u00e9s de chu yuan 3e si\u00e8cle av. j-c sous-entendu lisez \u00e7a vous f'ra faire des progr\u00e8s assis flottant souriant absent comme sur un nuage derri\u00e8re lui les tiroirs fichiers \u00e9tiquettes sur la table les livres qui g\u00eanent les diplomates le petit crachoir en fa\u00efence la tasse de th\u00e9 n'emp\u00eache que les cantos pour ici sont une sacr\u00e9e date dommage qu'il ait pris john adams pour marx les po\u00e8tes sont faibles en \u00e9conomie politique ils m\u00e9langent tout exag\u00e9rations intuitions mais du sel alors voil\u00e0 on \u00e9coute on distingue les apparitions les briques le bateau vermillon les murs d'ocre et les rides de l'eau on est comme sur une corniche du purgatorio avec g\u00e9raniums vent l\u00e9ger pr\u00e9sages discrets et l'\u00e9ternel me dit passe vite and the thrones remember'd me glissent les remorqueurs tombent les heures ce n'\u00e9tait pas l'usure qu'il fallait attaquer mais la plus-value sans quoi r\u00e9gression fermeture du bas-ventre thorax raide on dirait maintenant qu'il va rentrer directement dans les murs le ciment dans le blanc du bleu sous les mouettes vom vom des sir\u00e8nes air d'eau air d'eau courant d'eau on dirait qu'il y a des ailes contre les fa\u00e7ades parmi les filins les m\u00e2ts autour des bou\u00e9es pench\u00e9es bois ton caf\u00e9 vieux chanteur bois ton verre d'eau fra\u00eeche de nouveau il a ce geste avec ses mains d\u00e9charn\u00e9es de nouveau il jette un coup d'\u0153il sur une ou deux femmes trois pigeons deux chats sur le traghetto et les anges l\u00e0-haut tenant leur roue dans la niche \u00e9glise devenue administration de la compagnie dedalus entre le p\u00e9trolier providentia de monrovia le transat appolonia d'ath\u00e8nes l'adriatique est une tache de lac dans la mer un glacier immerg\u00e9 coupant froid miroir le retournement des c\u00f4tes les id\u00e9ogrammes se tracent brouill\u00e9s sans poignets un \u00e9tudiant d\u00e9plie lotta continua pr\u00e8s de lui quel raccourci sans paroles est-il gai angoiss\u00e9 la prunelle fig\u00e9e en radar ou compl\u00e8tement out dans l'oubli myst\u00e8re point dans l'ombre t\u00eate lumi\u00e8re alors on aurait deux cr\u00e2nes pas exactement mais tu sais bien que nous n'habitons qu'un versant et encore une part du versant et encore \u00e0 peine un lacis un \u0153il sur la pente c'est sensible parfois au r\u00e9veil tu t'endors tu rouvres les yeux comme un nain battant sa campagne au-dessus de toi le tapis planant d'un g\u00e9ant d'o\u00f9 l\u00e9gende \u00e0 titans peut-\u00eatre mais qu'est-ce qui nous \u00e9jecte nous tient hors courant un n\u0153ud une paille un piment qu'est-ce qui nous endort dans ce coffre-fort vagin cave l\u00e0-dessus pens\u00e9e d'un autre aquilin fendu critique mais ferme retourn\u00e9 dedans il sent le savoir m\u00fbrir en squelette comme un vin rabbin doux glac\u00e9 enferm\u00e9 dans l'ancienne torah avec ses rouleaux sa housse fond de velours brun tiare d'or et dionysos aussi dit-on portait une mitre \u00e9voh\u00e9 nysaios le cri des bacchantes danse au flambeau pour courir l'cosmos et hypnos qui s'plaint j'peux pas l'approcher j'peux pas l'endormir donc d'o\u00f9 \u00e7a vient cet engorgement cette hypnose \u00e8ve tronc serpent bouche pomme con couvert de feuilles main fruit vers adam de dos renvers\u00e9 bais\u00e9 les voil\u00e0 chass\u00e9s sous les arbres c'est vrai qu'elles en savent plus mais alors allez-y dites-le qu'on reprenne \u00e7a si on peut quel travail pour se coucher propre dans des draps propres sentir sa nuque \u00e0 colonne acceptant le rien dans ses reins pas une \u00e2me \u00e0 travers l'\u00e9glise des bouquets d'bougies comme partout ailleurs c'est l'encens billets griffonn\u00e9s soucoupes eau b\u00e9nite les journaux du coin famiglia cristiana odeur de cire fleurie des enfants chantent sa gloire dans le style pop ils ont l'air de s'amuser avec le cur\u00e9 \u00e7a persiste alors on n'a pas le choix entre la force et le refoul'ment la z\u00e9brure et le sparadrap le sang et l'\u00e9corce que serait la forme d\u00e9coup\u00e9e vid\u00e9e emport\u00e9e mais au moins affirm\u00e9e deux fois ils se rendent pas compte qu'ils disent que l'identit\u00e9 est une diff\u00e9rence en marquant simplement que l'identit\u00e9 est diff\u00e9rente de la diff\u00e9rence sans quoi restez dans les \u00e9l\u00e9ments personne n'en demande autant personne n'oblige personne \u00e0 saisir l'un deux en cadence prego scusi por favor et au nord tu crois pas qu'c'est mieux pour l'anesth\u00e9sie s\u00fbrement chacun pour soi la porno pour tous god save the queen carnets de princesses observe qu'on est oblig\u00e9 de d\u00e9fendre un \u00e9crivain religieux en urss soupir de l'\u00e2me opprim\u00e9e naturalisme remake tolsto\u00ef sans passions la bourgeoisie esp\u00e8re que \u00e7a \u00e9voluera dans ce sens c'est d'ailleurs probable client\u00e8le \u00e9norme pour naturalisme l'important pour elle est d'imaginer qu'on est avant 14 qu'on reste dans le 19e \u00e0 tout prix sans quoi o\u00f9 va l'homme leur th\u00e9orie fend les nues mais leurs corps patinent dans le roman belle \u00e9poque remarque je dis tout \u00e7a sans crier dans le cours press\u00e9 du reflet \u00e9trange qu'on n\u00e9glige toujours en pens\u00e9e qu'une photo doit passer par son n\u00e9gatif y a l\u00e0 d'apr\u00e8s moi un signe bondira bondira pas le monde a-t-il une volont\u00e9 une repr\u00e9sentation ou joue-t-il plut\u00f4t de la fl\u00fbte jamais les savants ne reconnaissent une correction de base s'ils ne l'ont pas faite eux-m\u00eames il faut que naisse une nouvelle puis une nouvelle g\u00e9n\u00e9ration et d\u00e9j\u00e0 la production suit son cours le patron les mains dans les poches engueule ses ouvriers on sent qu'on est au lendemain d'une gr\u00e8ve et pourtant la t\u00e9l\u00e9 partout la biologie la chimie oui mais pas d'sujet pour en faire vraiment son d\u00eener alors t'\u00e9cris dans une question non pos\u00e9e exactement d'o\u00f9 l'effort et la gymnastique mais aussi la fen\u00eatre ouverte salut munich madrid copenhague vienne oslo immediate boarding salut \u00e0 bient\u00f4t je retourne en ville j'ai la pens\u00e9e par hasard que la couleur pense par elle-m\u00eame efface le geste qui consiste en un poing ferm\u00e9 de couleur puis j'arrive cavernes grottes stalactites stalagmites fontaines geysers il ne faut pas vendre la peau de l'ours vue des alpes tir\u00e9e vers sommeil est-ce que trag\u00e9die vient vraiment de \u00f4d\u00e8 chant de tragos bouc achetez notre \u00e9dition luxe dor\u00e9e sur tranche de ce livre populaire les mis\u00e9rables ils l'avaient tous sur leur table de chevet catherine de m\u00e9dicis napol\u00e9on hitler staline ils ont cri\u00e9 leur admiration pour le prince de machiavel c\u00e9sar borgia pr\u00eat \u00e0 tout je reprends donc l'enfer a une porte de fer et un seuil de bronze ce qui prouve bien qu'il \u00e9tait pour eux la figuration du pass\u00e9 formes p\u00e2les tremblantes pas du tout enviables had\u00e8s le riche pluton qui nous re\u00e7oit tous autrement dit souvenirs foireux aucune valorisation de l'enfance alors que nous \u00e7a chaufferait plut\u00f4t par-derri\u00e8re en derni\u00e8re analyse il ne se passe rien d'autre que la liaison avec le soleil floraison br\u00fblure aspir expir au fond la vall\u00e9e brumeuse contreforts de bronze ac\u00e9r\u00e9 cr\u00eates moraines lacs jade nous en sommes-l\u00e0 tout juste volant au-del\u00e0 j'ai aval\u00e9 une fameuse gorg\u00e9e de poison et alors rien des lunes blanches des lune noires un autre sens des distances bras plus long dans l'\u0153il attention ne fumez plus attachez vos ceinres envoyez \u00e7a par t\u00e9lex nouveau moteur injection donc le vieux ouvrait et fermait les m\u00e2choires lynx tachet\u00e9 au bord des falaises pourquoi \u00e9tudier quand passent les blanches ailes du temps qu'il est doux le mont taishan o\u00f9 la mer est tir\u00e9e de l'oubli hors de l'enfer l'ab\u00eeme hors de la poudre et de l'\u00e9clat du mal couche-toi dans l'herbe \u00e0 30 m au-dessus de la mer \u00e0 port\u00e9e de la main du coude cristallin \u00e0 l'envers de l'eau transparent sur un lit de cailloux communiquer s'arr\u00eater voil\u00e0 la loi du discours aller loin finir simplex munditiis comme la chevelure de circ\u00e9 les graines de la mort traversent l'ann\u00e9e semina motuum brillaient les yeux non masqu\u00e9s dans l'espace au milieu du masque les nouvelles mettent longtemps \u00e0 courir \u00e0 travers la translucide ignorance des lieux omnia quae sunt lumina sunt from the colour the nature and from the nature the sign para\u00eet qu'il est rest\u00e9 ainsi d'excellente humeur pendant tout l'\u00e9t\u00e9 45 obtenant le droit d'utiliser le soir la machine \u00e0 \u00e9crire de l'infirmerie apr\u00e8s quoi il travaillait sous sa tente et le ferraillement de la machine attaqu\u00e9e par l'index \u00e9tait ponctu\u00e9 par un bourdonnement aigu qu'il lan\u00e7ait au coup de sonnette \u00e0 la fin de la ligne il \u00e9tait de plus en plus d\u00e9prim\u00e9 un soir je lui empruntai un de ses livres chinois ne le perds pas rends-le moi demain matin me dit-il c'est ma chair et mon sang tous les autres pratiquement ont eu la migraine pull down thy vanity i say pull down mais qu'est-ce qui vous relie \u00e0 la vie du moment que vous avez rejoint la certitude de l'incertitude rien ne me relie \u00e0 la vie simplement j'y suis plong\u00e9 non ne vous excusez pas vous appartenez au cosmos vous participez donc \u00e0 sa minuscule parcelle de v\u00e9rit\u00e9 moi par contre je ne suis plus je ne suis plus quoi je ne suis plus j'ai perdu le pouvoir d'atteindre ma pens\u00e9e avec des mots je voudrais expliquer je je je mais tout est si difficile tout est si inutile \u00e0 mon avis on d\u00e9pense des milliards pour \u00e9touffer dix-sept passages de l'histoire que les copistes du moyen \u00e2ge et des \u00e9poques plus r\u00e9centes ont eu la stupidit\u00e9 de laisser passer par rapport au confucianisme on peut ramener le christianisme \u00e0 un seul commandement tu te m\u00ealeras des affaires d'autrui avant de r\u00e9gler les tiennes le fric la roue des imp\u00f4ts plus facile de peupler l'enfer que le paradis pas vrai ou alors certains mouvements inattendus un vol de phosphore \u00e9vaporation des atomes apr\u00e8s l'air filtr\u00e9 on n'est jamais assez simple l\u00e0 l\u00e0 vraiment simple l\u00e0 suspendu les courants m\u00eal\u00e9s so he spoke and the river-god at once stopped his stream held back his waves and made the water calm before him and brought him safely to the river-mouth voil\u00e0 elle me regardait sans cesse et elle dit t\u00e9l\u00e9phone-moi et moi tu me plais et elle mais tu ne m'as jamais vue et moi mais si tous les jours par la fen\u00eatre et elle ah non tu ne m'as pas vue tu m'as vu travailler r\u00e9ponse mais je voulais qu'elle me surprenne couvert de savon et bandant pour elle de sa mani\u00e8re de tourner la t\u00eate et d'y revenir aimant\u00e9e avec l'ennui c'est normal n'emp\u00eache que la premi\u00e8re question est un rite alors t'es mari\u00e9 euhfm t'es mari\u00e9 passons \u00e7a m'rappelle que ma grand-m\u00e8re \u00e0 quatre-vingt-dix ans aveugle ne quittant plus son fauteuil racontait encore comment il mettait son alliance dans un tiroir pour aller danser le samedi soir mais en tout cas il n'a pas mang\u00e9 mon argent \u00e7a non un escrimeur comme lui qui avait tir\u00e9 devant la reine d'italie et puis les chevaux de courses fallait tout d'm\u00eame la dose pour mettre ensemble deux fr\u00e8res et deux s\u0153urs les faire habiter dans deux maisons sym\u00e9triques chambre \u00e0 coucher contre chambre \u00e0 coucher est-ce qu'ils s'entendaient \u00e0 travers le mur tout \u00e7a est pass\u00e9 maintenant comme la moyenne industrie westminster cette banque les a eus en d\u00e9finitive ras\u00e9s les acacias magnolias sapins marronniers palmiers un trou noir dans le paysage et dessus un supermarch\u00e9 avec parkings n\u00e9on dix \u00e9tages \u00e7a m'oblige plus d'une fois la nuit \u00e0 reconstituer certains coins comme qui dirait en r\u00eave un pied apr\u00e8s l'autre je reviens toujours du m\u00eame c\u00f4t\u00e9 pr\u00e8s des v\u00e9randas sous la neige ou l'odeur de l'herbe coup\u00e9e ou le poulailler probablement forts investissements sexuels auf wiedersehen kleiner hans nous sommes dans ce fourreau en r\u00e9alit\u00e9 c'est la vie de tous et aussi ma vie qui de temps en temps traverse la sc\u00e8ne ce n'est pas moi qui choisis l'articulation la pression et n'oublie pas l'expression c'est son portrait tout crach\u00e9 elle en vaut la peine maintenant ils disent 1920 c'\u00e9tait une querelle beaucoup d'eau a coul\u00e9 sous les ponts voyons ce congr\u00e8s de tours au fond on \u00e9tait d'accord photo d'ho chi-minh levant sa carte de d\u00e9l\u00e9gu\u00e9 depuis l'asie s'est press\u00e9e quelles chute quelle cascade or qu'est-ce qu'une famille des slips des cols des mouchoirs maman pourquoi les p'tits bateaux qui vont sur l'eau o\u00f9 sont les berceuses une fa\u00e7on de sauver les meubles le probl\u00e8me du fran\u00e7ais dit-il c'est pas d'ext\u00e9riorit\u00e9 l'hexagone et maintenant sous pr\u00e9texte que l'un deux a \u00e9crit toute l'\u00e9criture est de la cochonnerie ils sont persuad\u00e9s que toute cochonnerie est de l'\u00e9criture con cul bite couilles muqueuses giclures merde vulve sang \u00e9tron \u00e7a n'arr\u00eate plus chacun nous envoie son bocal maintenant au laboratoire on n'a plus assez d'\u00e9tiquettes y a dans l'organe quelque chose qui les \u00e9pate refoulement boucherie new-look cons\u00e9quence gonflements dans le d\u00e9gueulis l'harmonie devient hors de prix ces jours-ci tu comprends l'ennuyeux c'est qu'on peut pas sauter un mot une ligne d'une part on peut pas lire d'un trait d'autre part on peut pas s'arr\u00eater tu crois pas qu'il faudrait des blancs des chapitres \u00e7a m'rappelle l'histoire du type qu'est en train de baiser une fille sur la voie ferr\u00e9e arrive le train la locomotive stoppe au dernier moment le m\u00e9canicien crie et alors et le type r\u00e9pond ben quoi c'lui qu'a des freins y s'arr\u00eate comme si la pulsion \u00e9tait pas constante comme si y'avait l'temps de mettre virgule point-virgule et tout le bazar comme si \u00e7a transmettait pas 24 sur 24 c'est \u00e0 vous de vous transformer chacun son foss\u00e9 ah encore une chose franchement le retour du lyrisme bon enfin il est \u00e9tonnant ce type simple virtuosit\u00e9 au fond pas grand chose genre strawinsky passage en spirale d'un genre \u00e0 un autre capacit\u00e9 de plagiat l'authenticit\u00e9 est quand m\u00eame autr'chose non je voulais dire tous ces ah ces oh l\u00e0 je ne marche pas le vocatif n'est pas convaincant m\u00eame ironis\u00e9 c'est us\u00e9 bref vous voulez pas d'\u00e9pop\u00e9e cqfd tu connais celle de l'arroseur bais\u00e9 baiseur d'arros\u00e9 oui chuchotez phallux et l'air s'ouvrira jour j heure h minute m seconde s instant i temps t vitesse v ddx visibilit\u00e9 assur\u00e9e tous emplois mivta miktav mahshav et tout cela t'arrivera apr\u00e8s avoir jet\u00e9 au loin tablette et plume ou apr\u00e8s qu'elles t'auront \u00e9chapp\u00e9 \u00e0 cause de l'intensit\u00e9 et sache que plus le flux sera fort plus ton r\u00f4le int\u00e9rieur et ext\u00e9rieur sera faible sois pr\u00eat \u00e0 ce moment \u00e0 recevoir consciemment la mort puis retourne aux conditions du corps l\u00e8ve-toi mange une odeur agr\u00e9able jusqu'\u00e0 la prochaine fois mevin daatan devekuth et voici que les lettres prirent \u00e0 mes yeux la forme de grandes montagnes un fort tremblement me saisit et je ne pouvais plus trouver de force mes cheveux se dressaient ce fut comme si je n'\u00e9tais plus de ce monde et voici qu'apr\u00e8s \u00eatre tomb\u00e9 quelque chose comme un discours s'\u00e9chappa de mon c\u0153ur vint sur mes l\u00e8vres tout ceci arriva donc \u00e0 votre serviteur \u00e0 ses d\u00e9buts j'ajoute que dans l'accomplissement du bond on doit placer les consonnes que l'on est en train de combiner dans un mouvement rapide et plus loin est la flamme de l'\u00e9p\u00e9e qui tournoie la pointe prenant la place du manche il me semble que c'est cette forme qu'ils appellent rev\u00eatement malbush et les lettres 'otiyot viennent du verbe 'ata venir proc\u00e8s des racines feu huile \u00e9ther combien sommes-nous \u00e0 la porte pourquoi une porte il y a ce feuillage brusque entre la question et nous le vent la r\u00e9ponse ayant ainsi parl\u00e9 le dieu aux rayons clairs tire du sol une herbe qu'il m'apprend \u00e0 conna\u00eetre avant de la donner la racine en est noire et la fleur blanc de lait molu disent-ils mais vas-y mollo ce n'est pas sans efforts que les mortels l'arrachent mais les immortels peuvent tout affaire de nectar de cr\u00e8me puis il disparut dans les bois et j'entrai combien de pens\u00e9es bouillonnaient dans mon c\u0153ur combien de paroles ail\u00e9es voulant sortir de mes dents serr\u00e9es et alors j'eus le droit de faire tinter les images aurore doigts de rose voiles de safran ou berceau de brume et ar\u00e8s dit vite quel plaisir de s'aimer h\u00e9phaestos est en route et voil\u00e0 le d\u00e9sir du lit prit la d\u00e9esse \u00e0 noter que l'\u00e9pisode de la d\u00e9livrance des guerriers chang\u00e9s en porcs dont ils ont la t\u00eate la voix et la soie est li\u00e9 \u00e0 l'affranchissement des esclaves comme quoi tout se tient malgr\u00e9 les contours je ne sais pourquoi le soleil maintenant tombe et se l\u00e8ve de fa\u00e7on que j'ai nuit jour en simultan\u00e9 bruit b\u00e9tonneuse brise la lumi\u00e8re nous parvient m\u00e9lang\u00e9e plus loin dans le four la v\u00e9rit\u00e9 qui sort du co\u00eft c'est quand \u00e7a divise au-del\u00e0 mais quoi au-del\u00e0 oui d'accord rien d's'p\u00e9cial mais le vide veut et \u00e7a vibre le huit l\u00e2ch\u00e9 du retour bras pos\u00e9 sur la jambe coude main joues pieds genoux c'est dans tes cheveux que \u00e7a joue miel cuivr\u00e9 dor\u00e9 chaud frais sous les arbres encore les g\u00e2teaux coup d'pot d'aborder pour soi l'g\u00e9natal d'ailleurs le f\u0153tus avanc\u00e9 chez qui le cerveau se structure r\u00eave plus que l'adulte et le maximum correspond \u00e0 la p\u00e9riode de maturation qui suit imm\u00e9diatement la naissance allez-y vous verrez du treizi\u00e8me jour de la vie embryonnaire au quatorzi\u00e8me apr\u00e8s l'expulsion s'effectue une migration des pr\u00e9curseurs des graines lesquels arrivent au niveau des cellules fibr\u00e9es puis les d\u00e9passent les sots dit d\u00e9mocrite craignant la mort d\u00e9sirent devenir vieux le croirez-vous eh bien ma bo\u00eete grandit r\u00e9ellement page \u00e0 page il faudrait arriver d'un coup d'aile au-dessus des pics \u00e0 la bulle en fleur appel\u00e9e asie enstase disent-ils pas extase et moi je corrige c'est pas plus dedans que dehors vu que l'in est depuis longtemps out lorsqu'il rentre et quand m\u00eame soyons plus pr\u00e9cis rien dedans rien dehors pas plus de mains que de poches premier anus rouge quatre p\u00e9tales carr\u00e9 centre trou queue deuxi\u00e8me sexe orang\u00e9 six p\u00e9tales croissant de lune troisi\u00e8me bleu dix p\u00e9tales trio rouge sombre quatri\u00e8me dans la r\u00e9gion du c\u0153ur r\u00e9sonnant d'un son bien qu'aucun instrument ne s'y trouve air rouge douze p\u00e9tales d'or sceau salomon cinqui\u00e8me dans la gorge brun seize p\u00e9tales disque blanc sixi\u00e8me front d'\u0153il lotus deux p\u00e9tales triangle centre blanc trou queue rappel du premier arriv\u00e9e mais bien entendu un en plus sur la fontanelle l'occiput en fin de moelle \u00e9pini\u00e8re mille p\u00e9tales oiseau fleuri renvers\u00e9 regardant de haut le sommet un peu beaucoup passionn\u00e9ment pas du tout violet foudre alors qu'est-ce qu'on attend on y va chacun sa brochure comment distinguer le spectateur du spectacle lamvamramyamham splash c'est comme \u00e7a qu'on casse bon alors je pars demain pour bombay raconte un peu fais-nous un article all\u00f4 comment vas-tu pas bien quel genre c'est moi qui cloche en un sens c'est fou avec tout ce qu'il y a \u00e0 \u00e9crire \u00e0 vivre simplement en laissant courir c\u00f4t\u00e9 sujet appendices discours l'ennuyeux c'est qu'il n'y a plus de critique faudrait retrouver aujourd'hui la rapidit\u00e9 marx-engels une goutte d'eau peut faire d\u00e9border un vase oui mais tu ne peux pas remplir l'autre vase sauf qu'il y a ce moment o\u00f9 le flot d\u00e9borde occupations fourmis barricades \u00e7a m\u00e9rite de br\u00fbler un peu cageots panneaux signaux et autos tu te souviens comme on s'embrassait au petit matin brume pr\u00e8s des quais apr\u00e8s l'incendie et les flics passent ils tapent sur le capot alors on est pas invit\u00e9 tu t' rends compte s'ils avaient demand\u00e9 d'ouvrir le coffre moi j'me faisais passer pour infirmier je franchissais comme \u00e7a les barrages en tenant l'poignet d'un mec sur civi\u00e8re fallait d\u00e9marrer fus\u00e9e devant les charges \u00e9tonnant quand le pouls se cherche \u00e0 travers les rues les manifs et maintenant pour la plupart c'est l'exil interne salut ici il fait beau l'europe est d\u00e9cid\u00e9ment trop froide pour mon temp\u00e9rament ou encore je crois que je vais commencer l'analyse ch\u00e9rie je t'\u00e9cris avec un stylo qui br\u00fble je ne t'ai jamais assez dit \u00e0 quel point le vice est ma seule passion cratcher \u00e0 la moindre occasion \u00e0 la moindre pente chaque fois \u00e7a souffle du c\u00f4t\u00e9 gonfl\u00e9 par chaque intervalle chaque fente regarde bien ce mot chaque chac chac ma folie aujourd'hui c'est partout o\u00f9 c'est vu voyant vu parlant parl\u00e9 nu \u00e9mu cuisses pieds fuites d'ombre encore jamais assez encore et le volume se fait loin pr\u00e8s d\u00e9gag\u00e9 donc ma main br\u00fble et mon papier br\u00fble ouvre-moi que j'dise vraiment laisse-moi toi moi mais je m'\u00e9nerve dans les mots mes mots dans les mots combien d'oxyg\u00e8ne d\u00e9pens\u00e9 pour rien mais non pas pour rien la raison est l\u00e0 double entr\u00e9e miroir biseaut\u00e9 voici les raies plus creus\u00e9es deux points courants d'ondes quelque chose a \u00e9t\u00e9 ferm\u00e9 au d\u00e9part donc arriv\u00e9e d\u00e9part arriv\u00e9e les taches sont le code ou la poudre ab\u00eeme blanchi \u00e9tal\u00e9 furieux alors on vient crever l\u00e0 nous aussi ponctuation aval\u00e9e inde non vult nisi cum transierit videri posteriora sua ut in ejus resurrectionem credatur en toutes lettres par le post\u00e9rieur l'ant\u00e9rieur res intentio memoria interna visio voluntas tua trois par trois mens notitia amor mea doctrina non est mea quand il viendra il ne parlera pas de lui-m\u00eame mais tout ce qu'il entendra il le dira je te couvrirai de la main quand je passerai puis j'enl\u00e8verai ma main et tu me verras de dos sous ma faux donc le serpent repr\u00e9sente la mort au d\u00e9sert effet cause et la verge grouillant de serpents c'est lui dans la mort mangeant et le serpent redevenu verge c'est encore lui vivant revenant je r\u00e9p\u00e8te il ne parlera pas de lui-m\u00eame mais tout ce qu'il entendra il le dira augustin scripsit 399 avec une seule allusion \u00e0 la musique viens suis-moi n'aies pas peur viens pr\u00e8s de l'eau tu entends ces \u00e9chos rondes sarabandes appels du veilleur vibrato peut-il exister ce monde percussion libre pourrons-nous finir jet\u00e9s bombard\u00e9s \u00e9coute m\u00eame toi il te faut six heures de sommeil sous machine comment penser le repos plaisir quand \u00e7a craque au fond j'aimerais mourir dans les madrigaux \u00e9cartant \u00e0 demi les lignes quoi encore un caillot un filet un hoquet marin\u00e9 de sang voil\u00e0 d\u00e9tends-toi laisse couler c'est cadavre simple tu comprends la plupart s'affolent se crispent \u00e7a leur saute partout dans la gorge quand leur c\u0153ur accroche en tacot on dirait qu'ils vont cracher des dents de syllabes donc il ne parlera pas de lui-m\u00eame mais tout ce qu'il entendra il le dira l'\u00e9vidence m\u00eame la jouissance la mort peu profonds ruisseaux finalement je te donne pas la main parce que je te d\u00e9sire et que je joue pas avec mes d\u00e9sirs alors les yeux et pas la main voil\u00e0 c'est comme \u00e7a bleue blonde diction toute allure bien entendu si on avale \u00e7a prend du volume souviens-toi hydrophile mad\u00e8re hydromadaire et la pomme \u00e7a marche tout seul donc le petit d\u00e9jeuner demain \u00e0 dix heures et maintenant je vais te demander de partir parce que je suis pas de sel compl\u00e8tement saoul elle avait six yeux quatre plus deux le whisky ashes vraiment ce m\u00e9lange je m'demande \u00e7'que \u00e7a peut donner la corbeille de fruits beata virgine pour ch\u0153ur et orchestre je dis sympathie je dis amiti\u00e9 \u00e7a n'arrive pas tous les jours le fait de sonner lui avait fait dire un truc genre en pleine nuit c'est la gestapo un lambeau de r\u00eave et moi \u00e7a vous rappelle quelque chose et elle non et moi quelque chose dans votre famille et elle non et moi quelque chose qu'on vous a racont\u00e9 et elle non non et voil\u00e0 on arrive foi c\u00e9ment au rebord et elle dit ah c'est bien une r\u00e9flexion de goy on peut aller vite au centre dans toute situation et alors silence \u00e0 un de ces jours au revoir il faut essayer de ne pas choisir j'atteins ici le point z\u00e9ro r\u00e9sistance juste apr\u00e8s ce serait quoi perpetuum mobile alors quoi tu fais de la litt\u00e9rature d'\u00e9vasion mais non d'invasion \u00e7a vous fait chier pas vrai qu'on s'balade qu'il y ait un sujet pour \u00e7a passeport \u00e0 quelques exceptions pr\u00e8s il est vrai je les aime ce qui m'amuse le plus c'est de voir le penseur devenant chien-chien siffl\u00e9 par maman \u00e7a ne rate jamais viens ici roucoucouche ils croient toujours \u00eatre au-dessus en face au-dehors pensant qu'on peut r\u00e9crire m\u00eame la divine com\u00e9die ah si le fils n'ob\u00e9it plus o\u00f9 va le vieux monde est-ce que les dipl\u00f4mes auront la m\u00eame valeur et nous alors o\u00f9 est-ce qu'on s'met si le langage commence \u00e0 rouler machin apportez-moi ce que vous avez l\u00e0 sur vos genoux qu'est-ce que \u00e7a veut dire j'en parlerai \u00e0 monsieur l'proviseur vous me copierez cent fois le rythme est un d\u00e9mon inf\u00e9rieur mais monsieur si le g\u00e9n\u00e9ral se rapporte \u00e0 lui-m\u00eame il s'enflamme la n\u00e9gation qui forme le fond de la cause est la rencontre positive de la cause avec elle-m\u00eame et d'ailleurs l'action r\u00e9ciproque \u00e9tant la causalit\u00e9 la cause ne s'\u00e9teint pas seulement dans l'effet sortez petit insolent ta gueule vieux schnock le p\u00f4le nord du monde ph\u00e9hom\u00e9nal est le p\u00f4le sud du monde en soi qu'est-ce que l'un une limite \u00e9liminatoire et l\u00e9nine le dit sobrement la pens\u00e9e doit embrasser toute la repr\u00e9sentation et pour cela doit \u00eatre dialectique \u00e0 savoir divis\u00e9e en soi in\u00e9gale alt\u00e9r\u00e9e j'ai soif qu'est-ce que tu pr\u00e9f\u00e8res les pieds dans l'eau ou le feu partout des bouts de seins sortent de la peau d\u00e9bouchant les pores des points noirs abc\u00e8s farineux bites jarrets tendus tendineux ek ce go\u00fbt \u00e9touffant p\u00e2teux dans les bronches ce pus lait pourri sperme aigri et maintenant voil\u00e0 sur l'\u00e9paule marqu\u00e9e en coulisse ces algues de sang pattes d\u00e9couvrant le tuyau us\u00e9 entam\u00e9 mais \u00e7a va claquer en trach\u00e9e le moteur est foutu d'art\u00e8re je r\u00eave l'aorte l\u00e0 je sors je sors pas qui coupe le cordon jet d'urine qui tranche se d\u00e9file reste ou devient mais qui oh qui donc toujours le m\u00eame truc alors on y va \u00e7a marche on finit de nouveau germ\u00e9 dans l'bais\u00e9 pompe \u00e0 merde sanglant bais\u00e9 fissur\u00e9 traction carr\u00e9 d'atout ma\u00eetre bordel me voil\u00e0 fun\u00e8bre encore une fois dans le puits \u00e7a va pas recommencer non de profundis vein\u00e9 cave eh oh j'en appelle o\u00f9 est le bouton affirmatif vite viens ici mon seul que j'te s\u00e9lectionne alors tu l'as tu l'as pas en tout cas confr\u00e8re on l'est pas et comme ne cesse de le r\u00e9p\u00e9ter le grand syllogisme de l'hyst\u00e9rique loi mar\u00e9e sublunaire je l'aime or je suis lui donc il est mort \u00e0 l'aube il se tra\u00eene jusqu'\u00e0 la salle de bains bref regard dans le miroir les toits se colorent quelle nuit sur les rames quelle barrique j'en ai assez assez ou alors courage de vouloir aussi cet assez \u00e0 l'extr\u00e9mit\u00e9 en une demi-seconde c'est la tentation gorg\u00e9e crue car il est exclu de s'exprimer ici dans la conf\u00e9rence allume non ouvre le gaz non saute allez vas-y donc saute non avale tout \u00e7a non et non le couteau non les lames de rasoir dans l'eau chaude non c'est l'moment o\u00f9 t'es la ration tu vois le quartier de viande comme on l'oublie pas vrai cette barbaque de jour alors j'ai dit bon \u00e7a va je joue ma coupure l\u00e0 voil\u00e0 j'arrive je la pose sur le tapis il y eut un moment de vertige l'assembl\u00e9e retenait son souffle quelques femmes vinrent me palper la masse de vraies somnambules cependant le malaise grandissait \u00e0 vue d'\u0153il n'importe qui aurait donn\u00e9 n'importe quoi pour qu'\u00e9clate un torrent d'orage et un type se l\u00e8ve et commence \u00e0 chuchoter de plus en plus fort selva oscura et moi je pense allons bon c'est \u00e7a il faut tout reprendre donc je reviens dans mon lit mais l'autre est rest\u00e9 courb\u00e9 sur le lavabo la t\u00eate sous l'eau et alors je cadre bon soleil couch\u00e9 corps couch\u00e9 pens\u00e9es couch\u00e9es sous la vo\u00fbte terre feu d'air couch\u00e9 ite tissa est double ciel couch\u00e9 poussi\u00e8re grains lumineux bonsoir je suis crev\u00e9 pas toi mais \u00e7a marche pas je reste suspendu et \u00e7a tourne je ne sens plus rien ni mes mains que dit amos les jours viennent o\u00f9 j'enverrai la famine et ils courront d'une mer \u00e0 l'autre depuis l'aquilon jusqu'\u00e0 l'orient sans rien trouver ni entendre et je frapperai la maison d'hiver avec la maison d'\u00e9t\u00e9 et les palais d'ivoire seront d\u00e9truits le bruit de ses paroles \u00e9tait une multitude traumgedanke un temps des temps une moiti\u00e9 de temps apr\u00e8s nous \u00e7a ira moins bien mais tant que nous sommes l\u00e0 \u00e7a ira que dit isa\u00efe je me suis tu pendant longtemps j'ai \u00e9t\u00e9 dans le silence je me suis retenu mais je crierai comme une accouch\u00e9e je d\u00e9truirai j'engloutirai tout que dit j\u00e9r\u00e9mie informez-vous pour voir si un m\u00e2le enfante pourquoi donc ai-je vu tout homme ayant ses mains sur ses reins comme dans une grossesse pourquoi tous les visages sont-ils maintenant jaunis ce qui bouge c'est la s\u00e9rie timbres par exemple en 1909 six pi\u00e8ces pour orchestre opus 6 roman bref soupir klangfarbenmelodie klangmomente et vous voudriez que la tonalit\u00e9 continue non mais lueur projecteur courant de toutes les lumi\u00e8res ensemble il t'enveloppera te transportera te fera rouler vite comme une boule dans un pays large spacieux et la terre sera froiss\u00e9e remu\u00e9e pioch\u00e9e et chaque forme aura sa loi dans les bois the west shall shake the east awake fantasy funtasy on fantasy amnes fintasies rien d'nouveau sous le ventricule alors ils fum\u00e8rent et chacun devint ce qu'il \u00e9tait le doux doux le virulent violent l'incertain certain le douteur fouteur et ils eurent l'impression de p\u00eacher la truite quelque part sur les hauts plateaux tout en ramassant leur ethnique et la femme fit l'homme d\u00e9faisant la femme et leur m\u00e9li-m\u00e9lo s'enclencha et la roue fut l\u00e0 rayonnante et les r\u00e9cifs s'aplanirent les volcans se turent les fleuves se rengain\u00e8rent et il retrouva sa chanson en combinaison la nature condens\u00e9e dans son p'tit sixi\u00e8me allegro ma non troppo a\u00e9r\u00e9 cependant l'alerte avait \u00e9t\u00e9 chaude conclusion ils d\u00e9cid\u00e8rent de souffler un peu histoire de monter d'un poil les reliefs moralit\u00e9 on ne va pas plus loin que la plante d'immoralit\u00e9 ou encore j'ai trouv\u00e9 la cl\u00e9 dans les champs contents d'la travers\u00e9e mecs contents du courant les filles faut avouer qu'on y perd du poids sous mimique kilusu kilucru kiluentendu avec \u00e7a le calme descend dans les cendres feu couvant sous langue on est pas chez soi et il enl\u00e8vera l'enveloppe redoubl\u00e9e des peuples la couverture \u00e9tendue sur toute nation nous avons con\u00e7u nous avons \u00e9t\u00e9 en travail mais nous n'avons enfant\u00e9 que du vent c'est pourquoi va entre sors rentre ressors ferme-toi sur toi cache-toi de toi hors de toi reviens sors rentre vite et si la voix crie tombant d'hydrog\u00e8ne alors que crierai-je crie-lui toute chair est comme l'herbe l'ombre la ros\u00e9e du temps dans les voix\n","meta":{"redpajama_set_name":"RedPajamaBook"}}